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A-45-13

2014 CAF 4

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (appelants)

c.

Nuwan Dilusha Jayamaha Mudalige Don (intimé)

Répertorié : Mudalige Don c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour d’appel fédérale, juges Noël, Gauthier et Mainville, J.C.A. —Montréal, 3 décembre 2013; Ottawa, 10 janvier 2014.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Mesure de renvoi — Appel d’une décision par laquelle la Cour fédérale a accueilli une demande de contrôle judiciaire visant la décision d’un délégué du ministre de prendre une mesure de renvoi, en application de l’art. 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, à l’encontre de l’intimé — La mesure de renvoi a été prise parce que l’intimé, un citoyen du Sri Lanka arrivé au Canada à bord du M/V Lake Ontario (le navire), n’a pas respecté les dispositions de l’art. 184(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — Le Règlement exigeait que l’intimé quitte le Canada dans les 72 heures après avoir perdu la qualité de membre d’équipage — Le délégué du ministre a dressé contre l’intimé un rapport d’interdiction en vertu de l’art. 44(1) de la Loi et a ensuite émis une mesure de renvoi en vertu de l’art. 44(2) ― Quelques jours plus tard, l’intimé a demandé l’asile ― Cette demande a été refusé en raison de l’art. 99(3) qui prévoit qu’une personne visée par une mesure de renvoi n’est pas admise à faire une demande d’asile ― La Cour fédérale a jugé que le délégué avait manqué à son obligation d’équité procédurale en prenant une mesure de renvoi avant que l’intimé ait pu communiquer avec les autorités canadiennes d’immigration, et que les dispositions d’une certaine directive de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) accordaient des droits de participation à l’intimé ― Il s’agissait de savoir si les appelants avaient manqué à leur obligation d’équité procédurale par la prise d’une mesure de renvoi sans avoir accordé à l’intimé la possibilité d’être entendu et sans avoir tenté de communiquer avec lui ― L’intimé pouvait demander l’asile au cours des 72 heures après avoir déserté le navire ou avant qu’une mesure de renvoi ne soit prise ― L’intimé ne s’étant pas prévalu de cette possibilité, un rapport d’interdiction de territoire pouvait être établi et une mesure de renvoi prise ― L’intimé n’avait pas d’adresse connue au Canada ― Une personne qui conteste une décision au motif qu’elle a été rendue sans préavis doit être joignable ― En l’espèce, l’intimé voulait échapper aux autorités de l’immigration jusqu’à ce que le navire qu’il avait déserté ait quitté le Canada ― Cette attitude était incompatible avec l’exercice du droit d’être entendu ― Les directives de CIC en cause dans la présente affaire ne donnaient pas lieu à l’attente légitime que l’intimé soit entendu ― Elles ne sont pas « claires, nettes et explicites », contrairement à ce qui est enseigné par l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) ― Elles ne prévoient pas non plus la marche à suivre dans le cas où les autorités ne disposent pas des coordonnées d’une personne ― Les directives de CIC régissant les mesures de renvoi prises par contumace sur lesquelles s’est appuyé la Cour fédérale ne visent pas les personnes dont les coordonnées ne sont pas disponibles ― L’engagement de faire des efforts raisonnables, prévu aux directives relatives à la rédaction des rapports établis en vertu l’art. 44(1) de la Loi, ne donnaient pas lieu à une attente légitime que des efforts seraient consentis en l’espèce ― C’est à l’intimé qu’il incombait de transmettre ses coordonnées et non l’inverse ― Vu le défaut de l’intimé de se présenter aux autorités et sa décision de demeurer dans la clandestinité pendant les 12 jours précédant la prise de la mesure de renvoi, il était loisible au délégué du ministre de procéder in absentia ― Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale ― Il est à présumer qu’en prévoyant une prise rapide d’une mesure de renvoi, le législateur a agi de façon cohérente et qu’il connaissait pleinement les effets de cette mesure sur le droit de présenter une demande d’asile ― Les personnes qui désertent leur navire au Canada afin d’y demander l’asile doivent se présenter devant les autorités de l’immigration et faire leur demande sans délai, et non pas lorsque cela leur convient ― Appel accueilli.

Il s’agissait de l’appel d’une décision de la Cour fédérale par laquelle celle-ci a accueilli une demande de contrôle judiciaire visant la décision d’un délégué du ministre de prendre une mesure de renvoi, en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), à l’encontre de l’intimé, parce que celui‑ci n’a pas respecté les dispositions du paragraphe 184(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) qui exigeait de lui qu’il quitte le Canada dans les 72 heures après avoir perdu la qualité de membre d’équipage.

L’intimé, citoyen du Sri Lanka, faisait partie de l’équipage du navire M/V Lake Ontario (le navire), immatriculé à l’étranger. Le navire a accosté au port d’Oshawa le 27 novembre 2011. Le 2 décembre 2011, l’agent du navire a déposé un avis de désertion auprès des autorités selon lequel l’intimé avait déserté le navire le 1er décembre 2011.

Un rapport d’interdiction en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi a été dressé contre l’intimé, parce que l’intimé n’avait pas respecté les dispositions du paragraphe 184(1) du Règlement, qui l’obligeaient à quitter le Canada dans les 72 heures après avoir perdu la qualité de membre d’équipage. Le délégué du ministre a ensuite émis, en application du paragraphe 44(2) de la Loi et du sous‑alinéa 228(1)c)(v) du Règlement, une mesure de renvoi à l’encontre de l’intimé. Quelques jours plus tard, l’intimé s’est présenté lui-même devant les autorités canadiennes de l’immigration et a demandé l’asile. Cette demande d’asile a été refusée étant donné que selon le paragraphe 99(3) de la Loi, la personne visée par une mesure de renvoi n’est pas admise à faire une demande d’asile.

La Cour fédérale a jugé que le délégué du ministre avait manqué à son obligation d’équité procédurale en prenant une mesure d’exclusion contre le demandeur avant que celui-ci ait pu communiquer avec les autorités canadiennes d’immigration, et que les dispositions d’une certaine directive de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) accordaient explicitement des droits de participation aux personnes qui font l’objet de la procédure prévue par le paragraphe 44(2). En l’espèce, non seulement l’intimé n’avait pas été informé, mais rien ne laissait croire que l’on ait tenté de communiquer avec lui. Par conséquent, selon la Cour fédérale, le délégué avait manqué à son obligation d’agir équitablement en prenant une mesure d’exclusion à son égard in absentia avant que l’intimé ait communiqué avec les autorités d’immigration.

Il s’agissait de savoir si les appelants ont manqué à leur obligation d’équité procédurale envers l’intimé par la prise d’une mesure de renvoi à son encontre sans lui avoir au préalable accordé la possibilité d’être entendu ou tenté de communiquer avec lui.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Lorsqu’il a déserté le navire, l’intimé a perdu tout statut au Canada et il avait l’obligation de quitter le pays dans les 72 heures, à défaut de quoi, il devait se présenter devant un agent d’immigration pour contrôle afin de faire régulariser sa situation. Outre le fait qu’il s’est soustrait au contrôle des fonctionnaires de l’immigration pour 15 jours, l’intimé n’avait pas d’adresse connue au Canada. Une personne qui se trouve dans la situation de l’intimé, qui conteste une décision au motif qu’elle a été rendue sans préavis, doit pouvoir démontrer qu’elle était joignable. À tout le moins, il faut que la personne fournisse aux autorités de l’immigration les moyens de la joindre au Canada. En l’espèce, non seulement ces moyens n’ont pas été fournis, mais l’intimé voulait aussi échapper aux autorités de l’immigration jusqu’à ce qu’il soit convaincu que le navire qu’il avait déserté avait quitté le Canada. Cette attitude était incompatible avec l’exercice du droit d’être entendu. Il n’était pas possible de conclure que le délégué du ministre a pris la mesure de renvoi en violation du droit de l’intimé d’être entendu.

Les directives de CIC en cause dans la présente affaire ne donnaient pas lieu à l’attente légitime que l’intimé soit entendu. Ces directives ne sont pas « claires, nettes et explicites » et ne prévoient pas la marche à suivre dans le cas où les autorités ne disposent pas des coordonnées d’une personne, contrairement à ce qui est enseigné par l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile). Les directives de CIC qui régissent les mesures de renvoi prises par contumace sur lesquelles s’est appuyé la Cour fédérale ne satisfont pas non plus à ce critère puisqu’elles ne visent pas les personnes dont les coordonnées ne sont pas disponibles. Le délégué du ministre ne disposait d’aucun renseignement qui lui aurait permis de savoir à quel endroit ou de quelle manière il aurait pu aviser l’intimé au moment où il a pris la mesure de renvoi. L’engagement de faire des efforts raisonnables, prévu aux directives relatives à la rédaction des rapports établis en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi, ne donnaient pas lieu à une attente légitime que des efforts seraient consentis en l’espèce. En résumé, c’est à l’intimé qu’il incombait de transmettre ses coordonnées, et non l’inverse. Étant donné le défaut de l’intimé de se présenter aux autorités de l’immigration et sa décision de demeurer dans la clandestinité pendant les 12 jours qui ont précédé la prise de la mesure de renvoi, il était loisible au délégué du ministre de procéder in absentia. Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

La Cour fédérale a jugé que n’était pas pertinent le fait que l’intimé n’ait pas transmis ses coordonnées et qu’il ait voulu échapper au contrôle des fonctionnaires de l’immigration pendant la période qui a précédé la prise de la mesure de renvoi. Ce raisonnement ne tient compte ni du libellé ni de l’objet des textes législatifs pertinents. Les modifications apportées au Règlement en 1993 avaient pour objet de permettre d’agir rapidement lorsqu’une personne cessait d’être un membre d’équipage. Avant cette modification, aucune mesure d’exécution ne pouvait être prise avant que le navire ait quitté le port. Bien que dans certains cas, la mesure d’exécution, même si elle est autorisée, doive être reportée, ce n’est pas le cas lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un marin déserteur vit dans la clandestinité. Dans la présente affaire, les fonctionnaires de l’immigration ont attendu neuf jours après l’expiration du délai de 72 heures pour prendre des mesures d’exécution. Étant donné que l’intimé ne s’était pas encore présenté devant les autorités de l’immigration, les fonctionnaires avaient des motifs raisonnables de croire qu’il était en clandestinité. Les fonctionnaires de l’immigration n’ont pas agi de façon précipitée. Il est à présumer qu’en prévoyant la prise rapide d’une mesure de renvoi, le législateur a agi de façon cohérente et qu’il connaissait pleinement les effets de cette mesure sur le droit de présenter une demande d’asile. Il s’ensuit que les personnes qui désertent leur navire au Canada afin d’y demander l’asile doivent se présenter devant les autorités de l’immigration et faire leur demande sans délai. Le délai de 72 heures indique clairement qu’elles ne peuvent pas s’attendre à pouvoir faire cette demande lorsque cela leur convient.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 27(2)j) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 16(8)).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 47, art. 18(1), 29(2), 44(1),(2), 55(1), 74d), 99(3), 148(1)f).

Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172, art. 12.1 (édicté par DORS/93-44, art. 12).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 3(1)b), 52(2)g), 184(1), 186s), 190(3.1), 228(1)c)(v), 268(1), 274, 276, 278.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559; Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, [2002] 1 R.C.S. 249.

décisions examinées :

Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2007] 1 R.C.F. 409.

décisions citées :

Yu c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 42; Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23; Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, [2012] 1 R.C.S. 23; Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504.

DOCTRINE CITÉE

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF). Chapitre ENF 5 « Rédaction des rapports en vertu du L44(1) », en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/enf/enf05-fra.pdf>.

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF). Chapitre ENF 6 « L’examen des rapports établis en vertu de la L44(1) », en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/enf/enf06-fra.pdf>.

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF). Chapitre ENF 17 « Formalités liées au transport maritime », en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/enf/enf17-fra.pdf>.

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide opérationnel :Traitement des demandes au Canada (IP). Chapitre 10 « Refus des cas de sécurité nationale/Traitement des demandes en vertu de l’intérêt national », en ligne : http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/ip/ip10-fra.pdf>.

APPEL d’une décision de la Cour fédérale (2013 CF 1, [2014] 3 R.C.F. 3) d’accueillir une demande de contrôle judiciaire visant la décision du délégué du ministre de prendre une mesure de renvoi à l’égard de l’intimé. Appel accueilli.

ONT COMPARU

Normand Lemyre et Andrea Shahin pour les appelants.

Peter Shams et Jared Will pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada pour les appelants.

Peter Shams et Jared Will, Montréal, pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Noël, J.C.A. : La Cour est saisie de l’appel d’une décision [2013 CF 1, [2014] 3 R.C.F. 3] par laquelle la juge Tremblay‑Lamer de la Cour fédérale (la juge de la Cour fédérale) a accueilli une demande de contrôle judiciaire visant la décision d’un délégué du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le délégué du ministre) de prendre une mesure de renvoi, en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre de M. Nuwan Dilusha Jayamaha Mudalige Don (l’intimé) parce que celui‑ci n’a pas respecté les dispositions du paragraphe 184(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) qui exigeait de lui qu’il quitte le Canada dans les 72 heures après avoir perdu la qualité de membre d’équipage.

[2]        Dans le cadre de sa décision, la juge de la Cour fédérale a certifié la question de portée générale suivante (motifs, paragraphe 43) :

La mesure de renvoi prononcée par le ministre en vertu du sous‑alinéa 228(1)c)(v) du [Règlement], avant que le membre d’équipage visé par celle‑ci puisse contacter les autorités d’immigration, porte‑t‑elle atteinte à l’équité procédurale en ce sens qu’elle prive l’étranger de présenter une demande d’asile?

[3]        Par les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’il y a lieu de répondre par la négative à cette question et que l’appel devrait être accueilli.

[4]        Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe des présents motifs.

LES FAITS

[5]        L’intimé, citoyen du Sri Lanka, faisait partie de l’équipage du navire M/V Lake Ontario (le navire), immatriculé à l’étranger. Il est devenu membre de cet équipage dans la ville portuaire d’Annaba, en Algérie, le ou vers le 11 juillet 2011 (dossier d’appel, pages 89 et 123).

[6]        Selon la formulaire d’entrée des douanes canadiennes remplie par le capitaine du navire (formulaire A5 (1/51)) à son arrivée au Canada, le navire a entrepris son voyage au port de Dordrecht, aux Pays‑Bas. De là, le navire a fait escale dans trois villes portuaires méditerranéennes, la dernière étant Nemrut Bay, en Turquie; ensuite, le navire s’est rendu à Montréal puis à Oshawa (dossier d’appel, page 83).

[7]        Le navire a accosté au port d’Oshawa le 27 novembre 2011 (motifs, paragraphes 2 et 3). Le 2 décembre 2011, l’agent du navire, la Currie Maritime Corporation (le transporteur), a déposé un avis de désertion auprès des autorités de Douanes et Accise à Hamilton (Ontario), selon lequel deux membres d’équipage avaient déserté le navire le 1er décembre 2011; l’intimé était l’un d’eux (dossier d’appel, pages 83 et 84).

[8]        Le 4 décembre 2011, le navire a quitté Oshawa en direction du port de Duluth, Minnesota (dossier d’appel, page 83). Selon l’avis préalable d’entrée transmis aux douanes canadiennes par le transporteur, le navire devait ensuite repasser par le port de Montréal, puis retourner à Dordrecht par le même trajet qu’à l’aller, son point de départ (dossier d’appel, page 87).

[9]        Le 8 décembre 2012, les autorités de l’immigration ont été en mesure de déterminer le pays de naissance de l’intimé, sa citoyenneté, son âge et son état civil (célibataire), et d’établir son signalement (dossier d’appel, pages 80, 84 et 89).

[10]      Le 12 décembre 2011, un agent du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration a dressé un rapport d’interdiction en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi, parce que l’intimé n’avait pas respecté les dispositions du paragraphe 184(1) du Règlement, qui l’obligeaient à « quitter le Canada dans les soixante-douze heures après avoir perdu cette qualité [membre d’équipage] » (dossier d’appel, pages 75 et 76).

[11]      Le 13 décembre 2011, le délégué du ministre a émis, en application du paragraphe 44(2) de la Loi et du sous‑alinéa 228(1)c)(v) du Règlement, une mesure de renvoi ou, plus précisément, une mesure d’exclusion à l’encontre de l’intimé (dossier d’appel, pages 73 et 74). Le même jour, les autorités canadiennes de l’immigration ont lancé, en application du paragraphe 55(1) de la Loi, un mandat d’arrestation contre l’intimé (dossier d’appel, page 78), parce qu’il existait des motifs raisonnables de croire que celui‑ci était interdit de territoire et qu’il se soustrairait vraisemblablement au renvoi.

[12]      Après avoir reçu un avis de saisie, établi le 16 décembre 2011 par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le transporteur a remis aux autorités de l’immigration le passeport de l’intimé et un livret de marin délivré par la République du Libéria au nom de l’intimé (dossier d’appel, pages 95 à 110; avis de saisie, dossier des appelants relatif à une requête écrite visant à déposer de nouveaux éléments de preuve, page 6). Le 18 décembre 2011, les autorités de l’immigration ont reçu plusieurs autres documents du transporteur, soit : une pièce d’identité des gens de mer (Seafarer’s Book) délivrée par Antigua‑et‑Barbuda (dossier d’appel, pages 111 à 113); un livret de marin et des certificats de débarquement (dossier d’appel, pages 114 à 121); le contrat d’emploi de l’intimé (dossier d’appel, page 123); et une demande en ligne d’Antigua‑et‑Barbuda (dossier d’appel, page 131; avis de saisie, dossier des appelants relatif à une requête écrite visant à déposer de nouveaux éléments de preuve, page 12).

[13]      Parmi les renseignements produits par le transporteur, le 18 décembre 2011, se trouvait l’adresse de l’intimé au Sri Lanka, soit 523/A Wahatiyagoda, Pamunugama (dossier d’appel, pages 121, 123 et 131). Il s’agissait aussi de l’adresse de sa mère qu’il avait désignée comme son parent le plus proche dans les dossiers tenus par le transporteur (dossier d’appel, page 121).

[14]      Le 16 décembre 2011, l’intimé s’est présenté lui‑même devant les autorités canadiennes de l’immigration à Montréal et a demandé l’asile (dossier d’appel, pages 37 et 40). Dans l’affidavit produit devant la Cour fédérale à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, l’intimé a expliqué pourquoi il avait tardé à présenter sa demande d’asile (dossier d’appel, page 37) :

[traduction] À notre arrivée au Canada, le temps était très pluvieux, ce qui a obligé le navire à rester à quai pendant plusieurs jours; j’ai pu quitter le navire le 1er décembre 2011. À l’époque, j’ignorais que le navire repartirait le 3 décembre 2011 puisque je ne savais pas combien de temps il faudrait pour le décharger à cause de la pluie. Je suis donc allé à Montréal le jour suivant et j’y ai fait ma demande d’asile le 16 décembre 2011 parce que je savais que le navire serait parti à ce moment‑là et que je ne serais pas obligé d’y retourner.

[15]      Par lettre datée du 6 mars 2012, l’intimé a été informé que sa demande d’asile avait été refusée étant donné que [traduction] « selon le paragraphe 99(3) de la […] [Loi] la personne visée par une mesure de renvoi n’est pas admise à faire une demande d’asile » (dossier d’appel, page 42).

[16]      Le 21 mars 2012, l’intimé a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du délégué du ministre de prendre une mesure de renvoi contre lui. Le 3 janvier 2013, la juge de la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l’intimé, a annulé la mesure de renvoi et a renvoyé l’affaire pour nouvelle décision par un autre délégué du ministre. Dans son jugement, la juge de la Cour fédérale a certifié une question grave de portée générale en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi, d’où l’appel devant notre Cour.

DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[17]      La juge de la Cour fédérale a cerné comme suit la question dont elle était saisie (motifs, paragraphe 7) :

La question que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le délégué [du ministre] a manqué à son obligation d’équité procédurale en prenant une mesure d’exclusion contre le demandeur avant que celui‑ci ait pu communiquer avec les autorités canadiennes d’immigration.

[18]      Après avoir exposé les thèses des parties, la juge de la Cour fédérale a analysé les cinq facteurs recensés dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker) afin d’apprécier l’étendue de l’obligation d’équité procédurale dans l’affaire en cause, soit : 1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; 2) la nature du régime législatif et les termes de la loi définissant la mission de l’organisme; 3) l’importance de la décision pour la personne visée; 4) les attentes légitimes de la personne qui attaque la décision; et 5) les choix de procédure que l’organisme fait lui‑même (motifs, paragraphes 17 à 27).

[19]      Après avoir soupesé ces facteurs, la juge de la Cour fédérale a conclu que « le contenu de l’obligation d’équité procédurale dans le contexte de la présente espèce se situe à l’extrémité inférieure de la gamme des droits en la matière » (motifs, paragraphe 27). Afin de définir l’intensité de l’obligation d’équité procédurale dans la présente affaire, la juge de la Cour fédérale s’est appuyée sur l’arrêt Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2007] 1 R.C.F. 409 (Cha), paragraphe 52, où la Cour a recensé les exigences fondamentales de l’équité procédurale au regard d’un rapport d’exclusion et d’une ordonnance de renvoi fondés sur la criminalité (motifs, paragraphe 28).

[20]      Selon la juge de la Cour fédérale, les faits de l’espèce sont semblables à ceux de l’affaire Cha, à l’exception des deux éléments suivants : dans l’affaire Cha, l’étranger était uniquement interdit de territoire pour criminalité en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi et, contrairement à la situation de l’espèce, les autorités de l’immigration possédaient les coordonnées de l’étranger (motifs, paragraphe 29). S’agissant de la seconde distinction, la juge de la Cour fédérale a rejeté la thèse des appelants portant que la procédure proposée par la jurisprudence Cha ne s’appliquait pas aux marins déserteurs dont les coordonnées ne sont pas disponibles (motifs, paragraphe 30).

[21]      La juge de la Cour fédérale a ajouté que les sections 5.1 et 16 du Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF), chapitre ENF 6 « L’examen des rapports en vertu du L44(1) » de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) accordent explicitement des droits de participation aux personnes qui font l’objet de la procédure prévue par le paragraphe 44(2) (motifs, paragraphes 31 et 32). Compte tenu de ces directives et du raisonnement retenu par la Cour à l’occasion de l’affaire Cha, la juge de la Cour fédérale a conclu en ces termes (motifs, paragraphe 33) :

[…] un marin déserteur bénéficie de certains droits de participation tant que le délégué n’a pas pris une mesure de renvoi à son égard en application du paragraphe 44(2) de la Loi et du paragraphe 184(1) du Règlement. […] tout le moins, avant de faire l’objet d’une mesure de renvoi, l’individu a le droit de recevoir une copie du rapport de l’agent d’immigration et de présenter des preuves ou de faire connaître son point de vue au délégué.

[22]      En l’espèce, non seulement l’intimé n’a pas été informé, mais rien ne laisse croire que l’on ait tenté de communiquer avec lui (motifs, paragraphe 34). Par conséquent, « le délégué a manqué à son obligation d’agir équitablement en prenant une mesure d’exclusion à l’égard [de l’intimé] in absentia avant que celui‑ci ait communiqué avec les autorités d’immigration » (motifs, paragraphe 34; non souligné dans l’original).

[23]      De plus, la juge de la Cour fédérale a rejeté l’allégation des appelants selon laquelle l’annulation de la mesure de renvoi ne serait d’aucune utilité dans les circonstances. Après avoir passé en revue la jurisprudence pertinente, elle a signalé que la personne visée par un rapport d’interdiction de territoire établi en vertu du paragraphe 44(1) peut demander l’asile dans la mesure où elle fait sa demande avant qu’une mesure de renvoi ne soit prise contre elle (motifs, paragraphes 35 à 37). Ainsi, « [l]e fait d’annuler cette mesure d’exclusion parce qu’elle a porté atteinte au droit à l’équité procédurale [de l’intimé] lui donnera la possibilité de présenter une demande d’asile » (motifs, paragraphe 35).

POSITION DES APPELANTS

[24]      Les appelants commencent leurs observations par un rappel de l’historique législatif et de l’objet visé par le délai de 72 heures qui vise les membres d’équipage (mémoire des appelants, paragraphes 42 et 43) :

[traduction] […] le paragraphe 184(1) de la version actuelle du Règlement, qui prévoit un délai de 72 heures, a été adopté dans le même esprit que les modifications susmentionnées en 1993, c’est‑à‑dire permettre aux agents d’immigration de prendre sans délai des mesures d’exécution contre les marins déserteurs, plutôt qu’attendre que le navire ait quitté le Canada. Cette disposition facilite donc la lutte contre les activités de passage de clandestins où des migrants illégaux sont amenés au Canada comme membres d’équipage, puis désertent le navire. Le délai de 72 heures prévu au paragraphe 184(1) limite les abus relatifs à l’exemption de visas de visiteurs pour les membres d’équipage [et] […] dissuade les marins déserteurs de demeurer au Canada illégalement pendant une période indéfinie. »

[25]      Les appelants soutiennent que la teneur de l’obligation d’équité procédurale doit tenir compte de cet objet et de ce contexte particuliers, ce qui permettra de déterminer [traduction] « ce que l’obligation d’équité procédurale peut raisonnablement comporter comme exigences auxquelles l’autorité compétente en matière de droits procéduraux spécifiques doit satisfaire dans un cadre législatif et administratif particulier » (mémoire des appelants, paragraphes 44 et 45). Les appelants soulignent que, vu la situation dans laquelle se trouvent les marins déserteurs [traduction] « qui, par définition, ne possèdent pas d’adresse connue au Canada et ne sont pas soumis à un autre contrôle de l’immigration avant de décider de se présenter devant les autorités canadiennes », les procédures relatives à la transmission d’avis et à l’organisation d’entrevues sont à la fois impraticables et non-souhaitables (mémoire des appelants, paragraphe 48).

[26]      Selon les appelants, les faits des affaires Cha et Baker se distinguent facilement de la présente espèce parce que, dans ces deux cas, les autorités canadiennes de l’immigration possédaient les coordonnées de l’étranger (mémoire des appelants, paragraphes 49 et 50). Par contre, les autorités de l’immigration ne peuvent tout simplement pas communiquer avec un marin déserteur qui n’a pas d’adresse ou de numéro de téléphone au Canada et qui ne souhaite pas être retracé (mémoire des appelants, paragraphe 52).

[27]      Les appelants soutiennent que la juge de la Cour fédérale a commis une erreur en omettant de tenir compte du fait qu’il incombe aux marins déserteurs de se présenter devant les autorités canadiennes de l’immigration afin de régulariser leur statut et de demander l’asile à l’intérieur du délai prévu (mémoire des appelants, paragraphe 56). La juge de la Cour fédérale a aussi commis une erreur en imposant aux appelants le fardeau de communiquer avec l’intimé alors qu’ils ne disposaient d’aucun renseignement pour le joindre (mémoire des appelants, paragraphe 57).

[28]      Les appelants soutiennent que la question certifiée par la juge de la Cour fédérale illustrerait mieux la question de portée générale qui se pose en l’espèce si elle était formulée de la façon suivante (mémoire des appelants, paragraphe 22) :

[traduction] Le ministre peut‑il prendre in absentia à l’égard d’un étranger une mesure de renvoi fondée sur le sous‑alinéa 228(1)c)(v) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, (le Règlement), pour manquement à l’obligation de se conformer à la condition imposée aux membres d’équipage au paragraphe 184(1) du Règlement?

POSITION DE L’INTIMÉ

[29]      S’appuyant sur l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 (Agraira), l’intimé soutient qu’il découle des directives de CIC une attente légitime selon laquelle les procédures qui y figurent [traduction] « seront respectées et que le défaut de les adopter constitue une violation du droit à l’équité procédurale » (mémoire de l’intimé, paragraphe 67). Suivant ces directives, l’intimé pourrait légitimement s’attendre à ceci (mémoire de l’intimé, paragraphe 70) :

[traduction] a) que l’on évite autant que possible les procédures par contumace (in absentia); b) que l’on ne prenne aucune mesure de renvoi sans que l’on ait d’abord déterminé si la personne visée à l’intention de demander l’asile; et c) […] si des procédures par contumace peuvent se justifier dans des circonstances exceptionnelles, que l’on ne recoure à de telles mesures qu’après qu’un avis ait été envoyé à la dernière adresse connue de la personne visée, après avoir déployé des efforts raisonnables pour s’enquérir de ladite adresse. [Non souligné dans l’original.]

[30]      L’intimé insiste sur le fait que, selon les directives, certaines garanties procédurales doivent être respectées avant qu’une mesure de renvoi puisse être prise, comme l’épuisement de tous les moyens raisonnables pour aviser la personne concernée (mémoire de l’intimé, paragraphes 55 à 60). L’intimé fait valoir ce qui suit (mémoire de l’intimé, paragraphe 64) :

[traduction] […] conformément aux principes généraux relatifs aux procédures par contumace, les mesures prises en l’espèce étaient inéquitables; la mesure de renvoi doit donc être annulée parce que l’agent et le délégué n’ont même pas essayé d’aviser l’intimé de l’existence de la procédure et ont agi uniquement sur la foi du rapport de l’agent.

[31]      Il aurait été possible d’aviser l’intimé en l’espèce étant donné que le délégué du ministre disposait de son adresse au Sri Lanka (mémoire de l’intimé, paragraphe 17); de plus, il ressort du dossier que l’intimé communiquait parfois avec des membres de sa famille dans son pays d’origine. Vu ces éléments, [traduction] « un avis par la poste aurait sûrement permis d’obtenir le résultat recherché » (mémoire de l’intimé, paragraphe 89).

[32]      À l’instar des appelants, l’intimé estime que la question de portée générale cernée par la juge de la Cour fédérale aurait pu être mieux formulée. L’intimé propose la question suivante (mémoire de l’intimé, paragraphe 44) :

[traduction] Lorsqu’un étranger entre au Canada comme membre d’équipage et que sa désertion est signalée, le ministre, qui ne possède pas les coordonnées de l’étranger au Canada, peut‑il entamer des procédures et prendre une mesure de renvoi, par contumace, sans d’abord tenter de communiquer avec la personne?

ANALYSE ET DÉCISION

Question certifiée

[33]      Je ne vois pas pour quels motifs je reformulerais la question certifiée par la juge de la Cour fédérale. En effet, la question certifiée doit découler des motifs formulés à l’appui de la décision. Contrairement à ce que semblent croire les appelants, les motifs de la juge de la Cour fédérale ne visent pas l’ensemble des marins déserteurs, mais plutôt ceux qui, comme l’intimé, quittent leur navire dans le but de demander l’asile. Par conséquent, il est tout à fait approprié que la question soit axée sur le fait que la mesure de renvoi ait pour effet d’empêcher l’étranger de demander l’asile.

[34]      Par ailleurs, l’intimé estime que la question devrait essentiellement porter sur le fait que le délégué du ministre n’a fait aucun effort pour communiquer avec lui. C’est un fait dont la juge de la Cour fédérale a tenu compte (motifs, paragraphe 34).

[35]      Cependant, la juge a conclu en dernière analyse que, vu la situation de l’intimé, le délégué du ministre ne pouvait prendre aucune mesure de renvoi avant que l’intimé ait communiqué avec les autorités de l’immigration. C’est la question qu’elle a cernée, au paragraphe 7 de ses motifs, comme étant au cœur de sa décision et qu’elle a tranchée au paragraphe 34. Étant donné qu’il s’agit du fondement de sa décision, il convient que la question certifiée porte sur ce fondement.

Norme de contrôle

[36]      S’agissant d’une question d’équité procédurale, la juge de la Cour fédérale a à bon droit conclu que la norme de contrôle dans l’affaire dont elle était saisie était celle de la décision correcte (Cha, paragraphe 16).

[37]      Nous devons donc rechercher si elle a appliqué correctement cette norme (Yu c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 42, paragraphe 19; Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23, paragraphe 18; Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, [2012] 1 R.C.S. 23, paragraphe 247; Agraira, paragraphe 46).

Y a‑t‑il eu violation de l’équité procédurale?

- Justice naturelle

[38]      Comme elle le précise sans ambiguïté au paragraphe 39 de ses motifs, la juge de la Cour fédérale n’avait pas l’intention de se prononcer sur un autre cas que celui de l’intimé. Pour bien comprendre la question soulevée en appel, il est essentiel d’examiner le contexte dans lequel la mesure de renvoi a été prise sans que l’intimé en eût été avisé au préalable.

[39]      Une partie de ce contexte réside dans le cadre réglementaire ayant permis à l’intimé d’entrer au Canada. Le transport maritime international crée au Canada un mouvement continu d’entrées et de sorties d’étrangers qui travaillent sur des navires. Pour tenir compte de cette réalité, un régime législatif spécial destiné aux membres d’équipage en transit a été mis en œuvre.

[40]      Ce qui importe en l’espèce, c’est que les membres d’équipage peuvent entrer au Canada sans visa temporaire, permis de travail ou passeport, et sans avoir à se présenter aux autorités (alinéas 52(2)g) et 186s) et paragraphe 190(3.1) du Règlement). Ce statut particulier permet aux membres d’équipage de descendre du navire et de circuler librement dans la mesure où ils demeurent membres d’équipage et quittent le pays sur le navire à bord duquel ils sont arrivés. Si, pour une raison ou une autre, un membre d’équipage perd cette qualité, le transporteur doit dresser un rapport, et l’intéressé dispose de 72 heures pour quitter le Canada (alinéa 3(1)b) et paragraphes 184(1) et 268(1) du Règlement), à défaut de quoi, il peut être forcé de quitter le pays (paragraphe 44(2) et alinéa 148(1)f) de la Loi et articles 274, 276 et 278 du Règlement).

[41]      L’intimé disposait donc d’une période de 72 heures, ou de trois journées complètes, après avoir déserté le navire dont il était membre d’équipage, le 1er décembre 2011, avant qu’une mesure puisse être prise contre lui. Il avait le droit de demander l’asile au cours de cette période, ou à tout moment avant qu’une mesure de renvoi ne soit prise contre lui soit, selon les faits de l’espèce, pendant la période qui s’est terminée le 13 décembre 2011, ou 12 jours après sa désertion.

[42]      L’intimé ne s’est pas prévalu de cette possibilité parce qu’il craignait d’être renvoyé à bord du navire qu’il avait déserté. La juge de la Cour fédérale a retenu l’affirmation de l’intimé selon laquelle il avait attendu au 16 décembre 2011 pour communiquer avec les fonctionnaires de l’immigration parce qu’il voulait être certain que le navire aurait quitté le Canada (motifs, paragraphe 5).

[43]      Par conséquent, l’intimé se trouvait dans une situation où un rapport confirmant son interdiction de territoire pouvait être établi aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi et où une mesure de renvoi pouvait être prise en vertu du paragraphe 44(2) de ladite loi. Ces deux événements se sont produits respectivement le 12 décembre et le 13 décembre 2011, ce qui a fait jouer le paragraphe 99(3) de la Loi. Par conséquent, l’intimé ne pouvait plus demander l’asile au moment où il s’est présenté devant un agent d’immigration à Montréal, le 16 décembre 2011, en vue de déposer cette demande.

[44]      Il n’est pas controversé entre les parties que le délégué du ministre était fondé à prendre une mesure de renvoi le 13 décembre 2011, étant donné que plus de 72 heures s’étaient écoulées depuis le moment où l’intimé avait déserté son navire et que, dans ces circonstances, le sous‑alinéa 228(1)c)(v) du Règlement prévoit expressément qu’une mesure de renvoi peut être prise. Il n’est pas non plus controversé entre les parties que l’intimé n’était plus dès lors admis à déposer une demande d’asile vu les dispositions du paragraphe 99(3) de la Loi.

[45]      Il s’agit donc uniquement de rechercher si le délégué du ministre pouvait prendre la mesure de renvoi qu’il a prise le 13 décembre 2011, sans avoir au préalable accordé à l’intimé la possibilité d’être entendu ou tenté de communiquer avec lui. S’agissant de cette question, je suis prêt à tenir pour acquis, comme l’a fait la juge de la Cour fédérale, que l’intimé avait le droit d’être informé de l’existence du rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) et de s’opposer à la prise d’une mesure de renvoi (motifs, paragraphe 33). Cependant, pour pouvoir se prévaloir de ces droits, l’intimé devait prendre les mesures nécessaires pour pouvoir être avisé.

[46]      Lorsqu’il a déserté le navire, l’intimé a perdu tout statut au Canada et il avait l’obligation de quitter le pays dans les 72 heures, à défaut de quoi, il devait se présenter devant un agent d’immigration pour contrôle afin de faire régulariser sa situation (paragraphe 184(1) du Règlement et paragraphes 29(2) et 18(1) de la Loi). Comme il a été signalé précédemment, il a attendu 15 jours pour le faire.

[47]      Outre le fait qu’il s’est soustrait au contrôle des fonctionnaires de l’immigration entre le moment de sa désertion et le 16 décembre 2011, l’intimé n’avait pas d’adresse connue au Canada. Il ressort des éléments de preuve qu’il s’est rendu d’Oshawa à Montréal le 1er décembre 2011, où il est demeuré jusqu’à ce qu’il communique avec les autorités; cependant, il n’existe aucun renseignement sur ses allées et venues à Montréal au cours de cette période.

[48]      À mon avis, une personne qui se trouve dans la situation de l’intimé, qui conteste une décision au motif qu’elle a été rendue sans préavis, doit pouvoir démontrer qu’elle était joignable. À tout le moins, il faut que la personne fournisse aux autorités de l’immigration les moyens de la joindre au Canada. Il faut interpréter la jurisprudence Cha de notre Cour, sur laquelle la juge de la Cour fédérale s’est grandement appuyée, en tenant compte du fait que les coordonnées de la personne visée dans cette affaire étaient connues et que celle‑ci pouvait donc être avisée.

[49]      En l’espèce, non seulement ces moyens n’ont pas été fournis, mais l’intimé voulait aussi échapper aux autorités de l’immigration jusqu’à ce qu’il soit convaincu que le navire qu’il avait déserté avait quitté le Canada. Cette attitude est incompatible avec l’exercice du droit d’être entendu. Étant donné le comportement de l’intimé, je ne vois pas comment il serait possible de conclure que le délégué du ministre a pris la mesure de renvoi en violation du droit de l’intimé d’être entendu.

- Attentes légitimes

[50]      Je ne crois pas non plus que les directives sur lesquelles s’appuie l’intimé donnent lieu à l’attente légitime qu’il serait entendu. Les avocats de l’intimé se sont appuyés abondamment sur ce document, tant dans leurs observations écrites que lors des débats à l’audience devant notre Cour. Étant donné que la juge de la Cour fédérale n’a pas explicitement abordé le contenu de ce document, il convient d’examiner les observations de l’intimé de façon plus détaillée. Soulignons que la juge de la Cour fédérale n’a pas eu l’occasion de prendre connaissance du récent arrêt de la Cour suprême, Agraira, qui a été publié après qu’elle eut rendu sa décision.

[51]      Dans l’affaire Agraira, la Cour suprême a analysé le rôle d’un autre guide opérationnel de CIC (Chapitre 10 du Guide opérationnel : Traitement des demandes au Canada (IP), « Refus des cas de sécurité nationale/Traitement des demandes en vertu de l’intérêt national ») en ce qui concerne les attentes légitimes. Elle a défini comme suit le cadre d’analyse (Agraira, paragraphes 95 et 96) :

Les conditions précises à satisfaire pour que s’applique la théorie de l’attente légitime sont résumées succintement [sic] comme suit dans un ouvrage qui fait autorité intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada :

[traduction] La caractéristique qui distingue une attente légitime réside dans le fait que celle‑ci découle de la conduite du décideur ou d’un autre acteur compétent. Une attente légitime peut donc découler d’une pratique officielle ou d’une assurance voulant que certaines procédures soient suivies dans le cadre du processus décisionnel, ou qu’il soit possible de prévoir une décision favorable. De même, l’existence des règles de procédure de nature administrative ou d’une procédure que l’organisme a adoptée de son plein gré dans un cas particulier, peut donner ouverture à une attente légitime que cette procédure sera suivie. Certes, la pratique ou la conduite qui auraient suscité une attente raisonnable doivent être claires, nettes et explicites. [Souligné par le juge LeBel.]

(D. J. M. Brown et J. M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles) §7:1710; voir également, Centre hospitalier Mont‑Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41, [2001] 2 R.C.S. 281, par. 29; Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504, par. 68).

Récemment, dans l’arrêt Mavi, le juge Binnie a expliqué ce que l’on entend par des affirmations « claires, nettes et explicites » en établissant une analogie avec le droit contractuel (par. 69) :

En général, on juge suffisamment précise pour les besoins de la théorie de l’attente légitime l’affirmation gouvernementale qui, si elle avait été faite dans le contexte du droit contractuel privé, serait suffisamment claire pour être susceptible d’exécution.

[52]      En ce qui concerne les directives en cause dans cette affaire, la Cour suprême s’est prononcée comme suit (Agraira, paragraphes 98 et 99) :

En l’espèce, le guide opérationnel a créé un cadre procédural clair, net et explicite pour le traitement des demandes de dispense et, de ce fait, une attente légitime quant à son application. Le guide opérationnel a été publié par CIC, et bien que ce ministère ne relève pas du ministre, il est clair que le guide opérationnel est utilisé à la fois par [traduction] « les agents de CIC et les agents de l’ASFC dans l’exercice de leurs fonctions et pour l’application de la loi » (m.i., par. 108). Le guide opérationnel était accessible au public et l’est encore, et comme il ressort de l’annexe 2 aux présents motifs, il constitue un code de procédure relativement exhaustif concernant le traitement des demandes de dispense ministérielle. L’appelant pouvait donc raisonnablement s’attendre à ce que sa demande soit traitée conformément au processus qui y est prévu.

[…]

L’appelant n’a pas démontré que ce processus prévu dans le guide opérationnel n’a pas été suivi lors du traitement de sa demande. En mai 2002, il a été informé du processus de dispense ministérielle par une lettre semblable à la Feuille de renseignements sur l’intérêt national. En réponse, il a présenté des observations par l’intermédiaire de son avocat, et CIC a alors préparé son rapport. L’ASFC a ensuite préparé à l’intention du ministre une note documentaire contenant sa recommandation, et cette note a été communiquée à l’appelant. L’appelant a refusé de présenter d’autres observations ou des documents supplémentaires en réponse à la recommandation. Les observations et les documents à l’appui fournis par l’appelant, le rapport de l’agent de CIC et la recommandation de l’ASFC ont tous été acheminés au ministre, qui a rendu une décision sur la demande. Comme le reconnaît avec raison l’avocat de l’appelant, [traduction] « [d]ans le cas de l’appelant, le processus de dispense ministérielle a suivi le processus énoncé dans le guide opérationnel IP 10 » (m. a., par. 53). On a donc satisfait à l’attente légitime de l’appelant à cet égard. [Non souligné dans l’original.]

[53]      Comme dans l’affaire Agraira, on peut supposer que les directives de CIC en cause en l’espèce étaient à la fois accessibles au public et suivies par les employés de CIC et de l’ASFC. La seule question à trancher est celle de savoir si elles sont « claires, nettes et explicites » et prévoient la marche à suivre dans le cas où les autorités ne disposent pas des coordonnées d’une personne, comme en l’espèce. À mon avis, tel n’est pas le cas.

[54]      Les directives qui régissent les mesures de renvoi prises par contumace (Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF), chapitre ENF 6), sur lesquelles s’appuie la juge de la Cour fédérale (motifs, paragraphe 24), ne satisfont pas à ce critère puisqu’elles ne visent pas les personnes dont les coordonnées ne sont pas disponibles. Le seul passage du chapitre 6 du Guide opérationnel ENF qui pourrait sans doute militer dans le sens de l’allégation selon laquelle les directives jouent même lorsque les fonctionnaires de l’immigration n’ont pas les coordonnées des personnes en cause, sont les deux paragraphes ci‑après de la section 16, sous la rubrique « Procédure : Prise de mesures de renvoi in absentia » :

Il est à souligner que dans le contexte d’une procédure in absentia, le délégué du ministre ne doit pas prendre de mesure de renvoi à l’égard d’une personne qui n’a eu aucun contact avec CIC ou l’ASFC. Lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une personne est peu susceptible de se présenter à une procédure sur la décision instruite par le délégué du ministre, il est suggéré de faire parvenir immédiatement un avis à l’intéressé, indiquant que la non‑comparution à la procédure peut entraîner le prononcé d’une mesure de renvoi in absentia.

Compte tenu de l’équité procédurale, la procédure in absentia satisfait aux principes de l’équité procédurale, dans la mesure où des efforts raisonnables ont été déployés pour donner à l’intéressé l’occasion de collaborer. Selon l’équité procédurale, l’intéressé doit avoir eu l’occasion d’être entendu. Lorsqu’une personne refuse de collaborer et que des efforts raisonnables ont été déployés afin de lui donner l’occasion d’être entendue, il n’est pas contraire aux principes de l’équité procédurale de procéder in absentia. [Non souligné dans l’original.]

[55]      Pris isolément, les mots « qui n’a eu aucun contact avec CIC ou l’ASFC » dans la première phrase du premier paragraphe peuvent viser l’un des deux cas suivants : 1) les autorités de l’immigration n’ont reçu aucun renseignement quant aux coordonnées de la personne visée; ou 2) elles disposent de ce renseignement, mais la personne visée n’a pas communiqué avec elles ou refuse de collaborer.

[56]      À mon avis, c’est le deuxième cas qui est envisagé. Interprétés au regard du contexte, les mots en question visent nécessairement les personnes dont les coordonnées sont connues, mais qui ont refusé de communiquer avec les autorités de l’immigration même si elles ont été invitées à le faire, comme le révèlent sans ambiguïté la phrase qui suit et le reste des directives. Le deuxième paragraphe poursuit sur le même thème en précisant que, dans ces circonstances — c.‑à‑d. dans les cas où la personne visée ne collabore pas — des efforts doivent quand même être déployés pour donner à ladite personne la possibilité de collaborer et d’être entendue. Évidemment, les fonctionnaires de l’immigration ne peuvent consentir ces efforts que s’ils sont en mesure de communiquer avec la personne, ce qui suppose nécessairement qu’ils ont en main les coordonnées pertinentes.

[57]      Dans le même ordre d’idées, les autres parties du Guide opérationnel ENF, chapitre 6 qui visent les procédures in absentia reposent sur la prémisse que les autorités de l’immigration possèdent les coordonnées de la personne visée et fournissent des précisions quant aux moments où les avis doivent être donnés et à quelle fréquence ils doivent l’être (Guide opérationnel ENF, chapitre 6, section 16.1, sous les rubriques « Traitement d’une procédure in absentia », « Étape un », « Étape deux » et « Dernière étape »).

[58]      Interprétés au regard du contexte, les deux paragraphes précités s’appliquent dans les cas où les fonctionnaires de l’immigration possèdent les coordonnées des personnes visées et définissent la procédure qui sera appliquée aux personnes qui ne sont pas susceptibles d’y participer, même si elles sont invitées à le faire. Les directives soulignent, à bon droit, que les procédures in absentia sont rares et qu’il peut de toute évidence arriver qu’il soit nécessaire de procéder de cette façon dans le cas où les autorités de l’immigration ne possèdent pas les renseignements qui leur permettraient de joindre la personne visée. Or, les autorités de l’immigration ne disposaient d’aucun renseignement de ce genre sur l’intimé à l’époque où la mesure de renvoi a été prise.

[59]      Apparemment au fait de ce problème, l’intimé a soutenu pour la première fois devant nous que le délégué du ministre avait en main son adresse au Sri Lanka [traduction] « à l’époque de la décision » (mémoire de l’intimé, paragraphe 17). Cependant, il s’est avéré que le délégué du ministre ne possédait pas ce renseignement au moment où la mesure de renvoi a été prise.

[60]      Étant donné qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté à la juge de la Cour fédérale quant aux renseignements précis dont disposait le délégué du ministre au moment de prendre la mesure de renvoi, les appelants ont été autorisés à produire de nouveaux éléments de preuve à ce sujet. Il ressort de ceux-ci que le délégué du ministre n’avait pas en main l’adresse de l’intimé au Sri Lanka. En effet, ce renseignement a été transmis à l’ASFC par le transporteur, le 18 décembre 2011, en réponse à l’avis de saisie qui devait faciliter l’exécution de la mesure de renvoi (dossier d’appel, pages 121, 123 et 131).

[61]      Le délégué du ministre ne disposait d’aucun renseignement qui lui aurait permis de savoir à quel endroit ou de quelle manière il aurait pu aviser l’intimé au moment où il a pris la mesure de renvoi.

[62]      L’essentiel des arguments de l’intimé relatifs aux attentes légitimes semble fondé sur les directives relatives à la rédaction des rapports établis en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi (Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF), chapitre 5 « Rédaction des rapports en vertu du L44(1) »). Le passage ci‑après, qui figure à la section 11.3 sous la rubrique « Après la rédaction du rapport », est particulièrement pertinent :

Dès que cela est possible, l’agent qui rédige un rapport doit aussi fournir une copie de ce rapport à la personne concernée. Il doit faire tous les efforts raisonnables pour localiser l’intéressé et indiquer au dossier toutes les démarches et mesures prises à cette fin.

Dans les cas de point d’entrée, où la personne concernée est immédiatement disponible, cela devrait poser peu de difficultés. Toutefois, dans les autres cas, comme lorsque les données sur la personne sont inconnues ou que la personne est par ailleurs non disponible, cette politique se heurte à des difficultés de mise en œuvre. [Non souligné dans l’original.]

[63]      L’intimé soutient que cet extrait contient l’engagement que des efforts seraient faits pour le joindre et l’aviser de l’établissement du rapport fondé sur le paragraphe 44(1); or, soutient‑il, ces efforts n’ont pas été consentis (mémoire de l’intimé, paragraphe 70). Si les fonctionnaires de l’immigration avaient fait ces efforts, ils auraient été en mesure d’obtenir rapidement l’adresse de son domicile au Sri Lanka, étant donné que ce renseignement était en la possession du transporteur (observations écrites de l’intimé en réponse à la requête écrite des appelants datées du 26 novembre 2013, paragraphe 48). S’appuyant sur les directives susmentionnées, il est soutenu que l’intimé était en droit de s’attendre à ce que les fonctionnaires de l’immigration obtiennent l’adresse de son domicile et tentent de l’y joindre.

[64]      J’aimerais d’abord observer que l’engagement de faire des efforts raisonnables n’est pas « clair, net et explicite » comme l’indique l’expression « dès que cela est possible ». Les derniers mots de l’extrait, soit « cette politique se heurte à des difficultés de mise en œuvre » lorsque les coordonnées de la personne ne sont pas connues, comme c’est le cas en l’espèce, ajoutent à l’incertitude. À mon avis, ces mots ne permettraient pas à l’intimé, dans un contexte de droit privé, de se réclamer de cette politique au motif que CIC ou l’ASFC n’aurait pas tenté de le joindre (Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504, paragraphe 69). C’est encore plus vrai s’il est tenu compte du fait que, par ailleurs, l’intimé était tenu de se présenter aux autorités de l’immigration et qu’il ne l’a pas fait.

[65]      De plus, les efforts évoqués par les directives sont des « efforts raisonnables », ce qui signifie que ces efforts doivent raisonnablement permettre de joindre la personne visée. Tenter de l’aviser à l’adresse de son domicile au Sri Lanka ne fait pas partie des efforts auxquels l’intimé pouvait raisonnablement s’attendre de la part des autorités qui cherchaient à le joindre étant donné qu’il se trouvait au Canada à l’époque pertinente.

[66]      L’intimé a également soutenu qu’on aurait quand même dû tenter de l’aviser en lui écrivant à l’adresse de son domicile au Sri Lanka, parce qu’il ressort des éléments de preuve qu’il communiquait de temps à autre avec sa famille (mémoire de l’intimé, paragraphe 89), ce qui ne lui est d’aucun secours étant donné que cet élément de preuve figure dans l’affidavit souscrit par l’intimé cinq mois plus tard à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire (affidavit de l’intimé, paragraphe 5, dossier d’appel, page 37). Les fonctionnaires de l’immigration n’avaient aucune raison de croire que l’envoi d’un avis à l’adresse de son domicile aurait pu produire le résultat recherché à l’époque pertinente.

[67]      Poursuivant son argumentation dans le même sens, les avocats de l’intimé ont soutenu à la fin de l’audience que les fonctionnaires de l’immigration avaient aussi accès à un autre moyen de communication. La liste d’effets personnels produite par le transporteur révélait que l’intimé avait en sa possession un téléphone cellulaire. Cependant, le numéro de téléphone cellulaire n’était pas indiqué dans ce document. Le simple fait de savoir que l’intimé possédait un téléphone cellulaire n’était, en l’absence de toute donnée supplémentaire, d’aucune utilité.

[68]      Je conclus donc que les passages du Guide opérationnel ENF 5 précités ne sauraient donner lieu à une attente légitime que des efforts seraient consentis en l’espèce.

[69]      Enfin, même si les directives donnaient lieu à une telle attente légitime, l’intimé aurait pu être entendu avant qu’une mesure soit prise contre lui. Ce droit n’a pas été exercé uniquement parce qu’il avait l’intention de ne pas se présenter avant le 16 décembre 2011. L’intimé tente en substance de faire renaître, au moyen de la doctrine de l’attente légitime, un droit dont il pouvait se prévaloir, mais qu’il n’a pas exercé au moment voulu.

[70]      La situation est semblable à celle dont était saisie la Cour suprême à l’occasion de l’affaire Moreau‑Bérubé c. Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, [2002] 1 R.C.S. 249. La Cour suprême a alors conclu que le défaut d’exercer le droit d’être entendu lorsque cela est possible fait obstacle à l’application de la doctrine de l’attente légitime lorsque le requérant demande une deuxième chance (paragraphe 79) :

En l’espèce, je ne peux pas convenir que le Conseil a porté atteinte au droit de la juge Moreau‑Bérubé d’être entendue en ne l’informant pas expressément qu’il pourrait lui imposer une sanction que lui permet clairement la Loi. La doctrine de l’attente légitime ne trouve pas application dans le cas où le requérant demande essentiellement le droit à une deuxième chance de se prévaloir des droits procéduraux qui ont toujours été disponibles et prévus par la loi. [Non souligné dans l’original.]

[71]      La règle ainsi énoncée constitue une forme pure et simple de préclusion. En effet, la personne qui ne se prévaut pas du droit d’être entendue à l’intérieur du délai prévu ne peut s’attendre à ce qu’elle puisse encore s’en prévaloir en se fondant sur la doctrine de l’attente légitime.

[72]      En résumé, c’est à l’intimé qu’il incombait de transmettre ses coordonnées, et non l’inverse. Étant donné le défaut de l’intimé de se présenter aux autorités de l’immigration et sa décision de demeurer dans la clandestinité pendant les 12 jours qui ont précédé la prise de la mesure de renvoi, il était loisible au délégué du ministre de procéder in absentia. Je ne vois aucun manquement à l’équité procédurale.

Motifs de la juge de la Cour fédérale

[73]      Comme il a été signalé précédemment, la juge de la Cour fédérale ne s’est pas arrêtée au fait que l’intimé n’a pas transmis ses coordonnées et qu’il voulait échapper au contrôle des fonctionnaires de l’immigration pendant la période qui a précédé la prise de la mesure de renvoi. Selon ses motifs, ce fait n’aurait pas été pertinent étant donné que le délégué du ministre ne pouvait pas prendre une mesure de renvoi avant que l’intimé ait communiqué avec les autorités (motifs, paragraphes 7 et 34).

[74]      À mon humble avis, le raisonnement de la juge de la Cour fédérale ne tient compte ni du libellé ni de l’objet des textes législatifs pertinents. Les modifications apportées au Règlement en 1993 [auparavant le Règlement sur l’immigration de 1978, SOR/78-172], qui excluent les déserteurs de la définition des mots « membre d’équipage » [auparavant « membres du personnel »], avaient pour objet de permettre aux fonctionnaires de l’immigration d’agir rapidement lorsqu’une personne cessait d’être un membre d’équipage (DORS/93‑44, article 12, qui édictait l’article 12.1). Avant cette modification, aucune mesure d’exécution ne pouvait être prise avant que le navire ait quitté le port (alinéa 27(2)j) de la Loi [auparavant la Loi sur l’immigration], L.R.C. (1985), ch. I‑2, abrogé par L.C. 1992, ch. 49, paragraphe 16(8)).

[75]      En 2002, l’alinéa 184(1)b) du Règlement imposait un délai de 72 heures à tout marin qui cessait d’être membre d’équipage (paragraphe 184(1) du Règlement dans sa version actuelle (DORS/2004‑167, article 50). Tout comme en 1993, cette restriction avait pour objet de permettre aux fonctionnaires de l’immigration d’agir rapidement. Reporter l’intervention des autorités jusqu’à ce que le déserteur décide de communiquer avec les autorités irait à l’encontre de cet objet et ferait abstraction du délai de 72 heures prévu au Règlement.

[76]      Les avocats de l’intimé ont soutenu que le délégué du ministre n’était pas tenu de prendre une mesure de renvoi le 13 décembre 2011 et qu’il aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire en conséquence. Dans certains cas, la mesure d’exécution, même si elle est autorisée, doit être reportée. Ce n’est cependant pas le cas lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un marin déserteur vit dans la clandestinité. La procédure exposé dans la section 8.5 du Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF), chapitre ENF 17 « Formalités liées au transport maritime », sous la rubrique « Les membres d’équipage autres que les déserteurs qui cessent d’exercer leurs fonctions », illustre cela :

En vertu du R184(1)b), une personne qui cesse d’être un membre d’équipage a 72 heures pour quitter le Canada. En pareille situation, les agents doivent appliquer les mêmes mesures d’exécution de la Loi qu’en cas de désertion. Voici les circonstances qui peuvent entraîner la perte du statut de membre d’équipage :

•      un conflit collectif à bord du navire;

•      l’arrestation du membre d’équipage sous des accusations au criminel;

•      la saisie d’un navire sur ordre d’un tribunal ou d’une autre instance;

•      la suspension de l’exploitation d’un navire à la suite d’un accident ou de problèmes mécaniques.

Au moment de déterminer si des mesures d’exécution de la Loi s’imposent ou non, un agent doit chercher à établir si la personne concernée continuera de ne pouvoir ou vouloir exercer ses fonctions une fois le problème résolu. Si aucune solution n’est en vue, ou si l’agent a des raisons de croire que le membre d’équipage ne reprendra pas ses fonctions, il doit prendre les mesures d’exécution de la Loi qui s’imposent le plus rapidement possible après l’expiration du délai de 72 heures. [Non souligné dans l’original.]

[77]      Dans la présente affaire, les fonctionnaires de l’immigration ont attendu neuf jours après l’expiration du délai de 72 heures pour prendre des mesures d’exécution. Étant donné que l’intimé ne s’était pas encore présenté devant les autorités de l’immigration, les fonctionnaires avaient des motifs raisonnables de croire qu’il était en clandestinité. Malgré l’argument de l’intimé en sens opposé, les fonctionnaires de l’immigration n’ont pas agi de façon précipitée.

[78]      Les avocats de l’intimé ont de plus soutenu que les fonctionnaires de l’immigration auraient dû se limiter à établir le rapport prévu au paragraphe 44(1) et à lancer le mandat d’arrêt étant donné qu’il ne servait à rien de prendre sur‑le‑champ la mesure de renvoi. Selon eux, les fonctionnaires de l’immigration auraient dû exercer leur pouvoir discrétionnaire, qui leur permettait de ne pas prendre de mesure de renvoi jusqu’à ce que l’intimé communique avec eux, de sorte qu’il puisse conserver son droit de demander l’asile.

[79]      Encore une fois, cette démarche aurait pour effet de laisser à l’intéressé le soin de décider du moment de la prise de la mesure de renvoi et des conséquences de cette mesure. Telle n’était pas l’intention du législateur. Il est à présumer qu’en prévoyant la prise rapide d’une mesure de renvoi, le législateur a agi de façon cohérente et qu’il connaissait pleinement les effets de cette mesure sur le droit de présenter une demande d’asile (paragraphe 99(3) de la Loi). Il s’ensuit que les personnes qui désertent leur navire au Canada afin d’y demander l’asile doivent se présenter devant les autorités de l’immigration et faire leur demande sans délai. Le délai de 72 heures indique clairement qu’elles ne peuvent pas s’attendre à pouvoir faire cette demande lorsque cela leur convient.

Spectre d’une erreur de droit

[80]      À la fin de l’audience, les avocats de l’intimé ont soutenu que les procédures in absentia peuvent aboutir à des erreurs de droit.

[81]      Deux cas ont été évoqués. Dans le premier, le déserteur quitte le Canada avant l’expiration du délai de 72 heures sans s’être présenté devant les autorités et une mesure de renvoi est prise in absentia parce que l’on croit que le déserteur est resté au Canada et qu’il tente de se soustraire aux autorités. Dans le deuxième cas, le déserteur est incapable de se présenter devant les autorités pour des raisons médicales et une mesure de renvoi est prise in absentia parce que l’on croit, encore là, que le déserteur est resté au Canada et qu’il tente de se soustraire aux autorités.

[82]      Je relève en toute déférence que, dans ce dernier cas, le membre d’équipage qui quitte le navire afin d’aller à l’hôpital ne perd pas son statut (sous‑alinéa 3(1)b)(iii) du Règlement). Cet exemple ne vise donc que les personnes qui sont incapables d’agir pour des raisons médicales, sans toutefois être hospitalisées.

[83]      À mon avis, il serait possible de recourir au contrôle judiciaire pour corriger les erreurs de droit qui pourraient se produire dans l’un ou l’autre des cas susmentionnés. Dans le premier cas, la démonstration que la personne a quitté le Canada permettrait d’annuler la mesure de renvoi, puisque la condition préalable à cette mesure n’aurait pas existé à l’époque pertinente.

[84]      Dans le second cas, la démonstration que la personne se serait présentée devant les autorités si elle n’avait pas été incapable de le faire pourrait permettre d’annuler la mesure de renvoi, étant donné que la personne ne pouvait, pour des raisons indépendantes de sa volonté, communiquer avec les autorités dans le délai de trois jours prévu au Règlement et qu’elle a donc été privée de son droit d’être entendue.

[85]      Même si la prise d’une mesure de renvoi in absentia peut aboutir à des erreurs de droit, je ne peux imaginer aucune erreur du type de celles qui ont été évoquées par les avocats qui ne pourrait pas être corrigée en faisant appel à la compétence de la Cour fédérale en matière de contrôle judiciaire.

CONCLUSION

[86]      Par ces motifs, je répondrais par la négative à la question certifiée, j’accueillerais l’appel et j’annulerais la décision de la juge de la Cour fédérale et, rendant la décision qu’elle aurait dû rendre, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

La juge Gauthier, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Mainville, J.C.A. : Je suis d’accord.

ANNEXE

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

18. (1) Quiconque cherche à entrer au Canada est tenu de se soumettre au contrôle visant à déterminer s’il a le droit d’y entrer ou s’il est autorisé, ou peut l’être, à y entrer et à y séjourner.

[…]

Contrôle

29. […]

(2) Le résident temporaire est assujetti aux conditions imposées par les règlements et doit se conformer à la présente loi et avoir quitté le pays à la fin de la période de séjour autorisée. Il ne peut y rentrer que si l’autorisation le prévoit.

[…]

Droit du résident temporaire

41. S’agissant de l’étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait — acte ou omission — commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s’agissant du résident permanent, le manquement à l’obligation de résidence et aux conditions imposées.

[…]

Manquement à la loi

44. (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

Rapport d’interdiction de territoire

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger ; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

[…]

Suivi

52. (1) L’exécution de la mesure de renvoi emporte interdiction de revenir au Canada, sauf autorisation de l’agent ou dans les autres cas prévus par règlement.

[…]

Interdiction de retour

55. (1) L’agent peut lancer un mandat pour l’arrestation et la détention du résident permanent ou de l’étranger dont il a des motifs raisonnables de croire qu’il est interdit de territoire et qu’il constitue un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2).

[…]

Arrestation sur mandat et détention

99. […]

(3) Celle de la personne se trouvant au Canada se fait à l’agent et est régie par la présente partie; toutefois la personne visée par une mesure de renvoi n’est pas admise à la faire.

[…]

Demande faite au Canada

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

[…]

Demande de protection

148. (1) Le propriétaire ou l’exploitant d’un véhicule ou d’une installation de transport, et leur mandataire, sont tenus, conformément aux règlements, aux obligations suivantes :

[…]

f) sur avis ou dans les cas prévus par règlement faire sortir du Canada la personne qu’il a amenée ou fait amener.

Obligations des transporteurs

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

3. (1) Pour l’application du présent règlement :

[…]

b) le membre d’équipage perd cette qualité dans les cas suivants :

(i) il a déserté,

(ii) un agent a des motifs raisonnables de croire qu’il a déserté,

(iii) il n’est pas retourné au moyen de transport ou n’a pas quitté le Canada après la fin d’une hospitalisation,

(iv) il ne quitte pas le Canada après son licenciement ou le moment à partir duquel il ne peut ou ne veut plus exercer ses fonctions.

[…]

Interprétation : membre d’équipage

52. (1) En plus de remplir les autres exigences réglementaires, l’étranger qui cherche à devenir résident temporaire doit détenir l’un des documents suivants, valide pour la période de séjour autorisée :

a) un passeport qui lui a été délivré par le pays dont il est citoyen ou ressortissant, qui ne lui interdit pas de voyager au Canada et grâce auquel il peut entrer dans le pays de délivrance;

[…]

Documents : résidents temporaires

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas 

[…]

g) à la personne cherchant à entrer au Canada à titre de membre d’équipage et qui est titulaire d’une pièce d’identité de marin lui ayant été délivrée aux termes des conventions de l’Organisation internationale du Travail, si elle est membre d’équipage du bâtiment qui l’amène au Canada.

[…]

Exceptions

184. (1) L’étranger qui entre au Canada en qualité de membre d’équipage doit quitter le Canada dans les soixante‑douze heures après avoir perdu cette qualité.

Conditions : étrangers qui entrent pour devenir membres d’équipage

(2) Les conditions ci‑après sont imposées à l’étranger qui entre au Canada pour devenir membre d’équipage :

a) [Abrogé, DORS/2004‑167, art. 50]

b) il doit se rendre au moyen de transport dans le délai imposé comme condition d’entrée ou, à défaut, dans les quarante‑huit heures suivant son entrée au Canada;

c) s’il perd la qualité de membre d’équipage, il doit quitter le Canada dans les soixante‑douze heures qui suivent.

[…]

Condition : membres d’équipage

186. L’étranger peut travailler au Canada sans permis de travail :

[…]

s) à titre de membre d’équipage employé par une société étrangère à bord d’un moyen de transport qui, à la fois :

(i) est d’immatriculation étrangère et dont le propriétaire est un étranger,

(ii) est utilisé principalement pour le transport international.

[…]

Permis non exigé

190. […]

(3.1) Est dispensé de l’obligation d’obtenir un visa de résident temporaire l’étranger membre d’équipage qui arrive au Canada à bord d’un bâtiment et qui cherche, à la fois :

a) à entrer au Canada à titre de membre d’équipage du bâtiment;

b) à séjourner au Canada à seule fin d’agir à titre de membre d’équipage du bâtiment ou de tout autre bâtiment.

[…]

Dispense de visa — membre d’équipage

228. (1) Pour l’application du paragraphe 44(2) de la Loi, mais sous réserve des paragraphes (3) et (4), dans le cas où elle ne comporte pas de motif d’interdiction de territoire autre que ceux prévus dans l’une des circonstances ci‑après, l’affaire n’est pas déférée à la Section de l’immigration et la mesure de renvoi à prendre est celle indiquée en regard du motif en cause :

[…]

c) en cas d’interdiction de territoire de l’étranger au titre de l’article 41 de la Loi pour manquement à :

[…]

(v) l’obligation prévue au paragraphe 29(2) de la Loi de se conformer aux conditions imposées à l’article 184, l’exclusion.

[…]

Application du paragraphe 44(2) de la Loi : étrangers

268. (1) Le transporteur informe sans délai l’agent du point d’entrée le plus proche lorsqu’un étranger cesse d’être un membre d’équipage pour le motif prévu à l’alinéa 3(1)b). Le renseignement est consigné et fourni par écrit à l’agent sur demande.

[…]

Rapport

274. (1) Il incombe au transporteur qui a amené ou fait amener au Canada un étranger qui est membre de son équipage ou entend le devenir et qui fait l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire de transporter celui‑ci à destination du pays déterminé aux termes de la section 4 de la partie 13.

Membres d’équipage

(2) Le transporteur est tenu de transporter l’étranger visé au paragraphe (1), peu importe où ce dernier se trouve au Canada, jusqu’au véhicule qui servira à le faire sortir du Canada.

[…]

Transport jusqu’au véhicule

276. (1) Lorsque l’étranger qui cherche à entrer au Canada est visé par une mesure de renvoi et qu’un transporteur est ou peut être tenu, en vertu de la Loi, de le faire sortir du Canada :

a) l’agent avise le transporteur qu’il est ou peut être tenu de le transporter ou de le faire transporter hors du Canada;

b) lorsque la mesure de renvoi devient exécutoire, l’agent avise le transporteur de son obligation de faire sortir l’étranger du Canada et, s’il y a lieu, de le faire escorter.

Avis au transporteur

(2) Après avoir été avisé aux termes de l’alinéa (1)b), le transporteur avise sans délai l’agent des arrangements qu’il a pris pour faire sortir l’étranger du Canada.

[…]

Avis à l’agent

278. Le transporteur auquel il incombe aux termes de la Loi de faire sortir du Canada un étranger paie les frais suivants, même en cas d’échec du renvoi :

a) les frais d’hébergement et de transport engagés à l’égard de l’étranger, à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, y compris les frais supplémentaires résultant de changements de date ou d’itinéraire;

b) les frais d’hébergement et de transport engagés par l’escorte fournie pour accompagner l’étranger;

c) les frais versés pour l’obtention de passeports, visas et autres titres de voyage pour l’étranger et pour toute personne l’escortant;

d) les frais de repas, faux frais et autres frais, calculés selon les taux publiés par le Secrétariat du Conseil du Trésor dans la Directive sur les voyages d’affaires, avec ses modifications successives;

e) la rémunération des escortes ou de tout autre intervenant;

f) le coût des services fournis pendant le processus de renvoi par des interprètes ou des personnels médical ou autres.

Frais de renvoi

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