IMM-7227-13
2015 CF 345
Attila Molnar, Gergo Molnar, Szilvia Jano, Milan Molnar (demandeurs)
c.
Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Molnar c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Fothergill—Toronto, 24 février; Ottawa, 23 mars 2015.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger — Requête en vue de faire rejeter une demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle est devenue théorique par suite du retour des demandeurs dans le pays dont ils ont la nationalité — Les demandeurs ont allégué qu’ils risquaient d’être victimes de discrimination en Hongrie — La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a refusé de reconnaître aux demandeurs la qualité de réfugiés au sens de la Convention et celle de personnes à protéger — Les demandeurs ont été renvoyés du Canada — Le défendeur a fait valoir que les art. 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne s’appliquaient pas en l’espèce, car les demandeurs ne sont plus assujettis au processus de demande d’asile de la Commission et qu’ils ne relèvent plus de la compétence de la Cour — Il s’agissait de savoir si la demande était théorique; dans l’affirmative, si la Cour devrait néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et juger l’affaire sur le fond — La jurisprudence de la Cour fédérale milite contre le rejet d’une demande de contrôle judiciaire au seul motif qu’un demandeur d’asile est retourné dans le pays dont il a la nationalité — Dans le jugement Freitas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), la Cour ne craignait pas une éventuelle perte de compétence — Le législateur n’avait pas l’intention d’empêcher la Cour et la Commission d’entendre une demande d’asile après qu’une personne a été renvoyée du Canada — À défaut de termes explicites dans la loi, les droits que la Loi confère aux demandeurs ne sont pas rendus inopérants par l’exécution de la mesure d’expulsion — Il convient pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour juger l’affaire sur le fond — Une question a été certifiée — Requête rejetée.
Il s’agissait d’une requête en vue de faire rejeter une demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était devenue théorique par suite du retour des demandeurs dans le pays dont ils ont la nationalité.
Les demandeurs, des Roms hongrois, ont chacun demandé l’asile en alléguant qu’ils risquaient d’être victimes de discrimination en Hongrie. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a rejeté la demande d’asile des demandeurs, statuant qu’ils n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou celle de personnes à protéger. Les demandeurs ont été renvoyés du Canada après que la Cour eut rejeté leur requête en sursis de leur renvoi.
Le défendeur a affirmé que l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi) exige que les demandeurs d’asile se trouvent hors du pays dont ils ont la nationalité, et soutient que l’article 97 de la Loi exige qu’ils soient physiquement présents au Canada. Le défendeur a affirmé que les demandeurs ne sont plus assujettis au processus de demande d’asile de la Commission et qu’ils ne relèvent plus de la compétence de la Cour.
Il s’agissait de savoir principalement si la demande de contrôle judiciaire était théorique et si, dans l’affirmative, la Cour devrait néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et juger l’affaire sur le fond.
Jugement : la requête doit être rejetée.
La jurisprudence de la Cour fédérale milite contre le rejet d’une demande de contrôle judiciaire au seul motif qu’un demandeur d’asile est retourné dans le pays dont il a la nationalité. Dans le jugement Freitas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), la Cour ne craignait pas une éventuelle perte de compétence de la Commission ou de la Cour. Le législateur n’avait pas l’intention d’empêcher la Cour et la Commission d’entendre une demande d’asile après le renvoi d’une personne du Canada en vertu du paragraphe 48(2) de la Loi. À défaut de termes explicites dans la loi, les droits que la Loi confère aux demandeurs ne peuvent être interprétés de manière à considérer que ces droits sont rendus inopérants par l’exécution de l’obligation qu’a le défendeur d’exécuter la mesure d’expulsion dès que possible. Si l’affaire est devenue théorique, il s’agissait néanmoins d’une affaire dans laquelle il convenait pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire en jugeant l’affaire sur le fond.
La question de savoir si la demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés est théorique quand la personne a été renvoyée du Canada ou l’a quitté, et si, dans l’affirmative, la Cour devrait normalement refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre la demande a été certifiée.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 48(2), 72(1),(2)e), 96, 97, 99, 100, 109.1.
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 231(1),(2).
JURISPRUDENCE CITÉE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Magusic c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 823; Freitas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 C.F. 432 (1re inst.); Rosa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1234, [2015] 4 R.C.F. 199.
DÉCISION DIFFÉRENCIÉE :
Dogar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (16 février 2015), IMM-5719-13 (C.F.).
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; Bago c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 FC 1299; Ramoutar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 C.F. 370 (1re inst.); Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, motifs modifiés, [1998] 1 R.C.S. 1222.
DÉCISION CITÉE :
Solis Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 663.
requête en vue de faire rejeter une demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était devenue théorique par suite du retour des demandeurs dans le pays dont ils ont la nationalité. Requête rejetée.
ONT COMPARU
Daniel M. Fine pour les demandeurs.
B. Asha Gafar pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Daniel M. Fine, Toronto, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
Le juge Fothergill :
I. Introduction
[1] Attila Molnar (le demandeur principal), sa conjointe de fait et leurs deux enfants mineurs (les demandeurs) ont introduit une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR [ou la Loi]). Ils contestent la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a refusé de leur reconnaître la qualité de réfugiés au sens de la Convention et celle de personnes à protéger.
[2] Le 19 février 2015, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur ou le ministre) a présenté une requête en vue de faire rejeter la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était devenue théorique par suite du retour des demandeurs dans le pays dont ils ont la nationalité.
[3] Pour les motifs qui suivent, la requête présentée par le défendeur en vue de faire rejeter la demande de contrôle judiciaire au motif que l’affaire est devenue théorique est rejetée. La demande sera inscrite au rôle en vue d’être jugée sur le fond à une date à être fixée par le greffe de la Cour.
II. Contexte
[4] Les demandeurs sont des Roms hongrois. Ils ont chacun demandé l’asile à leur arrivée au Canada en alléguant qu’ils risquaient d’être victimes de discrimination dans l’éducation et l’emploi en Hongrie. Leur demande était fondée sur les allégations suivantes.
[5] Entre 1991 et 2011, le demandeur principal occupait des emplois saisonniers dans le domaine de la construction pour des périodes de trois mois à la fois auprès de la municipalité de Miskolc et il touchait des prestations d’aide sociale pendant ses périodes de chômage.
[6] Le demandeur mineur, Gergo Molnar, était inscrit dans des groupes séparés avec d’autres enfants roms à l’école qu’il fréquentait.
[7] En août 2010, plusieurs membres de la Garde hongroise, qui constitue en quelque sorte l’aile paramilitaire du parti nationaliste hongrois, ont attaqué les demandeurs. Le demandeur principal a amené son fils chez le médecin et a ensuite déposé le rapport médical auprès de la police. La police a accepté le rapport médical, mais n’a pris aucune autre mesure parce que les agresseurs étaient inconnus.
[8] Le 19 juin 2011, le demandeur principal a été arrêté par la police. Il a été frappé à la tête avec une matraque et il a été injurié. Après l’agression, il s’est rendu à l’hôpital pour recevoir des soins. Il est retourné au poste de police pour déposer un rapport médical et il a porté plainte. Le dossier a ensuite été fermé parce qu’il était impossible d’identifier les auteurs de l’agression. Le demandeur principal a par la suite demandé l’aide d’une organisation rome.
[9] Le demandeur principal a également reçu des lettres de menace de sources inconnues. Il a spéculé que ces lettres pouvaient provenir des policiers qui l’avaient battu.
[10] Le 10 novembre 2011, le demandeur principal a quitté la Hongrie pour le Canada en compagnie de son fils mineur Gergo. Le 21 décembre 2011, la conjointe de fait du demandeur principal et l’autre fils mineur du demandeur principal ont quitté la Hongrie pour le Canada.
[11] En mars 2012, le fils adulte du demandeur principal est arrivé au Canada. Il a demandé l’asile, mais il s’est par la suite désisté de sa demande pour retourner en Hongrie au cours du mois de juillet suivant.
[12] Les demandes d’asile des demandeurs ont été entendues par la Commission le 30 avril 2013 et le 8 juillet 2013. La Commission a communiqué le 17 octobre 2013 aux demandeurs une décision défavorable par laquelle elle refusait de leur reconnaître la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou celle de personnes à protéger.
[13] En novembre 2014, après que la Cour eut rejeté leur requête en sursis de leur renvoi, les demandeurs ont quitté le Canada et sont rentrés en Hongrie.
III. La requête du défendeur
[14] Le défendeur affirme que l’article 96 de la LIPR exige que les demandeurs d’asile se trouvent hors du pays dont ils ont la nationalité, et soutient que l’article 97 exige qu’ils soient physiquement présents au Canada. Le défendeur demande donc à la Cour de rejeter la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle est devenue théorique.
[15] Le critère de la question théorique comporte une analyse en deux temps. En premier lieu, il faut se demander « si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique » et, en second lieu, si la réponse à la première question est affirmative, « le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire » (Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 (Borowski), à la page 353; Bago c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1299, au paragraphe 11).
[16] Les articles 99 et 100 de la LIPR prévoient que le cas des étrangers dont la demande est jugée recevable et qui allèguent qu’ils seront exposés à un risque s’ils sont renvoyés du Canada est déféré à la Commission pour qu’elle statue sur leur demande d’asile. Un étranger ne peut être renvoyé du Canada tant que la Commission n’a pas rendu sa décision. La décision favorable rendue à l’issue de l’examen des risques avant le renvoi (ERAR) fait intervenir les dispositions de la LIPR relatives à la non-expulsion. En l’espèce, les demandeurs ont été renvoyés du Canada vers le pays dont ils ont la nationalité le 15 et le 16 novembre 2014. Le défendeur affirme par conséquent que les demandeurs ne sont plus assujettis au processus de demande d’asile de la Commission et qu’ils ne relèvent plus de la compétence de la Cour.
[17] Le défendeur affirme également que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à statuer sur une demande de contrôle judiciaire d’une affaire qui est maintenant devenue théorique.
IV. Questions en litige
[18] Le défendeur a soulevé les questions suivantes dans sa requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire des demandeurs :
a. La demande de contrôle judiciaire est-elle théorique?
b. Dans l’affirmative, la Cour devrait-elle néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et juger l’affaire sur le fond?
c. Une question devrait-elle être certifiée en vue d’un appel?
V. Analyse
A. Cadre législatif
[19] Les articles 96 et 97 de la LIPR prévoient ce qui suit :
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques : a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays; […] |
Définition de « réfugié » |
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée : a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture; b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant : (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, (ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas, (iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles, (iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats. |
Personne à charge |
[20] Aux termes des modifications législatives qui sont entrées en vigueur le 15 décembre 2012, le ministère a acquis le pouvoir de désigner certains pays en tant que « pays d’origine désignés » (les POD). La Hongrie a été désignée comme POD le jour même où cette nouvelle loi est entrée en vigueur.
[21] Le site Internet du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration donne les explications suivantes au sujet du pouvoir du ministre de désigner des POD et des conséquences de cette désignation dans le cas d’un demandeur d’asile provenant d’un pays qui a été désigné en vertu de l’article 109.1 de la LIPR :
Pays d’origine désignés
La plupart des Canadiens reconnaissent qu’il existe dans le monde des endroits où une personne est moins susceptible qu’ailleurs d’être victime de persécution. Or, beaucoup de ressortissants de ces endroits présentent tout de même des demandes d’asile au Canada, à l’issue desquelles on constate qu’ils n’ont pas besoin de la protection du Canada.
Nous gaspillons trop de temps et de ressources à traiter ces demandes d’asile non fondées.
Les pays d’origine désignés (POD) sont des pays qui ne produisent habituellement pas de réfugiés, qui respectent les droits de la personne et offrent la protection de l’État.
L’objectif de la politique sur les POD est de prévenir l’abus du système de protection des réfugiés par des personnes provenant de pays qui sont généralement considérés comme sûrs. Les demandeurs d’asile des POD verront leur demande traitée plus rapidement, afin que ceux qui en ont besoin obtiennent rapidement la protection du Canada et que ceux qui présentent des demandes non justifiées soient renvoyés rapidement grâce à un traitement accéléré.
Les audiences au sujet de ces demandes devraient se tenir au plus tard 30 à 45 jours après la date à laquelle la demande a été déférée à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), au lieu de 60 jours pour les autres demandeurs d’asile. Les demandeurs déboutés en provenance d’un POD n’auront pas accès à la Section d’appel des réfugiés et ne pourront pas présenter de demande pour obtenir un permis de travail à leur arrivée au Canada.
Tous les demandeurs d’asile admissibles, y compris ceux en provenance d’un POD, continueront à avoir droit à une audience devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR).
[22] Avant l’adoption des modifications relatives aux POD, le paragraphe 231(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) prévoyait que « la demande d’autorisation de contrôle judiciaire faite conformément au paragraphe 72(1) de la Loi à l’égard d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés […] emporte sursis de la mesure de renvoi ». Le 15 décembre 2012, le législateur a créé la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et a modifié en conséquence le Règlement. Le paragraphe 231(1) prévoit maintenant que « la demande d’autorisation de contrôle judiciaire faite conformément à l’article 72 de la Loi à l’égard d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés […] emporte sursis de la mesure de renvoi ». Toutefois, le nouveau paragraphe 231(2) prévoit ce qui suit :
231. […] |
|
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si, au moment de la demande d’autorisation de contrôle judiciaire, l’intéressé est un étranger désigné ou un ressortissant d’un pays qui fait l’objet de la désignation visée au paragraphe 109.1(1) de la Loi. |
Exception |
[23] Par suite de ces modifications apportées au Règlement, les demandeurs d’asile déboutés provenant d’un POD ne bénéficient pas d’office d’un sursis de la mesure de renvoi dont ils font l’objet lorsqu’ils saisissent la Cour d’une demande de contrôle judiciaire.
B. Jurisprudence
[24] La plus grande partie de la jurisprudence de la Cour sur la question du caractère théorique d’une demande découlant du retour du demandeur d’asile dans son pays d’origine se situe dans le contexte de décisions d’ERAR défavorables (voir, par exemple, Solis Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 663). Ces décisions confirment qu’il n’y a aucune raison pratique d’évaluer les risques auxquels est exposée une personne une fois qu’elle a été renvoyée du Canada. En revanche, on peut soutenir que le contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue par la Commission en réponse à une demande d’asile peut quand même conférer des droits qui peuvent être tranchés de façon indépendante, et ce, peu importe que l’intéressé demeure au Canada ou non (Magusic c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 823 (Magusic), au paragraphe 10, 22 juillet 2014 (décision non publiée)).
[25] Le problème se pose lorsque le demandeur a été renvoyé dans le pays dont il a la nationalité. Selon les termes mêmes des articles 96 et 97 de la LIPR, le demandeur d’asile doit se trouver hors du pays où il craint d’être persécuté, et la personne qui sollicite une protection doit présenter sa demande depuis le Canada.
[26] Dans le jugement Freitas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 C.F. 432 (1re inst.) (Freitas), le juge Gibson a déclaré qu’une décision contestée rendue au sujet du droit d’asile ne devient pas théorique par suite du renvoi du demandeur du Canada vers le pays de sa nationalité. Dans cette affaire, le demandeur avait présenté une demande d’asile en tant que citoyen du Venezuela pour ensuite demander le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission l’avait débouté de sa demande. Après avoir obtenu l’autorisation, mais avant que sa demande de contrôle judiciaire ne soit entendue, le demandeur avait été expulsé au Venezuela. Le ministre avait présenté une requête en vue de faire rejeter cette demande au motif qu’elle était devenue théorique.
[27] Le juge Gibson a conclu que, même si le demandeur avait été expulsé, il était quand même en mesure d’exercer certains droits en vertu de la Loi. Il a cité la décision rendue par le juge Rothstein dans l’affaire Ramoutar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 C.F. 370 (1re inst.), à la page 378 à l’appui de l’énoncé suivant :
L’expulsion d’une personne du Canada—une mesure qui a des conséquences négatives pour la personne en question—n’éfface pas tous les droits que peut lui conférer la Loi sur l’immigration. Il ne faudrait pas qu’une décision, prise à la suite de l’application de la mauvaise norme de preuve et sans faire bénéficier le requérant de l’équité procédurale, ait une incidence négative sur ces droits.
[28] Le juge Gibson a ensuite cité les propos suivants que le juge Bastarache avait tenus [au paragraphe 56] dans l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 : « La Convention repose sur l’engagement qu’a pris la communauté internationale de garantir, sans distinction, les droits fondamentaux de la personne ». Le juge Gibson a conclu [au paragraphe 28] qu’un des objectifs essentiels du droit et des politiques du Canada en matière d’immigration était « de remplir, envers les réfugiés, les obligations imposées au Canada par le droit international et de continuer à faire honneur à la tradition humanitaire du pays à l’endroit des personnes déplacées ou persécutées » [soulignement ajouté par le juge Gibson]. Il a poursuivi en écrivant ce qui suit, au paragraphe 29 :
Cet objectif nettement en rapport avec les droits de la personne constituant le contexte de la présente affaire, j’adopte la position de l’avocat du demandeur. En l’absence de dispositions expresses de la Loi qui m’obligeraient à le faire, je ne suis pas disposé à conclure que le droit conféré au demandeur par le paragraphe 82.1(1) de la Loi est rendu inopérant du fait que le défendeur s’acquitte de son obligation d’exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent.
[29] Le juge Gibson a estimé qu’il y avait toujours un litige réel portant sur l’équité procédurale. Il a estimé que, même s’il avait tort et que l’affaire était devenue théorique, il y avait quand même lieu de statuer sur le fond de l’affaire.
[30] Bien que le jugement Freitas ait été rendu sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, le juge Manson a récemment déclaré, dans la décision Magusic, que ce jugement était toujours valable en droit. Le juge Manson a fait observer que l’existence d’un contexte législatif différent ne justifiait pas de faire fi de la décision Freitas lorsqu’il s’agissait d’aborder la question du caractère théorique.
[31] À la suite de la décision rendue par la Cour dans l’affaire Magusic, le juge en chef Crampton a rendu sa décision dans l’affaire Rosa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1234, [2015] 4 R.C.F. 199 (Rosa). Dans cette affaire, le demandeur était un citoyen du Salvador. Sa demande d’asile avait été rejetée par la Commission. Il avait été débouté de sa requête en sursis de son renvoi du Canada et était retourné au Salvador le 21 juillet 2014. La Cour avait ensuite autorisé, le 27 août 2014, le contrôle judiciaire de cette décision. Le 29 juillet 2014, le demandeur avait quitté le Salvador pour le Nicaragua, où il était demeuré en attendant l’issue de sa demande de contrôle judiciaire. Le juge en chef Crampton a conclu, au paragraphe 37, que « la SPR a bel et bien compétence pour réexaminer une décision présentée initialement au titre de l’article 96 et conformément au paragraphe 99(3) dans de telles circonstances, pourvu que le demandeur se trouve à l’extérieur de tout pays dont il a la nationalité ».
[32] Le juge en chef Crampton a poursuivi en déclarant (au paragraphe 42) :
[…] les personnes se trouvant dans la situation de M. Escobar Rosa ont présenté leur demande, conformément au paragraphe 99(3), alors qu’elles se trouvaient au Canada. Si une telle personne est capable de démontrer que la SPR a commis une erreur dans sa décision, elle a droit à ce que la même demande soit entendue par un tribunal différemment constitué de la SPR, pourvu qu’elle se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité, ou, si elle n’a pas de nationalité, hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, comme l’exigent les alinéas 96a) et b), respectivement. [Souligné dans l’original.]
[33] De façon plus générale, le juge en chef Crampton a conclu qu’il irait à l’encontre des objectifs de la LIPR si, à la suite d’une décision défavorable déraisonnable de la SPR, toute possibilité de réparation était écartée pour les demandeurs d’asile légitimes une fois qu’ils auraient été renvoyés du Canada (au paragraphe 38) :
Selon la thèse adoptée par le défendeur, toute possibilité de réparation serait écartée pour les demandeurs d’asile légitimes qui ont été renvoyés du Canada après une décision défavorable de la SPR qui était déraisonnable ou autrement entachée d’un vice fatal. À mon avis, une telle issue serait incompatible avec certains des objets énoncés au paragraphe 3(2) de la LIPR, dont les suivants :
- faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d’une procédure équitable (alinéa 3(2)c));
- offrir l’asile à ceux qui sont en mesure de démontrer qu’ils ont la qualité de réfugié au sens de la Convention, aux termes de l’article 96 (alinéa 3(2)d));
- mettre en place une procédure équitable et efficace qui soit respectueuse, d’une part, de l’intégrité du processus canadien d’asile et, d’autre part, des droits et des libertés fondamentales reconnus à tout être humain (alinéa 3(2)e)).
[34] Le juge en chef Crampton a également estimé que le fait qu’un demandeur d’asile débouté était renvoyé du Canada ne signifiait pas nécessairement que le législateur avait l’intention d’empêcher la Commission de rendre une nouvelle décision à la suite d’une décision favorable rendue en réponse à une demande de contrôle judiciaire (au paragraphe 39) :
Le fait qu’une mesure de renvoi prenne effet après une décision défavorable rendue par la SPR et à l’expiration du délai prévu au paragraphe 110(2.1) si un appel devant la SAR n’est pas formé ou s’il ne peut l’être ne signifie pas nécessairement que le législateur avait l’intention d’empêcher la SPR d’entendre une demande qui lui est renvoyée pour nouvelle décision après l’exécution de la mesure de renvoi du Canada à l’encontre du demandeur. La même chose s’applique au fait que, aux termes du paragraphe 48(2), les personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire doivent immédiatement quitter le Canada, la mesure devant être exécutée dès que possible. Ces dispositions supposent notamment que la SPR n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en rendant la décision qui a rendu exécutoire la mesure de renvoi conditionnelle.
[35] Plus récemment, dans la décision Dogar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (16 février 2015), IMM-5719-13 (C.F.) (décision non publiée), la juge Heneghan a estimé qu’il n’y avait plus de débat contradictoire entre les parties après que le demandeur eut été expulsé vers le pays dont il avait la nationalité. Elle a conclu qu’en pareil cas, le demandeur était irrecevable, par l’application de l’article 96 de la LIPR, de présenter une demande d’asile au Canada à l’encontre du pays dont il avait la nationalité.
[36] La juge Heneghan a conclu que [traduction] « le souci d’économiser les ressources judiciaires milite contre la décision de statuer au fond sur la présente demande de contrôle judiciaire ». Elle a toutefois également fait observer que, si la décision contestée était jugée en fonction de la norme de la décision raisonnable, la cour de révision conclurait, à son avis, qu’[traduction] « elle respecte la norme de contrôle applicable ».
[37] Dans le cas qui nous occupe, le juge Strickland a rejeté pour les motifs suivants la requête présentée par les demandeurs en vue de faire surseoir à l’exécution de leur renvoi (IMM-7594-14 et IMM-7595-14) :
AYANT pris en compte que les demandeurs font valoir qu’une question grave est soulevée pour les raisons suivantes :
(i) le fait que la Cour a confirmé dans une lettre datée du 20 octobre 2014 que l’autorisation demandée par les demandeurs sera [traduction] « accordée et qu’une ordonnance sera rendue en temps et lieu », et que l’octroi de l’autorisation à lui seul établit l’existence d’une question grave. De plus, comme l’autorisation sera accordée, l’exécution de la mesure de renvoi entraverait l’exercice des fonctions de la Cour en ce qui concerne l’autorisation ou le contrôle judiciaire et ne servirait pas les intérêts de la justice;
[…]
VU qu’il a été conclu qu’aucun élément de preuve ne montre que le renvoi entraverait l’exercice des fonctions de la Cour relativement à la demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR, et vu que je suis convaincue que tel ne serait effectivement pas le cas.
[…]
VU que la présentation d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la SPR n’entraîne pas un sursis d’origine législative à l’exécution de la mesure de renvoi et que le ministre est tenu d’exécuter les mesures de renvoi sans tarder en application du paragraphe 48(2) de la LIPR. De plus, étant donné que les demandeurs proviennent d’un pays désigné au sens de l’article 109.1 de la LIPR, il est permis de penser que le législateur entendait que des demandeurs déboutés, comme les demandeurs en l’espèce, puissent être renvoyés avant qu’il n’ait été statué sur une demande de contrôle judiciaire;
VU que certains précédents jurisprudentiels ont rejeté la thèse selon laquelle un appel devenu inopérant occasionne automatiquement un préjudice irréparable. Ce sont plutôt les faits de l’espèce qui doivent permettre d’établir si un tel préjudice est occasionné ou non […]
C. Analyse
[38] Bien qu’il subsiste des doutes au sujet de la question, la jurisprudence de la Cour milite contre le rejet d’une demande de contrôle judiciaire au seul motif qu’un demandeur d’asile est retourné dans le pays dont il a la nationalité. Dans le jugement Freitas, le juge Gibson ne craignait pas une éventuelle perte de compétence de la Commission ou de la Cour. Compte tenu de l’importance des objectifs à la base de la Convention et des lois canadiennes en matière d’immigration, le juge Gibson a conclu qu’il serait nécessaire que la Loi renferme un libellé explicite avant que le droit de demander l’asile en tant que réfugié ne soit rendu inopérant par l’exécution d’une mesure de renvoi par le ministre. Le juge Manson a conclu, dans la décision Magusic — et j’abonde dans son sens — qu’un contexte législatif différent ne permet pas de faire fi du jugement Freitas lorsqu’on aborde la question du caractère théorique.
[39] Le juge en chef Crampton a conclu [au paragraphe 42], dans le jugement Rosa, que les personnes qui présentent une demande d’asile « alors qu’elles se trouvaient au Canada » [souligné dans l’original] ont droit à ce que « la même demande » [souligné dans l’original] soit entendue par un tribunal différemment constitué de la SPR si elles sont en mesure de démontrer que la SPR a commis une erreur dans sa décision. Il a poursuivi en faisant observer que la Commission demeure compétente pour réexaminer une demande présentée initialement au titre de l’article 96 de la LIPR, pourvu que le demandeur se trouve à l’extérieur du pays dont il a la nationalité. M. Rosa était en mesure de satisfaire à cette condition et, par conséquent, le juge en chef n’avait pas à examiner davantage la question de la compétence. Comme la question de la compétence avait pu être résolue aisément dans l’affaire Rosa, j’hésite à conclure que la décision du juge en chef permet de conclure qu’une personne qui a présenté une demande d’asile alors qu’elle se trouvait au Canada perd son droit de contester la décision de la Commission si elle retourne contre son gré dans le pays dont elle a la nationalité en conformité avec la LIPR.
[40] À l’instar du juge Gibson dans le jugement Freitas, le juge en chef a, dans le jugement Rosa, souligné l’importance des objectifs à la base de la LIPR, notamment celui de faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d’une procédure équitable, d’offrir l’asile à ceux qui sont en mesure de démontrer qu’ils ont la qualité de réfugiés au sens de la Convention et de mettre en place une procédure équitable et efficace qui soit respectueuse, d’une part, de l’intégrité du processus canadien d’asile et, d’autre part, des droits et des libertés fondamentales reconnus à tout être humain. Il a conclu que le fait de permettre qu’une mesure de renvoi prenne effet immédiatement ne signifiait pas nécessairement que le législateur avait l’intention d’empêcher la Commission d’entendre une demande qui lui est renvoyée pour nouvelle décision après qu’une personne a été renvoyée du Canada. Il a fait observer que les dispositions de la LIPR en matière de renvoi supposaient implicitement que la Commission n’avait pas commis d’erreur susceptible de contrôle en rendant sa décision.
[41] Je reconnais que, dans le jugement Dogar, la juge Heneghan a conclu que les demandeurs étaient, par l’effet de l’article 96 de la LIPR, irrecevables à présenter une demande d’asile au Canada contre la Hongrie dès lors qu’ils avaient été renvoyés dans ce pays. Toutefois, dans cette affaire, les demandeurs ne contestaient pas la requête en rejet du ministre. De plus, avant de rejeter la demande au motif qu’elle était devenue théorique, la juge Heneghan avait précisé qu’elle était convaincue que, si la décision contestée était jugée selon la norme de la décision raisonnable, [traduction] « la cour de révision conclurait qu’elle satisfaisait à la norme de contrôle applicable ».
[42] Enfin, pour rejeter la requête présentée en l’espèce par les demandeurs en vue de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi, la juge Strickland n’a pas déclaré que la demande de contrôle judiciaire deviendrait pour autant théorique. Elle a simplement fait observer que le renvoi n’empêcherait pas la Cour de procéder au contrôle judiciaire de la décision de la Commission, tout en acceptant la possibilité que la demande puisse devenir inopérante.
[43] À l’instar du juge en chef Crampton dans le jugement Rosa, je ne suis pas convaincu que le législateur avait l’intention d’empêcher la Cour et la Commission d’entendre une demande d’asile après le renvoi d’une personne du Canada en vertu du paragraphe 48(2) de la LIPR. Tout comme le juge Gibson dans le jugement Freitas, à défaut de termes explicites dans la loi, je ne suis pas disposé à interpréter les droits que la LIPR confère aux demandeurs de manière à considérer que ces droits sont rendus inopérants par l’exécution de l’obligation qu’a le défendeur d’exécuter la mesure d’expulsion dès que possible. Je me range également à l’avis du juge Gibson en concluant que si j’ai tort et que l’affaire est devenue théorique, il s’agit néanmoins d’une affaire dans laquelle il convient pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire en jugeant l’affaire sur le fond.
VI. Question certifiée
[44] Normalement, une décision interlocutoire n’est pas susceptible d’appel (alinéa 72(2)e) de la LIPR). Toutefois, dans le jugement Rosa, le juge en chef Crampton a fait observer, au paragraphe 49, que « [l]es exceptions comprennent les décisions interlocutoires qui constituent un “acte judiciaire distinct et divisible” de l’appréciation, selon la norme de contrôle raisonnable, du bien-fondé d’une décision rendue en vertu de la LIPR (Felipa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 272, [2012] 1 R.C.F. 3 (Felipa), aux paragraphes 10 à 12). Les exceptions comprennent également les décisions [interlocutoires] dans lesquelles une question est certifiée (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Savin, 2014 CAF 160, aux paragraphes 12 et 13; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Lazareva, 2005 CAF 181, au paragraphe 9) ». Le juge en chef a conclu ce qui suit [au paragraphe 50] : « À mon avis, une décision interlocutoire sur la question de savoir si la SPR a compétence pour réexaminer une décision quand le demandeur d’asile a déjà été renvoyé du Canada est le type d’acte judiciaire distinct et divisible envisagé dans l’arrêt Felipa, précité, et dans les décisions citées dans cet arrêt ».
[45] Les demandeurs et le défendeur ont proposé qu’une question soit certifiée en vue d’un appel. Je suis d’accord pour dire que la présente décision interlocutoire constitue un « “acte judiciaire distinct et divisible” » et je certifie donc la question suivante (en m’inspirant de celle qu’a examinée le juge en chef dans l’affaire Rosa) :
La demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés est-elle théorique quand la personne visée par la décision a été renvoyée du Canada contre son gré, et, dans l’affirmative, la Cour devrait-elle normalement refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre la demande?
VII. Dispositif
[46] Pour les motifs qui ont été exposés, la requête présentée par le défendeur en vue de faire rejeter la demande de contrôle judiciaire au motif que l’affaire est devenue théorique est rejetée. La demande sera inscrite au rôle en vue d’être jugée sur le fond à une date à être fixée par le greffe de la Cour.
[47] La question suivante est certifiée en vue d’un appel :
La demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés est-elle théorique quand la personne visée par la décision a été renvoyée du Canada contre son gré, et, dans l’affirmative, la Cour devrait-elle normalement refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre la demande?
JUGEMENT
LA COUR rejette la requête présentée par le défendeur en vue de faire rejeter la demande de contrôle judiciaire au motif que l’affaire est devenue théorique. La question suivante est certifiée en vue d’un appel :
La demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés est-elle théorique quand la personne visée par la décision a été renvoyée du Canada contre son gré, et, dans l’affirmative, la Cour devrait-elle normalement refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre la demande?