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La Reine (Demanderesse)
c.
Simard-Beaudry Inc. (Défenderesse)
et
Simard & Frères Cie Ltée (Mise en cause)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Noël—Montréal, le 10 juin; Ottawa, le 5 octobre 1971.
Impôt sur le revenu—Responsabilité de l'impôt supporté par l'acquéreur de l'actif du contribuable—Nouvelle cotisa- tion ultérieure—Perception d'impôts supplémentaires— Est-ce couvert par le contrat—Renonciations à la limitation de temps portant sur la nouvelle cotisation du contribuable signées par l'acquéreur, sont-elles valables—Code civil du Québec, Art. 1173.
Par contrat passé le 15 décembre 1964 Montréal, la
mise en cause a vendu des éléments d'actifs à la compagnie défenderesse qui a repris toutes ses dettes, y compris celles afférentes à l'impôt sur le revenu cotisé avant le le, janvier 1965, comme paiement partiel. En 1969, la mise en cause reçut une nouvelle cotisation concernant un supplément d'impôt sur le revenu de plus d'un million de dollars relatif à plusieurs années antérieures à 1965. Conformément à l'art. 118 de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Couronne intenta une action en recouvrement de la somme due. Une partie des montants cotisés était basée sur une prétendue fraude ou représentation erronée de la mise en cause.
Arrêt: la défenderesse est tenue de payer à la Couronne les impôts supplémentaires fixés par la nouvelle cotisation.
1. La promesse de la défenderesse de payer les dettes de la mise en cause constituait une véritable stipulation pour autrui selon l'Art. 1173 du Code civil du Québec. Arrêt suivi: Proulx c. Leblanc [1969] R.C.S. 765.
2. La dette portant sur les impôts supplémentaires de la mise en cause n'est pas née à la date de la nouvelle cotisation, mais à celle elle a gagné le revenu.
3. Les renonciations à la limitation de temps concernant la nouvelle cotisation, conformes à l'art. 46(4)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et que la défenderesse a signées pour la mise en cause, ont force obligatoire pour la défenderesse.
4. Les dispositions du Code civil du Québec qui portent sur la vente en bloc (Art. 1569 et suiv.) sont inapplicables.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
Gaspard Côté et P. 011ivier pour la demanderesse.
Julian Chipman, L. Y. Portier et Jean Claude Couture pour la défenderesse.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOEL—Par cette information, Sa Majesté la Reine réclame de la défenderesse paiement de la somme de $1,048,- 371.39, soit le total des montants dus et paya- bles par la mise en cause comme supplément d'impôt sur le revenu, avec les intérêts et péna- lités prévus par la loi pour les,années 1954, 1955, 1956, 1957, 1958, 1959, 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964.
Les déclarations de la mise en cause pour les années dont il s'agit furent, en effet, le 14 août 1969, l'objet par le Ministre de nouvelles cotisa- tions qui établirent à la somme ci-haut mention- née, les e montants additionnels dus par la mise en cause pour impôts.
L'action de la demanderesse contre la défen- deresse, Simard-Beaudry Inc., est fondée sur une convention sous signe privé (pièce P-5) intervenue à Montréal le 15 décembre 1964, en vertu de laquelle la mise en cause, Simard & Frères Cie Ltée, vendit à la défenderesse une partie de son actif, les biens, droits et autres valeurs ainsi vendus apparaissant à l'annexe A de ladite convention, moyennant paiement de la somme de $542,041.18 (payé par un billet à ordre) et autres considérations.
Aux termes de cette convention, et commeo condition, et en considération de ladite vente, la défenderesse, en sa qualité d'acheteur, assuma et s'engagea à payer et à acquitter [TRADUC- TION] «toutes les dettes et obligations de la mise en cause quelles qu'elles soient y compris toute obligation pour l'impôt sur le revenu et l'impôt. , sur les corporations contractée avant le l er jan- vier 1965, exception faite d'une obligation qui naîtrait en vertu de l'article 138A 1 de la Loi de l'impôt sur le revenu.» Il serait utile de repro- duire ci-après la clause 2(a) de ladite convention:
[TRADUCTION] 2. En considération desdits vente, transfert et cession, l'acheteur, par les présentes,
a) assume et s'engage à payer et à acquitter toutes les dettes et obligations du vendeur quelles qu'elles soient y compris toute obligation pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les corporations contractée avant le Pr janvier 1965, exception faite d'une obligation qui naîtrait en vertu de l'article 138A de la Loi de l'impôt sur le revenu; toutefois il exclut les obligations énumérées à l'annexe B ci-jointe, qui fait partie de la présente convention, obliga tions que l'acheteur n'assume pas puisqu'il s'engage à remplir tous les contrats, accords et obligations du ven-
deur quels qu'ils soient (sauf ceux se rapportant aux obligations exclues énumérées à l'annexe B) et l'acheteur indemnise et protège le vendeur de toutes responsabilité, poursuites, réclamations et requêtes s'y rapportant;
b) remet au vendeur ses billets à ordre, ci-joint, ne portant pas intérêt, du montant du principal, soit $542,041.18, payable le 15 mars 1965 au plus tard, en règlement du prix d'achat de la vente des éléments d'actif.
Le 14 août 1969, les aviedes nouvelles coti- sations furent remis personnellement à la mise en cause, aux bons soins de Me John Lawrence, 5 Place Ville-Marie, Montréal, P.Q., et le même jour, une copie de chacun de ces avis fut aussi remise personnellement à la défenderesse.
La mise en cause, Simard & Frères Cie ° Ltée, dûment mise en demeure, refuse ou néglige de payer la somme réclamée dans les avis de coti- sation et cette somme constitue depuis le 15 septembre 1969, une dette exigible envers la demanderesse, conformément aux dispositions de l'art. 118 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Par'' lettre en date du 2 décembre 1969, la défenderesse, Simard-Beaudry Inc. fut mise en demeure d'acquitter cette dette, en vertu de l'engagement intervenu entre elle et la mise en cause, en faveur des créanciers de cette der- nière, dont la demanderesse, et cette dernière se déclare bien fondée e en fait et en droit à récla- mer de la défenderesse paiement de la somme de $1,048,371.39 vu, dit-elle, la stipulation pour autrui contenue dans l'acte de vente.
La défenderesse, d'autre part, admet qu'elle a été partie à ladite convention mais nie tout ce qui n'ést pas conforme à cette convention.
Elle déclare qu'elle n'est aucunement obligée de payer un montant quelconque établi par les nouvelles cotisations émises par le ministre du Revenu national. Elle soumet que les disposi tions de la clause 2 de la convention entre la défenderesse et la mise enecause ne constituent pas une stipulation pour autrui en faveur de la demanderesse et ajoute que cette dernière ne peut invoquer les dispositions de cette conven tion dans cette action. La défenderesse allègue de plus que les cotisations d'impôt à l'égard de la mise en cause ont été soit émises en confor- mité de l'art. 46(4)a)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu ou elles sont prescrites. La défende- resse soumet de plus que la clause de la conven tion n'englobe, si on l'interprète bien, aucune
responsabilité pour la mise en cause pour une dette d'impôt résultant d'une présentation erro- née ou d'une fraude commise par la mise en cause. La clause 2 de la convention, selon la défenderesse, ne comprend qu'une responsabi- lité pour taxes survenant dans le cours ordinaire des affaires et imposées par des cotisations valides, corrigeant, par exemple, des erreurs de calcul, de taxes dues, d'évaluation d'actifs, d'al- locations pour dépréciation, de réserves pour dettes incertaines et autres problèmes de comp- tabilité. Elle soutient enfin que tout engagement ou entente par la défenderesse à payer une dette résultant de présentations erronées ou de fraude commise par la mise en »cause serait contraire à l'ordre public, nul et de nul effet et cette dette ne pourrait être réclamée en justice.
La demanderesse, par sa réponse, nie, tel que rédigé, l'alinéa 8 de la défense amendée, soit que les nouvelles cotisations sont faites en con- formité avec l'art. 46(4)a)(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ou bien sont prescrites ajoutant que les cotisations ayant trait aux années 1954, 1955, 1956, 1957, 1958, 1959, 1960 et 1964 ont été émises aux termes de l'art. 46(4)a)(i) 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu et & les autres aux termes de l'art. 46(4)a)(ii) 2 de la même loi, les renonciations nécessaires à cette fin ayant été données, dit-elle, par la mise en cause en ce qui a trait à l'année 1963 et par la défenderesse, pour le compte de la mise en cause, en'ce qui a trait aux années 1961 et 1962. Quant à l'allégué de la défenderesse que la clause 2 de la conven tion ne peut être interprétée comme englobant une responsabilité de la mise en cause pour impôt et résultant d'une présentation erronée ou de la fraude de'la mise en cause, la demande- resse le nie, ajoutant, au surplus, que la défen- deresse, à l'époque pertinente, ne pouvait igno- rer que la mise en cause était susceptible de faire l'objet de nouvelles cotisations, en matière d'impôt sur le revenu, pour les années 1953 et suivantes, selon lescconclusions de la vérifica- tion que les autorités provinciales étaient alors en voie d'effectuer.
La position prise par la défenderesse peut, je crois, se résumer comme suit. Un contrat ne peut lier que les parties qui y sont parties et, comme la demanderesse n'était pas partie à l'entente' intervenue entre Simard & Frères Cie
Ltée, elle n'a aucun recours contre cette der- nière. Cette entente ne comporte pas une stipu lation pour autrui, et même s'il s'agissait d'une telle stipulation ou en avait les effets, elle ne pourrait permettre à la demanderesse de récla- mer les montants qu'elle réclame par la présente action, la défenderesse ne s'étant engagée à payer que les dettes existantes de Simard & Frères Cie Ltée à la date de la signature de la convention (pièce P-5) soit le 15 décembre 1964. Or à cette date, bien que la mise en e cause n'avait pas été cotisée par la province de Québec pour les années précédant cette date, elle l'avait été jusqu'à l'année 1961 par le minis- tre du Revenu national. La stipulation n'est pas censée, dit-elle, inclure une obligation à s'enga- ger au-delà des cotisations ' qui avaient été émises à cette date. Il est vrai que l'art. 118 de la Loi déclare que
118. Tous les impôts, intérêts, pénalités, frais et autres montants exigibles en vertu de la présente loi sont des dettes envers Sa Majesté et recouvrables comme telles devant la Cour de l'Échiquier du Canada ou devant tout autre tribunal de juridiction compétente, ou de toute autre manière prévue par la présente loi.
mais, soumet le procureur de la défenderesse, cet article ne s'applique qu'au contribuable et non pas à une tierce personne, comme l'est la défenderesse.
Il serait, selon le procureur de la défende- resse, injuste de permettre à la Couronne de lui réclamer maintenant le montant recotisé de la dette due par la mise en cause, montant que la défenderesse n'a pu contester. Il s'agirait alors d'un acte unilatéral que la défenderesse n'a pas eu l'opportunité ou le droit de contester.
Le procureur de la défenderesse, se référant à l'Art. 1569 C. C., qui traite de la vente en bloc d'un commerce, déclare y voir une confirmation de la position qu'il prend ici. Si, en effet, dit-il, l'acheteur obtient des affidavits du vendeur contenant les noms et adresses de tous les créanciers du vendeur et qu'il paie ces créan- ciers, il n'est pas responsable pour les dettes du vendeur qui pourraient surgir par la suite. Il est clair, soumet-il, que comme les recotisations dont il s'agit dans la présente cause n'existaient pas au moment de la vente du commerce de la mise en cause, cette dernière ne pouvait décla- rer qu'il y avait un montant d'impôt à payer. La
défenderesse ne peut, dit-il, avoir une responsa- bilité plus grande ici parce qu'elle n'a fait, dans la convention, que prendre à charge les dettes qu'elle aurait été obligée de payer si elle s'était conformée aux exigences de la vente en bloc. Il soumet de plus que la Couronne n'est pas obli gée de se prévaloir de la stipulation de la con vention mais si elle s'en prévaut, il lui faut la prendre avec les droits qui existaient au moment de la convention et à ce moment, ajoute-t-il, il n'y avait aucune réclamation pour impôt. La stipulation ici est trop vague, pré- tend-il, et au moment de la convention, il n'y avait aucun montant à la Couronne. Si le ministre du Revenu n'avait pas, dit-il, exercé son droit de cotisation contre la mise en cause, il n'aurait eu aucun droit de réclamer le montant ainsi établi contre la défenderesse. Son seul recours, selon le procureur de la défenderesse, serait de poursuivre la mise en cause car la Couronne ne s'appuie, pour soutenir sa récla- mation contre la défenderesse, que sur une cause d'action qui n'a pris naissance qu'après la convention.
Les droits d'une tierce partie, comme la défenderesse ne sont pas les mêmes que ceux d'un contribuable, poursuit le procureur de la défenderesse, car la cotisation d'un contribua- ble remonte, dit-il, à la date le revenu est reçu et établi par recotisation, mais pour la tierce partie, les droits que l'on peut exercer contre elle peuvent fort bien n'être que ceux qui existaient au moment de la passation de la convention.
Le procureur de la défenderesse soumet aussi qu'une convention ne doit pas être interprétée de façon à englober l'obligation à payer des montants dus par suite de fraude ou d'une pré- sentation erronée et d'ailleurs, ajoute-t-il, même si elle était à cet effet, il est contraire à l'ordre public qu'une telle clause soit maintenue. Il soumet de plus que les renonciations signées par Simard-Beaudry Inc. pour la mise en cause pour les années 1961 et 1962 ne sont pas vali- des parce qu'elles ne furent pas signées par le contribuable et que comme le procureur de la Couronne a déclaré que les cotisations ne sont pas toutes basées sur la fraude ou présentation erronée, la demanderesse doit s'en remettre pour ces années aux renonciations produites
dans cette Cour en vertu de l'art. 46(4)a)(ii) de la Loi. Les cotisations pour certaines années, d'autre part, indiquent, dit-il, qu'il y a des péna- lités à payer et si c'est le cas, il faut que le Ministre s'appuie, quant à ces années, sur une fraude ou présentation erronée pour les soute- nir, car une pénalité ne peut être imposée qu'en vertu de l'art. 56(1) et (2) de la Loi qui traite d'évasion fiscale ou d'énoncés ou omissions dans une déclaration. L'on ne peut, dit-il, présu- mer que Simard-Beaudry Inc. ait assumé une telle responsabilité en vertu de la convention intervenue entre elle et la mise en cause et il faudrait des mots plus explicites que ceux que l'on retrouve dans la convention pour en venir à cette conclusion. Si, en effet, poursuit le procu- reur de la défenderesse, Simard-Beaudry Inc. ne peut être tenue responsable pour la fraude et les pénalités de Simard & Frères Cie Ltée, la Couronne ne peut réclamer de la défenderesse les montants qui sont dus par suite de cette fraude et de ces pénalités.
Enfin, dit le procureur de la défenderesse, il serait inconcevable de déclarer que par la con vention, la défenderesse se serait engagée à accepter la responsabilité des cotisations et recotisations qui pourraient ou ne pourraient pas être émises à l'égard de son vendeur sans avoir le droit de controller cette cotisation.
Il me paraît d'abord, depuis la décision de la Cour suprême dans Proulx et al. c. Leblanc et al. [1969] R.C.S. 765, que l'on doit accepter que la convention par laquelle une personne s'en- gage à payer la dette d'une autre est une vérita- ble stipulation pour autrui même si cette stipula tion dans un tel cas se fait par le truchement d'une délégation imparfaite de paiement, selon l'Art. 1 173 C. C.
Il est aussi intéressant de noter que dans le cas d'une stipulation pour autrui le créancier se trouve investi d'un droit vis-à-vis de son nou- veau débiteur dès l'instant de l'accord entre le stipulant et le promettant car l'acceptation qu'il doit fournir ensuite ne le crée pas «elle n'est de sa part que l'adhésion à l'opération déjà effec- tuée et le moyen d'assurer son irrévocabilité». Cf. Planiol et Ripert, T. VII, 2e édition, par Esmein, p. 682, n. 1279. Quant à la délégation, ce sera seulement lorsque le créancier a con- senti à l'opération que son droit existera.
Il fut en effet décidé dans la cause précitée par le juge Pigeon que lorsque le vendeur d'un immeuble stipule qu'une partie du prix sera payable à un tiers, qui peut ou non être déjà créancier privilégié ou hypothécaire de l'immeu- ble vendu, il fait de cette stipulation une condi tion de l'acte au profit d'un tiers qui est libre d'accepter. Son acceptation s'infère générale- ment du fait qu'il reçoit les paiements du nou- veau débiteur sans protester. Cette acceptation, cependant, du nouveau débiteur, n'a pas pour effet de libérer le débiteur originaire, car la délégation ici n'opère pas novation à moins qu'il ne soit évident que le créancier entende déchar- ger le débiteur qui fait la délégation. La nova- tion, en effet, ne se présume pas et il serait invraisemblable que le créancier libère le débi- teur originaire puisqu'il n'a aucun intérêt à le faire. Ceci, il me semble, dispose du premier argument de la défenderesse qu'il ne s'agit pas ici d'une stipulation pour autrui.
Quant à son deuxième argument, à savoir que la dette provenant de la nouvelle cotisation du contribuable ne date que du moment le con- tribuable est cotisé et que, par conséquent, elle n'existait pas au moment de la convention, la réponse, il me semble, me paraît être que l'éco- nomie générale de la Loi de l'impôt sur le revenu veut que ce soit le revenu imposable qui crée la dette du contribuable et non pas la cotisation ou une nouvelle cotisation. La responsabilité d'un contribuable, en effet, provient de la Loi et non de la cotisation. En effet, en principe, la dette existe dès le moment le revenu est gagné et même si la cotisation survient une ou plusieurs années après que le revenu imposable est gagné, la dette est censée avoir pris naissance à ce moment. Les nouvelles cotisations émises ici, en date du 14 août 1969, pour un revenu gagné dans des années antérieures, me paraissent être, tout au plus, qu'une confirmation ou constata- tion des montants dus pour ces années antérieu- res. La cotisation, en effet, à mon sens, ne crée pas la dette mais ne fait, tout au plus, qu'en affirmer son existence. Il me paraît d'autre part que la Cour doit prendre pour acquis que Simard & Frères Cie Ltée doit les montants
pour lesquels elle a été cotisée puisqu'ils n'ont pas été contestés par le contribuable ni, d'ail- leurs, par la défenderesse dans la présente action qui aurait, cependant, pu le faire puisque des copies des nouvelles cotisations de la mise en cause furent remises à la défenderesse le jour même elles furent remises à la mise en cause. Ces montants ainsi cotisés, et non con testés, sont donc des dettes dues par le contri- buable à compter de la fin de chacune des années en cause.
La défenderesse soutient qu'elle ne peut être tenue responsable en vertu de la convention que des dettes existantes au moment elle s'est engagée. Les montants réclamés en vertu des nouvelles cotisations étaient bien dus à ce moment puisque, comme nous venons de le voir, ces montants deviennent des dettes à compter de la fin de chacune des années en cause bien que la défenderesse ait bien pu les ignorer à la date de la convention. De plus, les termes de la convention ne distinguent pas entre les dettes apparentes ou non apparentes. En effet, si on se reporte aux termes de cette convention, l'on voit qu'il s'est agi de la vente d'une universalité de droits, en effet, d'un ensemble qui comprend l'actif et le passif dont l'un est nécessairement lié à l'autre. L'annexe de la convention comprend une nomenclature des biens corporels et incorporels vendus par Simard & Frères Cie Ltée, y compris les droits que cette dernière pouvait avoir dans toute une série de contrats énoncés à la partie B de l'an- nexe A de la convention. Cette annexe com- prend une évaluation des biens vendus, mais ne mentionne pas la valeur des droits transmis pour chacun des contrats énumérés à l'alinéa B de l'annexe. A la lecture de cette convention l'on voit que la mise en cause entendait mettre fin à ses opérations, à son commerce et qu'il ne restait plus qu'à la liquider. Le secrétaire de Simard & Frères Cie Ltée, dans une lettre en date du 17 novembre 1969, adressée au minis- tère de la Justice, déclarait en effet qu'à partir du moment les actifs de la compagnie furent vendus, cette dernière était défunte et que par la suite ses officiers et administrateurs n'ont fait que donner les instructions nécessaires pour la dissoudre. Selon les articles 1, 2(a) et 7 de la convention, la défenderesse n'avait en vue d'a- cheter que les biens de l'annexe A mais à toute
fin pratique, il semble bien qu'elle entendait aussi continuer sous son propre nom les affaires de Simard & Frères Cie Ltée sans qu'il s'opère une fusion entre les deux compagnies. Pour atteindre ce but, Simard-Beaudry Inc. mit donc à sa charge non seulement toutes les dettes de la mise en cause, mais s'engageait, comme elle le déclare dans la convention, à accomplir les autres obligations qui pourraient incomber à Simard & Frères Cie Ltée. La portée juridique d'une telle convention, soit la vente d'un ensem ble de biens avec engagement par l'acquéreur d'acquitter les obligations du vendeur, même si l'on y inclut celles qui découlent d'une fausse représentation ou d'une fraude fiscale, ne me paraît aucunement aller à l'encontre de l'ordre public ou déroger à la Loi.
L'argument de la défenderesse que les renon- ciations signées par elle pour la mise en cause pour les années 1961 et 1962, pour lesquelles elle prétend qu'il n'y a pas eu représentations erronées ou fraude et où, par conséquent, la présomption prima facie de validité des cotisa- tions ne' jouerait pas, ne valent pas parce que non signées par le contribuable, ne- peut être soulevé ici. Elle s'est en effet présentée comme l'agent de la mise en cause ou son mandataire apparent et la demanderesse, fort de ces renon- ciations, a, par la suite, laissé écouler les quatre ans prévus à l'art. 46(4) pour les années en cause. La demanderesse serait bien mal venue d'invoquer, dans ces circonstances, l'invalidité de ces renonciations. D'ailleurs, il ne me paraît pas qu'il soit trop surprenant que ces renoncia- tions aient été signées par l'acheteur des biens et droits du vendeur puisque cet acheteur, dont certains de ses intéressés avaient des intérêts dans la mise en cause, est celui-là même qui a continué les opérations du vendeur et qui a en récolter les profits.
La défenderesse tente de se prévaloir des dispositions de la vente en bloc pour étayer sa position. Je ne vois pas, d'abord, comment la vente en bloc peut aider à la défenderesse. D'abord il fut souvent décidé que les Art. 1569 C. C. et suivants du Code civil (la vente en bloc) ne s'appliquent pas à la vente en bloc d'un fonds de commerce dont l'acheteur se charge de payer les dettes et les dispositions de ces arti cles ne s'adoptent pas au cas d'une vente de
l'actif à charge du passif comme nous avons ici. Cf. D'amours c. Darveau [1933] R.C.S. 503 à la page 506, et Mathieu c. Martin [1922] R.L.N.S. 111. Et ensuite, comme nous le. verrons 'ci- après, les termes mêmes de la clause 2 de la convention ne restreignent pas les créanciers à ceux qui étaient connus au moment de sa signa ture. La défenderesse a voulu, comme nous l'avons' vu, soutenir qu'elle n'a voulu s'engager et ne s'est en fait engagée à payer que les dettes qui existaient ou qui étaient connues à la date de la convention. Il me paraît cependant qu'elle tente ici d'introduire dans la clause 2 de la convention` une distinction qui n'existe pas. En effet, cette clause dit bien que la défenderesse (soit l'acheteur)
... par les présentes ...
[TRADUCTION] a) assume et s'engage à payer et à acquitter toutes les dettes et obligations du vendeur quelles qu'elles soient y compris toute obligation pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les corporations contractée avant le Jre janvier 1965, exception faite d'une obligation qui naî- trait en vertu de l'article 138A de la Loi, de l'impôt sur le revenu; toutefois il exclut les obligations énumérées à l'annexe B ci-jointe, qui fait partie de la présente conven tion, obligations que l'acheteur n'assume pas puisqu'il s'engage à remplir tous les contrats, accords et obligations du vendeur quels qu'ils soient (sauf ceux se rapportant aux obligations exclues énumérées à l'annexe B) et l'ache- teur indemnise et protège le vendeur de toutes responsabi- lité, poursuites, réclamations et requêtes s'y rapportant.
(Les italiques sont de moi.)
Cette clause me paraît, en effet, claire et il' me semble qu'à part l'exclusion prévue pour une dette fiscale provenant de l'art. 138A, soit celui qui a trait au dépouillement de dividendes, la défenderesse a volontairement assumé tout le passif fiscal sans restriction aucune de la mise en cause. Il ne me paraît pas qu'il soit même nécessaire de se demander si Simard-Beaudry Inc. a connu ou non l'étendue des obligations fiscales de son vendeur. La lettre des auditeurs de la mise en cause, du 14 décembre 1964 (pièce P-6), indique bien qu'à cette date ses obligations fiscales pouvaient s'accroître pour les années 1953 et suivantes puisque l'on y disait que:
[TRADUCTION] Les autorités provinciales sont en train d'examiner les déclarations d'impôt sur le revenu des années 1953 et suivantes et, pour l'instant, on ne peut déterminer les impôts supplémentaires qui pourraient décou- ler de cet examen. (Les italiques sont de moi.)
Ayant, d'autre part, acheté les actifs et les droits de son vendeur, il n'était que normal qu'elle, en assume les obligations et qu'au besoin elle l'indemnise et le protège même de toute responsabilité, comme elle s'est engagée à le faire à la clause 2 de la convention.
La défenderesse devra, par conséquent, payer à la demanderesse la somme de $1,048,- 371.39 avec intérêt et les dépens.
' Article traitant du dépouillement de dividendes.
s 46. (4) Le Ministre . peut, à toute époque, répartir des impôts, intérêts ou pénalités aux termes de la présente Partie, ou donner avis par écrit, à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposi- tion, qu'aucun impôt n'est payable pour l'année d'imposi- tion, et peut,
a) à toute époque, si le contribuable ou la personne produisant la déclaration
(i) a fait une présentation erronée ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou fournissant quel- que renseignement sous le régime de la présente loi, ou
(ii) a produit auprès du Ministre une renonciation, en la forme prescrite, dans un délai de 4 ans à compter de l'expédition par la poste d'un avis de première cotisa- tion ou d'une notification portant qu'aucun impôt n'est payable pour une année d'imposition,
procéder à de nouvelles cotisations ou en établir de supplé- mentaires, ou répartir des impôts, intérêts ou pénalités aux termes de la présente Partie, selon que les circonstances l'exigent.
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