Nord-Deutsche Versicherungs Gesellschaft,
United Kingdom Mutual Steam Ship Assurance
Association Limited et Fischer Bearings Manu
facturing Limited (Requérantes)
c.
La Reine (Intimée)
et
Koninklijke Nederlandsche Stoomboot-Maats-
chappij N.V. Netherlands Steamship Company
(Mise en cause)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Noel—Montréal, le 4 novembre;
Ottawa, le 22 décembre 1971.
Droit maritime—Limitation de la responsabilité du pro-
priétaire du navire—Loi sur la marine marchande du
Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, art. 648—Procédure—Règle
1012 de la Cour fédérale.
Une action en limitation de responsabilité du propriétaire
d'un navire en vertu de la Loi sur la marine marchande du
Canada doit être engagée par un acte introductif d'instance
ou par une demande dans les cas simples, mais par une
déclaration dans les cas compliqués lorsque le droit de
limiter risque d'être contesté.
REQUÊTE.
A. S. Hyndman, c.r., pour les requérantes.
B. M. Des chênes et P. M. Troop pour
l'intimée.
J. Brisset, c.r., pour la mise en cause.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOEL—Il s'agit
d'une requête par laquelle les requérantes, la
Nord-Deutsche Versicherungs Gesellschaft et la
United Kingdom Mutual Steam Ship Assurance
Association Limited, assureur de la coque et
membre de l'association de protection et d'in-
demnisation du navire Transatlantic, deman-
dent des directives sur un certain nombre de
questions qui seront exposées ci-dessous et
demandent que cette Cour ordonne:
a) qu'on accorde aux requérantes, ainsi
qu'aux propriétaires du Transatlantic, savoir,
la Poseidon Shiffahrt G.M.B.H., l'autorisation
d'intenter des poursuites contre Sa Majesté la
Reine, intimée, en se prévalant de la limita
tion de responsabilité, le tout dans les délais
et aux conditions qui pourront être jugés
appropriés;
b) qu'en attendant une décision portant sur le
droit des requérantes aux présentes et des
propriétaires du Transatlantic de limiter leur
responsabilité en vertu du droit canadien, les
parties continuèrent à calculer les dommages-
intérêts dus aux requérantes en l'espèce, mais
que le paiement de ces dommages-intérêts
soit reporté à la date du jugement portant sur
le droit de l'intimée de déduire de ces dom-
mages-intérêts les vingt pour cent (20%) de
toute autre somme qu'elle devra payer pour
les avaries subies par la requérante Fischer
Bearings Manufacturing Limited, la mise en
cause Koninklijke Nederlandsche Stoom-
boot-Maatschappij N.V. et toutes les requé-
rantes aux autres actions, nées de l'abordage,
qui ont subi des dommages et qui ont intenté
des actions;
c) que le règlement des questions mention-
nées aux alinéas a) et b) ne doit en aucun cas
porter préjudice aux droits de la requérante
Fischer Bearings Manufacturing Limited, en
sa qualité de représentant de l'ensemble des
intéressés dans la cargaison à bord du Tran
satlantic qui devraient, en tout état de cause,
recevoir la totalité de leurs dommages-inté-
rêts comme l'a décidé la Cour suprême du
Canada dès que le montant de ces dommages-
intérêts sera connu.
Rapportons brièvement les problèmes impli-
qués en l'espèce qui ont donné lieu à la présente
requête. Par décision rendue le 27 avril 1971, la
Cour suprême du Canada a confirmé en partie
l'appel de la Couronne et lui a permis de
déduire des dommages-intérêts qu'elle doit
verser aux présentes requérantes (l'assureur de
la coque et l'association P & I) vingt pour cent
(20%) des sommes qu'elle doit verser à la tierce
requérante, savoir, la Fischer Bearings Manu
facturing Limited, cette dernière représentant
tous les intéressés dans la cargaison à bord du
N/M Transatlantic. Les chiffres sont encore en
discussion, mais il semblerait que le montant, y
compris l'intérêt, que la Couronne devra verser
à la requérante, Fischer Bearings Manufactur
ing Limited, s'élèvera à environ $3,222,975.83
dont 20% feraient $644,595.17.
Dans l'action portant le numéro du greffe
T-314-71, où les propriétaires du navire Hermes
sont les requérants, lesdits propriétaires et l'a-
vocat de la Couronne se sont mis d'accord pour
fixer les dommages subis par ces derniers, à la
somme de $277,614.91 dont 20% feraient
$55,522.98.
Les propriétaires du Transatlantic, savoir, la
Poseidon Shiffahrt G.M.B.H., ont été constitués
parties à ladite action, numéro T-314-71, par
voie d'avis au tiers déposé le 10 mai 1967, dans
lequel la Couronne demandait aux propriétaires
du Transatlantic de l'indemniser pour tous les
dommages-intérêts qu'elle devait payer aux pro-
priétaires du Hermes. A la lumière de la déci-
sion de la Cour suprême du Canada, il est
possible que la Couronne ait à payer aux pro-
priétaires du Hermes 70% des $277,614.91 de
dommages-intérêts convenus, et qu'elle inclue
dans sa demande contre les requérantes aux
présentes 20% des dommages subis par le
Hermes soit $55,522.98
L'avocat des requérantes aux présentes souli-
gne que la Cour suprême du Canada, et notam-
ment l'honorable juge Ritchie, a déclaré que «la
responsabilité quant à la réparation du dom-
mage causé par cet abordage devrait être répar-
tie ... 20% pour ceux qui étaient responsables
du N/M Transatlantic» et a mentionné les requé-
rantes aux présentes comme «les représentants
des propriétaires du Transatlantic», en consé-
quence, l'avocat prétend que les déclarations et
conclusions sus-mentionnées de la Cour impli-
quent nécessairement l'identification des requé-
rantes aux présentes aux propriétaires du
Transatlantic.
Conformément aux articles 647 et suiv. de la
Loi sur la marine marchande du Canada,
S.R.C. 1970, c. S-9, le propriétaire d'un navire,
immatriculé ou non au Canada, en présumant
l'absence de faute ou complicité réelle de sa
part, n'est pas responsable des dommages-inté-
rêts à l'égard de toute avarie ou perte de biens
ou de toute violation des droits d'un montant
supérieur à 1,000 francs or pour chaque ton-
neau de jauge du navire et l'équivalent en
devise canadienne de 1,000 francs or était de
$71.60. Le jaugeage enregistré du Transatlantic
était de 3,215.96 et son jaugeage brut était
5,521.18; bien qu'on n'ait pas encore établi la
déduction à faire de l'espace occupé par la salle
des machines, il est peu probable, suivant l'avo-
cat des requérantes, que le tonnage du Transat-
lantic aux fins de la limitation de responsabilité
dépasse de beaucoup 4,000 tonnes ce qui signi-
fie que la limite de sa responsabilité serait d'en-
viron $356,851.54. Si, par suite des paiements
faits à la requérante Fischer Bearings Manufac
turing Limited et au propriétaire du Hermes, la
Couronne cherche à déduire des sommes paya-
bles aux requérantes aux présentes la somme de
$644,595.17, ce montant dépassera largement
de $287,743.63 la limite de responsabilité pour
dommages aux biens des propriétaires du
Transatlantic.
J'estime que la présente requête doit être
faite en vertu de la Règle 1012 des Règles de
cette Cour qui expose la procédure à suivre
quand une partie désire établir un droit de limi
tation de responsabilité en vertu de l'article 647
de la Loi sur la marine marchande du Canada.
Avant la décision non publiée, rendue dans
l'affaire Margrande Compania Naviera S.A. c.
Le «Leecliffe Hall» [1970] R.C.E. 870, toute
partie désirant limiter sa responsabilité intentait
simplement une action en limitation et, si elle
établissait qu'elle avait le droit de limiter sa
responsabilité, elle obtenait une ordonnance
établissant le montant de sa responsabilité.
Dans l'affaire Margrande, j'ai expliqué pour-
quoi une telle procédure, même si elle est per-
mise au Royaume-Uni, ne doit pas être néces-
sairement suivie ici, parce que la procédure
prévue dans l'Ordre 75 Règles 37, 38, 39 et 41
de la English Supreme Court n'a pas d'équiva-
lent dans nos Règles. En outre, l'article 648(1)
de la Loi sur la marine marchande du Canada
expose clairement que
648. (1) Lorsqu'il est allégué qu'une responsabilité a été
encourue par le propriétaire d'un navire relativement à la
mort ou à des blessures corporelles, ou à la perte ou l'avarie
de biens ou à la violation de tout droit, à l'égard desquels sa
responsabilité est limitée par l'article 647, et que plusieurs
réclamations sont faites ou appréhendées relativement à
cette responsabilité, un juge de la Cour de l'Échiquier peut,
à la requête dudit propriétaire, fixer le montant de la respon-
sabilité et répartir ce montant proportionnellement entre les
différents réclamants; ce juge peut arrêter toutes procédu-
res pendantes devant une cour relativement à la même
affaire et procéder de la façon et sous réserve des règle-
ments que la cour juge convenables, pour rendre les person-
nes intéressées parties aux procédures, pour exclure tous
réclamants qui ne se présentent pas dans un certain délai,
pour exiger des garanties du propriétaire et quant au paie-
ment des frais. (Les italiques sont de moi.)
La façon de procéder d'une partie cherchant
à limiter sa responsabilité dépend toujours des
circonstances de l'espèce. S'il s'agit d'une
affaire simple, on peut toujours agir par voie de
simple requête introductive d'instance ou de
demande; dans les affaires plus complexes
impliquant des contestations possibles du droit
de limitation, la meilleure façon peut être l'in-
troduction d'une action par voie de déclaration,
la production d'une défense et le recours, au
besoin, à tous les moyens d'obtention de rensei-
gnements ou d'admissions par voie d'examen de
documents ou d'interrogatoire des parties ou
d'obtention de détails, etc.
En l'espèce, bien sûr, j'estime qu'il est indi-
qué d'introduire une action. Selon l'avocat de la
requérante, cette limitation touche un certain
nombre de créanciers, y compris la Couronne,
et implique une décision sur des questions assez
importantes dont le droit de la requérante à
limiter sa responsabilité envers quelques uns
d'entre eux. Je dois dire ici qu'il n'est pas aisé
de résoudre certains de ces problèmes et que je
n'ai pas l'intention de les juger maintenant. A
mon avis, on peut mieux traiter de ces questions
lorsque les parties les ont exposées clairement
et correctement lors des procédures et lors-
qu'elles ont été soumises à une plaidoirie
contradictoire.
En l'espèce, le problème le plus important est
bien sûr de savoir si, en raison de la décision
rendue par la Cour suprême du Canada, les
requérantes n'ont plus la possibilité de limiter
leur responsabilité contre la Couronne. Bien
que cette décision ne spécifie pas que le navire
Transatlantic ou ses propriétaires ne peuvent
pas limiter leur responsabilité, en fait, elle
déclare entre autres que «la requérante Fischer
Bearings Manufacturing Limited a le droit de
recouvrer de l'intimée le plein montant de ses
dommages et cette dernière a le droit de déduire
20% de ce montant de celui qui est accordé aux
autres requérantes représentant les propriétai-
res du Transatlantic ...». Selon l'avocat de la
Couronne, ceci implique que les propriétaires
du Transatlantic ne peuvent pas limiter leur
responsabilité même si les articles 647 et suiv.
de la Loi sur la marine marchande du Canada
leur en donne le droit.
Étant donné le litige, j'estime que, lorsque la
contestation sera liée dans l'action en limitation,
la question de savoir si les requérantes ont droit
à limiter leur responsabilité, devrait faire l'ob-
jet, sur demande, d'une décision en vertu de la
Règle 474 des Règles de cette Cour.
En conséquence, il s'ensuit que la demande-
resse, les requérantes aux présentes, ainsi que
les propriétaires du Transatlantic peuvent
a) intenter toutes les poursuites auxquelles ils
ont droit par voie d'une action en limitation
contre toutes les parties qui ont un recours
contre eux;
b) en attendant une décision portant sur le
droit des requérantes aux présentes et des
propriétaires du Transatlantic de limiter leur
responsabilité, les parties peuvent continuer à
calculer les dommages-intérêts dus aux
requérantes en l'espèce, mais le paiement de
ces dommages-intérêts est reporté à la date
du jugement portant sur le droit des requéran-
tes et des propriétaires du Transatlantic de
limiter leur responsabilité envers ses
créanciers;
c) le paiement des dommages-intérêts aux
représentants des intéressés dans la cargaison
à bord du Transatlantic est aussi différé jus-
qu'à ce qu'une décision soit rendue sur le
droit des requérantes ou des propriétaires du
Transatlantic de limiter leur responsabilité.
Dépens de cette requête à suivre la cause.
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