Koffler Stores Limited (Demanderesse)
c.
Ronald Turner, Hurst Dispensaries Ltd. (ci-
devant Shoppers Drug Mart Ltd.) et Turner Dis
pensaries Limited (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Pratte—
Edmonton, le 12 juillet; Ottawa, le 2 septembre
1971.
Injonction—Marques de commerce—Requête demandant
une condamnation pour outrage au tribunal au motif que
l'injonction n'a pas été respectée—La mauvaise foi n'a pas
été prouvée—Les termes de l'injonction donnaient lieu à
interprétation de la part des défendeurs.
Cette Cour avait pris une injonction interdisant aux
défendeurs, T et Shoppers Drug Mart Ltd., de violer la
marque de commerce enregistrée de la demanderesse
«Shoppers Drug Mart» et d'employer le nom corporatif de
la compagnie défenderesse en violant la marque de com
merce enregistrée de la demanderesse. Par la suite, on a
modifié le nom corporatif de la compagnie défenderesse
mais les défendeurs ont commencé à se servir de l'expres-
sion «Shoppers Drug World,
Arrêt: Rejet de la requête enjoignant aux défendeurs
d'exposer des raisons valables pour lesquelles ils ne
devraient pas être condamnés à la prison ou à l'amende. Les
défendeurs se sont conformés à l'injonction en modifiant le
nom de la compagnie, même si, plus tard, la publicité
comportait les mots «Shoppers Drug World». Ces mots,
bien que semblables à ceux utilisés dans le nom interdit,
décrivent toute entreprise de pharmacie, et puisque l'ordon-
nance était rédigée en termes très généraux, empêchant
seulement la violation de la marque de commerce de la
demanderesse, on n'a pas prouvé la mauvaise foi des défen-
deurs. Ils «ne devraient pas être punis pour avoir, de bonne
foi, donné» à l'ordonnance de la Cour «une interprétation
peut-être fausse mais non déraisonnable.»
REQUÊTE.
G. Henderson, c.r. pour la demanderesse.
D. R. Bereskin pour les défendeurs.
LE JUGE PRATTE—Les parties ont comparu
devant moi après qu'eut été émise, sur requête
de la demanderesse, une ordonnance enjoignant
aux défendeurs de comparaître devant la Cour
et d'exposer les raisons pour lesquelles ils ne
devraient pas être condamnés à l'emprisonne-
ment ou à l'amende pour s'être rendus coupa-
bles d'outrage au tribunal en désobéissant à
l'injonction de cette Cour émise le 27 janvier
1971, injonction qui leur interdisait de violer la
marque de commerce de la demanderesse.
Depuis plusieurs années, la demanderesse fait
un commerce sous la marque «Shoppers Drug
Mart», qui consiste à fournir certains services à
ceux qui exploitent des pharmacies. En rendant
ses services à ses clients, elle a toujours exigé
que leurs magasins aient un aspect uniforme et
qu'ils poursuivent une même politique commer-
ciale; elle exigeait également qu'ils arborent la
marque de commerce «Shoppers Drug Mart»
dans leurs établissements commerciaux et qu'ils
l'utilisent dans leur publicité. De plus, la deman-
deresse a, depuis 1969, fait apposer la marque
de commerce «Shoppers Drug Mart» sur divers
produits pharmaceutiques vendus ensuite par
ses clients.
Le 24 janvier 1969, le défendeur Ronald P.
Turner écrivait à M. Philip W. Goldman, admi-
nistrateur et vice-président de la compagnie
demanderesse, pour lui annoncer qu'il (le défen-
deur) avait fait constituer une nouvelle compa-
gnie nommée «Shoppers Drug Mart Ltd.» et
qu'empruntant certaines idées de la demande-
resse, il avait ouvert à Edmonton un nouveau
magasin qui était exploité sous cette raison
sociale.
Le 27 juin 1969, alors qu'elle ne faisait pas
affaire en Alberta, la demanderesse obtint l'en-
registrement au Canada, sous le n° 163615, de
la marque de commerce «Shoppers Drug Mart».
En juin 1970, la demanderesse intentait une
action contre Ronald Turner et sa compagnie,
Shoppers Drug Mart Ltd., concluant, entre
autres, à l'émission d'une injonction interdisant
aux défendeurs de violer la marque de com
merce «Shoppers Drug Mart». Les défendeurs
ne produisirent aucune défense et, sur requête
de la demanderesse pour jugement par défaut,
la Cour prononça, le 27 janvier 1971, l'ordon-
nance à laquelle les défendeurs ne se seraient
pas conformés. Cette ordonnance se lit en
partie comme suit:
[TRADUCTION] Avec le consentement du procureur des
défendeurs, une injonction est prononcée interdisant au
défendeur, Ronald Turner, de violer la marque de com
merce enregistrée de la demanderesse et est aussi pronon-
cée une injonction interdisant à la défenderesse, Shoppers
Drug Mart Limited, de violer la marque de commerce
enregistrée de la demanderesse et d'employer son nom
corporatif de telle façon qu'il y ait violation de la marque de
commerce enregistrée de la demanderesse.
A la suite de cette ordonnance, le nom de la
compagnie défenderesse, Shoppers Drug Mart
Ltd., fut changé et remplacé par le nom Hurst
Dispensaries Ltd.; d'autre part les défendeurs
cessèrent d'employer la marque de commerce
«Shoppers Drug Mart». Toutefois, les deux
défendeurs ont, dans au moins trois magasins
sous leur direction, fait apposer des enseignes
et utilisent des annonces comportant les mots
«Shoppers Drug World». Le 19 mai 1971, les
procureurs de la demanderesse écrivirent aux
deux défendeurs les avisant qu'ils violaient la
marque de commerce de la demanderesse et
contrevenaient à l'injonction déjà prononcée
contre eux, et que, s'ils ne mettaient pas fin
immédiatement à cette manière d'agir, la
demanderesse demanderait à la Cour d'interve-
nir pour faire respecter son ordonnance. Le
même jour, une lettre similaire était expédiée
aux procureurs des défendeurs qui répondaient
quelques jours plus tard que l'utilisation de l'ex-
pression «Shoppers Drug World» ne constituait,
selon leurs clients, ni une violation de la marque
de commerce de la demanderesse ni une contra
vention à l'injonction. La demanderesse a alors
demandé l'émission de l'ordonnance qui a
amené les parties à comparaître devant moi.
La seule question que j'ai à trancher est de
savoir si on doit punir les défendeurs pour avoir
passé outre à l'injonction prononcée par cette
Cour le 27 janvier 1971.
Il est important de signaler que cette injonc-
tion est rédigée en termes très généraux: elle
interdit simplement aux défendeurs «de violer
la marque de commerce enregistrée de la
demanderesse». Si, après l'injonction, les défen-
deurs avaient continué à poser les actes mêmes
qui avaient motivé le jugement, c'est-à-dire s'ils
avaient continué à employer la marque de com
merce «Shoppers Drug Mart», alors ils auraient
certainement contrevenu à l'ordonnance de la
Cour. Mais ce n'est pas ce qu'ont fait les défen-
deurs. Après l'injonction ils ont cessé d'em-
ployer la marque de commerce de la demande-
resse pour employer l'expression «Shoppers
Drug World». Il est sûrement possible de soute-
nir, comme l'a très habilement fait le procureur
de la demanderesse, que les deux marques
créent de la confusion: leur ressemblance est
évidente. Mais il est également possible de trou-
ver, comme l'a fait le procureur de la défense,
des arguments sérieux à l'effet contraire; en
particulier si l'on tient compte, en premier lieu,
que la marque de commerce de la demanderesse
est composée de mots, tirés du langage courant,
qui sont clairement descriptifs de tous les com-
merces de vente au détail de produits pharma-
ceutiques, et, en second lieu, que la preuve
présentée à la Cour n'indique pas de quelle
façon la demanderesse utilise sa marque de
commerce. En fait, la question de savoir si ces
deux marques créent de la confusion n'est pas
facile à résoudre. Dans les circonstances, étant
donné qu'on n'a pas prouvé la mauvaise foi des
défendeurs, si je me rendais à la requête de la
demanderesse, je punirais les défendeurs pour
avoir, de bonne foi, donné à une ordonnance de
cette Cour une interprétation peut-être fausse
mais non déraisonnable. A mon avis, je ne peux
agir ainsi, car ce serait sanctionner une conduite
qui ne constitue pas un outrage au tribunal.
Il ne sera donc rendu aucune ordonnance
contre les défendeurs. La demanderesse devra
payer les dépens.
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