Manchester Liners Limited et John Scott
Watson, capitaine, en son nom propre et au nom
des officiers et de l'équipage du SS «Manchester
Exporter» (Demandeurs)
c.
Le NM «Scotia Trader», anciennement «Irving
Hemlock» (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Halifax, les 21 et 22 avril; Ottawa, le 7 juin
1971.
Navigation—Sauvetage—Parties—Navire portant secours
à un bâtiment en détresse sur sa demande—Contrat de
remorquage conclu pendant que le bâtiment sauveteur se
trouvait sur les lieux—Rupture du contrat—Demandes de
rémunération de sauvetage par le navire, le capitaine, les
officiers de bord et l'équipage—Le capitaine peut-il poursui-
vre au nom de l'équipage sans en désigner les membres?—
Droit de l'équipage à un dédommagement distinct de celui
qui est alloué au propriétaire du navire.
Le 4 février 1969, le M, en réponse à un appel général de
détresse, s'est porté au secours du H dont le moteur était
tombé en panne par grosse mer au large de la côte de la
Nouvelle-Écosse. Le M est arrivé sur les lieux à 17h5 et il
est resté le long du bord du H, à la demande de celui-ci,
pendant que l'on tentait sans succès d'effectuer les répara-
tions. Pendant qu'il était sur les lieux, le capitaine du M a
informé par radio les représentants du H à Halifax qu'il
allait prendre celui-ci en remorque en se conformant au
contrat-type de sauvetage du Lloyd. Les représentants du
M à Halifax ont par ailleurs passé avec les représentants du
H un contrat aux termes duquel le M devait remorquer le H
jusqu'à Halifax ou jusqu'au déchargement de ce dernier,
moyennant $400 de l'heure à compter de 21h; ils en ont
avisé le capitaine du M. Le M a tenté sans succès, à
plusieurs reprises, de passer un câble à bord du H en
lançant celui-ci à l'aide d'un lance-fusée et d'un porte-
amarre flottant; par la suite, le capitaine du H a réussi à
obtenir les services d'un autre navire et a informé le M qu'il
n'avait plus besoin de lui. Le M a repris sa traversée à
destination d'Halifax et a envoyé plus tard au H, qui la lui
a réglée, une facture de $5,205 pour l'assistance qu'il lui
avait apportée, calculée à raison de $400 de l'heure. Les
propriétaires et le capitaine du M, ce dernier agissant tant
en son nom personnel qu'au nom des officiers et de l'équi-
page du M, ont intenté une action contre le H en alléguant
une violation du contrat de remorquage du fait que celui-ci
avait fait appel à un autre navire et ont demandé pour
chacun d'entre eux une rémunération de sauvetage.
Arrêt: (1) Le capitaine était fondé à intenter l'action au
nom des officiers et de l'équipage sans désigner individuel-
lement chacun d'entre eux. [Renvoi aux règles de l'Ami-
rauté 28(2) et 30.]
(2) Le contrat convenu moyennant une rémunération
horaire de $400 pour les services rendus par le M couvrait
toutes les demandes que les propriétaires de ce navire
auraient autrement pu présenter pour ce sauvetage. La
preuve n'a démontré aucune violation de ce contrat.
(3) Le capitaine, les officiers et l'équipage du M étaient
fondés à recevoir du H une indemnité de sauvetage de $250
pour les services qu'ils lui avaient rendus à cette fin pendant
les quatre heures durant lesquelles le M était resté sur les
lieux avant que le contrat de remorquage ne prenne effet.
Le sauvetage débute au moment où un vaisseau arrive sur
les lieux.
ACTION.
D. McInnes, c.r. et J. Gerald pour les
demandeurs.
D. Kerr, c.r. et D. Oliver pour les défendeurs.
LE JUGE WALSH—Dans cette action, les
demandeurs réclament la rémunération des ser
vices de sauvetage rendus au navire à moteur
Scotia Trader, sous son ancien nom d'Irving
Hemlock (c'est le nom que j'emploierai pour le
nommer dans ces motifs), à sa cargaison et à
son fret, les 4 et 5 février 1969 ou vers ces
dates, dans les parages de l'Ile Beaver, au large
de la côte est de la Nouvelle-Écosse. Le Man-
chester Exporter est un navire en acier de 5,499
tonneaux, propulsé par une turbine à vapeur à
une seule hélice, d'une longueur supérieure à
444 pieds et transportant un équipage de 41
hommes au total à l'époque pertinente; lé navire
était estimé à £200,000 et la cargaison, fret
compris, à £700,000. L'Irving Hemlock est un
bateau-citerne en acier, de 599 tonneaux, pro-
pulsé par un moteur à une seule hélice, d'une
longueur de 171 pieds environ; à l'époque perti-
nente, il transportait un équipage de 9 hommes
en tout. L'évaluation que l'on a donnée de ce
bateau ne dépassait pas $100,000 et les pertes
de gains touchant au fret s'élevaient à $500 par
jour. Il ne transportait pas de cargaison et il
naviguait sur lest au moment où il s'est trouvé
en difficulté. Le 4 février 1969, selon la décla-
ration, le Manchester Exporter allait de Man-
chester à Halifax avec une cargaison partielle
de marchandises diverses lorsqu'à 16h23, heure
locale, alors qu'il approchait de la côte de la
Nouvelle-Écosse, il a capté un signal radio d'ur-
gence émis par la station côtière d'Halifax,
demandant à tous les navires qui se trouvaient
aux environs de six milles au sud de l'Ile
Beaver, de se diriger vers le navire en détresse,
l'Irving Hemlock, qui risquait de s'échouer et de
lui prêter assistance dans toute la mesure du
possible. Il était alors à 12 milles au sud de l'Ile
Beaver et il s'est dirigé vers l'endroit indiqué,
signalant sa manoeuvre et se mettant ensuite en
contact direct par radio avec l'Irving Hemlock
qui lui a demandé de se tenir sur les lieux
pendant que ses mécaniciens essayaient de
réparer les machines. Lorsqu'il a été aperçu,
l'Irving Hemlock dérivait vers l'est par vent de
travers sur tribord, du fait qu'il était orienté
vers le sud, roulant fortement et embarquant de
l'eau par dessus les ponts. Le temps était
assombri par des averses de pluie ou des rafales
de neige et le vent soufflait ouest sud-ouest
force 8, soit un vent de début de tempête avec
une mer forte et de la houle.
Après que le Manchester Exporter se fut mis
à sa disposition, l'Irving Hemlock a transmis un
message radio pour annuler l'appel d'urgence et,
le moment venu, le capitaine du Manchester
Exporter a reçu un appel par radiotéléphone
d'un représentant de l'Atlantic Towing Com
pany de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick) lui
demandant d'accepter un contrat de remor-
quage; il a répondu que s'il devait remorquer
l'Irving Hemlock, ce devrait être aux conditions
du contrat-type de sauvetage du Lloyd, confor-
mément aux instructions de ses propriétaires. Il
a adressé l'Atlantic Towing Company à la Fur-
ness Withy & Co. Ltd. d'Halifax, représentant
des propriétaires au Canada, puis, à 21h30, il a
reçu un appel par radiotéléphone de la Furness
Withy & Co. Ltd., lui indiquant qu'elle avait
conclu un accord avec l'Atlantic Towing Com
pany, aux termes duquel il devait essayer de
remorquer l'Irving Hemlock jusqu'aux abords
d'Halifax, moyennant une rémunération horaire
convenue. Dès réception de ce message, il a pris
des dispositions pour que son équipage prenne
l'Irving Hemlock en remorque, ce qui impliquait
que l'on déroule 120 brasses de câbles de sécu-
rité de cinq pouces (il s'agit de la circonférence,
le diamètre étant d'environ un pouce et demi)
du touret sur lequel il était enroulé à l'arrière, et
qu'on l'installe le long du pont, prêt à être filé
sur l'arrière pour constituer un élément de la
remorque, le câble étant assuré sur quatre jeux
de bittes à l'arrière du bâtiment, sur bâbord. Il a
également fait disposer sur le pont deux haus-
sières neuves en polypropylène dont une extré-
mité était fixée à l'extrémité libre du câble de
sécurité, et l'autre, à la ligne d'attrape qui devait
être lancée à l'Irving Hemlock. Ces préparatifs
ont obligé les officiers et l'équipage de pont à
travailler sur le pont dans des conditions diffici-
les de froid et d'humidité, tandis que le bâtiment
tanguait, roulait et embarquait de l'eau de temps
en temps; cela a pris près de quatre heures.
Pendant ce temps, on avait demandé à l'Irving
Hemlock de décrocher un câble de l'ancre afin
de l'utiliser pour le remorquage, mais il a pré-
tendu être dans l'impossibilité de le faire car
son équipage ne pouvait pas, dans les condi
tions du moment, manier l'ancre fort lourde. On
a également demandé à l'Irving Hemlock de
préparer des fusées porte-amarre, mais il a
répondu qu'il ne disposait pas de telles fusées.
Les deux feux rouges sur l'Irving Hemlock
indiquaient qu'il n'était pas maître de sa
manoeuvre et le Manchester Exporter a manoeu-
vré de façon à passer près de l'arrière de l'Ir-
ving Hemlock, de bâbord en tribord, avant de
virer pour le longer parallèlement, sur tribord, à
une distance légèrement supérieure à une lon-
gueur de navire et il a tiré la première de ses
fusées porte-amarre qui, aux dires de l'Irving
Hemlock, est tombée sans atteindre le navire. Il
a alors décrit un cercle autour de l'avant de
l'Irving Hemlock, et est revenu sur bâbord pour
le contourner à nouveau par l'arrière et repren-
dre sa position précédente; il a tiré une deux-
ième fusée, d'une distance de 300 pieds envi-
ron, qui, aux dires de l'Irving Hemlock est
tombée en avant du navire. Il a répété sa
manoeuvre précédente, contournant le navire
désemparé et a tiré une troisième fusée qui a
semblé tomber en travers du pont avant de
l'Irving Hemlock mais, selon la déclaration, per-
sonne n'est apparu sur le pont, n'a fait quelque
effort pour tenter de fixer le filin ou n'a rap
porté où était tombé le filin et, après quatre
minutes environ, on a estimé qu'il devait avoir
été emporté. Par la suite, une quatrième et
dernière fusée a été tirée et elle semble encore
être tombée sans atteindre le navire.
Le capitaine du Manchester Exporter a alors
averti l'Irving Hemlock qu'il allait essayer de
flotter un câble jusqu'à lui; on a attaché une
ligne d'attrape à une ceinture de sauvetage et,
après des manoeuvres du Manchester Exporter
pour se placer au vent par rapport à l'Irving
Hemlock, on a lancé la ceinture de sauvetage à
la mer à une distance de 200 pieds environ, on
l'a éclairée avec les projecteurs du navire, mais
l'Irving Hemlock a fait savoir qu'il ne pouvait
pas voir la ceinture de sauvetage, aussi a-t-elle
été ramenée à bord et une autre ceinture a été
attachée au câble avec un tonneau vide de 40
gallons. Lorsque le Manchester Exporter est
arrivé par le travers de l'Irving Hemlock sur
tribord, la ceinture de sauvetage et le tonneau
ont été jetés une fois encore par dessus bord à
une distance de 100 pieds environ, puis le Man-
chester Exporter a doublé l'Irving Hemlock de
tribord en bâbord avant de manoeuvrer pour
faire tête près de sa hanche bâbord; de cette
façon, le filin porte-amarre passait autour de
l'étrave de l'Irving Hemlock et le long de ses
flancs bâbord et tribord, mais, malgré cela, l'Ir-
ving Hemlock ne semble pas avoir tenté de
hisser le câblé à son bord. Il était environ 7h30
dans la matinée du 5 février quand l'extrémité
du filin porte-amarre a finalement été remontée
à bord du Manchester Exporter et à 8h10 envi-
ron, l'Irving Hemlock lui a fait savoir qu'il n'a-
vait plus besoin de son aide.
La déclaration fait valoir en outre que, pen
dant tout ce temps, le Manchester Exporter
rendait sur demande des services de sauvetage
en se tenant à la disposition de l'Irving Hemlock
puis en tentant de le prendre en remorque après
avoir pris toutes les dispositions nécessaires à
cette fin, qu'il avait la volonté et la capacité de
le remorquer jusqu'à Halifax, compte tenu de la
coopération nécessaire de l'équipage de l'Irving
Hemlock, qui ne s'est pas manifestée, et que ces
services ont duré du 4 février à 16h34 au 5
février 1969 à 8h10, causant du retard au Man-
chester Exporter à son arrivée à Halifax et la
perte d'une journée entière de travail de déchar-
gement. Le capitaine et l'équipage sont restés à
leur poste, avec fort peu de répit, dans des
conditions atmosphériques défavorables, pen
dant une longue et difficile période de travail et
de responsabilités au cours de laquelle ils ont
fait preuve d'excellentes qualités de manoeuvre,
de persévérance et de jugement, sans tenir
compte du danger couru par le navire et son
équipage dans la mesure où le bâtiment risquait
d'être avarié si les câbles venaient à se rompre
et à se prendre dans l'hélice; il y avait en outre,
un danger de collision pendant les manoeuvres
que le Manchester Exporter devait effectuer à
une très courte distance de l'Irving Hemlock. La
raison de l'avis reçu par le Manchester Exporter
le 5 février à 8h10, lui indiquant que l'on n'avait
plus besoin de ses services, réside dans le fait
que l'Irving Hemlock avait conclu un autre
accord de remorquage, qui a par la suite été
exécuté par le chalutier Scotia Point, ce qui a
entraîné une rupture du contrat de remorquage
conclu par le Manchester Exporter et, pour
cette raison, les demandeurs, à titre collectif et
individuel, demandent qu'il leur soit accordé
des sommes, sous la forme de rémunération de
sauvetage, qu'il appartiendra à la Cour de fixer
en tenant compte de la somme de $5,205.95
versée par les propriétaires de l'Irving Hemlock
à ceux du Manchester Exporter pour s'être
tenus à la disposition du navire au tarif de $400
l'heure.
Les défendeurs rejettent les prétentions de la
déclaration, mais ils admettent que le 4 février
1969, vers 15h, l'Irving Hemlock a subi en mer
une panne de moteur, qu'il a envoyé un appel
général de détresse et qu'il a par la suite
échangé une série de messages avec le Man-
chester Exporter à qui il a demandé de se tenir
sur les lieux tandis que les mécaniciens de l'Ir-
ving Hemlock essayaient de réparer ses machi
nes. Après avoir discuté par radiotéléphone
d'un remorquage jusqu'à Halifax, le Manchester
Exporter a demandé à l'équipage de l'Irving
Hemlock de communiquer avec ses agents à
Halifax, ce dont l'Irving Hemlock a alors avisé
l'Atlantic Towing Company Limited, son repré-
sentant à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick). A
l'issue des négociations entre ces derniers et la
Furness Withy & Co. Ltd., le représentant du
Manchester Exporter, l'Atlantic Towing Compa
ny Limited a envoyé au nom des défendeurs, à
la Furness Withy & Co. Ltd., vers 22h, un
télégramme qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] CONFIRMONS CONVERSATION AU
SUJET REMORQUAGE IRVING HEMLOCK PAR
MANCHESTER EXPLORER (sic), ACCEPTONS
TARIF QUATRE CENT DOLLARS L'HEURE DE 21
HEURES CE SOIR À ARRIVÉE À HALIFAX OU
REMERCIÉ, OPÉRATION RÉUSSIE OU NON, PLUS
COÛT CÂBLES ROMPUS PLUS COÛT TEMPS SUP-
PLÉMENTAIRE ÉQUIPE DE DÉCHARGEMENT.
MANCHESTER PAS RESPONSABLE ACCIDENT
ÉQUIPAGE OU DOMMAGE DUS AU REMOR-
QUAGE
ATLANTIC TOWING LIMITED
GERALD B LAWSON
Les défendeurs allèguent que le capitaine du
Manchester Exporter leur avait affirmé que la
Furness Withy & Co. Ltd. était compétente
pour négocier et conclure l'accord sur la rému-
nération des demandeurs, qu'ils s'étaient fiés à
cette affirmation et qu'ainsi les demandeurs
auraient perdu leur droit de contester qu'elle
était compétente et que les conditions arrêtées
au cours de la négociation étaient censées cou-
vrir la rémunération de tous les intéressés du
Manchester Exporter, y compris les officiers et
les membres de l'équipage. En outre, les défen-
deurs nient qu'aucun câble lancé par le Man-
chester Exporter soit à aucun moment passé à la
portée de l'équipage de l'Irving Hemlock et
déclarent que les membres dudit équipage sont
restés à leur poste toute la nuit et qu'à tout
moment ils étaient prêts à saisir une remorque
et ils étaient disposés à le faire si le Manchester
Exporter avait été en mesure d'en faire parvenir
une à bord. Bien qu'ils admettent que les condi
tions atmosphériques étaient mauvaises et qu'en
raison de sa panne de moteur l'Irving Hemlock
roulait et tanguait fortement, ce qui augmentait
les difficultés de ceux qui essayaient de travail-
ler sur le pont, la défense prétend qu'à aucun
moment le navire ne s'est trouvé en danger
imminent de perte ou d'avarie. Tôt dans la
matinée du 5 février, lorsqu'il est devenu évi-
dent qu'en raison de la taille et du manque de
maniabilité du Manchester Exporter, il ne serait
pas en mesure de s'approcher suffisamment
pour envoyer la remorque, l'Atlantic Towing
Limited est entrée en pourparlers avec la Supe
rior Sea Products Limited de Yarmouth (Nou-
velle-Écosse) pour recourir aux services du
navire à moteur Scotia Point et il a été convenu
le 5 février vers 7h que le Scotia Point qui se
trouvait alors dans les parages ferait route vers
l'Irving Hemlock et le prendrait en remorque
pour un prix forfaitaire de $2,500 plus éventuel-
lement le coût des amarres rompues jusqu'à
concurrence de $375, le paiement du prix étant
subordonné à la réussite du remorquage jusqu'à
Liscomb ou Halifax. Lorsque le 5 février à
8h10, il a reçu confirmation que le Scotia Point
était en route, le capitaine de l'Irving Hemlock a
averti celui du Manchester Exporter qu'il n'avait
plus besoin de ses services et ce dernier a
poursuivi sa route vers Halifax; peu après le
Scotia Point est arrivé, il a passé une remorque
au navire désemparé et l'a remorqué jusqu'à
Liscomb où il est arrivé à 17h20 le même jour.
La défense prétend en outre que la Furness
Withy & Co. Ltd. a, au nom des demandeurs,
envoyé à l'Atlantic Towing Limited, représen-
tant de l'Irving Hemlock, une facture d'un mon-
tant de $5,05.95 qui a été payée pour solde de
tout compte afférent aux services rendus par les
demandeurs, ce qui englobe le temps passé par
le Manchester Exporter à se tenir à la disposi
tion de l'Irving Hemlock au tarif convenu de
$400 l'heure, les frais de déchargement imputa-
bles au retard du Manchester Exporter à Halifax
et toutes les cartouches, les câbles etc ... utili-
sés au cours de la tentative de remorquage de
l'Irving Hemlock; elle prétend encore que tous
les travaux effectués ou tous les services
rendus par le Manchester Exporter ou ses pro-
priétaires, ou ses officiers et son équipage, ou
les demandeurs, ont été entièrement payés con-
formément aux conditions arrêtées dans le con-
trat précité et sur la base de ladite facture. La
défense prétend en outre que pour ce qui est de
la demande d'indemnité de sauvetage, les
efforts du Manchester Exporter et de son équi-
page, bien que déployés avec diligence et bonne
volonté, n'ont nullement contribué ni à la sécu-
rité de l'Irving Hemlock ni à quelque action de
sauvetage couronnée de succès.
En réponse, les demandeurs déclarent qu'au-
cun contrat d'aucune sorte liant les membres de
l'équipage du Manchester Exporter n'avait été
conclu ou ne pouvait l'avoir été en vertu des
dispositions de l'art. 201(1) de la Loi sur la
marine marchande du Canada S.R.C. 1952, c.
29, ou de quelque autre manière. Ils contestent
en outre l'affirmation que les conditions atmos-
phériques n'étaient pas critiques ou que l'Irving
Hemlock n'était pas en danger imminent de
perte ou d'avarie.
Avant de continuer à traiter du fond de l'af-
faire, il convient de statuer sur un point de
procédure. Au par. 5 de leur avis pour admis
sion de faits, les demandeurs ont demandé aux
défendeurs d'admettre:
[TRADUCTION] 5. Que John Scott Watson, capitaine du
SS Manchester Exporter au cours du voyage n° 23, est
dûment et régulièrement habilité par tous les membres de
l'équipage dudit navire au cours dudit voyage, et chacun
d'eux, à intenter la présente action en leur nom, et chacun
desdits membres de l'équipage consent à l'introduction et au
jugement de cette action.
Dans leur réponse, les défendeurs ont refusé
cette admission et, en fait, cherchent à obtenir
de la Cour, en vertu de la Règle 68, l'autorisa-
tion de produire une réplique à la réponse
adressée à la défense pour déclarer, entre
autres, que:
[TRADUCTION] ... les officiers et l'équipage du Manchester
Exporter ne sont pas, en plus du demandeur John Scott
Watson, parties à cette action.
En conséquence, le procureur des demandeurs
a présenté à l'ouverture du procès un avis de
motion priant la Cour d'ordonner que les noms
des officiers et de l'équipage du Manchester
Exporter soient supprimés, qu'ils ne figurent
pas à l'instance en qualité de demandeurs dési-
gnés et que l'action se poursuive sous la forme
et l'intitulé actuel. Au cours du débat suscité
par cette requête, l'avocat des demandeurs a
soutenu qu'il était prêt à modifier les actes de
procédure afin d'y faire figurer les noms des
autres officiers et des membres de l'équipage en
qualité de co-demandeurs et que, de fait, tous à
l'exception de quatre d'entre eux l'avaient auto-
risé par écrit à le faire; l'avocat des défendeurs
a pour sa part déclaré que s'ils n'étaient pas
ainsi désignés, son client pourrait subir un pré-
judice dans la mesure où, s'il advenait que
l'action soit rejetée avec dépens, le recouvre-
ment de ces dépens pourrait présenter certaines
difficultés si seul le capitaine était désigné et
censé agir en son nom propre et au nom des
officiers et de l'équipage sans que ces derniers
ne soient désignés individuellement. Bien que
j'aie décidé d'accorder à l'avocat des défen-
deurs, en vertu de la Règle 68, l'autorisation de
produire la réplique à la réponse adressée à la
défense, puisqu'en plus des arguments concer-
nant le refus de joindre, en qualité de parties à
l'action, les autres officiers et l'équipage, elle
comportait deux ou trois prétentions pertinentes
et utiles, y compris le rejet de l'affirmation
selon laquelle l'art. 201(1) de la Loi sur la
marine marchande du Canada invoquée à l'ori-
gine dans la réponse à la défense, est applicable
dans la présente affaire, je ne pense pas qu'il
soit absolument souhaitable, dans ce type d'ac-
tions, de désigner individuellement tous les offi-
ciers et les membres de l'équipage plutôt que
d'autoriser le capitaine à ester en justice en son
nom propre et au nom des officiers et de l'équi-
page dans son ensemble, à moins que la loi ne
l'exige, puisque cette procédure paraîtrait inuti-
lement lourde et pourrait, dans certains cas,
entraîner des complications et des retards
déraisonnables.
Traitant de cette question, Mayers remarquait
à la page 215 de Admiralty Law and Practice in
Canada, au sujet de l'ancienne pratique de la
Haute Cour d'Amirauté d'Angleterre:
[TRADUCTION] Du fait de cette pratique, un nombre quel-
conque de parties pouvaient se joindre en qualité de deman-
deurs à une action, sous réserve qu'elles aient un intérêt
commun dans le litige et il suffisait de les définir comme les
propriétaires d'un navire ou d'une cargaison, ou comme
l'équipage d'un navire.
Il cite l'arrêt le Maréchal Suchet [1896] P. 233,
à la page 236:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que suivant la prati-
que de cette Cour toutes les personnes concernées par un
service de sauvetage pouvaient être jointes à la même
action afin d'obtenir la rémunération de ces services, ... .
L'aspect pratique de cette procédure la justifie.
Dans l'arrêt Tower Bridge, [1936] P. 30, la
page 39, la Cour répartit la prime de sauvetage
entre les propriétaires, le capitaine, et les offi-
ciers et les membres de l'équipage, qui ne sem-
blent pas avoir été désignés individuellement
suivant leur grade. Il semble que l'on ait suivi la
même pratique aux États-Unis dans une action
intitulée Sobonis c. le National Defender [1970]
1 Lloyd's Rep. 40 portée devant la Cour de
district des États-Unis du district sud de New
York, qui concluait à la page 48:
[TRADUCTION] Il convient de produire avec le jugement
une liste des noms et des adresses des membres de l'équi-
page du Mesologi en juin 1963.
M. Kennedy écrit à la page 236 de la 4 e édition
de Civil Salvage:
[TRADUCTION] Quant aux officiers et marins, la réparti-
tion prend généralement la forme d'une somme forfaitaire
qu'ils doivent se partager en fonction de leurs grades.
La règle 29(2) de nos Admiralty Rules dispose:
[TRADUCTION] 29. (2) Lorsque dans une action le deman-
deur réclame une réparation à laquelle une autre personne a
un droit concurrent au sien, toutes les personnes investies
de ce droit doivent, sous réserve de toute disposition législa-
tive et sauf autorisation contraire de la Cour, être parties à
l'action . . .
La règle 30A(1) dispose:
30A. (1) Aucune cause ou affaire ne doit être rejetée en
raison de la jonction injustifiée ou de l'absence de jonction
d'une partie et la Cour peut, dans toute cause ou affaire,
juger des points ou questions en litige, dans la mesure où ils
affectent les droits et intérêts des personnes parties à la
cause ou à l'affaire.
Le paragraphe (2) autorise la Cour, selon les
modalités qu'elle estime justes, à ordonner à
toute personne qui aurait dû être jointe comme
partie ou dont la présence devant la Cour est
nécessaire pour garantir que tous les points
débattus dans la cause ou l'affaire peuvent être
réellement et complètement tranchés et jugés,
de se joindre en qualité de partie, mais il précise
qu'aucune personne ne peut être jointe en qua-
lité de demandeur sans son consentement donné
par écrit ou d'une autre manière selon l'autori-
sation accordée. Il ne me semble pas que la
présence des autres officiers ou marins devant
la Cour soit nécessaire pour juger l'affaire,
aussi n'est-il pas utile d'appliquer cet article et,
bien que l'on puisse peut-être alléguer qu'il res-
sort de la Règle 29(2) qu'ils devraient être joints
individuellement en qualité de parties à l'action,
elle comporte la condition «sauf autorisation
contraire de la Cour».
En fonction de ce qui précède, je pense qu'il
est justifié qu'une seule action soit intentée au
nom du capitaine, des officiers et de l'équipage
et qu'il n'est pas nécessaire que les officiers et
les membres de l'équipage soient désignés indi-
viduellement, ainsi l'action peut être intentée en
leur nom par le capitaine comme on l'a fait dans
la présente affaire et la somme accordée, le cas
échéant, pourra en conséquence être divisée
après le prononcé du jugement. Voir The Spree,
[1893] P. 147. Ayant conclu, comme je l'ai fait,
que la façon dont les demandeurs ont été dési-
gnés dans les actes de procédure est régulière, il
n'est pas nécessaire aux demandeurs de procé-
der à des modifications dans le but d'ajouter les
noms des officiers et de l'équipage en qualité de
co-demandeurs et, pour ce qui est de la requête
visant à obtenir une ordonnance dispensant de
l'inscription et de leur jonction en qualité de
demandeurs désignés dans la procédure les
noms des officiers et de l'équipage du Manches-
ter Exporter, et autorisant la poursuite de l'ac-
tion dans sa forme et sous son intitulé actuels,
bien que la nécessité de cette requête semble
quelque peu douteuse, l'avocat des demandeurs
peut avoir eu dans l'idée, en la présentant, la
disposition de la règle 29(2), et je suis par
conséquent disposé à accorder l'ordonnance
demandée.
[Le Juge passe en revue la preuve sur ce point
et continue:]
Au vu de la preuve qui m'a été présentée, je
n'estime pas que les propriétaires de l'Irving
Hemlock aient fait preuve de mauvaise foi en se
ménageant une solution de rechange, à savoir le
remorquage par le Scotia Point et en remerciant
donc finalement le Manchester Exporter le 5
février à 8h10. S'il y avait eu de leur part
quelque indice d'un refus de payer les proprié-
taires du Manchester Exporter pour les services
qu'il a rendus conformément aux termes du
contrat qui a été conclu, la situation aurait été
entièrement différente. Peut-être aurait-il été
plus courtois de leur part d'avertir les proprié-
taires ou le capitaine du Manchester Exporter
de cet accord dès qu'il a été conclu avec les
propriétaires du Scotia Point et peut-être le
capitaine Kristjansson [capitaine du Irving
Hemlock—ÉD] aurait-il pu lui aussi en avertir le
capitaine Watson [capitaine du Manchester
Exporter—RD] lorsqu'il en a eu connaissance
bien qu'il considérât sans aucun doute que les
accords conclus par ses propriétaires ne le con-
cernaient absolument pas et qu'il n'ait lui-même
conclu aucun accord avec quiconque et les ait
laissé s'occuper de tout. Il semble cependant
que même si les propriétaires de l'Irving Hem
lock avaient conclu un accord pour que le
Scotia Point fasse route et le prenne en remor-
que, ils estimaient toujours souhaitable que le
Manchester Exporter passe un câble à bord de
l'Irving Hemlock pour le maintenir à distance de
la terre jusqu'à l'arrivée du Scotia Point dans la
matinée et, selon le message capté par la station
côtière d'Halifax à 1h04, le capitaine Kristjans-
son a accepté cela. Ce faisant, les propriétaires
de l'Irving Hemlock ont fait preuve de prudence
et non pas pris le risque qu'en raison d'un
changement de vent, le navire se trouve dirigé
sur la côte avant que le Scotia Point puisse le
prendre en remorque et ils étaient tout à fait
prêts à continuer de payer le prix horaire très
important exigé par le Manchester Exporter
pour ce service.
Rien cependant dans ce message n'indique
que l'on ait donné au capitaine Kristjansson des
directives afin qu'il n'accepte pas un câble du
Manchester Exporter, rien n'indique non plus
quel motif aurait pu le porter après cela à refu-
ser délibérément sa collaboration afin de placer
un câble à son bord. Ce message exprime quel-
ques doutes quant à la capacité du Manchester
Exporter de remorquer l'Irving Hemlock jusqu'à
Halifax dans les conditions atmosphériques du
moment et le fait que les propriétaires de l'Ir-
ving Hemlock aient voulu ajouter une deuxième
corde à leur arc en envoyant le Scotia Point,
beaucoup plus petit, propriété de la compagnie
qui affrétait à l'époque l'Irving Hemlock, pour le
remorquer jusqu'au port de Liscomb, plus
proche, n'indique pas, me semble-t-il, leur mau-
vaise foi. Ils avaient fait appel aux services du
Scotia Point en subordonnant sa rémunération
au résultat obtenu, et bien qu'il soit vrai que la
somme de $2,500 qu'ils lui ont payée pour
remorquer le navire jusqu'à Liscomb soit infé-
rieure à celle qu'ils auraient dû payer au Man-
chester Exporter pour un remorquage jusqu'à
Halifax, qui selon l'estimation du capitaine
Watson aurait demandé 7 heures et demie à
raison de $400 l'heure, ce léger avantage finan
cier aurait été plus qu'effacé si le Manchester
Exporter avait pu faire parvenir un câble à bord
au cours de la nuit, lorsqu'il tentait de le faire,
car dans ce cas, le remorquage jusqu'à Halifax
aurait pu être effectué avant le 5 février midi,
ce qui se serait traduit par le paiement à ses
propriétaires de trois ou quatre heures seule-
ment en plus du paiement effectué jusqu'à 8h10
ce matin-là; en outre, aucune somme n'aurait dû
être versée au Scotia Point. De plus, bien qu'il
semble vraisemblable que le Manchester Expor
ter aurait finalement pu faire parvenir un câble
à bord le jour, d'autant plus qu'il semble que le
temps s'était quelque peu amélioré, le Scotia
Point, un navire beaucoup plus petit puisqu'il
s'agissait d'un chalutier, pouvait s'approcher
suffisamment près de l'Irving Hemlock pour lui
lancer une ligne à main et le prendre en remor-
que très peu de temps après être arrivé sur les
lieux, ce qui semblerait justifier le jugement des
propriétaires de l'Irving Hemlock qui l'avait
engagé pour effectuer le remorquage tout en
continuant, pendant la même période à payer le
Manchester Exporter pour qu'il reste sur les
lieux jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de doute sur
l'arrivée du Scotia Point et que tout nouveau
danger soit écarté.
Il n'est assurément pas possible de blâmer le
capitaine Watson ou son équipage pour n'avoir
pas pu faire parvenir un câble à bord vu les
conditions météorologiques extrêmement diffi-
ciles et l'obscurité, et le capitaine Kristjansson
a lui-même admis qu'ils avaient fait preuve
d'excellente qualité de manoeuvre et n'a absolu-
ment pas critiqué leurs services dans sa déposi-
tion. Par contre, je ne peux déduire de la preuve
contradictoire que le capitaine Kristjansson se
soit refusé à collaborer à l'opération qui consis-
tait à faire parvenir un câble à son bord.
Sachant que le Manchester Exporter restait sur
les lieux et puisque la dérive du navire ne
laissait présager à ce moment-là aucun danger
pressant et imminent, il se peut qu'il n'ait pas
été excessivement inquiet et il est également
possible que ses qualités de manoeuvre et celles
de son équipage aient été inférieures à celle du
capitaine et de l'équipage du Manchester Expor
ter, mais je ne peux trouver aucun indice mani-
feste d'un refus ou d'une réticence à accepter
les services de sauvetage de ce dernier. Il se
peut fort bien que le câble qui, selon l'affirma-
tion du capitaine Watson, a été tiré de part en
part du pont avant de l'Irving Hemlock se soit
rompu ou se soit pris dans le grément, ou qu'il
ait été difficile à apercevoir et à situer dans
l'obscurité et la tempête, et j'accepte le témoi-
gnage du capitaine Kristjansson selon lequel
son équipage aurait pu éprouver des difficultés
à rester en permanence sur le pont et qu'ainsi il
est possible qu'il se soit trouvé à l'abri au
moment précis où cette fusée a été tirée. Pour
ce qui est du câble flotté autour du navire, il me
semble qu'il aurait été difficile dans l'obscurité
et la tempête, et étant donné le roulis des navi-
res d'être absolument certain que le câble est
entré en contact avec l'Irving Hemlock, même si
le tonneau auquel il était attaché était éclairé.
En fin de compte, il ressort clairement de la
lecture du contrat conclu et confirmé par le
télégramme émanant des propriétaires de l'Ir-
ving Hemlock que les services seraient fournis
«jusqu'à ce qu'il soit remercié» et il était parfai-
tement justifié, par conséquent, de décharger à
8h10 le Manchester Exporter de services subsé-
quents, moyennant le paiement intégral des ser
vices rendus jusqu'à cette heure, conformément
aux termes du contrat. Il n'y a là rien de compa
rable aux affaires de sauveteurs dépossédés
citées par le procureur des demandeurs et le
Manchester Exporter a poursuivi sa route sans
protestation et en pleine acceptation du fait
qu'il avait été déchargé de services ultérieurs.
Bien que l'Irving Hemlock n'ait pas envoyé de
S.O.S. ni demandé directement aux navires de
venir à son aide, mais que ceci ait été fait par la
station côtière d'Halifax de sa propre initiative,
et de façon tout à fait justifiée dans les circons-
tances où elle a eu connaissance du danger que
courait le navire, à la suite de l'appel envoyé
par son intermédiaire par le capitaine aux arma-
teurs propriétaires, c'est certainement pour
répondre à cet appel que le Manchester Expor
ter s'est porté à son aide, qu'à 17h05 il est
arrivé en vue de l'Irving Hemlock et est entré en
contact radio avec lui; à 17h29 le capitaine de
l'Irving Hemlock a communiqué qu'il se trouvait
maintenant sur les lieux et que cela serait suffi-
sant; en conséquence, l'appel radio «tous navi-
res» a été annulé. On peut dire, par conséquent,
que depuis 17h05 une opération de sauvetage
sur demande avait commencé. Cependant, aux
termes des règles fondamentales du sauvetage,
pour que le sauvetage puisse être invoqué, l'o-
pération doit avoir réussi et, de fait, telle était la
condition posée par le contrat-type de sauve-
tage du Lloyd qui constituait la seule base sur
laquelle le capitaine du Manchester Exporter
était autorisé à entreprendre quelque opération
de sauvetage de sa propre initiative. Bien que
l'Irving Hemlock ait été finalement sauvé, le
sauvetage n'a pas résulté des efforts déployés
par le Manchester Exporter, quoique j'ai conclu
que l'on ne pouvait pas blâmer son équipage de
n'avoir pas mener à bien les opérations de sau-
vetage, et il n'est pas douteux qu'il s'est
employé avec diligence et énergie à tenter de
réaliser le sauvetage (voir les arrêts The Melanie
(Propriétaires) c. The San Onofre (Propriétai-
res), [1925] A.C. 246, et The Renpor, (1883) 8
P. 115). Cette règle souffre cependant une
exception, lorsque les services sont rendus à la
demande du navire remorqué auquel cas ils
prennent la qualité de services contractuels et
une rémunération est versée même si ces servi
ces n'ont pas contribué à la sauvegarde finale
du navire. M. Kennedy écrit à la page 112 de
Civil Salvage 4e éd.:
[TRADUCTION] Si le capitaine d'un navire en détresse
demande la prestation d'un service de la nature d'un service
de sauvetage—demande, par exemple, à un vapeur de se
tenir sur les lieux pendant un orage ou d'aller chercher une
ancre depuis la côte—et que ce service est rendu, mais que
le navire pour lequel on a demandé le service est finalement
sauvé pour quelque autre raison, comme un heureux chan-
gement de conditions météorologiques; ou deuxièmement, si
après le début de la prestation service et tandis qu'ils ont la
volonté et la capacité de le mener à bien, ceux qui l'ont
entrepris en sont déchargés par le capitaine du navire en
péril qui d'aventure préfère recourir à quelque autre assis
tance qui s'offre à lui, le tribunal n'admettra pas que l'acte
d'assistance bien que sans résultat, ne soit pas dédommagé
s'il a impliqué une contribution sous forme de temps, de
travail ou de risque; en outre, dans la seconde hypothèse, il
peut englober dans son dédommagement quelque compen
sation pour la perte subie par les demandeurs du fait qu'ils
ont été empêchés de mener à bien le service qu'ils avaient
accepté de rendre.
Le juge Gorell Barnes a approuvé cette thèse
dans l'arrêt The Helvetia, (1894) 8 Asp. M.L.C.
264n et également dans l'arrêt The Loch Tulla,
(1950) 84L1. L. Rep. 62. Dans l'arrêt The
Undaunted, (1860) Lush. pages 90 à 92, le
docteur Lushington déclarait:
[TRADUCTION] Je ne puis avoir aucun doute sur le devoir
de la Cour dans cette affaire. Il y a une grande différence
entre les sauveteurs qui se portent volontaires pour aller sur
les lieux et les sauveteurs qui sont employés par un navire
en détresse. Les sauveteurs qui se portent volontaires sor-
tent à leur propre risque dans l'espoir de gagner une rému-
nération et s'ils travaillent en vain, ils n'ont droit à rien:
c'est la réalisation effective du service de sauvetage qui leur
donne droit à la rémunération de sauvetage. Mais des
hommes auxquels un navire en détresse fait appel, que cet
appel soit général ou particulier, doivent être payés en
fonction des efforts qu'ils ont faits, même si leur travail et
leurs services s'avèrent sans résultat pour le navire. Prenez
l'exemple d'un navire à l'ancre dans un coup de vent, qui
appelle un vapeur afin qu'il se tienne sur les lieux, prêt à le
prendre en remorque à sa demande; c'est ce que fait le
vapeur, le navire sort du coup de vent sans son assistance:
je soutiendrai indubitablement dans un tel cas que le vapeur
avait droit à une rémunération de sauvetage, dont le mon-
tant serait déterminé par le risque couru par les deux
navires, la valeur des biens en danger et les autres circons-
tances de l'espèce. L'engagement de prêter assistance à un
navire en détresse et l'exécution de cet engagement, dans la
mesure du nécessaire ou dans la mesure du possible, ouvre
droit à une rémunération de sauvetage.
Dans l'arrêt Maude, (1876) 3 Asp. M.L.C. 338,
le remorqueur à vapeur Walter Stanhope, aper-
cevant les signaux de détresse du Maude qui
avait perdu son hélice dans le mauvais temps,
s'est dirigé vers lui et après une discussion entre
les capitaines, a entrepris de le remorquer. La
haussière a été amarrée mais par la suite elle
s'est rompue et en raison du mauvais temps le
vaisseau désemparé a dû s'ancrer. On a cepen-
dant demandé au Walter Stanhope de se tenir
sur les lieux durant la nuit et c'est ce qu'il a fait,
mais dans la matinée suivante le capitaine du
Maude, au lieu de profiter des services du
Walter Stanhope dont le capitaine était prêt et
disposé à exécuter le sauvetage, a fait appel
pour une somme forfaitaire, que le capitaine du
Walter Stanhope avait refusé, au service d'un
autre vapeur qui était arrivé durant la nuit. Les
propriétaires, le capitaine et l'équipage du
Walter Stanhope ont demandé en justice une
rémunération de sauvetage et en rendant le
jugement Sir Robert Phillimore a déclaré:
[TRADUCTION] Il est vrai que cette Cour a posé un prin-
cipe général qu'un service qui, même prévu, n'a pas été
exécuté ne devait pas être rémunéré. Mais c'est un principe
qui dans les circonstances de l'espèce conduit la Cour à
examiner le motif de la non-exécution de ce service.
Il ressort en toute impartialité de la preuve que le Walter
Stanhope était prêt à faire de son mieux pour aider le navire
en détresse et c'est ce qu'il aurait fait si l'autre accord
n'avait pas été conclu. Le Walter Stanhope n'a pas droit à
une rémunération en fonction de ce qui lui aurait été dû s'il
avait remorqué le Maude jusqu'à Yarmouth ou Hull. Il est
resté sur les lieux toute la nuit et il n'aurait pas dû être
congédié; il a droit à une rémunération pour les services
qu'il a rendus et à quelque indemnité pour la perte qu'il a
subie du fait qu'il n'a pas pu mener à bien le service
convenu.
Dans l'arrêt Melpomene, (1873) L.R. 4 A. & E.
129, Sir Robert Phillimore déclarait:
[TRADUCTION]... d'autre part, je pense qu'aucun arrêt ne
s'oppose à ce que j'érige en principe cette proposition, qui
me semble d'une importance considérable pour les intérêts
du commerce et de la navigation, et en particulier à l'heure
actuelle, à savoir que, lorsqu'un navire émet un signal de
détresse et qu'un autre navire sort, avec l'intention de
bonne foi de lui porter assistance et que, dans la mesure de
ses possibilités, il le fait, et que quelques circonstances
accidentelles empêchent ses services d'être aussi efficaces
qu'il les désirait, et qu'aucune faute ne lui est imputable, il
ne doit pas rester sans aucune rémunération. Je pense qu'il
est dans l'intérêt du commerce et de la navigation qu'une
rémunération soit accordée et que cela est également propre
à encourager les services de sauvetage d'une manière géné-
rale. A mon avis, une faible rémunération suffira dans le cas
présent et j'accorderai £50 au Resolute.
Il ne fait aucun doute qu'on a demandé au
Manchester Exporter de se tenir sur les lieux
près de l'Irving Hemlock et ce avant même que
le contrat n'ait été conclu entre les propriétaires
des deux navires, et que les propriétaires de
l'Irving Hemlock désiraient que le premier reste
sur les lieux toute la nuit même après qu'ils
aient envoyé le Scotia Point pour prendre l'Ir-
ving Hemlock en remorque; ainsi même si les
services rendus n'ont pas été couronnés de
succès et n'ont pas contribué au sauvetage final
de l'Irving Hemlock, j'aurais attribué une rému-
nération de sauvetage aux propriétaires, au
capitaine et à l'équipage du Manchester Expor
ter si aucun contrat de sauvetage n'avait été
conclu entre les propriétaires des deux navires
et si aucun paiement n'avait été effectué en
conséquence. Ce dédommagement, toutefois,
aurait pris en compte le fait que les services de
sauvetage n'ont pas eu de résultat et son mon-
tant n'aurait pas été supérieur au paiement qui a
été fait en vertu du contrat liant les propriétai-
res des deux navires, paiement qui représente
plus de 5% de la valeur de l'Irving Hemlock. En
outre, j'aurais réparti ce dédommagement entre
les propriétaires d'une part et le capitaine et
l'équipage de l'autre, et je l'aurais probablement
fait sur la base de trois-quarts pour les proprié-
taires et un quart pour le capitaine et l'équipage
(voir Kennedy (précitée)) à la page 235 où il
écrit:
[TRADUCTION] Depuis 1883, les propriétaires ont reçu si
fréquemment les trois-quarts de la rémunération que l'on
peut à juste titre parler de répartition ordinaire.
au sujet de l'arrêt Livietta (1883) 8 P.D. 24.
Cependant, le fait qu'un contrat de remorquage
qui devait entrer en vigueur à 21h, ait été
conclu entre les propriétaires des deux navires,
change tout (à proprement parler, l'accord a été
conclu avec la Furness Withy & Co. Ltd.,
représentant des propriétaires du Manchester
Exporter, mais il ressort clairement de leur com-
portement au cours des négociations qu'ils
avaient, le droit de conclure le contrat, ce qu'ils
ont fait, au nom des propriétaires et j'estime par
conséquent que ce contrat lie les propriétaires).
Bien que ce contrat comportât un prix horaire
considérablement plus élevé que celui que j'au-
rais été porté à accorder au vu de la déclaration
de M. Lawson selon laquelle sa compagnie, qui
possède des navires spécialement équipés pour
les opérations de remorquage et de sauvetage,
n'a jamais pu demander des tarifs contractuels
comparables à cela, je ne vois aucune raison
pour m'immiscer dans les dispositions contrac-
tuelles en me fondant sur leur caractère exhor-
bitant, étant donné en particulier que les défen-
deurs ont payé la facture qu'il leur a été
soumise sans discussion ni protestation. Voir
les arrêts The Medina (1877) 2 P.D. 5; The
Mark Lane (1890) 15 P.D. 135; The Port Cale-
donia and The Anna [1903] P. 184.
Un contrat prévoyant la prestation de servi
ces de remorquage moyennant paiement n'est
pas à proprement parler, qu'il y ait résultat ou
non, un contrat de sauvetage. Comme le note
M. Kennedy (précité) à la page 100:
[TRADUCTION] ... Un contrat de sauvetage est un con-
trat qui peut fixer, de fait, le prix du sauvetage, mais ne
traite pas de toutes les autres conditions nécessaires à
fonder une rémunération de sauvetage, l'une d'elles étant la
sauvegarde d'une partie au moins de la chose, c'est-à-dire, le
navire, la cargaison ou le fret.
M. Lawson a déclaré dans son témoignage qui
n'a pas été contesté, et a même été indirecte-
ment soutenu par la façon dont la Furness
Withy & Co. Ltd. a finalement présenté sa
facture, que durant la négociation du contrat, et
compte tenu de l'importance du prix demandé,
le début de la prestation des services a été fixée
à 21h au lieu de 17h05, heure à laquelle le
Manchester Exporter est arrivé sur les lieux, et
c'est sur cette base que le contrat a été conclu
et le paiement entièrement acquitté conformé-
ment aux termes du contrat. La demanderesse,
la Manchester Liners Limited, ne peut pas
gagner sur les deux tableaux et réclamer aussi le
paiement pour le sauvetage, même si le sauve-
tage n'a pas réussi, d'une somme fixée par la
Cour, après avoir crédité la somme reçue en
vertu du contrat lorsque le paiement en ques
tion a été effectué, en totalité, au tarif de $400
l'heure, à partir de 21h, somme qui était payable
quel que soit le résultat des services, et je suis
surpris qu'elle ait essayé de le faire. Manifeste-
ment, le contrat remplaçait toute réclamation de
rémunération de sauvetage dont elle aurait pu
autrement se prévaloir et, comme je l'ai déjà
indiqué, il représentait en fait pour elle un paie-
ment supérieur à la somme que j'aurais accor-
dée sur la base de sa réclamation de rémunéra-
tion de sauvetage s'il n'y avait pas eu un tel
contrat.
Pour ce qui est de la réclamation du capitaine
en son nom propre et au nom des officiers et de
l'équipage, la situation présente cependant de
plus grandes difficultés. La jurisprudence indi-
que que la réclamation du capitaine et de l'équi-
page, bien qu'elle soit généralement jointe à
celle des propriétaires dans la même action, est
une réclamation distincte, et que sous réserve
de circonstances spéciales, les propriétaires ne
peuvent abandonner par contrat leur droit à une
rémunération de sauvetage, pas plus que le
capitaine ne pourrait (sauf peut-être dans une
situation où le contrat est conclu ex necessitate
en raison de l'urgence et de l'impossibilité de
communiquer avec les propriétaires) lier les
armateurs. Dans l'arrêt The Margery, [1902] P.
157, Sir Francis Jeune déclarait à la page 165:
(TRADUCTION] Je ne suis pas du tout disposé à dire que
dans certaines circonstances un accord conclu par les pro-
priétaires au nom de l'équipage ne pourrait pas les lier, de
même qu'un accord conclu dans certaines circonstances par
le capitaine peut lier les propriétaires. Il est clair que si,
avant l'exécution du service de sauvetage, les capitaines des
deux navires s'accordent, ils peuvent conclure un contrat
par lequel, sous réserve du pouvoir qu'a cette Cour d'exami-
ner s'il est juste ou non, ils peuvent sans aucun doute lier
les propriétaires. Je ne serais pas du tout disposé à nier
qu'un contrat conclu dans des circonstances analogues par
les propriétaires au nom du capitaine et de l'équipage ne
pourrait pas lier ces derniers; mais la raison en est l'urgence
du problème. Le service doit être exécuté dans la contrainte
de l'événement et si le contrat ne peut être conclu par les
seules personnes qui sont là pour le faire, il ne peut pas
l'être du tout. Par conséquent, un accord ainsi conclu ex
necessitate oblige; mais cela ne revient pas du tout à dire
que lorsqu'il n'y a pas du tout d'urgence un accord conclu
par les propriétaires lie le capitaine et l'équipage sans que
ces derniers en aient été avisés. Je ne suis pas du tout
disposé à accepter cette proposition qui d'ailleurs n'est pas
sérieusement soutenue.
Dans l'arrêt The Friesland [1904] P. 345, les
propriétaires du navire, ayant été informés par
télégraphe que leur navire se trouvait désem-
paré au large de la côte sud de l'Irlande ont
convenu avec les propriétaires d'un remorqueur
que l'on savait dans les parages du navire en
détresse, le remorquage de leur navire par ce
remorqueur jusqu'à Liverpool selon les condi
tions ordinaires du remorquage. Cependant,
avant de conclure l'accord et avant que les
propriétaires du remorqueur aient pu donner
leurs instructions au capitaine de leur remor-
queur, le remorqueur avait fait route vers le
navire désemparé et avait commencé à le
remorquer vers Liverpool. Dans une action de
sauvetage intentée par les propriétaires, le capi-
taine et l'équipage du remorqueur, Sir Francis
Jeune, après avoir jugé que les propriétaires
étaient liés par le contrat, a examiné la question
de savoir si ce contrat liait également le capi-
taine et l'équipage. Il a conclu qu'il s'agissait
d'un service et qu'une part importante de ce
service avait été exécutée avant la conclusion
du contrat, que le capitaine et l'équipage avaient
de ce fait acquis des droits particuliers au
moment où le contrat avait été conclu, et que
[TRADUCTION] «les propriétaires ne peuvent pas
sacrifier les droits acquis du capitaine et l'équi-
page dans un marché auquel le capitaine et
l'équipage n'ont pas donné leur accord». Dans
l'arrêt The Leon Blum, [1915] P. 90, 290, les
propriétaires d'un navire ont conclu un contrat
de remorquage qui subordonnait la rémunéra-
tion et le paiement des frais de sauvetage au
résultat obtenu. Il a été jugé que les propriétai-
res n'avaient aucun pouvoir pour décider au
nom du capitaine et de l'équipage qu'ils ne
recevraient en aucun cas une rémunération de
sauvetage. Cet arrêt se référait également à
l'art. 156 du Merchant Shipping Act de 1894,
57-58 Vict., c.60, dont l'essentiel est reproduit
dans l'art. 201 de la Loi sur la marine mar-
chande du Canada aux termes duquel un marin
ne peut renoncer par convention à aucun droit
qui peut lui appartenir ou qu'il peut obtenir en
matière de sauvetage et toute stipulation con-
tractuelle contraire est nulle. Bien que je doute
fort que l'art. 201 de la Loi sur la marine
marchande du Canada s'applique dans le cas
présent, puisque nous ne traitons pas d'un con-
trat auquel les marins étaient parties mais plutôt
d'un contrat conclu par les propriétaires et qui
néanmoins leur est préjudiciable, il semble
effectivement que les services de sauvetage du
capitaine, des officiers et de l'équipage aient
commencé quelques quatre heures avant le con-
trat lorsque, sur sa demande, ils sont restés sur
les lieux près de l'Irving Hemlock qui se trou-
vait en détresse, même si à ce moment-là, ils
n'ont pas essayé de faire parvenir un câble à
bord ni entrepris aucune opération de sauve-
tage. Le sauvetage commence du moment où le
navire se tient sur les lieux (voir les arrêts The
Undaunted, The Tower Bridge et The National
Defender (précités)). Selon toute probabilité, le
capitaine du Manchester Exporter s'est porté à
l'aide de l'Irving Hemlock comme il y était
obligé en fait par l'art. 22 du British Merchant
Shipping (Safety Convention) Act, de 1949,
12-13 Geo. 6, c. 43, qui dispose notamment ce
qui suit:
(TRADUCTION] 22. (1) Le capitaine d'un navire britanni-
que, immatriculé au Royaume-Uni doit, dès réception en
mer d'un signal de détresse ou d'une information, quelle
qu'en soit la source, selon laquelle un navire ou un aéronef
se trouve en détresse, se porter, à pleine vitesse, à l'aide des
personnes en détresse (en les en informant si possible).. .
(8) Rien dans cet article ne fait obstacle aux dispositions
de l'article six de la Maritime Conventions Act, de 1911; et
le fait pour le capitaine d'un navire de se conformer aux
dispositions de cet article ne doit pas porter atteinte à son
droit, ou au droit de toute autre personne, à une rémunéra-
tion de sauvetage.
Le capitaine Watson a déclaré dans son témoi-
gnage qu'il s'était tenu sur les lieux pour sauver
des vies humaines comme il y était obligé par le
par. (2) de l'art. 6 de la loi britannique Maritime
Conventions Act, de 1911, 1-2 Geo. 5, c. 57, qui
dispose:
[TRADUCTION] 6. (2) L'observation, par le capitaine ou
par la personne ayant la direction d'un bâtiment, du présent
article ne porte pas atteinte à leur droit à l'indemnité de
sauvetage, ni à celui d'une autre personne. (On trouve des
dispositions identiques aux art. 457 et 526 de la Loi sur la
marine marchande du Canada.)
J'en conclus que, dans la présente affaire, le
capitaine, les officiers et l'équipage ont droit à
une rémunération de sauvetage que j'aurais
fixée, s'ils avaient exécuté le sauvetage avec
succès, au quart du prix horaire fixé après négo-
ciation entre les propriétaires des deux navires,
soit $100 l'heure, mais dans leur cas, à partir du
4 février à 17h05 jusqu'à la fin du sauvetage.
Vu la tournure de la situation, leurs services,
sans qu'il en soit de leur faute, ont échoué et
ont pris fin le 5 février à 8h10 soit après envi-
ron 15h, ce qui se traduirait par une rémunéra-
tion de $1,500 que je réduirais pour suivre la
jurisprudence, à $1,000, du fait que ce n'est pas
grâce à leur service que le navire a été effecti-
vement sauvé. La difficulté consiste à détermi-
ner comment cette rémunération peut être
accordée sans causer un préjudice déraisonna-
ble aux défendeurs qui se sont déjà acquittés
d'une très forte somme pour les mêmes servi
ces. Il m'apparaît que la défenderesse, la Man-
chester Liners Limited, aurait dû partager la
somme qu'elle a reçue en vertu du contrat, avec
le capitaine, les officiers et l'équipage confor-
mément à la pratique courante en matière de
rémunération de sauvetage, mais évidemment la
Manchester Liners Limited ne l'a pas fait. L'é-
quipage a reçu le paiement de ses heures sup-
plémentaires conformément aux termes de leur
contrat de travail mais il a été déclaré au cours
des dépositions que cela ne représentait pas une
somme très importante'. Le capitaine et les
officiers reçoivent, semble-t-il, un salaire men-
suel et ils ' n'ont rien reçu de plus pour les
efforts très exceptionnels et inhabituels qu'ils
ont déployés dans la nuit du 4 au 5 février
1969. Bien qu'il fût sans aucun doute de leur
devoir, conformément aux dispositions du Bri-
tish Merchant Shipping (Safety Convention)
Act, de 1949 (précité) et au droit maritime d'une
façon générale, d'assumer ses épreuves et ses
efforts personnels exceptionnels, il y a là quel-
que chose qui sort du cours ordinaire de leur
emploi et qui leur donne droit à une indemnité
appropriée. S'il y a quelque clause dans le con-
trat de travail qui lie le capitaine, les officiers et
l'équipage à leur employeur, la Manchester
Liners Limited et qui autorise cette dernière à
refuser de partager avec ses employés les
sommes qu'elle a reçues en vertu du contrat de
remorquage, ce n'est pas là un point qui peut
être tranché dans la présente affaire, non plus
que la question de savoir si une telle clause
serait contraire à l'art. 201 de la Loi sur la
marine marchande du Canada (précitée) puis-
que, bien que la Manchester Liners Limited
d'une part et le capitaine agissant en son nom
propre et au nom des officiers et de l'équipage
d'autre part semblent avoir des intérêts oppo-
sés, ils sont co-demandeurs et aucun litige les
opposant ne m'a été déféré.
Cependant, je pense que les défendeurs
étaient justifiés de croire que le paiement qu'ils
avaient fait à la Furness Withy & Co. Ltd. en
qualité de représentant des propriétaires consti-
tuait le paiement de l'ensemble des services
rendus et que la somme importante de $400
l'heure qu'ils avaient négociée par contrat cou-
vrirait également toute réclamation éventuelle
du capitaine, des officiers ou de l'équipage et
qu'ils ne courraient pas le risque de faire face à
une réclamation ultérieure de leur part, pour ne
rien dire d'une réclamation ultérieure de la
Manchester Liners Limited, réclamation que,
comme je l'ai indiqué, précédemment, je trouve
tout à fait injustifiée et abusive. Assurément,
d'un point de vue pratique, le capitaine ou les
propriétaires d'un navire qui acceptent les servi-
ces de sauvetage ne devraient pas avoir à con-
clure deux accords séparés, l'un avec le proprié-
taire du navire qui doit effectuer le sauvetage et
l'autre avec le capitaine de ce navire agissant au
nom des officiers et de l'équipage, et en particu-
lier du fait que l'on doit avoir présent à l'esprit
que ces accords doivent être conclus sous la
pression des événements et de façon assez
hâtive. Il semblerait plus raisonnable de présu-
mer que les propriétaires du navire sauveteur
prendraient d'eux-mêmes des dispositions pour
partager la rémunération spéciale avec leurs
employés, le capitaine, les officiers et l'équi-
page, en particulier lorsque le capitaine du
navire sauveteur comme c'est le cas ici, a indi-
qué qu'il n'avait aucun pouvoir pour conclure
un contrat si ce n'est suivant les conditions du
contrat-type de sauvetage du Lloyd et que si
quelques modifications devaient y être appor-
tées, les propriétaires du navire en détresse
devaient se mettre en rapport avec ses proprié-
taires ou ses représentants. Néanmoins, le droit
est clair sur ce point; le capitaine, les officiers
et l'équipage ne peuvent pas être liés par les
propriétaires et en particulier lorsqu'ils possè-
dent un droit acquis, ayant déjà entrepris une
opération de sauvetage en se tenant sur les lieux
sur demande avant que le contrat auquel ils ne
sont pas parties ait été conclu. En ventilant la
rémunération de sauvetage de $1,000 accordée
au capitaine, aux officiers et à l'équipage entre
la période allant de 17h05 à 21h lorsque le
contrat conclu avec les propriétaires a pris
effet, et la période allant de 21h à 8h10 lorsqu'il
a pris fin, j'accorderais $250 pour la première
période et $750 pour la seconde et je déclare-
rais les défendeurs débiteurs de la somme de
$250 afférant à la première période vis-à-vis du
capitaine, des officiers et de l'équipage. Quant à
la seconde période pour laquelle j'ai conclu que
le capitaine, les officiers et l'équipage avaient
droit à une indemnité de sauvetage de $750
pour les services ininterrompus qu'ils ont
rendus au cours de cette période, j'estime que
cette partie de leur réclamation a été payée par
les défendeurs à la demanderesse, la Manches-
ter Liners Limited et que c'est à elle que le
capitaine, les officiers et l'équipage devraient la
réclamer. Je ne puis pas rendre un tel jugement
dans la présente espèce, aussi cette question
devrait-elle être débattue dans un autre procès.
Le jugement sera par conséquent rendu de la
façon suivante:
La réclamation de la Manchester Liners Lim
ited est rejetée. Les défendeurs sont condamnés
à payer la somme de $250 à John Scott Watson,
capitaine, agissant en son nom propre et au nom
des officiers et de l'équipage du Manchester
Exporter sur le voyage n° 23, en janvier-février
1969.
Compte tenu des circonstances inhabituelles
du présent litige, qui ne serait vraisemblable-
ment jamais venu en jugement si la demande-
resse, la Manchester Liners Limited, avait par-
tagé le paiement qu'elle a reçu avec le capitaine,
les officiers et l'équipage, et vu la Règle 344 qui
confère à la Cour toute discrétion pour rendre
une telle ordonnance quant au dépens, lors-
qu'elle l'estime approprié, je décide que, bien
que les défendeurs aient été condamnés à payer
la somme de $250 au demandeur John Scott
Watson, aux officiers et à l'équipage ainsi qu'il
a été dit plus haut, la demanderesse, la Man-
chester Liners Limited est condamnée à payer
les dépens des défendeurs.
Voir l'arrêt The National Defender, [1970] 1 Lloyd's
Rep. 40, à la page 46 où il est déclaré, au sujet d'une
réclamation présentée par l'équipage du navire sauveteur et
d'une offre de paiement: [TRADUCTION] «L'offre de paie-
ment n'avait manifestement rien à voir avec le traitement ou
les heures supplémentaires des demandeurs puisqu'il s'agis-
sait d'une obligation pour la Hellenic Shipping, propriétaire
du Mesologi qui a effectué le paiement lorsque les deman-
deurs ont été relevés de leur service à Pylos (Grèce) à la fin
du voyage.»
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