A-307-13
2014 CAF 228
Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (appelant)
c.
Robert Bo Da Huang (intimé)
Répertorié : Da Huang c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)
Cour d’appel fédérale, juges Dawson, Gauthier et Trudel, J.C.A.—Vancouver, 5 mai; Ottawa, 10 octobre 2014.
Douanes et Accise — Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes — Appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale qui a conclu que la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes autorise la restitution partielle des espèces saisies — L’agent des douanes de l’Agence des services frontaliers du Canada a saisi 15 000 $ de l’intimé — Une partie des espèces saisies a été obtenue de façon légitime, mais toutes les espèces ont été retenues à titre de confiscation — La Cour fédérale a conclu qu’il n’est pas interdit au ministre appelant en vertu de l’art. 29 de la Loi de restituer légalement la partie des espèces obtenue de façon légitime — Il s’agissait de savoir si l’art. 29 permet à l’appelant d’annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies — Une analyse textuelle, contextuelle et téléologique a été réalisée en l’espèce — L’art. 29(1) autorise l’appelant à annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies s’il est convaincu que les espèces saisies ne proviennent pas de la criminalité — L’emploi du mot « partie » à l’art. 29 s’accorde avec la simple intention d’établir une distinction, quant au pouvoir discrétionnaire de l’appelant de restituer des pénalités, entre le fait pour l’intéressé d’avoir contrevenu ou non contrevenu à l’art. 12 de la Loi — Lorsqu’il n’y a pas de contravention à l’art. 12, le ministre doit restituer la pénalité ou les espèces saisies (art. 28 de la Loi) — Lorsqu’il y a contravention à l’art. 12 de la Loi, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de restituer la pénalité en tout ou en partie, ou de n’en restituer aucune (art. 29 de la Loi) — L’exclusion des fonds légitimes de la confiscation au sens du Code criminel est conforme à la présente interprétation de l’art. 29(1) de la Loi — Le contenu et l’objet des recommandations internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent sont également conformes à la présente interprétation — Appel rejeté.
Il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale qui a conclu que la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la Loi) autorise la restitution partielle des espèces saisies.
Le demandeur transportait plus de 15 000 $ et s’apprêtait à prendre l’avion lorsqu’un agent des douanes de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) l’a interrogé. L’agent a décidé de saisir les espèces, soupçonnant qu’il pouvait s’agir de produits de la criminalité. La Direction des recours de l’ASFC a accepté qu’une partie des fonds saisis eût été obtenue de façon légitime, mais soupçonnait encore que les espèces saisies restantes étaient des produits de la criminalité. Par conséquent, toutes les espèces saisies ont été retenues à titre de confiscation. La Cour fédérale a conclu que rien dans l’article 29 de la Loi n’interdit expressément à l’appelant de restituer une partie des espèces saisies une fois que leur origine légitime a été établie. La Cour fédérale a énoncé, entre autres, que la confiscation de fonds légitimes ne permet pas d’atteindre les objectifs de la Loi définis à l’article 3, et que si le législateur avait voulu que des fonds légitimes puissent être confisqués, il l’aurait dit en termes non équivoques.
Il s’agissait principalement de déterminer si l’article 29 permet à l’appelant d’annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies.
Arrêt : l’appel doit être rejeté.
L’application d’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique a déterminé que le paragraphe 29(1) de la Loi autorise l’appelant à annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies s’il est convaincu que ces espèces ne proviennent pas de la criminalité. Les alinéas 29(1)a) et b) créent une dichotomie en ce qui a trait à la confiscation des espèces ou des effets : l’appelant peut ordonner leur restitution ou confirmer leur confiscation. Le pouvoir discrétionnaire de l’appelant doit être exercé dans le cadre de la Loi, et si on peut démontrer que les espèces proviennent d’une source légitime, selon la définition de produits de criminalité, il ne peut pas s’agir de produits de criminalité. Dans le cadre d’une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) de la Loi, la seule question est de savoir si un demandeur peut convaincre l’appelant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour annuler la confiscation. La question que l’appelant doit trancher est de savoir s’il est convaincu que les fonds proviennent d’une source légitime. Par conséquent, il est inutile pour le législateur d’accorder l’annulation partielle d’une confiscation prévue à l’alinéa 29(1)a). Ceci découle du fait que conformément au paragraphe 18(2) de la Loi, le seul fondement permettant la saisie (et la confiscation en résultant selon l’article 23) est le soupçon qu’a l’agent des douanes que les fonds sont des produits de la criminalité. L’emploi par le législateur du mot « partie » à l’article 29, mais non à l’article 28 de la Loi, s’accorde avec la simple intention d’établir une distinction, quant au pouvoir discrétionnaire de l’appelant de restituer des pénalités, entre le fait pour l’intéressé d’avoir contrevenu ou non contrevenu à l’article 12 de la Loi. L’article 28, contrairement à l’article 29, dispose que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux « restitue la valeur de la pénalité réglementaire » et non qu’une « partie » de celle-ci peut être restituée. C’est logique : si l’appelant conclut que le paragraphe 12(1) n’a pas été violé, alors une personne n’aurait pas dû avoir à payer une pénalité, et la pénalité versée doit lui être restituée. Lorsque, selon le ministre, il y a eu contravention à l’article 12 de la Loi, l’article 29 accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire de restituer la pénalité en tout ou en partie, ou de n’en restituer aucune. En énonçant expressément qu’une « partie » de la pénalité peut être restituée, le législateur a précisé que, contrairement à l’article 28, la restitution partielle d’une pénalité serait une possibilité lorsqu’une personne contrevient à l’article 12. L’exclusion par le législateur des fonds légitimes de la confiscation au sens du Code criminel est conforme à l’interprétation de l’article 29(1) de la Loi visant à permettre à l’appelant de restituer une partie des espèces saisies lorsqu’il est convaincu que ces espèces ne proviennent pas de la « criminalité ». Le contenu et l’objet des recommandations internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent sont également conformes à l’interprétation du paragraphe 29(1) de la Loi qui permet à l’appelant à annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies lorsqu’il est convaincu qu’une partie vérifiable des fonds saisis ne constitue pas un produit de la criminalité.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 462.3(1), 462.31, 462.32, 462.37.
Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17, art. 3, 12, 18(1),(2), 23, 24, 24.1, 25, 28, 29.
Projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, 1re sess., 36e lég., 2000 (sanctionnée le 29 juin 2000), L.C. 2000, ch. 17.
Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412, art. 18.
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, [2009] 2 R.C.F. 576; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306.
décisions examinées :
ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140; R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652; Jones c. Proc. Gén. du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 R.C.S. 182.
décisions citées :
Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226; Dag c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CAF 95; McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895; R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867; Dersch c. Canada (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1505; Admasu c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 451.
DOCTRINE CITÉE
Bibliothèque du Parlement. Résumé législatif LS-355F. Projet de loi C-22 : Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, rédaction : Geoffrey Kieley, Division du droit et du gouvernement, le 9 février 2000, révisé le 5 mai 2000, en ligne : <http ://publications.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/LS/362/c22-f.htm>.
Groupe d’action financière (GAFI). Les quarante recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux, 1990, Paris : GAFI, 1990, en ligne : <http ://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/recommendations/pdfs/Recommandations%20GAFI%201990.pdf>.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis, 2008).
APPEL d’une décision de la Cour fédérale (2013 CF 729) qui a conclu que la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes autorise la restitution partielle des espèces saisies. Appel rejeté.
ONT COMPARU
Jan Brongers et Philippe Alma pour l’appelant.
Personne n’a comparu pour l’intimé.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1] La juge Dawson, j.c.a. : La question fondamentale soulevée dans le présent appel est celle de savoir si l’alinéa 29(1)a) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 (la Loi) autorise le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à restituer une partie des espèces saisies qui, selon la preuve, ont été obtenues de manière légitime s’il y des motifs raisonnables de soupçonner que le reste des espèces saisies sont des produits de la criminalité?
[2] Le ministre estime que la Loi n’autorise pas la restitution partielle d’espèces saisies; il a appliqué la Loi en conséquence en l’espèce.
[3] Pour les motifs répertoriés sous la référence 2013 CF 729, une juge de la Cour fédérale en est venue à la conclusion contraire. La Cour fédérale a ainsi conclu que la décision du ministre de confirmer la confiscation des espèces saisies, y compris les espèces légitimement acquises, était déraisonnable.
[4] La Cour est saisie de l’appel de cette décision.
I. Contexte factuel
[5] Le 5 janvier 2011, un agent des douanes de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a abordé l’intimé, M. Robert Bo Da Huang, dans la zone des départs de l’Aéroport international de Vancouver. Monsieur Huang attendait un vol à destination de Hong Kong. Lorsque l’agent a commencé à informer M. Huang des obligations de déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces imposées par la Loi aux voyageurs qui ont en leur possession plus de 10 000 $, ce dernier a répondu : [traduction] « Oui, je sais. J’ai 15 000 $. Désolé. » L’agent des douanes a constaté à la suite d’une vérification que M. Huang avait en fait en sa possession 15 760 $ en espèces.
[6] À la suite d’un entretien avec M. Huang, l’agent des douanes a soupçonné que les espèces étaient des produits de la criminalité et, en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi, il a saisi la somme entière de 15 760 $ (les espèces saisies). Monsieur Huang a demandé au ministre, en vertu de l’article 25 de la Loi, une révision de la confiscation. Des fonctionnaires de la Direction des recours de l’ASFC ont effectué la révision ministérielle.
[7] Les fonctionnaires de la Direction des recours ont reconnu que 6 700 $ des espèces saisies avaient été obtenues légitimement, par la vente d’une automobile appartenant à M. Huang (les fonds légitimement obtenus). Pour divers motifs, toutefois, les fonctionnaires ont continué de soupçonner que les 9 060 $ restants étaient des produits de la criminalité (les fonds illicites). Les espèces saisies ont en conséquence été retenues en totalité à titre de confiscation.
II. Régime législatif applicable
[8] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, la présente affaire porte sur l’interprétation de l’article 29 de la Loi. Pour bien comprendre cette disposition, il faut examiner le régime prévu par la Loi en matière de saisie et de confiscation d’espèces. Pour simplifier la lecture, il ne sera question dans les présents motifs que d’ « espèces », même si la Loi traite à la fois des espèces et des effets. Les dispositions pertinentes de la Loi sont les paragraphes 12(1) et (3), 18(1) et (2) et 24.1(1) et (2) ainsi que les articles 23, 24, 25, 28 et 29.
[9] L’article 3 de la Loi, qui en énonce l’objet, ainsi que la définition des « produits de la criminalité » qui figure au paragraphe 462.3(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, sont également utiles à l’interprétation de l’article 29. Cette dernière définition est intégrée par renvoi au paragraphe 18(2) de la Loi.
[10] Toutes ces dispositions sont reproduites dans l’annexe jointe aux présents motifs. Cependant, aux fins des présents motifs, j’expose ci-après les éléments clés du régime législatif pertinents.
[11] La Loi énonce, pour les saisies et confiscations, un processus se déroulant en trois étapes principales.
[12] Premièrement, comme le prescrivent les paragraphes 12(1) et (3), il faut déclarer l’importation ou l’exportation d’espèces d’une valeur supérieure au montant réglementaire.
[13] Deuxièmement, pour pouvoir saisir des espèces non déclarées, l’agent des douanes doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’une personne ou une entité n’a pas déclaré des espèces d’une valeur supérieure au montant réglementaire (paragraphe 18(1)).
[14] Troisièmement, l’agent doit saisir les espèces non déclarées à titre de confiscation (paragraphe 18(1)). À ce stade, si l’agent n’a pas de motifs raisonnables de croire que les espèces sont soit des produits de la criminalité (au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel), soit des fonds destinés au financement d’activités terroristes, le paragraphe 18(2) prévoit leur restitution, sous réserve du paiement de la pénalité réglementaire. Les espèces sont retenues, toutefois, si l’agent a des motifs raisonnables de croire qu’il s’agit de produits de la criminalité ou de fonds destinés au financement d’activités terroristes. En faisant renvoi au Code criminel, la Loi définit les « produits de la criminalité » comme un bien, bénéfice ou avantage qui est obtenu ou qui provient, au Canada ou à l’extérieur du Canada, directement ou indirectement : a) soit de la perpétration d’une infraction désignée; b) soit d’un acte ou d’une omission qui, au Canada, aurait constitué une infraction désignée.
[15] Enfin, suivant l’article 23 de la Loi, les espèces dûment saisies en application du paragraphe 18(1), et qui ne peuvent être restituées en vertu du paragraphe 18(2), sont considérées confisquées au profit de l’État à compter de la contravention au paragraphe 12(1).
[16] La saisie-confiscation d’espèces est définitive et elle n’est susceptible de révision que dans la mesure prévue aux articles 24.1 et 25 (article 24).
[17] Dans les 30 jours qui suivent une saisie ou l’établissement d’une pénalité, le ministre peut annuler la saisie, ou annuler ou rembourser la pénalité s’il est convaincu qu’aucune contravention à la Loi n’a été commise. S’il y a eu infraction mais que le ministre est d’avis qu’une erreur a été commise concernant la somme établie ou versée et que celle-ci doit être réduite, il peut réduire la pénalité ou rembourser le trop-perçu (article 24.1).
[18] La personne entre les mains de qui ont été saisies des espèces ou leur propriétaire légitime peut, dans les 90 jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) (article 25).
[19] Si le ministre décide qu’il n’y a pas eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux restitue la valeur de la pénalité réglementaire ou les espèces (article 28).
[20] S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut restituer les espèces sur réception de la pénalité réglementaire. Le ministre peut, également, restituer tout ou partie de la pénalité versée. Le ministre peut en outre confirmer la confiscation des espèces (paragraphe 29(1)).
[21] Dans l’arrêt Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, [2009] 2 R.C.F. 576 (Sellathurai), le juge Pelletier (qui s’exprimait au nom des juges majoritaires, le juge Ryer souscrivant à l’issue de l’affaire) a conclu, aux paragraphes 33 et 34, que, la contravention au paragraphe 12(1) étant une condition préalable à la révision en application de l’article 29, le point de départ de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre est le fait que les espèces confisquées sont déjà la propriété de l’État. Par conséquent, la demande fondée sur l’article 29 est essentiellement une demande d’annulation de la confiscation.
[22] Par conséquent, dès que le ministre entreprend une révision en application de l’article 29, « la conclusion de l’agent des douanes suivant laquelle il a des motifs raisonnables de soupçonner que les devises saisies sont des produits de la criminalité devient caduque » (arrêt Sellathurai, au paragraphe 36); la seule question qui se pose est celle de savoir si le ministre est convaincu que les biens saisis ne sont pas des produits de la criminalité, et qu’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire d’annuler la confiscation (arrêt Sellathurai, aux paragraphes 36 et 50).
III. Décision de la Direction des recours
[23] Par lettre datée du 24 mai 2012, la Direction des recours, représentant le ministre, a exposé pourquoi l’agent des douanes avait des motifs raisonnables de soupçonner que les espèces étaient des produits de la criminalité. Elle a ensuite fait savoir à M. Huang que, comme il n’avait pu démontrer la légitimité de la provenance des fonds illicites, tous les biens saisis seraient confisqués. Le représentant du ministre a conclu qu’il n’était pas possible dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, en droit, de restituer une partie quelconque des espèces confisquées, y compris la somme de 6 700 $ légitimement reçue. Monsieur Huang a demandé le contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale.
[24] Par souci d’exhaustivité, je tiens à ajouter entre parenthèses que rien au dossier ne laisse croire au moindre soupçon que les espèces en cause aient été destinées à financer des activités terroristes. Il s’ensuit qu’il ne sera pas nécessaire en l’espèce d’examiner cet élément du paragraphe 18(2) de la Loi.
IV. Décision de la Cour fédérale
[25] Lors du contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, la juge a conclu qu’il était raisonnable pour le ministre d’avoir confirmé la confiscation de la totalité des espèces saisies, à l’exception de celles qui ont été jugées provenir de la vente de l’automobile de M. Huang. Selon la juge, la principale question qu’elle devait trancher, à ce titre, était celle de savoir si l’article 29 de la Loi autorisait le ministre à ne confirmer la confiscation que des fonds dont on soupçonnait raisonnablement qu’ils avaient été illégalement obtenus. Autrement dit, la Cour devait répondre à la question de savoir si la Loi autorisait le ministre à restituer les fonds légitimes.
[26] Dans son processus d’interprétation législative, la juge a ensuite examiné les dispositions pertinentes de la Loi s’appliquant à la saisie et à la confiscation. S’agissant du paragraphe 18(1), elle a conclu qu’il visait à faire en sorte que tout défaut de déclarer des fonds, en contravention du paragraphe 12(1), entraîne l’imposition d’une pénalité. Le paragraphe 18(1) autorise l’État à saisir à titre de confiscation les seuls fonds dont un agent des douanes a des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont des produits de la criminalité. Selon la juge, rien au paragraphe 18(1) n’empêchait le ministre de retenir seulement la partie des espèces non déclarées qui suscitaient des soupçons raisonnables.
[27] De même, la juge a conclu qu’aucune disposition expresse de l’article 29 n’empêchait le ministre de restituer une partie des espèces saisies une fois établie la légitimité de leur provenance.
[28] Le ministre avait fait valoir que le principe d’exclusion implicite de l’interprétation législative menait nécessairement à conclure qu’il ne pouvait pas, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, restituer une partie des espèces saisies. Pour étayer son argument, le ministre a comparé l’alinéa 29(1)b), qui l’autorise à restituer « tout ou partie de la pénalité » [soulignement ajouté], à l’alinéa 29(1)a), qui l’autorise simplement à restituer « les espèces ou effets ». Puisque l’alinéa 29(1)b) fait mention d’une « partie de » la pénalité, tandis que l’alinéa 29(1)a) fait mention des seules « espèces », sans autre qualificatif, a soutenu le ministre, le législateur a délibérément choisi de ne pas autoriser la restitution partielle des espèces saisies : une fois qu’une partie des fonds sont jugés avoir été illégalement obtenus, tous les fonds doivent être confisqués. Le ministre a insisté sur la question du traitement différent de [traduction] « concepts voisins », se trouvant à un alinéa d’intervalle seulement.
[29] Le ministre a également cité de nombreux jugements de la Cour fédérale favorables à cette interprétation, puis a fait valoir que le principe de la courtoisie judiciaire exigeait que la juge suive les jugements de ses collègues.
[30] La juge n’était pas de cet avis. Selon elle, l’alinéa 29(1)a) de la Loi n’empêchait pas le ministre de restituer une partie des espèces saisies, si cette partie avait été obtenue de manière légitime. Se fondant sur des points qui n’avaient pas été abordés dans la jurisprudence de la Cour fédérale, la juge a ensuite indiqué [au paragraphe 28] qu’ils constituaient de « bonnes raisons de ne pas le faire », soit de ne pas suivre cette jurisprudence :
i. La confiscation de fonds légitimes ne permet pas d’atteindre les objectifs de la Loi, définis à l’article 3.
ii. Vu la pénalité relativement faible (250 $) que M. Huang aurait été tenu de payer pour avoir fait défaut de déclarer ses fonds légitimes (une somme de 6 700 $ en l’occurrence), la confiscation de cette somme faisait en sorte de lui infliger une pénalité draconienne non prescrite par la Loi.
iii. Si le législateur avait voulu que des fonds légitimes puissent être confisqués, il l’aurait dit en termes non équivoques.
iv. Si, à l’aéroport, le demandeur avait eu en sa possession les documents de vente du véhicule automobile, l’agent des douanes aurait été tenu, en vertu du paragraphe 18(2), de restituer les fonds légitimes à ce moment-là, sous réserve du paiement de la pénalité prescrite. Il serait donc absurde d’exiger que le ministre confisque maintenant ces fonds simplement parce que M. Huang a fourni les documents en cause après leur saisie. Le législateur n’a pu vouloir une telle absurdité.
v. L’interprétation avancée par le ministre pourrait conduire à d’autres résultats absurdes, comme la confiscation de fonds légitimes d’un montant très élevé du fait de leur amalgamation avec des fonds suspects d’un faible montant. Cela mènerait à une conséquence inéquitable incompatible avec les objectifs de la Loi.
vi. L’alinéa 29(1)b) ne renvoie qu’aux pénalités, d’un montant maximal prévu de 5 000 $. Puisque le montant des fonds visés par l’alinéa 29(1)a) pourrait être considérablement plus élevé, la pénalité pour défaut de déclaration et la confiscation de fonds suspects ne sont pas des [traduction] « concepts voisins » qui justifieraient de recourir au principe de l’exclusion implicite.
[31] La juge a par conséquent conclu que l’alinéa 29(1)a) autorise le ministre à restituer une partie des espèces saisies. La décision du ministre de confirmer la confiscation de la totalité des espèces saisies constituait, ainsi, un exercice déraisonnable de son pouvoir discrétionnaire. En conséquence, la juge a annulé la décision et a renvoyé l’affaire au ministre pour qu’il reconsidère la demande de M. Huang de restitution des fonds légitimes.
V. Questions en litige
[32] L’intimé n’a pas comparu dans le cadre du présent appel.
[33] Le ministre formule comme suit les questions en litige :
A. Quelle norme de contrôle faut-il appliquer à la décision de la Cour fédérale et à l’interprétation de la Loi par le ministre?
B. L’article 29 de la Loi autorise-t-il le ministre à annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies?
C. La juge était-elle tenue, en raison du principe de courtoisie judiciaire, d’accepter l’interprétation faite par le ministre?
[34] J’estime que c’est là un bon résumé des questions soulevées dans le présent appel.
VI. Examen des questions en litige
A. Quelle norme de contrôle faut-il appliquer à la décision de la Cour fédérale et à l’interprétation de la Loi par le ministre?
[35] Le rôle de la Cour, lors de l’appel d’une décision concernant une demande de contrôle judiciaire, consiste à décider en premier lieu si le juge chargé de la révision a choisi et appliqué la bonne norme de contrôle (Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43).
[36] S’agissant de la décision du ministre, notre Cour a conclu de manière générale que les décisions fondées sur l’article 29 de la Loi étaient discrétionnaires et commandaient la retenue. C’est pourquoi la Cour ne modifiera une telle décision que si elle est déraisonnable (arrêt Sellathurai, au paragraphe 25, citant l’arrêt Dag c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CAF 95, au paragraphe 4).
[37] En outre, le ministre agissant en tant que décideur administratif dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 29, son interprétation de l’étendue de ce pouvoir est présumée appeler également la retenue (arrêt McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895, au paragraphe 33).
[38] La juge a conclu en l’espèce que la décision du ministre était déraisonnable, et cette conclusion se concilie avec l’application de la norme de la décision raisonnable. Le ministre soutient toutefois qu’une analyse approfondie des motifs énoncés par la juge révèle que celle-ci a appliqué en réalité la norme de la décision correcte.
[39] J’estime qu’il n’est pas nécessaire, compte tenu des faits de l’espèce, que je fasse l’analyse de cette question. Pour les motifs que je préciserai plus loin, je conclus que les principes applicables d’interprétation législative ne pouvaient conduire qu’à une seule interprétation raisonnable de l’étendue du pouvoir discrétionnaire du ministre : le ministre peut annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies. Le ministre ayant adopté l’interprétation contraire, sa décision était nécessairement déraisonnable (arrêt McLean, au paragraphe 38).
B. L’article 29 de la Loi autorise-t-il le ministre à annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies?
i) Principes d’interprétation législative applicables
[40] La Cour suprême a exposé comme suit, dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21, la méthode d’interprétation législative qu’elle privilégie :
[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.
Voir également : R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867, au paragraphe 29.
[41] La Cour suprême a réaffirmé ce principe dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10 :
Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. [Non souligné dans l’original.]
[42] La Cour suprême a réitéré cette formulation de la méthode d’interprétation législative à privilégier dans les arrêts Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 21; et Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306, au paragraphe 27.
[43] On comprend bien qu’il découle intrinsèquement de la méthode contextuelle d’interprétation législative que le sens ordinaire et grammatical d’une disposition n’est pas déterminant quant à son sens. Il faut tenir compte du contexte global de la disposition à interpréter, « même si, à première vue, le sens de son libellé peut paraître évident » (ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, au paragraphe 48). La Cour vise, à la lumière du libellé et du contexte plus large, à déterminer l’intention du législateur, qui est « [l]’élément le plus important de cette analyse » (R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, au paragraphe 26).
[44] J’en viens donc à la nécessaire analyse textuelle, contextuelle et téléologique.
ii) Analyse textuelle
[45] Voici le libellé du paragraphe 29(1) de la Loi :
29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe : a) soit restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux-ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité; b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2); c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34. Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b). [Non souligné dans l’original.] |
Cas de contravention |
[46] Le ministre souligne que le pouvoir dont il dispose diffère selon que la contravention est sanctionnée par une confiscation ou une pénalité; il soutient que la différence est nette entre le pouvoir conféré par les alinéas 29(1)a) et c) (traitant de la confiscation) et par l’alinéa 29(1)b) (traitant de la pénalité).
[47] Plus particulièrement, les alinéas 29(1)a) et c) mentionnent simplement « les espèces ou effets », tandis que le libellé de l’alinéa 291)b) vise « tout ou partie de la pénalité ».
[48] S’appuyant sur le principe d’exclusion implicite de l’interprétation législative (qu’on désigne parfois sous la maxime expressio unius est exclusio alterius), le ministre soutient que le recours à un libellé différent dénote l’intention du législateur de ne pas accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire de lever la confiscation d’une partie des espèces ou effets saisis en application de l’article 18 de la Loi.
[49] J’aborderai mon examen de l’argumentation du ministre en faisant observer que celui-ci, tout en reconnaissant que s’applique la méthode moderne d’interprétation législative, s’est livré à une analyse presque exclusivement textuelle. Tant dans ses observations écrites que verbales, le ministre a brièvement fait valoir que son interprétation de la Loi facilitait la réalisation de son objet : encourager l’auto-déclaration des mouvements transfrontaliers importants d’espèces. Selon le ministre, cet objectif sera plus facilement atteint si les voyageurs risquent de perdre la partie légitime des espèces qu’ils exportent ou importent en cas de non-déclaration à la frontière. Cet argument sera examiné dans le cadre de l’analyse téléologique de la disposition à l’examen. Le ministre n’a pas présenté d’observations bien étoffées fondées sur le contexte de la Loi.
[50] Quant au fond, maintenant, ainsi que l’a écrit le juge en chef Laskin dans l’arrêt Jones c. Proc. Gén. du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 R.C.S. 182, aux pages 195 et 196, j’estime que le principe de l’exclusion implicite « fournit tout au plus un guide d’interprétation, [il] n’impose point les conclusions à tirer ».
[51] Ainsi que l’a souligné la professeure Ruth Sullivan dans son ouvrage Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis, 2008), aux pages 250 et 251, il existe plusieurs manières de réfuter un argument fondé sur le principe de l’exclusion implicite. Citant l’arrêt Dersch c. Canada (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1505, la professeure déclare qu’une façon de réfuter le principe consiste à expliquer pourquoi le législateur aurait abordé certains éléments à divers endroits, et serait resté muet à d’autres. Une mention expresse peut convenir dans un contexte et non dans un autre.
[52] La juge n’était pas d’avis que le principe d’exclusion implicite de l’interprétation législative était applicable. Elle a jugé que la pénalité pour défaut de déclarer les espèces et la confiscation de fonds suspects n’étaient pas des [traduction] « concepts voisins » (motifs, à l’alinéa 28(vi)).
[53] Je préfère pour ma part fonder ma conclusion sur l’analyse qui suit.
[54] Les alinéas 29(1)a) et b) établissent une dichotomie quant à la confiscation d’espèces ou d’effets : le ministre peut ordonner leur restitution ou confirmer leur confiscation.
[55] Deux principes pertinents se dégagent de l’arrêt Sellathurai de notre Cour. Premièrement, le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire en respectant le cadre de la Loi (arrêt Sellathurai, aux paragraphes 38 et 53). Deuxièmement, si l’on peut démontrer la légitimité de leur provenance, les espèces ne peuvent être considérées des produits de la criminalité, selon la définition donnée à cette expression. Pour prendre une décision en application du paragraphe 29(1) de la Loi, la seule question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si le demandeur a pu convaincre le ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’annuler la confiscation. Pour cela, le demandeur doit démontrer au ministre que les espèces saisies ne sont pas des produits de la criminalité. Une manière évidente d’y parvenir consiste à démontrer la légitimité de la provenance des fonds (arrêt Sellathurai, aux paragraphes 49 et 50).
[56] Le ministre doit se demander s’il est convaincu de la légitimité de la provenance des fonds. Le législateur, par conséquent, n’avait pas à autoriser l’annulation partielle d’une confiscation à l’alinéa 29(1)a). Cette interprétation découle du fait qu’en vertu du paragraphe 18(2) de la Loi, la saisie (et la confiscation qui en résulte, en vertu de l’article 23) n’est justifiée que si l’agent des douanes soupçonne que les fonds sont des produits de la criminalité, au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel. Bien que l’agent des douanes ait pu avoir des motifs raisonnables de saisir les espèces, dès que le ministre est convaincu de la légitimité de la provenance des fonds, il n’existe aucun fondement en droit pour continuer de retenir les fonds et en maintenir la confiscation. Dans ce contexte il serait inutile de dire que le ministre, dans la mesure où il est convaincu de la légitimité de la provenance d’une partie vérifiable des espèces saisies, pourrait exercer à son égard son pouvoir discrétionnaire d’annuler la confiscation.
[57] Il ressort de cette analyse que le libellé du paragraphe 29(1) peut raisonnablement donner lieu à plus d’une interprétation et, en outre, que ce libellé ne joue pas un rôle prépondérant dans le processus d’interprétation.
iii) Analyse contextuelle
[58] J’ai décrit ci-dessus, aux paragraphes 8 à 22, le régime législatif applicable.
[59] Comme je l’ai indiqué plus haut, la Cour a jugé dans l’arrêt Sellathurai que le ministre procédait à un examen de novo de la décision de saisir des espèces non déclarées. Lors de l’examen par le ministre, la décision de l’agent des douanes fondée sur des motifs raisonnables de soupçonner que les espèces saisies étaient des produits de la criminalité est ainsi devenue caduque. Il serait incompatible avec ce régime que le ministre, lorsqu’il procède à son examen, soit restreint dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par la décision de l’agent des douanes, de sorte qu’il ne puisse annuler la confiscation des espèces dont on a démontré la provenance légitime, même s’il existe des doutes sur la provenance d’autres espèces.
[60] En outre, si l’on compare l’article 28 et l’article 29 de la Loi, une hypothèse peut se dégager, autre que ce que le ministre avance sur le fondement du principe d’exclusion implicite de l’interprétation législative.
[61] L’emploi par le législateur du mot « partie » à l’article 29, en lien avec la pénalité, mais non à l’article 28, s’accorde avec la simple intention d’établir une distinction, quant au pouvoir discrétionnaire du ministre de restituer des pénalités, entre le fait pour l’intéressé d’avoir contrevenu ou non à l’article 12.
[62] Tandis que l’article 29 énonce ce que le ministre peut faire s’il conclut qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’article 28 énonce ce que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux doit faire si le ministre conclut à l’absence de contravention. L’article 28, contrairement à l’article 29, prescrit que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux « restitue la valeur de la pénalité réglementaire », sans préciser qu’une « partie » de la pénalité peut être restituée. C’est logique : si le ministre conclut qu’il n’y a pas eu contravention au paragraphe 12(1), l’intéressé n’aurait pas dû avoir à payer une pénalité, et la pénalité versée doit lui être restituée.
[63] Si le ministre conclut que l’intéressé a contrevenu à l’article 12, l’article 29 lui confère le pouvoir discrétionnaire de restituer la pénalité, en totalité ou en partie, ou de ne pas la restituer du tout. En énonçant expressément qu’une « partie » de la pénalité peut être restituée, le législateur a précisé à cet article que, contrairement à l’article 28, dans le cas où l’intéressé a enfreint l’article 12, la restitution partielle de la pénalité est une solution possible.
[64] Lorsqu’il y a eu violation du paragraphe 12(1), le ministre peut très bien souhaiter ne pas restituer intégralement la pénalité puisque l’imposition d’une pénalité vise à punir et à décourager le défaut de quiconque de s’acquitter de son obligation de déclaration. Toutefois, le ministre peut dans certains cas vouloir restituer une partie de la pénalité. Selon l’article 18 du Règlement [Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412], la pénalité applicable peut varier de 250 $ à 5 000 $. En permettant expressément la restitution partielle d’une pénalité, le législateur veille à accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire de restituer une partie de la pénalité lorsque ce dernier conclut qu’était trop élevée, compte tenu des circonstances, la pénalité versée à l’origine.
[65] L’article 24.1 appuie ce point de vue. Tout comme à l’article 28, cette disposition ne dit rien sur la possibilité d’une restitution partielle de pénalité lorsqu’il est conclu au respect de l’obligation de déclaration. Toutefois, l’alinéa 24.1(1)b) énonce que le ministre, s’il conclut dans un certain délai qu’il y a eu violation de l’article 12, peut réduire la pénalité ou rembourser le trop-perçu, dans la mesure où il estime « qu’une erreur a été commise concernant la somme établie ou versée et que celle-ci doit être réduite ».
[66] Enfin, le paragraphe 462.37(2.03) du Code criminel constitue un autre élément pertinent du contexte.
[67] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, le paragraphe 18(1) de la Loi intègre par renvoi la définition de « produits de la criminalité » énoncée au paragraphe 462.3(1) du Code criminel; il s’agit de la première disposition de la partie XII.2 du Code criminel, qui porte sur les « produits de la criminalité ». La partie XII.2 crée certaines infractions (article 462.31), autorise la saisie de certains biens (article 462.32) et prévoit un mécanisme de confiscation de tout bien qui est un produit de la criminalité (article 462.37). Le paragraphe 462.37(2.03) énonce que ne peuvent être confisqués les biens dont on démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils ne sont pas des produits de la criminalité.
[68] L’interdiction de confisquer les fonds légitimes prévue par le législateur au Code criminel va dans le même sens qu’une interprétation du paragraphe 29(1) de la Loi qui autorise le ministre à restituer toute partie de biens saisis lorsqu’il est convaincu qu’il ne s’agit pas de « produits de la criminalité ».
iv) Analyse téléologique
[69] L’article 3 de la Loi en expose l’objet. L’examen de la disposition permet de constater l’accent qui y est mis sur la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité, le financement d’activités terroristes et la criminalité organisée. L’alinéa 3a) précise que les diverses mesures administratives établies par la Loi visent à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes. Ces mesures consistent notamment à imposer des obligations de tenue de documents, d’identification des clients et de déclaration des opérations douteuses ainsi que des mouvements transfrontaliers d’espèces, et à constituer le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada. L’alinéa 3b) requiert qu’un équilibre soit établi entre la nécessité de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements dont ils ont besoin et la nécessité de protéger la vie privée. Enfin, l’alinéa 3c) reconnaît que la Loi a aussi pour rôle d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational, particulièrement le recyclage des produits de la criminalité et la lutte contre les activités terroristes.
[70] Les dispositions à l’examen ont été ajoutées à la Loi lors de l’entrée en vigueur du projet de loi C-22 intitulé Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, 1re sess., 36e lég., 2000 (sanctionné le 29 juin 2000 [L.C. 2000, ch. 17]). La Bibliothèque du Parlement a publié un résumé législatif du projet de loi intitulé Projet de loi C-22 : Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, rédigé par Geoffrey Kieley, LS-355F (le 9 février 2000; révisé le 5 mai 2000).
[71] Le résumé législatif fait état de ce qui suit (aux pages 2 et 3) : « L’objet général du projet de loi [projet de loi C-22] est de remédier aux insuffisances de la législation canadienne sur le recyclage de l’argent, telles qu’elles ont été circonscrites dans le rapport de 1997-1998 du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI) formé par le G7 ». Le GAFI est un organisme intergouvernemental voué à l’élaboration et à la promotion de politiques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (le recyclage des produits de la criminalité pour nos fins). En 1990, le GAFI a élaboré 40 recommandations que chaque pays était encouragé à adopter : Groupe d’action financière (GAFI), Les quarante recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux, 1990 (Paris : GAFI, 1990). Les 40 recommandations offraient un cadre général aux mesures visant à contrer le blanchiment de capitaux et se voulaient d’application universelle.
[72] En 1997 et 1998, le GAFI a évalué dans quelle mesure le Canada avait mis en œuvre des mesures efficaces de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le régime canadien en la matière a été jugé être, dans son ensemble, conforme pour l’essentiel à presque toutes les recommandations de 1990. Cela dit, comme l’auteur l’indique dans son résumé législatif, une lacune a été relevée :
La seule grande faiblesse dans ce domaine réside dans l’incapacité des autorités à répondre de façon efficace aux demandes d’entraide en matière de blocage et de confiscation. On admet généralement que l’utilisation des procédures de lutte contre le blanchiment en matière de saisie, de blocage et de confiscation du produit d’infractions commises dans d’autres pays est parfois inefficace, et il convient de modifier la loi pour permettre d’exécuter directement des demandes étrangères de confiscation.
[73] Parmi les autres problèmes signalés par le GAFI figurait l’incapacité du Canada à faire exécuter directement les ordonnances de confiscation ayant trait aux produits de crimes commis à l’étranger, ainsi que la nécessité d’exiger la déclaration des mouvements transfrontaliers importants de devises et d’instruments monétaires.
[74] À mon avis, aucun de ces énoncés d’objectifs ne permet de saisir l’interprétation qu’il convient de donner au paragraphe 29(1) de la Loi. Les 40 recommandations peuvent toutefois nous être d’une certaine utilité, plus particulièrement la recommandation 8 reproduite ci-après :
8. Les pays devraient, en tant que de besoin, adopter des mesures similaires à celles indiquées dans la Convention de Vienne, y compris des mesures législatives, afin que leurs autorités compétentes soient en mesure de confisquer les biens blanchis, les produits en découlant, ainsi que les instruments utilisés ou devant l'être pour commettre toute infraction de blanchiment, ou encore des biens de valeur correspondante.
De telles mesures devraient permettre : (1) d'identifier, [de] retrouver et [d’]estimer les biens faisant l’objet d'une mesure de confiscation; (2) de mettre en œuvre des mesures provisoires, tels le gel et la saisie, afin de faire obstacle à toute transaction, transfert ou cession de tels biens, et (3) de prendre toutes mesures d'enquête appropriées.
Outre la confiscation et les sanctions pénales, certains pays envisagent aussi des sanctions pécuniaires et civiles et/ou des poursuites judiciaires notamment devant une juridiction civile, afin d'annuler les contrats conclus lorsque les parties savaient ou auraient dû savoir que le contrat préjudicierait à la faculté pour ce pays de recouvrer ces prétentions pécuniaires, par exemple, par le biais d'une confiscation ou en infligeant des amendes et autres peines. [Non souligné dans l’original.]
[75] La lecture de cette recommandation montre que :
i) les biens à confisquer devaient être liés au crime de blanchiment de capitaux : ces biens doivent avoir été préalablement identifiés et leur provenance doit avoir été attribuée à ce crime;
ii) les pays étaient encouragés à recourir, en plus de la confiscation et des sanctions pénales, aux sanctions pécuniaires et civiles.
[76] À mon avis, la teneur et l’objet de la recommandation 8 permettent d’interpréter le paragraphe 29(1) de la Loi de manière à autoriser le ministre à annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies lorsqu’il est convaincu qu’une partie vérifiable de ces fonds ne sont pas des produits de la criminalité. Cela s’explique par le fait que la recommandation 8 lie la confiscation à des activités criminelles, et non à des activités légitimes. Fait important, il faut pouvoir retracer l’origine criminelle du bien susceptible de confiscation. Pour ce qui est de l’argument du ministre selon lequel la confiscation de fonds légitimes encourage la déclaration des mouvements transfrontaliers importants d’espèces, cet objectif est réalisé par l’imposition par le gouverneur en conseil des pénalités qu’il choisit de prescrire dans le Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412.
[77] L’interprétation selon laquelle l’objet du projet de loi C-22 permet d’interpréter le paragraphe 29(1) de manière à autoriser le ministre à annuler partiellement une confiscation est étayée par certains commentaires formulés par le secrétaire d’État chargé des Institutions financières internationales à la deuxième lecture du projet de loi C-22. S’exprimant au nom du ministre des Finances, le secrétaire d’État, Jim Peterson, a fait observer : « Le projet de loi a un but, c’est-à-dire aider à rendre la criminalité moins rentable » (non souligné dans l’original).
v) Conclusion de l’analyse relative à l’interprétation législative
[78] Après avoir fait l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique requise, j’estime que le paragraphe 29(1) de la Loi autorise le ministre à annuler la confiscation d’une partie des espèces saisies s’il est convaincu qu’il ne s’agit pas de produits de la criminalité. Si le libellé de la Loi est quelque peu ambigu, son contexte et son objet donnent ouverture à une seule interprétation raisonnable, puisqu’il s’agit d’un de ces cas où les méthodes habituelles d’interprétation législative mènent à une unique interprétation qui soit raisonnable (voir l’arrêt McLean, au paragraphe 38). L’interprétation du ministre était, par conséquent, déraisonnable.
C. La juge était-elle tenue, en raison du principe de courtoisie judiciaire, d’accepter l’interprétation faite par le ministre?
[79] Le ministre invoque également le fait que la juge aurait refusé, sans justification valable, d’appliquer la doctrine de la courtoisie judiciaire. Cet argument ne saurait aider le ministre pour les motifs exposés ci-après.
[80] Premièrement, le ministre soutient que la juge aurait dû rendre une ordonnance conforme au droit, tel qu’établi par la jurisprudence, tout en exprimant son désaccord et les raisons de ce désaccord dans les motifs de son ordonnance. Cependant, j’ai jugé l’interprétation du ministre déraisonnable après avoir examiné les principes applicables d’interprétation législative. Par voie de conséquence, la jurisprudence antérieure de la Cour fédérale était erronée. Il s’ensuit que la décision de la juge de ne pas suivre cette jurisprudence n’a aucune incidence.
[81] Deuxièmement, la jurisprudence antérieure de la Cour fédérale, à compter du jugement Admasu c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 451, était fondée sur une analyse textuelle du paragraphe 29(1). Une analyse contextuelle et téléologique étant également requise, la juge était justifiée de déroger à la jurisprudence. La juge a motivé cette dérogation, et le motif premier présenté était fondé sur une analyse téléologique de la disposition en cause.
VII. Conclusion
[82] Pour ces motifs, je rejetterais l’appel.
La Gauthier, J.C.A. : Je suis d’accord.
La Trudel, J.C.A. : Je suis d’accord.
ANNEXE
L’article 3, les paragraphes 12(1) et (3) et 18(1) et (2), les articles 23 et 24 les paragraphes 24.1(1) et (2) ainsi que les articles 25, 28 et 29 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17, disposent :
3. La présente loi a pour objet : a) de mettre en œuvre des mesures visant à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes, notamment : (i) imposer des obligations de tenue de documents et d’identification des clients aux fournisseurs de services financiers et autres personnes ou entités qui se livrent à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou d’activités susceptibles d’être utilisées pour le recyclage des produits de la criminalité ou pour le financement des activités terroristes, (ii) établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, (iii) constituer un organisme chargé du contrôle d’application des parties 1 et 1.1 et de l’examen de renseignements, notamment ceux portés à son attention au titre du sous-alinéa (ii); b) de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements leur permettant de priver les criminels du produit de leurs activités illicites, tout en assurant la mise en place des garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes à l’égard des renseignements personnels les concernant; c) d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational, particulièrement le recyclage des produits de la criminalité, et la lutte contre les activités terroristes; d) de renforcer la capacité du Canada de prendre des mesures ciblées pour protéger son système financier et de faciliter les efforts qu’il déploie pour réduire le risque que ce système puisse servir de véhicule pour le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. [. . .] |
Objet |
12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l'importation ou l'exportation des espèces ou effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire. [. . .] |
Déclaration |
(3) Le déclarant est, selon le cas : a) la personne ayant en sa possession effective ou parmi ses bagages les espèces ou effets se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle arrive au Canada ou quitte le pays ou la personne qui, dans les circonstances réglementaires, est responsable du moyen de transport; b) s’agissant d’espèces ou d’effets importés par messager ou par courrier, l’exportateur étranger ou, sur notification aux termes du paragraphe 14(2), l’importateur; c) l’exportateur des espèces ou effets exportés par messager ou par courrier; d) le responsable du moyen de transport arrivé au Canada ou qui a quitté le pays et à bord duquel se trouvent des espèces ou effets autres que ceux visés à l’alinéa a) ou importés ou exportés par courrier; e) dans les autres cas, la personne pour le compte de laquelle les espèces ou effets sont importés ou exportés. [. . .] |
Déclarant |
18. (1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets. |
Saisie et confiscation |
(2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu'il s'agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes. [. . .] |
Mainlevée |
23. Sous réserve du paragraphe 18(2) et des articles 25 à 31, les espèces ou effets saisis en application du paragraphe 18(1) sont confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada à compter de la contravention au paragraphe 12(1) qui a motivé la saisie. La confiscation produit dès lors son plein effet et n’est assujettie à aucune autre formalité. […] |
Moment de la confiscation |
24. La saisie-confiscation d’espèces ou d’effets effectuée en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 24.1 et 25. |
Conditions de révision |
24.1 (1) Le ministre ou l’agent que le président délègue pour l’application du présent article peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie effectuée en vertu du paragraphe 18(1) ou l’établissement de la pénalité réglementaire visée au paragraphe 18(2) : a) si le ministre est convaincu qu’aucune infraction n’a été commise, annuler la saisie, ou annuler ou rembourser la pénalité; b) s’il y a eu infraction mais que le ministre est d’avis qu’une erreur a été commise concernant la somme établie ou versée et que celle-ci doit être réduite, réduire la pénalité ou rembourser le trop-perçu. |
Mesures de redressement |
(2) La somme qui est remboursée à une personne ou entité en vertu de l’alinéa (1)a) est majorée des intérêts au taux réglementaire, calculés à compter du lendemain du jour du paiement de la somme par celle-ci jusqu’à celui de son remboursement. |
Intérêt |
25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre au moyen d’un avis écrit ou de toute autre manière que celui-ci juge indiquée de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1). [. . .] |
Demande de révision |
28. Si le ministre décide qu’il n’y a pas eu de contravention au paragraphe 12(1), le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il est informé de la décision du ministre, restitue la valeur de la pénalité réglementaire, les espèces ou effets ou la valeur de ceux-ci au moment de la saisie, selon le cas. |
Cas sans contravention |
29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe : a) soit restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux-ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité; b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2); c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34. Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b). |
Cas de contravention |
(2) En cas de vente ou autre forme d’aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis, le montant de la somme versée en vertu de l’alinéa (1)a) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l’aliénation, aucun paiement n’est effectué. |
Limitation du montant versé |
L’expression « produits de la criminalité » est définie comme suit au paragraphe 462.3(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 :
462.3 (1) […] |
Définitions |
« produits de la criminalité » Bien, bénéfice ou avantage qui est obtenu ou qui provient, au Canada ou à l’extérieur du Canada, directement ou indirectement : a) soit de la perpétration d’une infraction désignée; b) soit d’un acte ou d’une omission qui, au Canada, aurait constitué une infraction désignée. |
« produits de la criminalité » “proceeds of crime” |