Denison Mines Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Division de première instance; le juge Cat-
tanach—Toronto, le 26 avril; Ottawa, le 20 sep-
tembre 1971.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu d'entreprise—Allo-
cations du coût en capital—Mine d'uranium—Coût de cons
truction des galeries dans le gisement—Les galeries consti
tuent un bien durable—S'agit-il de dépenses courantes ou de
dépenses de capital—Loi de l'impôt sur le revenu, art.
11(1)c); Règlement 1100(1)a)(xii), annexe B, catégorie 12 de
l'impôt sur le revenu.
Impôt sur le revenu—Corporations—Compagnie miniè-
re—Filiale créée dans le but de fournir des logements aux
mineurs—Pertes de la filiale remboursées par la compagnie-
mère—Sont-elles déductibles pour la compagnie-mère?—La
filiale est-elle mandataire de la compagnie-mère?
L'appelante, qui avait acquis un gisement d'uranium de
grande valeur à EIliot Lake (Ontario), s'est engagée à four-
nir de grandes quantités d'oxyde d'uranium à une société de
la Couronne et, en vertu du contrat, devait commencer à
produire dans un très bref délai. Pour extraire le minerai,
l'appelante a construit des galeries dans le gisement souter-
rain lui-même plutôt que dans le roc environnant et, de ces
galeries, elle procédait à l'extraction du minerai avoisinant.
Les galeries servaient à la ventilation, à la circulation du
personnel et au transport du minerai; on prévoyait de conti-
nuer à les utiliser pendant toute la durée de la mine que l'on
estimait à 90 ans. La valeur du minerai extrait des galeries
excédait leur coût de construction. En 1958, 1959, 1960 et
1961, l'appelante a consacré plus de $21,000,000 à la cons
truction et au prolongement des galeries dans le gisement.
En vertu de l'art. 83(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
l'appelante était exempte d'impôt sur les bénéfices prove-
nant de son exploitation pour les années 1958, 1959 et
1960. En 1961, l'appelante était imposable pour la première
fois; elle a demandé des allocations du coût en capital sur le
coût de construction des galeries en vertu du Règlement
1100(1)a)(xii), annexe B, catégorie 12 de l'impôt sur le
revenu. Le Ministre a refusé la déduction.
Pour éviter de ne pas se conformer aux conditions d'un
acte de fiducie, l'appelante a fait constituer en corporation
une filiale dans le but de fournir des logements à ses
employés. En 1961, l'appelante a remboursé à sa filiale une
perte de plus de $300,000 subie dans le cadre des opéra-
tions de cette dernière et a demandé une déduction de ce
montant en invoquant que la filiale a subi cette perte en
qualité de mandataire de l'appelante. Le Ministre a refusé la
déduction.
Arrêt: Le Ministre a refusé à bon droit les deux
déductions.
1. Bien que les galeries constituent des biens durables au
bénéfice de l'entreprise de l'appelante, ils ont été construits
pour répondre au besoin immédiat de l'appelante d'obtenir
du minerai et les dépenses engagées à cette fin étaient donc
des dépenses courantes d'exploitation de l'entreprise de
l'appelante et non des dépenses de capital. Arrêts suivis:
British Insulated and Helsby Cables Ltd. c. Atherton, [1926]
A.C. 205; Canada Starch Co. c. M.R.N., [1969] 1 R.C.É.
96.
2. La preuve ne permettait pas de conclure de façon
absolue que la filiale agissait comme mandataire de l'appe-
lante. Arrêt examiné: Smith Stone and Knight Ltd. c. Bir-
mingham Corp., [1939] 4 All E.R. 116.
APPEL d'une cotisation d'impôt sur le
revenu de 1961.
J. J. Robinette, c.r., R. Robertson, c.r. et D. S.
Ewens pour l'appelante.
D. G. H. Bowman et M. J. Bonner pour
l'intimé.
LE JUGE CATTANACH—Il s'agit d'un appel de
la cotisation d'impôt sur le revenu de l'appe-
lante pour son année d'imposition 1961.
Les faits fondamentaux ne sont pas contes
tés; les voici.
Le 24 mars 1960, Can -Met Explorations Lim
ited, compagnie constituée en vertu des lois de
la province d'Ontario, et Consolidated Denison
Mines Limited, compagnie également constituée
en vertu des .lois de la province d'Ontario, ont
fusionné en vertu de lettres patentes établies
selon les lois de la province d'Ontario dans le
but de poursuivre les activités de ces deux
compagnies sous un seul nom corporatif Deni-
son Mines Limited, l'appelante aux présentes.
L'appelante a pour activité principale la pros-
pection et l'exploitation minières.
Au milieu du siècle, la demande d'uranium
devint pressante.
Au début des années 1840, un capitaine de
goélette avait recueilli, au cours de ses voyages
sur la rive nord du lac Supérieur et du lac
Huron, des échantillons de minerai dont un a
été identifié comme étant de la pechblende. Un
siècle plus tard, lorsque la demande d'uranium
devint très importante, le souvenir de la décou-
verte du capitaine incita à multiplier les recher-
ches pour découvrir le gisement «perdu» que
l'on croyait situé près de la rive nord du lac
Supérieur, à quelque 70 milles à l'ouest de Sault
Ste-Marie (Ontario). Ce n'est qu'en 1953 que
l'on fit, dans la région de Blind River -Elliot
Lake, la grande découverte qui marqua le début
de l'exploitation du plus grand gisement d'ura-
nium au monde.
Au début de 1954, l'appelante (alors connue
sous le nom de Consolidated Denison Mines
Limited) se portait acquéreur d'un terrain dans
la région située sur la rive ouest du lac Quirke
(et au-dessous du niveau du lac) à environ 11
milles au nord de la ville actuelle d'Eliiot Lake.
En 1954 un trou de forage a rencontré à une
profondeur de 2,550 pieds un gisement agglo-
méré de cailloux de quartz à faible teneur d'ura-
nium. Un deuxième trou a alors été foré deux
milles plus àl'est, à une profondeur de 1,700
pieds; les résultats en ont été étonnants. Il a
révélé un gisement aggloméré d'environ 16
pieds d'épaisseur d'une teneur moyenne de 2.43
livres d'oxyde d'uranium par tonne de minerai.
On a entrepris un programme intensif de forage
en surface; on a foré un réseau de 28 autres
trous qui a tracé la configuration du gisement de
l'appelante, le plus grand jamais connu au
monde.
L'appelante obtint un contrat d'approvision-
nement de quelque vingt millions de livres d'o-
xyde d'uranium d'une corporation de la Cou-
ronne, seule acquéreur autorisée, portant sur
des quantités fixes à livrer à des dates détermi-
nées. Aux termes du contrat, l'appelante avait
18 mois pour commencer à produire, c'est-à-
dire un délai très court pour ce faire, et pour
explorer et exploiter un gisement de cette
dimension. Ce contrat revêtait donc un carac-
tère de grande urgence.
A l'origine, 12 compagnies minières environ
possédaient des propriétés minières dans la
région; chacune d'elles avait des contrats d'ap-
provisionnement d'oxyde d'uranium à la corpo
ration de la Couronne. Financées par la vente
d'obligations, la plupart de ces compagnies
éprouvaient des difficultés, à cause des frais
élevés d'exploitation, à payer les obligataires de
sorte qu'un certain nombre de contrats qu'elles
avaient conclus, ont été repris par des compa-
gnies plus heureuses.
C'est ce qui s'est produit entre l'appelante et
la Can -Met Explorations Limited, ci-après
nommée la Can -Met. Cette dernière possédait
un terrain adjacent à la limite est de celui de
l'appelante. Les ressources de l'appelante pou-
vaient facilement suffire à la demande d'oxyde
d'uranium exigée dans le contrat signé par la
Can -Met; l'appelante a assumé cette obligation.
Ceci fut à l'origine de la fusion de ces deux
compagnies en 1960.
L'appelante a commencé à produire le l er
janvier 1958 et la Can -Met, le l er juin 1958
mais, depuis le 31 mars 1960, la propriété de la
Can -Met n'a produit aucun minerai. Étant
donné que l'appelante a commencé à produire le
l er janvier 1958 elle n'est pas tenue, en vertu de
l'art. 83(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
d'inclure dans son revenu le revenu provenant
de l'exploitation de sa mine au cours de la
période de trente-six mois commençant le jour
où la mine est entrée en production, c'est-à-dire
le l er janvier 1958, date fixée par le Ministre
aux fins de l'art. 83. L'appelante bénéficie donc
d'une exemption pour les années 1958, 1959 et
1960. L'année d'imposition 1961 de l'appelante
qui fait l'objet des présentes est la première
année où l'appelante est assujettie à l'impôt sur
le revenu provenant de l'exploitation de la mine.
La Can -Met a également été exemptée au cours
de sa période de production, soit jusqu'au 31
mars 1960 date à laquelle elle a fusionné pour
constituer la compagnie appelante; depuis lors,
la propriété Can -Met n'a plus rien produit.
M. Joseph Kostuik, ingénieur minier de
grande expérience dans l'exploitation minière
en général et depuis quelques années en particu-
lier dans l'exploitation minière par «système
pneumatique» est devenu président de l'appe-
lante en juillet 1955. Dès le début il a été chargé
du plan d'exploitation de l'appelante (y compris
celui de la Can -Met).
En surface, la mine de l'appelante représente
une superficie d'environ 4,700 acres.
La zone principale de minéralisation compte
deux gisements agglomérés à teneur d'uranium
répondant aux désignations filon A et filon B;
ils sont inclinés du nord vers le sud selon un
angle moyen de 19 degrés. L'extrémité supé-
rieure de la zone principale de minéralisation se
trouve à environ 550 pieds de la surface du sol
et s'enfonce jusqu'à 3,000 pieds à l'extrémité
sud.
On atteint la zone de minéralisation par deux
puits verticaux distants d'environ un demi-mille
l'un de l'autre.>Le premier puits donne accès au
gisement à environ 1,600 pieds de profondeur
et le second, plus profond, rencontre la zone
principale de minéralisation à 2,454 pieds. Au
début le minerai était remonté à la surface au
premier puits mais maintenant c'est le second
qui sert exclusivement à cette fin. Le premier
puits poursuit son rôle vital de fournir la venti
lation aux souterrains et, si je me souviens bien
des témoignages, il sert également à la cordée
du personnel. Il y a deux autres puits sur ce qui
était auparavant la propriété de la Can -Met que
l'on a reliés au réseau souterrain pour l'aération.
Les voies principales et les galeries des con-
voyeurs partent des puits pour constituer le
cadre du projet minier. D'autres voies de pas
sage reliaient ces artères principales aux points
d'activité de la mine.
Le minerai est extrait des filons A et B au-
dessus desquels se trouvent trois autres filons
nommés D, E et F qui ne sont pas encore
exploités; des couches de quartzite les séparent
d'une part de A et B et d'autre part entre eux. A
date, les filons A et B sont en partie exploités.
Sur l'ensemble du gisement environ 10% a été
extrait des filons A et B.
Le minerai des filons A et B est extrait sui-
vant la méthode par chambres et piliers. L'es-
sentiel de cette méthode consiste à creuser dans
le gisement une galerie d'où commence l'extrac-
tion pour s'étendre dans des chambres de forme
rectangulaire espacées régulièrement dans le
gisement incliné. Des piliers séparent les cham-
bres. Le plan d'exploitation prévoyait des gale-
ries de 350 pieds en avant des chambres mais
ce n'était pas toujours possible. Au fur et à
mesure de l'extraction chaque chambre atteint
la dimension approximative de 65 pieds de
large, 250 pieds de long et 16 pieds de haut,
avec une pente de 19 degrés. Les piliers ont 20
pieds de large et couvrent toute la longueur de
la salle. On fore le minerai et on l'abat à la
dynamite puis on l'enlève en le faisant passer
dans la galerie par une petite ouverture. Les
chambres sont grattées mécaniquement par des
«racleurs». Ces appareils peuvent agir de façon
efficace sur une distance de 250 pieds limitant
ainsi la longueur de la chambre; se servant de la
gravité, il faut une certaine pente. Compte tenu
de cette situation, le minerai ne peut être enlevé
de la chambre que dans une direction. La hau
teur de la salle est fonction de l'épaisseur de la
couche de minerai et de la hauteur des machi
nes qui est de 15 pieds. A cause de la longueur
des chambres, les galeries sont distantes de 300
pieds l'une de l'autre.
Après avoir été gratté et enlevé des cham-
bres, le minerai concassé est chargé dans de
grosses berlines de 20 tonnes sur pneus qui le
roulent jusqu'à un convoyeur à bande. Là, il
passe sur un crible d'acier qui retient les blocs
trop gros qui sont à nouveau cassés. Le con-
voyeur transporte le minerai concassé jusqu'à
un broyeur souterrain installé en 1969. Aupara-
vant le minerai concassé était transporté au
puits n° 1 et de là remonté à la surface où il était
broyé. Maintenant le minerai est remonté par
les puits n° 2 mais le puits n° 1 peut encore
servir à cette fin. Le minerai broyé est alors
soumis à un autre traitement pour obtenir le
produit final soit du concentré d'uranium.
Comme je l'ai déjà mentionné, on tire d'une
tonne de minerai environ 2i à 3 livres d'oxyde
d'uranium.
Aucun roulage souterrain ne se fait sur rail,
ce qui sans aucun doute explique l'expression
«système pneumatique».
Actuellement, à l'endroit qui a été exploité,
65% du minerai a été extrait et le reste, soit
35%, se trouve dans les piliers et dans quelques
autres zones réduites. Ceci est conforme au
projet. Il est prévu, lorsque les circonstances
l'exigeront, de creuser des galeries jusqu'aux
extrémités de la propriété dans les filons A et B.
Lorsque les conditions du marché le permet-
tront et lorsqu'on aura rabattu les filons A et B,
ce qui signifie le dépilage à 50%, les filons D, E
et F seront alors exploités simultanément. Le
minerai concassé extrait de ces filons sera jeté
dans les galeries creusées lors de l'exploitation
des filons A et B et les galeries des convoyeurs
et autres installations actuelles seront utilisés
pour l'extraction du minerai des filons D, E et F
ainsi que des 50% des piliers des filons A et B.
La qualité du minerai des trois filons supérieurs
est dans l'ensemble moindre que celle des filons
A et B mais il s'y trouve quelques poches de
très haute qualité.
Les zones D, E et F ne sont pas aussi éten-
dues que les zones A et B. Elles sont plus
étroites et plus courtes, mais elles sont conti
nues et ininterrompues. L'emplacement des
galeries creusées dans les zones A et B détermi-
nera l'endroit où les chambres des zones D, E et
F se trouveront lorsqu'on les exploitera. C'est
une question de bon sens que d'utiliser les gale-
ries des zones A et B pour exploiter les zones
D, E et F au lieu de doubler ou de créer de
nouvelles galeries dans les zones supérieures.
M. Kostuik a toujours eu l'intention d'utiliser
les galeries des zones inférieures pour exploiter
les zones supérieures.
M. Kostuik a évalué les réserves actuelles de
minerai à 245 millions de tonnes dont 80%
peuvent être extraites soit une réserve nette de
196 millions de tonnes qui produiront 375 mil
lions de livres d'oxyde d'uranium. Au rythme
actuel de production, la vie de la mine serait de
90 ans. Cependant tout peut changer suivant la
demande d'oxyde d'uranium.
Malgré que seulement 10% du minerai ait été
extrait, on a creusé, de 1957 1960, un vérita-
ble labyrinthe de chambres et galeries; on peut
se rendre compte de leur étendue en se repor-
tant à trois plans apportés en preuve comme
pièces jointes à l'affidavit d'un ingénieur minier
cité en qualité d'expert.
Les chambres et les galeries que les hommes
n'ont pas à emprunter ont été volontairement
inondées et scellées à cause de la nature
radioactive du minerai; mais il est facile de
toutes les assécher et de les réouvrir si l'extrac-
tion des piliers devient nécessaire.
Le point le plus significatif à signaler est que
les galeries ont été creusées dans le gisement et
non en dessous dans le rocher. Selon la ten-
dance générale des témoignages des ingénieurs
miniers cités comme experts, la conception du
plan de M. Kostuik, qui consiste à extraire le
minerai des terrains de l'appelante en optant
pour le système pneumatique et la méthode des
chambres et piliers où tous les travaux souter-
rains s'exécutent dans le gisement lui-même, a
innové dans le domaine de l'exploitation d'ura-
nium; cela comportait des risques mais ils
étaient bien calculés. Le plan s'est avéré un
succès, et avec le recul, j'ai de la peine à juger
du risque impliqué parce que le plan me semble
être tout à fait sensé et celui qu'une personnne
raisonnable aurait adopté. Je pense que le
danger que l'on redoutait avait rapport à la
stabilité de la sole et la résistance du toit. On a
remédié à cette dernière difficulté en recourant
au boulonnage.
Il ne faut pas oublier aussi qu'il y avait un
besoin urgent de commencer à produire aussi
rapidement que possible, facteur qui a pesé sur
l'adoption de ce plan par M. Kostuik. Le mine-
rai extrait lors du creusage des galeries a été
ajouté à la production au même titre que le
minerai extrait des chambres. Il n'a pas fait
l'objet de distinction.
La valeur du minerai extrait des galeries
excède le coût de leur creusage.
Dans les états financiers de l'appelante
soumis à ses actionnaires et dressés par ses
vérificateurs, la valeur du minerai extrait des
galeries a été créditée au poste revenu de pro
duction et le coût de creusage des galeries a été
débité au revenu.
A l'alinéa 2 de son avis d'appel, l'appelante
prétend que le coût de construction et de pro-
longement de ses galeries au cours des années
1958, 1959, 1960 et 1961 s'est élevé à $21,-
320,096. (Au cours du procès ce chiffre a été
réajusté à $21,288,243).
Pour son année d'imposition 1961, l'appe-
lante a demandé à déduire la somme de $9,229,-
794.33 du calcul de son revenu pour cette
année à titre d'allocation du coût en capital
conformément à l'art. 11(1)a) de la Loi de l'im-
pôt sur le revenu et à l'al. f) de la catégorie 12 de
l'annexe B des Règlements de l'impôt sur le
revenu.
L'article 11(1)a) est ainsi rédigé:
11. (1) Par dérogation aux alinéas a), b) et h) du paragra-
phe (1) de l'article 12, les montants suivants peuvent être
déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition:
a) la partie de ce que coûtent en capital les biens au
contribuable, ou la somme à l'égard de ce que coûtent en
capital les biens au contribuable, s'il en est, qui est
allouée par règlement;
L'alinéa D de la catégorie 12 de l'annexe B se
lit comme suit:
Les biens non compris dans aucune autre catégorie cons-
titués par
f) un puits de mine, une voie principale de roulage ou
d'autres travaux souterrains semblables destinés à un
usage continu, ou tout prolongement des susdits, creusés
ou construits après l'entrée en production de la mine,
En vertu du Règlement 1100(1)a)(xii) il est
alloué au contribuable, dans le calcul de son
revenu d'une entreprise ou de biens, des déduc-
tions pour chaque année d'imposition égales au
montant qu'il peut réclamer à l'égard des biens
de chacune des catégories de l'annexe B sans
dépasser, à l'égard des biens de la catégorie 12,
le taux de 100%.
Le Ministre a rejeté cette demande de
déduction.
Selon la prétention de l'appelante, les galeries
sont des voies principales de roulage ou d'au-
tres travaux souterrains semblables destinés à
un usage continu et des prolongements des sus-
dits creusés ou construits après l'entrée en pro
duction de la mine au sens de l'al. D de la
catégorie 12 de l'annexe B et en conséquence
elle a droit, dans le calcul de son revenu de
1961, déduire 100% du montant dépensé à
cette fin.
Le coût de construction des puits de mine
n'entre pas dans le calcul des dépenses parce
qu'ils ont été creusés avant 1958.
L'appelante a soutenu qu'il s'agit d'une
dépense de capital parce que les galeries ont été
construites pour un usage continu, c'est-à-dire
pour la ventilation, comme voies de circulation
et de transport du minerai. On a prétendu qu'é-
tant une dépense de capital, le coût est déducti-
ble, qu'il importait peu que les galeries aient été
construites ou prolongées dans le gisement et
que la valeur du minerai extrait des galeries au
cours de leur construction ne devrait pas être
déduite du coût brut de leur construction
(auquel cas le coût de construction serait nul
car la valeur provenant du minerai excédait le
coût de construction) mais plutôt que la valeur
devrait apparaître au poste production ou
revenu pour déterminer le bénéfice ou la perte
de l'exploitation minière.
D'autre part, le Ministre estime que les coûts
de creusage des zones en cause ne sont pas des
dépenses de capital mais des dépenses d'exploi-
tation courantes effectuées dans le but de pro-
duire du minerai et d'en retirer un revenu, con-
tribuer à la bonne marche de l'entreprise de
l'appelante et, comme tels, ces coûts font partie
intégrante de l'activité lucrative de l'appelante.
Le Ministre a en outre soutenu que si les gale-
ries devaient être considérées comme des actifs
immobilisés, il n'y avait pas de coût en capital
parce que la valeur du minerai extrait devrait
compenser le coût de construction et que la
valeur a dépassé ce coût.
C'est donc le principal litige entre les parties.
A l'appui de sa prétention, l'appelante a cité
six témoins experts. Trois d'entre eux étaient
des ingénieurs miniers ou des ingénieurs con-
seils; à leur avis, le réseau souterrain de galeries
de l'appelante constituait des voies principales
de roulage ou d'autres travaux souterrains sem-
blables destinés à un usage continu. Les trois
autres étaient comptables et ont déclaré qu'à
leur avis le coût des galeries souterraines et des
travaux semblables constituait des dépenses de
capital et devrait être porté comme tel dans la
comptabilité de l'appelante et réparti sur un
certain nombre d'années mais la valeur prove-
nant du minerai extrait des galeries devrait être
portée au compte revenu.
Le Ministre a cité un nombre égal de témoins
experts de chaque catégorie. Les ingénieurs
miniers ou ingénieurs conseils cités ont estimé
que la construction des voies souterraines fai-
sait partie intégrante de l'activité de l'appelante,
l'exploitation minière, et le fait qu'elles forment
des galeries était accessoire à cette activité. Si
je me souviens bien des témoignages, ces
témoins ont déclaré, me semble-t-il, que l'en-
semble des galeries ne pouvait être considéré
comme des voies principales de roulage ou
autres travaux similaires. Les comptables cités
comme témoins par le Ministre ont estimé que
le coût de construction des galeries ne devrait
pas être porté au compte capital mais devrait
compenser, à titre de frais d'exploitation, la
valeur du minerai extrait des galeries qui devrait
être portée au compte revenu pour calculer les
bénéfices de l'appelante.
Dans les plaidoiries on a soulevé trois autres
questions secondaires.
A l'alinéa 7'de l'avis d'appel, on prétend que
l'appelante a demandé une déduction de
$11,919 comme dépenses de siège social et
d'impôt sur le capital acquitté versé à la pro
vince d'Ontario. Le Ministre n'a pas accordé de
déduction. A l'alinéa 4 de sa réponse, le Minis-
tre a reconnu que l'appelante a demandé la
déduction et qu'elle lui a été refusée. Pour le
reste, il a nié les différentes prétentions.
L'appelante n'a apporté aucune preuve rela
tive à cette demande de déduction et aucune
des parties ne m'a présenté de plaidoyer à ce
sujet. Je présume donc que l'appelante a aban-
donné cette demande particulière et si ma sup
position est inexacte, je rejetterais cette
demande parce qu'on ne l'a pas étayée de preu-
ves et que l'appelante n'a pas réussi à se libérer
de la charge de la preuve qui lui incombait.
A l'alinéa 6 de l'avis d'appel, l'appelante pré-
tend qu'une somme de $227,772 a été dépensée
en 1956 et 1957, avant l'entrée en production
de la mine, pour la construction et l'entretien de
chemins temporaires nécessaires à l'accès de la
mine et au transport par un entrepreneur des
machines et de l'équipement minier. Le problè-
me est que l'appelante a demandé que le coût
supplémentaire requis par un chemin servant au
transport de lourdes charges par rapport au coût
d'un chemin ordinaire soit inclus, à titre de
dépense de capital, dans le coût des machines et
de l'équipement minier au sens de l'al. k) de
l'annexe B et qu'il soit déduit au taux de 30%.
Le Ministre a classé le montant réclamé à l'al.
g) catégorie 1 de l'annexe B, c'est-à-dire un
chemin déductible au taux de 4%.
Au cours du procès, le procureur de l'appe-
lante a abandonné ce motif d'appel.
Il ne reste donc, outre le litige principal ci-
dessus mentionné, qu'une seule autre question.
Il s'agit du coût de logement des employés.
La mine se trouvait dans une région inhabi-
tée; pour aménager et exploiter la mine, il était
nécessaire de fournir des logements particuliers
aux employés. Les opérations minières, tant de
la Consolidated Denison que de la Can -Met,
étaient financées par des emprunts auprès du
public réalisés par voie d'obligations garanties
par actes d'hypothèque et de fiducie. Un acte
de fiducie, daté du l er octobre 1955, liait la
Consolidated Denison à la Guaranty Trust Com
pany of Canada en qualité de fiduciaire. L'autre
acte de fiducie, daté du 15 juin 1956, liait la
Can -Met à la Guaranty Trust Company of
Canada en qualité de fiduciaire. D'après les
conseillers juridiques de la Can -Met et de la
Consolidated Denison, les conditions des actes
de fiducie empêchaient ces compagnies de con-
sacrer les fonds qu'elles avaient reçus à fournir
ou financer le logement de leurs employés. La
Consolidated Denison et la Can -Met ont donc
créé une compagnie sous le nom de Con -Ell
Properties Limited (ci-après appelée la Con -Ell)
pour procurer et fournir des logements aux
employés des compagnies et en assurer l'admi-
nistration. La Consolidated Denison et la Can -
Met ont donné des garanties auprès de la
banque Royale en faveur de la Société centrale
d'hypothèques et de logement pour permettre à
la Con -Ell d'acquérir des logements et de s'en
départir en faveur des employés. La Consolidat
ed Denison et la Can -Met détenaient chacune
50% des actions émises et en circulation de la
Con -Ell. Lors de la fusion de la Consolidated
Denison et de la Can -Met pour former l'appe-
lante, celle-ci est devenue propriétaire de toutes
les actions en circulation de la Con -Ell.
Dans le calcul de son revenu pour 1961,
l'appelante a déduit un montant de $546,964.09
comme payé ou dépensé pour rembourser la
Con -Ell des dépenses qu'elle avait encourues
pour procurer des logements aux employés de
l'appelante. En établissant la cotisation de l'ap-
pelante, le Ministre a rejeté cette déduction. Le
procureur de l'appelante a admis au cours du
procès, ne pouvoir justifier que $329,616
comme montant des pertes alléguées par
l'appelante.
Selon la position adoptée par l'appelante, la
Con -Ell agissait comme son mandataire en pro-
curant des logements à ses employés et les
pertes du mandataire sont les pertes du man-
dant donc déductibles du calcul de l'impôt de
l'appelante. Le procureur de l'appelante a sou-
tenu que le droit n'établit pas de différence
entre le choix par l'appelante d'une entité cor-
porative pour la représenter et le choix d'une
personne.
Le Ministre estime que les pertes encourues
par la Con -Ell sont celles de cette compagnie et
non celles de l'appelante.
Ceci constitue le second point en litige entre
les parties.
Passons au litige principal savoir, l'appelante
a-t-elle le droit de déduire une allocation du
coût en capital à l'égard des dépenses qu'elle a
encourues pour la construction de voies princi-
pales de roulage et autres travaux souterrains
semblables en vertu de l'al. J de la catégorie 12
de l'annexe B des Règlements?
Il est essentiel pour l'appelante que ces
dépenses soient des dépenses ou des paiements
à compte de capital au sens de l'art. 12(1)b) de
la Loi de l'impôt sur le revenu. Si ce sont des
sommes déboursées ou dépensées en vue de
gagner ou de produire un revenu tiré de l'entre-
prise de l'appelante, les dépenses seraient alors
déductibles au sens de l'art. 12(1)a) du calcul
des bénéfices de l'appelante tirés de son
entreprise.
Pour entrer dans le cadre de l'art. 11(1)a) qui
autorise la déduction de cette partie du coût en
capital au contribuable comme l'accorde le
règlement, il doit s'agir de dépenses de capital.
L'article 11(1)a) a pour but de permettre la
déduction de dépenses de capital, qui autrement
ne seraient pas déductibles, si elles sont autori-
sées par règlement et dans la mesure où elles le
sont.
La première question à trancher est donc de
savoir s'il s'agit de dépenses de capital comme
le prétend l'appelante ou, comme le soutient le
Ministre, si ce sont des dépenses d'exploitation
courantes effectuées comme partie intégrante
de l'activité lucrative de l'appelante.
De ce point de vue, c'est une question d'im-
portance secondaire que de savoir si le labyrin-
the de voies souterraines résultant de l'extrac-
tion de minerai par l'appelante constitue des
voies principales de roulage ou d'autres travaux
souterrains semblables destinés à un usage con-
tinu au sens de l'al. f de la catégorie 12 de
l'annexe B des Règlements. Le Ministre a con-
testé que toutes les voies souterraines soient
ainsi qualifiées et que, si leur coût devait être
considéré comme une dépense de capital, ce
coût soit celui que l'appelante a présenté parce
que ce coût inclut une partie des dépenses cou-
rantes d'administration et des frais généraux
que le Ministre prétend y avoir été incluse à
tort.
A mon sens, la question primordiale est de
savoir si ce sont des dépenses de capital.
Je ne doute pas que les voies souterraines, ou
leur majeure partie, soient des biens qui bénéfi-
cient de façon durable à l'entreprise au sens des
mots du L.C. vicomte Cave dans l'arrêt British
Insulated and Helsby Cables Ltd. c. Atherton
[1926] A.C. 205, extraits de la déclaration la
plus remarquable et la plus fréquemment citée
sur ce point. Il déclarait à la page 212:
[TRADUCTION] ... Mais quand on fait des dépenses non
seulement une fois pour toutes, mais encore dans le but
d'apporter un élément d'actif ou un avantage pour le béné-
fice durable d'un commerce, je pense qu'il y a de très
bonnes raisons (en l'absence de circonstances particulières
conduisant à une conclusion contraire) de traiter une telle
dépense comme si elle était à juste titre imputable non pas
au revenu mais au capital.
Une fois terminées, ces galeries sont deve-
nues des voies de roulage pour le transport du
minerai des chambres jusqu'aux convoyeurs;
elles assuraient la ventilation nécessaire aux
points d'exploitation et elles constituaient une
voie d'accès pour le personnel. Il est exact que
dans la première phase des opérations minières
lorsque le travail était terminé à un endroit
déterminé, les galeries étaient inondées et scel-
lées pour protéger du danger de la radioactivité
du minerai. Cependant la preuve a démontré
qu'au retour, ces galeries seraient réouvertes et
réutilisées pour l'extraction du minerai des
piliers. Celles qui restent ouvertes seront utili
sées de la même façon.
Bien qu'à date, toute l'exploitation ait été
menée dans les zones A et B, les galeries seront
utilisées lorsque les opérations minières com-
menceront dans les zones D, E et F. J'ai quel-
ques doutes sur le plan des galeries dans les
zones A et B quant à savoir s'il a été conçu en
fonction d'un plan d'exploitation future des
zones D, E et F. Il se pourrait bien que le plan
d'exploitation des zones D, E et F soit fonction
de l'emplacement des galeries actuelles dans les
zones A et B mais la preuve est concluante, à
mon avis, que les galeries seront utilisées pour
exploiter les zones supérieures. Agir autrement
serait un dédoublement inutile. En outre, ces
galeries ont la qualité d'être permanentes, ce qui
en fait un avantage durable au sens de la juris
prudence. «Durable» est un terme relatif et ne
veut pas dire «perpétuel». Les galeries dureront
pendant toute la durée d'exploitation de la mine.
Le procureur de l'appelante a signalé que
puisque les galeries entrent dans le cadre des
termes de l'al. f) de la catégorie 12 de l'annexe
B des Règlements qui permettent d'accorder le
coût en capital, il s'ensuit que les rédacteurs des
Règlements avaient à l'esprit que les galeries
constituaient des actifs immobilisés.
Cependant il ne s'ensuit pas parce qu'il y a un
actif immobilisé que les dépenses qui créent cet
actif sont nécessairement des dépenses de capi
tal plutôt que des dépenses ordinaires. Ce n'est
pas ce qu'a dit le vicomte Cave. Il a déclaré
qu'en l'absence de circonstances particulières
conduisant à une conclusion contraire, le fait
qu'une dépense est effectuée en vue de consti-
tuer un actif dans le but ultime de profiter à
l'entreprise est un très bon motif pour considé-
rer qu'il s'agit d'une dépense de capital. La
question est de savoir s'il se trouve, en l'espèce,
des circonstances particulières conduisant à une
conclusion contraire comme l'envisageait le
vicomte Cave.
Le gisement est merveilleusement régulier,
homogène, une masse solide de minerai dans
laquelle l'appelante pouvait travailler dans
toutes directions et de laquelle elle pouvait
extraire du minerai. L'entreprise de l'appelante
consiste à extraire du minerai et à vendre l'o-
xyde d'uranium qu'elle en retire.
L'appelante a des engagements importants
d'approvisionnement d'oxyde d'uranium en
vertu de ses contrats avec l'Eldorado, corpora
tion de la Couronne. A l'origine, la Consolidated
Denison s'est engagée à fournir 1,875,000 livres
d'oxyde d'uranium entre le l er mai 1957 et le 31
mars 1962, 1,600,000 livres avant le 31 décem-
bre 1957 et, par la suite, 340,000 livres par
mois. Ce premier contrat a été modifié pour
augmenter l'engagement total à 20,805,000
livres avant le 31 mars 1963.
La Can -Met avait un contrat semblable avec
l'Eldorado pour fournir quelques 7,710,600
livres d'oxyde d'uranium.
Lors de la fusion de la Consolidated Denison
et de la Can -Met pour constituer l'appelante, les
engagements de la Can -Met et de la Consolida
ted Denison devinrent ceux de l'appelante. Les
engagements réunis se chiffraient à environ
471,000 livres par mois ou 5,640,000 livres par
an. Il faut une tonne de minerai pour produire
2i à 3 livres d'oxyde d'uranium. Ainsi, pour
remplir l'engagement annuel de l'appelante, il
aurait fallu extraire environ 16,920,000 tonnes
de minerai. Les rapports annuels indiquent que
l'appelante n'a pas réussi à faire face à ses
engagements, mais il s'en fallait de peu. Par
exemple, en 1961, l'appelante a produit 5,379,-
168 livres d'oxyde d'uranium, tandis que son
engagement était de 5,640,000 livres. De l'o-
xyde d'uranium produit par l'appelante entre
1958 et 1961 inclusivement, j'estimerais très
approximativement qu'environ 6,500,000 livres
proviennent du minerai extrait des galeries, soit
une moyenne annuelle de 1,620,000 livres.
En vertu de son contrat avec l'Eldorado, la
Consolidated Denison avait 18 mois pour com-
mencer à exécuter ses engagements. M. Kostuik
a déclaré que c'était un délai très court et que
l'urgence à commencer la production était un
facteur qui a promu la décision d'exploiter le
minerai sur un principe de masse, c'est-à-dire,
en creusant directement dans le gisement et en
extrayant le minerai de toutes les ouvertures
disponibles bien que la méthode d'exploitation
par système pneumatique ait été adoptée de
toute façon.
Le motif est évident. L'appelante pouvait
extraire le minerai en dirigeant ses ouvertures
dans toutes les directions.
Si j'ai bien compris le témoignage de M.
Kostuik, il n'existe pas de technique différente
pour extraire du minerai d'une longue galerie ou
d'une chambre. La méthode d'extraction par
béquille et grattoir peut également s'appliquer à
tout stade ou partie de la mine, pour percer des
voies aussi bien que pour exploiter des cham-
ores. Cependant M. Kostuik a déclaré qu'on
n'employait que les équipes les plus habiles
dans les galeries, mais que ces mêmes équipes
travaillaient également dans les chambres sui-
vant la marchg des travaux.
Le minerai, qu'il soit extrait des chambres ou
des galeries, était chargé, roulé, remonté et
broyé ensemble.
Il ne fait aucun doute pour moi que ce que
faisait l'appelante dans les galeries, était d'ex-
traire du minerai, mais elle l'extrayait des gale-
ries selon un plan pré-établi qui faisait de gale-
ries des voies de roulage suivant un plan
pré-déterminé. Donc, la question est la sui-
vante: Que faisait l'appelante? Construisait-elle
des voies de roulage ou extrayait-elle du
minerai?
Dans l'arrêt Commissioner of Taxes c.
Nchanga Consolidated Copper Mines Ltd.
[1964] A.C. 948, le vicomte Radcliffe déclarait
à la page 958:
[TRADUCTION] ... Faisant abstraction de l'inopportunité
de déterminer la nature d'un paiement en se fondant sur le
motif ou l'intention du payeur, leurs Seigneuries ne peuvent
déceler dans la preuve aucun fondement à l'idée que la
convention avait effectivement pour but la bonne marche de
l'entreprise de la Nchanga ou que l'avantage retiré du paie-
ment qu'elle a versé était durable dans un tout autre sens
que celui de régir la production annuelle.
Le passage ci-dessus souligne qu'il n'est pas
opportun de déterminer la nature d'un paiement
en se fondant sur le motif ou l'intention du
payeur. Il faut considérer l'opération objective-
ment et non subjectivement.
En agissant ainsi, l'aspect prédominant de la
preuve m'amène à conclure que les dépenses
avaient pour but de contribuer au fonctionne-
ment de l'entreprise de l'appelante, l'extraction
de minerai. L'activité consistait en fait à
extraire du minerai pour faire face aux besoins
immédiats de l'appelante de produire du mine-
rai. Ce que l'appelante a fait fut d'extraire le
minerai et c'est ce qu'elle envisageait comme
résultat direct et immédiat de ses dépenses
même si le résultat final de cette activité a
constitué un actif durable dont a bénéficié l'ap-
pelante. A mon avis, les dépenses en cause sont
des dépenses courantes d'exploitation effec-
tuées comme partie intégrante des activités
lucratives de la compagnie. C'était des dépenses
accessoires à la production et la vente de ce qui
était extrait de la mine et comme telles ce sont
des dépenses d'exploitation.
D'autres données confirment cette conclu
sion. Environ 50% du minerai produit par l'ap-
pelante a été extrait des galeries. Dans son
rapport financier distribué à ses actionnaires et
préparé par ses vérificateurs, les dépenses
encourues par l'appelante apparaissent, dans le
calcul de son bénéfice annuel, comme coût de
production tant pour les périodes précédant
l'entrée en production que pour les périodes
postérieures. Dans ses déclarations d'impôt sur
le revenu, ces dépenses ont été décrites comme
coût des ventes. Les voies de roulage n'appa-
raissent dans aucun bilan comme actif immobi-
lisé. La valeur provenant du minerai récupéré,
résultat direct de l'activité faisant naître les
dépenses, était intégrée au revenu de l'appe-
lante provenant de la production. Il n'y a
aucune différence fondamentale dans la techni
que d'extraction du minerai des galeries et de
l'extraction du minerai des chambres. Ce mine-
rai provenant de ces deux sources constituait la
production de la mine. Tenant compte de cela, il
serait absurde de considérer les frais d'extrac-
tion du minerai de ces chambres comme une
dépense courante et ceux d'extraction du mine-
rai des galeries comme des dépenses de capital.
La seule justification serait que l'extraction du
minerai des galeries a procuré un avantage
durable à l'entreprise de- l'appelante. Mais, je
l'ai déjà mentionné, le fait qu'il y ait un actif
immobilisé, au sens d'un avantage durable, ne
transforme pas nécessairement les dépenses
encourues pour le réaliser en dépenses de capi
tal par opposition à des dépenses ordinaires.
L'arrêt Canada Starch Co. c. M.R.N. [1969]
1 R.C.É. 96, confirme ce principe. Dans cette
affaire le président de cette cour (maintenant
juge en chef) devait déterminer si des sommes
engagées pour obtenir l'enregistrement d'une
marque de commerce, y compris une somme
versée au propriétaire enregistré d'une marque
de commerce identique pour qu'il retire son
objection, constituaient un paiement à compte
de capital ou un paiement résultant des opéra-
tions commerciales courantes. Une marque de
commerce une fois acquise est un actif
immobilisé.
Le président Jackett déclarait à la page 103:
[TRADUCTION] ... A mon avis, une marque de commerce
possédant réellement un caractère distinctif résulte, même
en vertu des dispositions législatives, des opérations couran-
tes d'une entreprise et il s'ensuit, comme je l'ai déjà men-
tionné, que les sommes consacrées aux opérations qui ont
accessoirement fait naître les marques de commerce sont
dépensées à compte de revenu.
Puisque j'ai conclu que les dépenses engagées
par l'appelante pour extraire le minerai sont des
sommes dépensées à compte de revenu même
s'il en est résulté accessoirement des galeries
constituant un avantage durable pour l'appe-
lante, cette conclusion tranche en fait la ques
tion principale en appel qui, à mon avis, doit
être rejeté.
Cependant, avant d'aborder une autre ques
tion, il conviendrait d'examiner les dépositions
des experts comptables. Je ferai précéder l'é-
tude de ces témoignages du principe que les
tribunaux se réservent le droit de déterminer si
«les principes comptables» invoqués dans
chaque cas particulier sont fondés sur des pos-
tulats justes.
L'appelante a cité trois comptables de grande
qualification et réputation.
Si j'ai bien compris leur déposition, chacun
d'eux a accepté l'hypothèse que les voies de
roulage et les autres travaux semblables créés
par l'extraction du minerai constituaient des
actifs immobilisés en raison de leur qualité
durable et de leur utilité à l'exploitation future
de la mine.
Chaque témoin a retenu l'hypothèse que l'en-
treprise de l'appelante consistait à extraire le
minerai et que la valeur du minerai extrait des
galeries, raffiné par la suite et vendu, devait
être portée au poste revenu de l'année finan-
cière en cours.
Ces témoins ont été unanimes à dire que la
méthode de calcul la plus appropriée sur le
principe de la «parité» serait que les dépenses
de construction de galeries devraient être repor-
tées ou capitalisées en regard des revenus
futurs, c'est-à-dire que les bénéfices futurs
devraient supporter une partie de ces dépenses,
sans quoi le coût du premier minerai extrait
serait beaucoup plus élevé que celui du minerai
extrait par la suite.
Bien que ces témoins aient soutenu que le
principe comptable qu'ils préconisaient était la
méthode la plus appropriée, ils ont néanmoins
reconnu que la pratique comptable acceptée et
courante serait de considérer les dépenses
effectuées par l'appelante pour extraire le mine-
rai provenant des galeries comme des déduc-
tions courantes en regard des recettes de l'an-
née financière. C'est précisément ce qu'ont fait
les vérificateurs de l'appelante au cours des
années précédant la production, c'est-à-dire les
années antérieures au l er janvier 1958 pour la
Consolidated Denison et au l er juin 1958 pour la
Can -Met. On a placé les revenus tirés du mine-
rai provenant des galeries en regard des dépen-
ses qui ont créé l'actif immobilisé évidemment
au motif qu'il s'agissait des dépenses engagées
pour produire un revenu. Les vérificateurs de
l'appelante ont continué à utiliser cette méthode
comptable après l'expiration de la période
d'exemption.
Les trois témoins experts cités par l'appelante
ont indiqué qu'ils auraient hésité à certifier les
états financiers sous la forme préparée par les
vérificateurs de l'appelante, c'est-à-dire, lorsque
les dépenses revendiquées comme coûts de
capital en l'espèce étaient déduites à titre de
coûts ordinaires de production sans autre quali
fication sous prétexte que c'est une pratique
comptable généralement' acceptée.
Là encore, ces trois témoins ont estimé que si
une dépense procurait un avantage qui se pro-
longe au-delà de l'année courante, il s'agissait
d'une dépense de capital et, partant, non déduc-
tible en vertu de l'art. 12(1)b) de la Loi de
l'impôt sur le revenu si ce n'est en vertu d'une
allocation du coût en capital en vertu de l'art.
11(1)a) de la Loi et de l'al. f) de la catégorie 12
de l'annexe B des Règlements. Tous les trois
ont reconnu, lorsque la question leur a été
posée en contre-interrogatoire, que s'il n'existait
aucune disposition d'allocation du coût en capi
tal, ils déduiraient les dépenses en cause à titre
de dépenses courantes d'exploitation obtenant
ainsi la déduction du calcul du revenu.
Le Ministre a cité un nombre égal d'experts
comptables qui ont tous exprimé des opinions
diamétralement opposées à celles des experts
de l'appelante.
En résumé, les coûts en cause, du point de
vue comptable, devraient, à leur avis, être con-
sidérés comme des dépenses courantes et ne
devraient pas être reportés; le principe compta-
ble exact à adopter était d'inscrire les dépenses
directes engagées pour tirer un revenu pour une
période en regard du revenu qu'elles produi-
saient. Ils pensaient également que si les gale-
ries constituaient des actifs immobilisés leur
coût en capital devrait être établi en déduisant
les bénéfices tirés du minerai de leur coût de
construction.
L'erreur commise par les experts en compta-
bilité de l'appelante est, à mon sens, de prendre
pour hypothèse que si on obtient un actif immo-
bilisé les dépenses qui lui donnent naissance
sont des dépenses de capital et de ne pas avoir
reconnu qu'un actif immobilisé peut être le fruit
d'une dépense courante. De plus, je ne suis pas
convaincu que dans les circonstances de l'es-
pèce les principes comptables indiquent que ces
dépenses devraient être reportées sur les années
à venir.
L'exemption d'impôt dont l'appelante a béné-
ficié en vertu de l'art. 83(5) au cours des années
antérieures à la production, soit 1958, 1959 et
1960, ne la dispense pas de calculer son revenu
conformément aux dispositions de la Loi de
l'impôt sur le revenu (voir M.R.N. c. Portage La
Prairie Mutual Insurance Co. [1965] 1 R.C.É.
234 à la p. 243). L'article 4 prévoit que le
revenu pour une année d'imposition provenant
d'une entreprise est le bénéfice en découlant
pour l'année. D'après les dispositions de l'art.
83(5), le revenu qui est exempté est «le revenu
provenant de l'exploitation d'une mine» qui, en
vertu de l'art. 4, est un bénéfice en découlant.
Ce qui signifie que les bénéfices réalisés au
cours des années d'exemption sont composés
de la différence existant entre les recettes de
ces années et les dépenses effectuées pour les
gagner.
C'est ce que les vérificateurs de l'appelante
ont fait au cours de ses années précédant la
production en dressant le rapport financier
adressé aux actionnaires. Tous les experts en
comptabilité ont reconnu qu'il s'agit là de la
pratique comptable exacte mais les témoins
experts de l'appelante, si j'ai bien compris leur
déposition, ont déclaré qu'à leur avis, le coût
d'extraction du minerai provenant des galeries
au cours de la période d'exemption devient une
dépense de capital au cours des années suivan-
tes en regard desquelles on n'inscrit pas les
recettes provenant du minerai.
Cette procédure aurait pour résultat que les
dépenses directes de production du minerai au
cours de la période d'exemption seraient sous-
traites dans le calcul du revenu de l'appelante et
deviendraient des dépenses au cours des années
suivantes. Ceci aurait pour effet de donner au
revenu exempté la qualité d'un revenu brut
exempté sans coût. Ceci, je crois, déforme à la
fois le revenu exempté et le revenu qui ne l'est
pas en ce sens que le revenu exempté est beau-
coup plus élevé parce qu'il ne comprend pas de
dépenses effectuées pour gagner ce revenu en
regard de recettes et parce que le bénéfice des
années suivantes est réduit d'autant. C'est le
résultat logique de la procédure de report préco-
nisée par les témoins de l'appelante.
Dans l'arrêt Marsh Fork Coal Co. c. Lucas
(1930) 42F. (2 e ) 83, décision du Circuit Court of
Appeals, Fourth Circuit, le juge de circuit
Parker, parlant au nom de la Cour dans l'exa-
men du principe comptable de la parité pour
l'exploitation d'une mine de charbon, déclarait à
la page 85:
[TRADUCTION] Lorsqu'un exploitant a extrait assez de
charbon pour prolonger ses tunnels de sorte qu'il ne peut
continuer à produire avec l'équipement qu'il possède, il doit
bien sûr prolonger la voie ferrée et ajouter des berlines et
des locomotives. La question est la suivante: la dépense
ainsi engagée sera-t-elle portée sur le compte du charbon
dont l'extraction a entraîné cette dépense nécessaire pour
maintenir l'exploitation normale, ou du charbon non encore
exploité? Nous croyons qu'il est juste d'attribuer au char-
bon qui a été extrait les dépenses que son extraction a
nécessitées. Nous pensons également que c'est la seule
méthode comptable acceptable. Capitaliser les dépenses
engagées pour maintenir un rendement normal signifie que
le coût d'extraction est ajouté au charbon se trouvant plus
loin dans la mine avec pour résultat que le charbon prés du
chevalement semblera avoir été extrait avec un bénéfice
anormal et que le charbon se trouvant plus loin l'a été à
perte.
Ce raisonnement du juge de circuit Parker est
conforme aux conséquences financières que j'ai
signalées précédemment dans les circonstances
de l'espèce et constitue un argument solide à
l'encontre du principe comptable du report pré-
conisé au nom de l'appelante.
Cependant le principe comptable ainsi avancé
au nom de l'appelante n'a pas d'effet étant
donné ma conclusion pour les motifs que j'ai
indiqués, selon lesquels les dépenses en ques
tion effectuées par l'appelante l'ont été dans le
but de produire un revenu. Les biens acquis par
l'appelante sous forme de galeries utiles étaient
accessoires à ces dépenses et à l'adoption d'un
plan d'exploitation pratique mais leur coût
demeure des dépenses à compte de revenu et ne
fait pas à bon droit partie d'un calcul du coût en
capital de ces biens. Il n'y a eu aucune dépense
de capital pour faire naître ce bien.
Étant donné la conclusion à laquelle je suis
arrivée, il ne m'est pas , nécessaire de déterminer
la nature des postes apparaissant dans le calcul
effectué par l'appelante du coût de ses galeries.
Les coûts comprenaient les coûts directs et
ceux de roulage d'un montant de $7,631,661
ainsi qu'une allocation de dépenses générales de
bureau d'un montant de $3,348,645 et une
partie des dépenses du siège social d'un mon-
tant de $1,031,022. Ces dépenses, de même que
les autres, forment une partie du coût normal de
la gestion de l'entreprise de l'appelante comme
par exemple, l'assurance-incendie, le déblaie-
ment de la neige, la protection contre le feu, les
réajustements d'inventaire, les taxes municipa-
les, l'indemnité des témoins et l'amortissement
des logements appartenant à la Con -Ell. Bien
que je ne me sois pas prononcé sur la question,
je doute que ces postes aient été inclus à bon
droit et il se peut bien que le coût en capital,
pour lequel on demande une déduction, soit un
pourcentage d'un montant exagéré.
Il reste à trancher la question du coût de
logement des employés de l'appelante.
L'appelante demande à déduire du calcul de
ses bénéfices les pertes subies par sa filiale à
part entière en fournissant le logement aux
employés de l'appelante et en administrant ce
programme au cours de l'année d'imposition
1961 de l'appelante au seul motif que la Con -Ell
agissait comme mandataire de l'appelante.
Il s'agit des pertes subies lors de la vente de
maisons aux employés car les bénéfices n'ont
pas suffi à couvrir le coût du terrain et de la
construction des maisons, les dépenses d'admi-
nistration telles que le salaire d'un gérant; dans
la gestion d'unités de plusieurs appartements,
les recettes des loyers n'ont pas suffi à couvrir
les frais de gestion et enfin les pertes encourues
par les garanties données à la Société centrale
d'hypothèques et de logement relativement aux
prêts hypothécaires.
J'ai éprouvé des difficultés à établir la façon
dont on a calculé le montant des pertes. La
Con -Ell et l'appelante avaient des comptabilités
distinctes et employaient des vérificateurs diffé-
rents. Tous les employés de la Con -Ell étaient
payés par l'appelante puis leur salaire était mis
au compte de la Con -Ell. On faisait des réserves
mensuelles dans les livres comptables de l'appe-
lante en prévision des pertes de la Con -Ell et, à
la fin de l'année, on faisait des réajustements
pour traduire la perte réelle subie. Puisque les
inscriptions au débit faites par l'appelante n'é-
taient que des estimations, sans doute pour per-
mettre à certains de ses fonds de couvrir ces
pertes, je présume qu'à la fin d'année on faisait
une comparaison avec les livres de la Con -Ell,
qui révélaient la perte réelle et qu'on faisait
alors dans les livres de l'appelante le réajuste-
ment nécessaire pour faire correspondre les
montants.
Je comprends également, abstraction faite du
paiement par l'appelante des salaires de ses
employés travaillant pour la Con -Ell suivi de la
demande de paiement correspondante à la Con -
Ell, que la majeure partie du financement des
activités de la Con -Ell se faisait par prêts ban-
caires garantis au début par la Consolidated
Denison et la Can -Met puis, en 1961, par l'ap-
pelante. L'appelante faisait également des avan-
ces à la Con -Ell pour remplir les engagements
de cette dernière lorsque ses emprunts s'avé-
raient insuffisants pour ce faire. Je présume
encore que ces avances étaient faites pour per-
mettre à la Con -Ell de payer les montants pour
lesquels l'appelante s'était portée caution.
L'appelante ne prétend pas que les avances
faites à la Con -Ell soient des pertes comme
telles ou des paiements rendus nécessaires par
sa garantie d'exécution des engagements de la
Con -Ell, mais elle demande de déduire de son
revenu les pertes de la Con -Ell comme s'il s'a-
gissait de ses propres pertes.
Le calcul de ces pertes est d'autant plus com-
pliqué du fait que la Con -Ell et l'appelante
avaient des fins d'exercices financiers différen-
tes au calendrier de 1961. La fin d'exercice de
l'appelante était fixée au 31 décembre et celle
de la Con -Ell au 30 avril. Il y aurait donc un
chevauchement de huit mois.
Dans la comptabilité de la Con -Ell, la perte
déclarée est de $496,000 tandis que dans la
comptabilité de l'appelante, elle est de $416,-
039. On m'a expliqué que cet écart était dû aux
différences de fins d'exercice financier. Le véri-
ficateur particulier de l'appelante a alors déduit
un autre montant de $86,423 représentant une
partie des dépenses de bureau allouées à l'entre-
prise de logement que le vérificateur de l'appe-
lante avait ajoutées comme partie du coût de
construction des voies de roulage, donnant un
montant de $329,616 que l'appelante réclame
maintenant à titre de déduction, comparative-
ment au montant de $546,964.09 indiqué dans
l'avis d'appel.
Dès le début, l'appelante ne s'attendait pas à
tirer des bénéfices de l'entreprise de logement.
Au contraire, il était nécessaire de fournir des
facilités de logement pour attirer une main-
d'oeuvre stable à l'endroit éloigné où se trouvait
la mine et l'on prévoyait une perte.
Selon l'opinion de ses conseillers juridiques,
les dispositions des contrats de fiducie lui per-
mettant de se financer par des emprunts publics
empêchaient l'appelante de consacrer des fonds
provenant de ces emprunts à la fourniture de
logements à ses employés. C'est pour remplir
cette fonction qu'on a constitué la Con -Ell.
Étant une filiale à part entière, les administra-
teurs et les dirigeants de la Con -Ell étaient aussi
ceux de l'appelante et il en résulte que toutes
les décisions des dirigeants de la Con -Ell étaient
conformes aux intérêts de l'appelante.
En résumé, l'appelante estime que l'entre-
prise de la Con -Ell était en réalité celle de
l'appelante et, à l'opposé, le Ministre s'appuie
sur l'arrêt Salomon (Salomon c. A. Salomon &
Co. Ltd. [1897] A.C. 22) selon lequel il y a deux
entités juridiques distinctes et les pertes de
l'une ne sont pas les pertes de l'autre.
Il est bien établi que le simple fait pour une
personne de détenir toutes les actions d'une
compagnie ne fait pas de l'entreprise exploitée
par cette compagnie l'entreprise de l'actionnaire
et ne fait pas de cette compagnie le mandataire
de l'actionnaire pour exploiter cette entreprise.
Cependant il est concevable qu'il puisse exister
une entente entre l'actionnaire et la compagnie
qui fasse de celle-ci le mandataire de l'action-
naire dans le but de diriger l'entreprise et faire
ainsi de cette entreprise celle de l'actionnaire. Il
importe peu que l'actionnaire soit lui-même une
compagnie à responsabilité limitée.
La question est donc la suivante: en l'espèce,
existe-t-il une telle entente? Le fondement du
mandat est une relation contractuelle soit
expresse soit implicite. En l'espèce, il n'y a pas
eu de convention expresse et la question de
savoir si on peut implicitement conclure qu'il y
en a une est une question de fait fondée sur les
circonstances de chaque cas particulier.
Le procureur de l'appelante a invoqué avec
vigueur l'arrêt Smith Stone and Knight Ltd. c.
Birmingham [1939] 4 All E.R. 116. Dans cette
affaire, la compagnie demanderesse était la
seule actionnaire d'une filiale. Les locaux que la
filiale occupaient ont été expropriés par la
défenderesse. La compagnie mère a demandé
une indemnité pour perturbation des affaires au
motif que l'entreprise de la filiale était celle de
la compagnie mère. On s'est opposé à la
demande en invoquant que seule la filiale était
en droit de la présenter puisqu'il s'agissait d'une
entité différente.
Le juge Atkinson a passé en revue la juris
prudence et en a tiré six éléments importants
pour trancher la question suivante: Qui dirigeait
réellement l'entreprise? Les voici:
1. Les bénéfices étaient-ils considérés
comme les bénéfices de la compagnie mère? En
l'espèce, il n'y avait pas de bénéfices, c'étaient
des pertes.
2. Les personnes qui dirigeaient l'entreprise
étaient-elles nommées par la compagnie mère?
3. La compagnie mère était-elle le cerveau
dirigeant de l'initiative commerciale?
4. La compagnie mère dirigeait-elle l'initia-
tive, décidait-elle de ce qui devait être fait et du
capital à consacrer à l'initiative?
5. La compagnie mère réalisait-elle les béné-
fices grâce à sa compétence et ses directives?
En l'espèce, les pertes ont-elles été subies en
raison des directives de l'appelante? et
6. La compagnie mère exerçait-elle une
direction effective et continue?
D'après la preuve présentée en l'espèce, on
doit répondre par l'affirmative à ces six ques
tions mais, à mon avis, ce n'est pas concluant.
Les éléments soulignés par le juge Atkinson ne
sont que des indications utiles pour trancher la
question. Il peut exister d'autres facteurs qui
mènent à une conclusion différente.
Le juge Atkinson déclarait plus loin à la page
121:
[TRADUCTION] ... En fait, si jamais on pouvait dire qu'une
compagnie est le mandataire, l'employé ou l'instrument
... d'une autre, je crois que la compagnie [filiale] était en
l'espèce une entité juridique car elle n'était rien d'autre.
Rien n'empêchait la demanderesse de déclarer à tout
moment: «Nous exploiterons cette entreprise en notre
propre nom». (Les guillemets sont de moi.)
En l'espèce, l'unique motif de la construction
de la Con -Ell en corporation s'appuyait sur
l'opinion juridique selon laquelle l'appelante
contreviendrait aux conditions du contrat de
fiducie si elle dirigeait l'entreprise de logements
en son propre nom. C'est un principe du mandat
qu'une personne ne peut faire par un manda-
taire ce qu'elle ne peut faire elle-même.
En l'espèce, la Con -Ell agissait en son nom
propre. Elle a contracté avec l'entrepreneur en
construction. Elle a obtenu des prêts bancaires.
Parce que la filiale n'avait pas d'antécédents
fournissant des garanties, la banque a insisté
pour que l'appelante se porte caution de la
filiale, mais c'est la Con -Ell qui a contracté la
dette comme débiteur principal et l'appelante a
agi uniquement comme caution et également
comme caution de la Con -Ell auprès de la
Société centrale d'hypothèques et de logement
avec laquelle la Con -Ell a contracté directe-
ment. L'appelante n'a donc pas considéré la
Con -Ell comme son mandataire et la Con -Ell
n'a pas prétendu agir au nom d'un mandant dont
elle n'a pas dévoilé le nom ou autrement.
La Con -Ell dirigeait une entreprise et il est
important de se souvenir que les compagnies à
responsabilité limitée qui exploitent des entre-
prises sont des personnes imposables distincte-
ment et que les bénéfices de leurs entreprises
respectives sont des bénéfices imposables sépa-
rément, peu importe que l'une soit la filiale de
l'autre. Toute tentative pour contourner ce prin-
cipe doit s'appuyer sur des faits clairs et non
équivoques conduisant à la conclusion irréfuta-
ble qu'une entité juridique agit comme manda-
taire d'une autre et que l'entité juridique dirige
réellement l'entreprise de l'autre et non la
sienne.
Pour les motifs que j'ai exprimés, les faits de
l'espèce ne justifient pas, à mon avis, une telle
conclusion.
L'appel est donc rejeté avec dépens.
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