[2016] 2 R.C.F. 39
T-1976-14
2015 CF 960
Alexander Vavilov (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Vavilov c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Bell—Toronto, 14 avril; Fredericton, 10 août 2015.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Citoyens — Contrôle judiciaire de la décision rendue par le greffier de la citoyenneté par laquelle celui-ci a révoqué la citoyenneté du demandeur en application de l’art. 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté — Le greffier a fondé sa décision sur le fait que les parents du demandeur étaient au service d’un gouvernement étranger et non des citoyens canadiens légitimes au moment de la naissance du demandeur — Le demandeur est né au Canada et ses parents, des Russes, ont usurpé l’identité de deux citoyens canadiens décédés — Les parents du demandeur ont obtenu des passeports canadiens de manière frauduleuse pour eux-mêmes et pour leurs enfants — Ils ont également obtenu la citoyenneté américaine naturalisée de manière frauduleuse sous leurs identités d’emprunt canadiennes — Les parents ont été arrêtés et accusés par les autorités américaines, plus particulièrement, de complot en vue d’agir en tant que représentants non accrédités d’un gouvernement étranger et ils ont été retournés en Russie — Le demandeur souhaitait obtenir un passeport canadien, mais devait changer son nom de famille — Après avoir reçu les nouvelles pièces d'identité, le demandeur a demandé la prolongation du délai de validité de son passeport canadien, mais le greffier l’a informé dans une lettre d’équité qu’il y avait lieu de croire que son certificat de citoyenneté canadienne avait été délivré par erreur — Dans la lettre d’équité, le greffier a cité l’art. 3(2)a) de la Loi — Le certificat de citoyenneté canadienne du demandeur a été annulé et il n’avait plus de statut juridique au Canada — Dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur a soutenu que le greffier a manqué à son obligation d’équité procédurale parce qu’il a omis de divulguer des documents, ce qui a donné lieu à l’envoi de la première lettre d’équité procédurale — Il s’agissait de savoir s’il y a eu manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne la divulgation des documents au demandeur; si le greffier a erré dans son interprétation de l’art. 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté; et si la décision du greffier était raisonnable compte tenu des éléments de preuve qui lui avaient été présentés — Le greffier a à bon droit soutenu que même s’il devait donner au demandeur la possibilité de répondre aux préoccupations, la procédure adoptée respectait l’obligation d’équité procédurale exigée dans la jurisprudence — En l’espèce, le greffier a, au moyen de la lettre d’équité procédurale, informé le demandeur de ses préoccupations de façon à lui permettre de fournir des réponses valables — Le greffier n’a pas commis d’erreur en concluant que les personnes, qui vivent au Canada sous des identités d’emprunt et qui tentent de mener des opérations clandestines en vue de recueillir des renseignements pour un gouvernement étranger, sont visées par la définition « agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger » au sens de l’art. 3(2)a) de la Loi — Le greffier a correctement conclu que le scénario en cause dans le présent litige est visé par l’art. 3(2)a) de la Loi — Il était raisonnable pour le greffier de conclure que les parents du demandeur étaient au Canada dans le cadre de leur opération du Service des renseignements extérieurs de la Russie (SVR) pour le gouvernement russe et qu’ils étaient des « illégaux » qui effectuaient des missions clandestines pour le compte du SVR lors de leur séjour au Canada — Deux questions d’importance générale ont été certifiées — Demande rejetée.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le greffier de la citoyenneté par laquelle celui-ci a révoqué la citoyenneté du demandeur en application de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi). Le greffier a fondé sa décision sur le fait que les parents du demandeur étaient au service d’un gouvernement étranger et non des citoyens canadiens légitimes au moment de la naissance du demandeur.
Le demandeur est né au Canada en 1994 et a un frère aîné. Leurs parents sont arrivés au Canada en provenance de la Russie avant la naissance de leurs enfants, et ont usurpé l’identité de deux citoyens canadiens décédés. Ils ont obtenu des passeports canadiens de manière frauduleuse. La famille a déménagé plus tard en France, puis aux États-Unis. Les parents sont devenus des citoyens américains naturalisés sous leurs identités d’emprunt canadiennes, et par la suite, leurs enfants ont obtenu la citoyenneté américaine. Les parents ont été ultérieurement arrêtés et accusés par les autorités américaines, plus particulièrement, de complot en vue d’agir en tant que représentants non accrédités d’un gouvernement étranger. Les parents ont plaidé coupables aux accusations de complot et sont retournés en Russie. Le gouvernement américain a révoqué la citoyenneté et les passeports américains des enfants et ils se sont vu délivrer des passeports et des actes de naissance russes. Le demandeur et son frère souhaitaient obtenir des passeports canadiens. Ils ont dû changer leur nom de famille après avoir été informés que leurs demandes de passeport ne leur seraient pas accordées s’ils avaient recours aux identités d’emprunt utilisées par leurs parents. Le demandeur a alors soumis une demande de certificat de citoyenneté canadienne qu’il a obtenu d’après son acte de naissance modifié de l’Ontario. À l’aide de ces nouveaux documents, le demandeur a demandé la prolongation du délai de validité de son passeport canadien. Le greffier a informé le demandeur qu’il y avait lieu de croire que son certificat de citoyenneté canadienne avait été délivré par erreur. Le greffier a également informé le demandeur qu’il avait des raisons de penser que ses parents avaient obtenu leur citoyenneté sous des identités d’emprunt et qu’ils étaient au service du Service des renseignements extérieurs de la Russie (SVR) lors de leur séjour au Canada. Dans la lettre d’équité, le greffier a cité l’alinéa 3(2)a) de la Loi et il a invité le demandeur à fournir toute information qui permettrait de répondre à ces préoccupations, au plus tard à une date précise. Le greffier a ultérieurement informé le demandeur que son certificat était annulé, qu’il n’était plus reconnu comme un citoyen canadien et qu’il n’avait plus de statut juridique au Canada, pour les mêmes raisons indiquées dans la lettre d’équité.
Dans le cadre du contrôle judiciaire, le demandeur a soutenu que le greffier a manqué à son obligation d’équité procédurale envers lui parce qu’il a omis de lui divulguer les documents, ce qui a donné lieu à l’envoi de la première lettre d’équité procédurale, et que les renseignements contenus dans la lettre n’étaient pas suffisants pour lui permettre de répondre aux préoccupations concernant sa citoyenneté.
Il s’agissait de déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne la divulgation des documents au demandeur, si le greffier a erré dans son interprétation de l’alinéa 3(2)a) de la Loi et si la décision du greffier était raisonnable compte tenu des éléments de preuve qui lui avaient été présentés.
Jugement : la demande doit être rejetée.
Le greffier a à bon droit soutenu que même s’il devait donner au demandeur la possibilité de répondre aux préoccupations, la procédure adoptée respectait l’obligation d’équité procédurale exigée dans la jurisprudence. En l’espèce, l’obligation d’équité procédurale est relativement faible étant donné que le demandeur est un citoyen russe, qu’il voyage muni d’un passeport russe et que les conclusions de l’enquête n’auraient pas eu pour effet de le rendre apatride. Le greffier n’avait pas l’obligation de fournir au demandeur tous les documents sur lesquels il fondait ses préoccupations. En l’espèce, au moyen de la lettre d’équité procédurale, le greffier a informé le demandeur de ses préoccupations de façon à lui permettre de fournir des réponses valables. Le greffier a précisé les questions concernant l’utilisation de pièces d’identité frauduleuse par les parents du demandeur pour obtenir la citoyenneté et ses préoccupations concernant leur statut à titre d’employés ou de représentants d’un gouvernement étranger au moment de sa naissance. La procédure adoptée par le greffier respectait les exigences de l’équité procédurale.
Le greffier n’a pas commis d’erreur en concluant que les personnes, qui vivent au Canada sous des identités d’emprunt et qui tentent de mener des opérations clandestines en vue de recueillir des renseignements pour un gouvernement étranger, sont visées par la définition « agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger » au sens de l’alinéa 3(2)a) de la Loi. D’un point de vue contextuel et téléologique, cet alinéa doit inclure les représentants à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger, peu importe s’ils ont le statut diplomatique ou consulaire. Quant à la question de savoir si les personnes qui s’établissent au pays à la demande d’un gouvernement étranger, dans le but de recueillir des renseignements pour ce dernier, sont des « représentants […] ou au service d’un gouvernement étranger » à l’alinéa 3(2)a), le fait que la disposition réfère à la fois à ces deux expressions est révélateur. Le sens du libellé de la version française de l’alinéa 3(2)a) est plus large : « [R]eprésentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger ». Le libellé vise clairement à inclure les personnes qui se trouvent au Canada en tant que représentants d’un gouvernement étranger, quelle que soit leur mission. En l’espèce, la mission consistait à procéder à des vols d’identité, obtenir la citoyenneté de manière frauduleuse et poursuivre les activités frauduleuses à l’encontre d’un de nos plus proches alliés aux fins d’obtenir des renseignements et de les transmettre au gouvernement russe. Le greffier a correctement conclu que ce scénario était visé par l’alinéa 3(2)a) de la Loi.
Il était raisonnable pour le greffier de conclure que les parents du demandeur étaient au Canada dans le cadre de leur opération du SVR pour le gouvernement russe. Il y avait suffisamment d’éléments de preuve, si l’on tient compte de l’arrestation et des casiers judiciaires, et de l’utilisation d’identités d’emprunt par les parents du demandeur, pour que le greffier conclue qu’ils étaient des « illégaux » qui effectuaient des missions clandestines pour le compte du SVR lors de leur séjour au Canada. La décision du greffier fondé sur les faits appartenait aux issues possibles acceptables.
Deux questions ont été certifiées comme étant d’importance générale : la première avait trait à la norme de contrôle applicable pour déterminer si le demandeur est un citoyen canadien par application de l’alinéa 3(2)a) de la Loi et la deuxième portait sur la question de savoir si les mots « représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger » qui figurent à l’alinéa 3(2)a) de la Loi ne visent que les étrangers qui bénéficient des privilèges et immunités diplomatiques.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1.
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 3(1)a),(2)a).
JURISPRUDENCE CITÉE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Nadarasa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1112.
DÉCISION EXAMINÉE :
Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 463.
DÉCISIONS CITÉES :
S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539; Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502; Kandola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 85, [2015] 1 R.C.F. 549; Kinsel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 126, [2016] 1 R.C.F. 146; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.
DOCTRINE CITÉE
Sullivan, Ruth. Statutory Interpretation, 2e éd., Toronto : Irwin Law, 2007.
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision rendue par le greffier de la citoyenneté par laquelle celui-ci a révoqué la citoyenneté du demandeur en application de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté au motif que les parents du demandeur étaient au service d’un gouvernement étranger et non des citoyens canadiens légitimes au moment de sa naissance. Demande rejetée.
ONT COMPARU
Hadayt Nazami et Ronald Poulton pour le demandeur.
A. Leena Jaakkimainen et K. Alam pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Jackman, Nazami & Associates, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
Le juge Bell :
I. Sommaire
[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le greffier de la citoyenneté (le greffier) et communiquée à Alexander Vavilov le 15 août 2014, par laquelle le greffier a révoqué la citoyenneté de M. Vavilov en application de l'alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29. Le greffier a fondé sa décision sur le fait que les parents de M. Vavilov étaient au service d’un gouvernement étranger et non des citoyens canadiens légitimes au moment de sa naissance. M. Vavilov conteste la décision du greffier pour un certain nombre de motifs. Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’avis que les conclusions factuelles du greffier respectent la norme de la décision raisonnable établie par la Cour dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), et qu’il a correctement interprété la loi. Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.
II. Les faits
A. Contexte
[2] Le demandeur, Alexander Vavilov, est né au Canada le 3 juin 1994. M. Vavilov a un frère d’environ trois ans son aîné. Leurs parents, Andrey Bezrukov et Elena Vavilova, sont arrivés au Canada en provenance de Russie quelque temps avant la naissance de leurs enfants, et ont usurpé l’identité de deux citoyens canadiens décédés. La date exacte de leur entrée au Canada demeure inconnue. Le gouvernement canadien leur a délivré des passeports sous leurs identités d’emprunt. Personne ne conteste le fait que ces pièces d’identité ont été obtenues de manière frauduleuse.
[3] Pendant leur séjour au Canada, les parents de M. Vavilov ont tous deux terminé des études postsecondaires et ont été embauchés sous leurs identités d’emprunt. Lorsque les enfants sont nés, Mme Vavilova est restée à la maison pour s’occuper d’eux et M. Bezrukov a continué de gérer une entreprise prospère. En 1995, M. Bezrukov a suivi des études postsecondaires en France. La famille a quitté le Canada pour y établir sa résidence. Les enfants étaient âgés respectivement d’un an et de quatre ans à cette époque. Aucun membre de la famille n’a résidé au Canada par après. La famille a vécu en France jusqu’en août 1999. Elle a par la suite déménagé à Boston, au Massachusetts, où M. Bezrukov a commencé ses études à la John F. Kennedy School of Government de l’Université Harvard.
[4] Pendant leur séjour à Boston, les parents de M. Vavilov sont devenus des citoyens américains naturalisés sous leurs identités d’emprunt canadiennes. Après leur naturalisation, leurs fils ont obtenu la citoyenneté américaine. Le dossier comporte peu d’information concernant la vie de M. Vavilov avant le 1er juin 2010, date où des agents du Bureau fédéral des enquêtes [c.-à-d. le Federal Bureau of Investigation] (FBI) ont fait irruption dans la maison familiale et ont arrêté ses parents. Ces derniers ont fait l’objet d'un chef d’accusation de complot en vue d’agir en tant que représentants non accrédités d’un gouvernement étranger et de deux chefs d’accusation de complots en vue de commettre des infractions de recyclage des produits de la criminalité.
[5] Les accusations ont été portées dans le cadre des opérations connues sous le nom du programme des « illégaux » aux États-Unis. Il s’agit d’un programme subversif où les ressortissants étrangers, avec l’aide de leur gouvernement, vivent sous des identités d’emprunt aux États-Unis tout en réalisant des missions clandestines pour le compte des services de renseignements extérieurs à titre « d’agent dormant ». Après avoir suivi une formation approfondie dans leur propre pays, dans ce cas-ci la Russie, ces agents tentent d’effacer tous les liens entre leur identité d’emprunt et leur identité véritable. Ces agents mènent des vies en apparence légitimes, qu’on appelle des « légendes », tout en suivant les directives du Service des renseignements extérieurs de la Russie (SVR). Selon les dossiers d’inculpation, les parents de M. Vavilov faisaient partie de ce programme depuis le début des années 90 et recueillaient des renseignements pour le compte du SVR qui rémunérait leurs services. Le 8 juillet 2010, les parents de M. Vavilov ont plaidé coupables aux accusations de complot. Le jour suivant, ils sont retournés en Russie dans le cadre d’un échange d’espions.
[6] M. Vavilov et son frère ont utilisé leurs passeports canadiens pour se rendre en Russie le 5 juillet 2010. Le gouvernement américain a révoqué sa citoyenneté et son passeport américains. Le 10 décembre, 2010 son frère et lui se sont vu délivrer des passeports et des actes de naissance russes. M. Vavilov a renouvelé son passeport russe à au moins une occasion.
B. Historique des procédures
[7] En 2010 et 2011, M. Vavilov a tenté en vain à deux reprises d’obtenir un passeport canadien. En juin 2012, il a présenté une demande de visa d’étudiant canadien qui a été délivré et ensuite annulé en août de la même année en raison de préoccupations en matière de sécurité, d’identité et de citoyenneté concernant M. Vavilov et sa famille.
[8] M. Vavilov et son frère ont officiellement changé leur nom de famille pour Vavilov après que les représentants du gouvernement du Canada ont informé son frère que leurs demandes de passeport ne leur seraient pas accordées s’ils avaient recours aux identités d’emprunt utilisées par leurs parents. Le 1er décembre 2011, M. Vavilov a obtenu un acte de naissance modifié de l’Ontario sur lequel figurait son nom Alexander Philip Anthony Vavilov, ainsi que les vrais noms et lieux de naissance de ses parents. Se fondant sur cet acte de naissance modifié, il a soumis une demande de certificat de citoyenneté canadienne (le certificat) qu’il a obtenu le 15 janvier 2013. Dans sa demande de certificat, M. Vavilov a indiqué que ses parents n’étaient pas au service d’un gouvernement étranger ou d’une organisation internationale au moment de sa naissance.
[9] M. Vavilov a demandé la prolongation du délai de validité de son passeport canadien et a fourni à l’appui de sa demande son nouvel acte de naissance et son certificat de citoyenneté. Lorsque le gouvernement canadien n’a pas délivré le passeport en temps opportun, M. Vavilov a introduit une demande de bref de mandamus devant la Cour fédérale. Il s’est ensuite désisté de sa demande à la suite d’une entente entre les deux parties selon laquelle une décision serait rendue au plus tard le 19 juillet 2013.
[10] Le 18 juillet 2013, le greffier a écrit à M. Vavilov (la lettre d’équité). Plutôt que de lui communiquer sa décision concernant la demande de passeport, le greffier l’a informé qu’il y avait lieu de croire que son certificat de citoyenneté avait été délivré par erreur. Le greffier a informé M. Vavilov qu’il avait des raisons de penser que ses parents avaient obtenu leur citoyenneté sous des identités d’emprunt et qu’ils étaient au service du SVR lors de leur séjour au Canada. Dans la lettre d’équité, le greffier a cité l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté et il a invité M. Vavilov à fournir [traduction] « toute information » qui permettrait de répondre à ces préoccupations, au plus tard dans les 30 jours suivant la date figurant sur la lettre. Le greffier a reporté la date d’échéance afin de fournir des réponses aux demandes d’information de M. Vavilov, conformément à la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1.
[11] Une des demandes d’information a donné lieu à un différend entre les parties. Ce différend constitue l’un des motifs de réparation dans la présente demande de contrôle judiciaire. En bref, l’un des documents communiqués au demandeur indique que l’agent responsable de la gestion de l’instance dans la présente affaire a demandé au Bureau du protocole d’Affaires étrangères un avis sur le statut de M. Vavilov. Le Bureau a indiqué qu'il ne pouvait pas fournir d’avis, car les parents de M. Vavilov n’étaient pas affectés à des missions diplomatiques ni à des postes consulaires ou officiels. M. Vavilov s’est ensuite informé de la raison pour laquelle cet avis avait été sollicité. Il a également demandé à ce que la personne qui avait sollicité cet avis se récuse, car elle avait apparemment jugé d’avance son dossier. Le défendeur réplique que l’avis n’était pas nécessaire, car il ne relevait pas du mandat du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et que de toute façon, aucun avis n’a été fourni. Il soutient qu’il n’y a pas de question à examiner en lien avec cette divulgation. Je souscris aux arguments du défendeur. Je suis d’avis que l’allégation de partialité soulevée par M. Vavilov est infondée. Les fonctionnaires ont le droit de poser des questions et de demander des avis dans l’exercice de leurs fonctions sans craindre de se faire accuser de partialité. Je n’examinerai pas cette question plus en profondeur dans les présents motifs.
[12] Le 15 août 2014, le greffier a informé M. Vavilov, qu’à compter de cette date, son certificat serait annulé, et que le gouvernement du Canada ne le reconnaissait plus comme un citoyen canadien et qu’il n’avait plus de statut juridique au Canada. Le greffier s’est fondé sur les mêmes raisons indiquées dans la lettre d’équité : au moment de sa naissance, ses parents n’étaient pas des citoyens canadiens ou des résidents permanents légitimes et ils étaient « représentant[s] […] ou au service […] d’un gouvernement étranger » au sens de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté.
III. Questions en litige
[13] Les questions suivantes sont soulevées dans le cadre du présent contrôle judiciaire :
1. Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne la divulgation des documents au demandeur?
2. Le greffier a-t-il erré dans son interprétation de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté?
3. La décision du greffier était-elle raisonnable compte tenu des éléments de preuve qui lui avaient été présentés?
IV. Dispositions pertinentes
[14] Par souci de commodité, les alinéas 3(1)a) et 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté sont reproduits ci-dessous :
Citoyens
3 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne :
a) née au Canada après le 14 février 1977;
[…]
Inapplicabilité aux enfants de diplomates étrangers, etc.
(2) L’alinéa (1)a) ne s’applique pas à la personne dont, au moment de la naissance, les parents n’avaient qualité ni de citoyens ni de résidents permanents et dont le père ou la mère était :
a) agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger;
V. Analyse
A. Norme de contrôle
[15] Il est bien établi en droit que la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (voir S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539; Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24; [2014] 1 R.C.S. 502). Il s’ensuit donc que l’examen de l’obligation de communication sera effectué selon cette norme.
[16] M. Vavilov n’a pas soumis d’observation sur la norme de contrôle applicable à l’interprétation de l’alinéa 3(2)a) adoptée par le greffier. Le défendeur a présenté de longues observations sur cette question et arrive à la conclusion que la norme de la décision raisonnable devrait s’appliquer. Je ne partage malheureusement pas cet avis. J’estime que l’interprétation de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté soulève une question de droit d’application générale à l’échelle du Canada et qu’il s’agit d’une pure question d’interprétation des lois. De plus, aucune disposition d’inattaquabilité ne s’applique et le régime législatif ne permet pas de conclure que le greffier possède une plus grande expertise que les tribunaux pour interpréter l’alinéa contesté. (Voir Dunsmuir, précité; Kandola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 85, [2015] 1 R.C.F. 549; et Kinsel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 126, [2016] 1 R.C.F. 146.)
[17] Enfin, l’application de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté aux faits soulève une question mixte de fait et de droit, et commande l’application de la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.
B. Équité procédurale
[18] M. Vavilov soutient que le greffier a manqué à son obligation d’équité procédurale envers lui parce qu’il a omis de lui divulguer les documents, ce qui a donné lieu à l’envoi de la première lettre d’équité procédurale. Il soutient que les renseignements contenus dans la lettre n’étaient pas suffisants pour lui permettre de répondre aux préoccupations concernant sa citoyenneté. Le greffier reconnaît qu’il devait donner à M. Vavilov la possibilité de répondre aux préoccupations, mais il soutient que la procédure adoptée respectait l’obligation d’équité procédurale exigée dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.
[19] Je souscris à la prétention du défendeur. En l'espèce, l’obligation d’équité procédurale est relativement faible étant donné que M. Vavilov est un citoyen russe, qu’il voyage muni d’un passeport russe et que les conclusions de l’enquête n’auraient pas eu pour effet de le rendre apatride. Bien que ce ne soit pas nécessairement pertinent pour la question du degré d’équité procédurale, je tiens à signaler que M. Vavilov a quitté la Canada lorsqu’il était très jeune et il n’y est jamais revenu depuis. Le greffier n’avait pas l’obligation de fournir au demandeur tous les documents sur lesquels il fondait ses préoccupations. Bien qu’elles aient été formulées dans le contexte d’une demande de visa, les observations du juge de Montigny de notre Cour (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) dans le jugement Nadarasa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1112 [au paragraphe 25], qui a été récemment suivi par le juge Barnes dans la décision Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 463 [au paragraphe 5], sont utiles dans la présente analyse :
Mais contrairement à ce qu’affirme le demandeur, il ne ressort pas de la jurisprudence de notre Cour que le demandeur doit effectivement recevoir le document sur lequel l’auteur de la décision s’est fondé, mais bien que les renseignements contenus dans ce document doivent être communiqués au demandeur pour lui donner l'occasion de prendre connaissance des renseignements qui lui sont défavorables et de donner sa version des faits. L’extrait suivant des motifs du juge Rothstein (alors juge à notre Cour) dans le jugement Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 720, au paragraphe 23, illustre ce principe :
À mon sens, la question qu’il faut se poser est celle de savoir si la requérante a eu connaissance des renseignements de façon à pouvoir corriger les malentendus ou les déclarations inexactes susceptibles de nuire à sa cause. La source des renseignements ne constitue pas un élément distinctif en soi, pour autant que les renseignements ne sont pas connus de la partie requérante. Ce qu’il faut savoir, c’est si celle-ci a eu la possibilité de répondre à la preuve. C’est ce que les règles d’équité sur le plan de la procédure exigent, selon une jurisprudence établie depuis longtemps. Pour reprendre les commentaires bien connus que lord Loreburn L.C. a formulés dans l'affaire Board of Education v. Rice, [1911] A.C. 179 (H.L.), à la page 182 :
[traduction] Ils peuvent obtenir des renseignements de la façon qu'ils jugent la meilleure, en accordant toujours à ceux qui sont parties au différend la possibilité raisonnable de corriger ou de contredire toute affirmation pertinente qui est préjudiciable à leur opinion.
[20] En l’espèce, au moyen de la lettre d’équité procédurale, le greffier a informé M. Vavilov de ses préoccupations de façon à lui permettre de fournir des réponses valables. Le greffier a précisé les questions concernant l’utilisation de pièces d’identité frauduleuse par les parents de M. Vavilov pour obtenir la citoyenneté et ses préoccupations concernant leur statut à titre d’employés ou de représentants d’un gouvernement étranger au moment de sa naissance. De plus, lorsque l’avocat de M. Vavilov a demandé des renseignements additionnels, ils ont été fournis par le greffier. J’estime que la procédure adoptée par le greffier respecte les exigences de l’équité procédurale.
C. Interprétation de l’alinéa 3(2)a)
[21] Les parents de M. Vavilov étaient au Canada sous des identités d’emprunt au moment de sa naissance. M. Vavilov reconnaît que leurs passeports canadiens ont été obtenus frauduleusement. Cependant, il soutient que ses parents étaient « légalement admis au Canada » et qu’ils étaient des citoyens canadiens, car les documents obtenus frauduleusement n’ont jamais été révoqués par le ministre de Citoyenneté et Immigration Canada. Cet argument est dénué de tout fondement et lui donné de la valeur en poussant l’analyse plus loin serait un affront à tous ceux qui tentent de venir dans ce pays légalement et d’obtenir une citoyenneté canadienne valide. Étant donné que ses parents n’étaient pas citoyens canadiens, si la demande de citoyenneté canadienne de M. Vavilov est accueillie, elle doit être fondée sur le fait qu’il est né au Canada.
[22] La question à laquelle il faut répondre, suivant la norme de la décision correcte, est celle de savoir si le greffier a eu tort de conclure que les personnes, qui vivent au Canada sous des identités d’emprunt et qui tentent de mener des opérations clandestines en vue de recueillir des renseignements pour un gouvernement étranger, sont visées par la définition « agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger » au sens de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Pour les motifs qui suivent, je suis arrivé à la conclusion que le greffier n’a commis aucune erreur.
[23] Si on lit l’alinéa 3(2)a) de façon contextuelle et téléologique, en faisant appel au sens ordinaire des mots, il doit inclure les représentants à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger, peu importe s’ils ont le statut diplomatique ou consulaire. En conclure autrement aurait pour effet de rendre les termes « représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger » vides de leur sens. Une telle interprétation serait incompatible avec toute méthode rationnelle d’interprétation des lois, et irait à l’encontre du principe selon lequel chacun des mots employés par le législateur dans une loi a un sens précis (voir Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, 2e éd. (Toronto : Irwin Law, 2007) (Sullivan), à la page 184). Ce principe découle de la présomption à l’encontre de la tautologie.
[24] La question qui reste à trancher est celle de savoir si les personnes qui s’établissent au pays à la demande d’un gouvernement étranger, dans le but de recueillir des renseignements pour ce dernier, sont des « représentants […] ou au service d’un gouvernement étranger ». Le fait que la disposition réfère à la fois aux représentants ou à ceux qui sont au service d’un gouvernement étranger est révélateur. Mon opinion est renforcée par la version française dont le sens du libellé est plus large : « [R]eprésentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger ». Le libellé vise clairement à inclure les personnes qui se trouvent au Canada en tant que représentants d’un gouvernement étranger, quel que soit leur mission. En l’espèce, la mission consistait à procéder à des vols d’identité, obtenir la citoyenneté de manière frauduleuse et, grâce à cette citoyenneté, poursuivre les activités frauduleuses à l’encontre d’un de nos plus proches alliés. L’objectif de ces activités frauduleuses était d’obtenir des renseignements et de les transmettre au gouvernement russe. Quiconque s’établit au Canada avec l’objectif explicite de mener des opérations de renseignement étranger, que ce soit au Canada ou dans tout autre pays, le fait clairement au service, ou en tant que représentant, d’un gouvernement étranger.
[25] À mon avis, le greffier a correctement conclu que ce scénario est visé par l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Arriver à une autre conclusion donnerait lieu à un résultat absurde : les enfants d’un diplomate étranger qui travaille dans une ambassade et mène des opérations d’espionnage ne seraient pas citoyens canadiens de naissance, alors que les enfants de personnes qui sont entrées illégalement au Canada pour accomplir des opérations similaires le seraient. L’application appropriée des principes d’interprétation des lois ne devrait pas donner lieu à des résultats absurdes (voir Sullivan, précité, à la page 209).
D. Caractère raisonnable de la décision
[26] La dernière question à trancher est celle de savoir s’il était raisonnable pour le greffier de conclure que les parents de M. Vavilov étaient au Canada dans le cadre de leur opération du SVR pour le gouvernement russe. Pour les motifs suivants, j’ai conclu que oui.
[27] J’estime qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve, si l’on tient compte de l’arrestation et des casiers judiciaires, et de l’utilisation d’identités d’emprunt par les parents de M. Vavilov, pour que le greffier conclue qu’ils étaient des « illégaux » qui effectuaient des missions clandestines pour le compte du SVR lors de leur séjour au Canada. En plus des dossiers publics, le rapport d’analyse interne est instructif, car il décrit le comportement à long terme auquel on pourrait s’attendre d’un « illégal ». Ces personnes tenteraient notamment de poursuivre des études supérieures et d’obtenir un emploi légitime dans le pays d’accueil, en l’espèce le Canada, pour établir une légende qui devient de plus en plus documentée et plausible. La légende devient si authentique qu’elle semble être réelle. Dans son rapport au greffier, qui a été divulgué à M. Vavilov, l’analyste indique :
[traduction] De l’information publique indique que le SVR avait confié à M. Bezrukov la tâche de recueillir des renseignements auprès de représentants du gouvernement des États-Unis en lien avec la politique extérieure américaine sur une foule de sujets liés à l’Asie centrale, la Russie et diverses questions de sécurité nationale (y compris la non-prolifération nucléaire, la position des États-Unis sur le programme d’armement nucléaire de l’Iran, et les objectifs de la politique étrangère en Afghanistan).
Compte tenu des objectifs de M. Bezrukov, il est raisonnable de croire que la poursuite de ses études universitaires de premier cycle (p. ex., le baccalauréat à l’Université York à Toronto, au Canada) et les diplômes de deuxième cycle dans les domaines du commerce international et de l’administration publique renforcent la crédibilité de sa légende.
[28] Le dossier ne contient aucune preuve contradictoire. Il était loisible au greffier d’accepter ce rapport, ce qu’il a fait avec raison. Je suis convaincu que la décision du greffier fondé sur les faits appartient aux issues possibles acceptables au sens de l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.
VI. Conclusion
[29] M. Vavilov ne conteste pas que ses parents se trouvaient illégalement aux États-Unis ni que leur citoyenneté et leurs passeports canadiens ont été obtenus frauduleusement. Il y a suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour conclure raisonnablement que la présence de ses parents au Canada faisait partie de leur mission du SVR pour le compte du gouvernement russe. Ces activités leur ont permis d’établir leur « légende ».
[30] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[31] Je suis d’avis de certifier les questions suivantes comme étant d’importance générale :
1. Quelle est la norme de contrôle applicable pour déterminer si M. Vavilov est un citoyen canadien par application de l'alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté?
2. Les mots « représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger » qui figurent à l'alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté ne visent-ils que les étrangers qui bénéficient des privilèges et immunités diplomatiques?
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Les questions suivantes d’importance générale sont certifiées :
1. Quelle est la norme de contrôle applicable pour déterminer si M. Vavilov est un citoyen canadien par application de l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté?
2. Les mots « représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger » qui figurent à l’alinéa 3(2)a) de la Loi sur la citoyenneté ne visent-ils que les étrangers qui bénéficient des privilèges et immunités diplomatiques?