Jean Maurice Koenig (Appelant)
c.
Le ministre des Transports (Intime)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Thurlow et le juge suppléant Perrier—Montréal,
les 14, 15, 16, 17 juin 1971.
Pilotage—Suspension de brevet—Faute ou prévarica-
tion—Pilote faisant une manœuvre erronée dans l'affole-
ment—Cour d'investigation—Forme des questions soumi-
ses—Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1952,
c. 29, art. 568(1).
Une cour, constituée conformément à l'art. 568(1) de la
Loi sur la marine marchande du Canada pour enquêter sur
un abordage entre deux navires sur le fleuve St-Laurent,
suspendit le brevet de K, le pilote du navire allant vers
l'amont. Les deux navires se dirigeaient l'un vers l'autre
dans un chenal étroit et auraient dû se rencontrer bâbord à
bâbord conformément à la Règle 25 des Règlements sur les
abordages. Cependant, le navire allant vers l'aval, en pre-
nant une courbe du chenal, franchit le milieu du chenal vers
le nord. K réagit en changeant la route de son navire vers le
sud, avec l'intention de longer sur tribord et ne signala pas
sa manoeuvre par un coup de sifflet comme l'exige la Règle
28 des Règlements sur les abordages. L'autre navire chan-
gea alors sa route vers le sud et l'abordage s'ensuivit. La
cour d'investigation estima que K aurait dû se rendre
compte que le navire descendant reprendrait sa propre
route, que sa manoeuvre irrégulière et incorrecte, fruit de
l'affolement, fut la véritable cause de l'abordage, et aussi
qu'il viola les Règles 25 et 28 des Règlements sur les
abordages. K interjeta appel.
Arrêt: (1) Les conclusions de la cour d'investigation sont
fondées et l'appel doit être rejeté.
(2) L'ordonnance de suspension du brevet de K n'était
pas viciée car l'une des questions posées à la cour d'investi-
gation conformément aux Règles sur les sinistres maritimes,
lui demandait son avis sur le point de savoir si l'abordage
était imputable à «l'incompétence» ou à «l'inconduite» ainsi
qu'à la «faute» ou la «prévarication», qui sont les seuls
motifs de suspension de brevet aux termes de l'art. 568(1)
de la Loi sur la marine marchande du Canada.
Renvoi à: Belisle c. Le ministre des Transports [1967] 2
R.C.É. 141.
APPEL d'une décision de la cour constituée
pour enquêter sur un sinistre maritime confor-
mément à la Partie VIII de la Loi sur la marine
marchande du Canada, S.R.C. 1952, c. 29.
Jean-Paul Dufour, Bruno Desjardins et Blake
Knox pour l'appelant.
Bernard Deschênes et Guy Major pour
l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT—Il s'agit en l'es-
pèce d'un appel d'une décision d'un tribunal qui
tint une investigation formelle sur un sinistre
maritime en vertu de la Partie VIII de la Loi sur
la marine marchande du Canada, S.R.C. 1952,
c. 29. L'appel interjeté porte sur une décision
rendue conformément à l'art. 568(1) de la loi
suspendant le brevet de pilote de l'appelant.'
Le 10 octobre 1969, vers 5h18 (H.N.E.) une
collision se produisit aux environs de Lauzon
(Québec) entre le navire à moteur canadien
Maplebranch et le navire à moteur danois
Atlantic Skou. Conformément à la Partie VIII
de la Loi sur la marine marchande du Canada,
l'honorable juge Chevalier de la Cour supé-
rieure de Québec tint une investigation formelle
au sujet dudit abordage et, le 8 mai 1970, fit un
rapport qui contenait, entre autres, une ordon-
nance concernant l'appelant rédigée ainsi:
[TRADUCTION] Dans ces circonstances, la Cour ordonne
que son brevet de pilote soit suspendu pour une période de
trois (3) mois à compter du prononcé du présent
jugement ...
La cour d'investigation était assistée par trois
assesseurs qui participèrent tous à la rédaction
de son rapport.
En l'espèce il est interjeté appel de l'ordon-
nance susmentionnée.
Je pense qu'il est exact de résumer aussi la
position de l'appelant dans cet appel: il accepte
les faits de base établis par la cour d'investiga-
tion savoir, il accepte les conclusions de la cour
d'investigation sur ce qui s'est en fait produit,
mais il n'accepte pas la qualification de ces faits
par la Cour ni les conclusions de la Cour sur
l'application des dispositions législatives appli-
cables à ces faits. L'intimé accepte et appuie le
rapport de la cour d'investigation, en ce qui
concerne les faits, sans aucune réserve.
Je propose donc de commencer ces motifs
par un résumé des faits de base établis par la
cour d'investigation dans mes propres termes et
sans plus de détail qu'il n'est nécessaire à mon
avis, afin d'apprécier les conclusions de la cour
d'investigation en ce qui concerne ces faits et
l'attaque de ces conclusions par l'appelant.
Le Maplebranch, pétrolier d'environ 376
pieds de long, d'un bau de 52 pieds et d'un
creux de 27.5 pieds, remontait vers la ville de
Québec sur lest avec l'appelant pour pilote et
l'Atlantic Skou, cargo d'acier de 613 pieds de
long, 73 pieds de bau et 46.7 pieds de creux
descendait le fleuve après avoir quitté la station
de pilotage du port de Québec, piloté par M. J.
M. W. Keating avec une cargaison de céréales
en vrac. Les deux navires auraient dû se ren-
contrer dans une partie du chenal maritime en
courbe ce qui demandait au Maplebranch de
changer sa route vers bâbord (à sa gauche) et à
l'Atlantic Skou de changer la sienne vers tribord
(à sa droite). A tous les endroits importants, le
chenal avait au moins 500 encablures de large
(3,000 pieds) ou plus.
Ce chenal maritime étant un «chenal étroit»
selon l'acception de la Règle 25a) des Règle-
ments pour prévenir les abordages en mer de la
Loi sur la marine marchande du Canada, règle
qui est rédigée ainsi:
a) Tout navire à propulsion mécanique faisant route dans
un chenal étroit doit, quand la prescription est d'une exécu-
tion possible et sans danger, prendre la droite du chenal ou
du milieu du passage.
Si les deux vaisseaux s'étaient conformés à
cette règle, ils auraient pu se rencontrer en
toute sécurité. (Pour plus de commodité, on se
réfèrera au côté du chenal dans lequel le Maple-
branch aurait dû rester comme étant le côté
nord et le côté du chenal dans lequel l'Atlantic
Skou aurait dû rester comme étant le côté sud.)
En effet, les faits sont les suivants:
a) l'Atlantic Skou franchit le «milieu du
chenal» en passant du côté sud du chenal
vers le côté nord du chenal;
b) quand l'appelant vit l'Atlantic Skou passer
vers le côté nord du chenal, il fit virer le
Maplebranch à bâbord;
c) l'Atlantic Skou amorça un retour vers le
côté sud du chenal;
d) il en résulta alors qu'un abordage était
imminent et l'appelant fit virer le Maple-
branch à bâbord toute tandis que le pilote
Keating faisait virer l'Atlantic Skou à tribord
toute de sorte que les deux navires s'abordè-
rent en plein milieu du côté sud du chenal.
Lors de la collision la nuit était sombre et claire,
la visibilité excellente. Juste avant que l'abor-
dage ne devienne imminent, le Maplebranch
avançait à une vitesse de 11 noeuds en surface
et l'Atlantic Skou avançait à une vitesse de 14
noeuds en surface.
L'étendue établie de l'empiétement de l'At-
lantic Skou sur le côté nord du chenal ressort
d'une conclusion de fait précisant qu'à un
moment donné, sa timonerie était à trois-dixiè-
mes d'encablure (180') et son avant à quatre-
dixièmes d'encâblure (240') au nord de la ligne
médiane du chenal.
A partir de ces constatations de faits (beau-
coup plus détaillées que je ne les ai résumées),
la cour d'investigation a dégagé les conclusions
suivantes:
[TEXTE] (1) La circonstance (non la cause) qui a été à
l'origine du malentendu est l'empiétement momentané et
sommes toutes, léger de l'Atlantic Skou au nord du centre
géographique du chenal;
(2) Cet empiétement est survenu à un moment où les
deux navires étaient relativement rapprochés l'un de l'autre,
mais où l'état d'urgence ne semblait pas encore exister;
(3) Cet empiétement a été fait durant un très court espace
de temps et le navire a normalement et graduellement fait la
manoeuvre désirable pour revenir sur son côté;
(4) Cet empiétement obligeait nécessairement le pilote du
Maplebranch à surveiller les lieux et à adopter une manoeu
vre adéquate pour y faire face;
(5) Au lieu d'aller plus vers le nord, donc de commander
à tribord pour rencontrer rouge à rouge le navire descen
dant, le pilote Koenig a opté pour une manoeuvre fautive en
décidant de rencontrer à tribord, malgré la position de
retour vers le sud de l'Atlantic Skou qu'il connaissait ou
qu'il devait, à ce moment, réaliser parfaitement;
(6) Cette fausse et erratique manoeuvre, fruit d'un état -
d'esprit de panique qui y a présidé, est la cause réelle de
l'abordage;
(7) Le fait que le pilote Koenig n'a pas réduit sa vitesse
et n'a pas averti, par l'utilisation de son sifflet le pilote
Keating de sa manoeuvre entre également en ligne de
compte comme des éléments contributoires du sinistre et
établit un lien de causalité avec ce sinistre;
(8) La vitesse des deux navires, préalablement au
moment où la collision est devenue une éventualité prévisi-
ble, était contraire aux règlements établis pour la partie du
fleuve où se faisait cette navigation, mais, dans l'opinion de
la Cour, elle ne peut être, à proprement parler, considérée
comme un élément décisif ou une cause déterminante de
l'abordage lui-même.
La cour d'investigation jugea le pilote Kea-
ting coupable de deux «violations», à la fois
«vitesse illégale» et «empiétement momen-
tané». Elle les envisagea de la manière suivante:
[TRADUCTION] Comme on l'a expliqué ci-dessus, il a été
prouvé que sous la conduite de son pilote, l'Atlantic Skou
empiéta légèrement sur le côté nord du chenal. Un détail
précis explique peut-être cette route. Le navire en question
mesure 613 pieds de long. La preuve révèle qu'il réagit
lentement aux commandes. Il était chargé. Peu avant l'en-
droit où on commanda une manoeuvre de 20 degrés, le
chenal s'incurve vers le sud. Étant donné tous ces facteurs,
il apparaît que dans de telles circonstances, la manoeuvre
était peut-être illégale en tant que telle, mais il n'était pas
inhabituel de voir de tels empiétements ou divergences se
produire. Malgré le trafic vers l'amont qui aurait dû inciter
le pilote du navire à agir avec plus de prudence, il semble
que cette violation n'était pas importante et ne créait pas un
risque inhérent pour deux raisons; premièrement, l'empiéte-
ment était léger; deuxièmement, il avait lieu dans le cadre
d'une manoeuvre générale et d'un changement de direction
continu vers le sud.
En résumé, on peut dire que le navire prit la courbe en
l'élargissant légèrement plus qu'il n'était nécessaire ou sou-
haitable, situation qui, selon des marins expérimentés, se
produit assez régulièrement dans nos chenaux étroits et
dont doivent tenir compte ceux qui se préparent à rencon-
trer de tels navires.
D'autre part, le règlement en vigueur relatif à la vitesse
dans la zone où se produisit le sinistre (article 35, paragra-
phe (2), alinéa d)) interdit une vitesse supérieure à 9 noeuds.
Le pilote Keating (page 657) admit qu'avant l'abordage il
aurait pu atteindre 10 noeuds. D'après ses observations et
ses calculs, la cour conclut que la vitesse de l'Atlantic Skou
avait dû atteindre 14 noeuds. On a donc prouvé la violation
de la loi.
Toutefois, il est impossible de relier ce fait avec l'accident
lui-même.
Si je comprends bien le rapport, la cour d'inves-
tigation jugea qu'aucune des «violations» du
pilote Keating n'était une cause de la collision
finale.
La cour d'investigation apprécie la conduite
de l'appelant dans une partie du rapport dont
voici un extrait:
[TRADUCTION] Le pilote Koenig à bord du Maplebranch
De son propre aveu, il dépassa au cours de la navigation
la vitesse limite prescrite par les règlements du Conseil des
ports nationaux pour les ports du Québec. A cet égard, les
remarques faites précédemment lui sont aussi applicables.
Deuxièmement, il viola la Règle 25 citée ci-dessus, et
dans son cas, il le fit de telle sorte que l'on peut dire que
cette violation est la cause réelle de l'abordage.
* * *
Lorsque le pilote Koenig vit l'Atlantic Skou traverser
l'alignement, son devoir était clair: tout d'abord, il aurait dû
réduire sa vitesse et essayer de déterminer la future route
du navire qui approchait, admettant que dans la courbe faite
par le chenal, il n'était pas imprévisible que le navire des
cendant exécuterait un changement de direction assez pro-
noncé, imaginer sinon prédire qu'il reviendrait petit à petit
vers le côté sud du chenal, et ordonner une manoeuvre à
tribord et non à bâbord comme il le fit.
Étant donné qu'il n'était pas certain, comme il le déclara
lui-même, de la route que l'autre navire avait l'intention de
suivre, il aurait pu et dû communiquer avec lui pour avoir
des renseignements.
L'excuse qu'il avance est qu'au moment où tout ceci eut
lieu, il était trop tard et à plusieurs reprises, il utilisa
l'expression: «Les jeux étaient faits».
Néanmoins, et malgré les nombreuses contradictions de
son témoignage, il déclara à un certain moment que, lors-
qu'il réalisa la gravité de la situation, il était encore sur une
route de 235 degrés. Même si ceci s'était produit plus tard,
selon l'avis de la Cour, il aurait encore eu assez de temps
pour juger de la situation et prendre la décision nécessaire.
En vérité, le principe mentionné ci-dessus n'est pas
absolu et doit être interprété selon les conditions spécifi-
ques de chaque cas; et on doit même reconnaître que dans
certaines circonstances la violation de la règle peut être
nécessaire. Toutefois, à ce moment-là, une telle dérogation
apparaîtrait souhaitable seulement si les circonstances
étaient telles que l'obligation générale de prudence avait
priorité sur l'observation du règlement. En outre, la Règle
27, qui traite de ces exceptions, prévoit cette possibilité.
Malheureusement, ces circonstances exceptionnelles ne
semblent pas être applicables à l'affaire en question.
* * *
Dans son témoignage, le pilote Koenig justifia un peu son
action.
Il se référa à la coutume selon laquelle les pilotes de
navire se rencontrent assez souvent vert à vert. Toutefois,
si l'on indique qu'il avait pris sa décision dans les moments
d'affolement précédant l'abordage, une telle justification
perd tout son poids et sa valeur:
(page 937)
[TEXTE] «Alors, j'ai continué à l'observer pendant quel-
ques secondes, et puis au moment où il a traversé, là j'ai
décidé qu'il ne me rencontrerait pas—qu'à ce moment-là,
pour lui, en me traversant, il serait moins difficile de me
rencontrer: vert à vert que: rouge à rouge, beaucoup moins
difficile pour lui. Alors à ce moment-là, j'ai opté pour
commencer à tourner lentement sur la gauche. Mais il n'y
avait rien de définitif, à ce moment-là, encore.»
(page 1021)
[TEXTE] «Alors, j'en suis arrivé à la conclusion, à ce
moment-là, quand il a traversé en avant, de tourner légère-
ment sur la gauche, bien que ça ne soit pas absolument
nécessaire, mais seulement pour donner une chance de plus
pour rencontrer:. vert à vert.»
* * *
Troisièmement, le pilote Koenig a enfreint la Règle 28 qui
est rédigée ainsi:
Alinéa a): Lorsque des navires sont en vue l'un de l'autre,
un navire à propulsion mécanique faisant route doit, en
changeant sa route conformément à l'autorisation ou aux
prescriptions des présentes Règles, indiquer ce change-
ment par les signaux suivants émis au moyen de son
sifflet:
Un son bref pour dire: «Je viens sur tribord»;
Deux sons brefs pour dire: «Je viens sur bâbord»;
Trois sons brefs pour dire: «Mes machines sont en
arrière».
Alinéa b): Lorsqu'un navire à propulsion mécanique qui,
conformément aux présentes Règles, doit conserver sa
route et maintenir sa vitesse, est en vue d'un autre navire
et ne se sent pas assuré que l'autre navire prend les
mesures nécessaires pour éviter l'abordage, il peut expri-
mer son doute en émettant au sifflet une série rapide d'au
moins cinq sons brefs. Ce signal ne doit pas dispenser un
navire des obligations qui lui incombent conformément
aux Règles 27 et 29 ou à toute autre Règle, ni de l'obliga-
tion de signaler toute manoeuvre effectuée conformément
aux présentes Règles, en faisant entendre les signaux
sonores appropriés, prescrits par la présente Règle.
[TEXTE] L'Atlantic Skou a respecté la prescription de
l'alinéa a) de la Règle 28.
Le pilote du Maplebranch ne s'y est pas conformé. Sa
déclaration qu'il y a eu affolement et que c'est là la raison
pour laquelle il n'a pas donné le signal, ne saurait constituer
une excuse. Ainsi qu'il le dit dans un texte cité plus haut, la
situation ne présentait aucun caractère d'urgence quand il a
commandé «bâbord»; il savait que cela aurait pour résultat
de l'amener du côté sud du chenal et, à compter de ce
moment, il devait signaler sa manoeuvre irrégulière.
Si, également comme il le prétend, il est né dans son
esprit un doute sur la route qu'entendait adopter le navire
approchant, il aurait dû utiliser le moyen prévu par
l'alinéa b) de la Règle 28.
Enfin, il a enfreint une règle de prudence en ne réduisant
pas sa vitesse lorsque la situation lui a paru douteuse. Ce
n'est qu'à la toute dernière minute qu'il a décidé d'adopter
cette manoeuvre et, alors, il a raison de dire que «les jeux
étaient faits» et qu'il était trop tard.
Le rapport traite de la question de la sanction à
appliquer à l'appelant, de la manière suivante:
[TRADUCTION] La Cour considère que les actes de ce
pilote constituaient plutôt une faute qu'une prévarication et
que son piètre jugement était le fruit de l'affolement, ce qui
manifestement n'est en aucun cas un trait souhaitable chez
une personne chargée de piloter un navire de cette taille.
Toutefois, on peut dire pour sa défense, que la provocation
à distance causée par l'empiétement momentané de l'Atlan-
tic Skou était à la base de sa perte de contrôle et que, étant
donné les faiblesses humaines, il faut en tenir compte.
Étant donné les circonstances, la Cour ordonne que le
brevet du pilote soit suspendu pour une période de trois (3)
mois à compter du prononcé de la présente décision rendue
en audience publique conformément aux dispositions de
l'art. 568, paragraphe (5) de la Loi sur la marine marchande
du Canada.
La seule question sur laquelle la Cour doit
statuer en appel est de savoir si le brevet de
l'appelant a été suspendu à bon droit conformé-
ment à l'art. 568(1) de la Loi sur la marine
marchande du Canada, qui, entre autres, auto-
rise que «le brevet d'un pilote» soit suspendu
«par une cour tenant une investigation formelle
sur un sinistre maritime ... si la cour constate
que ... l'avarie grave d'un navire, ... a pour
cause la faute ou la prévarication, ... ». En
traitant de cette question, nous ne devons pas
oublier que cette Cour n'a pas à statuer sur
l'exactitude de la décision de la cour d'investi-
gation selon laquelle aucun manquement du
pilote Keating n'était cause de la collision. En
l'absence du pilote Keating, il faudrait éviter
toute question de ce genre à moins qu'elle ne
soit accessoire et nécessaire à une décision
déterminant si la collision était due à une faute
ou à une prévarication de l'appelant.
La principale attaque de l'ordonnance sus-
pendant le brevet de l'appelant est, d'après moi,
que l'empiétement de l'Atlantic Skou sur le côté
sud du chenal plaça l'appelant dans une situa
tion où:
a) son ordre à bâbord était la meilleure
mesure qu'il pouvait prendre pour faire face à
la situation, ou
b) même si ce que fit l'appelant n'était pas la
meilleure mesure dans les circonstances, et
même s'il avait dû faire ce qu'indiquait le
rapport de la cour d'investigation, la décision
de faire ce qu'il fit, était une décision possible
pour un pilote assez bien qualifié, raisonna-
blement prudent et attentif, et par conséquent
ce n'était pas aussi nettement une faute que
l'est une «faute ou prévarication» selon l'ac-
ception de l'art. 568(1). Voir Belisle c. Le
ministre des Transports, [1967] 2 R.C.É. 141.
Il me semble que l'autre motif de la principale
attaque de l'appelant est que, même s'il était
coupable d'une «faute ou prévarication» selon
l'acception de l'art. 568(1), ce n'était pas la
cause de la collision.
L'appelant présenta des arguments subsidiai-
res dont un seul, à mon avis, exige d'être men-
tionné. Il s'agissait d'une attaque de la forme
des questions posées à la cour d'investigation.
Je reviendrai là-dessus après avoir discuté ce
que j'ai choisi de considérer comme la princi-
pale attaque de l'appelant de la décision qu'il
porte en appel.
Les événements conduisant à l'abordage
entre le Maplebranch et l'Atlantic Skou se divi-
sent, à mon avis, en deux parties, savoir: les
événements conduisant au passage de l'Atlantic
Skou dans la partie nord du chenal et ceux,
allant du moment où l'Atlantic Skou est passé
dans la partie nord du chenal au moment de
l'abordage.
Pour ce qui est de l'appel, nous n'avons pas à
aborder la question de savoir si l'Atlantic Skou
était passé dans la partie nord du chenal à la
suite d'une «faute ou prévarication» de son
équipage. La présence de ce navire dans la
partie nord du chenal résultait de la navigation
de l'équipage et il est clair que l'appelant n'est,
en aucune façon, responsable de la présence de
ce navire à cet endroit.
Ce qui nous préoccupe, c'est de savoir si par
suite de ce qui est arrivé après que l'appelant a
vu l'Atlantic Skou passer du côté nord du
chenal, cette Cour doit conclure que la collision
était due à la faute ou prévarication de
l'appelant.
A mon avis, l'effet de ce qui fut dit au nom de
l'appelant, est que, dès que ce dernier vit l'At-
lantic Skou passer de son côté du chenal, il fut
confronté avec une situation dangereuse dans
laquelle:
a) l'Atlantic Skou suivait une route de son
côté du chenal de sorte que les deux vais-
seaux pouvaient se rencontrer tribord à tri-
bord au lieu de bâbord à bâbord,
b) s'il avait contourné le Maplebranch à tri-
bord, il aurait créé un risque de collision avec
l'Atlantic Skou, eu égard à sa route quand il
le vit croiser devant lui, et
c) eut-il réduit la vitesse du Maplebranch,
nous ne pouvons pas dire, d'après la preuve
apportée, si cela aurait diminué le danger ou
non,
et, en l'occurrence, vu le temps limité disponi-
ble pour la réflexion, il décida d'aller à bâbord
sans réduire sa vitesse afin de faciliter un pas-
sage tribord à tribord qui lui était imposé par
l'Atlantic Skou. Ayant été mis dans cette situa
tion par l'Atlantic Skou et ayant été ainsi amené
à prendre cette mesure afin d'éviter la collision,
l'Atlantic Skou changea alors sa route, selon les
arguments présentés au nom de l'appelant tels
que je les vois, d'une manière telle que l'abor-
dage était rendu inévitable, forçant ainsi l'appe-
lant à aller à bâbord toute pour minimiser les
conséquences de l'abordage; en fait il fut obligé
de diriger le Maplebranch vers le côté sud du
chenal.
Il me semble que la cour d'investigation a
établi avec l'aide des assesseurs, que l'appelant
savait, ou «aurait dû parfaitement réaliser», au
moment où il vit l'Atlantic Skou entrer dans le
côté nord du chenal, qu'il «retournerait au sud»
et que par conséquent il aurait pu réduire sa
vitesse et ordonner «une manoeuvre à tribord».
Les arguments avancés au nom de l'appelant
et les conclusions de la cour d'investigation
évoquant des descriptions tout à fait différentes
de la situation à laquelle l'appelant dût faire
face au moment où il réalisa que l'Atlantic Skou
allait passer dans le côté nord du chenal. Afin
d'avoir des preuves suffisantes pour apprécier
la situation réelle à laquelle l'appelant fut alors
confronté, cette Cour demanda aux assesseurs
de lui préparer une carte de la partie précise du
chenal impliquée, y rapportant tous les faits
importants établis par la cour d'investigation.
Cette carte constituera une partie de ces motifs
lorsqu'ils seront rédigés par écrit. 2
Comme il ressort de cette carte, si le Maple-
branch s'était tenu à la route qu'il suivait quand
il aperçut pour la première fois l'Atlantic Skou
traverser la partie nord du chenal, il se serait
nettement écarté de la route suivie en fait par
l'Atlantic Skou alors dans le côté nord du
chenal. Étant donné ceci, il devient d'impor-
tance primordiale de décider si l'appelant aurait
dû, comme la cour d'investigation jugea qu'il
aurait dû, «parfaitement réaliser» quand il vit
l'Atlantic, Skou passer du côté nord du chenal,
qu'il reviendrait du côté sud du chenal comme il
le fit en fait. Par conséquent, la Cour posa à
chacun des assesseurs certaines questions. Les
questions et les réponses données par les asses-
seurs sont les suivantes:
[TRADUCTION] QUESTION 1. Étant donné les faits établis
par la cour d'investigation et rapportés sur la carte que
vous nous avez préparée, le pilote du Maplebranch
«aurait-il dû réaliser parfaitement» quand il vit l'Atlan-
tic Skou passer du côté nord du chenal que ce dernier
retournerait du côté sud du chenal comme en fait il le
fit?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: Oui.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: Il aurait dû réaliser
que l'Atlantic Skou retournerait du bon côté du
chenal.
QUESTION 2. Comment expliquez-vous vos réponses à
la question numéro 1?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: La
route normale (020) pour un navire descendant con
duit vers la rive de Beaufort.
Pour de nombreuses raisons, il est possible qu'un
navire puisse franchir la ligne indiquée par les feux de
direction délimitant le chenal sûr, mais ceci ne veut
pas dire que le navire continuera et ira s'échouer.
Le pilote du Maplebranch aurait dû réaliser que le
navire descendant avait simplement tardé à virer et
qu'il reprendrait sa route normale.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: Il peut arriver que,
lorsqu'un pilote s'approche des lumières de direction,
il puisse traverser la ligne médiane pour un court
moment seulement.
QUESTION 3. A votre avis, la réponse à la question
numéro 1 est-elle un sujet sur lequel des pilotes assez
bien qualifiés, raisonnablement prudents et avisés
seraient arrivés à des conclusions contraires?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: Non.
Les pilotes devraient être et sont habitués à un certain
nombre de changements de route dans le chenal.
Ce serait une mauvaise manoeuvre de leur part de
considérer qu'un navire approchant d'une courbe ou
franchissant l'alignement d'un chenal comme indi-
quant que ce navire désire les rencontrer du mauvais
côté du chenal.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: Un pilote qualifié
comprenant bien la manoeuvre n'aurait pas dû agir
comme il le fit.
J'ai étudié de mon mieux la question que je
considère comme d'importance primordiale à la
lumière de ces réponses et, après avoir examiné
le problème en particulier à la lumière des
motifs avancés par les assesseurs, je suis arrivé
à la même conclusion que celle de la cour
d'investigation, savoir qu'il est tout à fait évi-
dent, et aurait dû l'être pour l'appelant, que ce
dernier, quant il vit l'Atlantic Skou passer du
côté nord du chenal, aurait dû diriger le Maple-
branch en considérant que l'Atlantic Skou
modifierait sa route pour retourner sans délai
du côté sud du chenal.
Étant parvenu à cette conclusion, je devrais
faire état des autres questions que cette Cour
posa aux assesseurs. Les questions et les répon-
ses qu'ils y ont données sont les suivantes:
[TRADUCTION] QUESTION 4. Eu égard aux faits établis
par la cour d'investigation et rapportés par la carte
que vous nous avez préparée, un pilote à bord du
Maplebranch qui était raisonnablement compétent, rai-
sonnablement prudent et avisé, pouvait-il décider d'or-
donner un changement de direction à «bâbord', quand
il vit l'Atlantic Skou passer du côté nord du chenal?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: Il a pris
une mauvaise décision. Il n'aurait pas dû modifier sa
route.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: Il n'aurait pas dû
ordonner un changement de direction à bâbord.
QUESTION 5. Quels sont les motifs de vos réponses à la
question 4?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: Bien
que l'Atlantic Skou soit en retard dans son mouve-
ment, il devait venir à tribord pour suivre la route
normale du chenal, ou y revenir pour rencontrer l'au-
tre navire conformément aux règles.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: En plus de la réponse
numéro 2, il aurait dû présumer que l'Atlantic Skou
avait des problèmes de gouverne et allait s'échouer sur
cette route. Par conséquent, il aurait dû arrêter ses
machines et lui porter assistance dans la mesure du
possible.
QUESTION 6. Eu égard aux faits mentionnés à la ques
tion 4, un pilote sur le Maplebranch, qui était raison-
nablement compétent, raisonnablement prudent et
avisé, pouvait-il raisonnablement redouter le danger
d'une collision avec l'Atlantic Skou si, lorsqu'il le vit
passer du côté nord du chenal, il avait ordonné un
changement de route à tribord?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: Non.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: Il n'y aurait eu aucun
danger de collision s'il avait modifié sa route à tribord.
QUESTION 7. Quels sont les motifs de vos réponses à la
question 6?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: S'il crai-
gnait réellement le danger d'une collision, (problème
de gouverne à bord de l'autre navire etc.), le pilote du
Maplebranch n'aurait pas dû hésiter à arrêter les
machines et à se rendre compte de la situation avant
de prendre des mesures.
Je ne crois pas que cette crainte d'une collision était
justifiée quand le pilote du Maplebranch prit ces
mesures.
Une réduction de la vitesse aurait laissé le temps à
l'autre navire de traverser bien en avant, puisque
même à pleine vitesse ils étaient éloignés l'un de
l'autre.
Une modification de la route à tribord aurait placé le
Maplebranch dans une position sûre, son tirant d'eau
étant au maximum de 17 pieds, la marée pour ainsi
dire pleine (15 pieds), il aurait pu aller au nord de la
bouée 138B lui laissant la place de tourner ou
manoeuvrer.
Une modification de la route à tribord ne causait
aucun danger de collision à ce moment-là, en fait cette
manoeuvre aurait été normale.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA:. En suivant les dépo-
sitions du pilote du Maplebranch, il semble qu'à tout
moment, il contrôlait le navire de manière parfaite. En
allant vers tribord il avait suffisamment d'eau au nord
et ne risquait pas de s'échouer d'autant plus que ses
machines auraient été au point mort (voir question
numéro 5).
QUESTION 8. Un pilote sur le Maplebranch qui était
raisonnablement compétent, raisonnablement prudent
et avisé, pouvait-il redouter raisonnablement d'avoir
des difficultés après avoir ordonné de réduire la vitesse
quand il vit l'Atlantic Skou passer du côté nord du
chenal?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: Non.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: Il n'y avait aucune
raison pour que le pilote pense qu'il y avait un risque
possible d'avoir des difficultés en allant à une vitesse
moindre ou même en s'arrêtant.
QUESTION 9. Quels sont les motifs de vos réponses à la
question 8?
R. LE CAPITAINE JEAN PAUL TURCOTTE: Réduire
la vitesse lui aurait permis de se rendre compte de la
situation; aurait donné plus de temps à l'Atlantic Skou
pour corriger sa manoeuvre incorrecte ou pour faire
son changement de direction; aurait donné le temps de
monter le signal approprié «impossibilité de manoeu
vre» sur l'Atlantic Skou si c'était le cas; telle qu'une
panne de l'appareil à gouverner, des problèmes avec
les machines, etc ...
En décidant de prendre des mesures afin d'éviter la
collision, si nécessaire, il aurait donc dû faire les
signaux appropriés.
R. LE CAPITAINE S. P. BERNA: C'est une question de
manoeuvre. Il est en face d'un bateau qui peut avoir
des difficultés. Par conséquent, son devoir est de
donner à l'autre bâtiment toute l'aide nécessaire possi
ble, c'est-à-dire, (1) réduire la vitesse, (2) s'arrêter, (3)
laisser de l'espace pour manoeuvrer ou les trois à la
fois si c'est nécessaire.
Après avoir étudié la question plus à fond à la
lumière de ces réponses, j'ai conclu que finale-
ment la collision était directement et immédiate-
ment imputable à l'ordre donné par l'appelant
d'aller à bâbord juste après qu'il vit l'Atlantic
Skou passer du côté nord du chenal au lieu de
réduire sa vitesse et si possible d'aller à tribord,
et qu'il n'aurait simplement jamais dû donner
l'ordre d'aller à bâbord et que son devoir était
de réduire la vitesse.
J'envisage maintenant les violations des règle-
ments dont la cour d'investigation jugea l'appe-
lant coupable.
Tout d'abord, il a été établi que l'appelant
viola la Règle 25. Pour plus de commodité, je
répète la partie importante de cette règle.
Tout navire à propulsion mécanique faisant route dans un
chenal étroit doit, quand la prescription est d'une exécution
possible et sans danger, prendre la droite du chenal ou du
milieu du passage.
Dans la présente, il est admis que le Maple-
branch était un navire à propulsion mécanique
faisant route dans un chenal étroit. Toutefois, il
semble que, d'après ce que nous pouvons
déduire de la preuve, l'ordre «bâbord» n'eut pas
pour résultat de faire quitter au Maplebranch le
côté du milieu du chenal à tribord; et il ne le
quitta qu'après avoir reçu l'ordre à bâbord toute
alors que la situation était devenue dangereuse
et qu'il lui était impossible de rester de ce côté.
Toutefois, étant donné les faits de cette affaire,
la question ne peut, à mon avis, être divisée en
éléments distincts. Quand l'appelant donna l'or-
dre à «bâbord», on doit considérer qu'il avait
réalisé ce que tout pilote raisonnablement com-
pétent, raisonnablement prudent et avisé aurait
dû réaliser, savoir, que l'Atlantic Skou allait
revenir dans le côté sud du chenal, et que
donner un tel ordre amènerait une situation qui
obligerait le Maplebranch à passer dans le sud
du chenal comme en fait il fut obligé de le faire.
Par conséquent, en donnant un ordre à
«bâbord», il choisit de s'embarquer sur une
route qui avait pour résultat vraisemblable de
l'empêcher de rester sur le bon côté du milieu
du chenal. Par conséquent, on doit considérer le
fait de diriger le navire vers le côté sud du
chenal comme une conséquence de l'ordre pri-
mitif à bâbord; à mon avis, c'était donc une
violation du Règlement 25, comme l'a déclaré la
cour d'investigation, qui a été la cause immé-
diate de la collision.
D'autre part, on a établi que l'appelant avait
omis de se conformer à la Règle 28 qui exigeait
entre autres choses que «lorsque des navires
sont en vue l'un de l'autre, un navire à propul
sion mécanique faisant route doit, en changeant
sa route conformément à l'autorisation ou aux
prescriptions des présentes Règles indiquer ce
changement . ..» par des signaux prévus à l'ali-
néa a) de cette Règle. Je m'accorde avec la cour
d'investigation pour dire que l'appelant viola
cette Règle quand il donna son ordre à
«bâbord» et qu'il n'avait aucune excuse pour
omettre de donner ce signal ce qui aurait pu
avertir l'Atlantic Skou de ce qu'il faisait, suffi-
samment à l'avance pour changer le cours des
événements.'
Voilà qui complète l'examen de ce que je
considère comme la principale attaque de l'ap-
pelant de la décision de suspendre son brevet de
pilote. Maintenant je vais envisager ce que j'ai
mentionné précédemment comme étant une
attaque subsidiaire, savoir une attaque de la
forme des questions posées à la cour
d'investigation.
Afin de juger de cet aspect de la question, il
faut se reporter à la loi concernant ce genre
d'enquête.
En premier lieu, nous avons les investigations
formelles concernant les sinistres maritimes.
L'article 560 de la Loi sur la marine marchande
du Canada autorise une cour nommée confor-
mément à l'art. 558 (M. le juge Chevalier cons-
tituait cette cour) à tenir une investigation for-
melle dans le cas d'un sinistre maritime et l'art.
578 autorise le gouverneur en conseil à établir
des règles pour rendre exécutoires les disposi
tions législatives se rapportant aux investiga
tions formelles. Conformément à l'art. 578, le
gouverneur en conseil a établi les Règles sur les
sinistres maritimes (décret en Conseil privé
1954-1861, en date du l er décembre 1954).
L'article 7(1) de ces règlements autorise le
ministre des Transports à signifier un avis,
appelé avis d'investigation à certains officiers
désignés ainsi qu'à toute autre personne qui,
selon lui, doit être partie. L'article 7(2) prévoit,
et cette disposition doit être particulièrement
soulignée, qu'un avis d'investigation doit conte-
nir un exposé de l'affaire «ainsi qu'un exposé
des questions qui, d'après les renseignements
alors disponibles, seront soulevées à l'au-
dience». L'article 7(3) prévoit qu'un fonction-
naire du ministère «à toute époque antérieure à
l'audition» peut modifier ces «questions».
En second lieu, il existe des dispositions con-
cernant l'annulation ou la suspension des certi-
ficats ou des brevets. L'article 568 de la Loi sur
la /narine marchande du Canada prévoit entre
autres choses que le brevet d'un pilote peut être
annulé ou suspendu par une cour tenant une
investigation formelle sur un sinistre maritime
«si la cour constate que ... l'avarie grave d'un
navire ... a pour cause la faute ou la prévarica-
tion d'un pilote ...».
En troisième lieu, certaines dispositions des
Règles sur les sinistres maritimes concernant «la
procédure» devant la cour d'investigation. L'ar-
ticle 16 exige que l'investigation commence par
l'appel de témoins «pour le compte du minis-
tère». L'article 17(1) prévoit que une fois l'in-
terrogatoire de ces témoins terminé, le repré-
sentant du ministère expose en audience «les
questions dont il désire saisir la cour relative-
ment au sinistre et à la conduite des officiers
brevetés ou autres personnes visées». Et l'art.
17(2) prévoit que «dans la rédaction des ques
tions à déférer à la Cour» le fonctionnaire du
ministère peut opérer des changements dans les
questions de l'avis d'investigation «qu'il peut
juger nécessaire, eu égard à la preuve». L'arti-
cle 18 prévoit ensuite que, après l'exposé des
questions à déférer à la Cour, cette dernière
entend les parties dans l'investigation (y com-
pris tous les témoins qu'elles produiront) et
«décide les questions ainsi exposées».
A la lumière de ce résumé, je vais maintenant
envisager l'attaque subsidiaire de l'appelant.
L'appelant mentionne la question n° 8 de l'ex-
posé de l'affaire qui est rédigée ainsi:
Question n° 8
A. La cause de l'abordage peut-elle être attribuée à l'in-
compétence, la faute, la prévarication ou la mauvaise
conduite d'une ou plusieurs personnes?
B. Si oui, de qui et pour quelles raisons?
et la réponse apportée par la cour d'investiga-
tion est la suivante:
Réponse
A. Oui.
B. Le pilote Koenig et le premier officier Forbes pour les
raisons indiquées en détail au chapitre 6 du rapport.
L'appelant souligne que la question n° 8
demande à la Cour son opinion sur le point de
savoir si l'abordage était directement imputable
soit à «l'incompétence» ou à «l'inconduite» soit
à «une faute» ou «prévarication», qui sont les
deux seuls motifs d'annulation d'un certificat ou
d'un brevet de pilote. Je crains de ne pouvoir
apprécier la valeur de l'affirmation selon
laquelle ceci pourrait servir, d'une manière ou
d'une autre, de base pour annuler la décision
suspendant le brevet de l'appelant. Ce qui est
envisagé dans les art. 7 et 17 des Règles sur les
sinistres maritimes, ce sont les «questions» aux-
quelles la cour d'investigation doit répondre
pour renseigner le Ministre. La question 8
demande une réponse concernant «l'incompé-
tence, la faute, la prévarication ou l'inconduite»
d'«une ou plusieurs personnes» qui causèrent
l'abordage. C'est une question très vaste qui est
probablement importante aux fins du Ministre.
Lorsque la cour d'investigation agit aux termes
de l'art. 568 en ce qui concerne un certificat ou
un brevet de pilote, elle ne répond pas à une
«question», elle rend une ordonnance opérante
et doit élaborer ses conclusions de fait comme
l'exige la loi applicable. C'est un processus tout
à fait différent bien que, dans les circonstances,
les deux processus se chevauchent.
Quant à la suggestion de l'appelant portant
que l'introduction de mots tels que «incompé-
tence» ou «inconduite» dans la question 8 ten-
dait à induire la Cour en erreur [TRADUCTION]
«et peut bien l'avoir incitée à étudier plus à
fond la conduite de l'appelant ... et à s'infor-
mer de ses compétences passées et présentes,
ainsi que d'autres considérations extérieures,
alors que, en réalité, elle aurait dû se préoccu-
per seulement de la possibilité qu'il ait commis
une «faute ou prévarication» en exécutant sa
tâche au moment du sinistre», il est suffisant de
mentionner seulement les parties pertinentes du
rapport de la Commission d'enquête, que j'ai
déjà exposées, pour être assuré que la Cour
savait très exactement ce qu'elle avait à déci-
der. Si dans le cas contraire il y avait le moindre
doute sur le fait que la Cour était consciente de
la signification limitée à donner aux termes de
la loi qu'elle devait appliquer, ce doute est
écarté si l'on se rapporte à sa discussion du cas
du premier officier Forbes dans laquelle une
partie significative du jugement de l'affaire
Belisle c. Le ministre des Transports [1967] 2
R.C.É. 141 est citée. Je suis convaincu qu'on ne
peut faire aucune critique grave des conclusions
de faits de la cour d'investigation dans la
mesure où elles conditionnaient la décision
contre laquelle l'appel est interjeté.
Je ne veux pas laisser cet aspect de la ques
tion sans ajouter que je ne désire pas qu'on
puisse me faire dire qu'un officier ou un pilote
n'a pas droit à la protection de principe régis-
sant un procès juste. En particulier, je suis
certain qu'il a le droit de savoir ce qui est
allégué contre lui et de pouvoir y répondre.
Cependant, dans la présente affaire, une lecture
de la transcription de l'audience met en évi-
dence que l'appelant était bien représenté et il
n'y a aucun doute qu'il savait ce qu'il devait
répondre et qu'il a eu toutes les occasions pour
le faire.
Avant de conclure, je désire exprimer une
réserve en ce qui concerne le rapport de la cour
d'investigation. Je ne veux pas que l'on consi-
dère que j'approuve ou désapprouve les conclu
sions établissant que les violations de la loi
concernant la vitesse des navires dans le chenal
n'étaient pas une cause d'abordage. Je pense
qu'on doit pouvoir discuter le fait que, au moins
dans certaines circonstances, un bâtiment
dépassant la limite de vitesse légale doit être
considéré comme fautif pour n'avoir pas pris
une mesure propre à éviter le dommage, qu'il
aurait pu prendre s'il avait manoeuvré à la
vitesse limite.
Pour les motifs susmentionnés, je conclus
que l'appel doit être rejeté.
LE JUGE THURLOW—Je suis parvenu à la
même conclusion.
Bien qu'un grand nombre d'aspects détaillés
de l'affaire aient été examinés au cours des
plaidoiries, les faits simples tels que je les envi
sage, sont les suivants: l'appelant naviguait à
bord du Maplebranch du bon côté du chenal,
mais comme le savant commissaire l'a établi,
extrêmement près de la ligne médiane et à une
vitesse d'environ 5 noeuds au-dessus de la limite
fixée à 9 noeuds; confronté avec le problème
présenté par l'Atlantic Skou qui franchit la ligne
médiane et passa de son côté du chenal, il
choisit d'aller à bâbord et d'essayer de rencon-
trer ce navire tribord à tribord. Le savant com-
missaire décrivit l'empiétement de l'Atlantic
Skou sur les eaux de l'appelant comme
«momentané» et «léger» et établit que le navire
«normalement et graduellement a fait la
manoeuvre désirable pour revenir de son côté».
Il a aussi établi que l'appelant savait ou aurait
dû se rendre compte que c'était ce que l'Atlan-
tic Skou allait faire.
La gravité de la conduite de l'Atlantic Skou
pour avoir dépassé la limite de vitesse, franchi
la ligne médiane alors que le Maplebranch
approchait, et n'avoir pas vu ce navire aussitôt
qu'il était visible, ne constitue pas, à mon avis,
des questions dont nous nous préoccupons dans
cet appel, à titre d'infractions aux règlements ou
même à titre de causes contributoires de la
collision. A mon avis, la question pour nous est
simplement de savoir si la conduite de l'appe-
lant, dans la situation à laquelle il était con
fronté, justifie en droit la sanction infligée.
A ce sujet, il faut prendre eh considération
les trois points avancés au cours des plaidoiries.
Le premier est de savoir si dans ces circonstan-
ces, l'action entreprise par l'appelant était mau-
vaise. Il m'est aisé de conclure que ce point que
la tentative de l'appelant de rencontrer l'Atlan-
tic Skou tribord à tribord en allant à bâbord au
moment où il savait, ou aurait dû prévoir que
l'Atlantic Skou essayerait de regagner son côté
du chenal en se dirigeant vers tribord avant de
le rencontrer, était une manoeuvre erronée. J'es-
timerais aussi qu'il a fait une manoeuvre erronée
même si on devait considérer le changement de
direction de l'Atlantic Skou à tribord comme
l'une des nombreuses routes possibles qu'il pou-
vait décider de suivre. Ce n'est que si l'appelant
avait pu éliminer la possibilité du changement
de direction à tribord de l'Atlantic Skou, soit en
entrant en communication avec lui soit autre-
ment, qu'à mon avis, l'appelant pouvait justifier
son changement de direction à bâbord comme
une manoeuvre appropriée par opposition à une
manoeuvre erronée. En outre, dans ces circons-
tances, une telle manoeuvre opérée sans com
munication ou assurance préalable, sans signal
et sans faire un changement d'une ampleur telle
que sa lumière verte soit visible de l'Atlantic
Skou, contribua, à mon avis, à aggraver son
caractère fautif.
La deuxième affirmation et peut-être la plus
solide du point de vue de l'appelant, était que
même si le changement de direction à bâbord,
en essayant de rencontrer l'Atlantic Skou tri-
bord à tribord, était une manoeuvre erronée,
c'était une simple erreur de jugement faite dans
des circonstances critiques et non pas une faute
ou prévarication selon l'acception de l'art.
568(1)a) de la Loi sur la marine marchande du
Canada. Il faut noter ici que dans la preuve,
que le savant commissaire citait dans son rap
port, l'appelant lui-même déclarait que lorsque
le premier ordre à bâbord de la route de 235° T
fut donné, il n'y avait ni urgence ni situation
critique puisque, d'après l'hypothèse sur
laquelle il se fondait, c'est-à-dire que l'Atlantic
Skou n'allait pas changer sa route, les navires se
seraient dégagés l'un de l'autre et que ce chan-
gement à bâbord bien que pas absolument
nécessaire fut effectué pour faciliter la rencon-
tre de l'Atlantic Skou avec le Maplebranch vert
à vert.
Toutefois, je ne pense pas que l'affaire était
ou même paraissait être aussi simple que cela à
l'appelant. Il semble possible que l'appelant ait
pu espérer que son passage à bâbord serait
remarqué et suffirait à persuader l'équipage de
l'Atlantic Skou de ne pas essayer d'effectuer
une rencontre bâbord à bâbord. Mais l'appelant
ne pouvait pas faire autrement que savoir que la
rencontre tribord à tribord n'était pas prévue.
Et de son point de vue, tel que je le vois et
comme le savant commissaire semble aussi l'a-
voir vu, l'action de loin la plus vraisemblable
qu'il pouvait attendre de l'Atlantic Skou n'était
pas qu'il maintiendrait sa route mais qu'il
reviendrait à tribord.
Dans ces circonstances, le fait que l'appelant
aille à bâbord pour essayer de rencontrer l'At-
lantic Skou tribord à tribord, sans avoir préparé
cette rencontre, ou sans avoir communiqué son
intention par signal ou autrement, et à un
moment où il y avait d'autres solutions plus
normales ou plus naturelles qui lui étaient offer-
tes, y compris réduire sa vitesse, maintenir sa
route pendant un moment et aller à tribord
quand la route de l'Atlantic Skou serait devenue
libre, me semble, comme il a dû sembler au
savant commissaire, être un manquement telle-
ment extraordinaire et anormal à la conduite
que l'on peut attendre d'un pilote compétent
placé dans des situations semblables qu'il tombe
bien dans le cadre d'une «faute ou prévarica-
tion» de l'art. 568 de la Loi, comme cette
expression a été interprétée dans l'affaire
Belisle c. Le ministre des Transports.
En outre le fait qu'il ait paru nécessaire à
l'appelant de demander et finalement d'ordon-
ner à bâbord toute, ce qui amena le Maple-
branch du mauvais côté du chenal, si, bien sûr,
le changement de direction précédent à bâbord
ne l'avait pas déjà fait, n'était que la consé-
quence du précédent changement de direction à
bâbord. Il viola ainsi l'art. 25 des Règles sur les
abordages comme le savant commissaire l'en
avait trouvé coupable.
Le dernier point était que la manoeuvre de
l'appelant à bâbord n'était pas la cause de l'a-
bordage et des dommages. Selon mon point de
vue que j'ai déjà indiqué, la question de la
responsabilité de l'Atlantic Skou quant à l'abor-
dage n'est pas pendante devant la Cour dans ce
présent appel, et à mon avis, le fait que la
conduite de ce navire était ou non une cause
contributoire de l'abordage ne change rien à
l'appel. La seule question qui me semble se
poser, est de savoir si une faute ou prévarica-
tion de l'appelant était une cause de l'abordage
et des dommages. Sur ce point, la plaidoirie
porta sur le fait que l'abordage était inévitable à
la suite du changement de direction de l'Atlan-
tic Skou vers tribord, quelle que soit la route
que l'appelant ait pu adopter à partir du moment
où il donna l'ordre à bâbord. Toutefois, excepté
l'avis que nous avons reçu, comme nous l'avons
déjà indiqué, de nos assesseurs, selon lequel
une collision n'était pas rendue inévitable par le
changement de direction de l'Atlantic Skou vers
tribord, je ne considère pas comme vraiment
discutable que le changement de direction de
l'appelant vers bâbord, son signal ou autre indi
cation de changement à l'équipage de l'Atlantic
Skou, n'était pas, dans ces circonstances, au
moins une des causes de la collision et des
dommages.
Sur le dernier point de droit soulevé par les
questions auxquelles la cour d'investigation for-
melle devait répondre, je suis d'accord avec ce
que le juge en chef a dit et je désire faire
mienne ses remarques en ce qui concerne la
vitesse et l'effet déroutant de la vitesse supé-
rieure à la limite fixée en l'espèce.
A mon avis l'appel n'est pas bien fondé et
doit être rejeté.
LE JUGE SUPPLÉANT PERRIER—Les commen-
taires seront très brefs:
Pendant le quart (;) de siècle où j'ai été sur
le banc à la Cour supérieure, j'ai rarement vu un
dossier préparé avec autant de soin et de com-
pétence. Les factums des procureurs sont clairs
et précis et leur plaidoirie, même si les deux (2)
plaideurs n'ont pas pu réussir en même temps à
convaincre la Cour, n'en ont pas été moins un
exposé très approfondi de la question.
Pour moi je suis ici dans une drôle de situa
tion; comme vous le savez, c'est une expérience
nouvelle que j'apprécie beaucoup, mais c'est à
la fois un début sans lendemain. Comme je ne
reviendrai pas, je profite de l'occasion, et je
suis sûr qu'en ce moment je puis être l'inter-
prète de mes savants collègues, pour féliciter
très sincèrement les procureurs qui ont si bien
accompli leur devoir.
Je voudrais simplement souligner que l'appe-
lant dans son factum, et ce d'une façon très
courtoise d'ailleurs, a regretté que l'honorable
juge Chevalier n'ait pas tenu suffisamment
compte de la preuve fournie par les témoins
Koenig et Forbes et qu'il ait accordé la crédibi-
lité ou la prépondérance de la preuve aux
témoins Keating, Mayotte et surtout Lachance.
Je n'ai pas à insister très longtemps sur les
règles qui doivent guider une Cour d'appel,
puisque ces règles ont été maintes et maintes
fois appliquées.
L'honorable juge Chevalier a vu et entendu
ces témoins et par conséquent il a pu constater
leur attitude, leur comportement, et a pu peser
leurs déclarations. Le rôle d'une Cour d'appel
n'est pas de substituer son appréciation à celle
du premier (le') juge, sauf dans le cas d'une
erreur manifeste.
Or à mon humble avis l'analyse, la lecture et
l'analyse de la preuve m'incitent à dire que
l'appréciation faite par l'honorable juge Cheva-
lier des témoignages qui ont été rendus devant
lui, loin de comporter une erreur manifeste, ce
qui pourrait justifier une Cour d'appel de ren-
verser sa décision, me paraît exacte et bien
fondée, et justifie sa décision.
Je n'ai pas à reprendre les jugements très
élaborés, ni à ternir le mérite et l'éclat, des
opinions qui viennent d'être exprimées; je con-
clus simplement en disant que je partage l'opi-
nion de l'honorable juge en chef et de l'honora-
ble juge Thurlow et que j'accepte entièrement
leur conclusion.
I L'article 576(3) de la Loi sur la marine marchande du
Canada prévoit que «lorsque, dans une telle investigation,
une décision a été rendue relativement à ... la suspension
du ... brevet d'un pilote, ... il peut être interjeté appel de
cette décision à la Cour d'amirauté». Avant le ler juin 1971,
«Cour d'amirauté» était définie par l'art. 2(1) de la Loi sur
la marine marchande du Canada et signifiait «la Cour de
l'Échiquier du Canada en sa juridiction d'amirauté». La Loi
sur la Cour fédérale, 1971 (Can.), c. 1 (annexe B), qui est
entrée en vigueur le 1e1 juin 1971, a modifié cette définition
de telle sorte que «Cour d'amirauté» dans la Loi sur la
marine marchande du Canada désigne désormais la Cour
fédérale du Canada. En vertu de l'art. 30 de la Loi sur la
Cour fédérale, un appel interjeté en vertu de l'art. 576(3) de
la Loi sur la marine marchande du Canada l'est maintenant
devant la Division d'appel de la Cour fédérale, qui peut être
appelée Cour d'appel fédérale (art. 4 de la Loi sur la Cour
fédérale). Il s'agit en l'espèce du premier appel qu'entend la
Cour d'appel fédérale.
2 [Non-reproduit dans ce texte.—Ed.]
Je ne considère pas le renvoi hypothétique de la cour
d'investigation à la Règle 28b) comme établissant la viola
tion de cette dernière par l'appelant.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.