2014 CAF 191
A-180-13
Sumera Shahid, Fang Wei, Chuanyue Ie, Man Yang, Jing Yang, Siu Lai Woo, Hongbing Bi, Xiang Yand Lin, Ying Huang, Xiangning Deng, Shangsi Ling, Chengxiang Liu, Fan Zhang, Yinghong Zhang, Zijun Liu, Baoqing Zhou, Zhendong Wang, Huiqiang Peng, Yang Tian, Changying Chen, Xiaomin Zeng, Fei Zhu, Qiong Zhang, Tingting Zhao, Yan Tu, Jian Hei, Yan Xu, Fuchuan Ni, Xuejun Wang, Yun Zhou, Ning Li, Xin Li, Ping Guo, Haijun Lu, Tong Qi, Shunhua Ye, Hongqi Lin, Kamfai Ng, Liang Chen, Bo Liu, Zhenghui Xu, Song Lin, Xuanjin Zhu, Zhiqiang Guo, Peifeng Hao, Ying Bai, Shuxun Chen, Yun Li, Ling Xiao, Li An, Zhu Chai, Ying Zhang, Shaoping Cao, Guimei Jing, Lin Zhang, Wei Chen, Pan Qin, Lingjing Wenren, Yidan Lu, Gui Ma, Xiaoxiao Liu, Yu Shen, Weijuan Wu, Ming Yu Wu, Wenjun Xue, Bing Zhang, Kun Zhu, Chuxiao Li, Xinyan Jia, Juan Luo, Chuan Huo, Mingming Lui, Tian Fu, Huixian Long, Xiaojian Yan, Hong Wei Yang, Yu He, Geqi Weng, Erli Sun, Qizhi Feng, Shaochi Wang, Jianzhong Tan, Chun Chu, Li Liang, Jiancun Huang, Xiaoyu Liu, Dejian Li, Xuelian Bian, Ruochun Li, Rui Hang, Yanling Liu, Aiping Zhang, Fei Wang, Wen Lu, Liping Qiu, Jiang Luo, Yili Wang, Jiong Zhang, Shi Sun, Jiong Wang, Xilei Song, Min Qian, Jiangping Lu, Jiong Gu, Guo Yin Wang, Lijing Xian, Yuan Xu, Yinzi Guan, Jin Liu, Lei Wu, Zhaohui Sun, Xiaodong Huang, Ping Yu, Yangchun Yang, Huiming Hu, Jiemin Xia, Yaping Wang, Quting Zhang, Jiawei Wang, Xin Liu, Jie An, Peng Xu, Meng Luo, Shunhong Yan, Caihua Yu, Wusan Da, Qifeng Hou, Da Yu Liu, Hongwen Tian, Jiajia Chen, Chenggang Huang, Yurong Bian, Chunyang Hua, Chao Li, Jie Yi Tian, Yong Qiang Wu, Shao Ru He, Ming Ming Yang, Shun Ping Li, Yan Jiang, Peide Fu, Yi Hai Zhong, Xingfen Fang, Jian Zhou, Zien Li, Wei Niu, Yutao He, Ran Zhou, Wei Feng, Ying Wu Zhang, Xiaolei Chen, Xiao Long, Ran Yong, Lu Zuo, Hai Tao Lan, Xiaozhong He, Bin Ma, Guiping Ran, Huan Liu, Jie Cao, Guangying Xiao, Ming Chen, Lixia Shao, Yuchun Yu, Bo Huang, Hui Ying Huan Chun Ting Li, Xiangxian Li, Yaping Yang, Bing Chen, Fei Kong, Li Zhanc, Xiao Xia Liu, Ping Deng, Jian Xu, Ting Gao, Xiping Luo, Songmin Wang, Yibo Wang, Shumei Wang, Zhi Yi Li, Shi Min Dai, Jing Li, Chenxi Zhao, Yang Liu, Mei Zhang, Man Yi Michelle Tang, Xuelin Zhang, Yanli Wei, Jin Liu, Yuanyuan Dong, Ennian Jin et Zhi Li (appelants)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
A-181-13
Ali Raza Jafri (appelant)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
A-183-13
Mae Joy Tabingo et autres (appelants)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
A-185-13
Yanjun Yin (appelant)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
A-186-13
Maria Sari Teresa Borja Austria (appelante)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
Répertorié :Tabingo c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour d’appel fédérale, juges Sharlow, Dawson et Stratas, J.C.A.—Toronto, 23 et 24 juin; Ottawa, 21 août 2014.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Appels d’une décision de la Cour fédérale par laquelle celle-ci a rejeté les demandes de contrôle judiciaire des appelants instruites conjointement visant la décision du ministre de refuser de traiter les demandes de visa de résident permanent des appelants — Le refus du ministre se fondait sur l’art. 87.4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) — Cette disposition avait mis fin à l’examen de toute demande de visa de résident permanent présentée au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) présentée avant le 27 février 2008 et non traitée au 29 mars 2012 — La Cour fédérale a jugé, inter alia, qu’après le 29 juin 2012, le ministre n’avait aucune obligation légale d’examiner les demandes visées à l’art. 87.4(1) — Il s’agissait notamment de savoir : pour déterminer s’il est mis fin au traitement d’une demande de visa de résident permanent par application de l’art. 87.4(1) de la LIPR, s’il suffit de constater l’existence de faits objectifs à partir du dossier de demande, ou s’il faut que l’agent d’immigration effectue un examen personnalisé faisant intervenir l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire; si la rétroactivité dudit article contrevient au principe de la primauté du droit; si les appelants disposent d’un droit acquis à l’examen de leurs demandes sous le régime des dispositions de la LIPR qui étaient en vigueur au moment où ils les ont présentées — Une décision n’est discrétionnaire que si, aux termes de la loi, plusieurs issues sont possibles au vu des faits — Si une seule conclusion s’impose, la décision n’a rien de discrétionnaire — C’était le cas en l’espèce — Étant donné son libellé, son objet et son contexte, l’art. 87.4(1) ne peut de façon raisonnable recevoir une interprétation qui suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de la part de l’agent d’immigration chargé d’établir s’il met fin à une demande donnée — L’argument des appelants voulant que l’art. 87.4(1) porte atteinte à la primauté du droit du fait de sa rétroactivité ne pouvait être accepté, un argument semblable ayant été rejeté par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco — Les demandeurs n’ont pas acquis le droit au maintien en vigueur de toute disposition de la LIPR ayant une incidence sur le sort de leurs demandes — L’art. 87.4(1) de la LIPR est libellé de manière suffisamment claire pour mettre fin rétroactivement aux demandes des appelants — Appels rejetés.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à l’égalité — Le ministre a refusé de traiter les demandes de visa de résident permanent au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) — Le refus du ministre se fondait sur l’art. 87.4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, lequel avait mis fin à l’examen de toute demande de visa de résident permanent présentée avant le 27 février 2008 et non traitée au 29 mars 2012 — Étant donné que le dossier de preuve est lacunaire, il n’était pas nécessaire d’exprimer une opinion en ce qui concerne l’argument des appelants fondé sur l’art. 15(1) de la Charte.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — Le ministre a refusé de traiter les demandes de visa de résident permanent au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) — Le refus du ministre se fondait sur l’art. 87.4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), lequel avait mis fin à l’examen de toute demande de visa de résident permanent présentée avant le 27 février 2008 et non traitée au 29 mars 2012 — Le droit de présenter une demande de statut de résident permanent sous le régime de la LIPR, et le droit de voir cette demande examinée sous ce même régime, ne constituent pas un droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne — Les appelants n’ont été privés d’aucun des droits que garantit l’art. 7 de la Charte.
Déclaration des droits — Le ministre a refusé de traiter les demandes de visa de résident permanent au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) — Le refus du ministre se fondait sur l’art. 87.4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), lequel avait mis fin à l’examen de toute demande de visa de résident permanent présentée avant le 27 février 2008 et non traitée au 29 mars 2012 — La Déclaration canadienne des droits garantit-elle aux appelants des droits procéduraux avant qu’il ne soit décidé que l’article en question met fin à leurs demandes? — Le respect des droits procéduraux devant un tribunal appelé à se prononcer sur les droits et obligations d’une personne est garanti par l’art. 2e) de la Déclaration canadienne des droits, mais il ne met personne à l’abri du droit qu’a le législateur de supprimer un droit d’origine législative en modifiant une loi.
Il s’agissait d’appels d’une décision de la Cour fédérale par laquelle celle-ci a rejeté les demandes de contrôle judiciaire des appelants instruites conjointement visant la décision du ministre de refuser de traiter leurs demandes de visa de résident permanent. Le refus du ministre se fondait sur le paragraphe 87.4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), lequel avait mis fin le 29 juin 2012 à l’examen de toute demande de visa de résident permanent présentée avant le 27 février 2008 au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) si, au 29 mars 2012, un agent n’avait pas statué sur la conformité de cette demande aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie.
Dans leurs demandes respectives, les appelants sollicitaient plusieurs mesures de réparation, dont une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de traiter leurs demandes de visa de résident permanent. La Cour fédérale a jugé que, après le 29 juin 2012, le ministre n’avait aucune obligation légale d’examiner les demandes visées au paragraphe 87.4(1); que le libellé du paragraphe 87.4(1) est suffisamment clair pour réfuter la présomption de non-rétroactivité des lois; que les conditions légales énoncées au paragraphe 87.4(1) sont des faits objectifs; que la détermination du point de savoir si une demande donnée entre dans le champ d’application de ce paragraphe est un examen administratif qui ne fait pas intervenir l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou décisionnel; que la cessation de l’examen d’une demande en application du paragraphe 87.4(1) ne contrevient ni aux alinéas 1a) ou 2e) de la Déclaration canadienne des droits, ni au principe de la primauté du droit; que la cessation de l’examen d’une demande en application du paragraphe 87.4(1) ne fait pas jouer l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et que les appelants n’ont pas établi que l’application du paragraphe 87.4(1) les rend victimes d’une discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés ou sur un motif analogue.
Il s’agissait de savoir 1) pour déterminer s’il est mis fin au traitement d’une demande de visa de résident permanent par application du paragraphe 87.4(1) de la LIPR, s’il suffit, aux termes de cette disposition, de constater l’existence de faits objectifs à partir du dossier de demande, ou s’il faut que l’agent d’immigration effectue un examen personnalisé faisant intervenir l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire; 2) si la Déclaration canadienne des droits garantit aux appelants des droits procéduraux avant qu’il ne soit décidé que le paragraphe en question met fin à leurs demandes; 3) si la rétroactivité dudit paragraphe contrevient au principe de la primauté du droit; 4) si les appelants disposent d’un droit acquis à l’examen de leurs demandes sous le régime des dispositions de la LIPR qui étaient en vigueur au moment où ils les ont présentées; 5) si la manière dont ledit paragraphe a été mis en application porte atteinte aux droits que les demandeurs de visa tirent du paragraphe 15(1) de la Charte et 6) si ledit paragraphe porte atteinte aux droits que les appelants tirent de l’article 7 de la Charte.
Arrêt : les appels doivent être rejetés.
Une décision n’est discrétionnaire que si, aux termes de la loi, plusieurs issues sont possibles au vu des faits. Si, suivant la loi, une seule conclusion s’impose à partir des faits, la décision n’a rien de discrétionnaire. Le fait qu’il puisse se présenter des difficultés de preuve ne peut en soi transformer une conclusion de fait en une décision discrétionnaire. Il est toujours possible d’établir si une décision visée au paragraphe 87.4(1) a été prise avant le 29 mars 2012 ou si la demande en question a fait l’objet d’une décision finale avant le 29 juin 2012, et c’est là tout ce qu’exige le paragraphe 87.4(1).
L’édiction dudit paragraphe avait pour but d’éliminer un arriéré de demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) que le ministre estimait trop important pour qu’il fût possible d’y remédier dans un délai acceptable, et qui entravait la capacité du gouvernement à réagir à l’évolution des conditions du marché du travail susceptibles d’influer sur les perspectives d’établissement des nouveaux immigrants. C’étaient là des considérations valables sous le régime de l’article 3 de la LIPR.
Étant donné son libellé, son objet et son contexte, le paragraphe 87.4(1) ne peut de façon raisonnable recevoir une interprétation qui suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de la part de l’agent d’immigration chargé d’établir s’il met fin à une demande donnée. Le législateur n’a pas eu l’intention d’instituer une nouvelle procédure administrative discrétionnaire pour remplacer celle qui avait déjà conduit à un arriéré inacceptable de plusieurs années.
Le respect des droits procéduraux devant un tribunal ou un organe administratif appelé à se prononcer sur les droits et obligations d’une personne est garanti par l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, mais il ne met personne à l’abri du droit qu’a le législateur de supprimer un droit d’origine législative en modifiant une loi.
L’argument selon lequel la primauté du droit exigerait que les lois revêtent un caractère prospectif a été rejeté par la Cour suprême dans l’arrêt Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco; par conséquent, l’argument des appelants voulant que le paragraphe 87.4(1) porte atteinte à la primauté du droit du fait de sa rétroactivité ne pouvait être accepté.
Les appelants avaient le droit de demander des visas de résident permanent et, au moment où ils ont présenté leurs demandes, ils avaient le droit de les voir examiner conformément à la LIPR. Cependant, ils n’ont pas acquis le droit au maintien en vigueur de toute disposition de la LIPR ayant une incidence sur le sort de leurs demandes, ni celui que celles-ci soient examinées sous le régime des dispositions de la LIPR en vigueur au moment où elles ont été présentées.
Le Parlement a le pouvoir de promulguer des lois régissant l’immigration et de les modifier. Il a aussi le pouvoir de promulguer des lois ayant un effet rétroactif, sous réserve d’une présomption de non-rétroactivité, qui ne pourra être écartée qu’en présence d’un libellé n’autorisant aucune autre possibilité. Le paragraphe 87.4(1) de la LIPR est libellé de manière suffisamment claire pour mettre fin rétroactivement aux demandes des appelants.
Les appelants ont soutenu que la manière dont le paragraphe 87.4(1) de la LIPR a été mis en application porte atteinte aux droits à l’égalité qu’ils tirent du paragraphe 15(1) de la Charte, en raison d’une attribution inégale de ressources aux différents bureaux des visas et du fait que les règles de traitement avaient été modifiées de façon à ce que la priorité soit accordée aux demandes postérieures à 2008. Cependant, cette différence de taux de traitement s’expliquait de nombreuses manières. La capacité de l’État à fournir des ressources à certains bureaux des visas dépendait aussi de facteurs externes tels que les catastrophes naturelles, l’instabilité politique et les conflits régionaux. Étant donné que le dossier de preuve est lacunaire, il n’était pas nécessaire d’exprimer une opinion en ce qui concerne l’argument des appelants fondé sur le paragraphe 15(1) de la Charte.
Les appelants avaient le droit de demander le statut de résident permanent sous le régime de la LIPR et, quand ils l’ont fait, ils avaient le droit de voir examiner leurs demandes sous ce même régime. Cependant, aucun de ces droits ne constituait un droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Lorsque le paragraphe 87.4(1) a mis fin à leurs demandes de visa, ils n’ont été privés d’aucun des droits que garantit l’article 7 de la Charte.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 6(1), 7, 15.
Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III, art. 1a), 2e).
Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, ch. 19, art. 702, 707.
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.4(2).
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 2(1) « résident permanent », 3, 5, 11(1), 12, 14, 21(1), 25, 25.1, 25.2, 27(1), 31 à 41, 46, 74d), 87.4, 94.
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 11(1), 72.8 à 115.
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 41, 316.
JURISPRUDENCE CITÉE
décision appliquée :
Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49, [2005] 2 R.C.S. 473.
décision différenciée :
Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, [2005] 3 R.C.S. 530.
décisions examinées :
de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2006] 3 R.C.F. 655; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Zhu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 155; Choi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 763 (C.A.); McDoom c. Le ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, [1978] 1 C.F. 323 (1re inst.); Dragan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 211, [2003] 4 C.F. 189.
décisions citées :
Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559; Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 110, [2012] 4 R.C.F. 479; Saputo Inc. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 69, [2012] 4 R.C.F. 519; Authorson c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40; Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307.
DOCTRINE CITÉE
Citoyenneté et Immigration Canada. Bulletin opérationnel 400, « Fin du traitement de certaines demandes figurant dans l’arriéré de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) : Budget de 2012 », 4 avril 2012 (maintenant désuet), en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/bulletins/2012/bo400.asp>.
Citoyenneté et Immigration Canada. Bulletin opérationnel 442, « Interruption du traitement et remboursement des frais pour certaines demandes du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) », 29 juin 2012 (modifié le 12 août 2014) (maintenant désuet), en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/bulletins/2012/bo442.asp>.
APPELS d’une décision de la Cour fédérale (2013 CF 377, [2014] 4 R.C.F. 150) de rejeter une demande de contrôle judiciaire visant la décision du ministre de refuser de traiter les demandes de visa de résident permanent des demandeurs. Appels rejetés.
ONT COMPARU
Rocco Galati pour les appelants Sumera Shahid et autres.
Matthew Jeffery pour l’appelant Ali Raza Jafri.
Mario D. Bellissimo et Erin C. Roth pour les appelants Mae Joy Tabingo et autres et pour l’appelante Maria Sari Teresa Borja Austria.
Naseem Mithoowani pour l’appelant Yanjun Yin.
Martin Anderson, Keith Reimer, Jocelyn Espejo Clarke et Julian (Charles) Jubenville pour l’intimé.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Rocco Galati, Toronto, pour les appelants Sumera Shahid et autres.
Matthew Jeffery, Toronto, pour l’appelant Ali Raza Jafri.
Bellissimo Law Group, Toronto, pour les appelants Mae Joy Tabingo et autres et pour l’appelante Maria Sari Teresa Borja Austria.
Waldman & Associates, Toronto, pour l’appelant Yanjun Yin.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1] La juge Sharlow, J.C.A. : Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a refusé de traiter les demandes de visa de résident permanent présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) avant le 27 février 2008 par environ 1 400 ressortissants étrangers. Chacun de ceux-ci a saisi la Cour fédérale du contrôle judiciaire de la décision du ministre le concernant. Dans leurs demandes respectives, ils sollicitaient plusieurs mesures de réparation, dont une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de traiter leurs demandes de visa de résident permanent. La Cour fédérale a instruit conjointement ces demandes de contrôle judiciaire en se fondant sur huit cas considérés d’un commun accord comme représentatifs de tous les autres. Le juge Rennie a rejeté lesdites demandes de contrôle judiciaire pour les motifs exposés sous l’intitulé Tabingo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 377, [2014] 1 R.C.F. 150.
[2] Le refus du ministre de traiter les demandes de visa permanent des appelants se fondait sur le paragraphe 87.4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). L’article 87.4, proclamé en vigueur le 29 juin 2012, a été ajouté à la LIPR par application de l’article 707 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, ch. 19. Le paragraphe 87.4(1) de la LIPR est libellé comme suit :
87.4 (1) Il est mis fin à toute demande de visa de résident permanent faite avant le 27 février 2008 au titre de la catégorie réglementaire des travailleurs qualifiés (fédéral) si, au 29 mars 2012, un agent n’a pas statué, conformément aux règlements, quant à la conformité de la demande aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie. |
Demandes antérieures au 27 février 2008 |
[3] Je résume ci-dessous les principales conclusions du juge Rennie ayant mené au rejet des demandes de contrôle judiciaire introduites par les appelants :
a) Le paragraphe 87.4(1) de la LIPR a mis fin le 29 juin 2012 à l’examen de toute demande de visa de résident permanent présentée avant le 27 février 2008 au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) si, au 29 mars 2012, un agent n’avait pas statué sur la conformité de cette demande aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie.
b) Après le 29 juin 2012, le ministre n’avait aucune obligation légale d’examiner les demandes visées au paragraphe 87.4(1).
c) Le libellé du paragraphe 87.4(1) est suffisamment clair pour réfuter la présomption de non-rétroactivité des lois.
d) Les conditions légales énoncées au paragraphe 87.4(1) sont des faits objectifs. La détermination du point de savoir si une demande donnée entre dans le champ d’application de ce paragraphe est un examen administratif qui ne fait pas intervenir l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou décisionnel.
e) La cessation de l’examen d’une demande en application du paragraphe 87.4(1) ne contrevient ni aux alinéas 1a) ou 2e) de la Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III, ni au principe de la primauté du droit.
f) La cessation de l’examen d’une demande en application du paragraphe 87.4(1) ne fait pas jouer l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] [la Charte].
g) Les appelants n’ont pas établi que l’application du paragraphe 87.4(1) les rend victimes d’une discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte ou sur un motif analogue.
[4] Afin de permettre l’introduction d’un appel devant notre Cour, le juge Rennie a certifié les questions suivantes sous le régime de l’alinéa 74d) de la LIPR [au paragraphe 148] :
a. Le paragraphe 87.4(1) de la LIPR met-il fin, au moment de son entrée en vigueur et par effet de la loi, aux demandes décrites à ce paragraphe, et, dans la négative, les demandeurs ont-ils droit à un mandamus?
b. La Déclaration canadienne des droits exige-t-elle que soient donnés un avis et la possibilité de présenter des observations avant qu’il soit mis fin à une demande en application du paragraphe 87.4(1) de la LIPR?
c. L’article 87.4 de la LIPR est-il inconstitutionnel au motif qu’il contrevient au principe de la primauté du droit ou aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés?
[5] Les appelants parties aux cinq dossiers dont la Cour est saisie représentent la totalité des demandeurs de visa qui ont interjeté appel.
[6] Les présents motifs se divisent en quatre parties. La première récapitule les faits pertinents en ce qui concerne chacun des appelants. La deuxième décrit le régime législatif en cause, qui comprend certaines dispositions de la LIPR (notamment l’article 87.4) et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). La troisième partie expose l’analyse des moyens d’appel, et la quatrième contient le résumé de mes conclusions.
I. Les faits
[7] Chacun des appelants a présenté avant le 27 février 2008 une demande de visa de résident permanent au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Certaines de ces demandes ont été présentées en 2005, d’autres en 2007. Le traitement d’aucune d’entre elles n’a été achevé. La plupart des appelants se sont fréquemment informés de l’état d’avancement de leurs demandes et ont reçu l’assurance que celles-ci finiraient par être traitées. Dans chaque cas, le processus de traitement a cessé après le 29 juin 2012 en raison de l’entrée en vigueur de l’article 87.4 de la LIPR.
[8] Les appelants ont dû supporter des dépenses de diverses natures : honoraires de représentation, frais de dépôt de leurs demandes, et frais engagés pour obtenir et présenter les nombreux documents exigés au soutien de celles-ci. Ils ont aussi subi un stress considérable du fait des années passées à attendre le traitement de leurs demandes. Certes, ils ont droit au remboursement des frais de dépôt qu’ils ont payés sous le régime de la LIPR, mais ce qu’ils espéraient c’est de se voir offrir la possibilité de s’établir au Canada, et ils considèrent la perte de cette possibilité comme une perte considérable. Ils estiment injuste — ce qui est compréhensible — qu’on ait mis fin à leurs demandes sans égard au bien-fondé de celles-ci.
[9] Les faits particuliers à chacun des appelants sont les suivants :
a) Mme Fang Wei (A-180-13) a présenté sa demande en 2007 au bureau des visas de Hong Kong. Elle s’était mariée en Chine le 1er mai 2006. Son mari a par la suite obtenu la résidence permanente au Canada, puis la citoyenneté canadienne. Pour des raisons techniques qui ne sont pas pertinentes en l’espèce, son mari ne peut la parrainer.
b) Mme Sumera Shahid (A-180-13) a présenté sa demande en 2007 au bureau des visas d’Islamabad. Cette demande a été transférée au bureau des visas de Londres le 29 décembre 2010.
c) M. Ali Raza Jafri (A-181-13) est citoyen pakistanais. Il a présenté sa demande en 2007 au bureau des visas d’Islamabad.
d) Mme Mae Joy Tabingo (A-183-13) a présenté en 2005, au bureau des visas de Manille, une demande pour elle‑même, son mari et ses enfants.
e) M. Yanjun Yin (A-185-13) est citoyen chinois. Il a présenté en 2007 une demande pour lui‑même et sa femme.
f) Mme Maria Sari Teresa Borja Austria (A-186-13) a présenté sa demande en 2005 au bureau des visas de Manille.
[10] Il n’est pas possible d’établir avec certitude si les appelants auraient obtenu des visas de résident permanent dans l’hypothèse où le paragraphe 87.4(1) de la LIPR n’aurait pas été édicté. Cependant, le ministre n’a fait état d’aucun élément au dossier qui soulèverait un doute quelconque sur l’admissibilité des appelants à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).
II. Le régime législatif
[11] Tout citoyen canadien a, en vertu du paragraphe 6(1) de la Charte, et avait auparavant, en vertu de la common law, le droit inconditionnel d’entrer et de demeurer au Canada. Le droit de toute autre personne d’entrer et de demeurer au Canada est régi par la LIPR et la loi qui l’a précédée, soit la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (voir Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711).
[12] Le paragraphe 27(1) de la LIPR confère à certaines conditions au « résident permanent », entendu au sens de cette même loi, le droit d’entrer au Canada et d’y séjourner. Le « résident permanent » est défini au paragraphe 2(1) de la LIPR comme une personne qui a le statut de résident permanent sous le régime de cette loi et n’a pas perdu ce statut au titre de l’article 46 de ladite loi. Le paragraphe 11(1) de la LIPR dispose que l’étranger qui souhaite obtenir le statut de résident permanent doit demander préalablement à son entrée au Canada le visa requis (sous réserve d’exceptions qui ne s’appliquent pas aux appelants).
[13] Selon le paragraphe 21(1) de la LIPR, devient résident permanent l’étranger dont un agent d’immigration constate qu’il a demandé ce statut, qu’il détient le visa nécessaire pour établir son droit audit statut et qu’il n’est pas interdit de territoire. Les articles 34 à 41 de la LIPR énoncent de nombreux motifs d’interdiction de territoire, qui touchent par exemple la sécurité, la criminalité, l’état de santé, la situation financière, les fausses déclarations, le défaut de remplir une condition fixée par le Règlement ou une directive ministérielle relative à l’immigration économique et, s’agissant d’un résident permanent, le manquement à des obligations afférentes à ce statut.
[14] Les articles 25 et 25.1 de la LIPR confèrent au ministre le pouvoir discrétionnaire de lever, pour des raisons d’ordre humanitaire, toute condition d’obtention du statut de résident permanent, sauf s’il s’agit d’un étranger interdit de territoire en vertu des articles 34 (sécurité), 35 (atteinte aux droits humains ou internationaux) ou 37 (criminalité organisée). Il peut accorder cette dispense sur demande de l’intéressé (sous réserve, à moins d’une exemption, du paiement de droits) ou de sa propre initiative. Dans les présents appels, aucune observation n’a été présentée sur le point de savoir si les appelants ont le droit de demander une telle dispense. L’article 25.2 de la LIPR autorise le ministre à prendre une mesure discrétionnaire similaire s’il estime que l’intérêt public le justifie.
[15] Les parties aux présents appels ne s’entendent pas sur la juste interprétation à donner à l’article 87.4 de la LIPR. Pour trancher la question, il convient de prendre en compte le paragraphe 3(1) de la LIPR, qui énumère les objets de cette dernière pour ce qui concerne l’immigration, et son paragraphe 3(3), qui énonce les principes régissant l’interprétation et la mise en œuvre de ladite loi. Voici les extraits pertinents de ces dispositions :
3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet : a) de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques; […] c) de favoriser le développement économique et la prospérité du Canada et de faire en sorte que toutes les régions puissent bénéficier des avantages économiques découlant de l’immigration; […] e) de promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada, compte tenu du fait que cette intégration suppose des obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne; f) d’atteindre, par la prise de normes uniformes et l’application d’un traitement efficace, les objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral après consultation des provinces; […] |
Objet en matière d’immigration |
(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet : […] d) d’assurer que les décisions prises en vertu de la présente loi sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en ce qui touche les principes, d’une part, d’égalité et de protection contre la discrimination et, d’autre part, d’égalité du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada; |
Interprétation et mise en œuvre |
[16] L’alinéa 3(3)d) de la LIPR pose en principe que les décisions administratives discrétionnaires doivent être conformes aux valeurs consacrées par la Charte, qui sont sous-jacentes à l’octroi du pouvoir discrétionnaire de rendre ces décisions. Ce principe s’appuie sur une série de décisions, dont la plus récente est l’arrêt Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395, au paragraphe 24.
[17] La LIPR est une loi-cadre. Elle énonce des politiques et principes fondamentaux, alors que des règlements prescrivent les politiques secondaires, la mise en œuvre ainsi que les détails opérationnels. Le juge Evans, au nom de la Cour, explique cette différence au paragraphe 23 de l’arrêt de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2006] 3 R.C.F. 655 :
[La LIPR] énonce les principes et politiques clés du régime législatif et […], eu égard à la complexité et à la vaste étendue du sujet, elle est relativement concise. Les politiques et principes secondaires, la mise en œuvre des politiques et principes clés, y compris les exemptions, et les détails opérationnels cruciaux sont prescrits dans des règlements, qui peuvent être modifiés assez rapidement lorsque de nouveaux problèmes et d’autres changements se présentent.
[18] L’article 5 de la LIPR confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements d’application. Son paragraphe (1) est libellé comme suit :
5. (1) Le gouverneur en conseil peut, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, prendre les règlements d’application de la présente loi et toute autre mesure d’ordre réglementaire qu’elle prévoit. |
Règlements |
[19] La plupart des conditions auxquelles est subordonnée l’immigration au Canada sont énoncées dans des règlements pris en vertu du paragraphe 14(1) de la LIPR, dont voici les extraits pertinents :
14. (1) Les règlements régissent l’application de la présente section et définissent, pour l’application de la présente loi, les termes qui y sont employés. |
Application générale |
(2) Ils établissent et régissent les catégories de résidents permanents ou d’étrangers, dont celles visées à l’article 12, et portent notamment sur : a) les critères applicables aux diverses catégories, et les méthodes ou, le cas échéant, les grilles d’appréciation et de pondération de tout ou partie de ces critères, ainsi que les cas où l’agent peut substituer aux critères son appréciation de la capacité de l’étranger à réussir son établissement économique au Canada; b) la demande, la délivrance et le refus de délivrance de visas et autres documents pour les étrangers et les membres de leur famille; c) le nombre de demandes à traiter et dont il peut être disposé et celui de visas ou autres documents à accorder par an, ainsi que les mesures à prendre en cas de dépassement; d) les conditions qui peuvent ou doivent être, quant aux résidents permanents et aux étrangers, imposées, modifiées ou levées, individuellement ou par catégorie; |
Sélection et formalités |
A. La catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral)
[20] L’article 12 de la LIPR établit, outre la catégorie des réfugiés et des personnes en situation semblable, deux catégories de résidents permanents. La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de certains liens qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent; voir le paragraphe 12(1) de la LIPR. La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada; voir le paragraphe 12(2) de la LIPR. Les appelants avaient tous demandé à être sélectionnés au titre de la catégorie « immigration économique ».
[21] Le ministre fait valoir que le législateur a créé la catégorie « immigration économique » afin de favoriser la réalisation des objectifs énoncés aux alinéas 3(1)a), c), e) et f) de la LIPR, reproduits plus haut. Il s’ensuit selon lui que les dispositions de la LIPR concernant la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) doivent être interprétées et appliquées en fonction de l’intention déclarée du législateur de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques, de favoriser le développement économique et la prospérité de notre pays, de promouvoir l’intégration des résidents permanents à la société canadienne et de faciliter la réalisation des objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral.
B. Les dispositions réglementaires relatives à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral)
[22] Le gouverneur en conseil a exercé le pouvoir, qui lui est accordé en vertu de l’article 14 de la LIPR de prendre des règlements détaillés concernant les demandes d’immigration, y compris les demandes de la nature de celles en litige dans les présents appels. Il n’est pas rare que des modifications soient apportées au Règlement — et, de fait, certains changements ont été faits après la présentation des demandes de visa des appelants —, mais aucune des parties n’a laissé entendre que l’une quelconque de ces modifications était pertinente en l’espèce. Le résumé que je fais ci-dessous des dispositions réglementaires applicables se fonde donc sur le texte actuel du Règlement.
[23] Le paragraphe 11(1) du Règlement dispose que l’étranger — sauf s’il s’agit d’un réfugié ou d’une personne en situation semblable — doit faire sa demande de visa de résident permanent à un bureau des visas déterminé. Ce paragraphe est libellé comme suit :
11. (1) L’étranger fait sa demande de visa de résident permanent — autre que celle faite au titre de la partie 8 — au bureau d’immigration qui dessert : a) soit le pays dans lequel il réside, s’il y a été légalement admis pour une période d’au moins un an; b) soit le pays dont il a la nationalité ou, s’il est apatride, le pays dans lequel il a sa résidence habituelle — autre que celui où il n’a pas été légalement admis. |
Lieu de la demande de visa de résident permanent |
[24] La partie 6 du Règlement (articles 73 [maintenant 72.8] à 115) énumère les critères de sélection applicables à l’immigration économique. Elle distingue trois catégories d’immigrants économiques : les travailleurs qualifiés (dans sa section 1), les gens d’affaires (dans sa section 2) et les aides familiaux (dans sa section 3).
[25] La catégorie des travailleurs qualifiés est à son tour divisée en six catégories : la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), celle des travailleurs qualifiés (fédéral — transitoire), celle des travailleurs qualifiés (Québec), celle des candidats des provinces, celle de l’expérience canadienne et celle des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral). Tous les appelants ont présenté une demande au titre de la première de ces catégories, celle des travailleurs qualifiés (fédéral). Les critères de sélection applicables aux candidats à l’immigration de cette catégorie sont énoncés aux articles 75 à 85 du Règlement.
[26] Peut être sélectionné au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) le candidat qui remplit les conditions suivantes : a) il est un travailleur qualifié selon l’article 75 du Règlement; b) il est établi qu’il est en mesure de réussir son établissement économique au Canada selon l’article 76 du même Règlement; c) il cherche à s’établir dans une province autre que le Québec. Le candidat doit remplir ces conditions au moment où il fait sa demande de visa de résident permanent et au moment où ce visa est délivré (article 77 du Règlement).
1) La qualité de travailleur qualifié – article 75
[27] Le paragraphe 75(2) du Règlement énonce des critères détaillés d’évaluation des compétences professionnelles du demandeur de visa de résident permanent. Le demandeur qui remplit ces critères est déclaré être un « travailleur qualifié » pour l’application de ce paragraphe.
[28] Le paragraphe 75(2) du Règlement dispose que la profession principale du demandeur doit appartenir au genre ou à un niveau de compétence prescrit de la matrice de la Classification nationale des professions publiée par Ressources humaines et Développement des compétences Canada, et énonce les conditions relatives à son expérience de travail. Le paragraphe 75(3) porte que, si la profession principale du demandeur n’est pas une profession admissible ou si les conditions relatives à son expérience de travail ne sont pas remplies, l’agent d’immigration met fin à l’examen de la demande et la rejette. Dans le cas contraire, le demandeur est reconnu comme travailleur qualifié, et l’on évalue sa capacité à réussir son établissement économique au Canada.
2) La capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada – article 76
[29] Le travailleur qualifié ne peut être sélectionné comme membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) que s’il est établi, sous le régime de l’article 76 du Règlement, qu’il pourra réussir son établissement économique au Canada. L’article 76 prévoit à cet égard deux ensembles de critères; l’un concerne les caractéristiques personnelles du demandeur (alinéa 76(1)a) du Règlement), et l’autre porte sur ses ressources financières et ses perspectives d’emploi au Canada (alinéa 76(1)b) du Règlement).
a) Les caractéristiques personnelles – alinéa 76(1)a) du Règlement
[30] L’agent d’immigration chargé d’évaluer les caractéristiques personnelles du travailleur qualifié lui attribue des points au titre de six facteurs énumérés à l’alinéa 76(1)a) du Règlement. Le travailleur qualifié doit accumuler un minimum déterminé de points pour être jugé capable de réussir son établissement économique au Canada.
[31] Le paragraphe 76(2) dispose que le ministre établit le minimum nécessaire de points en se fondant sur le nombre de demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) déjà en cours de traitement, le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la LIPR, et les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.
[32] Les six facteurs que l’alinéa 76(1)a) du Règlement prescrit explicitement de prendre en considération pour évaluer les caractéristiques personnelles du demandeur sont les suivants :
a) les études (article 78 du Règlement — de 5 points pour un diplôme de niveau secondaire à 25 points pour un diplôme universitaire de troisième cycle);
b) la compétence dans les langues officielles du Canada (article 79 du Règlement — un maximum de 24 points pour la compétence du demandeur en français ou en anglais et un maximum de 4 points additionnels pour sa compétence dans la seconde langue officielle du Canada);
c) l’expérience de travail (article 80 du Règlement — un maximum de 15 points pour 6 années ou plus d’expérience de travail acquise au cours des 10 années ayant précédé la demande);
d) l’âge (article 81 du Règlement — un maximum de 12 points pour le demandeur de 18 ans ou plus et de moins de 36 ans, avec soustraction d’un point par année d’âge à partir de 36 ans);
e) l’existence d’un emploi réservé, c’est-à-dire d’un emploi offert au Canada pour un travail à temps plein non saisonnier et à durée indéterminée appartenant au genre ou à un niveau de compétence prescrit (article 82 du Règlement — un maximum de 10 points si le demandeur est titulaire d’un permis de travail remplissant les conditions énoncées aux alinéas 82(2)a), b) ou d) du Règlement, ou s’il a reçu d’un employeur canadien une offre d’emploi qui remplit les conditions énoncées à l’alinéa 82(2)c) dudit Règlement);
f) la capacité d’adaptation (article 83 du Règlement — un maximum de 10 points pour une certaine expérience de travail acquise au Canada ou des années d’études accomplies au pays par le demandeur ou le conjoint, de droit ou de fait, qui l’accompagne).
[33] Si l’agent d’immigration chargé de l’évaluation conclut que les critères énumérés à l’alinéa 76(1)a) du Règlement ne constituent pas un indicateur suffisant de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada, il peut y substituer sa propre appréciation, sous réserve que sa décision soit confirmée par un autre agent (paragraphes 76(3) et (4) du Règlement).
b) Les ressources financières et les perspectives d’emploi – alinéa 76(1)b)
[34] L’alinéa 76(1)b) du Règlement porte que le travailleur qualifié doit, soit disposer de fonds transférables et disponibles d’un certain montant, soit s’être vu attribuer des points au titre de l’alinéa 76(1)a) du même Règlement pour un emploi réservé qui remplit les conditions énoncées aux alinéas 82(2)a), b) ou d) dudit Règlement.
C. Le processus de traitement habituel des demandes de visa de résident permanent
[35] Lorsque le bureau des visas compétent reçoit une demande de visa de résident permanent accompagnée des droits exigés, il en accuse réception. Il peut arriver que l’examen de la demande ne commence pas avant plusieurs années, de sorte qu’une grande partie des renseignements qu’elle contient se périme avant ce premier examen. Lorsqu’il s’écoule une longue période de temps avant que l’examen de la demande commence, un agent invite généralement le demandeur à présenter des renseignements à jour. Il est permis de penser que le demandeur ayant fait l’objet d’une telle demande en déduit que le traitement de son dossier est presque terminé. Il n’est néanmoins pas rare que l’étape suivante s’échelonne sur plusieurs mois.
[36] Une fois qu’il a déterminé à partir des documents présentés si le demandeur remplit les critères de sélection au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), l’agent prend une décision de sélection. Habituellement, il consigne cette décision en inscrivant la mention « DÉCSEL » au dossier du demandeur dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI), ou la mention « Recevabilité – Réussi » ou « Recevabilité – Échoué » dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC). Il peut arriver qu’on inscrive d’autres notes relatives à la décision dans le STIDI ou le SMGC avant d’y insérer, selon le cas, la mention « DÉCSEL », « Recevabilité – Réussi » ou « Recevabilité – Échoué ».
[37] L’étape suivante comporte un examen des documents relatifs à la recevabilité, qui portent par exemple sur l’état de santé ou les antécédents judiciaires. Si le résultat de cet examen lui est favorable, le demandeur est invité à payer les droits applicables et à présenter son passeport. Il doit normalement attendre de deux à trois mois pour qu’on lui renvoie son passeport dans lequel le visa de résident permanent est apposé.
[38] À tout moment du processus de traitement, des questions peuvent surgir quant à savoir si le demandeur est admissible à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) ou s’il est interdit de territoire. Dans un tel cas, l’agent adresse au demandeur une lettre (dite « lettre d’équité ») dans laquelle il fait état des nouvelles préoccupations et demande qu’une réponse lui soit fournie dans un délai déterminé. Aucun délai n’est prescrit pour trancher le nouveau point.
D. L’article 87.4 de la LIPR
[39] L’article 87.4 est entré en vigueur le 29 juin 2012. En voici le libellé :
87.4 (1) Il est mis fin à toute demande de visa de résident permanent faite avant le 27 février 2008 au titre de la catégorie réglementaire des travailleurs qualifiés (fédéral) si, au 29 mars 2012, un agent n’a pas statué, conformément aux règlements, quant à la conformité de la demande aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie. |
Demandes antérieures au 27 février 2008 |
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux demandes à l’égard desquelles une cour supérieure a rendu une décision finale, sauf dans les cas où celle-ci a été rendue le 29 mars 2012 ou après cette date. |
Application |
(3) Le fait qu’il a été mis fin à une demande de visa de résident permanent en application du paragraphe (1) ne constitue pas un refus de délivrer le visa. |
Effet |
(4) Les frais versés au ministre à l’égard de la demande visée au paragraphe (1), notamment pour l’acquisition du statut de résident permanent, sont remboursés, sans intérêts, à la personne qui les a acquittés; ils peuvent être payés sur le Trésor. |
Remboursement de frais |
(5) Nul n’a de recours contre sa Majesté ni droit à une indemnité de sa part relativement à une demande à laquelle il est mis fin en vertu du paragraphe (1). |
Absence de recours ou d’indemnité |
[40] Le ministre soutient que le paragraphe 87.4(1) a mis fin le 29 juin 2012 aux demandes de visa de résident permanent en cause dans le présent appel étant donné qu’à cette date les conditions énoncées audit paragraphe étaient remplies. Le ministre n’a pris après cette date aucune mesure pour achever le traitement des demandes en question.
[41] Selon les éléments de preuve produits par le ministre, l’édiction du paragraphe 87.4(1) avait pour objet d’en finir avec l’arriéré inacceptable de demandes de visa de résident permanent présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).
[42] De 2002 à 2012, le ministre a reçu et traité plus de 2,4 millions de demandes de visa de résident permanent faites au titre de la catégorie « immigration économique », dont plus de un million relevaient de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).
[43] Au cours de cette période, les bureaux des visas de New Delhi, Islamabad, Manille, Hong Kong et Beijing ont traité des centaines de milliers de demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Les bureaux des visas de Buffalo, Londres, Paris, Sydney et Singapour en ont traité plusieurs milliers d’autres provenant de l’Inde, du Pakistan, des Philippines et de la Chine. Bien qu’un très grand nombre de demandes aient été dûment examinées, il s’est accumulé un important arriéré du fait que le nombre total de demandes dépassait de beaucoup le nombre de travailleurs qualifiés (fédéral) que le gouvernement canadien pouvait accepter compte tenu de ses plans annuels d’immigration.
[44] Le ministre était d’avis que l’existence d’un important arriéré nuisait considérablement au programme d’immigration de travailleurs qualifiés (fédéral). Cet arriéré réduisait la flexibilité du programme, ainsi que la capacité du gouvernement à tenir compte de l’évolution des conditions du marché du travail ayant une incidence sur la possibilité pour les nouveaux immigrants de trouver un emploi au Canada et d’y réussir leur établissement économique. Cet arriéré avait en outre pour effet d’amoindrir la confiance du public dans l’efficacité du système d’immigration.
[45] Au fil du temps, on a essayé de réduire l’arriéré en augmentant le nombre annuel de demandes traitées. Cependant, ces efforts ont échoué en raison du nombre limité d’immigrants que le Canada pouvait recevoir selon ses plans annuels, même lorsque ceux-ci ont atteint des sommets historiques.
[46] En février 2008, la LIPR a été modifiée de manière à autoriser le ministre à donner des instructions fermes visant à réduire ou à suspendre la réception de nouvelles demandes. Cependant, cette mesure n’a pas suffi à elle seule à éliminer l’arriéré. Il avait été déterminé que l’arriéré subsisterait plusieurs années, et que les demandeurs subiraient des délais d’attente de sept ou huit ans. De plus, les statistiques indiquaient une diminution de revenu et des taux élevés de chômage chez les nouveaux immigrants. Le gouvernement a jugé cette situation inacceptable sur le plan de la politique générale.
[47] L’article 87.4 a été édicté afin d’éliminer l’arriéré d’un seul coup et de permettre au gouvernement de concentrer son attention sur les demandes de visa de résident permanent plus récentes présentées par des candidats exerçant des emplois réservés. Après l’introduction de cet article, on s’est efforcé d’« extraire » de la masse des dossiers en retard des demandes au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) potentiellement recevables, par suite de quoi de nombreuses demandes ont été acceptées. Cependant, les demandes conformes aux critères n’ont pas toutes été repérées ni n’auraient pu l’être. Les demandes en cause en l’espèce auraient pu être acceptées s’il n’avait pas été mis fin à leur traitement en vertu du paragraphe 87.4(1).
[48] Les appelants font valoir que l’édiction (en 2002) du paragraphe 11(1) du Règlement, qui précisait à quel bureau des visas les demandeurs devaient s’adresser, est susceptible d’avoir aggravé l’arriéré. Avant cette modification, il était permis au candidat de choisir en fonction des dossiers en attente le bureau auquel il présenterait sa demande. Cette faculté supprimée, les demandeurs obligés de s’adresser à un bureau à fort volume d’usagers ont subi d’importants retards dans le traitement de leur demande dans les cas où le bureau en question ne s’était pas vu affecter suffisamment de ressources.
[49] Le 4 avril 2012, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a publié le Bulletin opérationnel 400 [« Fin du traitement de certaines demandes figurant dans l’arriéré de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) : Budget de 2012 »], ayant pour objet d’expliquer l’effet de l’article 87.4, qui à cette époque figurait dans un projet de loi. Selon ce bulletin, le traitement des demandes de visa de résident permanent, faites au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) avant le 27 février 2008, qui n’avaient pas donné lieu à une décision avant le 29 mars 2012, ne pouvait être entamé ou se poursuivre. Le Bulletin opérationnel 400 était conçu pour avoir, avant l’entrée en vigueur du paragraphe 87.4(1), l’effet qu’aurait cette disposition une fois édictée. Le Bulletin opérationnel 400 a été annulé par suite d’une contestation judiciaire.
[50] Le 29 juin 2012, date de l’entrée en vigueur du paragraphe 87.4(1), CIC a publié le Bulletin opérationnel 442 [« Interruption du traitement et remboursement des frais pour certaines demandes du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) »], qui fournissait aux agents d’immigration des instructions de traitement conçues pour donner effet au paragraphe 87.4(1) tel que l’interprétait alors le ministre. Les parties du Bulletin opérationnel 442 qui reflètent l’interprétation que le ministre donnait au paragraphe 87.4(1) sont reproduites en annexe aux présents motifs.
III. Analyse
[51] Bien que chacun des appelants ait invoqué des arguments légèrement différents, bon nombre de leurs arguments se recoupent. À mon sens, les questions suivantes englobent tous ces arguments :
a) Quelle est la norme de contrôle applicable?
b) Pour déterminer s’il est mis fin au traitement d’une demande de visa de résident permanent par application du paragraphe 87.4(1) de la LIPR, suffit-il, aux termes de cette disposition, de constater l’existence de faits objectifs à partir du dossier de demande, ou faut-il que l’agent d’immigration effectue un examen personnalisé faisant intervenir l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire?
c) La Déclaration canadienne des droits garantit-elle aux appelants des droits procéduraux (notamment le droit à un avis et le droit d’être entendu) avant qu’il ne soit décidé que le paragraphe 87.4(1) de la LIPR met fin à leurs demandes?
d) La rétroactivité du paragraphe 87.4(1) de la LIPR l’invalide-t-il du fait qu’il contrevient au principe de la primauté du droit?
e) Les appelants disposent-ils d’un droit acquis à l’examen de leurs demandes sous le régime des dispositions de la LIPR qui étaient en vigueur au moment où ils les ont présentées?
f) La manière dont le paragraphe 87.4(1) de la LIPR a été mis en application porte-t-elle atteinte aux droits que les demandeurs de visa tirent du paragraphe 15(1) de la Charte?
g) Le paragraphe 87.4(1) de la LIPR porte-t-il atteinte aux droits que les appelants tirent de l’article 7 de la Charte?
[52] Le ministre n’a pas soutenu devant la Cour fédérale que les appelants n’ont pas de droits sous le régime de l’article 7 ou du paragraphe 15(1) de la Charte. Le juge Rennie a exprimé des réserves sur cette question, mais comme elle n’était pas contestée, il s’est abstenu de la trancher. Il a plutôt présumé, sans trancher la question, que les appelants jouissent de ces droits.
[53] Devant notre Cour, le ministre soutient que les appelants ne jouissent d’aucun droit sous le régime de l’article 7 et du paragraphe 15(1) de la Charte. Cependant, comme il ressortira de l’analyse qui suit, je n’estime pas nécessaire d’exprimer d’opinion sur ce point.
A. La norme de contrôle applicable
[54] La Cour fédérale a été saisie d’une demande de contrôle judiciaire. Cependant, aucun décideur administratif n’est intervenu, si ce n’est le ministre qui a refusé d’examiner, après l’entrée en vigueur le 29 juin 2012 du paragraphe 87.4(1) de la LIPR, les demandes de visa de résident permanent présentées par les appelants. Le refus du ministre reposait sur l’interprétation qu’il donnait à cette disposition. Les parties qui se sont exprimées sur ce point étaient d’accord pour dire que l’interprétation que le ministre a donnée au paragraphe 87.4(1) est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.
[55] Dans certains cas, l’interprétation de la LIPR par le ministre peut être contrôlée suivant la norme de la décision raisonnable, auquel cas la décision du ministre peut susciter une certaine retenue judiciaire lorsque la disposition en cause contient des termes d’une portée discutable ou exige qu’il prenne une décision discrétionnaire mettant en jeu des conclusions de fait et/ou des considérations de politique générale; voir par exemple les paragraphes 49 et 50 de l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559. Cependant, la disposition qui nous occupe, soit le paragraphe 87.4(1), est libellée en termes tout à fait clairs, et n’admet pas plus d’une interprétation acceptable et justifiable. Au bout du compte, en l’espèce, rien ne repose sur la norme de contrôle applicable à l’interprétation de ce paragraphe par le ministre, puisque j’ai conclu qu’il l’a correctement interprété.
[56] Mis à part ceux qui font l’objet des conclusions formulées par le juge Rennie sur la preuve statistique relative aux arriérés respectifs des bureaux des visas, les faits ne sont pas contestés. Le juge a examiné ces éléments de preuve factuels en première instance et non dans le cadre du contrôle d’une décision administrative. Les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit qu’il a tirées à cet égard sont donc susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, conformément à l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; voir Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 110, [2012] 4 R.C.F. 479, au paragraphe 12; et Saputo Inc. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 69, [2012] 4 R.C.F. 519, au paragraphe 9.
B. La détermination du point de savoir si le paragraphe 87.4(1) s’applique à une demande donnée
[57] Je reproduis ici, pour la commodité du lecteur, le paragraphe 87.4(1) de la LIPR, déjà cité plus haut :
87.4 (1) Il est mis fin à toute demande de visa de résident permanent faite avant le 27 février 2008 au titre de la catégorie réglementaire des travailleurs qualifiés (fédéral) si, au 29 mars 2012, un agent n’a pas statué, conformément aux règlements, quant à la conformité de la demande aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie. |
Demandes antérieures au 27 février 2008 |
[58] Le ministre soutient que, pour établir si une demande donnée de visa de résident permanent entre dans le champ d’application du paragraphe 87.4(1), il suffit de déterminer l’existence de certains faits à la lumière d’un simple examen du dossier de demande. Selon l’interprétation du ministre, le paragraphe 87.4(1) a mis fin, le 29 juin 2012, à toute demande de visa de résident permanent, faite — comme c’est le cas de toutes les demandes des appelants —avant le 27 février 2008 au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) a) si aucun agent d’immigration n’avait statué avant le 29 mars 2012 sur la conformité de cette demande aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie, ou b) si un agent d’immigration avait conclu, en date du 29 mars 2012 ou après cette date, qu’elle était conforme aux règlements, mais que l’examen de ladite demande n’avait pas été conclu avant le 29 juin 2012.
[59] Le juge Rennie a souscrit à l’interprétation du ministre. Il a conclu que les « critères de sélection » visés au paragraphe 87.4(1) sont les conditions énumérées à l’article 76 du Règlement (intitulé « Critères de sélection »), c’est-à-dire les critères applicables à l’évaluation de la capacité du travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada. Il a aussi conclu [au paragraphe 27] que les « autres exigences applicables à [la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral)] » sont toutes les autres conditions que doit remplir l’étranger pour être sélectionné comme membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), notamment celles qu’énonce l’article 75 du Règlement, qui précise ce qu’on entend par « travailleur qualifié ».
[60] Aucun des appelants ne soutient que les agents d’immigration, appelés à déterminer s’ils avaient rempli les critères de sélection et autres exigences applicables à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), ou à quel moment ils les avaient remplis, ont commis une erreur. Une telle contestation de fait pourrait former l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, comme le ministre l’a reconnu et comme l’a conclu le juge Rennie. Cependant, il n’y en a pas en l’espèce. Les appelants soutiennent que, du point de vue de l’interprétation des lois, le paragraphe 87.4(1) est si ambigu qu’un agent d’immigration ne peut déterminer son effet sur une demande particulière de visa de résident permanent sans procéder à un examen personnalisé et exercer dans une certaine mesure un pouvoir discrétionnaire.
[61] Cet argument ne me convainc pas. Une décision n’est discrétionnaire que si, aux termes de la loi, plusieurs issues sont possibles au vu des faits. Si, suivant la loi, une seule conclusion s’impose à partir des faits, la décision n’a rien de discrétionnaire.
[62] Je reconnais qu’il peut se révéler difficile de déterminer l’état d’avancement d’une demande à partir du dossier parce que les notes inscrites dans le STIDI ou le SMGC sont vagues ou incomplètes. C’est sans doute là la raison pour laquelle, par exemple, le Bulletin opérationnel 442 (annexé aux présents motifs) donne instruction aux agents d’immigration de ne pas se fier seulement aux mentions habituelles (« DÉCSEL » dans le STIDI, ou « Recevabilité – Réussi » / « Recevabilité – Échoué » dans le SMGC) pour déterminer si une décision de sélection a été prise ou quand elle l’a été. Les agents sont invités à examiner toutes les notes en vue de savoir si une décision de sélection a effectivement été prise et, le cas échéant, quand elle l’a été, même en l’absence de la mention habituelle. Cependant, le fait qu’il puisse se présenter de telles difficultés de preuve ne peut en soi transformer une conclusion de fait en une décision discrétionnaire.
[63] Les appelants tirent aussi argument du fait qu’un certain nombre de visas de résident permanent ont été délivrés par erreur à des candidats qui les avaient sollicités avant le 27 février 2008, alors que le paragraphe 87.4(1) aurait dû mettre fin à leurs demandes selon l’interprétation du ministre. Le ministre n’a pas annulé ces visas, mais il a plutôt décidé de déclarer ces demandeurs admissibles à recevoir un visa de résident permanent pour des considérations d’intérêt public, en vertu du pouvoir que lui confère l’article 25.2 de la LIPR. Cela témoigne de l’existence d’une certaine confusion dans les premiers temps de la mise en application du paragraphe 87.4(1), mais cela ne signifie pas que l’application de cette disposition repose sur la décision discrétionnaire d’un agent d’immigration.
[64] Les appelants font aussi remarquer qu’une même demande peut donner lieu à plus d’une décision de sélection, notamment lorsque, après que l’agent ait pris une telle décision, des événements ou des faits nouveaux, de nature à modifier la décision initiale, sont portés à sa connaissance. Cependant, il est toujours possible d’établir si une décision visée au paragraphe 87.4(1) a été prise avant le 29 mars 2012 ou si la demande en question a fait l’objet d’une décision finale avant le 29 juin 2012, et c’est là tout ce qu’exige le paragraphe 87.4(1).
[65] Enfin, les appelants invoquent la décision Zhu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 155. Cette décision ne me paraît pas entrer en contradiction avec l’interprétation que le ministre donne au paragraphe 87.4(1). M. Zhu a reçu une décision finale défavorable datée du 12 mai 2012, mais il était indiqué dans son dossier qu’une décision de sélection défavorable avait été prise à la même date. Le juge a conclu que le paragraphe 87.4(1) ne s’appliquait pas à la demande de visa en question au motif que la décision de sélection avait été prise après le 29 mars 2012, et la décision finale avant le 29 juin 2012, de sorte que ce paragraphe de la LIPR ne pouvait empêcher le juge d’invalider la décision finale pour cause de manquement à l’équité procédurale et d’ordonner un nouvel examen de la demande.
[66] Comme on l’a vu plus haut, l’édiction du paragraphe 87.4(1) avait pour but d’éliminer un arriéré de demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) que le ministre estimait trop important pour qu’il fût possible d’y remédier dans un délai acceptable, et qui entravait la capacité du gouvernement à réagir à l’évolution des conditions du marché du travail susceptibles d’influer sur les perspectives d’établissement des nouveaux immigrants. C’étaient là des considérations valables sous le régime de l’article 3 de la LIPR, en particulier de ses alinéas 3(1)a), c) et e), déjà cités et reproduits ci-dessous par souci de commodité :
3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet : a) de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques; […] c) de favoriser le développement économique et la prospérité du Canada et de faire en sorte que toutes les régions puissent bénéficier des avantages économiques découlant de l’immigration; […] e) de promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada, compte tenu du fait que cette intégration suppose des obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne; |
Objet en matière d’immigration |
[67] Étant donné son libellé, son objet et son contexte, le paragraphe 87.4(1) ne peut de façon raisonnable recevoir une interprétation qui suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de la part de l’agent d’immigration chargé d’établir s’il met fin à une demande donnée. Je ne puis concevoir que le législateur ait eu l’intention d’instituer une nouvelle procédure administrative discrétionnaire pour remplacer celle qui avait déjà conduit à un arriéré inacceptable de plusieurs années. Je conclus donc que l’interprétation du paragraphe 87.4(1) proposée par le ministre et acceptée par le juge Rennie est correcte.
C. La Déclaration canadienne des droits
[68] Les appelants invoquent l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, qui garantit le respect de certains droits procéduraux dans l’interprétation et l’application des lois fédérales. Cet alinéa est libellé comme suit :
2. Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer comme […] e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations; |
Interprétation de la législation |
[69] Le respect des droits procéduraux devant un tribunal ou un organe administratif appelé à se prononcer sur les droits et obligations d’une personne est garanti par l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, mais il ne met personne à l’abri du droit qu’a le législateur de supprimer un droit d’origine législative en modifiant une loi; voir l’arrêt Authorson c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40, aux paragraphes 58 à 61.
[70] Comme il a été expliqué plus haut, le paragraphe 87.4(1) a supprimé le droit des appelants à ce que leurs demandes de visa de résident permanent soient traitées, et ce, sans exiger explicitement ni implicitement l’application d’un processus décisionnel ou la prise d’une décision administrative discrétionnaire. L’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits n’est donc à mon sens d’aucun secours aux appelants.
D. Le principe de la primauté du droit
[71] Les appelants soutiennent que le paragraphe 87.4(1) est invalide au motif qu’il contrevient de par son caractère arbitraire au principe de la primauté du droit. Ils estiment que cette disposition est arbitraire en raison de son application rétroactive aux demandes de visa de résident permanent qui étaient pendantes avant son entrée en vigueur, et auxquelles il a été mis fin sans égard à leurs chances de succès.
[72] L’arrêt Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49, [2005] 2 R.C.S. 473, se révèle éclairant sur ce point. Dans cette affaire, des industriels du tabac contestaient la validité d’une loi provinciale qui permettait à la Colombie-Britannique de poursuivre les fabricants de produits du tabac afin de récupérer les dépenses supportées pour fournir des soins de santé aux personnes exposées à ces produits. La loi contenait une disposition lui conférant la portée rétroactive nécessaire pour donner plein effet à toutes ses prescriptions, notamment l’abolition de tout délai de prescription applicable aux poursuites en dommages-intérêts pour préjudice causé en tout ou en partie par une faute d’un fabricant de tabac. L’un des arguments des industriels du tabac était que la loi en question portait atteinte au principe de la primauté du droit en raison de sa rétroactivité.
[73] Le juge Major, qui s’exprimait au nom de la Cour, a analysé les principes constitutifs de la primauté du droit aux paragraphes 57 à 60 de l’arrêt Imperial Tobacco :
La primauté du droit constitue [traduction] « un des postulats fondamentaux de notre structure constitutionnelle » (Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, p. 142) qui repose « à la base de notre système de gouvernement » (Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, par. 70). Elle est reconnue de manière explicite dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1982, et de manière implicite dans celui de la Loi constitutionnelle de 1867 : voir Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721, p. 750.
La Cour a décrit la primauté du droit comme embrassant trois principes. Le premier reconnaît que « le droit est au-dessus des autorités gouvernementales aussi bien que du simple citoyen et exclut, par conséquent, l’influence de l’arbitraire » : Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, p. 748. Le deuxième « exige la création et le maintien d’un ordre réel de droit positif qui préserve et incorpore le principe plus général de l’ordre normatif » : Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, p. 749. Selon le troisième, « les rapports entre l’État et les individus doivent être régis par le droit » : Renvoi relatif à la sécession du Québec, par. 71.
Lorsqu’on l’interprète de cette manière, il est difficile de concevoir que la primauté du droit puisse servir à invalider une loi comme celle qui nous occupe en raison de son contenu. Cela tient au fait qu’aucun des principes qu’embrasse la primauté du droit ne vise directement les termes de la loi. Le premier principe requiert que les lois soient appliquées à tous ceux, incluant les représentants gouvernementaux, à qui, de par leur libellé, elles doivent s’appliquer. Le deuxième principe signifie que les lois doivent exister. Quant au troisième principe, lequel chevauche dans une certaine mesure le premier et le deuxième, il exige que les mesures prises par les représentants de l’État s’appuient sur des lois. Voir R. Elliot, « References, Structural Argumentation and the Organizing Principles of Canada’s Constitution » (2001), 80 R. du B. can. 67, p. 114-115.
Cela ne signifie pas que la primauté du droit, telle que décrite par cette Cour, n’a aucune force normative. Comme l’a affirmé la juge en chef McLachlin dans [Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 3, 2002 CSC 57], par. 54, les « principes constitutionnels non écrits », incluant la primauté du droit, « [peuvent] limiter les actes du gouvernement ». Voir aussi Renvoi sur la sécession du Québec, par. 54. Mais les actes du gouvernement que limite la primauté du droit, comme l’entendent le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba et le Renvoi sur la sécession du Québec, sont habituellement, par définition, ceux des pouvoirs exécutif et judiciaire. Les actes du pouvoir législatif sont aussi limités, mais seulement dans le sens où ils doivent respecter des conditions légales de manière et de forme (c.-à-d., les procédures d’adoption, de modification et d’abrogation des lois).
[74] Le juge Major reconnaît que la question de savoir si la primauté du droit embrasse d’autres principes et dans quelle mesure ceux-ci pourraient entraîner l’invalidation d’une loi en raison de son contenu soulève beaucoup de controverse. Cependant, il n’a pas accepté d’élargir les principes établis. Il a en outre rejeté l’argument des industriels du tabac selon lequel la primauté du droit exigerait que les lois revêtent un caractère prospectif. Par conséquent, étant donné l’arrêt Imperial Tobacco, notre Cour ne peut à mon sens accepter l’argument des appelants voulant que le paragraphe 87.4(1) porte atteinte à la primauté du droit du fait de sa rétroactivité.
E. La rétroactivité et les droits acquis
[75] Les appelants, se fondant principalement sur l’arrêt Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, [2005] 3 R.C.S. 530, soutiennent qu’ils avaient, lorsqu’ils ont présenté leurs demandes de visa de résident permanent, acquis le droit de les voir traiter entièrement, ainsi que de les voir examiner sous le régime des dispositions législatives et réglementaires alors en vigueur. Ce moyen est mal fondé.
[76] Les appelants avaient le droit de demander des visas de résident permanent et, au moment où ils ont présenté leurs demandes, ils avaient le droit de les voir examiner conformément à la LIPR. Cependant, ils n’ont pas acquis le droit au maintien en vigueur de toute disposition de la LIPR ayant une incidence sur le sort de leurs demandes, ni celui que celles-ci soient examinées sous le régime des dispositions de la LIPR en vigueur au moment où elles ont été présentées. Cette conclusion se fonde sur les motifs qui suivent.
[77] Le Parlement a le pouvoir de promulguer des lois régissant l’immigration et de les modifier. Il a aussi le pouvoir de promulguer des lois ayant un effet rétroactif, sous réserve d’une présomption de non-rétroactivité, qui ne pourra être écartée qu’en présence d’un libellé n’autorisant aucune autre possibilité; voir Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271, aux pages 279 à 283; et Imperial Tobacco Canada Ltée., précité, aux paragraphes 69 à 72.
[78] J’ai déjà conclu, pour les motifs exposés précédemment, que le paragraphe 87.4(1) de la LIPR est libellé de manière suffisamment claire pour mettre fin rétroactivement aux demandes des appelants. Cela permet de distinguer la présente espèce de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dikranian, dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que les modifications en cause de la législation provinciale n’étaient pas assez clairement formulées pour supprimer les droits contractuels des étudiants qui avaient emprunté de l’argent à des institutions financières avant l’entrée en vigueur de ces modifications.
[79] Les appelants invoquent aussi l’arrêt Choi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 763 (C.A.). Cet arrêt, à mon avis, ne les aide pas non plus parce qu’il ne concerne pas une modification législative ayant un effet rétroactif explicite, mais plutôt un recours contre une erreur administrative ayant porté préjudice à un demandeur de visa en raison d’une modification du Règlement. Les autorités canadiennes avaient avisé M. Choi qu’il était en mesure de remplir les conditions nécessaires pour faire une demande d’immigration au Canada, c’est-à-dire d’accumuler suffisamment de « points » au titre de sa profession sous le régime alors en vigueur. On lui avait communiqué un questionnaire préliminaire, mais sans lui préciser qu’il pouvait présenter sa demande officielle immédiatement, ni l’informer de l’imminence de modifications aux dispositions concernant l’admissibilité des demandeurs de visa appartenant à sa profession. Il avait rendu son questionnaire rempli quelques jours plus tard. Les modifications susdites avaient été apportées après qu’il eut rendu son questionnaire, mais avant qu’il présente sa demande officielle. La Cour a conclu que, du fait qu’elles avaient pris l’engagement d’informer M. Choi, les autorités canadiennes étaient tenues de lui donner des informations exactes et qu’elles n’avaient pas rempli cette obligation. Elle leur a ordonné, comme mesure de réparation, d’agir à l’égard de M. Choi comme s’il avait présenté sa demande à la date où il avait remis son questionnaire préliminaire, qui était antérieure à celle à laquelle les modifications réglementaires touchant l’admissibilité avaient été apportées.
[80] Les appelants invoquent également la décision McDoom c. Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration, [1978] 1 C.F. 323 (1re inst.). Cette décision concerne des modifications apportées au Règlement après la présentation de la demande en cause dans cette instance. La Cour a conclu que le candidat à l’immigration avait le droit de voir examiner sa demande sous le régime des dispositions réglementaires telles que libellées à la date de celle-ci. Cependant, cette décision n’est d’aucun secours aux appelants puisque les modifications réglementaires en question n’étaient ni conçues ni formulées en vue d’avoir un effet rétroactif. En fait, il appert que ce n’est que récemment que le gouverneur en conseil a été autorisé à prendre des dispositions réglementaires susceptibles d’influer sur le sort de demandes pendantes de visa de résident permanent; voir le paragraphe 5(1.1) de la LIPR, édicté par application de l’article 702 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, avec effet le 29 juin 2012.
[81] Les appelants invoquent enfin la décision Dragan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 211, [2003] 4 C.F. 189 (1re inst.). Cette décision ne leur est non plus d’aucune utilité. La Cour y a conclu que, à moins que les demandes en cause ne soient traitées au plus tard le 31 mars 2003, les modifications législatives qui influaient sur leur sort auraient un effet rétroactif et, le 21 février 2003, elle a ordonné au ministre de les traiter au plus tard le 31 mars 2003.
F. Le paragraphe 15(1) de la Charte
[82] Les appelants invoquent le paragraphe 15(1) de la Charte, libellé comme suit :
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. |
Égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi |
[83] La manière dont le paragraphe 87.4(1) de la LIPR a été mis en application, soutiennent les appelants, porte atteinte aux droits à l’égalité qu’ils tirent du paragraphe 15(1) de la Charte, en raison d’une attribution inégale de ressources aux différents bureaux des visas et du fait que les règles de traitement avaient été modifiées de façon à ce que la priorité soit accordée aux demandes postérieures à 2008. Ils font valoir que les bureaux des visas auxquels les candidats de Chine, des Philippines et du Pakistan étaient tenus de présenter leurs demandes de visa de résident permanent disposaient proportionnellement de moins de ressources que les bureaux chargés de traiter les demandes provenant d’autres pays. Il s’ensuit selon eux qu’ils ont été victimes d’une discrimination fondée sur [traduction] « l’origine nationale, considérée en fonction du pays de résidence », ce qui constitue un motif analogue.
[84] La charge de prouver un acte discriminatoire sous le régime du paragraphe 15(1) de la Charte incombe aux appelants. Il incombait entre autres à ces derniers de produire des éléments de preuve établissant, suivant la prépondérance des probabilités, le caractère discriminatoire de la répartition des ressources. Pour s’acquitter de cette charge, les appelants se sont appuyés principalement sur des statistiques, obtenues du ministre, concernant les taux de traitement des demandes selon les bureaux des visas, puis ils ont invité le juge Rennie à tirer des inférences et des conclusions de ces statistiques. Le ministre a quant à lui produit des affidavits expliquant ces différences par les charges de travail respectives des bureaux des visas et d’autres facteurs.
[85] Bien que le caractère discriminatoire de la répartition des ressources soit au cœur de la thèse des appelants, le ministre n’a pas produit d’éléments de preuve détaillés sur ce point. Il aurait été loisible aux appelants de transformer en actions tout ou partie de leurs demandes de contrôle judiciaire afin de bénéficier d’une communication préalable et de plaider ce point, ou encore d’assigner des témoins; voir le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7; et les règles 41 et 316 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Mais ils n’ont pas tiré parti de ces possibilités.
[86] Aucune des parties n’a produit de preuve d’expert proposant la moindre analyse des statistiques. Ainsi, les appelants n’ont pas essayé de réfuter au moyen d’éléments preuve de cette nature l’argument du ministre selon lequel les facteurs qu’il invoquait suffisaient à expliquer les différences de taux de traitement selon les bureaux des visas.
[87] Le juge Rennie a conclu que le pays de résidence ne constitue pas un motif analogue, mais il a néanmoins examiné la thèse de la discrimination fondée sur l’origine nationale et conclu, essentiellement pour deux motifs, que la preuve n’étayait pas ce moyen. Premièrement, il a constaté que les appelants et les milliers de personnes qu’ils représentent n’ont en commun ni race, ni origine nationale ou ethnique. Deuxièmement, il a relevé dans les éléments de preuve présentés par le ministre des explications convaincantes des différences de taux de traitement, explications qui n’avaient rien à voir avec les caractéristiques personnelles des appelants ou des personnes qu’ils représentent. Se fondant sur son appréciation de la preuve, le juge Rennie s’est refusé à en tirer des inférences favorables à la thèse des appelants. Or, à la lecture du dossier, cette conclusion ne me paraît entachée d’aucune erreur manifeste et dominante.
[88] Il est vrai que les statistiques produites révèlent des taux de traitement différents selon les bureaux des visas. Par exemple, quelque 90 pour cent des demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) avant 2008 ont été traitées dans les bureaux des visas chargés de traiter les demandes en provenance de l’Europe et des Amériques, tandis qu’environ 40 pour cent de ces demandes l’ont été dans les bureaux desservant l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique. Au bout du compte, plus de 90 pour cent des dossiers dont on a mis fin à l’examen provenaient de l’Afrique, du Moyen-Orient, de l’Asie et du Pacifique.
[89] Cependant, cette différence de taux de traitement s’explique de nombreuses manières. Chaque bureau des visas avait une charge de travail différente liée non seulement aux demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), mais aussi aux demandes de visa de visiteur, d’étudiant et de travailleur étranger, auxquelles on donnait la priorité parce qu’elles étaient assujetties à des contraintes de temps. En outre, certains bureaux des visas étaient tenus de donner la priorité aux demandeurs d’asile ou ― c’était le cas de celui de Manille ― aux demandeurs relevant du Programme des aides familiaux ou du Programme des candidats des provinces. Le bureau des visas de Buffalo donnait quant à lui la priorité aux demandeurs se trouvant déjà légalement au Canada.
[90] La capacité de l’État à fournir des ressources à certains bureaux des visas dépendait aussi de facteurs externes tels que les catastrophes naturelles, l’instabilité politique et les conflits régionaux. On a constaté entre les bureaux des différences importantes aussi bien en ce qui concerne le roulement du personnel qu’en ce qui concerne les contraintes attribuables aux locaux et aux problèmes de sécurité. De plus, l’activité de certains bureaux était entravée par la mauvaise qualité des infrastructures locales, qui ralentissait le service postal et les autres moyens de communication, ou les rendait peu fiables. Les conditions locales influaient en outre sur le temps nécessaire pour vérifier les documents relatifs à la naissance, aux études et à la formation professionnelle.
[91] Le juge Rennie a estimé particulièrement convaincants les éléments de preuve établissant que, par suite d’un transfert interne, les bureaux des visas de Buffalo, Londres et Paris avaient traité un nombre important de demandes provenant de l’Inde, de la Chine et du Pakistan. Par exemple, 69 pour cent des demandes traitées au bureau de Buffalo, qui avait l’un des taux de règlement les plus élevés, provenaient de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Afrique.
[92] Étant donné que le dossier de preuve est lacunaire, je n’estime pas nécessaire d’exprimer une opinion sur les questions de droit examinées par le juge Rennie en ce qui concerne l’argument des appelants fondé sur le paragraphe 15(1) de la Charte, y compris le point de savoir si, en tant que ressortissants étrangers ayant présenté de l’extérieur du Canada des demandes de visas de résident permanent, ils ont des droits sous le régime du paragraphe 15(1) de la Charte.
[93] Je n’ai pas négligé d’examiner l’argument des appelants selon lequel le juge Rennie aurait commis une erreur en disant que ceux-ci n’avaient invoqué aucune lacune précise permettant de mettre en doute l’exactitude ou la fiabilité des éléments de preuve présentés par le ministre. Les appelants disent avoir fait état du [traduction] « monopole » du ministre sur la preuve, du caractère incomplet et ambigu des données statistiques, ainsi que de la non-production par le ministre de témoins capables de répondre à des questions sur le fonctionnement des bureaux des visas, point à partir duquel le juge Rennie aurait dû selon eux tirer une inférence défavorable à l’égard de la preuve du ministre.
[94] Cet argument ne me convainc nullement. La charge de prouver un manquement au paragraphe 15(1) de la Charte incombait aux appelants et non au ministre. Les appelants ont apparemment cru pouvoir prouver le bien-fondé de leur thèse au moyen des éléments de preuve statistique produits par le ministre. En fin de compte, le juge Rennie a conclu que ces éléments de preuve ne permettaient pas aux appelants de s’acquitter de leur charge de preuve, et cette conclusion est exempte d’erreur manifeste et dominante. Comme on l’a vu précédemment, les appelants ont décidé de ne pas produire de contre-preuve, et ils n’ont pas pris de mesures pour obtenir des éléments de preuve additionnels et plus probants. La preuve positive présentée par les appelants s’est révélée insuffisante pour étayer comme ils le devaient la thèse de la discrimination, de sorte qu’il importe peu que le dossier de preuve du ministre comporte des lacunes.
G. L’article 7 de la Charte
[95] Les appelants invoquent l’article 7 de la Charte, dont voici le texte :
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. |
Vie, liberté et sécurité |
[96] Cet article entre en jeu uniquement dans les cas où la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne se trouve menacée en raison d’une loi ou de son exécution. Le juge Rennie a conclu que les appelants n’avaient pas rempli cette condition préliminaire et donc que l’argument fondé sur l’article 7 ne pouvait être retenu. Je souscris à cette conclusion, essentiellement pour les motifs que le juge Rennie a exposés.
[97] Les appelants sont des ressortissants étrangers résidant à l’extérieur du Canada. Leur seul lien avec le Canada est le fait d’avoir demandé, sous le régime d’une loi canadienne, le droit de devenir résidents permanents dans notre pays. Ils n’ont aucun droit légal au statut de résident permanent, ni aucun droit d’entrer au Canada et d’y séjourner à moins d’obtenir ce statut. Ils avaient le droit de demander le statut de résident permanent sous le régime de la LIPR et, quand ils l’ont fait, ils avaient le droit de voir examiner leurs demandes sous ce même régime. Cependant, aucun de ces droits ne constitue un droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Lorsque le paragraphe 87.4(1) a mis fin à leurs demandes de visa, ils n’ont été privés d’aucun des droits que garantit l’article 7 de la Charte.
[98] Si l’on avait accueilli leurs demandes, font valoir les appelants, ils auraient acquis le droit d’entrer au Canada et d’y séjourner, et il s’ensuit nécessairement qu’ils auraient aussi acquis tous les droits garantis par la Charte, sauf ceux qui sont réservés aux citoyens canadiens. Selon les appelants, étant donné l’importance que revêt pour eux leur désir de devenir résidents permanents du Canada, la perte de leur droit à l’examen de leurs demandes de visa de résident permanent porte un tel coup à leur intégrité psychologique et physique qu’elle devrait être interprétée comme la perte d’un droit entrant dans le champ d’application de l’article 7 de la Charte.
[99] Je dois rejeter cet argument. Je ne doute nullement que le terme mis à l’examen de leurs demandes de visa de résident permanent ait causé une perte financière aux appelants, mais la perte financière ne suffit pas à elle seule à faire intervenir les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Je veux bien admettre que le fait de mettre fin au traitement de leurs demandes leur ait causé une profonde déception et peut-être même, à certains d’entre eux, des troubles psychologiques, mais la preuve n’établit pas le niveau élevé de préjudice psychologique dont dépend la constatation d’une atteinte au droit à la sécurité de la personne; voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307.
IV. Dispositif
[100] Je répondrais comme suit aux questions certifiées :
a) Le paragraphe 87.4(1) de la LIPR met-il fin, au moment de son entrée en vigueur et par effet de la loi, aux demandes décrites à ce paragraphe, et, dans la négative, les demandeurs ont-ils droit à un mandamus?
Réponse : Le paragraphe 87.4(1) a mis fin de plein droit aux demandes le 29 juin 2012. Après cette date, le ministre n’avait pas l’obligation légale de continuer à les traiter. Les appelants n’ont pas droit à un mandamus.
b) La Déclaration canadienne des droits exige-t-elle que soient donnés un avis et la possibilité de présenter des observations avant qu’il soit mis fin à une demande en application du paragraphe 87.4(1) de la LIPR?
Réponse : Non.
c) L’article 87.4 de la LIPR est-il inconstitutionnel au motif qu’il contrevient au principe de la primauté du droit ou aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse : Non.
[101] Je rejetterais tous les appels.
La juge Dawson, J.C.A. : Je suis d’accord.
Le juge Stratas, j.c.a. : Je suis d’accord.
Annexe A
Bulletin opérationnel 442 – le 29 juin 2012 (extrait)
Interruption du traitement et remboursement des frais pour certaines demandes du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral)
Sommaire
À compter du 29 juin 2012, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) cessera de traiter certaines demandes au titre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) [PTQF] présentées avant le 27 février 2008, et remboursera les frais qu’il a perçus à leur égard à la personne les ayant payés tel qu’exigé par la loi.
Objet
Le présent Bulletin opérationnel (BO) indique la marche à suivre pour mettre fin à certaines demandes du PTQF présentées avant le 27 février 2008, conformément aux modifications apportées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) qui ont été adoptées en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et qui entrent en vigueur le 29 juin 2012.
Contexte
La Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable élimine la plus grande partie de l’arriéré du programme des TQF en mettant un terme aux demandes de certains demandeurs de la catégorie des TQF qui ont présenté leur demande avant le 27 février 2008 et en leur remboursant les frais payés à CIC. L’exigence de mettre un terme à certaines demandes de TQF prend légalement effet à l’entrée en vigueur des dispositions pertinentes de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable le 29 juin 2012.
Toute demande de visa de résident permanent présentée par un étranger à titre de membre de la catégorie prescrite des travailleurs qualifiés (fédéral) avant le 27 février 2008 prend fin si, avant le 29 mars 2012, aucun agent n’a déterminé si le demandeur répond aux critères de sélection et aux autres exigences énoncées dans les dispositions réglementaires pour cette catégorie.
Instructions relatives au traitement
Les bureaux des visas doivent arrêter de traiter les demandes du PTQF présentées avant le 27 février 2008, sous réserve de ce qui suit :
Si l’agent… |
Et que |
Alors… |
n’a pas déterminé si le demandeur répond aux critères de sélection avant le 29 mars 2012 |
• on met fin à la demande; • les frais payés à CIC doivent être remboursés à la personne qui les a payés. |
|
a déterminé si le demandeur répond aux critères de sélection avant le 29 mars 2012 |
la demande n’a pas été réglée avant le 29 juin 2012… |
• le traitement de la demande se poursuit jusqu’à la prise de la décision finale; • les frais payés à CIC ne sont pas remboursés à la personne qui les a payés. |
a déterminé si le demandeur répond aux critères de sélection le 29 mars 2012 ou ultérieurement |
la demande n’a pas été réglée avant le 29 juin 2012… |
• on met fin à la demande; • les frais payés à CIC doivent être remboursés à la personne qui les a payés. |
a déterminé si le demandeur répond aux critères de sélection le 29 mars 2012 ou ultérieurement |
la demande a été réglée avant le 29 juin 2012… |
• la décision finale prise quant à la demande est maintenue; • le traitement se poursuit jusqu’à la délivrance ou au refus du visa; • les frais payés à CIC ne sont pas remboursés à la personne qui les a payés. |
Remarque : À ce stade-ci, les bureaux des visas n’ont aucune autre mesure à prendre en ce qui concerne les demandes interrompues conformément aux instructions ci-dessus.
Établir qu’on a décidé ou non si le demandeur répond aux critères de sélection
La décision en matière de sélection a été prise avant le 29 mars 2012 si, avant cette date :
• on a entré une décision en matière de sélection dans le système de traitement (« DÉCSEL » dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration [STIDI] ou « Recevabilité – Réussi » / « Recevabilité – Échoué » dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC]);
• on a inscrit clairement dans les notes au dossier que le demandeur répond ou pas aux critères de sélection, sans qu’une décision de sélection ait encore été entrée dans le système de traitement;
• on a rouvert le dossier – qui avait été fermé à la suite d’une décision défavorable – pour un nouvel examen en vertu d’une ordonnance d’une cour supérieure (y compris de la Cour fédérale) ou d’un règlement à l’amiable intervenu par le truchement d’une ordonnance judiciaire délivrée avant le 29 mars 2012.
La décision en matière de sélection n’a pas été prise avant le 29 mars 2012 si, à cette date :
• un examen préliminaire des documents avait eu lieu, mais aucune décision en matière de sélection n’avait encore été entrée dans le système de traitement ou consignée de la manière décrite ci-dessus;
• on avait demandé des documents supplémentaires au demandeur sans toutefois les avoir encore reçus, ou on attendait la tenue d’une entrevue de sélection;
• on avait reçu des documents supplémentaires (p. ex. un avis relatif à un emploi réservé ou une réponse à une demande de renseignements supplémentaires) pouvant avoir contribué à la prise d’une décision en matière de sélection, mais aucune décision en matière de sélection n’avait encore été entrée dans le système de traitement ou consignée de la manière décrite ci-dessus.
Établir qu’on a pris une décision finale ou non
On considère qu’une décision finale a été prise au sujet d’une demande si :
• on a entré une décision finale dans le système de traitement (« DÉCFIN » dans le STIDI ou « Finale – Approuvé » / « Finale – Refusé » dans le SMGC);
• on a inscrit clairement dans les notes au dossier qu’une décision finale a été prise, sans que la décision ait encore été entrée dans le système de traitement.