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T-888-10

2013 CF 1112

Sandy Pond Alliance to Protect Canadian Waters Inc. (demanderesse)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le procureur général du Canada (défenderesse)

et

Vale Inco Ltd., Association minière du Canada et Mining Association of British Columbia (intervenantes)

Répertorié : Sandy Pond Alliance to Protect Canadian Waters Inc. c. Canada

Cour fédérale, juge Heneghan—St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), 27 et 28 février; Maniwaki (Québec), 31 octobre 2013.

Pêches — Contrôle judiciaire sollicitant un jugement déclarant que le mécanisme de réglementation prévu aux art. 5 et 27.1 et à l’annexe 2 du Règlement sur les effluents des mines de métaux (le « Règlement de 2002 ») modifié par le Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux (le « Règlement de 2006 ») excède le pouvoir réglementaire conféré au gouverneur en conseil par les dispositions de la Loi sur les pêches — La demanderesse soutient que les modifications apportées au Règlement en 2006, illustrées par l’art. 5 et l’art. 27.1, ont éliminé l’exigence du traitement des effluents avant leur rejet dans les plans d’eau et permettent désormais le rejet d’effluents sans traitement préalable, entraînant ainsi la destruction potentielle du poisson, de l’habitat du poisson et d’autres formes de vie, un mécanisme contraire aux objectifs de conservation prévus par la Loi — Il s’agissait de savoir si les modifications apportées au Règlement en 2006 sont autorisées par la Loi — La conservation n’est pas l’objet primordial de la Loi — De nombreux intérêts interviennent dans la gestion des pêches, notamment les intérêts industriels — Le Règlement contesté, adopté en vertu de l’art. 36(5) de la Loi, a pour effet de permettre l’utilisation de l’étang Sandy en tant que dépôt de résidus — Cette utilisation n’est pas illégale, mais est expressément autorisée par l’art. 36(5) de la Loi — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire sollicitant un jugement déclarant que le mécanisme de réglementation prévu aux articles 5 et 27.1 et à l’annexe 2 du Règlement sur les effluents des mines de métaux (le « Règlement de 2002 »), modifié par le Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux (le « Règlement de 2006 ») excède le pouvoir réglementaire conféré au gouverneur en conseil par les dispositions de la Loi sur les pêches.

La demanderesse est une société sans but lucratif créée et régie par les lois de Terre-Neuve-et-Labrador, dont les buts et objectifs comprennent entre autres la protection et la conservation des eaux canadiennes et leurs écosystèmes. L’intervenante, Vale Inco Ltd., est une société canadienne exerçant des activités minières importantes sur l’ensemble du territoire canadien. Elle détient une filiale en propriété exclusive qui exploite une usine à Long Harbour, sur la baie Placentia, à Terre-Neuve-et-Labrador. Cette exploitation comprend une usine de traitement du nickel (le projet), qui produira des « résidus miniers » et exigera un dépôt de résidus miniers (DRM).

La demanderesse a fait valoir que les modifications apportées au Règlement en 2006, illustrées par l’article 5 et l’article 27.1, ont éliminé l’exigence du traitement des effluents avant leur rejet dans les plans d’eau et permettent désormais le rejet d’effluents sans traitement préalable, entraînant ainsi la destruction potentielle du poisson, de l’habitat du poisson et d’autres formes de vie, ce mécanisme étant contraire aux objectifs de conservation prévus par la Loi.

La question en l’espèce était de savoir si les modifications apportées au Règlement en 2006 étaient autorisées par la loi.

Jugement : la demande doit être rejetée.

La demanderesse s’est trompée lorsqu’elle a affirmé que la conservation est l’objet primordial de la Loi. La Loi ne contient pas d’article « objet ». Dans l’arrêt Ward c. Canada (Procureur général), la Cour suprême du Canada a reconnu que de nombreux intérêts interviennent dans la gestion des pêches, notamment les intérêts industriels.

Pour analyser la validité du Règlement en cause en l’espèce, il était nécessaire, en vertu de l’arrêt Canada (Commission du blé) c. Canada (Procureur général) : 1) d’identifier la portée et l’objet du pouvoir conféré par la loi en vertu duquel le décret contesté a été publié; et 2) de déterminer si le pouvoir conféré par la loi permet cette législation par délégation particulière.

1)   La Loi contient de nombreuses dispositions qui autorisent l’adoption de règlements, y compris le paragraphe 36(5), qui a trait aux règlements permettant l’immersion. Pour déterminer la portée et l’application du pouvoir prévu au paragraphe 36(5), cette disposition doit être lue conjointement avec le paragraphe 36(3) (Dépôt de substances nocives prohibé) et l’alinéa 36(4)b) (Immersion permise par règlement) de la Loi. Le Règlement contesté en l’espèce a été adopté en vertu du paragraphe 36(5) et permet l’utilisation de l’étang Sandy en tant que dépôt de résidus. L’utilisation de l’étang Sandy de cette manière n’est pas illégale; elle est expressément autorisée par les dispositions précitées de la Loi, lesquelles ont une portée suffisamment large pour autoriser l’adoption du Règlement de 2006.

2)   L’article 5 du Règlement de 2002 modifié par l’article 2 du Règlement de 2006 autorise le rejet de substances nocives dans un DRM. Ce comportement est expressément autorisé par les alinéas 36(5)a) à d) de la Loi. L’article 27.1 du Règlement de 2002 modifié par l’article 14 du Règlement de 2006 exige que le propriétaire ou l’exploitant d’une mine soumette un plan de compensation à l’approbation du ministre avant de procéder au rejet de substances nocives. Un tel plan de compensation a été élaboré en l’espèce. Le mécanisme du plan de compensation est autorisé par l’alinéa 36(5)e) de la Loi. L’annexe 2 énumère la liste des DRM autorisées en vertu du Règlement. La validité de l’annexe 2 dépendait de la validité de l’article 5 du Règlement de 2002 (modifié). Étant donné que l’article 5 a été jugé valide, il en allait de même pour l’article 2. En tout état de cause, l’alinéa 36(5)b) de la Loi autorise clairement la création de DRM.

En conclusion, le fait que les règlements adoptés en vertu de la Loi peuvent avoir des répercussions négatives sur l’environnement n’est pas, en soi, un motif d’invalidité. Les dispositions du Règlement de 2006 contestées en l’espèce ont été légalement adoptées par le gouverneur en conseil en vertu du pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 36(5) de la Loi.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Acte des Pêcheries, S.C. 1868, ch. 60.

Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 (abrogé par L.C. 2012, ch. 19, art. 66).

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91(12).

Loi modifiant la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 35, art. 2, 6.

Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en oeuvre d’autres mesures, L.C. 2012, ch. 19.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1.

Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, art. 7, 34(2), 35(2), 36(3), (4)b), (5), 38(9).

Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2006-239, préambule, art. 2, 14.

Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2009-156.

Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2002-222, préambule, art. 5, 27.1, ann. 2.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règle 52.2.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Fraser River Pile & Dredge Ltd. v. Empire Tug Boats Ltd., [1995] A.C.F. no 436 (1re inst.) (QL); Canada (Commission du blé) c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 214, [2010] 3 R.C.F. 374.

décisions examinées :

Fondation David Suzuki c. Canada (Pêches et Océans), 2012 CAF 40, [2013] 4 R.C.F. 155; Ecology Action Centre Society c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1087; Ward c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 17, [2002] 1 R.C.S. 569; Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 144; Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12.

décisions citées :

Sandy Pond Alliance to Protect Canadian Waters Inc. c. Canada, 2011 CF 158, inf. en partie par Vale Canada Limited c. Sandy Pond Alliance to Protect Canadian Waters Inc., 2011 CAF 129; Conseil canadien pour les réfugiés c. Canada, 2008 CAF 229, [2009] 3 R.C.F. 136; Attorney-General for the Dominion of Canada v. Attorneys-General for the Provinces of Ontario, Quebec and Nova Scotia, [1898] A.C. 700 (P.C.); Attorney General for British Columbia v. Attorney General for the Dominion of Canada, [1914] 15 D.L.R. 308, [1914] A.C. 153 (P.C.); Attorney General for Canada v. Attorney General for the Province of Quebec (1920), 56 D.L.R. 358, [1921] 1 A.C. 413 (P.C.); Inverhuron & District Ratepayers’ Assn. c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CAF 203.

DOCTRINE CITÉE

Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, DORS/2002-222, Gaz. C. 2002.II.1444.

DEMANDE de contrôle judiciaire sollicitant un jugement déclarant que le mécanisme de réglementation prévu aux articles 5 et 27.1 et à l’annexe 2 du Règlement sur les effluents des mines de métaux, modifié en 2006 par le Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux, excède le pouvoir réglementaire conféré au gouverneur en conseil par les dispositions de la Loi sur les pêches. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Owen Myers pour la demanderesse.

Lori Rasmussen pour la défenderesse.

Douglas Hamilton et Christopher A. Wayland pour l’intervenante Vale Inco Ltd.

James L. Thistle, c.r., pour les intervenantes Association minière canadienne et Mining Association of British Columbia.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Owen Myers Law, St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., Toronto, pour l’intervenante Vale Inco Ltd.

McInnes Cooper, St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), pour les intervenantes Association minière du Canada et Mining Association of British Columbia.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendu par

La juge Heneghan :

I.     INTRODUCTION

[1]        Sandy Pond Alliance to Protect Canadian Waters Inc. (la demanderesse) a introduit la présente demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, et les Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles). Elle sollicite un jugement déclarant que le mécanisme de réglementation prévu aux articles 5 et 27.1 et à l’annexe 2 du Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2002‑222 ( le « REMM 2002 » ou le « Règlement de 2002 »), modifié par le Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2006‑239 (le « REMM 2006 » ou le « Règlement de 2006 »), excède le pouvoir réglementaire conféré au gouverneur en conseil par les dispositions de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F‑14 (la « Loi sur les pêches » ou la « Loi » ).

[2]        Dans sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse sollicite les réparations suivantes :

[traduction]

3.  La demanderesse demande comme réparation un jugement déclaratoire contenant ce qui suit :

a) une déclaration portant que les éléments suivants du Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2002‑222, modifié, sont illégaux, car ils sont contraires à la Loi sur les pêches [LR, c F‑14, article 1] et excèdent les pouvoirs conférés au gouverneur en conseil par la Loi sur les pêches et les paragraphes 34(2), 36(5) et 38(9) de la Loi sur les pêches, et sont inopérants :

i.      l’ANNEXE 2 du Règlement sur les effluents des mines de métaux;

ii.     l’article 5 du Règlement sur les effluents des mines de métaux;

iii.    l’article 27.1 du Règlement sur les effluents des mines de métaux;

4.  Subsidiairement à l’alinéa a) ci‑dessus, une déclaration portant que le gouverneur en conseil a outrepassé sa compétence ou a agi sans compétence en adoptant le DORS/2006‑239 le 3 octobre 2006 et en créant l’annexe 2, l’article 5 et l’article 27.1 du Règlement sur les effluents des mines de métaux.

II.    LES PARTIES

A)     La demanderesse

[3]        La demanderesse est une société sans but lucratif créée et régie par les lois de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Elle décrit ses buts et objectifs comme suit :

[traduction]

a.    protéger et préserver les eaux canadiennes et leurs écosystèmes;

b.    prendre les mesures appropriées pour aider l’Alliance à remplir sa mission, notamment promouvoir et recommander des lois et des politiques, et informer et mobiliser le public;

c.    s’associer à d’autres organismes ou institutions ayant des objectifs similaires ou collaborer avec ces organismes ou institutions.

[4]        La demanderesse est partie représentant l’intérêt public.

[5]        La défenderesse est Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, représentée par le procureur général.

[6]        Vale Inco Ltd. est une société canadienne exerçant des activités minières importantes sur l’ensemble du territoire canadien. Vale Inco Newfoundland and Labrador Limited est une filiale en propriété exclusive de Vale. Elle exploite une usine à Long Harbour, sur la baie Placentia, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. L’exploitation de Long Harbour comprend une usine de traitement du nickel (le projet), qui produira des « résidus miniers » et exigera un dépôt de résidus miniers (DRM). L’annexe 2 du Règlement identifie 19 DRM par leurs coordonnées géographiques.

[7]        Créée en 1935, l’Association minière du Canada (l’AMC) est l’organisation nationale de l’industrie minière canadienne. Les membres qu’elle représente dirigent la plupart des exploitations minières actuellement inscrites à l’annexe 2 du REMM.

[8]        La Mining Association of British Columbia (la MABC) a été créée en 1901 conformément à une loi de la province de la Colombie‑Britannique. Elle est la voix dominante de l’industrie minière en Colombie‑Britannique. Ses membres exercent des activités minières dans les secteurs des métaux et du charbon, en Colombie‑Britannique et à l’étranger.

[9]        Vale, l’AMC et la MABC ont demandé le statut d’intervenante ou de défenderesse dans la présente affaire, conformément aux Règles. Par ordonnance rendue le 10 février 2011, ces trois parties ont obtenu le statut d’intervenante, à certaines conditions : voir Sandy Pond Alliance to Protect Canadian Waters Inc. c. Canada, 2011 CF 158.

[10]      Par un avis d’appel déposé le 18 février 2011, l’AMC et la MABC ont interjeté appel de cette ordonnance. L’appel a été accueilli en partie dans un jugement, en date du 9 avril 2011, qui autorisait l’AMC et la MABC à déposer les affidavits de deux témoins experts, en plus des affidavits déposés antérieurement, et à contre‑interroger les témoins de la demanderesse et de la défenderesse. La Cour d’appel fédérale a confirmé le statut d’intervenante de Vale, de l’AMC et de la MABC : voir Vale Canada Limited c. Sandy Pond Alliance to Protect Canadian Waters Inc., 2011 CAF 129.

B)     La preuve

[11]      Les parties ont présenté leur preuve au moyen d’affidavits, comme il est habituel de le faire pour les demandes de contrôle judiciaire.

[12]      La demanderesse a déposé l’affidavit de M. John Gibson, biologiste marin à la retraite et ancien employé du ministère des Pêches et des Océans Canada (MPO). Cet affidavit a été souscrit le 4 juin 2010.

[13]      La demanderesse a demandé l’autorisation de déposer un autre affidavit, daté du 23 juin 2011, pour réfuter les affidavits déposés par les autres parties et à l’appui de son propre affidavit souscrit le 4 juin 2011. Par ordonnance de la protonotaire Aronovitch, en date du 11 novembre 2011, l’autorisation de déposer le nouvel affidavit a été refusée, au motif que la demanderesse n’avait pas satisfait aux critères applicables à la production d’une preuve supplémentaire.

[14]      En statuant sur la requête de la demanderesse en vue de déposer un nouvel affidavit de M. Gibson, la protonotaire Aronovitch a renvoyé la question de la qualification de M. Gibson à titre de témoin expert au juge saisi de l’affaire sur le fond. Cette question sera traitée ci‑après.

[15]      La défenderesse a déposé les affidavits de MM. Marvin A. Barnes et Chris Doiron. M. Barnes est employé du MPO et, au moment où il a souscrit son affidavit, il était directeur régional, Évaluation environnementale et grands projets, Direction des océans, de l’habitat et des espèces en péril. En cette qualité, il était responsable des évaluations environnementales des grands projets de développement au titre de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 (la LCEE), abrogée en 2012 [L.C. 2012, ch. 19, art. 66]. Le projet de Long Harbour, ainsi que la désignation de l’étang Sandy en tant que DRM, était susceptible de contrôle par la Cour en vertu de la LCEE.

[16]      M. Barnes a décrit les mesures prises entre mars 2006, moment où le MPO a reçu une description de projet de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (l’Agence), et juillet 2008, moment où l’Agence a communiqué sa conclusion que le projet avait peu de chances d’entraîner des répercussions environnementales négatives.

[17]      Ces mesures comprenaient une demande de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador au MPO concernant un avis sur la description du projet; la préparation d’une étude d’impact environnemental (EIE) par Vale et la présentation de cette EIE au MPO et à Transports Canada (TC); une demande de modification du Règlement pour y inclure les usines hydrométallurgiques (l’hydrométallurgie), comme le projet proposé et l’utilisation de l’étang Sandy comme site de gestion et d’entreposage des résidus; le dépôt de la version définitive de la Stratégie de compensation de l’habitat du poisson pour l’étang Sandy et un avis du MPO quant à l’acceptabilité de la stratégie au titre de l’article 27.1 du Règlement; enfin, deux séances de consultation publique, l’une à Long Harbour, Terre‑Neuve‑et‑Labrador, et l’autre à Gatineau, au Québec.

[18]      M. Chris Doiron est employé de Sa Majesté la Reine du chef du Canada à titre de chef de la Section des mines, Division mines et du traitement, à Environnement Canada, poste qu’il occupe depuis mai 2004. En cette qualité, il a participé à l’évaluation de l’installation d’entreposage des résidus à l’étang Sandy proposée par Voisey’s Bay Nickel Company Limited dans le cadre du projet.

[19]      Dans son affidavit, daté du 29 juillet 2010, M. Doiron décrit les mesures prises par les autorités réglementaires fédérales de 2005 à 2008 ayant mené aux modifications qui ont donné lieu à l’inscription de l’étang Sandy, à l’annexe 2, le 28 mai 2009. Le MPO et TC ont participé au processus ayant mené aux modifications du Règlement en raison de leur statut d’« autorité responsable » au sens de la LCEE. Il a indiqué avoir été totalement engagé dans la supervision du processus réglementaire d’Environnement Canada ayant mené à l’inscription en 2009 de l’étang Sandy en tant que DRM à l’annexe 2 et à l’élargissement de la portée du Règlement pour y inclure l’hydrométallurgie. Ce processus a donné lieu à l’adoption du Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2009‑156 (les modifications au REMM de Voisey’s Bay).

[20]      L’AMC et la MABC ont déposé l’affidavit d’Elizabeth J. Gardiner et les rapports de MM. Dirk Jacobus Albertus Van Zyl et Eric B. Taylor, à titre de témoins experts.

[21]      Mme Gardiner est conseillère de direction à l’AMC, où elle a occupé le poste de vice‑présidente, Affaires techniques, de 1996 à 2010. Dans son affidavit, daté du 6 mai 2011, elle traite du rôle de l’AMC en tant qu’organisme national pour l’industrie minière canadienne et de son engagement dans la recherche et le maintien de normes élevées de rendement et de gestion en matière d’environnement. Elle commente l’évolution du régime réglementaire fédéral du début des années 1990 à l’adoption du REMM en 2002, y compris l’introduction de l’annexe 2, de même que les modifications apportées en 2006, notamment l’ajout de l’article 27.1.

[22]      L’AMC et la MABC ont également déposé les rapports de deux témoins experts, M. Van Zyl et M. Taylor. Chacun de ces rapports était accompagné d’un certificat relatif au « Code de déontologie régissant les témoins experts », conformément à la règle 52.2 des Règles.

[23]      M. Van Zyl est ingénieur civil. Son rapport porte sur la production et la gestion des résidus miniers, soit les résidus laissés après la récupération des métaux dans une installation de traitement des minéraux. Son rapport traite des options en matière de gestion des résidus miniers, soit à la surface de la terre, sous la surface de la terre et sous l’eau, et compare les avantages et les inconvénients de chaque option.

[24]      Le deuxième rapport, rédigé par M. Taylor, s’intitule « Adaptative radiation and Sandy Pond Brook Trout » (« La radiation adaptative et l’omble de fontaine de l’étang Sandy »). M. Taylor, professeur de zoologie à l’Université de la Colombie‑Britannique, y commente un article écrit par le M. Gibson, intitulé « The iniquity of compensation for destroyed lakes » (« L’iniquité de la compensation pour les lacs détruits »). M. Taylor conteste l’avis de M. Gibson quant à « l’évolution adaptative » de l’omble de fontaine de l’étang Sandy.

[25]      Vale a déposé les affidavits de M. Don Stevens, de Mme Margarette Livie, de Mme Macijie B. Szymanski et de M. James H. McCarthy ainsi que la transcription du contre‑interrogatoire de M. Gibson.

[26]      M. Stevens a déposé deux affidavits, le premier le 13 juillet 2010 et le second le 6 mai 2011. M. Stevens est directeur général de l’usine de Vale à Long Harbour. Dans ses affidavits, il affirme que l’annexe 2 du Règlement a été modifiée à la demande de Vale pour y inscrire l’étang Sandy en tant que DRM. Il passe également en revue les mesures prises par Vale qui ont mené à la modification du Règlement.

[27]      Mme Livie a souscrit un affidavit le 27 juillet 2010. Elle était alors auxiliaire juridique pour Vale. Elle a joint à son affidavit certains documents, déposés comme pièces, notamment la transcription d’une émission de radio, la copie d’un « document d’information » à propos de la demanderesse, des documents relatifs à la constitution de la demanderesse en personne morale, et la transcription d’un reportage d’actualités télévisées. Ces éléments de preuve visent à démontrer que la demanderesse se consacre uniquement à l’installation de Long Harbour et à l’étang Sandy. Vale se fonde également sur cet affidavit pour contester le statut de témoin expert de M. Gibson.

[28]      Les services de Mme Szymanski, ingénieure, ont été retenus par Vale pour la production d’un rapport d’expert. Ce rapport est accompagné d’un certificat conformément à la règle 52.2 des Règles.

[29]      Mme Szymanski est employée d’AMEC Earth and Environmental Projects, Section des projets miniers. Elle possède de l’expérience dans la sélection et la conception des DRM pour les projets miniers. Dans son rapport d’expert, elle commente les mesures prises par Vale ayant mené à la sélection de l’étang Sandy en tant que DRM.

[30]      Vale a déposé un deuxième rapport d’expert, soit le rapport de M. James H. McCarthy, biologiste principal chez AMEC Earth and Environmental Projects. M. McCarthy été chargé de donner un avis sur le plan de compensation pour l’étang Sandy, y compris de l’information contextuelle sur l’évaluation du poisson, sur l’habitat du poisson et sur le plan lui‑même. Il a remis un certificat relatif au Code de déontologie régissant les témoins experts, conformément à la règle 52.2 des Règles.

III.   OBSERVATIONS

A)     La demanderesse

[31]      La demanderesse conteste certaines dispositions du Règlement de 2002, modifié en 2006, plus précisément l’article 5, l’article 27.1 et l’annexe 2, au motif que ces dispositions excèdent le pouvoir de réglementation conféré au gouverneur en conseil par la Loi sur les pêches. Elle soutient que ces modifications réglementaires ne sont pas autorisées par la Loi sur les pêches et que, quoi qu’il en soit, le Règlement contrevient à son objet, soit la conservation et la protection des pêches canadiennes, y compris la pêche interne en eau douce.

[32]      La demanderesse allègue que le mécanisme de réglementation énoncé dans la version de 2002 du Règlement est régulier et légal et qu’il constitue un exercice valide des pouvoirs de réglementation prévus par la Loi sur les pêches, ce Règlement exigeant le traitement des effluents avant leur rejet dans les plans d’eau, de sorte que les rejets n’endommagent pas et ne détruisent pas le poisson et d’autres formes de vie. À cet égard, la demanderesse invoque le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation [Gaz. C. 2002.II.1444] qui accompagne le Règlement de 2002.

[33]      La demanderesse soutient que les modifications apportées au Règlement en 2006, illustrées par l’article 5 et l’article 27.1, ont éliminé cette protection et permettent désormais le rejet d’effluents sans traitement préalable, entraînant ainsi la destruction potentielle du poisson, de l’habitat du poisson et d’autres formes de vie. Elle fait valoir que ce mécanisme est contraire aux objectifs de conservation prévus par la Loi.

[34]      La demanderesse allègue que ces modifications constituent un changement important par rapport à la réglementation antérieure sur le rejet d’effluents et que ce changement important doit être expressément autorisé par une disposition de la Loi sur les pêches. Elle renvoie à l’article 7 de la Loi, qui donne au ministre des Pêches et des Océans (le ministre) le pouvoir discrétionnaire d’octroyer des permis, et fait valoir qu’un pouvoir similaire doit être conféré par la Loi pour autoriser l’adoption d’une réglementation pouvant tuer le poisson et détruire son habitat.

[35]      La demanderesse prétend qu’en l’absence d’une telle disposition législative expresse, il n’y a pas de « base légale » autorisant le gouverneur en conseil à adopter les modifications apportées en 2006 au Règlement de 2002.

B)     La défenderesse

[36]      La défenderesse est d’avis que les modifications s’inscrivent dans le cadre des pouvoirs conférés par la Loi. Elle souligne que les modifications en cause renvoient expressément au paragraphe 36(5). Elle soutient que l’esprit de la Loi envisage l’autorisation du dépôt de substances nocives dans des eaux où vivent des poissons, sous réserve du Règlement.

[37]      En outre, la défenderesse fait valoir que la Loi prévoit à la fois le rejet de substances nocives dans des eaux où vivent des poissons et la préservation des frayères et de l’habitat du poisson. Elle s’appuie sur les observations de la Cour d’appel fédérale dans la décision Fondation David Suzuki c. Canada (Pêches et Océans), 2012 CAF 40, [2013] 4 R.C.F. 155, dans laquelle la Cour affirme, au paragraphe 127 :

Le paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches interdit d’exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson. Cependant, son paragraphe 35(2) permet au ministre d’autoriser la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson dans les circonstances qui selon lui le justifient. Les interdictions formulées au paragraphe 35(1), conjuguées avec les dispositions du paragraphe 35(2), constituent donc un moyen légal pour le ministre de gérer et de contrôler la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson. Autrement dit, le paragraphe 35(2) habilite le ministre à délivrer des permis autorisant des activités préjudiciables à l’habitat du poisson qui, non ainsi autorisées, enfreindraient le paragraphe 35(1) : Québec (Procureur général) c. Moses, 2010 CSC 17, [2010] 1 R.C.S. 557, au paragraphe 49.

[38]      La défenderesse met l’accent sur le paragraphe 36(5) de la Loi, qu’elle considère comme étant la disposition cruciale de la Loi aux fins de la contestation de la demanderesse. Elle affirme que cette disposition permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements autorisant le rejet de substances nocives. Elle met en évidence la différence entre le paragraphe 36(5) et le paragraphe 35(2), qui autorise des activités qui entraînent la destruction de l’habitat du poisson, sous réserve de certaines conditions. En vertu du paragraphe 35(2), la destruction de l’habitat du poisson peut se faire, sur autorisation du ministre, par une personne visée ou dans certaines circonstances, ou sous réserve d’une autre disposition de la Loi. Le paragraphe 36(5) permet un tel dépôt par règlement, plutôt que sur autorisation.

[39]      En bref, la défenderesse allègue que la gestion des ressources halieutiques a permis le rejet de substances nocives. Le Règlement actuel est autorisé en vertu du paragraphe 36(5) et est compatible avec le régime législatif, comme le confirme la décision Ecology Action Centre Society c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1087.

[40]      La défenderesse soutient en outre que les eaux où vivaient des poissons ne pouvaient servir au rejet de substances nocives que sur une autorisation donnée en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi avant le Règlement de 2002. Le Règlement actuel prévoit un mécanisme différent pour faire la même chose.

[41]      La demanderesse souligne également que l’étang Sandy a été inscrit à l’annexe 2 en 2009, mais que l’annexe 2 elle‑même a été créée dans la foulée du Règlement de 2002. L’inscription de l’étang Sandy à l’annexe 2 en 2009 doit être évaluée à la lumière des articles 5 et 27.1, qui sont nouveaux; ces dispositions n’existaient pas dans le Règlement de 2002.

[42]      La demanderesse fait valoir que la seule différence entre le Règlement de 2002 et les modifications de 2006 est que le « dépôt de résidus miniers » est défini à la section des définitions du Règlement de 2002, alors que cette définition est intégrée au paragraphe 5(1) dans le Règlement de 2006. Sinon, les Règlements sont identiques. Étant donné que la demanderesse ne conteste pas la validité du Règlement de 2002, sa contestation des modifications de 2006 est sans fondement.

[43]      Enfin, la défenderesse allègue que les modifications apportées à la Loi sur les pêches en 2012 par le projet de loi C‑38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d’autres mesures, 1re session, 38e législature, 2012 [L.C. 2012, ch. 19], n’ont pas d’effet sur le Règlement de 2006. Le Règlement a été modifié en 2009 afin d’englober l’hydrométallurgie, une nouvelle technologie de traitement des métaux utilisée par le projet de Long Harbour. Les affidavits de M. Barnes et M. Doiron traitent de cette technologie.

C)     Les intervenantes

[44]      L’AMC et la MABC appuient la thèse de la défenderesse. Elles soulignent que la Loi sur les pêches ne contient pas de disposition d’objet prévoyant expressément la conservation et la protection du poisson. Elles allèguent qu’en l’absence d’une telle disposition, le champ d’application de la Loi ne doit pas être réduit à un seul objet étroit. Elles renvoient à l’historique de la Loi depuis sa création en 1868, faisant valoir que, depuis le tout début, le Parlement exerce un large pouvoir discrétionnaire en matière de gestion des ressources halieutiques, eu égard à l’opposition entre la demande de l’industrie et la nécessité de gérer les ressources.

[45]      L’AMC et la MABC renvoient à des décisions récentes qui confirment la vaste étendue de la compétence du Parlement sur les pêches, notamment l’arrêt Ward c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 17, [2002] 1 R.C.S. 569.

IV.  ANALYSE ET DÉCISION

[46]      Deux questions méritent d’être examinées à titre préliminaire : en premier lieu, le statut de la demanderesse en tant que partie représentant l’intérêt public; et, en second lieu, le statut de témoin expert de M. Gibson.

[47]      La demanderesse est une société sans but lucratif constituée en personne morale aux seules fins d’introduire la présente demande. Bien qu’aucune partie n’ait remis en cause sa capacité de le faire, il convient de discuter de son statut.

[48]      Dans l’arrêt Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 144, au paragraphe 17, la Cour d’appel fédérale s’est prononcée sur la qualité pour agir dans l’intérêt public :

La qualité pour agir est un mécanisme auquel recourent les tribunaux pour dissuader les « ingéreurs » officieux d’intenter une action. Elle n’est pas conçue pour être un moyen préventif de conclure à la non‑validité de la cause d’action d’une partie. Il y a une distinction à faire entre le droit à un redressement et le droit de soulever une question justiciable.

[49]      Je suis convaincue que la demanderesse bénéficie du statut de partie représentant l’intérêt public aux fins de la présente affaire.

[50]      Passons maintenant à M. Gibson, biologiste de la vie aquatique, présenté par la demanderesse à titre de témoin expert. Le témoignage de M. Gibson, présenté par la demanderesse, a fait l’objet d’un débat lors de l’audience. Les avocats de la défenderesse, de Vale, de l’AMC et de la MABC ont vigoureusement contesté la qualité de « témoin expert » de M. Gibson, c’est‑à‑dire une personne reconnue par la Cour comme étant qualifiée pour donner un témoignage d’opinion sur les questions en litige.

[51]      Ces parties ont soulevé diverses objections, notamment la participation de M. Gibson à la constitution de la demanderesse en personne morale, son statut d’administrateur de la demanderesse, son rôle de collecteur de fonds pour le compte de la demanderesse, et son admission en contre‑interrogatoire quant au fait qu’il se considère comme un « défenseur » de la demanderesse.

[52]      La question de la qualité de « témoin expert » de M. Gibson a été soulevée lorsque la demanderesse a sollicité l’autorisation de déposer son nouvel affidavit. En rejetant la requête en ce sens, la protonotaire Aronovitch a renvoyé la question de la détermination du statut de M. Gibson au juge du procès. Cette question a été examinée dès le début de l’audience.

[53]      Plus précisément, les paragraphes 7 à 15 de son affidavit étaient contestés :

[traduction]

7.    À mon avis, il s’agit d’un affaiblissement majeur de la fonction de conservation de la Loi sur les pêches.

8.    Par la suite, j’ai exprimé mes préoccupations au sujet du Règlement sur les effluents des mines de métaux, dans un article intitulé « The iniquity of compensation for destroyed lakes » (L’iniquité de la compensation pour les lacs détruits), The Osprey, 41(3), 2010 (sous presse), que j’ai joint à mon affidavit à titre de pièce « B ».

9.    J’ai publié un autre article sur le même sujet dans Canadian Society of Environmental Biologists Newsletter/Bulletin, volume 67, no 1, printemps 2010, page 12, et je l’ai joint à mon affidavit à titre de pièce « C ».

10.  Je m’inquiète des répercussions écologiques des modifications apportées en 2006 au Règlement sur les effluents des mines de métaux, plus particulièrement de la création d’un mécanisme de réglementation qui permet de classer en tant que dépôt de résidus miniers pour les rejets d’effluents de l’industrie minière des écosystèmes d’eau douce naturels, comme l’étang Sandy de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (situé à une latitude nord de 47° 25’ 33” et à une longitude ouest de 53° 46’ 52”, dans la péninsule d’Avalon, à environ 3 km à l’est‑sud‑est de la ville de Long Harbour‑Mount Arlington Heights, Terre‑Neuve‑et‑Labrador).

11.  Que le projet proposé de rejet de substances nocives autorisé par les modifications au Règlement sur les effluents des mines de métaux entraîne l’élimination de toute vie dans l’étang Sandy.

12.  Que l’étang Sandy est un écosystème unique qui, une fois perdu, ne pourra pas être recréé.

13.  Je suis convaincu que la perte de l’étang Sandy provoquera d’importantes pertes d’habitats du poisson et de diversité biologique, ainsi que l’élimination de possibilités d’activités récréatives.

14.  Que je connais bien le système de compensation prévu à l’article 27.1 du Règlement sur les effluents des mines de métaux et que je suis d’avis qu’une compensation adéquate pour la destruction de tout un écosystème, comme l’étang Sandy, est dans les faits chose impossible.

15.  Que, traditionnellement, les sociétés minières construisaient leurs propres bassins de décantation des résidus, ce qui devrait être la norme, plutôt que de permettre la destruction d’eaux où se trouvent des poissons par une inscription à l’annexe 2 du Règlement sur les effluents des mines de métaux.

[54]      Après avoir entendu les observations de l’avocat, il a été décidé de ne pas reconnaître M. Gibson à titre de témoin « expert ». Bien que la défenderesse et les intervenantes aient demandé la radiation de son affidavit, la décision prévoyait qu’il ne soit pas accordé de poids aux paragraphes contestés, constituant l’expression d’une opinion personnelle plutôt qu’une opinion scientifique.

[55]      Dans la décision Fraser River Pile and Dredge Ltd. c. Empire Tug Boats Ltd., [1995] A.C.F. no 436 (1re inst.) (QL), la juge Reed s’est penché sur les caractéristiques de la « preuve d’expert » et l’a définie comme étant une preuve présentée par une personne qui a une connaissance particulière des questions en litige et dont le témoignage peut être nécessaire pour permettre au juge du procès de comprendre la preuve. Comme en font état les paragraphes précités, le témoignage de M. Gibson ne satisfait pas aux critères d’une opinion d’expert et est visé par la critique formulée par la juge Reed dans la décision Fraser River, aux paragraphes 14 et 17.

[56]      Par conséquent, les paragraphes précités demeurent, mais il ne leur sera accordé aucun poids.

[57]      En même temps, je reconnais, et je souscris aux observations des avocats de la défenderesse et des intervenantes à cet égard, que les études, l’expérience, les qualifications et la sincérité de M. Gibson ne sont pas en cause. Le témoignage de M. Gibson est rejeté parce qu’il ne respecte pas le critère juridique de la preuve d’expert, soit la pertinence et la nécessité, expliqué dans la décision Fraser River, aux paragraphes 10 et 14.

[58]      La présente demande constitue une contestation du pouvoir du gouverneur en conseil d’adopter les articles 5 et 27.1 du REMM 2006, ainsi que la création de l’annexe 2 du REMM 2002, modifiée par la suite.

[59]      La question en l’espèce est de savoir si les modifications apportées au Règlement en 2006 sont autorisées par la loi. Cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir Conseil canadien pour les réfugiés c. Canada, 2008 CAF 229, [2009] 3 R.C.F. 136, au paragraphe 63. Dans la présente demande, la question de droit ne réside pas dans l’interprétation des articles 5 et 27.1 du Règlement de 2006, mais consiste à savoir si ces dispositions, ainsi que l’annexe 2 du Règlement de 2002, ont été validement adoptées.

[60]      Le Parlement fédéral jouit d’un pouvoir législatif exclusif sur les pêches au Canada en vertu du paragraphe 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.‑U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], qui dispose ce qui suit :

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci‑haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci‑dessous énumérés, savoir :

[…]

12. Les pêcheries des côtes de la mer et de l’intérieur.

Autorité législative du parlement du Canada

[61]      Comme l’ont souligné l’AMC et la MABC dans leurs observations, la législation régissant les pêches est presque aussi ancienne que le pays, la première Loi sur les pêches ayant été adoptée en 1868 [Acte des Pêcheries, S.C. 1868, ch. 60]. Plusieurs litiges ont été entendus depuis la fin du XIXe siècle concernant l’interprétation et l’étendue du pouvoir du gouvernement fédéral sur les pêches; voir Attorney-General for the Dominion of Canada v. Attorneys-General for the Provinces of Ontario, Quebec and Nova Scotia, [1898] A.C. 700 (P.C.); Attorney General for British Columbia v. Attorney General for the Dominion of Canada, [1914] 15 D.L.R. 308 (P.C.); et Attorney General for Canada v. Attorney General for the Province of Quebec (1920), 56 D.L.R. 358 (P.C.).

[62]      Mis à part M. Gibson, qui a exprimé son opinion dans son affidavit déposé par la demanderesse, nul ne conteste en l’espèce le choix de l’étang Sandy en tant que DMR par Vale et l’approbation de ce choix par le MPO, pas plus que les éléments du plan de compensation proposé par Vale et accepté par le MPO.

[63]      Une cour de révision n’a pas beaucoup de manœuvre lorsque vient le temps de se prononcer sur de telles questions, étant donné que le choix de la science est reconnu comme relevant bel et bien de l’autorité gouvernante, conformément à la législation applicable. À cet égard, je renvoie à la décision Inverhuron & District Ratepayers’ Assn. c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CAF 203, au paragraphe 48. Les éléments de preuve déposés par la défenderesse et les intervenantes établissent correctement le contexte factuel relatif à la mise en place et au fonctionnement d’un DMR, au choix de l’étang Sandy en tant que DRM et au plan de compensation requis par la Loi.

[64]      Le préambule du Règlement de 2002 est rédigé comme suit :

Sur recommandation du ministre des Pêches et des Océans et en vertu des paragraphes 34(2), 36(5) et 38(9) de la Loi sur les pêches, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement sur les effluents des mines de métaux, ci‑après.    

[65]      Le préambule du Règlement de 2006 est libellé comme suit :

Sur recommandation du ministre des Pêches et des Océans et en vertu des paragraphes 36(5) et 38(9) de la Loi sur les pêches, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux, ci‑après.  

[66]      La demanderesse fait valoir que le Règlement contesté excède le pouvoir du gouverneur en conseil, car il contrevient à l’objet de conservation de la Loi. À cet égard, la demanderesse se fonde sur l’article 7 de la Loi et sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, dans lequel elle s’est penchée sur l’étendue du pouvoir discrétionnaire du ministre en matière de délivrance de permis.

[67]      Reconnaissant l’aspect discrétionnaire de la délivrance des permis, la demanderesse allègue que ce vaste pouvoir discrétionnaire doit être exercé à des fins de conservation, aucun ministre n’ayant le droit de délivrer un permis qui permettrait d’éliminer un habitat de poisson. Elle fait valoir que, étant donné que le vaste pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 7 de la Loi est encadré par le principe de la conservation, le pouvoir de réglementation des paragraphes 34(2), 36(5) et 38(9) de la Loi doit lui aussi être exercé d’une manière qui garantisse la conservation.

[68]      Elle fait en outre valoir que si le législateur entendait autoriser le gouverneur en conseil à prendre des règlements ayant des effets aussi extrêmes que la destruction d’une pêcherie, il aurait dû accorder un vaste pouvoir explicitement, comme celui prévu à l’article 7. Étant donné que les paragraphes 34(2), 36(5) et 38(9) sont de portée plus étroite que l’article 7, ils ne peuvent autoriser la prise des dispositions contestées.

[69]      À mon avis, cet argument ne peut être retenu. En premier lieu, la demanderesse se trompe lorsqu’elle affirme que la conservation est l’objet primordial de la Loi. La Loi ne contient pas d’article « objet ». Un article [article 2.1] « objet » avait été inséré dans la Loi par la Loi modifiant la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 35, à l’article 2, pour ensuite être abrogé; voir Loi modifiant la Loi sur les pêches, article 6.

[70]      Dans l’arrêt Ward, la Cour suprême du Canada a reconnu que la compétence en matière de pêcheries vise notamment la conservation et la protection de cette ressource ainsi que sa gestion générale. Au paragraphe 41 de l’arrêt Ward, la Cour a rappelé que de nombreux intérêts interviennent dans la gestion des pêches, notamment les intérêts industriels :

Ces décisions établissent indubitablement que la compétence en matière de pêcheries vise non seulement la conservation et la protection, mais encore la « réglementation » générale des pêcheries, y compris leur gestion et leur surveillance. Elles reconnaissent que les « pêcheries », au par. 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867, s’entendent des pêcheries en tant que ressource naturelle; [traduction] « une source de richesse pour le pays ou la province » (Robertson, précité, p. 121); un « bien commun » à gérer pour le bien de tous les Canadiens (Comeau’s Sea Foods, précité par. 37). La ressource halieutique comprend tous les animaux qui habitent les mers, mais elle englobe aussi les intérêts commerciaux et économiques, les droits et les intérêts des peuples autochtones, de même que l’intérêt public en matière de sport et de loisirs.

[71]      À mon avis, la présence ou l’absence d’une disposition « objet » n’a pas d’incidence sur la validité de la Loi et, quoi qu’il en soit, la validité d’aucune disposition de la Loi n’est contestée; seuls sont contestés certaines dispositions du Règlement, soit l’article 5, l’article 27.1 et l’annexe 2 du Règlement.

[72]      L’analyse appropriée de la validité d’un règlement a été définie par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Commission du blé) c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 214, [2010] 3 R.C.F. 374, où la Cour a déclaré, au paragraphe 46 :

La première étape d’une analyse de la validité consiste à identifier la portée et l’objet du pouvoir conféré par la loi en vertu duquel le décret contesté a été publié. Un tel exercice exige que le paragraphe 18(1) soit examiné dans le contexte de la Loi dans son ensemble. La deuxième étape consiste à déterminer si le pouvoir conféré par la loi permet cette législation par délégation particulière (Jafari c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 2 C.F. 595 (C.A.), page 602).

[73]      Concernant le premier élément, la Loi contient de nombreuses dispositions qui autorisent l’adoption de règlements. Trois dispositions sont mentionnées dans le préambule du Règlement de 2002, soit les paragraphes 34(2), 36(5) et 38(9). Le préambule du Règlement de 2006 ne renvoie qu’aux paragraphes 36(5) et 38(9). À mon avis, le paragraphe 36(5) est le plus pertinent en ce qui a trait aux questions soulevées en l’espèce. Il est rédigé comme suit :

36. […]

(5) Pour l’application de l’alinéa (4)b), le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer :

a) les substances ou catégories de substances nocives dont l’immersion ou le rejet sont autorisés par dérogation au paragraphe (3);

b) les eaux et les lieux ou leurs catégories où l’immersion ou le rejet des substances ou catégories de substances visées à l’alinéa a) sont autorisés;

c) les ouvrages ou entreprises ou catégories d’ouvrages ou d’entreprises pour lesquels l’immersion ou le rejet des substances ou des catégories de substances visées à l’alinéa a) sont autorisés;

d) les quantités ou les degrés de concentration des substances ou des catégories de substances visées à l’alinéa a) dont l’immersion ou le rejet sont autorisés;

e) les conditions, les quantités, les exigences préalables et les degrés de concentration autorisés pour l’immersion ou le rejet des substances ou catégories de substances visées à l’alinéa a) dans les eaux et les lieux visés à l’alinéa b) ou dans le cadre des ouvrages ou entreprises visés à l’alinéa c);

f) les personnes habilitées à autoriser l’immersion ou le rejet de substances ou de catégories de substances nocives en l’absence de toute autre autorité et les conditions et exigences attachées à l’exercice de ce pouvoir.       

Règlements d’application de l’al. (4)b)

[74]      Pour déterminer la portée et l’application du pouvoir prévu au paragraphe 36(5), cette disposition doit être lue conjointement avec le paragraphe 36(3) et l’alinéa 36(4)b) de la Loi :

36. […]

(3) Sous réserve du paragraphe (4), il est interdit d’immerger ou de rejeter une substance nocive — ou d’en permettre l’immersion ou le rejet — dans des eaux où vivent des poissons, ou en quelque autre lieu si le risque existe que la substance ou toute autre substance nocive provenant de son immersion ou rejet pénètre dans ces eaux.        

Dépôt de substances nocives prohibé

(4) Par dérogation au paragraphe (3), il est permis d’immerger ou de rejeter :

[…]

b) les substances nocives appartenant à une catégorie autorisée sous le régime des règlements applicables aux eaux ou lieux en cause, ou aux ouvrages ou entreprises ou à leurs catégories, pris en vertu du paragraphe (5), et ce selon les conditions — notamment quantités et degrés de concentration — prévues sous leur régime;   

Immersion permise par règlement

[75]      Le paragraphe 36(3) de la Loi interdit le rejet d’une substance nocive dans des eaux où vivent des poissons. L’alinéa 36(4)b) autorise le dépôt d’une substance nocive dans de telles eaux dans les conditions autorisées par les règlements adoptés en vertu du paragraphe 36(5). Le Règlement contesté en l’espèce a été adopté en vertu du paragraphe 36(5). L’effet du Règlement en cause est de permettre l’utilisation de l’étang Sandy en tant que DRM, c’est‑à‑dire en tant que dépôt des résidus générés par l’exploitation du projet à Long Harbour.

[76]      Il ne fait aucun doute que lesdits résidus, des résidus miniers, contiennent des substances nocives et que ces substances seront déposées dans l’étang Sandy. Bien que cette perspective ait ému l’opinion publique et précipité la présente affaire, l’utilisation de l’étang Sandy de cette manière n’est pas illégale; elle est expressément autorisée par les dispositions précitées de la Loi.

[77]      À mon avis, les dispositions précitées ont une portée suffisamment large pour autoriser l’adoption du Règlement contesté, soit la version 2006.

[78]      La deuxième étape de l’analyse de la validité consiste à se demander si le pouvoir conféré par la loi autorise la législation déléguée en question. À mon avis, il n’est nécessaire d’examiner que le paragraphe 36(5) pour l’évaluation du deuxième critère de l’analyse de la validité de l’arrêt Canada (Commission du blé) parce que cette disposition concerne les trois aspects de la contestation de la demanderesse, soit la validité de l’article 5, de l’article 27.1 et de l’annexe 2.

[79]      Je vais d’abord examiner l’article 5 [du Règlement de 2002 mod. par l’article 2] du Règlement de 2006, qui autorise le rejet de substances nocives dans un DRM. L’article 5 dispose que :

5. (1) Malgré l’article 4, le propriétaire ou l’exploitant d’une mine peut rejeter — ou permettre que soient rejetés — des stériles ou un effluent, quel que soit le pH de l’effluent ou sa concentration en substances nocives, dans l’un ou l’autre des dépôts de résidus miniers suivants :

a)    les eaux et lieux mentionnés à l’annexe 2;

b)    toute aire de décharge circonscrite par une formation naturelle ou un ouvrage artificiel, ou les deux, à l’exclusion d’une aire de décharge qui est un plan d’eau naturel où vivent des poissons ou qui en fait partie.

(2)   Le propriétaire ou l’exploitant ne peut se prévaloir du droit que lui confère le paragraphe (1) que s’il satisfait aux exigences prévues aux articles 7 à 28.           

[80]      Ce comportement est expressément autorisé par les alinéas 36(5)a) à d) de la Loi, reproduits ci‑après :

36. […]

(5) Pour l’application de l’alinéa (4)b), le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer :

a) les substances ou catégories de substances nocives dont l’immersion ou le rejet sont autorisés par dérogation au paragraphe (3);

b) les eaux et les lieux ou leurs catégories où l’immersion ou le rejet des substances ou catégories de substances visées à l’alinéa a) sont autorisés;

c) les ouvrages ou entreprises ou catégories d’ouvrages ou d’entreprises pour lesquels l’immersion ou le rejet des substances ou des catégories de substances visées à l’alinéa a) sont autorisés;

d) les quantités ou les degrés de concentration des substances ou des catégories de substances visées à l’alinéa a) dont l’immersion ou le rejet sont autorisés;

Règlements d’application de l’al. (4)b)

[81]      L’article 27.1 [du Règlement de 2002 mod. par l’article 14] du Règlement de 2006 exige que le propriétaire ou l’exploitant d’une mine soumette un plan de compensation à l’approbation du ministre avant de procéder au rejet de substances nocives. L’article 27.1 est rédigé comme suit :

27.1 (1) Le propriétaire ou l’exploitant d’une mine présente au ministre un plan compensatoire pour approbation et doit obtenir celle‑ci avant de rejeter des substances nocives dans tout dépôt de résidus miniers qui est ajouté à l’annexe 2 après l’entrée en vigueur du présent article.

(2) Le plan compensatoire a pour objectif de contrebalancer la perte d’habitat du poisson consécutive au rejet de substances nocives dans le dépôt de résidus miniers.

(3) Le plan compensatoire comporte des dispositions portant sur les éléments suivants :

a) une description de l’emplacement du dépôt de résidus miniers et de l’habitat du poisson atteint par le rejet de substances nocives;

b) l’analyse quantitative de l’incidence du rejet sur l’habitat du poisson;

c) les mesures visant à contrebalancer la perte d’habitat du poisson;

d) les mesures envisagées durant la planification et la mise en œuvre du plan pour atténuer les effets défavorables sur l’habitat du poisson qui pourraient résulter de la mise en œuvre du plan;

e) les mesures de surveillance de la mise en œuvre du plan;

f) les mécanismes visant à établir dans quelle mesure les objectifs du plan ont été atteints;

g) le délai pour la mise en œuvre du plan, lequel délai permet l’atteinte des objectifs prévus dans un délai raisonnable;

h) l’estimation du coût de mise en œuvre de chacun des éléments du plan.

(4) Le propriétaire ou l’exploitant présente, avec le plan compensatoire, une lettre de crédit irrévocable couvrant les coûts de mise en œuvre du plan et payable sur demande à l’égard du coût des éléments du plan qui n’ont pas été mis en œuvre.

(5) Le ministre approuve le plan compensatoire si les exigences des paragraphes (2) et (3) ont été remplies et si le propriétaire ou l’exploitant s’est conformé aux exigences du paragraphe (4).

(6) Le propriétaire ou l’exploitant veille à ce que le plan compensatoire soit mis en œuvre.

(7) Si les mécanismes visés à l’alinéa (3)f) révèlent que les objectifs n’ont pas été atteints, le propriétaire ou l’exploitant en informe le ministre et, le plus tôt possible dans les circonstances, détermine et prend les mesures correctives nécessaires à l’atteinte des objectifs.       

[82]      Le plan de compensation en l’espèce fait l’objet d’un examen dans les affidavits de M. McCarthy, au nom de l’intervenante Vale, et de M. Barnes, au nom de la défenderesse.

[83]      Vale a élaboré un plan de compensation après avoir entrepris une vaste étude environnementale de l’étang Sandy, à la suite des commentaires du MPO. Le plan consiste à déplacer les poissons de l’étang Sandy dans une source d’eau à proximité avec un minimum de perte de vies, et ce, en cherchant à remplacer l’habitat du poisson perdu en raison de l’utilisation de l’étang Sandy en tant que DRM. Le plan de compensation a été mis au point et remis au MPO en avril 2011.

[84]      Le mécanisme du plan de compensation est autorisé par l’alinéa 36(5)e) de la Loi, qui prévoit que :

36. […]

(5) Pour l’application de l’alinéa (4)b), le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer :

[…]

e) les conditions, les quantités, les exigences préalables et les degrés de concentration autorisés pour l’immersion ou le rejet des substances ou catégories de substances visées à l’alinéa a) dans les eaux et les lieux visés à l’alinéa b) ou dans le cadre des ouvrages ou entreprises visés à l’alinéa c).

Règlements d’application de l’al. (4)b)

[85]      Enfin, il reste la contestation de la création de l’annexe 2, soit une liste des DRM autorisées en vertu du Règlement. La contestation repose sur la prétendue invalidité de l’article 5 [du Règlement de 2002 mod. par l’article 2] du Règlement de 2006. Cependant, cet argument doit être rejeté, car l’article 5 s’inscrit dans le cadre du pouvoir de réglementation du paragraphe 36(5) [de la Loi]. La validité de l’annexe 2 dépend de la validité de l’article 5 et je conclus que l’article 5 est valide.

[86]      En tout état de cause, l’alinéa 36(5)b) de la Loi autorise clairement la création de dépôts de résidus miniers, comme il ressort de ce qui suit :

36. […]

(5) Pour l’application de l’alinéa (4)b), le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer :

[…]

b) les eaux et les lieux ou leurs catégories où l’immersion ou le rejet des substances ou catégories de substances visées à l’alinéa a) sont autorisés.

Règlements d’application de l’al. (4)b)

[87]      La Loi autorise des activités pouvant avoir des répercussions négatives sur des eaux où vivent des poissons, comme l’a reconnu la Cour dans la décision Ecology Action Centre Society, au paragraphe 74, où elle a déclaré :

De plus, il importe de noter que l’article 35 n’interdit pas absolument la DDP [détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson]. La DDP peut être autorisée par le ministre ou par un règlement pris par le gouverneur en conseil.

[88]      Le fait que les règlements adoptés en vertu de la Loi peuvent avoir des répercussions négatives sur l’environnement n’est pas, en soi, un motif d’invalidité. Le Parlement a légiféré et adopté les dispositions permettant l’adoption du Règlement en l’espèce. Rien ne justifie une intervention judiciaire. La volonté du peuple, en matière législative, peut s’exprimer dans l’urne.

[89]      La demanderesse n’a pas demandé d’injonction pour arrêter les travaux entrepris dans la conversion de l’étang Sandy en DRM. Il n’y a donc eu aucun obstacle aux mesures prises par Vale dans la poursuite de cet objectif.

[90]      En conséquence, je suis convaincue que les dispositions du Règlement de 2006 contestées en l’espèce ont été légalement adoptées par le gouverneur en conseil en vertu du pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 36(5) de la Loi.

[91]      Deux questions restent à résoudre : le droit des intervenantes d’interjeter appel et les dépens.

[92]      La première question a été traitée par la Cour d’appel fédérale dans son ordonnance du 8 avril 2011, à l’alinéa 1(x) :

1.

[…]

(x)   les intervenantes peuvent demander au juge présidant l’audience lors de l’instruction de la présente demande d’entendre une requête visant à donner aux intervenantes le droit d’interjeter appel de la décision finale tranchant la demande de contrôle judiciaire.

[93]      Les intervenantes n’ont pas soulevé la question lors de l’audience. Au besoin, la question devrait être soulevée devant la Cour d’appel fédérale.

[94]      L’ordonnance accordant le statut d’intervenante a réglé la question des dépens, à l’alinéa 1(xi) :

1.

[…]

(xi)  les intervenantes n’ont pas le droit de réclamer les dépens contre la demanderesse ou la défenderesse et ni la demanderesse ni la défenderesse n’a le droit de demander les dépens contre les intervenantes pour quelque raison que ce soit pour l’ensemble de ces procédures.

[95]      Dans les circonstances, aucuns dépens ne seront adjugés en faveur ou à l’encontre de l’une ou l’autre des intervenantes.

[96]      La défenderesse a demandé le rejet de la présente demande avec dépens. La défenderesse a gain de cause et les dépens sont généralement adjugés à la partie gagnante.

[97]      En conséquence, la présente demande est rejetée avec dépens.

JUGEMENT

LA COUR REJETTE la présente demande avec dépens.

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