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IMM-3103-12

2013 CF 876

Behzad Najafi (demandeur)

c.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeur)

Répertorié : Najafi c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Cour fédérale, juge Gleason—Toronto, 16 janvier; Ottawa, 16 août 2013.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié selon laquelle le demandeur était interdit de territoire au Canada conformément aux art. 34(1)b) et f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés après avoir conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre du Parti démocratique kurde d’Iran (le PDKI) et que le PDKI avait été l’auteur d’actes visant au renversement de deux gouvernements iraniens par la force — La Section a donc pris des mesures de renvoi contre le demandeur — Le demandeur, un Iranien d’origine kurde, a présenté une demande d’asile au Canada, qui a été accueillie — Cependant, le demandeur n’a pas obtenu le statut de résident permanent parce que le défendeur a demandé qu’il soit interdit de territoire en vertu de l’art. 34 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), du fait de sa participation aux activités du PDKI — Il s’agissait de savoir si la Section a commis une erreur dans l’interprétation de l’expression « au renversement […] par la force » de l’art. 34(1)b) car les actes d’agression commis par le PDKI contre le gouvernement iranien étaient autorisés par le droit international, étant donné qu’ils constituaient un recours justifié à la force par un peuple opprimé exerçant son droit à l’autodétermination; et si la Section a commis une erreur en concluant que le demandeur était un membre du PDKI, car la preuve a démontré que le demandeur avait très peu participé aux activités de cet organisme et qu’il n’en avait jamais été officiellement membre — La Section n’a pas commis d’erreur en refusant de recourir au droit international pour interpréter l’art. 34(1)b) de la Loi — Elle n’a pas commis d’erreur justifiant l’infirmation de sa décision en concluant que le PDKI est une organisation qui a été l’instigatrice ou l’auteure d’actes visant au renversement par la force des gouvernements iraniens et qu’elle tombe par conséquent sous le coup de l’art. 34(1)b) de la Loi — Quant à l’appartenance du demandeur au PDKI, la preuve en l’espèce, ajoutée à l’obligation d’interpréter la notion d’appartenance de façon large, a permis de façon raisonnable à la CISR de conclure que le demandeur était membre du PDKI — Cette conclusion appartenait aux conclusions possibles qu’il était loisible à la Section de tirer; la conclusion qu’elle a tirée au sujet de l’appartenance était par conséquent raisonnable — Une question a été certifiée quant à savoir si les obligations du Canada, en matière de droit international, obligent la Section, lors de son interprétation de l’art. 34(1)b) de la Loi, d’exclure de l’interdiction de territoire certaines personnes — Demande rejetée.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Libertés fondamentales — La Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a déterminé, entre autres choses, que le droit à la liberté d’association et le droit à la liberté d’expression du demandeur garantis par les art. 2d) et 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés n’ont pas été violés — Il s’agissait de savoir si la Section a commis une erreur en tenant notamment compte dans son interprétation du terme « membre » à l’art. 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de sa participation aux activités du Parti démocratique kurde d’Iran (le PDKI) au Canada; il s’agissait de savoir également si, ce faisant, le droit à la liberté d’association et le droit à la liberté d’expression que le demandeur tire des art. 2d) et 2b) de la Charte ont été violés, étant donné que le PDKI est une organisation légale au Canada — L’allégation de violation du droit à la liberté d’expression garanti à l’alinéa 2b) de la Charte du demandeur a été rejetée, étant donné que le demandeur ne l’a pas invoqué devant la Section — La Section n’a pas commis d’erreur en concluant que la Charte n’empêchait pas de prendre une mesure d’exclusion sur le fondement de l’association du demandeur au PDKI en Iran et au Canada — Le droit à la liberté d’association que le demandeur tire de la Charte n’a pas été violé, étant donné que le PDKI est une organisation qui s’est livrée à des actes de violence et que la Charte ne confère pas un droit constitutionnel d’appartenir à des organisations qui se livrent à des actes de violence ou de participer à leurs activités.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre d’une décision de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié selon laquelle l’appelant était interdit de territoire au Canada conformément aux alinéas 34(1)b) et f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés après avoir conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre du Parti démocratique kurde d’Iran (le PDKI) et que le PDKI avait été l’auteur d’actes visant au renversement de deux gouvernements iraniens par la force. La Section a donc pris des mesures de renvoi contre le demandeur.

Le demandeur, un Iranien d’origine kurde, est arrivé au Canada et y a présenté une demande d’asile, qui a été accueillie. Il n’a toutefois pas obtenu le statut de résident permanent parce que le défendeur a demandé qu’il soit interdit de territoire en vertu de l’article 34 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le défendeur cherchait à faire déclarer le demandeur interdit de territoire du fait de sa participation aux activités du PDKI, affirmant qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre du PDKI et que le PDKI était l’auteur d’actes visant « au renversement […] par la force » du gouvernement iranien, ce qui emportait interdiction de territoire du demandeur au Canada par application des alinéas 34(1)b) et 34(1)f) de la Loi.

La déclaration d’interdiction de territoire a eu des répercussions négatives sur le demandeur. Plus particulièrement, il n’a pas le droit d’obtenir le statut de résident permanent au Canada sans qu’une exemption ministérielle lui soit accordée, il ne peut présenter une demande de citoyenneté ni parrainer d’autres membres de sa famille qui souhaiteraient obtenir la résidence permanente et ses droits de travailler, d’étudier et d’entrer au Canada et d’en sortir diffèrent également de ceux qui sont reconnus aux résidents permanents.

Les questions qui devaient être tranchées consistaient à savoir si la Section a commis une erreur en tenant notamment compte, dans son interprétation du terme « membre » à l’alinéa 34(1)f) de la Loi, de la participation du demandeur aux activités du PDKI au Canada, et que, ce faisant, la Section a violé son droit à la liberté d’association et son droit à la liberté d’expression qu’il tire des alinéas 2d) et 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, étant donné que le PDKI est une organisation légale au Canada; si la Section a commis une erreur dans son interprétation de l’expression « renversement […] par la force » à l’alinéa 34(1)b) de la Loi parce que le demandeur affirme que les actes d’agression commis par le PDKI contre le gouvernement iranien étaient autorisés par le droit international, étant donné qu’ils constituaient un recours justifié à la force par un peuple opprimé exerçant son droit à l’autodétermination; et si la Section a commis une erreur en concluant que le demandeur était membre du PDKI, étant donné que la preuve démontrait qu’il avait très peu participé aux activités de cet organisme et qu’il n’en avait jamais été officiellement membre.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Le demandeur a affirmé que la décision de la Section a violé à la fois sa liberté d’expression et sa liberté d’association, parce que les conséquences qu’il a subies découlaient uniquement de son association avec le PDKI, signalant que le PDKI n’est pas une organisation terroriste ou criminelle, mais bien un groupe parfaitement légal au Canada. Il est possible de disposer rapidement de l’allégation de violation du droit à la liberté d’expression garanti à l’alinéa 2b) de la Charte du demandeur, étant donné qu’il ne l’a pas invoqué devant la Section, ce qui, en soi, en justifiait le rejet.

Pour ce qui est de l’allégation de violation de la liberté d’association du demandeur, la Section l’a rejetée, jugeant que la déclaration d’interdiction de territoire n’emportait pas de conséquences suffisamment négatives pour le demandeur pour constituer une violation de son droit à la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte. Il en était ainsi parce qu’il était fort peu probable que le demandeur soit expulsé compte tenu des circonstances de l’espèce. La Section n’a pas commis d’erreur en concluant que la Charte n’empêchait pas de prendre une mesure d’exclusion sur le fondement de l’association du demandeur au PDKI en Iran et au Canada. Cette conclusion était bien fondée, mais pas nécessairement pour les motifs exposés par la Section. Le droit à la liberté d’association que le demandeur tire de la Charte n’avait pas été violé, étant donné que le PDKI est une organisation qui s’est livrée à des actes de violence et que la Charte ne confère pas un droit constitutionnel d’appartenir à des organisations qui se livrent à des actes de violence ou de participer à leurs activités. La Section a fait reposer sa décision sur la conclusion que les répercussions de la mesure d’exclusion sur le demandeur étaient trop minimes pour justifier la protection de la Charte et il se peut fort bien que cette conclusion ait été inexacte, étant donné que les répercussions de la décision sur le demandeur n’étaient pas anodines. Toutefois, étant donné que la question des répercussions négatives n’a pas été directement soulevée, il n’était pas nécessaire de formuler des commentaires à ce sujet et la conclusion tirée par la Section sur cette question a été confirmée.

En ce qui concerne l’argument soulevé par le demandeur selon lequel la Section a commis une erreur en n’appliquant pas comme elle l’aurait dû les principes de droits internationaux pour interpréter l’expression « renversement […] par la force » à l’alinéa 34(1)b) de la Loi, il a été rejeté. La Section a rejeté l’argument du demandeur fondé sur le droit international et son analyse était raisonnable et, de fait, juste. Compte tenu de la différence de libellé entre les alinéas 34(1)a) et b) de la Loi, il est évident que le législateur souhaitait que des critères différents s’appliquent en cas de recours à la force en vue de renverser un gouvernement. L’alinéa 34(1)b) de la Loi précise que le fait pour l’individu ou l’organisation dont il est membre de recourir à la force pour renverser « un » gouvernement emporte interdiction de territoire pour cet individu. En revanche, s’il n’y a pas recours à la force, il n’y a interdiction de territoire que si le gouvernement qui a été renversé était un régime démocratique. Le législateur a par conséquent clairement exprimé sa volonté de donner une vaste portée à l’alinéa 34(1)b) de la Loi de manière à ce qu’il englobe tout type de régime, y compris ceux qui ne sont pas démocratiques. Le législateur a choisi d’interdire de territoire à la première étape l’individu qui, entre autres choses, a eu recours à la force pour renverser un gouvernement ou qui fait partie d’une organisation qui l’a fait. Le législateur souhaitait donc que l’examen de la légitimité du recours à la force relève du ministre sous le régime du paragraphe 34(2) de la Loi et non de la Section sous le régime du paragraphe 34(1). Il n’était pas nécessaire que la Section fasse appel au droit international pour déterminer si cette interprétation constante de l’alinéa 34(1)b) de la Loi devrait être écartée dans le cas du demandeur, compte tenu de la clarté des dispositions de la Loi. Bien que le demandeur ait eu raison de faire observer que la common law présume que le législateur fédéral et les législateurs provinciaux entendent agir conformément au droit international et, plus particulièrement, conformément aux obligations contractées par le Canada en droit international, cette présomption ne doit pas être utilisée pour faire fi des dispositions claires d’une loi, comme le demandeur a tenté de faire en l’espèce. Par conséquent, la Section n’a pas commis d’erreur en refusant de recourir au droit international pour interpréter l’alinéa 34(1)b) de la Loi. Elle a légitimement fait reposer sa décision quant au sens à accorder à l’expression « renversement […] par la force » sur la jurisprudence établie, laquelle a permis de conclure que le PDKI est une organisation qui a tenté de renverser des gouvernements iraniens par la force. Ainsi donc, même si la Section avait commis une erreur en ne tenant pas compte du droit international — ce qui n’est pas le cas —, les principes du droit international n’appuieraient pas la prétention du demandeur selon laquelle le PDKI serait exclu du champ d’application de l’alinéa 34(1)b) de la Loi. Par conséquent, la Section n’a pas commis d’erreur justifiant l’infirmation de sa décision en concluant que le PDKI était une organisation qui a été l’instigatrice ou l’auteure d’actes visant au renversement par la force des gouvernements iraniens et qu’elle tombait par conséquent sous le coup de l’alinéa 34(1)b) de la Loi.

L’argument du demandeur voulant que la conclusion de la Section selon laquelle il était membre du PDKI ait été déraisonnable, compte tenu du fait qu’il n’avait jamais adhéré de façon officielle à cet organisme et qu’il n’avait accompli qu’un nombre limité d’activités pour le compte de cette organisation, a été rejeté. La preuve en l’espèce, en particulier les activités auxquelles le demandeur s’est livré et l’obligation d’interpréter la notion d’appartenance de façon large, permettait de façon raisonnable à la Section de conclure que le demandeur était membre du PDKI. Cette conclusion appartenait aux conclusions possibles qu’il était loisible à la Section de tirer et la conclusion qu’elle a tirée au sujet de l’appartenance était par conséquent raisonnable.

Enfin, la question de savoir si les obligations du Canada, en matière de droit international, obligent la Section de l’immigration, lors de son interprétation de l’alinéa 34(1)b) de la Loi d’exclure de l’interdiction de territoire ceux qui participent dans une organisation qui utilise la force dans une tentative de renverser un gouvernement en vue de faire avancer le droit revendiqué par un peuple opprimé à l’autodétermination a été certifiée.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2b),d).

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)e) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), g).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(3), 13, 25 (mod. par L.C. 2012, ch. 17, art. 13), 34 (mod. par L.C. 2013, ch. 16, art. 13), 35 (mod., idem, art. 14), 36, 37 (mod., idem, art. 15), 42.2(1) (édicté, idem, art. 18), 44(1), 45d), 52(1), 74d), 115(1),(2).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 39c), 206, 207, 212.

Saskatchewan Human Rights Code (The), S.S. 1979, ch. S-24.1.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Nations Unies. Importance, pour la garantie et l’observation effectives des droits de l’homme, de la réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination et de l’octroi rapide de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution A/RES/37/43 du 3 décembre 1982.

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole I), qui est l’annexe V de la Loi sur les conventions de Genève, L.R.C. (1985), ch. G-3 (mod. par L.C. 1990, ch. 14, art. 6), Article 1(4).

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; B010 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 87, [2014] 4 R.C.F. 326; Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85, [2005] 3 R.C.F. 487.

décisions examinées :

Stables c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1319, [2013] 3 R.C.F. 240; Al Yamani c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1457; Al Yamani c. Canada (Solliciteur général), [1996] 1 C.F. 174 (1re inst.); Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927; Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395; La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; Saskatchewan (Human Rights Tribunal) c. Whatcott, 2013 CSC 11, [2013] 1 R.C.S. 467; Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; Dunmore c. Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 R.C.S. 1016; Health Services and Support — Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391; Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, [2011] 2 R.C.S. 3; Oremade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1077, [2006] 1 R.C.F. 393; Suleyman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 780; Németh c. Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281; Pfizer Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 138, [2003] 4 C.F. 95; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217.

décisions citées :

Toussaint c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), [1993] A.C.F. no 616 (C.A.) (QL); Poirier c. Canada (Ministre des Affaires des anciens combattants), [1989] 3 C.F. 233 (C.A.); R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., 2001 CSC 70, [2001] 3 R.C.S. 209; R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292; Daniels v. White and The Queen, [1968] R.C.S. 517; Eyakwe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 409; Maleki c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 131; Faridi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 761; Naeem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 123, [2007] 4 R.C.F. 658; Jalil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 246, [2006] 4 R.C.F. 471; Kanendra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 923; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1196; Kastrati c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1141; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160; Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3; Nolan c. Kerry (Canada) Inc., 2009 CSC 39, [2009] 2 R.C.S. 678; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Oremade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1189; Ismeal c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 198; Qureshi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 7; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.); Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (C.A.) (QL); Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89; Di Bianca c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 935.

DOCTRINE CITÉE

Canada. Chambre des communes. Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration. Témoignages, 37e lég., 1re sess., no 25 (15 mai 2001).

Débats de la Chambre des Communes, 37e lég., 1re sess., vol. 137, no 78 (13 juin 2011), à la p. 5099 (Madeleine Dalphond-Guiral).

DEMANDE de contrôle judiciaire présentée à l’encontre d’une décision (2012 CanLII 95546) de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié selon laquelle l’appelant était interdit de territoire au Canada conformément aux alinéas 34(1)b) et f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du fait de sa participation aux activités du Parti démocratique kurde d’Iran. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Lorne Waldman et Tamara Morgenthau pour le demandeur.

David Cranton et Sophia Karantonis pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Waldman & Associates, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        La juge Gleason : Le demandeur est un citoyen iranien d’origine kurde. Il est arrivé au Canada en 1999 et a présenté une demande d’asile, qui a été accueillie. Il n’a toutefois pas obtenu le statut de résident permanent parce que le défendeur a demandé qu’il soit interdit de territoire en vertu de l’article 34 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi).

[2]        Plus précisément, le 5 mars 2010, le défendeur a établi un rapport conformément au paragraphe 44(1) de la Loi qu’il a présenté le 2 mars 2011 à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), en vue de faire déclarer le demandeur interdit de territoire du fait de sa participation aux activités du Parti démocratique kurde d’Iran (le PDKI). Le défendeur affirmait qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Najafi était membre du PDKI et que le PDKI était l’auteur d’actes visant « au renversement par la force » du gouvernement iranien, ce qui emportait interdiction de territoire du demandeur au Canada par application des alinéas 34(1)b) et 34(1)f) de la LIPR.

[3]        Dans une décision datée du 8 mars 2012 [2012 CanLII 95546], la CISR a donné gain de cause au défendeur et a déclaré M. Najafi interdit de territoire après avoir conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il était membre du PDKI et que le PDKI avait été l’auteur d’actes visant au renversement de deux gouvernements iraniens par la force. La CISR a par conséquent déclaré M. Najafi interdit de territoire au Canada et a pris une mesure d’expulsion contre lui.

[4]        Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Najafi affirme que la décision de la CISR devrait être annulée pour l’une ou l’autre des trois raisons suivantes :

i.    La CISR a commis une erreur en tenant notamment compte dans son interprétation du terme « membre » à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR de sa participation aux activités du PDKI au Canada. Le demandeur affirme que, ce faisant, la CISR a violé son droit à la liberté d’association et son droit à la liberté d’expression qu’il tire des alinéas 2d) et 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44] (la Charte), étant donné que le PDKI est une organisation légale au Canada;

ii.   La CISR a commis une erreur dans son interprétation de l’expression « renversement […] par la force » à l’alinéa 34(1)b) de la LIPR parce que le demandeur affirme que les actes d’agression commis par le PDKI contre le gouvernement iranien étaient autorisés par le droit international, étant donné qu’ils constituaient un recours justifié à la force par un peuple opprimé exerçant son droit à l’autodétermination. M. Najafi soutient que la LIPR doit être interprétée conformément au droit international et que, par conséquent, il est incorrect de faire reposer une déclaration d’interdiction de territoire sur le recours à une force reconnue comme étant légitime par le droit international;

iii.  La CISR a commis une erreur en concluant que M. Najafi était membre du PDKI, étant donné que la preuve démontrait qu’il avait très peu participé aux activités de cet organisme et qu’il n’en avait jamais été officiellement membre.

[5]        Le demandeur affirme que la norme de contrôle de la décision correcte s’applique aux deux premières erreurs susmentionnées, tandis que la norme de la décision raisonnable s’applique à la dernière erreur reprochée.

[6]        En revanche, le défendeur affirme que c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique à chacune des erreurs reprochées et que l’interprétation que la Commission a faite des termes « membre » et « renversement […] par la force » était raisonnable, tout comme sa conclusion que les liens que le demandeur entretenait avec le PDKI étaient suffisants pour qu’on puisse conclure qu’il était « membre » de cette organisation au sens de l’article 34 de la LIPR. Plus précisément, le défendeur affirme que le rejet, par la CISR, des moyens invoqués par le demandeur sur le fondement de la Charte était raisonnable, qu’il n’était pas nécessaire que la CISR recoure au droit international pour interpréter l’article 34 de la LIPR, qu’en tout état de cause, les principes de droit international ne sanctionnent pas le recours à la force par le PDKI, et que la CISR pouvait raisonnablement parvenir aux conclusions factuelles qu’elle a tirées au sujet de l’appartenance du demandeur au PDKI.

[7]        Pour les motifs qui suivent, je suis arrivée à la conclusion que la décision de la CISR devrait être confirmée parce que la CISR a déterminé, à juste titre, que les droits que le demandeur tire de la Charte n’avaient pas été violés, a estimé de façon raisonnable que le demandeur était ou avait été membre du PDKI, et a jugé de façon raisonnable que le PDKI était l’instigateur d’actes visant au « renversement […] par la force » de gouvernements iraniens. En ce qui concerne l’argument du demandeur relatif au droit international, je ne crois pas que la CISR a commis une erreur en concluant qu’il n’était pas nécessaire de recourir au droit international ou de s’écarter de l’interprétation de l’article 34 de la LIPR établie par la jurisprudence. Par conséquent, pour les motifs exposés ci‑dessous, la présente demande sera rejetée.

I.    Contexte législatif

[8]        Comme le moyen que le demandeur tire de la Charte repose en partie sur les conséquences d’une déclaration d’interdiction de territoire faite en vertu de la Loi et que la thèse du défendeur en ce qui concerne l’inapplicabilité du droit international repose sur le libellé de l’article 34 de la Loi, il est nécessaire d’examiner les dispositions pertinentes de la Loi. L’article 34 joue à cet égard un rôle crucial, étant donné qu’il énumère les motifs permettant d’interdire quelqu’un de territoire en raison du fait qu’il est membre d’une organisation qui a commis des actes visant au renversement d’un gouvernement par la force. Durant toute la période en cause dans la présente demande, cet article était ainsi libellé :

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

c) se livrer au terrorisme;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

Sécurité

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

Exception

[9]        L’article 34 est un des articles qui peut être invoqué pour interdire quelqu’un de territoire au Canada. Parmi les autres dispositions qui permettent de faire cette déclaration, mentionnons l’article 35, qui prévoit qu’emporte interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux le fait de s’être rendu complice de violations des droits de la personne, et les articles 36 et 37, qui prévoient qu’emporte interdiction de territoire pour grande criminalité le fait d’avoir été impliqué dans des activités de grande criminalité ou de criminalité organisée. Ainsi que le juge de Montigny l’a fait observer dans le jugement Stables c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1319, [2013] 3 R.C.F. 240 (Stables), au paragraphe 14, « [l]es dispositions de la LIPR relatives à l’interdiction de territoire (articles 34, 35 et 37) visent à assurer la protection de la société canadienne en facilitant le renvoi des résidents permanents ou des étrangers qui constituent un danger pour la société en raison de leur conduite ».

[10]      L’interdiction de territoire de M. Najafi ne l’a pas rendu passible d’une expulsion immédiate du Canada. Parce qu’il a obtenu le statut de réfugié, M. Najafi ne peut être expulsé en Iran tant que le ministre défendeur (ou l’un de ses délégués), après avoir mis en balance les risques auxquels le demandeur serait exposé s’il devait retourner en Iran, n’a pas émis, en vertu du paragraphe 115(2) de la LIPR, un avis selon lequel le demandeur « ne devrait pas être présent au Canada », en raison « de la nature et de la gravité de ses actes passés » ou en raison du « danger » que sa présence au Canada constituerait « pour la sécurité du Canada ».

[11]      Cela étant dit, la déclaration d’interdiction de territoire n’est pas sans conséquence pour M. Najafi. Ainsi, il n’a pas le droit d’obtenir la résidence permanente selon les mêmes modalités que les autres réfugiés au sens de la Convention. Pour obtenir le statut de résident permanent au Canada, il faut en effet qu’une exemption ministérielle lui soit accordée. Celle‑ci s’obtient en présentant au ministre, en vertu de l’article 25 de la Loi, une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, ou en présentant une demande de dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi (à la suite des modifications apportées le 19 juin 2013 à la LIPR, la Loi traite de la dispense ministérielle au paragraphe 42.1(1)) [édicté par L.C. 2013, ch. 16, art. 18]. Les parties s’entendent sur le fait que le délai moyen de traitement d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire se situe présentement entre 32 et 40 mois et qu’il faut en moyenne attendre entre 5 et 8 ans pour que soit traitée une demande de dispense ministérielle. L’article 25 et le paragraphe 42.1(1) de la LIPR ne confèrent pas à M. Najafi un droit à l’exemption ministérielle, mais le ministre est tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de ces dispositions dans le respect des valeurs consacrées par la Charte, comme nous le verrons plus en détail plus loin.

[12]      En tant que personne protégée ne disposant pas du statut de résident permanent, M. Najafi ne peut présenter une demande de citoyenneté ni parrainer d’autres membres de sa famille qui souhaiteraient obtenir la résidence permanente (voir l’article 13 de la LIPR). Ses droits de travailler, d’étudier et d’entrer au Canada et d’en sortir diffèrent également de ceux qui sont reconnus aux résidents permanents. Pour pouvoir travailler ou étudier au Canada, il doit demander un permis (voir le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), articles 206 et 212). Si on l’autorise à travailler, on lui attribuera un numéro d’assurance sociale commençant par un « 9 » (ce qui permet de l’identifier facilement comme personne n’ayant pas le statut de résident permanent et n’ayant pas la citoyenneté canadienne), et s’il est autorisé à étudier, M. Najafi doit payer les frais de scolarité exigés des étudiants internationaux. Pour pouvoir voyager en tant que personne protégée, il doit obtenir un titre de voyage et l’autorisation de Citoyenneté et Immigration Canada de revenir au Canada (LIPR, paragraphe 52(1); Règlement, alinéa 39c))[1].

[13]      Ainsi, bien qu’une déclaration d’interdiction de territoire n’emporte pas automatiquement l’expulsion de M. Najafi, elle a néanmoins des répercussions négatives sur lui.

II.   Prétentions fondées sur la Charte

[14]      Avec ce contexte à l’esprit, il est maintenant possible d’aborder la première question, en l’occurrence, celle de savoir si la décision de la CISR viole les droits garantis par la Charte à M. Najafi.

A.  Fondement des prétentions

[15]      Comme nous l’avons déjà fait observer, M. Najafi affirme que la décision de la CISR viole à la fois sa liberté d’expression et sa liberté d’association, parce que les conséquences susmentionnées découlent uniquement de son association avec le PDKI. Il signale que le PDKI n’est pas une organisation terroriste ou criminelle, mais bien un groupe parfaitement légal au Canada, ce que le défendeur ne conteste pas.

[16]      M. Najafi affirme que, comme le PDKI est une organisation légale, la présente espèce se distingue de toutes les affaires dans lesquelles des prétentions analogues fondées sur la Charte ont été rejetées, étant donné que, contrairement à lui, les demandeurs étaient, dans les affaires en question, membres d’organisations terroristes ou criminelles, alors que le PDKI n’est ni l’un ni l’autre (les affaires qui, selon M. Najafi, doivent être distinguées de la présente sont les affaires Stables; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3 (Suresh); et Al Yamani c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1457 (Al Yamani 2)). M. Najafi ajoute que, bien qu’il eût peut‑être été permis à la CISR de faire reposer sa déclaration d’interdiction de territoire sur ses actions en Iran (étant donné que la Charte n’a aucune portée extraterritoriale), la CISR, en se fondant sur son implication au sein du PDKI au Canada, a violé les droits que la Charte lui reconnaît, parce que le simple fait qu’il était associé au PDKI — une organisation parfaitement légale — a mené à la privation d’avantages importants que la LIPR reconnaît aux autres réfugiés. Le demandeur ajoute que la CISR est tenue de se conformer à la Charte, et que sa décision y contrevient dans la mesure où elle a fait reposer sa déclaration d’interdiction de territoire sur les liens légaux qu’il entretenait avec le PDKI au Canada. Le demandeur affirme que cette conclusion erronée est susceptible de contrôle selon la norme de contrôle de la décision correcte.

[17]      M. Najafi se fonde principalement sur la décision rendue par notre Cour dans l’affaire Al Yamani c. Canada (Solliciteur général), [1996] 1 C.F. 174 (1re inst.) (Al Yamani 1) pour appuyer cette prétention fondée sur la Charte. Dans cette affaire, le juge MacKay a estimé que la décision du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et le décret pris en vertu de la loi antérieure à la LIPR violaient la liberté d’association de M. Al Yamani, étant donné que la mesure d’expulsion prise contre lui reposait uniquement sur son association avec le Front populaire de la libération de la Palestine (FPLP), un organisme affilié à l’Organisation de libération de la Palestine.

[18]      Les dispositions en litige dans cette affaire — les alinéas 19(1)e) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11] et 19(1)g) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I‑2 — sont quelque peu semblables à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Elles étaient ainsi libellées :

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

[…]

e) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles :

[…]

(iv) soit sont membres d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle :

(A) soit commettra des actes d’espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s’entend au Canada,

(B) soit travaillera ou incitera au renversement d’un

gouvernement par la force,

(C) soit commettra des actes de terrorisme.

[…]

g) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu’elles commettront des actes de violence de nature à porter atteinte à la vie ou à la sécurité humaines au Canada, ou qu’elles appartiennent à une organisation susceptible de commettre de tels actes ou qu’elles sont susceptibles de prendre part aux activités illégales d’une telle organisation;

Personnes non admissibles

[19]      Pour conclure que les anciennes dispositions de la Loi sur l’immigration violaient la liberté d’association de M. Al Yamani, le juge MacKay a écrit ce qui suit (aux pages 225 et 226) :

[…] en prévoyant ultimement l’expulsion des résidents permanents qui appartiennent à une organisation sans définition étroite, la loi porte atteinte effectivement à la liberté des résidents permanents de s’associer à d’autres personnes dans le cadre d’organisations. Il arrive souvent que ces personnes, du moins celles qui viennent d’arriver au pays, conservent des liens avec des organisations associées à leur patrie d’origine, dont beaucoup peuvent avoir des antécédents violents, mais qui poursuivent des objectifs divers, comme on a vu que c’était le cas du FPLP en l’espèce. Le fait d’exposer tous les résidents permanents au risque d’être expulsés à cause de leur appartenance à ce genre d’organisations enfreint selon moi leur liberté d’association.

[20]      Le demandeur invite la Cour à tirer une conclusion semblable en l’espèce. Toutefois, comme nous le verrons plus en détail plus loin, la décision Al Yamani 1 a été supplantée par la jurisprudence ultérieure de la Cour suprême du Canada et de notre Cour.

B.  Analyse

      i.    Liberté d’expression

[21]      Pour ce qui est tout d’abord de l’allégation de violation du droit à la liberté d’expression garanti à l’alinéa 2b) de la Charte, il est possible de disposer de cette prétention rapidement, étant donné que M. Najafi ne l’a pas invoqué devant la CISR, ce qui, en soi, en justifie le rejet (Stables, au paragraphe 30; Toussaint c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), [1993] A.C.F. no 616 (C.A.) (QL), au paragraphe 6; Poirier c. Canada (Ministre des Affaires des anciens combattants), [1989] 3 C.F. 233 (C.A.), à la page 243).

[22]      Qui plus est, même si l’on ne rejetait pas cette prétention, il est peu probable que les activités que M. Najafi a exercées au sein du PDKI au Canada — qui, selon ce qu’il affirme, sont les seules activités qui méritent d’être protégées par la Charte — constituent le type d’expression visée par la liberté d’expression garantie par la Charte. À cet égard, dans l’arrêt Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, la Cour suprême du Canada a expliqué que les activités expressives auxquelles l’alinéa 2b) de la Charte s’applique sont celles qui « tentent de transmettre une signification ». Il est peu probable que les activités exercées par M. Najafi au sein du PDKI au Canada entreraient dans cette catégorie, étant donné qu’il a expliqué que l’organisation en question était une association sociale et culturelle et qu’il participait à ses activités dans le but de rencontrer d’autres personnes d’origine ethnique kurde. On voit mal en quoi ces activités auraient un contenu expressif. D’ailleurs, c’est précisément ce que le juge McKay a conclu dans l’affaire Al Yamani 1, dans laquelle il a jugé qu’une prétention semblable ne donnait pas lieu à l’application de l’alinéa 2b) de la Charte.

      ii.   Suite donnée par la CISR à l’allégation de violation de la liberté d’association

[23]      Pour ce qui est de l’allégation de violation de sa liberté d’association, M. Najafi a effectivement formulé cette prétention devant la CISR, qui l’a rejetée. À cet égard, la CISR a jugé que la déclaration d’interdiction de territoire n’emportait pas de conséquences suffisamment négatives pour M. Najafi pour constituer une violation de son droit à la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte. La CISR a expliqué qu’il en était ainsi parce qu’il était fort peu probable que le ministre émette un avis de danger en vertu du paragraphe 115(2) de la Loi, étant donné que, d’après la preuve, M. Najafi n’avait eu aucun comportement susceptible de donner lieu à la formulation d’un tel avis. La CISR a par conséquent conclu qu’il était peu probable que M. Najafi soit expulsé. Quant aux inconvénients découlant du fait que M. Najafi n’avait que la qualité de personne à protéger — par opposition au statut de résident permanent — la CISR a rappelé que M. Najafi avait la possibilité de demander une dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR et qu’il avait de bonnes chances de l’obtenir, de sorte que nul ne pouvait présumer que l’interdiction de territoire aurait pour lui des répercussions défavorables importantes. La CISR a par conséquent estimé qu’il n’y avait pas eu d’atteinte à sa liberté d’association du fait que la déclaration d’interdiction reposait en partie sur ses activités légales au Canada.

[24]      Pour déterminer s’il y a lieu de confirmer la décision de la CISR sur ce point, il faut tout d’abord déterminer la norme de contrôle applicable et, en second lieu, examiner la décision de la CISR en fonction de cette norme.

      iii.  Norme de contrôle applicable à la conclusion de la CISR sur la Charte

[25]      Comme nous l’avons déjà souligné, le défendeur affirme que la norme de contrôle de la décision raisonnable est celle qui s’applique à l’examen que la CISR a fait de la prétention de M. Najafi fondée sur la Charte. À l’appui de cet argument, le défendeur invoque l’arrêt récent, rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395 (Doré), dans lequel la juge Abella, qui écrivait au nom de la Cour, a estimé que la norme de contrôle de la décision raisonnable était celle qui devait s’appliquer à l’examen de la prétention de M. Doré que la décision du Comité de discipline du Barreau du Québec violait son droit à la liberté d’expression. Dans cette affaire, le Comité avait sanctionné M. Doré pour avoir écrit une lettre outrancière à un juge et avait suspendu son droit de pratique durant 21 jours. Pour rendre sa décision, le Comité a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui conférait la loi régissant la profession d’avocat au Québec, qui lui imposait l’obligation d’encadrer la profession et lui permettait d’infliger des sanctions lorsqu’il l’estimait nécessaire en cas de défaut d’un avocat de respecter les normes professionnelles applicables.

[26]      La juge Abella a commencé son analyse en faisant observer qu’en tant que tribunal administratif, le Comité était tenu d’agir « de manière compatible avec les valeurs sous‑jacentes à l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire, y compris les valeurs consacrées par la Charte » (au paragraphe 24). Elle a ensuite examiné le cadre analytique à appliquer par la juridiction de révision à la violation de la Charte alléguée par M. Doré ainsi que la norme de contrôle à appliquer par la Cour pour appliquer ce cadre.

[27]      S’agissant du cadre analytique, la juge Abella a fait observer que le critère habituel proposé par l’arrêt La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 (Oakes), pour déterminer si une atteinte prima facie à la Charte était justifiée en vertu de l’article premier de la Charte (appelé le « critère de l’arrêt Oakes ») convenait peu lorsque le contrôle concerne une décision discrétionnaire plutôt qu’un argument suivant lequel une disposition législative porte atteinte à la Charte. Le critère de l’arrêt Oakes exige que l’on applique quatre critères pour déterminer si ce qui constitue une atteinte prima facie à un droit garanti par la Charte est néanmoins acceptable en tant que limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique et, partant, permise en vertu de l’article premier de la Charte. En premier lieu, le tribunal doit se demander si la loi contestée vise un objectif valide suffisamment important (ou suffisamment « urgent et réel ») pour justifier la suppression d’un droit garanti par la Charte. Deuxièmement, le tribunal doit se demander s’il existe un lien rationnel entre la loi contestée et l’objectif valable en question. Troisièmement, le tribunal est appelé à se demander si les moyens adoptés par le législateur pour atteindre l’objectif valide en question portent le moins possible atteinte aux droits en question. Enfin, les effets de la loi en cause ne doivent pas avoir une gravité disproportionnée sur les personnes qu’elle vise (arrêt Oakes, aux pages 138 à 140).

[28]      Dans l’arrêt Doré, la juge Abella a écarté l’analyse qui précède en faveur d’une approche moins structurée lorsqu’une décision discrétionnaire administrative qui porterait atteinte aux droits qu’une personne tire de la Charte est en cause. Elle a estimé, à cet égard, que plutôt que d’appliquer le critère de l’arrêt Oakes, le tribunal administratif devait mettre en balance les valeurs consacrées par la Charte avec les objectifs législatifs reconnus par la loi qu’il est appelé à appliquer. Pour ce faire, le tribunal administratif doit d’abord déterminer les objectifs de la loi et ensuite se demander « comment protéger au mieux la valeur en jeu consacrée par la Charte compte tenu des objectifs visés par la loi » (au paragraphe 56).

[29]      La juge Abella a expliqué que, lors du contrôle judiciaire de ce type de décision discrétionnaire, la juridiction de révision doit appliquer la norme de la décision raisonnable et se demander si, selon cette norme, « la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits en cause protégés par la Charte, […] [ce qui] requiert d’intégrer l’“esprit” de l’article premier dans la révision judiciaire » (au paragraphe 57). Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la juridiction de révision est tenue de déterminer si la décision du tribunal administratif « “se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables” » ou « “[appartient] aux issues possibles acceptables” » (au paragraphe 56).

[30]      Le défendeur soutient que l’analyse qui précède s’applique à l’appréciation de la décision rendue par la CISR au sujet de la prétention fondée sur la Charte invoquée par M. Najafi. Je ne suis pas de cet avis, parce que j’estime que le cadre proposé par la juge Abella dans l’arrêt Doré ne s’applique qu’aux décisions discrétionnaires des tribunaux administratifs — lesquelles doivent tenir compte des valeurs consacrées par la Charte) — et qu’il ne s’applique pas lorsqu’ils sont appelés à rendre des décisions sur le fond au sujet des droits garantis par la Charte. Je suis de cet avis pour deux raisons.

[31]      Premièrement, dans l’arrêt Doré, la juge Abella affirme invariablement que les décisions administratives auxquelles s’applique le cadre qu’elle propose sont les décisions administratives discrétionnaires. Il n’y a donc rien dans cet arrêt qui justifierait d’étendre la portée de l’application de ce cadre d’analyse pour le faire entrer en jeu lorsque les tribunaux administratifs se prononcent sur le fond d’une prétention fondée sur la Charte.

[32]      Deuxièmement, il est de jurisprudence constante que lorsqu’un tribunal administratif est appelé, non pas à rendre une décision discrétionnaire, mais à statuer sur le fond d’une prétention fondée sur la Charte (par ex. dans le cas où il est soutenu que la loi est invalide parce qu’elle porte atteinte à un droit garanti par la Charte), la norme de contrôle de la décision correcte est celle qui s’applique au contrôle judiciaire de cette décision. C’est ce que la juge Abella a reconnu dans l’arrêt Doré, dans lequel elle a dit, en se fondant sur l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), qu’« [i]l ne fait aucun doute que la décision d’un tribunal administratif au sujet de la constitutionnalité d’une loi s’examine suivant la norme de la décision correcte (Dunsmuir, par. 58) » (Doré, au paragraphe 43).

[33]      Récemment, dans l’arrêt Saskatchewan (Human Rights Tribunal) c. Whatcott, 2013 CSC 11, [2013] 1 R.C.S. 467 (Whatcott), qui a été rendu après l’arrêt Doré, le juge Rothstein, qui exprimait l’opinion unanime de la Cour suprême, a appliqué la norme de contrôle de la décision correcte à la décision dans laquelle le tribunal des droits de la personne de la Saskatchewan a conclu que les dispositions du Saskatchewan Human Rights Code [S.S. 1979, ch. S-24.1] relatives aux propos haineux ne portaient pas atteinte à la liberté d’expression de M. Whatcott.

[34]      L’analyse proposée dans l’arrêt Doré ne s’applique donc pas aux décisions non discrétionnaires dans lesquelles les tribunaux administratifs se prononcent sur une prétention fondée sur la Charte. En pareil cas, la norme applicable est celle de la décision correcte.

[35]      Pour ce qui est par conséquent de la présente affaire, pour déterminer si la CISR a rendu une décision discrétionnaire ou non, il faut tenir compte de la nature des pouvoirs que la LIPR confère à la CISR sur le plan décisionnel ainsi que du type de décision que la CISR a rendue en l’espèce.

[36]      Dans le premier cas, le libellé du paragraphe 34(1) de la Loi démontre bien que la CISR n’est par chargée de rendre des décisions discrétionnaires, mais plutôt de rendre des décisions sur le fond. Si le demandeur d’asile répond aux définitions prévues par la Loi, la CISR doit prendre une mesure d’expulsion : elle n’a aucune latitude à cet égard (voir la LIPR, à l’alinéa 45d)). Le rôle que joue la CISR est donc entièrement différent de celui confié au ministre par le paragraphe 34(2) (maintenant le paragraphe 42.1(1)) de la Loi : à la différence de la CISR, le ministre exerce un pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la Loi et ses décisions sont par conséquent assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable en vue de vérifier si elles sont conformes à la Charte au sens de l’arrêt Doré, alors que les décisions de la CISR ne sont pas assujetties à cette norme.

[37]      En second lieu, en raison du moyen invoqué par M. Najafi devant la CISR, cette dernière était appelée à se prononcer sur les droits que M. Najafi tire de la Charte plutôt qu’à exercer un pouvoir discrétionnaire. M. Najafi soutenait qu’il ne pouvait être considéré comme un « membre » du PDKI au sens du paragraphe 34(1) de la LIPR du fait de ses activités au Canada parce qu’une telle conclusion porterait atteinte aux droits reconnus par la Charte. Sur le plan conceptuel, une telle prétention ne peut être distinguée de l’argument que les dispositions législatives sont invalides parce qu’elles ont une portée trop large : dans les deux cas, l’argument est le même, en l’occurrence que les droits que la Charte garantis au demandeur empêchent d’appliquer à ce dernier la définition énoncée dans la Loi. La CISR n’a aucune latitude à cet égard : ou bien le demandeur possède les droits dont il se réclame ou bien il ne les possède pas.

[38]      Ainsi, tant en raison de la nature des fonctions assignées à la CISR par la LIPR que de la nature de la question qu’elle était appelée à décider en l’espèce, la décision rendue par la CISR sur la prétention de M. Najafi fondée sur la Charte n’était pas une décision discrétionnaire. Il découle de la discussion qui précède que, vu cette conclusion, la norme de contrôle de la décision correcte est celle qui s’applique à cet aspect de la décision de la CISR.

            iv.        Liberté d’association

[39]      Pour ce qui est du bien‑fondé de la prétention fondée sur la Charte, comme nous l’avons déjà fait observer, M. Najafi table surtout sur le jugement Al Yamani 1 pour affirmer que la décision de la CISR a porté atteinte à sa liberté d’association. Le défendeur a cherché en vain à me convaincre qu’il existe une distinction importante entre le libellé de la Loi sur l’immigration et celui de la LIPR. Le défendeur soutient toutefois également que le jugement Al Yamani 1 a été supplanté par la jurisprudence ultérieure, notamment par l’arrêt Suresh de la Cour suprême du Canada et par la décision subséquente rendue par la juge Snider dans l’affaire Al Yamani 2. Le défendeur affirme en outre que l’application du paragraphe 34(1) de la LIPR à M. Najafi ne viole pas la liberté d’association de ce dernier, étant donné qu’il n’a pas été empêché d’adhérer au PDKI, mais que la seule conséquence qu’a entraîné le fait qu’il était membre de cette association a été la perte de la possibilité d’obtenir la résidence permanente aux mêmes conditions que les autres demandeurs d’asile. Le défendeur soutient, en se fondant sur le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313 (Renvoi relatif à la PSERA) et sur l’arrêt R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., 2001 CSC 70, [2001] 3 R.C.S. 209 (Advance Cutting & Coring), que la liberté d’association a seulement pour effet de protéger le droit des individus d’adhérer à un organisme en vue de poursuivre collectivement des objectifs communs, ajoutant que l’article 34 de la LIPR n’empêchait aucunement M. Najafi de devenir membre du PDKI.

[40]      Je ne suis pas d’accord avec le dernier point avancé par le défendeur, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, la définition étroite de la liberté d’association proposée par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la PSERA et dans l’arrêt Advance Cutting & Coring a été abandonnée par la Cour suprême dans ses décisions ultérieures. Plus précisément, dans les arrêts Dunmore c. Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 R.C.S. 1016 (Dunmore), Health Services and Support — Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie‑Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391 (BC Health Services), et Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, [2011] 2 R.C.S. 3 (Fraser), la Cour suprême a jugé que la liberté d’association vise non seulement le simple droit d’une personne d’adhérer à une association et de participer à ses activités, mais également celui de participer à certaines des activités collectives de l’association elle‑même, telles les négociations collectives. En second lieu, la suppression d’avantages conférés par une loi — par opposition à l’infliction d’une sanction pénale dont l’objet est l’acte d’association — risque fort de constituer une violation de l’alinéa 2d) de la Charte. D’ailleurs, les violations constatées dans les affaires Dunmore et BC Health Services découlaient du fait que l’on avait privé les intéressés des avantages que la loi reconnaissait à d’autres personnes. Par conséquent, le second argument du défendeur est mal fondé.

[41]      On ne peut toutefois en dire autant du premier argument du défendeur, étant donné qu’il affirme avec raison que le jugement Al Yamani 1 a été supplanté par la jurisprudence ultérieure. À cet égard, il ne fait nul doute que l’arrêt Suresh de la Cour suprême du Canada empêche M. Najafi de prétendre que les droits qu’il tire de l’alinéa 2d) de la Charte ont été violés. Dans l’arrêt Suresh, la Cour a déclaré dans les termes les plus nets que la liberté d’association ne s’étendait pas à la protection de l’acte consistant à adhérer ou à appartenir à une organisation qui se livre à des actes de violence, en faisant observer que « l’art. 2 de la Charte ne protège pas les formes d’expression ou d’association violentes » (au paragraphe 107).

[42]      Dans cet arrêt, la Cour a également examiné et carrément rejeté une prétention semblable à celle de M. Najafi en ce qui concerne la légalité de ses actes au Canada. M. Suresh a soutenu qu’il n’avait fait rien d’autre que de recueillir des fonds au Canada, une activité parfaitement légale. La Cour suprême a balayé cet argument du revers de la main en estimant que la protection constitutionnelle n’était pas justifiée, compte tenu des activités violentes auxquelles s’adonnait l’organisation pour laquelle M. Suresh avait collecté des fonds. L’organisation en question était les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), un groupe considéré comme une association terroriste par le Service canadien du renseignement de sécurité. Qui plus est, la Cour avait fait observer qu’une disposition semblable au paragraphe 34(2) de la LIPR en vertu de laquelle le ministre, dans la mesure où il exerce son pouvoir en conformité avec la constitution, serait empêché d’expulser un tel individu palliait la portée excessive des dispositions d’exclusion, que l’on pouvait interpréter comme s’étendant aux personnes qui adhèrent de bonne foi à une organisation terroriste sans être au courant de ses activités. La Cour a déclaré à cet égard (au paragraphe 110) :

Nous croyons que le législateur n’avait pas l’intention d’inclure dans la catégorie de personnes suspectes décrite à l’art. 19 celles qui, en toute innocence, apportent une contribution à des organisations terroristes ou en deviennent membres. Cette interprétation trouve appui dans la disposition édictée à la fin de l’art. 19, qui exclut des catégories décrites à l’art. 19 les personnes qui « convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national ». L’article 19 doit donc être considéré comme ayant pour effet de permettre à un réfugié de prouver que le fait qu’il continue de résider au Canada ne sera pas préjudiciable au Canada, malgré la preuve qu’il est associé à une organisation terroriste ou qu’il en est membre. Un réfugié peut ainsi établir que l’association avec le groupe terroriste qu’on lui reproche avait un caractère innocent. En pareil cas, la ministre exercerait son pouvoir discrétionnaire en conformité avec la Constitution en concluant que le réfugié n’appartient pas à la catégorie — visée à l’art. 19 — de personnes susceptibles d’expulsion pour des raisons de sécurité nationale.

[43]      Après le prononcé de l’arrêt Suresh de la Cour suprême, la juge Snider a été saisie, dans l’affaire Al Yamani 2, d’une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Al Yamani relativement à une mesure d’exclusion ultérieure qui avait été prise cette fois en vertu du paragraphe 34(1) de la LIPR. (Cette affaire avait été entendue à la suite de la décision favorable rendue par le juge MacKay dans l’affaire Al Yamani 1 relativement à la demande de contrôle judiciaire de la première décision, dont nous avons déjà discuté.)

[44]      Devant la juge Snider, M. Al Yamani a formulé des arguments semblables à ceux invoqués par M. Najafi en l’espèce. Il affirmait que son interdiction de territoire portait atteinte à son droit à la liberté d’association (et à la liberté d’expression), de même qu’à son droit de participer à l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, en faisant valoir que « le droit à l’autodétermination jouit d’une protection internationale, et qu’on reconnaît internationalement le droit d’appartenir à une organisation qui promeut une telle autodétermination, même lorsqu’une ou plusieurs des organisations secondaires chapeautées par cette organisation pourraient être qualifiées de “terroristes” » (au paragraphe 41). La juge Snider a estimé que l’arrêt Suresh rendait cet argument irrecevable, en expliquant que « la question posée par M. Al Yamani cadre parfaitement avec celle dont la Cour suprême du Canada était saisie dans Suresh » (au paragraphe 43). Elle a par conséquent rejeté les prétentions fondées sur la Charte que M. Al Yamani invoquait.

[45]      Le juge de Montigny a rendu une décision très semblable dans l’affaire Stables. Dans cette affaire, le demandeur avait été interdit de territoire en application de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR pour criminalité organisée du fait de son appartenance aux Hell’s Angels. Il soutenait qu’il n’avait commis aucun crime et que la disposition en vertu de laquelle il avait été interdit de territoire portait atteinte à son droit d’association. Il signalait également qu’il était de plus en plus difficile d’obtenir une dispense ministérielle depuis le prononcé de l’arrêt Suresh, ce qui permettait d’établir une distinction entre sa situation et celle dont il était question dans l’affaire Suresh, ce qui n’est pas sans rappeler certains des arguments invoqués par M. Najafi en l’espèce. Le juge de Montigny n’a pas retenu cet argument et, se fondant sur l’arrêt Suresh, il a jugé que le droit à la liberté d’association garanti à M. Stables par la Charte n’avait pas été violé par la déclaration d’interdiction de territoire. Voici ce qu’il écrit à cet égard : « il a été jugé que la liberté d’association englobe seulement les activités licites et ne peut servir à protéger une personne qui choisit d’appartenir à une organisation criminelle » (au paragraphe 33).

[46]      Le demandeur soutient qu’il y a lieu d’établir une distinction entre la présente espèce et les affaires Suresh, Al Yamani 2 et Stables. Il soutient qu’il a été jugé que les organisations dont il était question dans ces affaires s’étaient livrées à du terrorisme ou à des activités de criminalité, alors que le PDKI a simplement tenté de renverser par la force les gouvernements iraniens du Shah et de la République islamique. À mon avis, cette distinction n’est pas valable, surtout à la lumière des faits de l’espèce. L’arrêt Suresh ne reposait pas tant sur le fait que les TLET étaient une organisation terroriste, mais plutôt sur le fait qu’elle s’était livrée à des actes de violence. Et, en ce qui concerne la liberté d’association, cet arrêt appuie la proposition que la Charte ne va pas jusqu’à protéger le droit d’adhérer ou de participer à des associations qui se livrent à des actes de violence.

[47]      Le fait que le PDKI soit une organisation de cette nature n’est pas contesté. D’ailleurs, suivant la preuve présentée à la CISR, le PDKI s’est livré pendant des années à des actes de violence, notamment lors de l’insurrection violente contre le Shah en 1967–1968 et en menant une lutte armée contre le gouvernement iranien dans les années 80 et 90.

[48]      La notion de « renversement par la force » englobe sans doute d’autres activités que le recours à la violence pour renverser un régime. Dans le jugement Oremade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1077, [2006] 1 R.C.F. 393, le juge Phelan déclare ce qui suit (au paragraphe 27) :

[…] l’expression « par la force » n’équivaut tout simplement pas aux termes « par la violence ». L’expression « par la force » comprend la coercition ou la contrainte par des moyens violents, la coercition ou la contrainte par des menaces d’user de moyens violents et […] la perception raisonnable du risque qu’on exerce une coercition par des moyens violents.

Cette définition élargie a été acceptée dans d’autres décisions, dans lesquelles il a été expliqué que la notion de « renversement par la force » comprend les actes visant à renverser un gouvernement par des moyens illicites ou injustifiés (voir, par ex., Suleyman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 780 (Suleyman), aux paragraphes 62 à 64; Eyakwe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 409 (Eyakwe), aux paragraphes 30 et 31; Maleki c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 131, au paragraphe 8).

[49]      Il n’est pas nécessaire que je décide, dans le cas qui nous occupe, si cette définition élargie de l’expression « renversement par la force » est susceptible de porter atteinte à certains des droits d’un autre demandeur d’asile visés à l’alinéa 2d), s’il était jugé que l’organisation à laquelle il appartient tombe sous le coup de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR uniquement en raison du fait qu’elle a menacé de recourir à la violence ou de la perception qu’elle pourrait recourir à la violence. La présente affaire ne soulève tout simplement pas ces questions, parce que, comme nous l’avons déjà fait observer, le PDKI s’est effectivement livré à des actes de violence dans le cadre de la campagne qu’il a menée pour renverser deux régimes différents en Iran. Par conséquent, l’arrêt Suresh s’applique au demandeur, qui s’est associé à une organisation qui s’est livrée à des actes de violence.

[50]      Il s’ensuit donc que la CISR n’a pas commis d’erreur en concluant que la Charte n’empêchait pas de prendre une mesure d’exclusion sur le fondement de l’association de M. Najafi au PDKI en Iran et au Canada. Cette conclusion est bien fondée, mais pas nécessairement pour les motifs exposés par la CISR. Comme je l’ai déjà expliqué, je suis arrivée à la conclusion que le droit à la liberté d’association que M. Najafi tire de la Charte n’avait pas été violé, étant donné que le PDKI est une organisation qui s’est livrée à des actes de violence et que la Charte ne confère pas un droit constitutionnel d’appartenir à des organisations qui se livrent à des actes de violence ou de participer à leurs activités.

[51]      Je ne tire pas de conclusion quant à la question de savoir si le raisonnement proposé par la CISR pour justifier ses conclusions en ce qui concerne la Charte est juste. Comme j’ai déjà fait observer, la CISR a fait reposer sa décision sur la conclusion que les répercussions de la mesure d’exclusion sur M. Najafi étaient trop minimes pour justifier la protection de la Charte. Il se peut fort bien que cette conclusion soit inexacte, étant donné que les répercussions de la décision sur M. Najafi ne sont pas anodines, comme je l’ai déjà fait observer. Toutefois, la question de savoir si ces répercussions négatives étaient suffisamment importantes pour justifier la protection de la Charte devrait plutôt être tranchée dans une affaire dans laquelle, contrairement à la présente, elle serait directement soulevée. Je préfère donc m’abstenir de formuler des commentaires à ce sujet et je confirme plutôt la conclusion tirée par la CISR au sujet de la Charte pour les motifs que j’ai déjà exposés.

III.        Prétentions fondées sur le droit international

[52]      En ce qui concerne le second moyen invoqué par M. Najafi, comme je l’ai déjà expliqué, cet argument part du principe que la CISR a commis une erreur en n’appliquant pas comme elle l’aurait dû les principes de droits internationaux pour interpréter l’expression « renversement […] par la force » à l’alinéa 34(1)b) de la LIPR.

A.        Fondement des arguments

[53]      Plus précisément, M. Najafi affirme que tant la common law que le paragraphe 3(3) de la LIPR exigent que la Loi soit interprétée d’une manière conforme au droit international. M. Najafi soutient que le droit international reconnaît la légalité du recours à la force pour exercer le droit d’un peuple à l’autodétermination si le peuple en question [traduction] « n’est pas indépendant sur le plan politique et fait l’objet d’un régime raciste, d’un asservissement étranger, d’une domination étrangère, et est victime d’exploitation, d’oppression et de répression » (mémoire du demandeur, au paragraphe 61). M. Najafi a déposé auprès de la CISR le témoignage de deux experts en droit international qui appuient l’argument suivant lequel, en Iran, les Kurdes répondent à cette définition de « peuple » pouvant recourir légitimement à la force pour faire valoir son droit à l’autonomie.

[54]      L’un de ces experts, le professeur Craig Forcese, s’appuie sur le libellé de l’Article 1(4) du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole I) [qui est l’annexe V de la Loi sur les conventions de Genève, L.R.C. (1985), ch. G-3 (mod. par L.C. 1990, ch. 14, art. 6)], 8 juin 1977, 1125 R.T.N.U. 3 (entré en vigueur le 7 décembre 1979, ratifié par le Canada en 1990) (Protocole additionnel I), qui déclare qu’il s’applique aux « conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes, consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies ». Le professeur Forcese soutient que les peuples qui recourent à la force dans l’exercice de leur droit à disposer d’eux‑mêmes devraient être considérés comme se livrant à un conflit armé interne en tant qu’élément d’une force armée et qu’ils devraient donc être protégés par le privilège du combattant (ou immunité du combattant) en vertu du droit international, compte tenu de l’Article 1(4) du Protocole additionnel I.

[55]      L’autre expert, le professeur René Provost, soutient que [traduction] « le droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes est maintenant bien consacré par les traités et en droit international public coutumier », ajoutant que ce droit comporte, dans des circonstances exceptionnelles, le droit légitime de recourir à la force pour parvenir à l’autonomie « externe » (c.‑à‑d. le droit de créer son propre État) lorsqu’un peuple se voit refuser ce droit à l’autonomie au sein d’un État. Le professeur Provost affirme également que l’immunité du combattant s’appliquerait à de telles personnes et empêcherait d’imposer des sanctions criminelles à ceux qui participent à une lutte armée en vue d’atteindre l’autonomie en pareilles circonstances. Il affirme que l’État tiers qui livrerait un individu pour qu’il soit puni pour sa participation à une lutte armée de cette nature violerait également le droit international.

[56]      Pour apprécier l’argument de M. Najafi fondé sur le droit international, il faut examiner les questions suivantes : premièrement, quelle est la norme de contrôle applicable à cet aspect de la décision de la CISR; deuxièmement, la CISR a‑t‑elle commis une erreur justifiant l’infirmation de sa décision en ne tenant pas compte du droit international; et, enfin, dans l’affirmative, le droit international exige‑t‑il que l’on retienne l’interprétation proposée par M. Najafi, en l’occurrence, qu’il y a lieu d’exclure de la portée de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR les organisations qui recourent légitimement à la force pour faire valoir leur droit à l’autonomie?

B.        Norme de contrôle

[57]      En ce qui concerne la norme de contrôle, il est de jurisprudence constante que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique à une décision portant qu’un organisme relève des alinéas 34(1)a), b), ou c) de la LIPR, étant donné que ces décisions comportent des questions mixtes de fait et de droit (Eyakwe, au paragraphe 20; Faridi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 761, au paragraphe 16; Naeem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 123, [2007] 4 R.C.F. 658, au paragraphe 40; Jalil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 246, [2006] 4 R.C.F. 471, au paragraphe 19; Kanendra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 923 (Kanendra), au paragraphe 12; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1196, au paragraphe 13). Le demandeur affirme que cette jurisprudence constante ne s’applique pas dans son cas, étant donné que l’argument qu’il invoque soulève une pure question de droit et que les questions de droit sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte. Il invoque le jugement Kastrati c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1141 (Kastrati), à l’appui de la proposition que les conclusions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte.

[58]      Toutefois, dans la foulée de l’arrêt Dunsmuir plusieurs arrêts récents de la Cour suprême du Canada n’ont pas retenu la position adoptée dans le jugement Kastrati. Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour a expliqué que, normalement, l’interprétation qu’un tribunal administratif fait de sa loi constitutive relève du champ de compétence de ce tribunal et commande habituellement la déférence. Pour reprendre les mots employés par les juges LeBel et Bastarache, qui écrivaient au nom de la majorité, « [l]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise » (au paragraphe 54). La Cour suprême a reconfirmé cet énoncé dans plusieurs arrêts subséquents en soulignant que c’est normalement la norme de la décision raisonnable qui s’applique à l’interprétation qu’un tribunal administratif fait de sa propre loi constitutive, sauf lorsque la question revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, soulève des questions constitutionnelles (à l’exception des décisions administratives discrétionnaires dont il est question dans l’arrêt Doré), ou porte possiblement sur une question relative à la compétence du tribunal administratif ou sur une « question touchant véritablement la constitutionnalité » (Dunsmuir, aux paragraphes 57 à 59; voir également les arrêts Whatcott, au paragraphe 167; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, au paragraphe 30; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471, au paragraphe 16; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160, au paragraphe 26; Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 34; et Nolan c. Kerry (Canada) Inc., 2009 CSC 39, [2009] 2 R.C.S. 678, au paragraphe 34). Suivant l’arrêt Dunsmuir, si la jurisprudence « établit déjà de manière satisfaisante » le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier, cette norme devrait s’appliquer dans les affaires subséquentes sans qu’il y ait lieu de procéder à une analyse plus poussée de la norme de contrôle (au paragraphe 62).

[59]      En l’espèce, la CISR était appelée à déterminer si le PDKI était l’instigateur ou l’auteur d’actes « visant au renversement d’un gouvernement par la force » au sens de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR. Cette analyse comporte un volet factuel — concernant les actes accomplis par le PDKI et les idées qu’il défendait — ainsi qu’un volet juridique — concernant le sens à accorder à l’expression « renversement par la force ». Il ressort de la jurisprudence constante susmentionnée que ces deux volets ne doivent pas être dissociés l’un de l’autre lorsqu’il s’agit d’arrêter la norme de contrôle applicable et qu’une seule norme, en l’occurrence celle de la décision raisonnable, s’applique. Par ailleurs, le volet juridique de la question suppose que l’on interprète la LIPR, qui est la loi constitutive de la CISR et qui constitue une question sur laquelle la CISR possède une expertise considérable. Il ressort des arrêts récents de la Cour suprême dont nous avons déjà fait état que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique à ce genre de conclusion de droit.

[60]      La question de la norme de contrôle applicable à ce volet de la décision de la CISR s’apparente sensiblement à la question que la Cour d’appel fédérale a récemment examinée dans l’affaire B010 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 87, [2014] 4 R.C.F. 326. Dans cette affaire, la Cour était appelée à examiner une décision de la CISR portant sur l’interprétation des dispositions interdisant le passage de clandestins figurant à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR. La juge Dawson, qui s’exprimait au nom de la Cour, a estimé que c’était la norme de la décision raisonnable qui s’appliquait, compte tenu des balises récentes données par la Cour suprême du Canada et du fait que la CISR interprétait des dispositions de la LIPR et non des traités internationaux portant sur une question connexe. Dans le même ordre d’idées, dans le cas qui nous occupe, la CISR était appelée à interpréter la LIPR et elle n’a pas interprété le droit international, étant donné qu’elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire de le faire, ainsi que nous le verrons plus en détail plus loin.

[61]      C’est donc la norme de la décision raisonnable qui s’applique au contrôle de la conclusion de la CISR suivant laquelle le PDKI a accompli des actes visant au renversement par la force des gouvernements du Shah et de la République islamique en Iran. Je tiens toutefois à signaler que le choix de la norme de contrôle n’a aucune incidence en l’espèce étant donné que la conclusion de la CISR que le PDKI tombe sous le coup de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR était à la fois raisonnable et, à mon avis, bien fondée.

C.        Décision de la CISR

[62]      Ayant réglé la question de la norme de contrôle applicable à la conclusion tirée par la CISR sur la question susmentionnée, il est utile d’exposer brièvement le raisonnement suivi par la CISR. La CISR a commencé par passer en revue plusieurs décisions de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale qui définissent la notion de « renversement » et suivant lesquelles « l’alinéa 34(1)b) [de la LIPR] s’appliqu[e] peu importe le genre de gouvernement en cause et […] le législateur avait l’intention de donner à la disposition une large portée » (décision, au paragraphe 30). Se fondant sur cette jurisprudence, la CISR a estimé que « la subversion par la force d’un gouvernement implique précisément le recours à la force dans le but de renverser ce gouvernement, que ce soit dans certaines parties de son territoire ou dans le pays en entier » (décision, au paragraphe 32). Elle a poursuivi en affirmant qu’elle était convaincue que l’expression « un gouvernement » « comprend même un régime despotique [et que] les mesures prises par le gouvernement, qu’elles soient oppressives ou non, ne sont pas pertinentes dans le cadre de la présente analyse » (décision, au paragraphe 32). La CISR a ensuite examiné l’argument de M. Najafi fondé sur le droit international; elle l’a rejeté, estimant que la jurisprudence de notre Cour, notamment les jugements Suleyman et Maleki, exigeait nécessairement qu’on l’écarte. La CISR a fait observer ce qui suit à ce propos (au paragraphe 33) :

La conclusion répétée de la Cour fédérale voulant que « le renversement d’un gouvernement par la force » s’applique peu importe le genre de régime renversé démontre qu’une analyse de la légitimité ou de la légalité d’une lutte armée d’une organisation n’est pas nécessaire dans le contexte d’une enquête — bien qu’elle soit sans doute très pertinente dans le cadre d’une demande au titre du paragraphe 34(2) de la LIPR.

La CISR a par conséquent rejeté l’argument de M. Najafi fondé sur le droit international.

D.        Analyse

[63]      L’analyse proposée par la CISR est, à mon avis, raisonnable et, de fait, juste. Le caractère raisonnable d’une décision tient à sa justification, sa transparence et son intelligibilité, et le résultat proposé doit faire partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). Dans le cas qui nous occupe, la décision rendue par la CISR sur cet aspect de la demande de M. Najafi répond au premier de ces critères, étant donné que les motifs proposés sont compréhensibles, logiques et suffisants pour appuyer la conclusion tirée. Le second critère a également été respecté, étant donné que la solution retenue était certainement une des issues possibles, vu le libellé du paragraphe 34(1) de la LIPR et la jurisprudence portant sur l’interprétation de cette disposition. D’ailleurs, comme je l’ai déjà affirmé, la solution retenue par la CISR est en outre correcte.

[64]      En ce qui concerne la Loi, l’alinéa 34(1)b) doit être mis en contraste avec l’alinéa qui le précède. Pendant toute la période visée par la présente demande, ces deux dispositions étaient ainsi libellées :

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

Sécurité

[65]      Compte tenu de la différence de libellé entre ces deux alinéas, il est évident que le législateur souhaitait que des critères différents s’appliquent en cas de recours à la force en vue de renverser un gouvernement. L’alinéa 34(1)b) de la LIPR précise que le fait pour l’individu ou l’organisation dont il est membre de recourir à la force pour renverser « un » gouvernement emporte interdiction de territoire pour cet individu. En revanche, s’il n’y a pas recours à la force, il n’y a interdiction de territoire que si le gouvernement qui a été renversé était un régime démocratique. Le législateur a par conséquent clairement exprimé sa volonté de donner une vaste portée à l’alinéa 34(1)b) de la Loi de manière à ce qu’il englobe tout type de régime, y compris ceux qui ne sont pas démocratiques[2].

[66]      Ainsi que le défendeur le soutient avec conviction, cette volonté du législateur ressort à l’évidence des débats de la Chambre des communes et des témoignages entendus devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration au moment où ces dispositions ont été débattues. Le demandeur ne conteste pas la pertinence de tenir compte des débats de la Chambre des communes et des témoignages donnés devant le Comité pour interpréter le paragraphe 34(1). D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a reconnu la pertinence de l’examen de l’historique législatif en matière d’interprétation des lois pour connaître le contexte et l’objet d’un texte législatif (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 35). L’historique législatif de l’article 34 peut par conséquent aider à déterminer son objet et sa portée.

[67]      Le 15 mai 2001, à l’occasion d’une séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, une députée du Bloc Québécois (le Bloc) a tenté d’obtenir un amendement à l’alinéa 34(1)b) de la Loi consistant à ajouter les mots « démocratiquement élu » aux mots « un gouvernement », en faisant valoir que « quelqu’un qui veut renverser une dictature devrait parfois être remercié » (Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Témoignages [37e lég., 1re sess., no 25] (15 mai 2001), motion présentée par Mme Madeleine Dalphond‑Guiral). En réponse, des représentants du gouvernement qui faisaient partie du Comité et des experts ministériels ont expliqué que l’alinéa 34(1)b) avait été délibérément libellé de manière à ce qu’il ait une vaste portée et à frapper d’interdiction de territoire ceux qui se livrent à des actes de violence contre tout type de gouvernement. Ils ont fait observer qu’il revient au ministre de décider dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 34(2) s’il y a néanmoins lieu d’admettre ces individus (Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Témoignages (15 mai 2001) : réponse de M. Steve Mahoney, Mme Elizabeth Tromp et M. Daniel Therrien à la motion de Mme Dalphond‑Guiral). Au cours des débats de la Chambre des communes, à l’étape de la troisième lecture, la députée du Bloc a fait valoir que, si l’alinéa 34(1)b) de la Loi avait été en vigueur il y a 40 ans, Nelson Mandela aurait été déclaré interdit de territoire en tant que membre d’une organisation visant au renversement du gouvernement sud‑africain, parce que cette organisation avait à l’occasion recouru à la force pour parvenir à ses fins (Débats de la Chambre des communes, 37e Lég., 1re sess., vol. 137, no 78 (13 juin 2001), à la p. 5099 (Madeleine Dalphond‑Guiral)).

[68]      À la lumière des débats, il est évident que, lorsqu’il a adopté l’alinéa 34(1)b) de la LIPR, le législateur était parfaitement au fait d’arguments s’accordant avec le point de vue de M. Najafi. Il y a donc lieu de présumer que le législateur a choisi d’interdire de territoire à la première étape l’individu qui, entre autres choses, a eu recours à la force pour renverser un gouvernement ou qui fait partie d’une organisation qui l’a fait. Sont visés par ces dispositions les régimes despotiques ou oppressifs et même les régimes se livrant à des violations systématiques des droits de la personne, comme l’ancien gouvernement de l’Afrique du Sud. Ainsi, un examen en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR serait favorable à une personne comme Nelson Mandela, mais non celui effectué en vertu du paragraphe 34(1). Il est donc évident que le législateur souhaitait que l’examen de la légitimité du recours à la force relève du ministre sous le régime du paragraphe 34(2) de la LIPR et non de la CISR sous le régime du paragraphe 34(1).

[69]      La jurisprudence appuie cette interprétation. Ainsi que la juge Mactavish l’a fait observer dans l’arrêt Suleyman, l’alinéa 34(1)b) de la LIPR interdit « les actes visant “le renversement d’un gouvernement par la force”, peu importe le genre de gouvernement en cause » (au paragraphe 60). Elle a par conséquent rejeté l’argument du demandeur suivant lequel il n’aurait pas dû être interdit de territoire étant donné que le Parti des travailleurs du Kurdistan avait le droit d’utiliser en dernier recours la force contre la présumée tyrannie du régime turc et des présumés sévices infligés au peuple kurde. Comme la juge Mactavish l’a signalé, le juge Strayer est arrivé à une conclusion semblable dans le jugement Oremade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1189.

[70]      À mon avis, il n’était pas nécessaire que la CISR fasse appel au droit international pour déterminer si cette interprétation constante de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR devrait être écartée dans le cas du demandeur, compte tenu de la clarté des dispositions de la LIPR. Le demandeur a raison de faire observer que la common law présume que le législateur fédéral et les législateurs provinciaux entendent agir conformément au droit international et, plus particulièrement, conformément aux obligations contractées par le Canada en droit international (R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292, au paragraphe 53; Daniels v. White and The Queen, [1968] R.C.S. 517 (Daniels), à la page 541). D’ailleurs, cette présomption est consacrée à l’alinéa 3(3)f) de la LIPR, qui dispose :

3. […]

(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

[…]

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

Interprétation et mise en œuvre

[71]      La présomption que le législateur entend que les lois soient conformes au droit international ne doit toutefois pas être utilisée pour faire fi des dispositions claires d’une loi, comme le demandeur tente de faire en l’espèce. Le demandeur affirme en effet que les mots « un gouvernement » à l’alinéa 34(1)b) de la LIPR ne sauraient signifier ce qu’ils disent en fait, mais qu’ils visent plutôt que seulement certains gouvernements, en l’occurrence ceux contre lesquels le recours à la force n’est pas autorisé par le droit international. Ce faisant, M. Najafi cherche à faire jouer au droit international un rôle qu’il ne peut jouer, c’est‑à‑dire avoir préséance sur le texte clair d’une loi. De fait, M. Najafi soutient que son interprétation du droit international devrait être utilisée d’une façon analogue à la Charte, de façon à rendre des dispositions pourtant non ambiguës de la LIPR inopérantes dans son cas.

[72]      Le droit international ne fonctionne pas de cette manière étant donné que la présomption de conformité au droit international est réfutable et peut être écartée par un texte de loi clair (Németh c. Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281 (Németh), aux paragraphes 34 et 35; Daniels, à la page 541; Pfizer Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 138, [2003] 4 C.F. 95 (Pfizer), au paragraphe 20). Dans l’arrêt Németh, le juge Cromwell, qui écrivait au nom de la Cour suprême du Canada, déclare à cet égard (aux paragraphes 34 et 35) :

Je reconnais aussi, bien sûr, que les lois doivent, autant que possible, recevoir une interprétation compatible avec les obligations du Canada issues de traités internationaux et avec les principes du droit international. [Toutefois], [l]a présomption que la loi met en œuvre les obligations internationales du Canada est réfutable.

De façon encore plus directe, dans l’arrêt Pfizer, le juge Strayer affirme ce qui suit (au paragraphe 20) :

[…] je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire, en l’espèce, de recourir à ces instruments. Ma conclusion est étayée par la jurisprudence bien établie selon laquelle on doit présumer que le Parlement n’a pas l’intention de légiférer à l’encontre des traités internationaux ou des principes du droit international, mais cela n’est qu’une présomption : lorsque la législation est claire, on n’a pas besoin, et on ne devrait pas, regarder le droit international.

[73]      Par conséquent, la CISR n’a pas commis d’erreur en refusant de recourir au droit international pour interpréter l’alinéa 34(1)b) de la LIPR. Elle a légitimement fait reposer sa décision quant au sens à accorder à l’expression « renversement par la force » sur la jurisprudence établie, laquelle permet de conclure que le PDKI est une organisation qui a tenté de renverser des gouvernements iraniens par la force.

[74]      Par ailleurs, même si la CISR avait commis une erreur en n’examinant pas davantage l’argument de M. Najafi fondé sur le droit international, j’estime que M. Najafi n’a pas démontré que le droit international cautionne l’interprétation de la LIPR qu’il propose. À cet égard, il est loin d’être certain que le droit international reconnaît le droit de recourir à la force pour défendre le droit d’un peuple à disposer de lui‑même de la manière suggérée par M. Najafi.

[75]      D’entrée de jeu, je tiens à signaler que nul ne conteste que le droit international reconnaît le droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes. Ainsi que les deux parties l’ont fait valoir, ce droit est reconnu par divers traités internationaux, et a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la cessation du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217. Les parties ne peuvent par ailleurs débattre devant moi de la question de savoir si ce droit doit être exercé en fonction des frontières nationales existantes ou si, dans certaines circonstances, une sécession unilatérale est possible. La seule question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si le droit international reconnaît le droit de recourir à la force pour faire valoir le droit à l’autodétermination.

[76]      Pour soutenir que le droit international ne reconnaît pas ce droit, comme nous l’avons signalé, les deux experts en droits internationaux que le demandeur a fait entendre se fondent sur le concept du « privilège du combattant ». Selon ce principe qui découle du Protocole additionnel I, ceux qui participent à des conflits armés (visés par le Protocole et les Conventions de Genève) sont immunisés contre les sanctions pénales qu’entraîneraient normalement leurs agissements. Le professeur Forcese affirme que l’individu qui prend part à une lutte armée dans le cadre de l’exercice du droit à l’autodétermination peut bénéficier de cette immunité pénale s’il est satisfait à certains critères. Le professeur Provost affirme que le Canada violerait ses obligations internationales s’il devait [traduction] « donner son appui au refus illégal [du droit à l’autodétermination] d’un autre État » (affidavit de René Provost, au paragraphe 40).

[77]      L’applicabilité du « privilège du combattant » au demandeur pose trois problèmes cruciaux. En premier lieu, même si l’on accepte que l’interprétation que le professeur Forcese donne du privilège du combattant revendiqué est correcte, le demandeur ne satisferait pas à l’une des conditions préalables mentionnées par le professeur, étant donné qu’il n’a pas [traduction] « exercé des fonctions de combattant de façon continue » (affidavit de Craig Forcese, au paragraphe 43). Deuxièmement, même si le demandeur devait être considéré comme un combattant — ce que j’estime peu probable — il ne serait protégé que contre les sanctions pénales et ne pourrait avoir l’assurance d’obtenir le droit d’asile. Troisièmement, je n’accepte pas qu’en déclarant le demandeur interdit de territoire par application du paragraphe 34(1), le Canada [traduction] « donne son appui au refus illégal [du droit à l’autodétermination] d’un autre État », compte tenu des protections prévues par la Loi à l’article 25 et au paragraphe 34(2). J’estime donc que le concept du privilège du combattant n’est d’aucune utilité pour le demandeur.

[78]      Le professeur Provost avance un argument supplémentaire en se fondant sur l’absence d’interdiction expresse au recours à la force pour exercer le droit à l’autodétermination en droit international. Il va toutefois de soi que l’absence d’interdiction au recours à la force ne saurait être placée sur le même pied qu’un droit positif reconnu et établi en droit interne canadien. Je tiens par ailleurs à signaler que l’applicabilité d’une pareille norme au Canada, même si elle était clairement reconnue, serait incertaine, étant donné qu’à au moins une reprise, le Canada a voté contre la résolution de l’assemblée générale des Nations Unies qui cherchait à faire reconnaître de façon plus explicite le droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes (voir résolution A/RES/37/43 de l’Assemblée générale de l’ONU sur [l’]Importance, pour la garantie et l’observation effective des droits de l’homme, de la réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination et de l’octroi rapide de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux).

[79]      Ainsi donc, même si la CISR avait commis une erreur en ne tenant pas compte du droit international — ce qui n’est pas le cas —, les principes du droit international n’appuieraient pas la prétention de M. Najafi selon laquelle le PDKI serait exclu du champ d’application de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR.

[80]      Pour ces motifs, j’estime que la CISR n’a pas commis d’erreur justifiant l’infirmation de sa décision en concluant que le PDKI est une organisation qui a été l’instigatrice ou l’auteure d’actes visant au renversement par la force des gouvernements iraniens et qu’elle tombe par conséquent sous le coup de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR.

IV.       Interprétation de la notion de « membre »

[81]      M. Najafi soutient en dernier lieu que la conclusion de la CISR selon laquelle il était membre du PDKI est déraisonnable, compte tenu du fait qu’il n’avait jamais adhéré de façon officielle à cet organisme et qu’il n’avait accompli qu’un nombre limité d’activités pour le compte de cette organisation. Il a expliqué qu’alors qu’il était en Iran, il recueillait des médicaments et des sommes d’argent pour le PDKI et qu’à quelques reprises il avait distribué des tracts en son nom, ajoutant que, depuis son arrivée au Canada, il n’a pris part qu’à des activités sociales et culturelles. Il affirme que ces activités sont à ce point minimes que la conclusion suivant laquelle il est membre de la CISR ne saurait être maintenue. Il s’est toutefois identifié par erreur comme un membre du PDKI lors de ses entrevues avec les autorités de l’immigration, ce qui démontre qu’il a cru à un certain moment qu’il était un membre en règle du parti. Il ne nie pas qu’il appuie les objectifs et les visées du PDKI, mais ajoute qu’il n’est pas en faveur du recours à la force pour parvenir aux fins en question.

[82]      Il est de jurisprudence constante que la norme de contrôle applicable aux décisions rendues par la CISR quant à la question de savoir si un individu est membre d’un groupe est celle de la décision raisonnable (voir, par ex., les décisions Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85, [2005] 3 R.C.F. 487 (Poshteh), aux paragraphes 21 à 24; Ismeal c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 198 (Ismeal), au paragraphe 15; Qureshi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 7 (Qureshi), au paragraphe 16; Kanendra, au paragraphe 12). À mon avis, la conclusion tirée par la CISR au sujet de l’appartenance du demandeur au PDKI était raisonnable compte tenu de la jurisprudence portant sur le type d’agissements susceptibles de justifier une conclusion en ce sens et compte tenu des activités auxquelles M. Najafi s’est livré.

[83]      Deux grands principes qui se dégagent de la jurisprudence sont pertinents dans le cas qui nous occupe. En premier lieu, il faut faire preuve d’un degré élevé de déférence à l’égard de la conclusion tirée par la CISR au sujet de la question de savoir si le demandeur était membre ou non du PDKI, ce qui concorde avec la norme de contrôle de la décision raisonnable applicable. En second lieu, le concept de « membre » a fait l’objet d’une interprétation large, de sorte que divers degrés et niveaux d’implication, qui ne permettent pas d’aller jusqu’à dire que l’intéressé était un membre en règle de l’organisation en question, peuvent justifier la conclusion qu’il en était membre au sens de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR (voir les décisions Poshteh, aux paragraphes 27 et 28; Ismeal, au paragraphe 20; Qureshi, aux paragraphes 19 à 25; Kanendra, aux paragraphes 21 à 23; et Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.), aux paragraphes 56 et 57).

[84]      La présente espèce ressemble à l’affaire Poshteh. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a confirmé la conclusion suivant laquelle M. Poshteh était membre de l’organisation en question en se fondant uniquement sur le fait que le demandeur avait distribué de la propagande au nom d’une organisation prohibée. En l’espèce, le demandeur a fait la même chose, et il a de plus admis avoir recueilli des médicaments et de l’argent pour le PDKI. Dans son Formulaire de renseignements personnels, déposé à l’appui de sa demande d’asile, le demandeur a écrit qu’il avait [traduction] « commencé à éprouver de l’intérêt pour le PDKI et à prendre part à ses activités […], en promouvant verbalement ses objectifs et son idéologie et en distribuant ses publications mensuelles » et il a également signalé qu’il avait recueilli des fonds et des médicaments pour le parti. Ces faits, ajoutés à l’obligation d’interpréter la notion d’appartenance de façon large, permettaient de façon raisonnable à la CISR de conclure que M. Najafi était membre du PDKI. En résumé, cette conclusion appartenait aux conclusions possibles qu’il était loisible à la CISR de tirer. La conclusion que la CISR a tirée au sujet de l’appartenance de M. Najafi au PDKI était par conséquent raisonnable.

V.  Dispositif et question certifiée

[85]      Par conséquent, pour ces motifs, je rejette la présente demande. La CISR a jugé à bon droit que sa décision ne portait pas atteinte au droit à la liberté d’association que M. Najafi tire de la Charte. Elle a également conclu de façon raisonnable que le PDKI était une organisation qui était l’auteure d’actes visant au renversement des gouvernements iraniens par la force et que M. Najafi était « membre » du PDKI, suivant le sens large donné à ce terme dans le contexte de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

[86]      Vu la complexité des questions en litige dans la présente affaire, j’ai accepté, à titre exceptionnel, de faire droit à la demande des avocats de présenter des observations sur d’éventuelles questions certifiées à la suite de la publication de l’ébauche des motifs. À la suite de la réception de l’ébauche des motifs de la présente décision, l’avocat du demandeur a proposé les deux questions suivantes :

1.  Le fait de fonder une conclusion d’interdiction de territoire sur les activités licites exercées par une personne pour appuyer une organisation qui est légale au Canada porte‑t‑elle atteinte à l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)? Pour déterminer l’applicabilité de l’alinéa 2d) dans ce contexte, peut‑on tenir compte des actes violents commis par cette organisation à l’étranger lorsqu’il n’existe pas de lien entre les activités exercées par cette organisation au Canada et celles qui sont exercées à l’étranger?

2.  L’alinéa 34(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) constitue‑t‑il une dérogation explicite à l’obligation qu’a le Canada de respecter le droit à l’autodétermination en droit international? Dans la négative, l’obligation du Canada de respecter le droit à l’autodétermination exige‑t‑il que l’on interprète l’alinéa 34(1)b) de manière à exclure de son champ d’application les personnes qui revendiquent ce droit?

[87]      L’avocat du défendeur soutient qu’aucune de ces questions ne se prête à une certification, étant donné qu’elles ont déjà été tranchées par les tribunaux et qu’elles ne seraient pas déterminantes dans le cadre d’un appel.

[88]      L’alinéa 74d) de la LIPR prévoit que « le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle‑ci ». Il est de jurisprudence constante que trois conditions doivent être remplies pour certifier une question, à savoir que celle‑ci doit transcender les intérêts des parties, aborder des éléments qui ont des conséquences importantes ou qui sont de portée générale et être déterminante quant à l’issue de l’appel (Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (C.A.) (QL); Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, au paragraphe 11; Di Bianca c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 935, au paragraphe 22).

[89]      En l’espèce, le premier groupe de questions proposées par M. Najafi ne soulève pas de questions ayant des répercussions importantes ou ayant une portée générale parce que ces questions ont déjà été tranchées par les tribunaux et notamment par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Suresh. Comme je l’ai déjà expliqué, j’estime que l’arrêt Suresh établit que l’alinéa 2d) de la Charte ne protège pas l’association avec une organisation qui se livre à la violence, peu importe que la personne qui cherche à obtenir la protection de la Charte se soit personnellement ou non livrée à des actes de violence et peu importe également que les actes violents de l’organisation aient ou non été commis au Canada ou à l’étranger. Je conclus donc que le premier groupe de questions proposées par le demandeur ne comporte pas de questions susceptibles de certification en application de l’alinéa 74d) de la LIPR.

[90]      Je suis toutefois disposée à certifier une question concernant l’interaction entre, d’une part, le présumé droit reconnu par le droit international de recourir à la force pour faire valoir le droit à l’autodétermination d’un peuple opprimé et, d’autre part, l’interprétation à donner à l’alinéa 34(1)b) de la LIPR, étant donné que cette question n’a pas encore été examinée comme telle dans la jurisprudence et compte tenu du fait que, dans une certaine mesure, mes conclusions supposent que j’applique des décisions portant sur d’autres types d’arguments à celui qu’a fait valoir M. Najafi sur le fondement du droit international. Par ailleurs, cette question est susceptible d’avoir une incidence sur d’autres cas que celui du demandeur, étant donné que les arguments formulés en ce qui concerne la présumée légitimité des agissements du PDKI pourraient fort bien être soulevés dans d’autres contextes. J’estime toutefois que les questions proposées par le demandeur à cet égard devraient être modifiées pour que nul ne puisse présumer qu’il existe un droit de recourir à la force pour faire valoir le droit à l’autodétermination de la manière revendiquée par le demandeur et également pour tenir compte de la norme de contrôle que j’ai jugée applicable. J’ai par conséquent reformulé la question à certifier comme suit :

Est-ce que les obligations du Canada, en matière de droit international, obligent la Section de l’immigration, lors de son interprétation de l’alinéa 34(1)(b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2011, ch. 27, d’exclure de l’interdiction de territoire ceux qui participent dans une organisation qui utilise la force dans une tentative de renverser un gouvernement en vue de faire avancer le droit revendiqué par un peuple opprimé à l’autodétermination?

JUGEMENT

LA COUR :

1.    REJETTE la présente demande;

2.    CERTIFIE la question suivante en application de l’alinéa 74d) de la LIPR :

Est-ce que les obligations du Canada, en matière de droit international, obligent la Section de l’immigration, lors de son interprétation de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2011, ch. 27, d’exclure de l’interdiction de territoire ceux qui participent dans une organisation qui utilise la force dans une tentative de renverser un gouvernement en vue de faire avancer le droit revendiqué par un peuple opprimé à l’autodétermination?

3.    N’ADJUGE aucuns dépens.

ANNEXE : Lois et règlements cités

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [art. 25 (mod. par L.C. 2012, ch. 17, art. 13)]

3. […]

(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

[…]

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

[…]

Interprétation et mise en œuvre

13. (1) Tout citoyen canadien, résident permanent ou groupe de citoyens canadiens ou de résidents permanents ou toute personne morale ou association de régime fédéral ou provincial — ou tout groupe de telles de ces personnes ou associations — peut, sous réserve des règlements, parrainer un étranger.

[…]

Parrainage de l’étranger

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

[…]

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

c) se livrer au terrorisme;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

Sécurité

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

Exception

Depuis le 19 juin 2013, l’article 34 a été modifié [mod. par L.C. 2013, ch. 16, art. 13] comme suit :

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur de tout acte d’espionnage dirigé contre le Canada ou contraire aux intérêts du Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

b.1) se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

c) se livrer au terrorisme;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(2) [Abrogé, 2013, ch. 16, art. 13]

Sécurité

35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

a) commettre, hors du Canada, une des infractions visées aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;

b) occuper un poste de rang supérieur — au sens du règlement — au sein d’un gouvernement qui, de l’avis du ministre, se livre ou s’est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l’humanité ou un crime de guerre au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;

c) être, sauf s’agissant du résident permanent, une personne dont l’entrée ou le séjour au Canada est limité au titre d’une décision, d’une résolution ou d’une mesure d’une organisation internationale d’États ou une association d’États dont le Canada est membre et qui impose des sanctions à l’égard d’un pays contre lequel le Canada a imposé — ou s’est engagé à imposer — des sanctions de concert avec cette organisation ou association.

Atteinte aux droits humains ou internationaux

(2) Les faits visés aux alinéas (1)b) et c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

Exception

Depuis le 19 juin 2013, l’article 35 a été modifié [mod., idem, art. 14] comme suit :

35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

a) commettre, hors du Canada, une des infractions visées aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;

b) occuper un poste de rang supérieur — au sens du règlement — au sein d’un gouvernement qui, de l’avis du ministre, se livre ou s’est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l’humanité ou un crime de guerre au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;

c) être, sauf s’agissant du résident permanent, une personne dont l’entrée ou le séjour au Canada est limité au titre d’une décision, d’une résolution ou d’une mesure d’une organisation internationale d’États ou une association d’États dont le Canada est membre et qui impose des sanctions à l’égard d’un pays contre lequel le Canada a imposé — ou s’est engagé à imposer — des sanctions de concert avec cette organisation ou association.

(2) [Abrogé, 2013, ch. 16, art. 14]

Atteinte aux droits humains ou internationaux

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

Grande criminalité

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

d) commettre, à son entrée au Canada, une infraction qui constitue une infraction à une loi fédérale précisée par règlement.

Criminalité

(3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

a) l’infraction punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire est assimilée à l’infraction punissable par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu;

b) la déclaration de culpabilité n’emporte pas interdiction de territoire en cas de verdict d’acquittement rendu en dernier ressort ou en cas de suspension du casier — sauf cas de révocation ou de nullité — au titre de la Loi sur le casier judiciaire;

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

d) la preuve du fait visé à l’alinéa (1)c) est, s’agissant du résident permanent, fondée sur la prépondérance des probabilités;

e) l’interdiction de territoire ne peut être fondée sur les infractions suivantes :

(i) celles qui sont qualifiées de contraventions en vertu de la Loi sur les contraventions,

(ii) celles dont le résident permanent ou l’étranger est déclaré coupable sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y‑1 des Lois révisées du Canada (1985),

(iii) celles pour lesquelles le résident permanent ou l’étranger a reçu une peine spécifique en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Application

37. (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan;

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

Activités de criminalité organisée

(2) Les dispositions suivantes régissent l’application du paragraphe (1) :

a) les faits visés n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national;

b) les faits visés à l’alinéa (1)a) n’emportent pas interdiction de territoire pour la seule raison que le résident permanent ou l’étranger est entré au Canada en ayant recours à une personne qui se livre aux activités qui y sont visées.

Application

Depuis le 19 juin 2013, l’article 37 a été modifié [mod., idem, art. 15] comme suit :

37. (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan;

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

Activités de criminalité organisée

(2) Les faits visés à l’alinéa (1)a) n’emportent pas interdiction de territoire pour la seule raison que le résident permanent ou l’étranger est entré au Canada en ayant recours à une personne qui se livre aux activités qui y sont visées.

Application

Depuis le 19 juin 2013, l’article suivant a été ajouté [art. 42.1 (édicté, idem, art. 18)] :

42.1 (1) Le ministre peut, sur demande d’un étranger, déclarer que les faits visés à l’article 34, aux alinéas 35(1)b) ou c) ou au paragraphe 37(1) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de l’étranger si celui‑ci le convainc que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.

[…]

Exception — demande au ministre

52. (1) L’exécution de la mesure de renvoi emporte interdiction de revenir au Canada, sauf autorisation de l’agent ou dans les autres cas prévus par règlement.

[…]

Interdiction de retour

Principe du non‑refoulement

115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

Principe

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :

a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;

b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

Exclusion

Règlement sur l’immigration et la protection des refugiés, DORS/2002‑227

39. L’agent permet, à l’issue d’un contrôle, aux personnes suivantes d’entrer au Canada :

[…]

c) la personne en possession d’un titre de voyage de réfugié que lui a délivré le ministre des Affaires étrangères et qui est valide pour revenir au Canada.

[…]

Délivrance du permis de travail

[…]

Entrée permise

206. (1) Un permis de travail peut être délivré à l’étranger au Canada en vertu de l’article 200 si celui‑ci ne peut subvenir à ses besoins autrement qu’en travaillant et si, selon le cas :

a) sa demande d’asile a été déférée à la Section de la protection des réfugiés, mais n’a pas encore été réglée;

b) il fait l’objet d’une mesure de renvoi qui n’a pu être exécutée.

Aucun autre moyen de subsistance

(2) Malgré le paragraphe (1), un permis de travail ne peut être délivré à un demandeur visé au paragraphe 111.1(2) de la Loi que si au moins cent quatre‑vingts jours se sont écoulés depuis que sa demande d’asile a été déférée à la Section de la protection des réfugiés.

Exception

207. Un permis de travail peut être délivré à l’étranger au Canada, en vertu de l’article 200, dans les cas suivants :

a) l’étranger fait partie de la catégorie des aides familiaux prévue à la section 3 de la partie 6, et il satisfait aux exigences prévues à l’article 113;

b) il fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada prévue à la section 2 de la partie 7;

c) il est une personne protégée au sens du paragraphe 95(2) de la Loi;

d) il a demandé le statut de résident permanent et le ministre a levé, aux termes des paragraphes 25(1), 25.1(1) ou 25.2(1) de la Loi, tout ou partie des critères et obligations qui lui sont applicables;

e) il est membre de la famille d’une personne visée à l’un des alinéas a) à d).

[…]

Demandeur au Canada

212. L’étranger ne peut étudier au Canada sans y être autorisé par un permis d’études ou par le présent règlement.

Permis d’études



[1] Les dispositions de la Loi et du Règlement dont il est fait mention sont reproduites à l’annexe jointe à la présente décision.

[2] Le libellé de la LIPR reproduit ci‑dessus correspond à la version de la Loi qui était en vigueur au moment où la présente instance a été introduite. Le 19 juin 2013, l’article 34 de la LIPR a été modifié, simplement pour renuméroter les dispositions pertinentes.

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