Kayser -Roth Canada (1969) Limited (Deman-
deresse)
c.
Fascination Lingerie Inc. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Noël. Montréal, le 27 avril; Ottawa, le 7
mai et les 16 et 24 juin 1971.
Marques de commerce—Contrefaçon—Plaidoiries—Recti-
fication—La raison sociale de la défenderesse constitue-
t-elle une contrefaçon de la marque de commerce de la
demanderesse?—La raison sociale n'est pas un nom «per-
sonnel,—Droit de la défenderesse d'obtenir une ordonnance
l'autorisant à utiliser une marque dans un secteur détermi-
né—Loi sur les marques de commerce, 1953, c. 49, art.
17(1), (2), 20a), 21(1).
La demanderesse a poursuivi la défenderesse, compagnie
incorporée au Québec en 1969, en contrefaçon de la marque
de commerce Fascination, déposée par la demanderesse en
1968 pour de la lingerie. La défenderesse a plaidé qu'elle en
était la première utilisatrice et a cherché, par suite d'une
autorisation, à obtenir en vertu de l'article 21(1) de la Loi
sur les marques de commerce une ordonnance l'autorisant à
utiliser au Québec sa marque de commerce pouvant prêter à
confusion.
Arrêt: (1) Le fait qu'en vertu de la Loi des compagnies du
Québec, la défenderesse était fondée à fonctionner sous sa
raison sociale et en avait l'obligation, ne constitue pas un
moyen de défense à l'action. Confirmation de l'affaire
Boston Rubber Shoe Co. c. Boston Rubber Co. of Montreal
(1901-1902) 32 R.C.S. 315.
(2) Une raison sociale n'est pas un nom «personnel» au
sens de l'article 20a) de la Loi sur les marques de
commerce.
(3) La Cour ne pouvait pas accorder à la défenderesse
l'ordonnance sollicitée en vertu de l'article 21(1) de la Loi
sur les marques de commerce. On ne peut, en vertu de
l'article 21(1), rendre une ordonnance que dans le cas où la
marque de commerce déposée bénéficie de la protection de
l'article 17(2), savoir: (1) lorsqu'elle a été déposée plus de
cinq ans avant le début des poursuites et (2) lorsque le
demandeur l'a adoptée en ne sachant pas qu'il existait un
précédent utilisateur. Aucune de ces conditions n'était
réunie dans la présente espèce. De plus, le fait que le dépôt
de la marque de commerce de la demanderesse aurait pu en
vertu de l'article 17(1) être déclaré sans valeur si la défen-
deresse avait recherché ce moyen de défense ne permettait
pas à celle-ci d'obtenir la réparation qu'elle demandait en
vertu des articles 21(1) et 17(2).
ACTION en contrefaçon d'une marque de
commerce déposée.
Ce jugement a été rendu en deux fois, la
première le 7 mai 1971, la seconde le 24 juin
1971.
Christopher Robinson, c.r., pour la demande-
resse.
Vincent Drouin pour la défenderesse.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOËL [le 7 mai
19711—La demanderesse, Kayser -Roth Canada
(1969) Limited, compagnie dûment incorporée
en vertu des lois du Canada, avec siège social à
London, Ontario, demande qu'une injonction
soit décernée contre la défenderesse, Fascina
tion Lingerie Inc., compagnie dûment incorpo-
rée en vertu des lois de Québec, avec siège
social dans la cité de Montréal, P.Q., lui défen-
dant de continuer à violer sa marque de com
merce, enregistrée le 28 juin 1968, sous le
numéro 157,447, relativement à de la lingerie.
Bien que la demanderesse ait allégué que la
défenderesse avait violé deux autres marques
de commerce, qu'elle avait fait passer ses pro-
duits pour ceux de la demanderesse et qu'elle
avait adopté des méthodes d'affaires contraires
aux honnêtes usages industriels ou commer-
ciaux ayant cours au Canada, M. Robinson, le
procureur de la demanderesse, déclara à l'en-
quête que son client n'entendait invoquer que la
violation par la défenderesse de la marque de
commerce enregistrée sous le numéro 157,447
et abandonnait les autres causes d'action. Il
déclara aussi que son client n'avait pas l'inten-
tion de réclamer des dommages.
La défenderesse, dans son plaidoyer de
défense, demande le rejet de l'action qu'elle
fonde sur l'usage antérieur du mot «fascina-
tion» relativement à de la lingerie. Elle invoque
le fait qu'un certain Maurice Bagdoo, avec qui
Claude Lapierre, le propriétaire de la compa-
gnie défenderesse était en relation d'affaires, a
enregistré une raison sociale fabricante de vête-
ments, le 21 octobre 1966, chez le protonotaire
de la Cour supérieure à Montréal, sous le nom
de Lingerie Fascination Enr. Le 18 avril 1967,
Bagdoo céda tous ses droits à Claude Lapierre,
qui, le même jour, fit enregistrer le nom de la
raison sociale sous son nom. Le 3 janvier 1969,
des lettres patentes furent décernées en vertu
de la Partie I de la Loi sur les compagnies de
Québec, S.R.Q. 1964, c. 271, par lesquelles la
défenderesse fut incorporée sous le nom de
Lingerie Fascination Inc., Claude Lapierre
ayant consenti à l'incorporation et étant un de
ses principaux actionnaires. Depuis la constitu-
tion de la défenderesse en corporation, le com
merce de fabrication et de vente de lingerie de
Bagdoo fut exercé sous le nom corporatif la
défenderesse alléguant que ce commerce s'e-
xerça dans la province de Québec. Elle signala
aussi dans son plaidoyer de défense que la
demanderesse, selon les officiers de la défende-
resse, n'utilise pas la marque de commerce Fas
cination lingerie dans le Québec mais vend ses
produits sous le nom de «Kayser Lingerie». La
défenderesse soumet qu'elle n'a jamais tenté de
profiter, ni n'a-t-elle en fait profité, de la réputa-
tion de la demanderesse et que les consomma-
teurs et les marchands n'ont jamais confondu
les produits respectifs des parties en cause. La
défenderesse allègue finalement qu'elle est un
petit fabricant qui a réussi à se bâtir localement
une réputation sous le nom de Fascination que
la demanderesse semble vouloir utiliser.
La preuve à l'enquête révèle clairement que
la demanderesse est la propriétaire enregistrée
de la marque de commerce Fascination pour
lingerie et en vertu de l'art. 19 de la Loi sur les
marques de commerce «l'enregistrement d'une
marque de commerce à l'égard de marchandises
ou services, sauf si son invalidité est démon-
trée, donne au propriétaire le droit exclusif à
l'emploi, dans tout le Canada, de cette marque
de commerce en ce qui regarde ces marchandi-
ses ou services». De plus, il est incontestable
que la défenderesse a utilisé, et utilise encore, le
même mot «fascination» pour les mêmes pro-
duits, soit de la lingerie. Les factures de la
défenderesse portent à l'entête les mots Manu
facturers of fine lingerie, en anglais, et «Fabri-
cant de fine lingerie» en français et le mot
«fascination» est inscrit sur trois types d'embal-
lage de la défenderesse, les pièces P-2, P-3 et
P-4. Le mot «lingerie» est inscrit aussi sur l'em-
ballage pièce P-2, et les mots «Lingerie Inc.»
sont inscrits sur la pièce P-3. Les mots «Fasci-
nation Lingerie Montréal» sont inscrits sur l'éti-
quette de la pièce P-2, les mots «Fascination
Lingerie Inc.» sur la pièce P-3 et les mots
«Fascination Lingerie Montréal» sur la pièce
P-4. -
Il existe, par conséquent, une preuve abon-
dante que la défenderesse a, en vendant ses
produits, violé la marque de commerce enregis-
trée de la demanderesse Fascination et cette
dernière aurait, par conséquent, droit d'obtenir
jugement à moins, évidemment, que la défende-
resse ait soulevé une bonne défense.
La défenderesse, à l'enquête, ne fit qu'établir
les faits allégués aux paragraphes 10, 11, 12,
13, 14, 15 et 16 de sa défense, soit que Bagdoo
avait fait enregistrer la raison sociale de «Linge-
rie Fascination Enr.» au bureau du protono-
taire, à Montréal, qu'il avait cédé tous ses droits
à Claude Lapierre qui, à son tour, fit enregistrer
cette raison sociale chez le protonotaire, à Mon-
tréal, le 18 avril 1967 et que Lapierre, le 8
janvier 1969, fit incorporer une compagnie du
Québec sous le nom de Lingerie Fascination
Inc. La défenderesse n'allégua pas, cependant,
le secteur exact dans lequel elle a vendu, ou
vend ses produits, Lapierre déclarant tout au
plus dans son témoignage que les produits de sa
compagnie sont vendus par l'entremise d'un
magasin à rayons, Dupuis & Frères, et autres
débouchés semblables dans la cité de Montréal.
Il n'y eut, en effet, aucune preuve que la défen-
deresse vend au-delà de la cité de Montréal.
Le procureur de la défenderesse soumet trois
propositions. Sa première est que le nom corpo-
ratif de la défenderesse est le seul qu'elle a le
droit et le devoir d'utiliser en vertu de la Loi sur
les compagnies de Québec pour ses opérations
et que la seule procédure ouverte à celui qui
veut se plaindre d'un préjudice subi par l'usage
de ce nom, est celle prévue pour un changement
du nom corporatif à l'art. 19 de la Loi sur les
compagnies de Québec, S.R.Q. 1964, c. 271. Il
m'est impossible d'accepter cette proposition.
Dans la cause de Boston Rubber Shoe Co. v.
Boston Rubber Co. of Montreal (1901-02) 32
R.C.S. 315, la Cour suprême du Canada décida
que l'usage du nom corporatif de la défende-
resse était une violation de la marque de com
merce enregistrée de la demanderesse et que cet
usage devait lui être prohibé.' Bien que la Cour
dans cette cause décida que la violation était
frauduleuse, il existe de la jurisprudence à l'ef-
fet que l'on peut prohiber l'usage fait, même
innocemment, d'une marque -de commerce ou
d'un nom commercial (cf Fox, Canadian Law of
Trade Marks, tome II, pp. 850 et 851 et les
décisions auxquelles on renvoie).
La seconde proposition de la défenderesse
est que son nom corporatif est réellement son
nom personnel et qu'en vertu de l'article 20a) 2
de la Loi sur les marques de commerce, l'enre-
gistrement d'une marque de commerce ne peut
empêcher une personne d'utiliser de bonne foi
son nom. Cet argument aussi n'est pas valide.
D'abord, il n'existe, à ma connaissance, aucune
décision ou doctrine à l'effet qu'un nom corpo-
ratif est un nom personnel. De plus, les deux
mots ensemble «personal» et «name» signifient
un individu (cf Shorter Oxford Dictionary ou
personal signifie affecter, concerner un individu
et name signifie cette combinaison particulière
de sons utilisés pour désigner un individu, une
personne seule, un animal, endroit ou chose).
J'en arrive à la troisième proposition de la
défenderesse fondée sur l'art. 21 reliée à l'art.
17(2) de la Loi sur les marques de commerce' et
qui est à l'effet que, parce qu'il y a eu usage
antérieur de bonne foi de la marque de com
merce Fascination par la défenderesse, ou ses
auteurs, dans la province de Québec, cette Cour
devrait, comme elle en a le droit en vertu de
l'art. 21(1), permettre à la défenderesse de con-
tinuer à employer la marque de commerce ou le
nom commercial dans une région définie, i.e.,
dans la province de Québec simultanément avec
l'emploi de la marque de commerce déposée
sous réserve des conditions que la Cour estime
justes avec une distinction suffisante et spéci-
fiée d'avec la marque de commerce déposée.
L'article 21, cependant, ne peut être utilisé
qu'en autant qu'il s'agisse d'une marque de
commerce enregistrée qui a droit d'être proté-
gée en vertu du paragraphe (2) de l'art. 17 de la
loi. Ce paragraphe mentionne les marques de
commerce qui auraient pu, sans cet alinéa, être
déclarées invalides pour utilisation antérieure.
Sous l'ancienne Loi sur la concurrence déloyale,
il était possible d'attaquer une marque de com
merce pour utilisation antérieure. Depuis la pas-
sation de la Loi sur les marques de commerce,
1953, aucune attaque n'est possible «après l'ex-
piration de cinq ans à compter de la date d'enre-
gistrement d'une marque de commerce ou à
compter de l'entrée en vigueur de la présente loi
en prenant celle des deux dates qui est posté-
rieure à l'autre . à moins qu'il ne soit établi
que la personne qui a adopté au Canada la
marque de commerce déposée l'a fait alors
qu'elle était au courant de cette utilisation ou
révélation antérieure.»
L'article 21(1) traite seulement des enregis-
trements de marques de commerce qui ont droit
à la protection du paragraphe (2) de l'art. 17, et
pour se prévaloir des droits contenus à l'art.
21(1), l'on doit alléguer et prouver les, faits
importants ou essentiels nécessaires pour éta-
blir que la marque de commerce en est une
protégée en vertu dudit paragraphe ainsi que
tous les faits essentiels requis en vertu du para-
graphe (1) de l'art. 21 afin de permettre à la
Cour d'apprécier et de décider si elle peut dé-
cerner l'ordonnance demandée. Il faudra ensuite,
évidemment, que la défenderesse demande,
dans ses conclusions, le remède recherché, soit
une déclaration telle que cette Cour est autori-
sée à faire en vertu du paragraphe (1) de l'art.
21 de la loi.
Il est clair ici qu'une telle procédure ne peut
être adoptée que si l'on permet à la défen-
deresse d'amender ses plaidoiries écrites ainsi
que ses conclusions. La permission d'amender à
ce stage des procédures et dans un cas comme
celui-ci, lorsque l'amendement n'est pas deman
dé, ne devra être autorisée que si la Cour est
d'avis que ces amendements sont nécessaires
dans le but de déterminer la véritable question,
ou les véritables questions, en litige. Je crois
qu'en l'occurrence, nous sommes en présence
d'une telle situation. La permission d'amender
dans un tel cas, cependant, ne devrait être
accordée qu'aux conditions qui semblent justes
et la demanderesse devrait être protégée en
autant que son droit à la communication à l'exa-
men au préalable et à la préparation à l'instruc-
tion est nécessaire pour répondre aux alléga-
tions nouvelles ou modifiées que la
défenderesse pourra fournir. Conformément à
la Règle 119 des Règles de cette Cour, permis
sion sera par conséquent donnée à la défen-
deresse de faire les amendements qui s'impo-
sent, ces amendements devant cependant être
faits dans les 15 jours de la date de ces motifs
de jugement sans quoi la défenderesse sera
déchue de ce droit et la demanderesse pourra
alors demander que jugement soit rendu. La
défenderesse devra aussi payer tous les frais et
dépens encourus à cause du défaut de plaider
correctement sur l'action originaire. Je crois
qu'il s'agit ici d'un cas où le fait d'imposer à
l'adversaire les frais et ennuis d'une nouvelle
instruction comporte une injustice qui peut, et
qui devra, être compensée par des frais
taxables.
* * *
M. LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOEL [le 24
juin 19711—Subséquemment aux motifs du
jugement rendu le 7 mai 1971, et après que la
défenderesse eût, par des amendements appro-
priés, allégué certains faits essentiels aux
recours qu'elle entendait exercer et conclu au
remède demandé, les parties revinrent devant la
Cour où, de part et d'autre, elles présentèrent
des arguments de droit et de fait. De plus, la
défenderesse dut, pour lui permettre de rencon-
trer certaines des exigences de l'art. 21(1) de la
loi, demander en pleine séance la permission
d'amender encore son plaidoyer à l'allégué 20,
permission qui lui fut accordée sous réserve des
droits de la demande. Cet allégué, amendé de la
sorte, se lit maintenant comme suit:
La défenderesse ou ses auteurs ou ayants-droits, a
employé de bonne foi la marque 'de commerce Fascina
tion Lingerie et Lingerie fascination avant la production
de la demande en vue de cet enregistrement par la deman-
deresse de cette marque de commerce.
La demanderesse, par son procureur, se
déclara prête à continuer l'argumentation de la
cause sur l'allégué, tel qu'amendé, et sur la
preuve déjà produite au dossier et les parties,
par leur procureur, soumirent ensuite à la Cour
leurs points de vue respectifs.
Il me paraît clair que malgré les allégués de la
défense, il m'est impossible d'acquiescer à la
demande de la défenderesse et de lui donner le
droit d'employer la marque de commerce Fasci
nation dans la province de Québec où, selon
une admission au dossier, produite le 28 mai
1971, les procureurs de la demanderesse décla-
rèrent que
[TRADUCTION] ... la défenderesse a utilisé de bonne foi
dans la province de Québec les marques de commerce
Fascination Lingerie et Lingerie fascination avant le 28
juin 1968, date de l'enregistrement par la demanderesse
de la marque de commerce Fascination pour utilisation
avec Lingerie.
Il me paraît d'abord que la procédure de l'art.
21(1) de la loi qui permet dans certains cas
l'emploi de deux marques de commerce sembla-
bles dans une région donnée, avec une distinc
tion suffisante, n'est possible que dans le cas
d'une marque de commerce déposée dont l'en-
registrement est protégé aux termes du paragra-
phe (2) de l'art. 17. Or, si l'on se réfère au
paragraphe (2) de l'art. 17, l'on voit qu'il ne
peut s'agir que de marques de commerce enre-
gistrées depuis au-delà de cinq ans et que la
personne qui a adopté au Canada la marque de
commerce déposée, ne l'a pas fait alors qu'elle
était au courant de l'utilisation ou de la révéla-
tion antérieure de cette marque de commerce. Il
est clair que l'on ne trouve pas ici les conditions
voulues pour permettre à la défenderesse l'utili-
sation restreinte de la marque de commerce
Fascination puisque d'abord il s'agit de procé-
dures ouvertes avant l'expiration des cinq ans
de la date de son enregistrement et ensuite il n'y
a aucun allégué ou aucune preuve que la
demanderesse ait enregistré sa marque de com
merce alors qu'elle était au courant de l'utilisa-
tion ou de la révélation antérieure de ladite
marque de commerce. Il est utile de signaler ici
que la procédure prévue à l'art. 21(1) ne s'appli-
que qu'exceptionnellement puisqu'elle a pour
effet de permettre l'emploi de deux marques
semblables dans la même région et ceci en
liaison avec des produits semblables, ce qui est
évidemment contraire aux principes de la Loi
sur les marques de commerce. Il s'ensuit donc
que l'on ne peut se réclamer de cet article que si
l'on se conforme à toutes les exigences qui y
sont contenues.
Le procureur de la défenderesse soutient,
cependant, que sa cliente a quand même le droit
d'obtenir cette utilisation restreinte à une région
en vertu du principe, dit-il, que «qui peut
demander plus, peut demander moins» et il se
réfère ici au droit que pourrait avoir sa cliente
en vertu de l'art. 17(1) de la loi, de demander,
dans les cinq ans de la date de l'enregistrement
d'une marque de commerce, l'annulation de la
marque de commerce enregistrée de la deman-
deresse, pour avoir été utilisée ou révélée anté-
rieurement par une personne autre que l'auteur
de la demande d'enregistrement ou son prédé-
cesseur en titre.
Il m'est impossible d'accepter ce point de
vue. Nous sommes ici, en effet, en matière
statutaire et dans ce domaine, l'on ne peut exer-
cer que les recours prescrits par la loi. La
défenderesse ayant choisi dans ses procédures
de se réclamer de l'art. 21(1) et de l'art. 17(2),
c'est sur ces articles seulement que ses droits
doivent être déterminés. Il y a, cependant, d'au-
tres obstacles à l'obtention, par la défenderesse,
du remède demandé en vertu de l'art. 21(1) de
la loi. En effet, ce n'est que dans le cas où
«l'une des parties aux procédures» a employé la
marque de commerce au Canada avant la date
de la production de la demande en vue de
l'enregistrement de la marque de commerce
déposée que cette partie seulement peut se pré-
valoir du remède contenu à l'art. 21(1). (L'em-
ploi avant la date de la demande et non de
l'enregistrement découle du fait qu'en vertu de
l'art. 16 de la loi, la date ultime pour établir
l'utilisation antérieure est la date de la produc
tion de la demande). Or, ici la preuve a révélé
non seulement que la défenderesse n'avait pas
utilisé la marque de commerce avant la
demande d'enregistrement, mais aussi que ni les
prédécesseurs de la défenderesse, Bagdoo, ni la
raison sociale, ni, enfin la défenderesse elle-
même, ne l'a utilisée. En effet, la première
utilisation des sacs sur lesquels le mot Fascina
tion apparaît est en date du 15 mars 1968, soit
après la demande d'enregistrement de la marque
de commerce, qui eut lieu le 25 janvier 1967.
M. Lapierre, d'ailleurs, admet que la demande-
resse n'utilisa la marque de commerce qu'après
le mois d'avril 1967.
Il appartenait à la défenderesse d'établir
qu'elle avait le droit de se prévaloir de l'art.
21(1) et, malheureusement, elle n'a pas réussi à
le faire. Il ne me reste, dans les circonstances,
qu'à rejeter le plaidoyer de la défenderesse, car
celle-ci, pour des raisons que je n'ai pas à
apprécier, n'a pas cru bon d'attaquer la validité
de l'enregistrement de la marque de commerce
de la demanderesse. Je n'ai vraiment pas le
choix. Je le fais, cependant, avec beaucoup de
regret puisque le jugement rendu dans cette
cause affectera sûrement les activités de la
défenderesse et exigera la cessation de l'emploi
de la marque de commerce Fascination de la
demanderesse par la défenderesse.
L'action de la demanderesse est, par consé-
quent, maintenue et une injonction sera, par
conséquent, décernée défendant à la défende-
resse, ses directeurs, officiers, serviteurs,
agents ou employés, de cesser de violer la
marque de commerce déposée sous le numéro
157,447 de la demanderesse, en utilisant la
marque de commerce Fascination en liaison
avec la vente, la distribution ou l'annonce de
produits de lingerie. Cette injonction, cepen-
dant, ne prendra effet que dans les six mois de
la date du jugement formel décerné dans cette
cause afin de donner à la défenderesse le temps
nécessaire pour effectuer les changements et
modifications qui s'imposent et lui permettre
ainsi de se conformer à la présente injonction.
La demanderesse pourra préparer une ordon-
nance conforme à cette décision, qu'elle devra
cependant soumettre à la défenderesse. Si la
défenderesse n'accepte pas le projet d'ordon-
nance ainsi proposé, les parties pourront se
présenter devant la Cour pour que ses termes
en soient arrêtés. La demanderesse aura droit à
ses dépens taxés et il faudra tenir compte des
faux frais occasionnés par les amendements de
la défenderesse effectués après l'enquête.
Voir aussi Acme Vacuum Cleaner Co. v. Acme Vacuum
Cleaner Co., 11 Fox C.P.C. 167.
2 20. Le droit du propriétaire d'une marque de commerce
déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est censé violé
par une personne non admise à l'employer selon la présente
loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou
services en liaison avec une marque de commerce ou un
nom commercial créant de la confusion; mais aucun enre-
gistrement d'une marque de commerce ne doit empêcher
une personne
a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom
commercial, ni
3 21. (1) Si, dans des procédures relatives à une marque
de commerce déposée dont l'enregistrement est protégé aux
termes du paragraphe (2) de l'article 17, il est démontré à la
Cour de l'Échiquier du Canada que l'une des parties aux
procédures, autre que le propriétaire inscrit de la marque de
commerce, avait de bonne foi employé au Canada une
marque de commerce ou un nom commercial créant de la
confusion, avant la date de la production de la demande en
vue de cet enregistrement, et si la cour considère qu'il n'est
pas contraire à l'intérêt public que l'emploi continu de la
marque de commerce ou du nom commercial créant de la
confusion soit permis dans une région territoriale définie
simultanément avec l'emploi de la marque de commerce
déposée, elle peut, sous réserve des conditions qu'elle
estime justes, ordonner que cette autre partie puisse conti-
puer à employer la marque de commerce ou le nom com
mercial créant de la confusion, dans cette région, avec une
distinction suffisante et spécifiée d'avec la marque de com
merce déposée.
17. (2) Dans des procédures ouvertes après l'expiration
de cinq ans à compter de la date d'enregistrement d'une
marque de commerce ou à compter de l'entrée en vigueur
de la présente loi, en prenant celle des deux dates qui est
postérieure à l'autre, aucun enregistrement ne doit être rayé,
modifié ou jugé invalide pour le motif de l'utilisation ou
révélation antérieure que mentionne le paragraphe (1), à
moins qu'il ne soit établi que la personne qui a adopté au
Canada la marque de commerce déposée l'a fait alors
qu'elle était au courant de cette utilisation ou révélation
antérieure.
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