Bowater Power Company Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance. Le juge en chef
adjoint Noël—Montréal, le 17 juin et Ottawa, le
9 novembre 1971.
Impôt sur le revenu—Allocation à l'égard du coût en
capital—Location de droits sur l'énergie hydro-électrique
d'une rivière pour une durée de 99 ans avec privilège de
renouvellement—S'agit-il d'un bail ou d'un permis—Règle-
ments de l'impôt sur le revenu, annexe B, catégories 13 et 14.
En 1955, l'appelante achetait d'une autre compagnie, au
coût de $941,989, certains droits sur l'énergie hydro-électri-
que d'une rivière de Terre-Neuve que le Gouvernement de
cette province avait loués à cette compagnie en 1915 pour
une durée de 99 ans. Le contrat, qui a été ratifié par le
Parlement de Terre-Neuve, autorisait, sur demande du
bénéficiaire, un nombre illimité de renouvellements de
ladite durée de 99 ans et lui accordait le droit de détourner
ou endiguer la rivière et d'y ériger des ouvrages. En contre-
partie, le bénéficiaire payait $20 et s'engageait à faire cer-
tains travaux de construction et à fournir l'énergie électri-
que au public.
En 1959 et 1960, l'appelante a consacré au-delà de
$33,000 à des études techniques portant sur le coût de
production d'énergie supplémentaire et sur l'emplacement
d'usines.
Arrêt: (1) La location des droits sur l'énergie hydro-élec-
trique constitue un bail et l'appelante peut obtenir déduction
des allocations à l'égard de leur coût en capital en vertu de
l'annexe B des Règlements de l'impôt sur le revenu, catégo-
rie 13. Si elle ne constituait pas un bail, il s'agirait d'une
concession ou d'un permis d'une durée limitée (parce que
renouvelable sur demande du bénéficiaire) et, partant, elle
serait assujettie aux allocations à l'égard du coût en capital
en vertu de la catégorie 14. Arrêts mentionnés: Sevenoaks c.
London and DoverRly. Co. (1879) 11 Ch.D. 625; Errington
c. Errington and Woods [1952] 1 K.B. 290.
(2) La dépense engagée en 1959 et 1960 pour les études
techniques est déductible, à titre de dépenses courantes, du
calcul du revenu de l'appelante tiré de son entreprise au
cours desdites années. Arrêt suivi: Canada Starch Co. c.
M.R.N. [1968] C.T.C. 466.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
Bruce Verchère pour l'appelante.
F. J. Duhrulé, c.r. pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOËL—Le pré-
sent appel est interjeté à l'encontre des cotisa-
tions d'impôt sur le revenu relatives aux années
d'imposition 1958, 1959 et 1960, établies par le
Ministre et rejetant certaines allocations à l'é-
gard du coût en capital, demandées en ce qui
concerne certains droits appelés droits sur le
ruisseau Corner et certains droits sur la rivière
Humber, se chiffrant respectivement à $104,-
665.47 et $941,989.32, et certaines tenures à
bail au sens de l'article 1100(1)b) des Règle-
ments de l'impôt sur le revenu. Tout en rejetant
également des dépenses de $18,195 et de
$'15,801 supportées respectivement en 1959 et
1960, au motif qu'elles n'entraient pas dans le
cadre de la catégorie 2 de l'annexe B des Règle-
ments de l'impôt sur le revenu, le Ministre a
refusé de les déduire à titre de dépenses
d'exploitation.
Suivant la position du Ministre, a) aucun des
droits d'exploitation d'énergie acquis par l'appe-
lante, appelés droits sur la rivière Humber et
droits sur le ruisseau Corner, ne sont des biens
entrant dans la catégorie 13 de l'annexe B des
Règlements de l'impôt sur le revenu, car ni l'un
ni Gl'autre ne constitue une tenure à bail; b)
aucun des droits d'exploitation d'énergie acquis
par l'appelante, et appelés droits sur la rivière
Humber et droits sur le ruisseau Corner, ne sont
des biens entrant dans la catégorie 14 de l'an-
nexe B des Règlements del'impôt sur le revenu,
car ni l'un ni l'autre ne constitue un brevet, une
concession ou un permis; ou c) subsidiairement
à l'alinéa b), si les biens appelés droits sur la
rivière Humber et droits sur le ruisseau Corner
entrent dans ladite catégorie 14, c'est-à-dire s'ils
constituent un brevet, une concession ou un
permis, le brevet, la concession ou le permis n'a
pas une durée limitée.
L'appelante a été constituée en corporation
en 1955 sous l'autorité du Newfoundland Com
panies Act dans le but d'exploiter une entre-
prise de production et de vente d'énergie élec-
trique; elle a toujours été une filiale appartenant
exclusivement à la Bowater Corporation of
North America Limited. Aux termes d'un acte
en date du 1 e1 juin 1955, l'appelante a acquis de
la Bowater's Newfoundland Pulp & Paper Mills
Limited (également filiale appartenane exclusi-
vement à la Bowater Corporation of North
America Limited) les droits relatifs au ruisseau
Corner et à la rivière Humber (Terre-Neuve),
ci-après appelés droits sur le ruisseau Corner et
droits sur la rivière Humber.
Dans ses déclarations d'impôt sur le revenu
de 1958, 1959 et 1960, l'àppelante a considéré
que le coût en capital des droits sur le ruisseau
Corner et sur la rivière Humber se chiffrait à
$2,321,320.78 et a demandé une allocation à
l'égard du coût en capital en conséquence. Par
la suite, l'appelante et l'intimé ont convenu que
lé coût en capital de ces droits était de $1,046,-
654.79 dont, au dire de l'appelante, $104,-
665.47 peuvent raisonnablement s'appliquer
aux droits sur le ruisseau Corner et le solde, soit
$941,989.32, aux droits sur la rivière Humber.
Les prédécesseurs en titre de l'appelante
avaient acquis les 4 droits sur le ruisseau Corner
et sur la rivière Humber respectivement du gou-
verneur de Terre-Neuve en 1913 et du gouver-
neur de Terre-Neuve en conseil en 1915.
Au cours de ses années d'imposition 1959 et
1960, l'appelante a consacré des sommes de
$18,195 et $15,801, 3 respectivement,, à des,
études techniques du coût d'exploitation d'éner-
gie supplémentaire et. d'implantation d'une cen-
trale hydro-électrique. Dans le calcul de sol}
revenu des années d'imposition 1959 et 1960,
l'appelante a ajouté les montants respectifs de
$18,195 et $15,801 au coût en capital de ses
biens suivant la catégorie 2 de l'annexe B des
Règlements d'impôt sur le revenu et a déduit
l'allocation à l'égard du coût en capital pour ces
mêmes montants. Cependant, l'appelante a
maintenant renoncé à cette prétention et
demande uniquement, pour autant que ces
postes sont en cause, qu'ils soient acceptés
comme dépenses d'exploitation, à titre de
sommes déboursées ou dépensées en vue de
gagner ou de produire un revenu tiré de. l'entre-
prise de l'appelante et, partant, déductibles en
vertu des articles 4 et 12(1)a) de la. Loi de
l'impôt sur le revenu.
Le Ministre, pour sa part, soutient que ces
montants étaient des sommes déboursées à
compte de capital au sens de l'article 12(1)b) et
qu'ils ne sont donc pas déductibles du calcul du
revenu de l'appelante pour les années 1959 et
1960.
Le procureur de l'intimé a déclaré à l'audition
que le Ministre était maintenant disposé à
reconnaître que les droits sur le ruisseau
Corner, qui ont une durée limitée, constituent
une concession ou un permis et que ce bien a un
coût en capital de $104,665.47; cette question
est donc réglée et l'appel doit être accueilli sur
ce point. L'intimé a également renoncé à la
prétention selon laquelle l'octroi des droits sur
la rivière Humber ne constituaient pas un
brevet, une concession ou un permis au sens de
la catégorie 14 de l'annexe B e des Règlements,
tout en continuant à soutenir, toutefois, que
l'octroi n'a pas une durée limitée.
Les parties ont préparé un exposé conjoint
des faits et des documents, qui ont été versés au
dossier comme pièce A-2 que je reproduis:
[TRADUCTION] DÉCLARATION
1. Le 16 avril 1915, une convention a été conclue entre le
gouverneur en conseil de Terre-Neuve et ses dépendances
et la Newfoundland Products Corporation Limited aux
termes de laquelle, notamment, l'énergie ou les forces
hydrauliques de la rivière Humber (ci-après appelées les
droits sur la rivière Humber) étaient louées à la Newfound-
land Products Corporation Limited. La pièce ASF 1 est une
copie certifiée de cette convention.
2. Le 5 juin 1915, la Loi confirmant la convention du 16
avril 1915, après un décret du gouverneur, du conseil légis-
latif et de la chambre d'assemblée de Terre-Neuve, était
adoptée au cours de la session. La pièce ASF 2 est une
copie certifiée de la Loi.
3. Le 9 juin 1923, la Newfoundland Products Corpora
tion Limited changeait son nom pour celui de Newfound-
land Power and Paper Company Limited.
4. Le 13 juillet 1923, l'Assemblée générale de Terre-
Neuve adoptait une Loi qui modifiait la pièce ASF 2.
L'article 7 de cette Loi du 13 juillet 1923 est ainsi rédigé:
7. A tous égards, et chaque fois qu'il en est fait mention
dans la convention de 1915 et dans la Loi de 1915 (sauf à
l'article 1 de la convention de 1915) le terme doit être
considéré comme ayant commencé à courir à la date de la
présente loi.
(Cette dernière disposition est importante parce
qu'elle signifie que le terme de l'octroi des
droits sur la rivière Humber commençait à
courir à compter de juillet 1923 et non de 1915
parce que, bien que la convention ait d'abord
été conclue en 1915, la période de 99 ans com
mence en 1923 et non en 1915).
Les alinéas 5, 6 et 7 de ladite déclaration
traitent du transfert des droits sur la rivière
Humber à une série de compagnies; étant donné
que ces transferts ne sont pas contestés, je ne
les reproduis pas.
[TRADUCTION] 8. En 1955, la Bowater Power Company
Limited (l'appelante) a été constituée et son objet comporte
notamment l'exploitation d'une entreprise de production et
de vente d'énergie électrique. Elle exploite cette entreprise
depuis sa constitution en corporation.
9. Le le' juin 1955, la Bowater's Newfoundland Pulp and
Paper Mills Limited a vendu à l'appelante ses droits sur la
rivière Humber. Le coût en capital des droits sur la rivière
Humber se chiffrait pour l'appelante à $941,989.32.
Par suite de ce qu'a reconnu l'intimé, les
points en litige sont réduits au nombre de trois:
(1) l'octroi des droits sur la rivière Humber
constituait-il une tenure à bail au sens de la
catégorie 13? (2) subsidiairement au premier
point, l'octroi des droits sur la rivière Humber
(qui est reconnu comme étant une concession
ou un permis) a-t-il une durée limitée au sens de
la catégorie 14 de l'annexe B des Règlements?
et (3) les sommes de $18,195 et $15,801,
dépensées en 1959 et 1960 au compte de certai-
nes études techniques, sont-elles déductibles à
titre de dépenses ordinaires d'entreprise en
vertu des articles 4 et 12(1)a) de la loi?
Si la position adoptée par l'intimé relative-
ment aux $941,989.32 dépensés pour les droits
sur la rivière Humber et aux deux montants
ci-dessus de $18,195 et $15,801, dépensés pour
des études techniques, s'avérait exacte, nous
serions en présence de ce que le jargon fiscal
appelle deux «riens» pour lesquels il ne serait
pas possible d'accorder d'allocation ni de
déduction. Les questions soulevées en l'espèce
se retrouvent dans chacune des trois années à
l'étude, savoir 1958, 1959 et 1960, et leur solu
tion s'appliquera à ces trois années.
L'exposé conjoint des faits et les documents
produits comme pièce A-2 constituent la seule
preuve présentée relativement aux deux premiè-
res questions: (1) l'octroi des droits sur la
rivière Humber constituait-il une tenure à bail et
(2) avait-elle une durée limitée. Quant à la troi-
sième question, la déductibilité du coût des
études techniques, un seul témoin a été
entendu, un certain M. Sansome. Cependant,
avant d'examiner la question du coût des études
techniques, nous examinerons les deux premiè-
res questions.
Seul le début de l'alinéa 1, page 5, de la pièce
ASF-1 est important pour établir si les droits
sur la rivière Humber constituent une tenure à
bail, comme le soutient l'appelante, ou un
permis, comme le soutient l'intimé; voici cette
partie importante:
[TRADUCTION] 1.—Le Gouvernement, par les présentes,
loue, pour une durée de 99 ans, à compter de la date de
cette convention, à la compagnie (pour autant que le Gou-
vernement puisse ce faire de façon compatible avec tous
octrois, baux ou permis antérieurement accordés et encore
existants), l'énergie ou les forces hydrauliques de la rivière
Humber et du ruisseau Junction; aux fins de ses travaux et
activités, la compagnie aura le droit de détourner, bloquer
ou endiguer tous ruisseaux, lacs ou cours d'eau faisant
partie du bassin hydrographique de la rivière Humber et de
faire, ériger ou maintenir dans ledit bassin tous barrages,
cours d'eau, canaux, fossés de dérivation et réservoirs aux
fins de ses travaux et activités ...
et elle poursuit:
[TRADUCTION] ... cette énergie ou ces forces hydrauliques
doivent être considérées comme détenues en vertu de la
présente convention: et les stipulations de cette convention,
excepté l'article 10 qui a trait aux droits et privilèges
accordés à la compagnie, doivent s'appliquer à tous travaux
et toutes entreprises, ...
puis l'alinéa 17:
[TRADUCTION] 17.—Si le présent bail ne devait prendre fin
que par l'expiration du terme, le Gouvernement, sur requête
et aux frais de la compagnie, à l'expiration du terme stipulé
aux présentes et à l'expiration de tout autre terme addition-
nel de 99 ans pouvant ci-après être accordé en vertu des
présentes, accordera à la compagnie, aux mêmes conditions
et stipulations que celles énoncées et contenues aux présen-
tes par voie de renouvellement pour un terme additionnel de
99 ans, à compter de l'expiration du terme stipulé aux
présentes, une nouvelle location desdits droits.
(Cet alinéa se rattache à la question de savoir
s'il s'agit d'un bail ou, dans la négative, s'il
s'agit d'une concession d'une durée limitée).
Puis, l'alinéa 20:
[TRADUCTION] 20.—Nonobstant le présent octroi de droits
sur les forces hydrauliques, toute personne aura droit à
l'usage temporaire desdites eaux pour y circuler en embar-
cation légère et pour y faire le flottage du bois appartenant à
une telle personne jusqu'à sa scierie ou son moulin à papier;
à condition toutefois que pareille utilisation ne gêne pas ou
n'entrave pas l'entreprise ou les activités de la compagnie.
(Cet alinéa est important parce qu'il se rattache
à la question de la possession exclusive au
cours de l'utilisation qu'en fait la compagnie).
Et, enfin, l'alinéa 22 stipule que:
22.—La présente convention est soumise à la condition
de l'approbation et de la ratification de la législature de la
colonie.
Et ceci nous amène directement à la pièce
ASF-2, la Loi qui ratifie et approuve la conven-
tion ASF-1. La partie importante de la pièce
ASF-2 est son premier alinéa qui, après mention
de la convention ASF-1, déclare qu'elle:
[TRADUCTION] ... est par les présentes approuvée et rati-
fiée, sous réserve des conditions et exceptions ci-après,
chacune des diverses clauses et conditions de celle-ci est
par les présentes déclarée valide et liant lesdites parties qui
l'ont conclue, et chacune d'entre elles, et chacun des divers
actes, objets et choses qu'elle stipule devoir être faits rem-
plis ou exécutées par les parties respectives ou de leur part
est par les présentes déclaré valide et licite; lorsque la
présente Loi ne le prévoit pas expressément, les parties et
chacune d'entre elles auront plein pouvoir et entière qualité
pour faire, remplir ou exécuter chacun des divers actes,
objets ou choses prévus à ladite convention ...
L'appelante, comme nous l'avons déjà vu,
soutient que l'octroi des droits sur la rivière
Humber constituait une tenure à bail au sens de
la catégorie 13 de l'annexe B des Règlements de
l'impôt sur le revenu' et, subsidiairement, que
cet octroi constituait un brevet, une concession
ou un permis d'une durée limitée, au sens de la
catégorie 14 de l'annexe B des Règlements. Le
procureur de l'appelante soutient que l'alinéa 1
de la pièce ASF-1 stipule trois choses, savoir
(1) que l'énergie ou les forces hydrauliques de
la rivière Humber et du ruisseau Junction sont
louées; (2) que la compagnie peut détourner,
bloquer ou endiguer tous ruisseaux, lacs ou
cours d'eau et (3) que la compagnie peut ériger
et maintenir des barrages, réservoirs, etc. Les
octrois peuvent donc se résumer comme suit: le
droit à la location des forces hydrauliques, le
droit de détourner et le droit d'ériger des
barrages.
L'appelante ne soumet pas que l'octroi des
droits sur la rivière Humber constitue une
tenure à bail du genre de celle qui aurait existé
et serait reconnue si la transaction avait eu lieu
entre des parties privées. Il est reconnu, dit-elle,
qu'il y a une abondante et ancienne jurispru
dence en common law, suivant laquelle un bail
emphytéotique, comme celui qui existe en droit
civil lorsqu'il y a un transport de propriété,
n'existe pas en common law.
L'appelante soumet simplement que l'octroi
constituait une convention entre le corps légis-
latif approprié du Parlement de Terre-Neuve et
la compagnie et que l'affaire se réduit à déter-
miner la nature exacte de l'octroi à partir du
sens ordinaire des mots employés dans la con
vention (ASF-1) et dans la Loi (ASF-2).
La considération de l'octroi était une somme
minime, $20, mais elle comportait également
l'obligation de faire certains travaux de cons
truction et de fournir de l'électricité. Les obliga
tions de la compagnie apparaissent à l'alinéa 3
de la pièce ASF-1, à la page 31 (page 7):
[TRADUCTION] 3.—La compagnie convient de fournir, à
chacune de ses usines génératrices au Labrador, à toute
personne ou compagnie s'occupant à tout emploi ou indus-
trie ne se rattachant pas à la fabrication du phosphate
d'ammoniac, l'énergie électrique ...
(La Newfoundland Power Corporation avait été
constituée à titre de compagnie de produits chi-
miques et ne voulait pas de concurrents. Elle
s'est par la suite consacrée à la fabrication de la
pâte à papier et du papier.)
La convention ne stipulait pas de paiements
de loyer; ceci peut cependant se remplacer par
une obligation, comme ici, d'effectuer des tra-
vaux de mise en valeur et de fournir de l'éner-
gie. Des maisons sont fréquemment louées à la
suite de conventions entre des parties privées
sur la foi de l'engagement du locataire de faire
des travaux d'entretien et de s'occuper de l'im-
meuble et, bien sûr, il s'agit là d'une considéra-
tion qui peut être l'équivalent d'un loyer. L'ap-
pelante a également soutenu que, même s'il
n'existe pas de bail emphytéotique en common
law et bien qu'il puisse y avoir un certain doute
quant à savoir si un bail peut, en common law,
être renouvelable à perpétuité entre des parties
privées, 2 le Parlement peut néanmoins créer un
tel droit dans une province de common law,
même si ce droit est inconnu en common law;
elle invoque l'arrêt Sevenoaks c. London et
Dorer Rly. Co. (1879) 11 Ch. D. 625, où le M.
R. Jessel déclarait à la page 635:
[TRADUCTION] ... Une loi du Parlement peut créer des
intérêts qui étaient inconnus en common law et qui ne
pourraient être créés par contrat entre particuliers.
Actuellement, le droit ne comporte pas d'institution telle
qu'un bail à perpétuité. Notre droit comporte une propriété
sans condition soumise à une rente, il comporte également
un bail pour un certain nombre d'années, mais il ne com-
porte pas d'institution comme le bail à perpétuité; par suite,
si nous rencontrons une perpétuité de ce genre, si elle
comporte, comme je le crois, le droit à la possession, elle ne
peut être à proprement parler décrite comme un bail ou une
propriété sans condition, parce qu'on n'avait pas eu l'inten-
tion de céder à la Dover Company une quelconque partie du
terrain, mais uniquement le droit à la possession ou à
l'occupation. Je comprends donc facilement pourquoi le
terme «bail», ou quelque terme semblable, n'a pas été
utilisé. Mais, à mon sens, cela équivaut à un bail, pour
autant qu'il concerne la possession de la surface et de ses
accessoires, nécessaires pour l'établissement de la ligne.
Terre-Neuve a obtenu un gouvernement res-
ponsable en 1855 et le statut de Dominion en
1917. Le procureur de l'appelante soutient que
les lois du gouverneur, du conseil législatif et de
la chambre d'assemblée, en session, sont des
lois du Parlement. Il s'ensuit, dit-il, que le gou-
vernement de Terre-Neuve avait pouvoir et
qualité pour créer des tenures à bail relatives
aux eaux et à l'énergie hydro-électrique, tenures
qui n'auraient pu être créées autrement, et je
dois dire que je souscris à cette assertion, si
telle est la nature de la convention conclue
entre les parties. La question de savoir si la
convention constitue un bail ou un permis n'est
toutefois pas facile à trancher en s'appuyant sur
l'état actuel de la jurisprudence. Fondamentale-
ment, le problème implique une détermination
de la portée de la possession exclusive d'un
occupant non propriétaire qui n'est pas un
intrus. La difficulté réside dans l'ambiguité de
l'expression «possession exclusive» qui peut
s'employer dans la seule possession ou domina
tion de fait, comme dans l'arrêt Westminster c.
Southern Rly. Co. [1936] A.C. 511, ou comme
signifiant un droit à la seule possession comme
dans l'arrêt Addiscombe Garden Estates Ltd. c.
Crabbe [1958] 1 Q.B. 513. Le problème pro-
vient aussi du fait que certaines décisions ont
insisté, comme facteur déterminant, sur l'inten-
tion des parties. Cependant, dans l'arrêt Erring-
ton c. Errington et Woods [1952] 1 K.B. 290,
Lord Denning déclarait à la page 298:
[TRADUCTION] ... bien qu'une personne à qui on remet la
possession exclusive doive être présumée locataire, elle ne
sera pas néanmoins considérée comme telle si les circons-
tances contredisent toute intention de créer une location ..
D'après cette décision, lorsqu'il s'agit d'une
licence, on peut dire que le critère est le sui-
vant: les parties avaient-elles réellement l'inten-
tion de créer une simple autorisation privilégiée
à la possession exclusive? D'aaitre part, lorsqu'il
s'agit d'un bail, avaient-elles l'intention de créer
un droit sur l'immeuble? Un permis, effective-
ment, ne confère aucun droit; il constitue sim-
plement une dispense. Cf. Thomas c. Sorrell
(1674) Vaughan 330. Il empêche simplement le
détenteur du permis d'être considéré comme un
intrus, sans enlever le droit d'entrée à celui qui
accorde e le permis. Le permis qui accorde la
possession exclusive comporterait donc la pos
session exclusive de fait mais sans en accorder
le droit. Si une telle situation peut exister, il
semble qu'il pourrait y avoir peu de différence
pratique entre un détenteur de permis et un
locataire durant bon plaisir p Le locataire, bien
sûr, aurait droit à la possession exclusive de
droit tandis que le détenteur de permis posséde-
rait un simple privilège d'accomplir des actes de
maîtrise, sous réserve du pouvoir qu'a celui qui
accorde le permis de le lui retirer. Il semble
donc qu'il y ait' 9 très peu de distinction entre un
bail et un permis si l'on tient compte du critère
de la possession exclusive.
Le deuxième critère suggéré par Lord Den-
ning dans l'arrêt précédent consiste à examiner
l'intention des parties; ceci est toujours assez
difficile, car la seule façon d'y ° parvenir est
d'étudier les circonstances qui ont entouré la
rédaction de la convention et d'en déduire si
l'intention des parties était de conférer un droit
à la possession exclusive ou simplement un
privilège. Dans l'arrêt Facchini c. Bryson [1952]
1 T.L.R. 1386, on a déclaré qu'ordinairement,
lorsqu'un non-propriétaire qui n'est pas un
intrus a la possession exclusive, il y a une
présomption qu'une location a été accordée. On
y déclarait aussi à la page 1389 que lorsqu'on
constatait [TRADUCTION] «une entente entre
membres d'une famille, un acte d'amitié, de
générosité ou un acte du même genre» cela
contredisait toute intention de créer une loca
tion. L'expression «tolérance d'occupation» a
été employée dans certains arrêts pour décrire
une situation de ce genre. Dans l'arrêt Cobb c.
Lane [1952] 1 All E.R. 1199,on a constaté qu'il
s'agissait ° d'une location et non d'un permis,
bien que la convention ait comporté une clause
suivant laquelle aucune de ses dispositions ne
devait s'interpréter de façon à créer une loca
tion. On y avait déclaré que l'étiquette choisie
par les parties n'était pas déterminante. L'im-
portance du® droit de l'occupant à ne pas accor-
der l'entrée au propriétaire avait également été
soulignée et, bien sûr, ce droit est l'indication
habituelle d'un droit de possession exclusive.
Dans l'arrêt Addiscombe Garden Estates Ltd. c.
Crabbe (précité), le lord juge Jenkins déclarait à
la page 528:
[TRADUCTION] ... il n'en demeure pas moins que la pos
session exclusive, si elle n'est pas concluante face à l'opi-
nion qu'il s'agit d'un simple permis, par opposition à une
location, constitue en tout cas une considération de pre-
mière importance. En l'espèce, il n'y a pas uniquement
l'indication fournie par la disposition montrant qu'on envi-
sageait une occupation exclusive, mais il y a toutes les
diverses autres choses que j'ai mentionnées et qui me
semblent montrer que le droit attribué en réalité aux bénéfi-
ciaires en vertu du document était celui d'un locataire et
non celui d'un simple détenteur de permis.
En l'espèce, la Cour était d'opinion que les
dispositions apparaissant à la convention et
imposant à l'occupant l'obligation de faire des
réparations, de ne pas abattre d'arbres, de ne
pas enlever d'argile, de faire des paiements
mensuels au propriétaire convenaient davantage
à une location qu'à un permis. Bien que la Cour,
dans cette affaire, ait été d'opinion que ces.
obligations aidaient à déterminer si la conven
tion constituait un bail ou un permis, je dois
dire que je ne parviens pas à voir comment ces
considérations peuvent être d'une grande utilité.
En fait, 4 1a jurisprudence ne fournit aucun cri-
tère pouvant permettre de trancher de- telles.
questions avec quelque certitude. Dans l'arrêt
Bracey c. Read [1962] 3 All E.R. 472, le juge
Cross a souligné l'importance des dispositions
commerciales lorsqu'il o a jugé, à la page 475,
qu'on avait créé un bail. Il déclarait:
[TRADUCTION] ... Dans une transaction commerciale
comme celle-ci, je pense que la question de savoir si une
personne doit être considérée comme détenteur d'un permis
ou comme locataire repose principalement, sinon entière-
ment, sur le fait qu'elle a ou qu'elle n'a pas la possession
exclusive de la propriété en cause. En vertu des conven
tions qui ne ressortissent pas du commerce courant, on peut
très souvent se trouver en présence d'une personne qui a la
possession exclusive de la propriété en cause sans toutefois
être devenue locataire, mais seulement détenteur de permis;
mais on ne m'a cité aucune jurisprudence, et je n'en connais
aucune, où une personne ayant la possession exclusive en
vertu d'une convention commerciale ordinaire a été jugée
être non pas locataire, mais uniquement détenteur de
permis.
Bien que les décisions susmentionnées s'avè-
rent utiles dans une faible - mesure, il reste
encore de nombreux points obscurs et, partant,
incertains en ce sens qu'il n'est pas clairement
établi dans quelle mesure une intention doit être
rielle et, s'il _y a intention réelle, quel doit être
l'objet précis de cette intention. Certaines déci-
sions portent qu'un droit à la possession exclu-
sive ne constituait pas nécessairement la solu
tion au problème. D'autres sont en sens
contraire. Dans l'arrêt Radaich c. Smith (1959)
101 C.L.R. 209, le juge Windeyer déclarait à la
page 223:
[TRADUCTION] ... des personnes à qui l'on permet de jouir
de l'occupation exclusive de fait ne doivent pas nécessaire-
ment être considérées, en droit, comme ayant reçu un droit
à la possession exclusive. S'il y avait une quelconque déci-
sion outrepassant ce principe et déclarant péremptoirement
qu'une personne ayant juridiquement droit à la possession
exclusive pour une durée donnée est un détenteur de permis
et non un locataire, on ne devrait pas en tenir compte car
elle se contredit elle-même et n'a pas de sens.
Il me semble que l'idée même de «droit sur
un immeuble» est ambiguë et obscure. En effet,
nulle part, dans la jurisprudence que j'ai consul-
tée, je n'ai trouvé de solution à la question de
savoir quelles circonstances impliqueraient nor-
malement l'existence d'un «droit sur un immeu-
ble» et on peut également se demander si l'exis-
tence ou la non-existence d'un «droit sur un
immeuble» est une question de droit ou simple-
ment une question de fait.
Dans l'arrêt Glenwood Lumber Co. c. Phillips
[1904] A.C. 405, Lord Davey est allé jusqu'à
juger que la convention était un bail en dépit du
fait qu'elle comportait certaines restrictions ou
réserves dans l'utilisation qu'on pouvait faire de
la propriété. Il déclarait à la page 408:
[TRADUCTION] ... Dans le prétendu permis lui-même, on
l'appelle indifféremment permis et bail, mais dans la Loi, on
en parle comme d'un bail, et son détenteur est désigné
comme étant le locataire. Il ne s'agit cependant pas d'une
question de mots mais d'une question de substance. Si l'acte
a pour effet de donner au détenteur un droit exclusif à
l'occupation du terrain, même s'il est soumis à certaines
réserves ou à une restriction de l'utilisation qu'il peut en
faire, il s'agit, en droit, d'un bail de l'immeuble lui-même ...
Bien que la détermination de la nature de la
convention en cause soit chargée de difficultés,
un examen des termes ou de la rédaction de la
convention et de la loi qui l'a sanctionnée, à la
lumière des décisions précédentes, peut aider à
parvenir à une conclusion.
L'énergie ou les forces hydro-électriques de
la rivière Humber ont été louées à la New-
foundland Products Corporation le 16 avril
1915 pour une durée de 99 ans et je dois dire
qu'il semble, d'après les termes de la conven
tion, que les parties avaient l'intention de créer
un bail. Cette intention peut être déduite de
nombre de sources et particulièrement de l'utili-
sation du mot «loué» aux alinéas 1 et 17 de la
pièce ASF-1, où le mot «loué» est employé
deux fois dans la première ligne, «le Gouverne-
ment, par les présentes, loue» et de la cin-
quième ligne encore où l'on parle d'un bail du
même genre, puis de l'alinéa 17, première ligne,
«si le présent bail» et le mot «bail», lorsqu'on
l'emploie dans son sens ordinaire, signifie
accorder un bail. Cf. Jowitt, Dictionary of
English Law, p. 607 3 .
L'utilisation du mot «détenues» à l'alinéa 1
de la pièce ASF-1, [TRADUCTION] «cette énergie
ou ces forces hydrauliques doivent être consi-
dérées comme détenues» semble également
indiquer qu'on envisageait un bail car Jowitt, à
la page 915, déclare que le mot «détenir» signi-
fie [TRADUCTION] «avoir à titre de locataire» et,
enfin, on trouve à l'alinéa 17 de la pièce ASF-1
ce qui suit:
[TRADUCTION] Si le présent bail ne devait prendre fin
que par l'expiration du terme, le Gouvernement ... accor-
dera ... une nouvelle location ...
où l'emploi du mot location indique clairement
qu'il s'agit bien de ce qu'on voulait accorder.
A l'alinéa 17, la clause de renouvellement de
bail, implique en fait que si ce qui sera accordé
à titre de renouvellement est un bail, ce que le
cessionnaire détenait en était également un.
Il y a cependant, comme je l'ai déjà men-
tionné, de nombreuses décisions suivant les-
quelles la simple utilisation du mot location ou
bail n'est pas suffisante pour transformer une
convention en un bail si effectivement il ne
s'agit pas d'un tel acte. Une étude des droits
accordés en l'espèce et de l'utilisation faite ou
que l'on doit faire des terrains et du territoire
faisant l'objet de la convention devrait toute-
fois, à mon avis, permettre de déterminer la
nature de ce que le gouvernement de Terre-
Neuve a accordé à l'appelante. Bien sûr, comme
le mentionnent le troisième et le quatrième
«ATTENDU» du contrat, on lui accordait cer-
tains «droits et privilèges» et «l'énergie et les
forces hydrauliques de la rivière Humber et du
ruisseau Junction» et, à l'article (1) du contrat,
[TRADUCTION] Le Gouvernement ... loue ... à la com-
pagnie ... l'énergie ou les forces hydrauliques de la rivière
Humber et du ruisseau Junction; aux fins de ses travaux et
activités, la compagnie aura le droit de détourner, bloquer
ou endiguer tous ruisseaux, lacs ou cours d'eau faisant
partie du bassin hydrographique de la rivière Humber et de
faire, ériger ou maintenir dans ledit bassin tous barrages,
cours d'eau, canaux, fossés de dérivation et réservoirs aux
fins de ses travaux et activités ... (J'ai moi-même ajouté les
italiques).
Il semble donc que l'appelante, ou ses prédé-
cesseurs en titre, se voyait accorder le droit
d'ériger tous ouvrages nécessaires à la produc
tion d'électricité et, aux termes de l'article 3 de
la convention, elle convenait de
[TRADUCTION] ... fournir, à chacune de ses usines généra-
trices au Labrador, à toute personne ou compagnie s'occu-
pant à tout emploi ou industrie ... à l'intérieur d'un rayon
de cent milles de ses usines, l'énergie électrique qui peut
être nécessaire pour l'exploitation de toute telle industrie ou
emploi à un prix à convenir et, à défaut d'entente sur ce
prix, à fixer par arbitrage ..
L'article 9 de la convention envisage également
la possibilité que si le bénéficiaire
[TRADUCTION] ... se porte acquéreur des terrains néces-
saires aux droits de flottage ou aux droits de passage de
lignes de transmission télégraphique, téléphonique et d'éner-
gie électrique, aux chemins de fer, aux tramways, aux che-
mins, ou aux emplacements de moulins, d'ouvrages, d'usi-
nes, d'entrepôts ou de quais, de jetées ou de bassins, ou
d'autres installations d'expédition relativement aux activités
de la compagnie aux fins ci-dessus mentionnées, et à l'inté-
rieur d'un rayon de cinquante milles de ces endroits, jusqu'à
un total de dix mille acres, sans toutefois excéder cette
superficie, sur des terres appartenant à la Couronne et en
possession de celle-ci, le gouverneur en conseil, sur
demande écrite de la compagnie, cédera ces terrains à la
compagnie au prix de trente cents l'acre. (J'ai moi-même
ajouté les italiques).
Relativement à l'acquisition de terrains néces-
saires aux droits de flottage n'appartenant pas à
la Couronne ou n'étant pas en possession de
celle-ci, l'article 10 prévoit leur acquisition par
voie d'arbitrage. Les articles 15 et 16 prévoient
également un mode d'indemnisation par voie
d'arbitrage dans le cas où l'exercice des droits
de la compagnie viendrait à [TRADUCTION]
«immerger, détruire, endommager ou affecter
désavantageusement tous droits, intérêts, ter
rains ou biens appartenant à des particuliers»
ou tous droits de la Couronne.
Bien que l'article 20 de la convention prévoie
le droit des personnes à utiliser de façon tempo-
raire lesdites eaux pour y circuler en embarca-
tions légères et y faire le flottage du bois leur
appartenant jusqu'à leur scierie ou moulin à
papier, [TRADUCTION] «à condition toutefois
que pareille utilisation ne gêne pas ou n'entrave
pas l'entreprise ou les activités de la compa-
gnie», je ne crois pas que l'on puisse dire que la
bénéficiaire ne recevait pas la possession exclu
sive ou, au moins, une possession quasi-exclu
sive des versants d'eau où elle pouvait exploiter
l'énergie hydraulique et les droits de flottage
que comportaient les biens qu'elle se voyait
accorder, car on peut déduire de la convention
aussi bien que de la loi que quelqu'un ne peut
construire de barrages ou d'installations d'éner-
gie, dans le but de fournir l'électricité à certai-
nes industries de Terre-Neuve, sans que certai-
nes superficies de terrains ne soient submergées
de façon permanente ou intermittente. En outre,
je ne vois pas comment l'érection de barrages,
d'usines hydro-électriques ou d'autres ouvrages
du même genre sur le terrain d'autrui ne peut
créer au moins une certaine sorte de droit sur ce
terrain. En effet, il est de jurisprudence depuis
plusieurs siècles, au moins depuis le moyen-âge,
en common law, que quiconque a la possession
exclusive d'un terrain a nécessairement un
droit, si petit soit-il, sur ce terrain.
Il est vrai que la convention ne prévoit aucun
loyer mais, comme je l'ai déjà mentionné, elle
comporte certains engagements de la part du
bénéficiaire, notamment des investissements
considérables de capitaux qui, à mon sens, sont
de nature telle qu'on ne peut pas dire que cet
octroi a été consenti à titre gratuit; une telle
considération, je crois, peut être l'équivalent
d'un loyer même si la convention ne prévoit, de
la part du bénéficiaire, qu'un paiement symboli-
que de $20.
D'après la prépondérance des points en con-
flit qui s'appliquent à la situation en l'espèce,
j'en suis venu à la conclusion que l'effet réel de
cette convention, qui est strictement de nature
commerciale, est de donner à l'appelante un
droit exclusif d'occupation aux fins de l'octroi
et, d'après l'interprétation exacte de la conven
tion aussi bien que de la loi, je dois déclarer
qu'elle crée une location.
Ayant ainsi établi que la convention est un
bail, point n'est besoin d'aller plus loin car ceci
suffit à permettre à l'appelante d'avoir gain de
cause en appliquant à son bail des allocations à
l'égard du coût en capital. Cependant, comme la
question peut être portée en appel, je dois éga-
lement traiter de la seconde question, celle de
savoir si l'octroi des droits sur la rivière
Humber, point sur lequel les parties s'entendent
pour dire qu'ils constituaient un permis (sinon
un bail), avait une durée limitée comme l'exige
la catégorie 14 de l'annexe B des règlements. Si
l'octroi avait une durée limitée, l'allocation à
l'égard du coût en capital peut également y être
appliquée et, dans la négative, elle ne le peut
pas. Les raisons de cet état de choses sont que
si l'octroi a une durée illimitée, c'est comme si
effectivement il s'agissait d'un terrain, i.e. un
bien qui demeure, qui dure éternellement.
La Loi de l'impôt sur le revenu et ses règle-
ments ne contiennent aucune règle expresse
permettant de déterminer quand et en quelles
circonstances un permis ou une concession ont
une durée limitée et, partant, il faut donner aux
mots employés leur sens de tous les jours. Les
arrêts de la Cour de l'Échiquier me semblent
s'être contentés de dire que si on peut mettre
fin à un permis ou à une concession pendant la
durée de son terme, ils n'ont pas alors une
durée limitée. Cf. Armand Plouffe c. M.R.N.
[1964] C.T.C. 500, et M.R.N. c. Kirby -Maurice
Co. [1958] C.T.C. 41.
Les droits sur la rivière Humber (pièce
ASF-1) ont été consentis pour une durée de 99
ans. Il n'y avait aucune disposition relative à la
résiliation pendant cette période par l'une ou
l'autre des parties. Cependant, dans l'arrêt Crys
tal Spring Beverage Co. c. M.R.N. [1964]
C.T.C. 408, le juge Gibson déclarait à la page
410:
[TRADUCTION] La convention de concession ... est d'une
durée de cinq ans et comporte en outre une option de cinq
ans qui, aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, aboutit à
une répartition de l'allocation à l'égard du coût en capital
sur une période de 10 ans.
Toutefois, cette déclaration est clairement un
obiter dictum car elle ne se rattache pas au litige
qui consistait à déterminer si les $18,000 payés
pour convaincre un tiers d'abandonner une con
cession faisaient partie du coût en capital de la
concession.
L'article 17 de la pièce ASF-1 déclare que:
[TRADUCTION] Si le présent bail ne devait prendre fin que
par l'expiration du terme, le Gouvernement, sur requête et
aux frais de la compagnie, à l'expiration du terme stipulé
aux présentes et à l'expiration de tout autre terme addition-
nel de 99 ans pouvant ci-après être accordé en vertu des
présentes, accordera à la compagnie, aux mêmes conditions
et stipulations que celles énoncées et contenues aux présen-
tes par voie de renouvellement pour un terme additionnel de
99 ans, à compter de l'expiration du terme stipulé aux
présentes, une nouvelle location desdits droits. (J'ai moi-
même ajouté les italiques).
Il semble que le renouvellement aura lieu à la
demande du concessionnaire et qu'il ne sera pas
automatique. En outre, il est évident que l'arti-
cle 17 est rédigé, non pas en vue d'une prolon
gation des droits accordés sur la rivière
Humber, mais pour une [TRADUCTION] «nou-
velle location desdits droits» même si elle est
faite [TRADUCTION] «aux mêmes conditions et
stipulations que celles énoncées et contenues
aux présentes». Cette nouvelle location pour-
rait, et devrait à mon avis, faire l'objet de
nouvelles négociations et pourrait comprendre
nombre de nouvelles dispositions et un certain
nombre des anciennes dispositions seraient
rayées ou modifiées. Par exemple, les alinéas 7,
8 et 13 4 ne pourraient pas demeurer tels qu'ils
sont car ils seraient maintenant ultra vires de la
province de Terre-Neuve. Bien sûr, ceci signifie
nécessairement un nouveau contrat sensible-
ment différent du premier. La question en l'es-
pèce est simplement celle de savoir si le contrat
en lui-même était fait pour une durée limitée ce
qui, comme je l'ai déjà mentionné, a évidem-
ment comme résultat pratique de permettre au
contribuable de calculer la déduction du coût
annuel en capital. D'autre part, rien dans la Loi
n'exige que l'on doive tenir compte des droits
de renouvellements quand il s'agit d'établir la
durée d'une concession (voir l'article 3b) de
l'annexe H des Règlements de l'impôt sur le
revenus.
A mon sens, la pièce ASF-1 ne prévoit pas
une prolongation pour un certain nombre d'an-
nées, mais donne simplement au bénéficiaire le
droit de demander une nouvelle concession.
Prétendre qu'un contrat stipulant une durée
déterminée, mais comportant des droits succes-
sifs de renouvellement, ne pourrait pas bénéfi-
cier de l'allocation à l'égard du coût en capital
est, à mon sens, donner à l'expression «pour
une durée limitée» une interprétation qui ne se
conforme pas à l'esprit évident de la Loi (Cf.
Highway Sawmills Ltd. c. M.R.N. [1966] C.T.C.
150, par le juge Cartwright, à la page 151).
L'esprit évident de la Loi est d'admettre les
dépenses et déductions de l'entreprise dans l'an-
née où elles ont été faites ou déboursées, tandis
qu'en vertu des articles 4 et 12(1)a), les dépen-
ses de capital relatives à l'entreprise sont accep-
tées à titre de déduction sur une période
raisonnable.
Je dois donc conclure que l'expression «pour
une durée limitée» de la catégorie 14 signifie
simplement «pour une période pouvant être
déterminée», sens que le contrat de la rivière
Humber comporte évidemment car il est fait
pour une durée de 99 ans (alinéa 1, pièce
ASF-1).
Il en résulte donc subsidiairement que le con-
trat relatif à la rivière Humber est fait pour une
durée limitée et constitue donc une concession
ou un permis au sens de la catégorie 14 de
l'annexe B des Règlements de l'impôt sur le
revenu.
Je passe maintenant à la troisième question,
les frais de recherches et d'études techniques.
L'appelante prétend qu'en l'espèce ces dépen-
ses se sont produites en 1959 et 1960 et étaient
à bon droit déductibles à titre de dépenses d'ex-
ploitation courante. M. Sansome a expliqué de
la façon suivante pourquoi ces études ont été
faites:
[TRADUCTION] R. Nous examinons continuellement la
possibilité de réalisation d'installations d'énergie ther-
mique, l'énergie produite par la vapeur. Nous étudions
nos installations existantes, les deux usines, celle du
ruisseau Watson et celle du lac Deer, pour voir quelles
modifications peuvent être apportées pour augmenter
la puissance de ces deux usines ...
R. Je dois dire que dans l'industrie de l'énergie nous
devons procéder à ces études et nous examinons tou-
jours nos ressources pour satisfaire à la demande
d'énergie de nos clients. La demande d'énergie électri-
que augmente sans cesse et nous devons continuelle-
ment chercher de nouvelles sources de production,
etc. Comme exemple de ce que nous avons fait, pre-
nons les quatre lignes de transmission partant du lac
Deer ou de l'usine du lac Deer jusqu'au ruisseau
Corner. Au cours des années 50, nous avons utilisé un
nouveau conducteur plus efficace qui a diminué les
pertes, les pertes de transmission, sur ces lignes d'en-
viron 10% 5%. Quant à notre usine du lac Deer,
nous avons fait de nombreuses études de l'usine elle-
même dans le but d'augmenter la puissance et le
rendement de cette usine—parmi les réalisations, il y a
eu l'installation de nouvelles couronnes mobiles, il
s'agit de roues à eau, dans nos sept unités plus petites
ce qui, combiné avec de nouveaux enroulements pour
ces unités, a encore augmenté leur puissance, soit
d'encore dix pour cent. Ces unités peuvent fournir ou
produire onze mille kilowatts. Nous avons envisagé la
possibilité de détourner la rivière Perry, qui se jette
dans la baie St-Georges et actuellement ne se jette pas
dans notre bassin hydrographique. Ce détournement
s'est avéré réalisable. Nous avons eu quelques problè-
mes avec le ministère des Pêcheries—si le détourne-
ment s'était réalisé, celui-ci aurait voulu que nous
prenions des dispositions pour que le saumon puisse
remonter cette rivière. Nous avons examiné ce projet
mais nous ne l'avons pas réalisé jusqu'ici. Nous nous
sommes penchés, comme je l'ai mentionné, sur le
ruisseau Indian et le détournement que nous y avons
réalisé a amené dans notre réservoir environ huit
milliards ou huit MPC d'eau de ce ruisseau.
Voici la description des travaux du projet du
Petit-Grand-Lac apparaissant au rapport produit
par la Shawinigan Engineering Co. (pièce A-4):
[TRADUCTION] Avec la demande croissante que doit rencon-
trer notre réseau, il faut faire des recherches pour tirer le
meilleur parti du potentiel en énergie de notre bassin hydro-
graphique existant. Nous proposons de faire un rapport sur
le Petit-Grand-Lac, un des tributaires de notre bassin princi
pal et de rassembler tous les renseignements présentement
disponibles pour cet ouvrage; nous avons l'intention de
retenir les services d'un conseiller qui révisera les données
disponibles et fera rapport sur le potentiel de cette région.
Ce rapport couvre des choses comme la dis-
ponibilité des matériaux de constructions sur
place, la géographie et la géologie de la région,
l'hydrologie, la perte et l'écoulement des eaux.
La Shawinigan Engineering Co. a alors conclu
que:
[TRADUCTION] Étant donné le prix de revient élevé au che-
val-vapeur, il est recommandé de faire l'étude comparative
des autres sources d'énergie disponibles pour s'assurer qu'il
n'existe pas de projet plus économique.
La réquisition pour l'étude sur terrain du
potentiel du ruisseau Hinds a été versée au
dossier sous la cote A-6. La description du
travail à faire sur le projet du ruisseau Hinds est
ainsi rédigée:
[TRADUCTION] En vue d'utiliser au maximum notre bassin
hydrographique existant, il a été proposé de faire une étude
pour s'assurer des moyens les plus efficaces de détourner
de la façon la plus profitable le potentiel du ruisseau Hinds.
Cette région fait partie de notre bassin accessoire, mais
jusqu'ici, nous n'en avons pas tiré le meilleur parti.
Cette exigence avait pour but de tirer le meil-
leur parti possible du bassin hydrographique
existant de l'appelante. Montreal Engineering
Co. a rédigé un rapport (pièce A-7), qui a sug-
géré trois façons différentes de mettre en valeur
le ruisseau Hinds ou le potentiel hydro-électri-
que du ruisseau Hinds.
M. Sansome a expliqué que:
[TRADUCTION] R. ... Comme je l'ai déjà déclaré, nous
devons examiner continuellement le potentiel des
régions de drainage dont nous avons le contrôle. Nous
devons examiner le potentiel hydro-électrique de
toutes les régions qui s'écoulent dans la nôtre, ainsi
que les ruisseaux qui sont plus ou moins contigus à
notre région mais qui, à l'heure actuelle, ne s'écoulent
pas dans notre région.... Nous avons également fait
la même chose—nou s avons examiné la possibilité de
réaliser l'installation de barrages de contrôle sur le lac
Sheffield.
Cependant, ces dépenses n'ont apporté aucun
actif à l'appelante. Les emplacements ne furent
pas mis en valeur. Pour ce qui est du projet du
Petit-Grand-Lac, à ce moment-là il n'était pas
économiquement possible de donner suite au
rapport. Quant au projet du ruisseau Hinds,
bien qu'il ait été économiquement possible de
donner suite au rapport et que l'appelante ait
même été jusqu'à prendre des dispositions pour
financer le travail, il ne s'est pas réalisé. Tout
juste avant qu'il ne débute, la Provincial Power
Commission est entrée en scène, voulant mettre
en valeur un projet hydro-électrique d'une cer-
taine importance à Baie Despair. Elle a offert à
l'appelante la vente de l'énergie de son usine de
Baie Despair à un taux moins élevé que celui
auquel l'appelante aurait pu produire au ruis-
seau Hinds à ce moment-là et le projet a été
abandonné.
Ces études ou recherches sont, dans un sens,
d'une catégorie semblable à ce que le président
de cette Cour (maintenant juge en chef) a
déclaré constituer des dépenses à compte de
revenu lorsqu'il disait à la page 473 de l'arrêt
Canada Starch Co. c. M.R.N. [ 1968] C.T.C.
466:
[TRADUCTION] ..'. Des sommes importantes doivent être
dépensées à des études de marché avant qu'une décision ne
puisse être prise quant aux produits à mettre sur le marché
ou quant à la marque de commerce ou au nom commercial à
adopter. Des dessinateurs industriels sont embauchés à
grands frais pour choisir la couleur et le dessin d'une
étiquette. Des avocats, des comptables et des économistes
se consacrent au procédé très compliqué qui a remplacé les
décisions qu'un individu aurait prises «à la volée». Néan-
moins, me basant sur ce que sont des activités commercia-
les courantes et ce que sont des transactions de capital, il
me semble que la distinction suit le même raisonnement.
Puis, se reportant à ce qu'il avait déclaré à
l'arrêt Algoma Central Rly. c. M.R.N. [1967] 2
R.C.É. 88 à la page 95, (décision confirmée en
appel [1968] C.T.C. 161), il déclarait à la page
474:
[TRADUCTION] ... D'après ma conception des principes com-
merciaux ... les dépenses publicitaires faites pendant
qu'une entreprise est en activité et qui sont destinées à
attirer les clients à une entreprise sont des dépenses
courantes.
Puis, dans l'arrêt Canada Starch Co. c.
M.R.N. (précité), il déclarait à la page 474:
[TRADUCTION] ... De la même façon, à mon sens, les dépen-
ses d'autres genres engagées par un homme d'affaires dans
le but de lancer des produits particuliers sur le marché—
comme des études de mise en marché et des études de
dessins industriels—sont également des dépenses courantes.
Ce sont également des dépenses faites pendant que l'entre-
prise est en activité car elle fait partie du procédé incitant le
consommateur à acheter les marchandises mises en vente.
En l'espèce, les dépenses consacrées aux
études techniques menées pour étudier le poten-
tiel de la région d'écoulement de l'appelante ou
pour déterminer la possibilité de réalisation de
construction de nouveaux ouvrages d'énergie à
certains endroits de Terre-Neuve ont égale-
ment, je pense, été effectuées ou engagées pen
dant que l'entreprise de l'appelante était en acti-
vité, faisant ainsi partie des frais de cette
entreprise. Si elles avaient conduit à la cons
truction d'usines, il en aurait résulté des bénéfi-
ces pour l'entreprise. Aurait-on dû porter ces
dépenses ailleurs que dans les dépenses couran-
tes parce que7 au lieu d'être engagées pour
inciter le consommateur à acheter les marchan-
dises ou en vue de lancer un produit déterminé
sur le marché, elles avaient été effectuées dans
le but d'établir si l'on devait procéder à la
construction d'un bien susceptible de déprécia-
tion duquel on pourrait e tirer des bénéfices, bien
qui aurait alors été ajouté à la valeur de cette
immobilisation et aurait bénéficié d'allocations
à l'égard du coût en capital? Je ne le pense pas.
En ce qui concerne la déduction de ce qu'on
pourrait appeler les dépenses se trouvant dans
des e cas limités ou les «riens» le droit a considé-
rablement évolué au cours des dernières
années, comme on peut le constater dans les
décisions qui précèdent. A la page 162 de l'arrêt
M.R.N. c. Algoma Central Rly. (précité), le juge
en chef de la Cour suprême, en rejetant l'appel
de la décision du président, se reportait, en y
souscrivant à la déclaration suivante de Lord
Pearce dans l'arrêt B.P. Australia Ltd. c.
Comm'r of Taxation of Australia [1966] A.C.
224 à la page 264:
[TRADUCTION] On ne peut pas trouver la solution du problè-
me en appliquant un critère ou une description rigide. Elle
doit découler de plusieurs aspects de l'ensemble des cir-
constances dont certaines peuvent aller dans un sens et
d'autres dans un autre. Une observation peut se détacher si
nettement qu'elle domine d'autres indications plus vagues
dans le sens contraire. C'est une appréciation saine de
toutes les caractéristiques directrices qui doit apporter la
réponse finale.
La solution, donc, [TRADUCTION] «dépend de
l'effet envisagé de la dépense d'un point de vue
pratique et commercial plutôt que de la classifi
cation juridique des droits, s'il en est, garantis,
employés ou épuisés en cours de route» Halls-
troms Pty. Ltd. c. F.T.C. 8 A.T.D. 190 à la p.
196. La question de la déductibilité des dépen-
ses doit donc, en pratique, être considérée du
point de vue de la compagnie ou de ses activi-
tés. Compte tenu des faits et circonstances des
activités de l'appelante dont l'entreprise con-
siste à produire et à mettre sur le marché de
l'électricité, laquelle entreprise nécessite,
comme l'a déclaré M. Sansome, son gérant, une
estimation et une évaluation continuelles non
seulement de ses ressources en énergie, mais
aussi de ses modes d'opération, il me semble
que des dépenses de $18,195 en 1959 et de
$15,801 en 1960, du e point de vue pratique, font
partie des activités courantes de la compagnie.
Ces dépenses, il est vrai, n'ont produit aucun
bien matériel pour lequel on aurait pu obtenir
des allocations de capital, mais elles ont été
faites dans le but d'obtenir uneaugmentation du
volume et de l'efficacité de son entreprise et
partant, dans le but de gagner un revenu (de
telle sorte que l'art. 12(1)a) n'empêche pas de
les déduire cf. Canada Safeway Ltd. c. M.R.N.
[1957] R.C.S. 717) et, comme telles, elles
devraient être acceptées comme dépenses cou-
rantes. Dans l'affaire Associated Investors of
Canada c. M.R.N. [1967] C.T.C. 138, le prési-
dent Jackett (maintenant juge en chef) a jugé
que les pertes de commissions versées par anti
cipation à des vendeurs de la compagnie étaient
déductibles à titre de dépenses d'exploitation,
car elles faisaient partie, a-t-il déclaré, des acti-
vités 'commerciales courantes de la compagnie.
Dans l'affaire Canada Starch Co. c. M.R.N.
[1968] C.T.C. 466, le président Jackett (mainte-
nant juge en chef) a accepté un montant de
$15,000 payé à un concurrent du contribuable
pour l'amener à retirer son opposition à l'enre-
gistrement d'une marque de commerce On a
senti, je crois, dans les deux arrêts précédents,
qu'une dépense commerciale faite ou engagée
dans le but de gagner ou de produire un revenu
n'est rien d'autre qu'une dépense d'entreprise
parce qu'elle ne se rattache pas à un bien sus
ceptible de dépréciationc'et le même principe
devrait s'appliquer, je crois, lorsque la dépense
commerciale est faite vainement et n'a pas eu
comme résultat la création d'un bie-n susceptible
de dépréciation, comme c'est le cas en l'espèce.
Je ne pense pas, certes, que du simple fait
que la'dépense a été effectuée dans le but de
déterminer si on devait créer une immobilisa
tion, elle doive toujours être considérée comme
une dépense de capital et,- partant, non déducti-
ble. En faisant une distinction entre un paie-
ment de capital et un paiement au compte cou-
rant, il faut toujours tenir compte des'réalités
industrielles et commerciales en cause. Bien
que la mise en valeur hydro-électrique, une fois
devenue une entreprise ou un commerce réels,
constitue une immobilisation de l'entreprise lui
donnant naissance, quelque moyen raisonnable
qui ait pu être pris pour découvrir si elle devait
être créée ou non, peut encore provenir des
activités courantes de l'entreprise comme fai-
sant partie du souci quotidien de ses dirigeants
dans la conduite bien ordonnée de la compa-
gnie. En fait, je ne vois aucune différence de
principe entre toutes ces situations.
L'appel est accueilli. Les cotisations de 1958,
1959 et 1960 sont renvoyées à l'intimé qui
établira de nouvelles cotisations en tenant
compte (1) que les droits sur le ruisseau Corner
constituent une concession ou un permis d'une
durée limitée et que ce bien a un coût en capital
de $104,665.46; (2) que la concession des droits
sur la rivière4Humber constitue une tenure à
bail au sens de la catégorie 13 de l'annexe B des
Règlements et que ce bien a un coût en capital
de $941,989.32; (3) que subsidiairement, si
cette concession ne constitue pas une tenure à
bail, elle constitue une concession ou un permis
d'une durée limitée au sens de la catégorie 14
de l'annexe B des Règlements et (4) que les
$18,195 dépensés en 1959 et les $15,801
dépensés en 1960 pour certaines études techni
ques sont déductibles à titre de dépenses com-
mercial f es courantes conformément aux articles
4 et 12(1)a) de la Loi pour les années d'imposi-
tion respectives 1959 et 1960.
L'intimé paiera les dépens de l'appel.
Catégorie 13
Les biens constitués par une tenure à bail excepté
a) une participation à des minéraux, du pétrole, du gaz
naturel, d'autres hydrocarbures connexes, ou du bois et
les biens y afférents ou à l'égard d'un droit d'exploration,
de forage, de prise ou d'enlèvement concernant des miné-
raux, du pétrole, du gaz naturel, d'autres hydrocarbures
connexes, ou du bois,
b) la partie d'une tenure à bail qui tombe dans une autre
catégorie à cause du paragraphe (5) de l'article 1102, et
c) les biens compris dans la catégorie 23.
2 Dans l'affaire Walker c. La Reine [1969] 1 R.C.É. 419, à
la p. 431, le juge Gibson déclarait cependant que [TRADUC-
TION] «il n'y a, en droit, aucune raison pour laquelle un bail
renouvelable à perpétuité ne pourrait être consenti si les
termes des clauses donnant droit à ce renouvellement sont
clairs et non équivoques . ..; et en deuxième lieu, qu'une
convention de renouvellement perpétuel n'est pas mauvaise
en vertu de la règle de la perpétuité ...».
3 [TRADUCTION] Dans son sens ordinaire, louer signifie
accorder un bail de terrain parmi d'autres biens.
Megarry & Wade, à la page 606:
[TRADUCTION] Louer est un terme technique pour prêter
ou céder à bail, ainsi, on peut parler d'une location
comme d'un bail.
4 L'alinéa 7 déclare que les actions, les dividendes et
autres titres de la compagnie seront exempts d'imposition.
L'alinéa 8 déclare que tous les matériaux de construction et
machineries de la compagnie seront admis sans taxes et
l'alinéa 13 prévoit que tout le charbon dont aura besoin la
compagnie sera admis en franchise de douane.
5 3..
b) lorsque, en vertu d'un bail, le locataire a le droit de
renouveller le bail pour une durée supplémentaire, ou
pour plus d'une durée supplémentaire, après la durée qui
comprend la fin de l'année d'imposition particulière dans
laquelle le coût en capital a été contracté, le bail est censé
prendre fin le jour auquel doit prendre fin la durée
suivant la durée dans laquelle le coût en capital a été
contracté;
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