Gateway Packers 1968 Limited (Appelante)
c.
Burlington Northern (Manitoba) Limited et la
ville de Winnipeg (Intimées)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Dumoulin et Thurlow—Winnipeg, les 15, 16 et
17 septembre 1971.
Examen judiciaire—Chemins de fer—Décision de la Com
mission canadienne des transports—Déplacement de la voie
dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine—Approba-
tion de la CCT—Le déplacement est-il «voulu» par le
chemin de fer?—Le déplacement est-il une «déviation» ou un
«abandon» de voie?—Intervention d'un tiers—Y a-t-il déni
de justice naturelle?—Aucune demande d'audience publi-
que—Aucune demande concernant d'autres prétentions—
Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1952, c. 234, arts. 168,
181 et 53(2), (actuellement, S.R.C. 1970, c. R-2, arts. 106,
119 et Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c.
N-17, art. 64(2)), Loi sur la Cour fédérale, 1970, c. 1, art.
28.
Une compagnie de chemin de fer présenta une requête à
la Commission canadienne des transports pour obtenir la
permission de déplacer certaines de ses voies à Winnipeg,
pour faciliter l'exécution du contrat de vente de certains de
ses terrains à la ville aux fins d'un projet de rénovation
urbaine. Une copie de la requête de la compagnie de chemin
de fer fut signifiée à la compagnie Gateway qui déposa une
intervention à la Commission conformément aux règles de
la Commission. Son intervention était fondée sur deux
moyens: (1) en vertu de l'art. 181 (actuellement art. 119) de
la Loi sur les chemins de fer, que le déplacement n'était pas
«voulu» par le chemin de fer mais par la ville; et (2) en
vertu de l'art. 168 (actuellement art. 106) de la Loi sur les
chemins de fer, que le déplacement n'était pas une «dévia-
tion» mais un «abandon» de voie. Devant la Commission, il
ne fut soulevé aucune question de fait sur ces deux moyens
et aucune autre personne n'y présenta de documents sur les
faits portant de quelque manière que ce soit sur ces deux
moyens. La Commission a approuvé la demande. La com-
pagnie Gateway interjeta appel de l'approbation de la Com
mission et, en même temps, fit une demande d'annulation en
vertu de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale; outre les
motifs susmentionnés, la compagnie Gateway invoqua le
fait que la justice naturelle lui avait été refusée car la
Commission ne lui avait accordé d'audience publique ou
permis de répondre aux prétentions des autres parties, et
qu'elle n'avait pas recueilli de preuves sur les questions de
fait en litige.
Arrêt: rejet de l'appel et de la requête:
1. Le déplacement était «voulu» par le chemin de fer
dans l'acception de l'art. 181 (actuellement art. 119) de la
Loi sur les chemins de fer.
2. Le déplacement était une «déviation, changement ou
modification» des voies dans l'acception de l'art. 181
(actuellement art. 119) de la Loi sur les chemins de fer
même s'il pouvait s'agir d'un «abandon» de ces dernières
dans l'acception de l'art. 168 (actuellement art. 106).
3. La compagnie Gateway aurait pu obtenir copies des
documents déposés à la Commission en inspectant les dos
siers de la Commission ou en les exigeant; en vertu des
règles de la Commission, elle aurait pu obtenir une audience
publique si elle en avait fait la demande; mais ayant omis de
le faire, elle ne pouvait pas se plaindre d'avoir été privée
d'une audience juste. En outre, la compagnie Gateway
limita son intervention aux deux moyens spécifiés aux pré-
sentes, et il paraît évident que, lorsque la Commission
étudia le différend, elle conclut, comme elle était en droit de
le faire, qu'il n'y avait pas de litige entre les parties portant
sur des faits pertinents.
Distinction à faire avec l'arrêt Wiswell c. Winnipeg
[1965] R.C.S. 512; arrêt suivi: Bell Telephone Co. c.
C.N.R. [1932] R.C.S. 222.
APPEL d'une ordonnance de la Commission
canadienne des transports et requête en
annulation.
P. Schulman et M. Schulman pour
l'appelante.
K. B. Peters et G. Anderson pour la ville de
Winnipeg.
G. Kroft et D. Baizley pour la Burlington
Northern (Manitoba) Ltd.
M. Cuddihy pour la Commission canadienne
des transports.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Ce
procès comprend à la fois un appel interjeté de
l'ordonnance n° R-12160 rendue le 12 juillet
1971 par la Commission canadienne des trans
ports et une demande d'annulation de ladite
ordonnance' aux termes de l'art. 28 de la Loi
sur la Cour fédérale.
La première intimée (ci-après dénommée
«Midland») présenta une requête par lettre
envoyée par son procureur, portant la date du
ler février 1971 et adressée à la Commission
canadienne des transports, dont voici un extrait
après modification ultérieure:
[TRADUCTION] Au nom de la Midland Railway Company
of Manitoba, une requête est faite par les présentes aux
termes de l'article 181 de la Loi sur les chemins de fer
(Statuts Revisés du Canada 1952, c. 234 et modifications)
en vue d'obtenir l'autorisation de déplacer une partie de la
voie ferrée de la compagnie et des installations situées dans
la ville de Winnipeg.
La voie ferrée pour laquelle on demande une autorisation
de déplacement, est indiquée en jaune sur le plan n° 1. Le
nouveau tracé proposé de la voie ferrée et des installations
est indiqué en rouge sur le plan no 2. Ces deux plans ont été
attestés par les dirigeants appropriés de la requérante et ont
été auparavant versés au dossier.
Le terrain sur lequel la voie ferrée et les installations
doivent être situées est indiqué en vert sur le plan no 2. Le
terrain tout entier appartient actuellement à la requérante.
Cette requête est présentée par suite d'un contrat entre la
ville de Winnipeg et la requérante en vertu duquel cette
dernière consentait à vendre et la ville consentait à acheter
tous les terrains de la requérante se trouvant à l'est de la rue
McPhillips dans la ville de Winnipeg dans le cadre d'un
projet de rénovation urbaine. Conformément à cet accord,
la requérante entreprit de présenter une requête auprès du
Comité des transports par chemins de fer de la Commission
canadienne des transports pour obtenir l'approbation du
déplacement nécessaire.
Ledit déplacement entraîne la suppression de dix passa
ges à niveau actuellement utilisés par la requérante. Les
seuls nouveaux passages qui seront nécessaires, se trouve-
ront au-dessus de l'avenue Pacifie et au-dessus de la portion
non-utilisée et fermée de l'avenue Winnipeg indiqués sur le
plan n° 2. Par les présentes, il est demandé approbation de
ces passages à niveau.
Le 12 juillet 1971, le Comité des transports par
chemins de fer de la Commission canadienne
des transports décerna une ordonnance (ordon-
nance n° R-12160), dont voici un extrait de la
partie exécutoire:
[TRADUCTION] LE COMITÉ ORDONNE CE QUI SUIT:
1. Est approuvé et sanctionné le plan n° 2 en date du 19
mars 1970, qui est un plan, profil et livre de renvois
indiquant l'emplacement des rails et des autres installations
ferroviaires, une fois déplacés, de la compagnie requérante,
situé au nord de l'avenue Notre-Dame et à l'ouest de la rue
McPhillips, dans la ville de Winnipeg.
2. Lesdits rails déplacés remplaceront les rails existants,
tel qu'il est indiqué en jaune sur le plan n° 1, en date du 19
mars 1970.
En vertu de l'art. 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, la requérante a fait appel et présenté
une demande au sujet de l'ordonnance
susmentionnée.
L'avis de la demande faite en vertu de l'art.
28 expose que les moyens de la demande sont
les suivants:
[TRADUCTION] 1. La Commission n'a pas appliqué l'article
181 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1952, c. 234,
dans l'interprétation qu'elle en a faite, en omettant de déci-
der que ledit déplacement par déviation de voies ferrées du
chemin de fer n'était pas réclamé par la requérante.
2. La Commission n'a pas appliqué l'article 168 de la Loi
sur les chemins de fer dans l'interprétation qu'elle a faite des
articles de la Loi sur les chemins de fer, en particulier les
articles 168 et 181, lorsqu'elle a décidé que la demande de
la Midland Railway Company of Manitoba était une
demande de déplacement par déviation des voies et ne
constituait pas un abandon d'embranchement.
3. La Commission a omis d'accorder une audience publi-
que à l'intervenante, la Gateway Packers 1968 Ltd.
4. La Commission a failli en ne permettant pas à l'inter-
venante, la Gateway Packers 1968 Ltd., d'examiner les
propositions d'autres personnes et d'y répondre, savoir:
a) La proposition du maire de la ville de Winnipeg;
b) L'entreprise de la Midland Railway Company of
Manitoba de mettre en valeur le site du chemin de fer
déplacé de façon à ce que la Crescent Fruit Co. Ltd.
puisse poursuivre son commerce de fruits et de produits
dérivés aussitôt que ladite compagnie aura acquis de
nouveaux terrains et aura bâti ses nouvelles installations
dans le voisinage de la nouvelle voie ferrée de la compa-
gnie requérante;
c) Toutes les autres propositions produites, y compris
celles des conseillers techniques de la Commission;
d) Celles qui se rapportent à la mise à la disposition de
l'intervenante, la Gateway Packers 1968 Ltd., des voies
dans le nouvel emplacement de la Midland Railway Com
pany of Manitoba.
5. La Commission a omis de recueillir des preuves lui
permettant de rendre une décision, en particulier du fait que
certaines allégations de faits exposées dans les plaidoiries
produites étaient contradictoires.
6. La Commission a privé l'intervenante, la Gateway
Packers 1968 Ltd., de la possibilité d'apporter des preuves
pour appuyer les prétentions contenues dans sa plaidoirie et
de réfuter les prétentions présumées selon lesquelles les
voies de la Midland Railway Company of Manitoba, dans
leur nouvel emplacement, seraient mises à la disposition de
l'intervenante, la Gateway Packers 1968 Ltd.
L'avis d'appel n'expose pas les moyens d'appel'
mais il ressort du factum de la requérante que la
requête aux termes de l'art. 28 souligne nette-
ment les moyens sur lesquels à la fois l'appel et
la requête aux termes de l'art. 28 sont fondés.
En effet, selon l'avis de requête de l'art. 28,
la requérante cherche à obtenir réparation sur
les moyens suivants:
a) il est invoqué que la Commission a commis
une erreur de droit en sanctionnant une
«déviation» de voies aux termes de l'art. 181
de la Loi sur les chemins de fer qui n'était pas
«demandée» par la compagnie de chemins de
fera;
b) il est invoqué que la Commission a commis
une erreur de droit en concluant que, ce que
la requérante cherchait à obtenir, était une
«déviation» au sens de l'art. 181 de la Loi sur
les chemins de fer et non pas l'«abandon»
d'une «ligne de chemin de fer» au sens de
l'art. 168 de la Loi; et
c) qu'une audience devant la Commission ne
fut pas accordée à la requérante, personne
morale qui y avait droit, avant que - l'ordon-
nance soit rendue, dans la mesure où
(i) la Commission a omis d'accorder à la
requérante une audience publique,
(ii) la Commission a omis d'autoriser la
requérante à examiner certaines proposi
tions précises et à y répondre,
(iii) la Commission a omis de recueillir des
preuves lui permettant de rendre sa déci-
sion, en particulier du fait que certaines
allégations de faits étaient contradictoires,
et
(iv) la Commission a privé la requérante de
la possibilité d'apporter des preuves pour
appuyer les prétentions contenues dans sa
plaidoirie et pour réfuter les «prétentions
présumées» selon lesquelles les voies de la
compagnie de chemin de fer dans leur
nouvel emplacement seraient mises à la
disposition de la requérante.
La Midland Railway Company fut constituée
en corporation par le chapitre 59 des Statuts du
Manitoba de 1903 qui l'autorisait à [TRADUC-
TION] «tracer, ... construire, ... et faire fonc-
tionner, modifier et entretenir» entre autres «un
chemin de fer . .. partant de la ville de Winni-
peg et allant ... jusqu'à un point de la frontière
internationale, soit à la ville d'Emerson ou près
de cette dernière». (Par une loi de la législature
du Manitoba passée le 27 juillet 1971, le nom
corporatif Midland fut modifié en Burlington
Northern (Manitoba) Limited.) L'article 2 du
chapitre 87 (Statuts du Canada de 1927) établis-
sait que: «Les ouvrages que la Compagnie, par
ladite loi qui la constitue en corporation, a été
autorisée à entreprendre et mettre en valeur, et
l'entreprise de la Compagnie sont par les pré-
sentes déclarés ouvrages d'utilité générale pour
le Canada». Selon les art. 92(10)c) et 91(29) de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique 1867,
cette législation a eu pour effet de placer ces
«ouvrages» sous la compétence législative du
Parlement du Canada.
Avant d'aborder les véritables questions à
trancher, il peut être utile d'examiner de
manière générale certaines des lois dont il nous
faudra tenir compte.
Suivant le modèle établi par la législation
anglaise sur les compagnies de chemin de fer, la
Loi sur les chemins de fer du Canada fournit un
code pour réglementer la construction et la ges-
tion des chemins de fer qui relèvent de la com-
pétence législative du Parlement. En effet, une
fois accordée l'autorisation législative de cons-
truire et de gérer une ligne de chemin de fer
donnée, la loi habilitante doit, si la ligne de
chemin de fer relève de la compétence législa-
tive du Parlement, être lue en corrélation avec
la Loi sur les chemins de fer. La Loi sur les
chemins de fer s'applique expressément à un
chemin de fer qui a été déclaré constituer un
ouvrage à l'avantage général du Canada. Voir
l'art. 7 de cette dernière.
Quand on envisage les dispositions réglemen-
taires pertinentes à la Loi sur les chemins de fer,
il faut garder à l'esprit les dispositions de la Loi
nationale sur les transports qui régit la Commis
sion canadienne des transports. Comme l'ordon-
nance attaquée fut rendue avant le 15 juillet
1971, date à laquelle les Statuts revisés de 1970
entrèrent en vigueur, je propose de citer, dans
ces motifs, les dispositions de ladite loi et de la
Loi sur les chemins de fer tels qu'ils étaient
antérieurement.
La Commission canadienne des transports fut
établie par la Loi nationale sur les transports,
chapitre 69 des Statuts 1966-1967. Voir l'art. 6
dont voici un extrait:
6. (1) Est établie une commission appelée Commission
canadienne des transports, formée d'au plus dix-sept mem-
bres nommés par le gouverneur en conseil.
(2) La Commission est une cour d'archives et elle a un
sceau officiel de notoriété publique.
D'après l'art. 94 de la Loi nationale sur les
transports lu en corrélation avec l'annexe de
ladite loi, la Loi sur les chemins de fer est
modifiée pour substituer la nouvelle Commis
sion à la Commission des transports du Canada
chaque fois que cette dernière Commission était
mentionnée dans ladite loi. Certaines disposi
tions de la Loi sur les chemins de fer qui ne
furent pas abrogées par la Loi nationale sur les
transports et qui réglementent la procédure de
la nouvelle Commission sont:
19. (1) Les commissaires siègent aux époques et procè-
dent selon les formes qui leur paraissent les plus propices à
la prompte expédition des affaires.
(2) Ils peuvent, sous réserve des dispositions de la pré-
sente loi, siéger conjointement ou séparément, et soit en
chambre, soit en audience publique. Toutefois, toute plainte
portée devant eux doit, à la demande d'une partie à la
plainte, être entendue et jugée en audience publique.
20. Sous réserve des dispositions de la présente loi, la
Commission peut édicter des règles et prescriptions
relativement:
a) aux séances de la Commission;
b) à la manière de disposer des affaires et des questions
portées devant la Commission;
c) à la répartition du travail de la Commission entre ses
membres, et à l'assignation des membres qui doivent
prendre part aux séances et les présider; et
d) en termes généraux, à l'accomplissement des travaux
de la Commission, à sa régie interne et aux devoirs de ses
fonctionnaires et employés;
et à défaut d'autre règle ou prescription touchant semblable
question, cette question ressortit au commissaire en chef ou
à tel autre membre ou tels autres membres que la Commis
sion désigne.
* * *
45. (3) La décision de la Commission sur toute question
de fait de sa compétence est obligatoire et définitive.
* * *
49. Il n'est pas nécessaire qu'une ordonnance de la Com
mission indique à sa face même qu'une procédure a été
intentée, qu'un avis a été obtenu ou donné, ou qu'une
circonstance essentielle existe qui procure à la Commission
la compétence de rendre cette ordonnance.
J'aborde maintenant la partie de la Loi sur les
chemins de fer où se trouvent les art. 168 et
181. On n'oubliera pas que c'est sur l'art. 181
que la Commission fonde l'ordonnance attaquée
et que ce sont les art. 168 et 181 qui, aux dires
de la requérante, ont été mal appliqués.
Le but de la législation est d'insérer le pou-
voir accordé à une compagnie de chemins de fer
de construire une ligne de chemins de fer dans
une loi adoptée pour autoriser ce chemin de fer
en particulier. Toutefois, en vertu de l'art. 169
de la Loi sur les chemins de fer, une compagnie
ne peut commencer à construire un chemin de
fer en totalité ou en partie tant que, entre autres
choses:
a) le «tracé général» n'a pas été approuvé par
la Commission de la manière prévue à l'art.
170 dont voici un extrait:
170. (1) La compagnie doit préparer et soumettre en
double à la Commission une carte indiquant le tracé général
de la ligne projetée du chemin de fer, les têtes de ligne, les
principales villes et principaux endroits par où doit passer la
voie, avec leurs noms, les chemins de fer, les rivières
navigables et celles qui ont des marées, s'il en est, que doit
traverser le chemin de fer, ainsi que les principales villes et
les principaux endroits qui se trouvent dans un rayon de
trente milles du chemin de fer projeté, et, en termes géné-
raux, la configuration physique du pays que traversera ce
chemin de fer, et elle doit donner tout renseignement sup-
plémentaire ou autre que peut exiger la Commission.
* * *
(3) La Commission peut approuver cette carte et ce
tracé, en totalité ou en partie, et elle peut y faire ou exiger
les changements et les modifications qu'elle juge opportuns.
et
b) les «plan, profil et livre de renvoi» néces-
saires n'ont pas été «approuvés» par la Com
mission, de la manière prévue aux art. 171 à
173 dont voici des extraits:
171. (1) Après qu'elle s'est conformée aux dispositions
de l'article 170, la compagnie doit faire un plan, un profil et
un livre de renvoi du chemin de fer.
(2) Le plan doit indiquer
a) l'emplacement de la voie, avec les longueurs des sec
tions en milles;
b) les noms des têtes de ligne;
c) les emplacements des gares et stations;
d) les lignes de division des propriétés, avec les noms des
propriétaires;
e) les étendues et les longueurs et largeurs, en chiffres,
des terres qu'il est question de prendre, chaque variation
de largeur ou autre description exacte desdites terres y
étant indiquée;
f) les directions; et
g) tous les fossés ouverts, les cours d'eau, les voies
publiques et les chemins de fer qu'il s'agit de traverser ou
de toucher.
(3) Le profil doit indiquer les déclivités, les courbes, les
croisements des voies publiques et des chemins de fer, les
fossés ouverts et les cours d'eau.
(4) Le livre de renvoi doit décrire la partie du terrain qu'il
est question de prendre dans chacun des lots à traverser, en
donnant les numéros des lots, la superficie, la longueur et la
largeur de la partie de chaque lot qu'il s'agit de prendre,
ainsi que les noms des propriétaires et occupants de ces
terrains, autant qu'il est possible de se les procurer.
* * *
173. (1) Ces plan, profil et livre de renvoi doivent être
soumis à la Commission, qui peut les sanctionner dès qu'ils
lui agréent.
J'en arrive maintenant à l'art. 181. Une fois
un chemin de fer tracé et «sanctionné», il peut y
avoir «déviation, changement ou modification»
dans le chemin de fer ou dans quelque partie de
ce dernier, «tel qu'il est déjà construit ou sim-
plement tracé et sanctionné». C'est ce que pré-
voit l'art. 181 dont voici un extrait:
181. (1) Si la compagnie veut opérer quelque déviation,
changement ou modification dans le chemin de fer tel qu'il
est déjà construit ou simplement tracé et sanctionné, ou
dans quelque partie de ce chemin de fer, un plan, un profil
et un livre de renvoi pour la partie du chemin de fer à
changer, indiquant la déviation, le changement ou la modifi
cation qu'il est question d'opérer, doivent, de la manière
prescrite ci-dessus par rapport au plan, au profil et au livre
de renvoi originaux, être soumis à l'approbation de la Com
mission qui peut les sanctionner.
* * *
(3) La compagnie peut dès lors opérer cette déviation, ce
changement ou cette modification, et toutes les dispositions
de la présente loi s'appliquent à la partie de ladite ligne de
chemin de fer ainsi changée ou qu'il est question de changer
à quelque époque que ce soit, de la même manière qu'à la
ligne tracée en premier lieu.
* * *
(5) Rien au présent article n'autorise le prolongement du
chemin de fer au delà des têtes de ligne mentionnées dans la
loi spéciale.
En outre, il est interdit d'opérer tout change-
ment, modification ou déviation avant d'avoir
rempli toutes les formalités prescrites à l'art.
181. Voir art. 182.
Outre les «déviation, changement ou modifi
cation» dans le «chemin de fer» (autorisés par
une loi spéciale), la Loi sur les chemins de fer
autorise une compagnie de chemins de fer
«pour les fins de son entreprise» à «construire,
entretenir et mettre en service des embranche-
ments d'une longueur ne dépassant, en aucun
cas, six milles à partir de la voie principale
ou, ... d'un embranchement de son chemin de
fer». Voir les art. 183, 184 et 185. Il existe
aussi des dispositions concernant les embran-
chements industriels (articles 188 190) et les
gares et stations (art. 191).
Une fois le chemin de fer tracé, l'on trouve
l'autorisation statutaire d'acquérir le terrain
nécessaire par expropriation ou autrement dates
les dispositions suivant l'art. 192.
Enfin, sont prévues des dispositions concer-
nant l'abandon. La disposition générale, qui fut
tout d'abord adoptée par le chapitre 47 de 1932-
1933, est rédigée ainsi:
168. La compagnie peut abandonner l'exploitation de
toute ligne de chemin de fer avec l'approbation de la Com
mission, et nulle compagnie ne doit abandonner l'exploita-
tion de quelque ligne de chemin de fer sans cette
approbation.
Le par. (2) de l'art. 314x de la Loi sur les
chemins de fer, modifié en 1967 par la Loi
nationale sur les transports, prévoit que
«aucune approbation d'abandon de l'exploita-
tion d'une ligne de chemin de fer ne doit être
donnée en vertu de l'article 168 sauf en confor-
mité des règlements que le gouverneur en con-
seil peut établir à ce sujet». Ces règlements
furent établis par décret en conseil C.P. 1968-
1874 daté du l er octobre 1968. Ces règlements
contiennent entre autre la disposition suivante:
6. Lorsque la Commission recevra une demande, elle
tiendra, relativement à cette demande, les audiences qu'elle
estimera nécessaires pour permettre à tous les intéressés
d'exprimer leur opinion au sujet de cette demande.
En 1967, la Loi nationale sur les transports
ajouta les articles 314A et suiv. à la Loi sur les
chemins de fer sous le titre «abandon et rationa
lisation de lignes ou d'exploitations». Aux fins
de ces dispositions, «embranchements» doit
désigner une «ligne de chemin de fer . qui,
par rapport à la ligne principale . , constitue
une ligne auxiliaire, secondaire ou de dérivation
du chemin de fer . ». Ces articles comportent
des dispositions très détaillées sur l'abandon
des embranchements ainsi définis.
J'aborde maintenant les attaques portées
contre l'ordonnance de la Commission à
l'instance.
La première attaque de l'ordonnance n°
R-12160 portée par la Gateway est exprimée de
nouveau dans son factum selon la rédaction
suivante:
[TRADUCTION] Dans son interprétation de l'article 119
(antérieurement 181) de la Loi sur les chemins de fer, elle
(c'est-à-dire la Commission) a commis une erreur de droit
omettant de rejetter la demande pour avoir été présentée à
la requête de la ville de Winnipeg quand la demande n'était
pas réclamée par la Midland Railway aux fins de son
entreprise.
Quand l'avocat de la requérante eut terminé son
exposé sur ce point, la Cour indiqua, qu'à son
avis, il ne contenait rien et que les intimés ne
seraient pas appelés à argumenter à ce sujet.
A mon sens, c'est à l'alinéa 12 de l'interven-
tion qu'on peut trouver le seul argument soute-
nable, sur ce point; il y est en effet dit que,
[TRADUCTION] «l'intervenant déclare en outre
que ce n'est pas une déviation, un changement
ou une modification desdites voies et installa
tions que la compagnie veut opérer aux fins de
son entreprise mais plutôt que la requérante
cherche à abandonner sa voie afin de vendre
son terrain et ses installations avec un béné-
fice ...». Il est permis de soutenir quant à l'art.
181 que lorsqu'il déclare «Si la compagnie veut
opérer quelque déviation ... dans le chemin de
fer ...» cet article implique la nécessité d'une
«déviation» provenant exclusivement des
besoins de l'entreprise de chemin de fer. Toute-
fois, à mon avis, il faudrait alors lire dans
l'article une restriction qui n'est pas exprimée et
qui n'est pas compatible avec le but de la légis-
lation. Lorsqu'on fait en vertu de l'art. 170 le
premier tracé du chemin de fer tel qu'il a été
autorisé à l'origine, je ne doute pas un instant
que la compagnie et la Commission soient
toutes les deux 'obligées de prendre en considé-
ration le meilleur tracé possible afin de l'inté-
grer dans la communauté dont il doit faire partie
pour servir au mieux les intérêts de la commu-
nauté entière. Par conséquent, quand par la
suite la compagnie de chemin de fer estime
qu'un déplacement du chemin de fer est néces-
saire pour faciliter l'aménagement harmonieux
de la communauté, la compagnie de chemin de
fer se doit, à mon avis, de voir à effectuer un tel
déplacement et il en est ainsi même si la compa-
gnie a dû y être incitée par des agences gouver-
nementales dont la première tâche est de favori-
ser l'aménagement de la communauté. Je ne
veux pas que l'on pense que je définis les seules
catégories de cas dans lesquelles la compagnie
de chemin de fer peut réclamer une déviation
ou un changement dans le tracé de son chemin
de fer. Aux fins de la présente, je n'ai pas à
exprimer d'opinion sur le point de savoir s'il
peut y avoir des circonstances où une compa-
gnie peut avoir des raisons pour faire une
demande en vertu de l'art. 181 dans une situa
tion qui ne relèverait pas des termes de l'article.
En l'espèce, la demande est faite pour que la
zone que le chemin de fer doit libérer puisse
être vendue à la ville de Winnipeg «dans le
cadre d'un projet de rénovation urbaine». Lors-
qu'une compagnie de chemin de fer ne peut
poursuivre son exploitation sans entraver un tel
projet à moins qu'elle ne modifie le tracé d'une
partie de ses voies dans la ville, il ne fait aucun
doute pour moi que la compagnie peut réclamer
une telle modification au sens de l'art. 181.
J'en arrive au deuxième moyen de la
demande de la Gateway à l'instance. Comme
nous l'avons déjà indiqué, elle soutient que
[TRADUCTION] «la Commission a commis une
erreur de droit en concluant que, ce que la
requérante cherchait à obtenir, était une «dévia-
tion» au sens de l'art. 181 de la Loi sur les
chemins de fer et pas l'«abandon» d'une ligne de
chemin de fer aux termes de l'art. 168 de la
Loi».
L'ordonnance de la Commission expose que
le Comité était convaincu que
la requête est bel et bien une requête de Midland Railway en
déplacement des rails par déviation, tel qu'il est indiqué au
plan n° 1, à un endroit indiqué au plan n° 2, mentionné au
début de la présente ordonnance et non pas une requête en
abandon d'embranchement, du fait qu'une voie ferrée sera à
la disposition des commerces mentionnés plus haut à leur
nouvel emplacement;
et que la partie importante de l'ordonnance
tombe dans le cadre de l'art. 181. A mon avis,
ce que ce document a approuvé, était une
«déviation, changement ou modification
... dans le chemin de fer» et par conséquent
cette ordonnance est valable aux termes de
l'art. 181. Il se peut que la proposition, dans les
circonstances particulières de cette affaire,
implique aussi un abandon de «l'exploitation»
d'une «ligne de chemin de fer» ce qui exigera
une approbation complémentaire en vertu de
l'art. 168. Il n'est pas nécessaire ici de donner
un avis sur ce point. Il suffit de dire qu'on n'a
pas demandé cette approbation, que l'ordon-
nance de par ses termes n'accorde pas cette
approbation et que ni la Midland ni une autre
partie n'a suggéré que l'ordonnance a pour effet
d'accorder une telle approbation. Si la Gateway
soutient implicitement dans ses prétentions sur
ce point que les art. 168 et 181 traitent de
situations s'excluant mutuellement, tout ce que
je peux dire est que je ne puis accepter ce point
de vue. Il m'est facile de concevoir une situa
tion dans laquelle à la fois l'art. 168 et l'art. 181
s'appliqueraient. Il me suffit de mentionner
l'hypothèse que je suggérais pendant la plaidoi-
rie, d'une compagnie jouissant de l'autorisation
statutaire d'exploiter un chemin de fer allant de
Winnipeg à Vancouver qui, ayant construit et
exploité ce chemin de fer en passant par Regina
et Calgary pendant cinquante ans, ferait une
demande en vertu de l'art. 181 pour changer le
tracé de ce chemin de fer et le faire passer par
Saskatoon et Edmonton. Un tel changement
dans le tracé du chemin de fer n'enfreindrait
pas les limites de l'autorisation statutaire et son
approbation pourrait donc être accordée confor-
mément à l'art. 181, mais je suggère qu'elle
impliquerait aussi l'abandon de «l'exploitation»
de la ligne de chemin de fer passant par Regina
et Calgary et par conséquent exigerait une
approbation de cet abandon selon l'art. 168.
J'en arrive maintenant à l'objection de la
requérante fondée sur la prétention qu'on ne lui
a pas donné l'occasion de porter cette affaire
devant la Commission suivant les modalités exi-
gées par les principes de justice naturelle.
Cette prétention s'appuie sur le fait que, lors-
que la Commission a rendu sa décision, elle
avait devant elle des déclarations de la ville de
Winnipeg, de la Midland et de ses propres mem-
bres sur lesquelles on n'a pas attiré l'attention
de la requérante pour lui permettre de les com-
menter ou autrement y répondre, et sur le fait
qu'il n'y a eu aucune audition de la demande où
on exige que la Midland apporte des preuves
pour appuyer la demande et pendant laquelle on
ait donné toutes les occasions à la requérante
d'apporter des preuves ou de chercher d'une
autre manière à faire échouer la demande.
Écartons une décision antérieure rendue en
vertu de la Loi sur les chemins de fer à laquelle
je me référerai plus tard; je trouve qu'aucune
des décisions sur les principes de la justice
naturelle auxquels nous avons été renvoyé, soit
précisément, soit même vaguement, ne com-
porte une solution du problème soulevé par cet
aspect de la présente cause. Voici ce qui, à mon
avis, crée des difficultés: en premier lieu, le fait
que la requérante ne soit ni une personne qui
réclamait une ordonnance en sa faveur, ni une
personne contre laquelle une ordonnance était
requise, mais plutôt une «intervenante» qui, au
sens strict, ne demandait pas d'ordonnance ou
ne risquait pas d'avoir une ordonnance rendue
contre elle, et en second lieu, le fait que ce
qu'on demandait à la Commission de faire, était
de donner son accord sur un changement opéré
par la Midland du tracé d'un chemin de fer dans
les limites de l'autorisation statutaire qui lui
avait été accordée pour ce chemin de fer là et,
bien qu'il puisse y avoir une très grande diver
gence d'opinion quant à savoir ce qu'est ou ce
que n'est pas une autorisation de caractère
administratif, je n'hésiterais pas à dire qu'une
autorisation d'exercer un pouvoir de surveil
lance et de contrainte sur la manière dont une
compagnie de chemin de fer exerce ses pou-
voirs légaux, a un caractère administratif. D'au-
tre part, au Canada du moins, une proposition
tendant à opérer un changement dans un
chemin de fer ou autre moyen de transport qui
priverait un homme d'affaires des services de
transports dont il est devenu dépendant est,
d'un point de vue pratique, une menace tout
aussi directe et sérieuse de ses intérêts que l'est
une proposition qui aurait pour effet de lui
imposer une obligation légale à laquelle il n'était
pas autrement soumis. Toutefois, en l'absence
de mesure législative précise, il a été jugé que
des personnes affectées de la sorte n'avaient
aucun droit à être entendues. Voir par exemple:
Franklin c. Minister of Town and Country Plan
ning [1948] A.C. 87, et B. Johnson & Co.
(Builders) Ltd. c. Minister of Health [1947]2 All
E.R. 395 (C.A.). Toutefois, la Gateway nous
oppose une décision de la Cour suprême du
Canada comme ayant l'effet contraire dans l'af-
faire Wiswell et autres c. Metropolitan Corpora
tion of Greater Winnipeg [1965] R.C.S. 512.
Parlant en mon propre nom, j'hésiterais à
conclure que, même s'il n'y avait aucune dispo
sition spéciale à ce sujet, une personne menacée
de n'être plus desservie par les services de
transport n'a aucun droit à être entendue sur la
question de savoir si ces services devraient
cesser. Toutefois, je n'ai pas besoin ici de sta-
tuer sur ce point puisque à mon avis la question
est spécifiquement traitée. La Commission a été
autorisée à adopter des règles relatives «à la
manière de disposer des affaires et des ques
tions» portées devant elle (art. 20 de la Loi sur
les chemins de fer) et elle a adopté des règles
(les Règles générales de la Commission cana-
dienne des transports) qui prévoient l'interven-
tion d'une «personne intéressée à la requête à
laquelle elle n'est pas partie» et, à mon avis, les
droits de la Gateway relatifs à cette requête ne
sont ni moindres ni supérieurs aux droits qu'elle
a acquis aux termes de ces règles lues en corré-
lation avec la Loi sur les chemins de fer et la Loi
nationale sur les transports.
Tout d'abord, sur la signification d'une copie
de la requête de la Midland dans cette affaire, la
Gateway déposa une intervention selon la Règle
360 desdites Règles qui est rédigée ainsi:
360 Toute personne intéressée à une requête à laquelle
elle n'est pas partie peut cependant intervenir en vue d'ap-
puyer cette requête, de s'y opposer ou de la faire modifier.
Aucune poursuite n'ayant été entamée devant la
Commission pour s'opposer au pouvoir de la
Midland de déposer une telle intervention ou
pour s'opposer à son droit d'y inclure tout ce
qu'elle y mit, on doit à mon avis, accepter
maintenant que la Gateway avait la capacité
nécessaire pour intervenir et qu'elle avait le
droit de présenter à la Commission tout ce qu'il
y a dans son document d'intervention. Toute
opposition de la sorte doit être faite en temps
voulu. Voyez à ce sujet la décision du Conseil
privé dans l'affaire M.R.N. c. Wrights' Canadi-
an Ropes Ltd. [1947] A.C. 109, rendue par
Lord Greene M.R. à la page 121.
A ce stade, il me semble que je devrais exa
miner rapidement les Règles générales de la
Commission canadienne des transports dans la
mesure où elles sont pertinentes.
Un intervenant n'est pas une des parties habi-
tuelles à une requête introduite en vertu de ces
Règles. L'une des parties habituelles est la
requérante qui obéit aux Règles 305 et 310 que
voici:
305 La requête doit être rédigée selon toute formule
prescrite par la Commission et, au cas où une formule n'a
pas été prescrite, doit
a) renfermer un exposé clair et concis des faits, les motifs
de la demande, le nom et l'article en cause de la loi en
vertu de laquelle elle est faite, la nature de l'ordonnance
ou de la décision demandée et son objet;
b) donner tous les renseignements exigés par la pratique
du comité approprié;
c) être divisée en alinéas numérotés consécutivement,
dont chacun se limitera autant que possible à une partie
distincte du sujet;
d) porter sous forme d'annotation le nom et l'adresse du
requérant ou du procureur agissant pour lui dans cette
affaire et, s'il s'agit d'une requête dirigée contre une autre
partie, un avis relatif à la signification d'une réponse
rédigé suivant la formule d'annotation donnée à l'Annexe
n° 1.
* * *
310 Le requérant devra faire parvenir par la poste au
Secrétaire ou lui remettre la requête et tout document qu'il
est tenu de présenter à la Commission ou qui pourrait servir
à expliquer ou appuyer la requête.
L'autre partie est ordinairement l'intimé dont
traite les Règles 325 et 340 que voici:
325 Si la requête n'a pas pour objet un permis ou un
certificat, ou la modification ou l'annulation d'un permis ou
d'un certificat, ou une ordonnance prévue à la règle 315, et
si elle est dirigée contre une ou plusieurs personnes ayant
un intérêt contraire, appelées aux présentes «intimés», le
requérant devra faire signifier un exemplaire de la requête à
chacune de ces personnes.
* * *
340 Un intimé qui a l'intention de s'opposer à une
requête doit faire parvenir par la poste ou remettre au
Secrétaire un exposé écrit renfermant sa réponse à la
requête, ainsi que tous les documents pouvant servir à
expliquer ou appuyer cette réponse, et signifier au requérant
ou à son procureur une copie de cette réponse et de ces
documents.
Remarque: la Règle 360 sur les intervenants,
que j'ai déjà citée, précise qu'une personne
intéressée à une requête «à laquelle elle n'est
pas partie» peut intervenir. La première démar-
che de l'intervenant est régie par la Règle 365
qui est la suivante:
365 Tout intervenant doit expédier par la poste ou remet-
tre au Secrétaire une déclaration écrite dans laquelle il
expose ses intérêts et donne son approbation de la requête,
ou son opposition à celle-ci, ou encore les modifications
qu'il désire y voir apporter; il doit y joindre tout document
susceptible d'aider à la compréhension de l'intervention ou
de l'appuyer et faire tenir copie de son intervention et des
documents au requérant et aux intimés, s'il y en a, ou à
leurs procureurs respectifs et à toutes les autres personnes
que peut indiquer la Commission.
La Règle 380 prévoit que le requérant expédie
une «réplique» sur réception d'une réponse de
l'intimé ou d'une intervention.
Bien que le requérant et l'intimé doivent, l'un
et l'autre, signifier leurs documents initiaux à
l'adversaire et qu'un intervenant doit signifier
ses documents initiaux à la fois au requérant et
à l'intimé, il faut noter que les règles ne pré-
voient aucune disposition obligeant un interve-
nant à signifier ses documents initiaux à un
autre intervenant. Il est clair qu'un intervenant
ne peut pas signifier ses documents initiaux à
d'autres intervenants avant qu'ils ne le devien-
nent et, lorsqu'on étudie les différents cas pos
sibles, y compris celui d'un grand nombre d'in-
tervenants qui est plus qu'une simple hypothèse
et dont le seul but serait d'indiquer leur appui
ou leur opposition à la requête en qualité de
personnes intéressées, il n'est pas surprenant
que les Règles n'imposent pas de telles
exigences.
En outre, il faut noter que les Règles pré-
voient que le requérant, l'intimé et l'intervenant
déposeront chacun en même temps que leurs
documents initiaux tout document expliquant
ou soutenant leurs positions. Ainsi, à la fin de la
phase de dépôt des documents initiaux des par
ties, la Commission détient les allégations de
faits et les prétentions des parties ainsi que les
documents explicatifs. A ce stade, si une partie
quelle qu'elle soit et y compris l'intervenant
estime nécessaire de prendre d'autres mesures
pour mieux présenter sa cause devant la Com
mission, elle peut, conformément aux règles,
a) obtenir la production et l'examen de docu
ments de toute autre partie (voir Règle 550),
ou
b) demander à la Commission une audition
conformément à la Règle 475.
De même, la Commission peut à ce stade choi-
sir entre plusieurs procédures. Voir les Règles
420 et 430 rédigées ainsi:
420 La Commission peut, en tout temps, exiger une
vérification de la totalité ou d'une partie de la requête, de la
réponse, de l'intervention ou de la réplique, par une déclara-
tion sous serment, en donnant un avis à cet effet à la partie
de laquelle une telle déclaration est requise.
Si la partie en cause ne se conforme pas à cet avis, la
Commission peut mettre de côté la requête, la réponse,
l'intervention ou la réplique ou en rejeter toute partie non
vérifiée conformément à l'avis.
* * *
430 La Commission peut exiger de plus amples rensei-
gnements et des détails ou documents supplémentaires de
toute partie et peut suspendre la procédure régulière jusqu'à
ce qu'elle obtienne satisfaction à cet égard.
La Commission pourra aussi à ce stade, ordon-
ner une audition. Je pense qu'il va de soi qu'un
intervenant qui, aux termes des Règles, n'est
pas en droit de recevoir signification des inter
ventions d'autres personnes, s'il est vraiment
intéressé à défendre sa position, demandera à la
Commission des copies de tous les documents
qui ont été déposés, autres que ceux qu'il a
reçus. Il ne fait aucun doute que, la Commission
étant une cour d'archives, il recevrait ces copies
s'il les demande.
Je reviens maintenant à la plainte de la Gate
way selon laquelle on ne lui a pas accordé
l'audition requise par les principes de justice
naturelle.
Premièrement, la Gateway n'a droit, à mon
avis, qu'à ce que lui garantit expressément ou
implicitement les Règles de la Commission. Il
ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une cour admi
nistrative d'archives traitant un très grand
volume d'affaires et dotée d'un ensemble de
Règles qui ont été très soigneusement élabo-
rées. Le fonctionnement des tribunaux est
fondé sur le fait que les règles donnent à chaque
partie tous les moyens pour qu'elle obtienne
justice, mais ces règles laissent aux parties le
soin de veiller à leurs propres intérêts. Si une
partie désire savoir ce qui est inscrit dans les
dossiers de la Cour, elle peut les inspecter. Si
elle désire des documents, elle peut faire les
démarches nécessaires. Si elle désire une audi
tion, elle peut faire une demande d'audition.
Telle est la position d'une partie aux termes des
Règles de la Commission. Chaque partie fournit
ses documents de base accompagnés des docu
ments justificatifs. Si cela la satisfait, elle peut
alors en rester là. Si elle pense qu'il y a autre
chose à prévoir ou à ajouter, elle peut faire les
démarches appropriées conformément aux
Règles. Dans la présente affaire, la Gateway,
représentée par des procureurs compétents, a
apparemment été satisfaite de sa démarche ini-
tiale. Elle ne s'est pas prévalue des autres mesu-
res qu'elle pouvait prendre et ne peut pas se
plaindre maintenant d'avoir été privée d'une
juste audience.
Je pense en particulier au fait que la Gateway
n'a pas cherché à se renseigner auprès de la
Commission sur les autres intervenants, bien
qu'une lecture de la partie des Règles, aux
termes de laquelle elle a introduit son interven
tion, ait dû lui préciser qu'un intervenant ne
recevait pas automatiquement les documents
initiaux déposés par les autres intervenants et
qu'elle n'a pas demandé d'audition. Ceci étant,
je tiens à faire à la Commission et aux membres
du barreau exerçant devant elle les suggestions
suivantes:
a) lorsqu'il y a un intervenant, les procureurs
des autres parties devraient, par courtoisie
professionnelle, envoyer à l'intervenant ou à
son procureur copie de tout document déposé
à la Commission et de toute communication
adressée à la Commission qu'il y ait ou non
des dispositions à cet effet dans les Règles, et
b) une copie de toute communication adres-
sée par la Commission à l'une des parties
devrait être envoyée à l'intervenant ou à son
procureur ainsi qu'à l'autre partie.
Puis-je ajouter que, depuis que le greffe de
cette Cour a commencé à traiter une partie
importante de ses affaires avec les parties au
litige par correspondance ou par communica
tions téléphoniques confirmées par lettres, une
règle de pratique de notre greffe s'est dévelop-
pée selon laquelle, lorsqu'il reçoit une commu
nication d'une partie ou de son procureur ou lui
en envoie une, le greffe a la responsabilité de
vérifier que toutes les autres parties ont une
copie de la communication qu'il a envoyé.
Dans le même ordre d'idées, je suggérerais à
la Commission sans m'écarter du sujet que,
lorsqu'un différend lui est soumis, elle traite les
communications de la partie même (derrière le
dos du procureur) ou celles des tiers comme un
tribunal ordinaire traiterait ces communications.
Naturellement il est important que non seule-
ment la Commission soit impartiale mais aussi
qu'elle évite de donner l'impression d'avoir
traité avec une partie à un litige sans que l'autre
partie soit tenue au courant.
A mon avis, un autre motif explique l'échec
de la requérante sur cet aspect de la cause.
Quand une partie intéressée est autorisée à
intervenir pour s'opposer à une requête devant
la Commission, à mon avis, elle a seulement
droit à une audience sur les motifs d'opposition
invoqués dans son document d'intervention.
Une lecture de l'intervention de la Gateway
dans la présente affaire, indique qu'elle com-
prend un exposé des faits ayant pour but de
montrer a) son intérêt dans l'affaire et b) une
opposition à la recevabilité de la demande
fondée sur deux prétentions distinctes concer-
nant l'effet des articles 168 et 181 de la Loi sur
les chemins de fer. L'intérêt de la Gateway n'a
pas été contesté. Aucune question de fait n'a
été soulevée sur un point quelconque des deux
prétentions pour ce qui est de l'effet de la loi et
aucune preuve de fait portant de quelque
manière que ce soit sur ces prétentions n'a été
déposée devant la Commission par quelqu'un
d'autre que la Gateway.
En ce qui concerne l'intervention de la Gate
way, il me semble très clair qu'en examinant
l'affaire, le Comité de la Commission devant
lequel cette dernière fut introduite, a examiné le
cas dans le but de savoir s'il y avait des ques
tions de fait pertinente à la décision sur la
requête qui devaient être résolues par l'une des
méthodes dont il disposait conformément aux
Règles avant que la demande puisse être jugée à
bon droit et il en est venu à la conclusion que
les procédures l'autorisaient à prendre, qu'il n'y
avait aucun litige entre les parties sur les faits
pertinents à la résolution des questions en
cause. Dans ce contexte, je pense à un arrêt de
la Cour suprême du Canada dans l'affaire Bell
Telephone Co. of Canada c. Les Chemins de fer
nationaux du Canada [1932] R.C.S. 222, dans
laquelle le juge Rinfret (tel était alors son titre)
exprimant tant son opinion que celles du juge
Duff (tel était alors son titre) et du juge
Lamont, déclarait à la page 241:
[TRADUCTION] Nous sommes sûrs que la Commission doit
avoir examiné de manière appropriée les prétentions écrites
ainsi rédigées et les avoir prises en considération en rédi-
geant les ordonnances rendues subséquemment. Dans une
partie antérieure de son présent jugement, on a attiré l'at-
tention sur le fait que dans ces affaires, ainsi que dans un
certain nombre d'affaires semblables, la Commission a sou-
vent à «connaître des dispositions clairement administrati-
ves» de la Loi sur les chemins de fer. Dans ces circonstan-
ces, il est absolument nécessaire que ces affaires soient
réglées avec rapidité et par une procédure simple. Sans
aucun doute, c'est pour cette raison que la Loi sur les
chemins de fer prévoyait que
les commissaires siègent aux époques et procèdent selon
les formes qui leur paraissent les plus propices à la
prompte expédition des affaires. (Article 19).
Ils peuvent siéger à huis clos ou en audience publique.
Il ne s'ensuit pas qu'il n'y aurait aucun recours
dans un cas où la Commission refuserait de
faire une enquête concernant les faits à détermi-
ner pour pouvoir rendre une décision sur la
question à juger conformément à la loi. Dans un
tel cas, il aurait fallut, à mon avis, envisager
l'application du principe qui fut appliqué dans
l'affaire Toronto Newspaper Guild, Local 87,
American Newspaper Guild c. Globe Printing
Co. [1953] 2 R.C.S. 18.
En résumé, je conclus que la Gateway n'a pas
réussi à prouver que la Commission a commis
une erreur de droit dans l'interprétation de la
Loi sur les chemins de fer en décidant de décer-
ner l'ordonnance attaquée et n'a pas réussi à
montrer que la Commission ne lui avait pas
accordé une audience juste sur toute question
portant sur l'opposition à la requête de la Mid
land compte tenu des Règles de la Commission
ou, bien sûr, des principes généraux relevant de
la justice naturelle.
Par conséquent, j'estime que, la demande
introduite aux termes de l'art. 28 de la Loi sur
la Cour fédérale et l'appel doivent tous les deux
être rejetés.
LE JUGE DUMOULIN (oralement)—Je suis
entièrement d'accord avec les motifs tout à fait
complets lus par le savant juge en chef ainsi
qu'avec les motifs plus sommaires exposés par
mon confrère Thurlow.
Les trois points en question ont été suffisam-
ment traités, savoir: la nature et la source du
droit d'intervention de la requérante; l'affirma-
tion de l'applicabilité de l'art. 181 (actuellement
119) de la Loi sur les chemins de fer et, troisiè-
mement, le fait que la Gateway, en qualité d'in-
tervenant, n'a pas été privée des recours que lui
accordaient les dispositions appropriées de la
loi applicable et des règles adoptées en
conséquence.
LE JUGE THURLOW—J'approuve les motifs
donnés par le juge en chef du rejet de l'appel et
de la demande d'examen, et je n'ai rien à ajou-
ter à ce qu'il a déclaré sur les deux points
soulevés par la requérante, la Gateway Packers
1968 Ltd., en ce qui concerne l'applicabilité de
l'art. 181 (actuellement art. 119) et de l'art. 168
(actuellement art. 106) de la Loi sur les chemins
de fer.
Quant au point principal en litige, soit le
prétendu déni de justice, l'affaire Wiswell c.
Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg
[1965] R.C.S. 512, sur laquelle la requérante
s'appuyait, n'est utile, à mon avis, que pour
trancher la question de savoir si la Commission
canadienne des transports peut exercer son
autorité en vertu de l'art. 181, qu'elle soit de
nature quasi-judiciaire, administrative ou légis-
lative, sans en avertir une personne dans la
position de la requérante et sans lui accorder la
possibilité de présenter sa défense. Cependant,
la ressemblance de l'affaire Wiswell avec celle
qui nous est soumise, et son utilité aux présen-
tes fins n'ont, à mon avis, pas de portée en
l'espèce, puisqu'à la différence de la situation
dans le cas Wiswell, la requérante a reçu signifi
cation de la procédure et a déposé une interven
tion exposant sa position.
La présente affaire n'appartient pas non plus
à une longue liste de cas dans lesquels on refusa
à la partie plaignante l'accès à certains docu
ments détenus par la personne ayant le pouvoir
de juger la question ou dans lesquels la procé-
dure qui permet de prendre la décision n'est pas
régie par un ensemble de règles. En l'espèce, le
procureur de la requérante aurait pu, en le
demandant, consulter les documents dans le
dossier de la Commission mais il ne demanda
rien, bien qu'après une brève réflexion il aurait
dû réaliser que le dossier pouvait contenir des
documents déposés par d'autres personnes inté-
ressées à cette affaire et dont la signification
n'était pas exigée par les règles.
En outre, bien que les règles, qui furent appli-
quées pour le dépôt de l'intervention de la
requérante, lui accordassent le droit de deman-
der une audition publique, elle ne le fit pas mais
elle demanda simplement l'autorisation de com-
paraître à toute audience qui pourrait être pres-
crite. J'en inférerais que le procureur de la
requérante reconnut qu'une audition n'était pas
nécessaire pour disposer de l'affaire, comme ce
fut en effet le cas. Même après que l'ordon-
nance fut rendue et que la requérante en eut
pris connaissance, elle ne prit aucune mesure
pour invoquer, conformément aux règles s'y
rapportant, les larges pouvoirs statutaires de la
Commission de réviser, annuler, changer, rema-
nier ou modifier une de ses ordonnances ou
décisions. Dans ces circonstances, la requérante
n'est pas justifiée, à mon avis, de se plaindre
d'un déni de justice naturelle.
Je rejette l'appel et la demande d'examen.
1 L'autorisation d'interjeter appel aux termes de l'art.
53(2) de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1952, c. 234,
modifié par la Loi sur la Cour fédérale fut accordée le 16
août 1971 et quand cet appel fut interjeté, il fut réuni avec
la demande faite en vertu de l'art. 28 qui fut déposée le 27
juillet 1971, par une ordonnance rendue le 16 août 1971 en
vertu de la règle 1314. Si l'on tient compte de l'art. 29 de la
Loi sur la Cour fédérale, il semblerait que la Cour puisse
accorder, dans la présente action, tout moyen que pourrait
donner l'art. 53 de la Loi sur les chemins de fer lu en
corrélation avec l'art. 52c) de la Loi sur la Cour fédérale ou
conformément à l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale lu en
corrélation avec l'art. 52d) de ladite loi.
2 Dans le cas présent, l'autorisation d'appel n'était pas
limitée aux questions spécifiées, dans la mesure où rien ne
permet à l'art. 28 de limiter une demande faite conformé-
ment à ce dernier, et il était apparent qu'il allait y avoir des
procédures conjointes.
3 Dans le cas présent, le problème est que la «déviation»
du chemin de fer était due aux exigences de la «rénovation
urbaine» de la ville de Winnipeg et n'avait rien à voir avec
les exigences de l'entreprise de chemin de fer.
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