[2016] 3 R.C.F. 3
2015 CF 1380
IMM-2838-15
Josephine Stanabady (demanderesse)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeurs)
IMM-2840-15
Georges Marie Stanabady (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeurs)
Répertorié : Stanabady c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Harrington—Montréal, 2 décembre; Ottawa, 11 décembre 2015.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Personnes ayant un statut temporaire — Prolongation d’un permis de résident temporaire — Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le délégué du défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a signé une mesure d’exclusion, en application de l’art. 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, au motif que les demandeurs avaient violé l’art. 29(2) de la Loi en n’ayant pas quitté le Canada avant l’expiration de leurs permis de séjour temporaire — L’art. 183(5) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit que, si le résident temporaire demande une prolongation avant l’expiration de la période de séjour autorisée, cette période est prolongée jusqu’à la date du rejet de la demande de prolongation — En l’espèce, les demandeurs ont présenté une demande de prolongation de leurs permis de résidents temporaires avant leur expiration — CIC a retourné les demandes de prolongation des demandeurs en vertu de l’art. 12 du Règlement parce qu’elles étaient incomplètes — Les demandeurs ont soumis de nouvelles demandes, mais n’ont reçu aucune réponse — Il s’agissait de savoir si la présentation d’un formulaire de demande incomplet, dans lequel une prolongation de permis de séjour temporaire est demandée, prolonge la période de séjour autorisée au Canada jusqu’à ce que la demande soit acceptée ou rejetée sur le fond — La mesure d’exclusion était raisonnable et correcte — Les demandes de prolongation ont été refusées car les formulaires étaient incomplets — La lettre que CIC a envoyée aux demandeurs ne leur faisait pas conserver leur statut jusqu’à ce que soit rendue à leur endroit une décision défavorable sur le fond — L’agent n’aurait pas pu rendre une décision favorable quant aux demandes présentées avant l’expiration des permis de séjour temporaire des demandeurs parce qu’il s’agissait de demandes incomplètes — Une question a été certifiée en raison de la jurisprudence conflictuelle dans cette affaire — Demande rejetée.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le délégué du défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a signé une mesure d’exclusion, en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, au motif que les demandeurs n’avaient pas quitté le Canada avant l’expiration de leurs permis de séjour temporaire.
Conformément à l’article 29 de la Loi et au paragraphe 183(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, les demandeurs étaient tenus de quitter le Canada après l’expiration de leurs permis. Le paragraphe 183(5) du Règlement ajoute toutefois que, si le résident temporaire demande une prolongation avant l’expiration de la période de séjour autorisée, cette période est prolongée jusqu’à la date du rejet de la demande de prolongation ou, si cette demande est acceptée, jusqu’à l’expiration de la période de prolongation accordée. Les demandeurs ont présenté une demande de prolongation de leurs permis de résidents temporaires un mois avant leur expiration. Les permis étaient déjà expirés lorsque Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a retourné à deux reprises leurs formulaires de demande en vertu de l’article 12 du Règlement parce que le paiement prévu était insuffisant et qu’ils n’avaient pas fourni l’information et les photographies de format passeport requises. Les demandeurs ont à nouveau soumis le tout, mais n’ont reçu aucune réponse.
Il s’agissait de savoir si la présentation d’un formulaire de demande incomplet, dans lequel une prolongation de permis de séjour temporaire est demandée, prolonge la période de séjour autorisée au Canada jusqu’à ce que la demande soit acceptée ou rejetée sur le fond.
Jugement : la demande doit être rejetée.
La décision de prendre une mesure d’exclusion contre les demandeurs était à la fois raisonnable et correcte. Une demande au sens de l’article 183 du Règlement doit être présentée de manière à ce que le décideur soit en mesure d’accorder ou de refuser la prolongation sur le fond. On ne pouvait pas accepter les demandes de prolongation en l’espèce, car les formulaires étaient incomplets. Il faut interpréter l’article 183 à la lumière des articles 10 et 12 du Règlement. Le fait que CIC ait envoyé aux demandeurs, après expiration de leurs permis de séjour temporaire, une lettre indiquant ce qu’ils devaient faire parvenir s’ils voulaient présenter une nouvelle demande ne leur faisait pas conserver leur statut jusqu’à ce que soit rendue à leur endroit une décision défavorable sur le fond. Deux décisions de la Cour fédérale portent sur cette question. Dans la décision Campana Campana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), la Cour était d’avis qu’une demande incomplète n’en était pas moins une demande. Dans la décision Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), la Cour a toutefois conclu qu’une demande incomplète n’était tout simplement pas une demande. En l’espèce, l’agent n’aurait pas pu rendre une décision favorable sur le fondement du formulaire de demande présenté avant l’expiration des permis de séjour temporaire des demandeurs parce qu’il s’agissait d’une demande incomplète. Par conséquent, les demandeurs devaient quitter le Canada en vertu du paragraphe 183(1) du Règlement et de l’article 29 de la Loi. Cette analyse s’approchait davantage de celle de Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration) que de celle de Campana Campana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), qui ne traitait pas expressément de l’article 12 du Règlement. Compte tenu de la jurisprudence conflictuelle et les arguments solides présentés dans Campana Campana selon lesquels l’article 10 du Règlement n’est peut-être pas suffisamment souple pour qu’on puisse considérer qu’une demande incomplète équivaut à l’absence de demande, la question de savoir si un résident temporaire dispose d’un statut implicite jusqu’à ce qu’il ait présenté une demande complète de prolongation de séjour et qu’une décision soit prise à l’égard de cette demande a été certifiée.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 29, 44(2), 74d).
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 10, 12, 117(9)d), 183.
JURISPRUDENCE CITÉE
DÉCISION NON SUIVIE :
Campana Campana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 49.
DÉCISIONs APPLIQUÉEs :
Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 159; dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, [2007] 1 R.C.F. 387.
DÉCISIONS CITÉES :
Police Authority for Huddersfield v. Watson, [1947] 1 K.B. 842 (C.A.); Alfred c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1134; dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 992; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89; Varela c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129.
DOCTRINE CITÉE
Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, DORS/2002-227, Gaz C. 2002.II.177.
Demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le délégué du défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a signé une mesure d’exclusion, en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, au motif que les demandeurs n’avaient pas quitté le Canada avant l’expiration de leurs permis de séjour temporaire. Demande rejetée.
ONT COMPARU
Harry Blank, c.r. pour les demandeurs.
Thomas Cormie pour les défendeurs.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Harry Blank, c.r., Montréal, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le juge Harrington : Le statut de M. et Mme Stanabady au Canada dépend du sens à donner au mot « demande » utilisé à l’article 183 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [DORS/2002-227 (Règlement)].
[2] Les Stanabady, des ressortissants français, se trouvaient au Canada, munis de permis de séjour temporaire. Une mesure d’exclusion a été rendue contre eux au motif qu’ils étaient demeurés au Canada après l’expiration de leurs permis. Les Stanabady font valoir que la mesure d’exclusion est invalide parce qu’ils avaient demandé la prolongation de leurs permis avant qu’ils ne viennent à expiration, de sorte qu’ils conservaient, en vertu du Règlement, leur statut au Canada tant que leurs demandes n’avaient pas été rejetées sur le fond.
I. Faits de l’affaire
[3] Des permis de séjour temporaire ont été délivrés aux Stanabady afin qu’ils puissent être avec leur fils pendant qu’il poursuivait ses études au Canada. Aux dernières nouvelles, le fils étudie toujours ici.
[4] Les permis de séjour temporaire ont expiré le 15 juillet 2014. Les Stanabady devaient avoir quitté le Canada avant cette date pour se conformer à l’article 29 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)] et au paragraphe 183(1) du Règlement, mais ils ne l’ont pas fait. Le paragraphe 183(5) du Règlement ajoute toutefois que, si le résident temporaire demande une prolongation avant l’expiration de la période de séjour autorisée, cette période est prolongée jusqu’à la date du rejet de la demande de prolongation ou, si cette demande est acceptée, jusqu’à l’expiration de la période de prolongation accordée.
[5] Le 16 juin 2014, les Stanabady ont présenté une demande de prolongation de délai.
[6] On a renvoyé aux Stanabady leurs formulaires de demande et les documents joints parce que le paiement prévu était insuffisant (les droits avaient augmenté) et ils n’avaient pas fourni les photographies de format passeport requises pour chacun d’eux et chaque autre membre de la famille. Citoyenneté et Immigration Canada concluait dans sa lettre d’envoi que la demande des Stanabady ne serait pas traitée à moins qu’ils ne retournent une copie de la lettre ainsi qu’une nouvelle demande en bonne et due forme accompagnée du paiement des droits prescrits et des photographies récentes de format passeport. Il convient de noter qu’au moment de l’envoi de cette lettre aux Stanabady, les permis de séjour temporaire avaient déjà expiré.
[7] Selon les Stanabady, ils se seraient conformés aux demandes de Citoyenneté et Immigration le 25 août 2014. On leur a toutefois renvoyé leurs formulaires de demande à nouveau avec la même lettre d’envoi type indiquant que des renseignements et des photographies manquaient toujours.
[8] Le 21 avril 2015, les Stanabady ont à nouveau soumis le tout; ils n’ont toujours reçu aucune réponse.
[9] Le 4 juillet 2015, le délégué du ministre a signé une mesure d’exclusion, en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, au motif que les Stanabady avaient violé le paragraphe 29(2) de la Loi en n’ayant pas quitté le Canada avant l’expiration de leurs permis de séjour temporaire.
II. Question en litige
[10] La présentation d’un formulaire de demande incomplet, dans lequel une prolongation de permis de séjour temporaire est demandée, prolonge-t-elle la période de séjour autorisée au Canada jusqu’à ce que la demande soit acceptée ou rejetée sur le fond?
III. Décision
[11] À mon avis, la décision du délégué du ministre de prendre une mesure d’exclusion contre les Stanabady était à la fois raisonnable et correcte. Une demande au sens de l’article 183 du Règlement doit être présentée de manière à ce que le décideur soit en mesure d’accorder ou de refuser la prolongation sur le fond. On ne pouvait pas accepter les demandes de prolongation en l’espèce, ne serait-ce parce que les formulaires étaient incomplets.
IV. Analyse
[12] Il faut interpréter l’article 183 à la lumière des articles 10 et 12 du Règlement, toutes ces dispositions étant reproduites en annexe. Le paragraphe 10(1) prévoit que les demandes doivent notamment être faites par écrit sur le formulaire prescrit, être signées, comporter les renseignements et documents exigés et être accompagnées d’un récépissé de paiement des droits applicables. L’article 12 ajoute que, si les exigences prévues à l’article 10 (et à l’article 11) ne sont pas remplies, la demande et tous les documents fournis sont retournés au demandeur. C’est exactement ce qui est arrivé en l’espèce, sauf que cela s’est produit après l’expiration des permis.
[13] Je ne considère pas que le fait que Citoyenneté et Immigration Canada ait envoyé aux Stanabady, après expiration de leurs permis de séjour temporaire, une lettre type indiquant que, s’ils voulaient présenter une nouvelle demande, ils devaient retourner une copie de cette lettre accompagnée d’un formulaire de demande dûment rempli leur faisait conserver leur statut jusqu’à ce que soit rendue à leur endroit une décision défavorable sur le fond.
[14] Deux décisions de la Cour portent sur cette question. Malheureusement, on en est arrivé dans celles-ci à des conclusions différentes. Dans la décision Campana Campana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 49, le juge Roy était d’avis qu’une demande incomplète n’en était pas moins une demande, alors que dans la décision Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 159, le juge Rennie, sans mentionner la décision du juge Roy, a conclu qu’une demande incomplète n’était tout simplement pas une demande. Je connais suffisamment le juge Rennie pour supposer qu’il n’était pas au courant de la décision rendue par le juge Roy.
[15] En principe, la courtoisie judiciaire veut que nous suivions normalement les décisions de la Cour, même si nous ne sommes pas liés par elles, par souci d’uniformité (Police Authority for Huddersfield v. Watson, [1947] 1 K.B. 842 (C.A.), à la page 847; Alfred c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1134, décision de la juge Dawson, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale; ainsi que dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 992, décision rendue par le soussigné). La courtoisie judiciaire est fort différente de la règle du stare decisis, qui nous impose de suivre les décisions sur les points de droit de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel fédérale.
[16] Vu les circonstances, je procéderai à ma propre analyse indépendante avant de formuler d’autres commentaires sur les décisions Campana Campana et Ma.
[17] L’avocat des ministres a invoqué le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation [Gaz. C. 2002.II.177] qui accompagnait le Règlement. On y déclare que les demandes incomplètes, y compris celles ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 10 du Règlement, seront retournées à leur auteur. Le Résumé n’ajoute rien à la teneur du Règlement.
[18] Les ministres renvoient également aux politiques, procédures et directives du ministère portant sur les « Résidents temporaires : Statut implicite ». On établit dans cette politique une distinction entre les demandes de prolongation « refusées » et les demandes de prolongation « rejetées » parce qu’elles sont incomplètes. Si la demande est refusée, le client conserve son statut jusqu’à la date à laquelle la décision est prise. Si la prolongation est rejetée parce qu’elle est incomplète, le client conserve son statut jusqu’à la date d’expiration indiquée sur le permis de résidence temporaire original.
[19] Les politiques sont utiles, mais elles doivent être conformes au Règlement, qui doit à son tour être conforme à la loi. Rien dans cette distinction entre les « refus » et les « rejets » n’est utile selon moi dans la présente affaire.
[20] La réalité toute simple, c’est que l’agent n’aurait pas pu rendre une décision favorable sur le fondement du formulaire de demande présenté avant l’expiration des permis de séjour temporaire des Stanabady parce qu’il s’agissait d’une demande incomplète. Par conséquent, les Stanabady devaient quitter le Canada en vertu du paragraphe 183(1) du Règlement et de l’article 29 de la Loi.
[21] Comme les Stanabady ne sont pas partis dans le délai prescrit, les mesures d’exclusion prises contre eux étaient valides. Ils sont retournés depuis en France volontairement. Les présentes demandes de contrôle judiciaire n’ont toutefois pas un caractère théorique puisque, dans l’état actuel des choses, les Stanabady ne peuvent pas revenir au Canada sans autorisation du ministre.
V. Campana Campana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 49
[22] L’affaire Campana Campana en était une de parrainage. Les demandeurs y on fait valoir, avec succès, qu’ils avaient présenté leur demande avant que le Règlement ne soit modifié, et que le fait qu’il manquait certains renseignements et que les droits n’avaient pas été payés en entier ne rendait pas leur demande irrecevable. Toutefois, comme dans l’affaire qui nous occupe, la demande originale avait été retournée. On leur écrivait que, pour obtenir le traitement de leur demande, il fallait présenter à nouveau une demande complète.
[23] Le juge Roy a estimé que l’article 10 du Règlement n’était pas suffisamment souple pour qu’on puisse dire, en droit, qu’une demande n’existe pas si elle est incomplète (au paragraphe 12).
VI. Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 159
[24] L’affaire Ma portait sur une demande de résidence permanente dans la catégorie du regroupement familial présentée depuis l’étranger.
[25] Le juge Rennie a déclaré ce qui suit aux paragraphes 13 et 15 de sa décision :
Les demandes présentées sous le régime de la LIPR doivent être complètes. La demande à laquelle il manque des éléments essentiels n’est pas une demande au sens de la LIPR et du Règlement. Si le terme est ainsi interprété, c’est pour que les agents se consacrent à l’examen de dossiers complets, ce qui permet une meilleure utilisation des ressources. Il importe de souligner que les demandeurs qui déposent une demande incomplète ne conserveront pas leur priorité de rang au détriment de ceux qui déposent leur demande à une date ultérieure, mais qui l’accompagnent d’un dossier complet.
[…]
L’article 10 du Règlement énonce les exigences minimales auxquelles doivent répondre les demandes. En particulier, l’alinéa 10(1)c) prévoit qu’une demande au titre du Règlement « comporte les renseignements et documents exigés par le présent règlement et est accompagnée des autres pièces justificatives exigées par la Loi ». Étant donné que la demande initialement présentée depuis le Canada le 1er novembre 2013 était incomplète, on lui a attribué comme date déterminante le 31 décembre 3013, puisque c’est à cette date qu’ont été reçus tous les renseignements nécessaires selon l’alinéa 10(1)c).
[26] Ma propre analyse s’approche davantage de celle du juge Rennie que celle du juge Roy. Le juge Roy n’a pas traité expressément de l’article 12 du Règlement, qui exige le renvoi du formulaire de demande. Le fait est qu’il était impossible de rendre une décision prolongeant les permis de séjour temporaire avant que ceux-ci ne viennent à expiration. Si les demandes avaient été complètes à tous égards, il aurait été loisible à l’agent, en vertu du paragraphe 183(5) du Règlement, d’accorder ou non une prolongation après l’expiration des permis. En l’occurrence, toutefois, le paragraphe 183(5) n’est jamais entré en jeu.
VII. Question certifiée
[27] Avant même l’instruction de la présente demande de contrôle judiciaire, les ministres ont proposé la question grave de portée générale qui suit en vue de sa certification :
[traduction] Lorsqu’un résident temporaire a demandé la prolongation de sa période de séjour autorisée, mais que sa demande lui est renvoyée conformément à l’article 12 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés parce qu’elle est incomplète, le demandeur dispose-t-il d’un statut implicite jusqu’à ce qu’il ait présenté une demande complète et qu’une décision soit prise à l’égard de cette demande?
[28] On m’a assuré qu’il ne fallait pas voir là une invitation à rendre une décision défavorable aux ministres. En fait, au vu de la jurisprudence contradictoire de la Cour, ils jugent important que la Cour d’appel fédérale tranche la question.
[29] L’avocat des Stanabady convient que la question proposée par les ministres est une question grave de portée générale. Il doit toutefois s’agir d’une question susceptible d’appel au sens de l’alinéa 74d) de la LIPR (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89). Comme les Stanabady sont retournés en France, ils pourraient ne pas vouloir financer un appel.
[30] La Cour d’appel [fédérale] a conclu que l’alinéa 74d) se voulait un mécanisme de contrôle (Varela c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129). Le juge de première instance devrait répondre à la question. Vu mon analyse, il faudrait selon moi répondre par la négative à la question proposée.
[31] Je conviens toutefois qu’il s’agit d’une question grave de portée générale à laquelle il convient que la Cour d’appel fédérale réponde étant donné la jurisprudence contradictoire de la Cour. À mon avis, la situation est comparable à celle de l’affaire dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, [2007] 1 R.C.F. 387, où la jurisprudence de la Cour fédérale était contradictoire quant au sens à donner à l’expression « à l’époque où cette demande a été faite » utilisée à l’alinéa 117(9)d) du Règlement. Le juge Marc Noël, maintenant juge en chef de la Cour d’appel fédérale, a reconnu que l’expression était susceptible de deux interprétations, mais qu’une seule était correcte (au paragraphe 39).
[32] Tout en étant d’avis qu’un formulaire de demande incomplet ne constitue pas une « demande » au sens du paragraphe 183(5) du Règlement, j’estime que le juge Roy a présenté des arguments solides à l’appui de son avis que l’article 10 du Règlement n’est pas suffisamment souple pour qu’on puisse considérer qu’une demande incomplète équivaut à l’absence de demande. Par conséquent, je vais certifier la question.
JUGEMENTS
POUR LES MOTIFS EXPOSÉS;
LA COUR STATUE EN CES TERMES :
1. Les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers IMM-2838-15 et IMM-2840-15 sont rejetées.
2. La question grave suivante de portée générale est certifiée dans chaque dossier :
Lorsqu’un résident temporaire a demandé la prolongation de sa période de séjour autorisée, mais que sa demande lui est renvoyée conformément à l’article 12 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés parce qu’elle est incomplète, le demandeur dispose-t-il d’un statut implicite jusqu’à ce qu’il ait présenté une demande complète et qu’une décision soit prise à l’égard de cette demande?
ANNEXE
RÈGLEMENT SUR L’IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS (DORS/2002-227)
ARTICLE 10
Forme et contenu de la demande
10 (1) Sous réserve des alinéas 28b) à d) et 139(1)b), toute demande au titre du présent règlement :
a) est faite par écrit sur le formulaire fourni par le ministère, le cas échéant;
b) est signée par le demandeur;
c) comporte les renseignements et documents exigés par le présent règlement et est accompagnée des autres pièces justificatives exigées par la Loi;
d) est accompagnée d’un récépissé de paiement des droits applicables prévus par le présent règlement;
e) dans le cas où le demandeur est accompagné d’un époux ou d’un conjoint de fait, indique celui d’entre eux qui agit à titre de demandeur principal et celui qui agit à titre d’époux ou de conjoint de fait accompagnant le demandeur principal.
Renseignements à fournir
(2) La demande comporte, sauf disposition contraire du présent règlement, les éléments suivants :
a) les nom, date de naissance, adresse, nationalité et statut d’immigration du demandeur et de chacun des membres de sa famille, que ceux-ci l’accompagnent ou non, ainsi que la mention du fait que le demandeur ou l’un ou l’autre des membres de sa famille est l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une autre personne;
b) la mention du visa, du permis ou de l’autorisation que sollicite le demandeur;
c) la mention de la catégorie réglementaire au titre de laquelle la demande est faite;
c.1) si le demandeur est représenté relativement à la demande, le nom, l’adresse postale, le numéro de téléphone et, le cas échéant, le numéro de télécopieur et l’adresse électronique de toute personne ou entité — ou de toute personne agissant en son nom — qui le représente;
c.2) si le demandeur est représenté, moyennant rétribution, relativement à la demande par une personne visée à l’un des alinéas 91(2)a) à c) de la Loi, le nom de l’organisme dont elle est membre et le numéro de membre de celle-ci;
c.3) si le demandeur a été conseillé, moyennant rétribution, relativement à la demande par une personne visée à l’un des alinéas 91(2)a) à c) de la Loi, les renseignements prévus aux alinéas c.1) et c.2) à l’égard de cette personne;
c.4) si le demandeur a été conseillé, moyennant rétribution, relativement à la demande par une entité visée au paragraphe 91(4) de la Loi — ou une personne agissant en son nom —, les renseignements prévus à l’alinéa c.1) à l’égard de cette entité ou personne.
d) une déclaration attestant que les renseignements fournis sont exacts et complets.
Demande du membre de la famille
(3) La demande vaut pour le demandeur principal et les membres de sa famille qui l’accompagnent.
Demande de parrainage
(4) La demande faite par l’étranger au titre de la catégorie du regroupement familial doit être précédée ou accompagnée de la demande de parrainage visée à l’alinéa 130(1)c).
Demandes multiples
(5) Le répondant qui a déposé une demande de parrainage à l’égard d’une personne ne peut déposer de nouvelle demande concernant celle-ci tant qu’il n’a pas été statué en dernier ressort sur la demande initiale.
Demande de parrainage non valide
(6) Pour l’application du paragraphe 63(1) de la Loi, la demande de parrainage qui n’est pas faite en conformité avec le paragraphe (1) est réputée non déposée.
[…]
ARTICLE 12
Renvoi de la demande
12 Sous réserve de l’article 140.4, si les exigences prévues aux articles 10 et 11 ne sont pas remplies, la demande et tous les documents fournis à l’appui de celle-ci sont retournés au demandeur.
[…]
ARTICLE 183
Conditions d’application générale
183 (1) Sous réserve de l’article 185, les conditions ci-après sont imposées à tout résident temporaire :
a) il doit quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée;
b) il ne doit pas travailler, sauf en conformité avec la présente partie ou la partie 11;
b.1) même s’il peut travailler en conformité avec la présente partie ou la partie 11, il ne peut conclure de contrat d’emploi — ni prolonger la durée d’un tel contrat — avec un employeur qui offre, sur une base régulière, des activités de danse nue ou érotique, des services d’escorte ou des massages érotiques;
b.2) même s’il peut travailler en conformité avec la présente partie ou la partie 11, il ne peut conclure de contrat d’emploi — ni prolonger la durée d’un tel contrat — avec un employeur dont le nom figure sur la liste visée au paragraphe 209.91(3), s’il ne s’est pas écoulé une période de deux ans depuis la date à laquelle la conclusion visée aux paragraphes 203(5) ou 209.91(1) ou (2) a été formulée;
c) il ne doit pas étudier sans y être autorisé par la Loi, la présente partie ou la partie 12.
Période de séjour autorisée
(2) Sous réserve des paragraphes (3) à (5), la période de séjour autorisée du résident temporaire est de six mois ou de toute autre durée que l’agent fixe en se fondant sur les critères suivants :
a) les moyens de subsistance du résident temporaire au Canada;
b) la période de séjour que l’étranger demande;
c) la durée de validité de son passeport ou autre titre de voyage.
Période de séjour : début
(3) La période de séjour du résident temporaire commence :
a) dans le cas de celui qui est autorisé à entrer et à séjourner à titre temporaire, à la date à laquelle il entre au Canada pour la première fois par suite de cette autorisation;
a.1) dans le cas de celui qui est devenu résident temporaire conformément au paragraphe 46(1.1) de la Loi, à la date d’acceptation de sa demande de renonciation au statut de résident permanent;
b) dans tout autre cas, à la date à laquelle il entre au Canada.
Période de séjour : fin
(4) La période de séjour autorisée du résident temporaire prend fin au premier en date des événements suivants :
a) le résident temporaire quitte le Canada sans avoir obtenu au préalable l’autorisation d’y rentrer;
b) dans le cas du titulaire d’un permis de travail ou d’études, son permis cesse d’être valide;
b.1) dans le cas du titulaire à la fois d’un permis de travail et d’un permis d’études, celui ayant la date d’expiration la plus tardive cesse d’être valide.
c) dans le cas du titulaire d’un permis de séjour temporaire, son permis cesse d’être valide aux termes de l’article 63;
d) dans tout autre cas, la période de séjour autorisée aux termes du paragraphe (2) prend fin.
Prolongation de la période de séjour
(5) Sous réserve du paragraphe (5.1), si le résident temporaire demande la prolongation de sa période de séjour et qu’il n’est pas statué sur la demande avant l’expiration de la période, celle-ci est prolongée :
a) jusqu’au moment de la décision, dans le cas où il est décidé de ne pas la prolonger;
b) jusqu’à l’expiration de la période de prolongation accordée.
Non-application
(5.1) Le paragraphe (5) ne s’applique pas à l’égard d’un étranger qui fait l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1) de la Loi.
Préservation du statut et conditions
(6) Si la période de séjour est prolongée par l’effet de l’alinéa (5)a) ou par application de l’alinéa (5)b), le résident temporaire conserve son statut, sous réserve des autres conditions qui lui sont imposées, pendant toute la prolongation.