Commission de la Capitale nationale (Demande-
resse)
c.
Édouard Bourque et Paul Bourque (Défendeurs)
N° 2
Division de première instance, le J.C.A. Noël—
Ottawa, les 19 et 23 août 1971.
Pratique—Dépens—Le tarif de la Cour fédérale s'applique
aux dépens encourus devant la Cour de l'Échiquier s'ils
n'ont pas été taxés antérieurement à son entrée en vigueur—
Frais entre clients et procureurs—Compétence—Loi sur la
Cour fédérale, art. 17(3)c).
Le 9 juin 1970, la Cour de l'Échiquier rendait un juge-
ment en faveur des défendeurs dans une action en expro
priation. Après l'entrée en vigueur de la Loi sur la Cour
fédérale (le le juin 1971) les défendeurs ont demandé des
ordonnances portant (1) que les dépens entre parties des
défendeurs soient taxés suivant le tarif de la Cour de
l'Échiquier et (2) que les frais entre procureur et client des
défendeurs soient payés directement au procureur des
défendeurs selon l'art. 17(3)c) de la Loi sur la Cour fédérale.
Arrêt: La requête doit être rejetée.
1. Le tarif de la Cour fédérale s'applique aux dépens qui
n'ont pas été taxés et qui ont été encourus avant son entrée
en vigueur.
2. L'article 17(3)c) n'accorde pas à la Cour compétence
pour disposer de la requête car la demanderesse n'est pas la
Couronne; et en outre, les dépens d'un procès sont des
dépens entre parties, et appartiennent à la partie et non au
procureur.
REQUÊTE.
Mes Austin O'Connor, c.r., et L. P. Carr, pour
les défendeurs, requérants.
M me Eileen Mitchell Thomas, c.r., pour la
demanderesse, opposante.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOËL—La
demande faite au nom des défendeurs dans le
but d'obtenir une ordonnance prescrivant que
les frais entre parties du défendeur, y compris
l'indemnité versée aux témoins experts, soient
taxés selon l'échelle des indemnités autorisées à
la Cour de l'Échiquier du Canada le 9 juin 1970,
lorsque le jugement fut rendu en faveur des
défendeurs pour la somme de $142,000, est
rejetée.
A mon avis, il est évident que les nouveaux
tarifs aux termes de la Loi sur la Cour fédérale
s'appliqueront tant aux frais encourus avant
qu'à ceux encourus après leur entrée en
vigueur, quand ils n'ont pas été taxés avant
cette dernière. Voici l'article 62(6):
62. (6) Toutes les dispositions existantes du droit et des
règles et ordonnances réglementant la pratique et la procé-
dure devant la Cour de l'Échiquier du Canada et qui sont en
vigueur à l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent en
vigueur, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles
avec les dispositions de la présente loi, jusqu'à ce qu'elles
soient modifiées, annulées ou qu'il en ait été autrement
réglé.
Il existe, si j'ai bien compris, une certaine
incompatibilité entre l'ancien tarif et le nou-
veau, en particulier en ce qui concerne les
sommes versées aux témoins experts, et l'avo-
cat de la demanderesse a déclaré que dans le
cas présent la différence peut être importante.
C'est possible. Cependant, l'article est, à mon
avis, très clair: il est rétroactif dans la mesure
où il y a une incompatibilité quelconque avec le
nouveau tarif adopté en vertu de l'art. 46 de la
Loi sur la Cour fédérale.
Toutefois, ceci ne signifie pas que la deman-
deresse doive se contenter du nouveau tarif. En
effet il est possible, comme le prévoit l'art. 3 du
Tarif B, d'obtenir une augmentation sur instruc
tions données par la Cour dans le jugement
relatif aux dépens ou en vertu de la Règle
344(7) qui porte sur la demande faite à la Cour
«de donner, au sujet des dépens, des directives
spéciales aux termes de la présente règle, y
compris une directive visée au Tarif B, et de
statuer sur tout point relatif à l'application de
toute ou partie des dispositions de la Règle
346».
Par conséquent, la taxation des frais de la
demanderesse devrait être renvoyée à l'officier
du greffe désigné à cette fin conformément à la
Règle 346(2)b), après quoi la demanderesse ou
la partie adverse peut, si elle le désire, interjeter
appel de cette taxation devant la Division de
première instance conformément à la Règle
346(2)b) des Règles de la Cour.
En outre l'avocat de la demanderesse
demande que la Cour donne des directives con-
formément à l'art. 17(3)c) de la Loi sur la Cour
fédérale, pour que les frais entre procureur et
client des défendeurs qui doivent être taxés et
dont le montant s'élève selon lui, à $11,000,
soient payés directement au procureur des
défendeurs.
Je n'arrive pas à comprendre comment l'art.
17(3)c) de la Loi sur la Cour fédérale qui est
ainsi rédigé:
17. (3) La Division de première instance a compétence
exclusive pour entendre et juger en première instance les
questions suivantes:
c) les procédures aux fins de juger les contestations dans
lesquelles la Couronne a ou peut avoir une obligation qui
est ou peut être l'objet de demandes contradictoires.
est approprié dans la présente demande puisque
la demanderesse aux présentes, à qui on deman-
dera de payer les frais, n'est pas la Couronne,
bien que ce soit un agent de la Couronne. A
mon avis, l'article susmentionné est bien clair et
ne s'applique pas à un agent de la Couronne tel
que la Commission de la Capitale nationale,
régie par le c. N-3 des Statuts revisés du
Canada 1970.
Un autre obstacle empêche aussi d'accéder à
la requête des requérantes, dans la mesure où, à
mon avis, les frais dans un procès sont des frais
entre parties et appartiennent à la partie et non
au procureur. En effet, rien dans la Loi sur la
Cour fédérale ni dans nos Règles ne spécifie
qu'une condamnation aux dépens emporte dis
traction en faveur du procureur ou de l'avocat
de la partie à qui ils sont accordés, comme c'est
le cas à l'art. 479 du Code de procédure civile du
Québec, qui est rédigé ainsi:
479. La condamnation aux dépens emporte de plein droit
distraction en faveur du procureur de la partie à laquelle ils
sont accordés ...
Un certain nombre de saisies émanant de
créanciers de l'Ontario et du Québec ont été
signifiées à la Commission de la Capitale natio-
nale et une requête a été déposée devant moi,
requête dont il est traité dans une autre déci-
sion. A cause de ces saisies, tous les fonds
appartenant aux défendeurs, y compris les frais,
sont retenus et doivent être traités conformé-
ment aux lois provinciales, quelque soient celles
qui s'appliquent.
Aux termes de l'art. 4(4) de la loi qui la créa
(S.R.C. 1970, c. N-3), la Commission de la
Capitale nationale peut en effet être poursuivie
comme un simple particulier et ceci explique
qu'un certain nombre de saisies ont été alors
signifiées concernant le montant qui reste à
payer aux défendeurs par suite du jugement
rendu par cette Cour. Par conséquent, il s'ensuit
que cette Cour ne peut accorder aucune autori-
sation concernant le paiement soit du solde du
montant accordé par jugement qui reste à
payer, soit du montant des frais entre procureur
et client qui doivent être établis par taxation.
Sous réserve du renvoi pour taxation à l'offi-
cier désigné de la Cour, les requêtes sont reje-
tées sans frais.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.