2014 CF 839
T-1-05
Imperial Oil Resources Limited (demanderesse)
c.
Procureur général du Canada (défendeur)
T-2155-10
Imperial Oil Resources Ventures Limited (demanderesse)
c.
Procureur général du Canada (défendeur)
Répertorié : Imperial Oil Resources Limited c. Canada (Procureur général)
Cour fédérale, juge Gagné—Calgary, 3 juin; Ottawa, 2 septembre 2014.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — « Remises » — Deux contrôles judiciaires présentés à l’encontre du ministre du Revenu national concernant le Décret de remise relatif à Syncrude (DRS) — Une des demandes contestait la décision du ministre de ne pas accorder de l’intérêt accumulé sur les prétendus « paiements en trop » d’impôt versés à l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour l’année d’imposition 1999 de la demanderesse; l’autre demande portait sur la production dans les délais de la demande d’intérêts sur remboursement qui auraient couru au cours de l’année d’imposition 1996 — Le DRS, une initiative du gouvernement fédéral, accorde un certain allégement de l’impôt fédéral aux participants au projet Syncrude (sables bitumineux) dans le Nord de l’Alberta, pour contrebalancer les redevances plus élevées prescrites par le gouvernement de l’Alberta — Les demanderesses ont fait valoir qu’une remise aux termes du décret de remise équivalait à un remboursement de paiements en trop d’impôt prescrit par l’art. 164 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi); le gouvernement fédéral devait donc de l’intérêt sur la remise accordée aux demanderesses pour une année donnée — Le ministre a soutenu qu’aucun intérêt n’était dû sur les remises puisque celles-ci constituent des dettes fiscales exemptées par l’ARC; les remises ne sont pas considérées comme des « paiements en trop » tels qu’ils sont définis par l’art. 164 de la Loi — Les deux demanderesses sont actives dans l’exploration et la production de pétrole, de gaz naturel, etc. — Le DRS a été promulgué en vertu de l’art. 17(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) — Il s’agissait de savoir si les demanderesses avaient droit aux intérêts sur remboursement pour l’année d’imposition 1999 calculés conformément aux art. 164 et 248(11) de la Loi; si la demande relative à l’année d’imposition 1996 a été produite dans les délais prescrits à l’art. 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales ou subsidiairement, si le délai pour déposer la demande devrait être prorogé à la date où la demande a été effectivement déposée — Un décret de remise, comme le DRS, ne constitue pas un contrat ou un accord, mais une mesure exceptionnelle disponible pour accorder un allégement au contribuable lorsque le résultat souhaité ne peut être obtenu dans le cadre des lois fiscales — Le ministre a à bon droit déterminé que les demanderesses n’avaient pas droit aux intérêts sur remboursement lors de la remise — L’argument des demanderesses selon lequel le ministre a agi selon les pouvoirs que la loi lui confère lorsqu’il décide d’appliquer les paiements du DRS aux dettes fiscales des demanderesses a été rejeté — En vertu de la Loi, le ministre n’a pas le pouvoir de remettre l’impôt payable; en l’espèce, ce pouvoir est accordé par le DRS — L’obligation du contribuable de payer l’impôt découle de la Loi alors que le pouvoir et l’obligation du ministre de remettre une partie de l’impôt payé ou payable découlent de la LGFP — La LGFP ne prévoit pas le versement d’intérêts sur des montants qui demeureraient en suspens une fois que tous les montants dus et payables par les deux parties sont compensés, si la répartition devait favoriser le contribuable — Quant à l’année d’imposition 1996, la demande faite par les demanderesses était frappée de prescription; elle a été déposée plus de sept ans après que le ministre eut initialement communiqué sa décision aux demanderesses; par conséquent, la demande ne pouvait être traitée — Il n’y avait aucune raison de justifier l’octroi d’une prorogation du délai de production — L’avis de nouvelle cotisation du ministre de juin 2003 informant les demanderesses qu’elles n’avaient pas droit aux intérêts sur remboursement pour l’année d’imposition 1996 valait décision — Le délai de présentation d’une demande de contrôle judiciaire n’est pas prorogé par la production d’un avis d’opposition en vertu de la Loi — La remise est accordée en vertu de la LGFP — Par conséquent, l’ARC n’avait pas le pouvoir de réexaminer la décision du ministre en vertu des dispositions en cas d’opposition à la cotisation calculée en vertu de la Loi — Dans le meilleur des cas, l’avis d’opposition équivalait à une demande incorrecte faite au ministre de réexaminer sa décision; il n’avait pas pour effet de proroger le délai pour présenter la demande de contrôle judiciaire — Demandes rejetées.
Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire présentées à l’encontre du ministre du Revenu national concernant le Décret de remise relatif à Syncrude (DRS), une initiative entreprise en 1976 par le gouvernement fédéral en vue d’accorder un certain allégement de l’impôt fédéral aux participants au projet Syncrude (sables bitumineux) dans le Nord de l’Alberta. Cet allégement fiscal servait à contrebalancer les redevances plus élevées prescrites par le gouvernement de l’Alberta qui, à compter de 1974, devaient être incluses dans le revenu imposable des participants. Jusqu’à la fin de l’année 2003, les participants au projet Syncrude avaient droit à une remise de l’impôt fédéral au titre des redevances qu’ils versaient à l’Alberta. Les demanderesses croyaient qu’un décret de remise équivalait à un remboursement de paiements en trop d’impôt en vertu de l’article 164 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi); le gouvernement fédéral devait donc de l’intérêt sur la remise finalement accordée aux demanderesses pour une année donnée. Le ministre a fait valoir qu’aucun intérêt n’était dû sur les remises puisque celles-ci constituent des dettes fiscales exemptées par l’ARC et non des « paiements en trop » tels qu’ils sont définis par l’article 164 de la Loi.
La demanderesse dans le dossier T-1-05 a contesté la décision du ministre de ne pas accorder l’intérêt accumulé sur un présumé « paiement en trop » d’impôt payé à l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour l’année d’imposition 1999. La demande dans le dossier T-2155-10 portait sur la production dans les délais prescrits de la demande à l’égard des intérêts sur remboursement accumulés au cours de l’année d’imposition 1996.
Les deux demanderesses sont actifs dans l’exploration et la production de pétrole, de gaz naturel et d’autres hydrocarbures et minéraux. Ce sont des participantes à une coentreprise créée conformément à la Syncrude Project Ownership and Management Agreement, qui avait été mise en place dans le but d’acquérir, de développer, de construire, de maintenir et d’exploiter le projet Syncrude. Lorsque, au début des années 1970, les provinces ont apporté des changements importants à la structure et au montant des redevances provinciales sur les ressources, le gouvernement fédéral a répondu en apportant des modifications à la Loi, lesquelles visaient à assurer que l’allégement fiscal fédéral pour les redevances soit limité à un montant jugé approprié par le gouvernement fédéral. Le DRS a été promulgué en vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), telle qu’elle était formulée en 1976. Pour préciser l’objet du DRS, une décision anticipée en matière d’impôt (DAMI) a été rendue et traitait des obligations et des responsabilités des demanderesses en vertu de la Loi. Ainsi, conformément au DRS et à la DAMI, les demanderesses ont eu droit à une remise d’impôt spécifique payable dans les circonstances décrites dans le DRS et ont reçu, au moyen de la remise, l’allégement connexe de leurs obligations et responsabilités en vertu de la Loi. Entre-temps, les versements et autres paiements d’impôt, d’intérêts et de pénalités étaient calculés sur cette base.
Dans une procédure antérieure connexe, les demanderesses avaient soumis un argument similaire quant à la nature d’un décret de remise et selon lequel des intérêts étaient exigibles, mais cet argument n’a jamais été abordé.
Il s’agissait de savoir si les demanderesses avaient droit aux intérêts sur remboursement pour l’année d’imposition 1999 calculés conformément à l’article 164 et au paragraphe 248(11) de la Loi; si la demande relative à l’année d’imposition 1996 a été produite dans les délais prescrits au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales ou subsidiairement, si le délai pour déposer la demande devrait être prorogé à la date où la demande a été effectivement déposée; dans l’affirmative, si les demanderesses avaient droit à l’intérêt sur remboursement pour l’année d’imposition 1996.
Jugement : les demandes doivent être rejetées.
Un décret de remise, comme le DRS, ne constitue pas un contrat ou un accord, mais une mesure exceptionnelle disponible pour accorder un allégement au contribuable lorsque le résultat souhaité ne peut autrement être obtenu dans le cadre des lois fiscales. Une remise exempte le contribuable de l’effet de l’application de la loi à laquelle le reste de la société canadienne est assujetti et, à ce titre, elle « représente un pouvoir discrétionnaire du ministre ». Le ministre a à bon droit déterminé que les demanderesses n’avaient pas droit aux intérêts sur remboursement lors de la remise, puisque, notamment, il n’y a aucun droit aux intérêts sur remboursement lors de la remise en vertu d’un contrat ou de la loi; il n’y a aucun droit aux intérêts sur remboursement lors de la remise en vertu de la Loi; et l’interprétation qu’il faut donner aux dispositions en matière de remboursement de la Loi n’est pas documentée ou modifiée par le DRS, la DAMI ou la pratique administrative du ministre. Les demanderesses ont soutenu que, lorsque le ministre a décidé d’appliquer les paiements de DRS aux dettes fiscales des demanderesses, il agissait selon le pouvoir que la Loi lui confère; ainsi, le montant de la remise pour cette année-là a été versé au titre des dettes des demanderesses en vertu de la Loi et a donné lieu à un paiement en trop. Toutefois, en vertu de la Loi, le ministre n’a pas le pouvoir de remettre l’impôt autrement payable par un contribuable. Ce pouvoir est uniquement accordé par la LGFP et, dans la présente cause, par le DRS. Les demanderesses confondaient la nature de l’obligation du ministre avec la façon dont elle est ou a été exécutée. En vertu du DRS, le ministre a le pouvoir et le devoir d’accorder une remise de l’obligation fiscale d’un producteur en vertu des alinéas 12(1)o) et 18(1)m) de la Loi, y compris les intérêts accumulés sur celle-ci. Selon les circonstances, il existe différents mécanismes par lesquels le ministre peut exécuter son obligation aux termes de ces alinéas. Quel que soit le mécanisme retenu, cela ne crée pas d’obligation de la part du ministre, lorsqu’il agit en vertu du DRS, de verser les intérêts sur remboursement en vertu de la Loi. Le ministre a choisi d’appliquer le montant de la remise aux dettes fiscales des demanderesses comme un moyen de mettre en œuvre le DRS et plus particulièrement, ses effets sur les versements des demanderesses et autres paiements d’impôt, d’intérêts et de pénalités requis en vertu de la Loi. Alors que le DRS est étroitement lié aux alinéas 12(1)o) et 18(1)m) de la Loi, la substance et la nature d’un paiement en vertu du DRS sont déterminées selon le paragraphe 23(2) de la LGFP. L’obligation du contribuable de payer l’impôt découle de la Loi alors que le pouvoir et l’obligation du ministre de remettre une partie de l’impôt payé ou payable découlent de la LGFP. Cette loi ne prévoit pas le versement d’intérêts sur des montants qui demeureraient en suspens une fois que tous les montants dus et payables par les deux parties sont compensés, si la répartition devait favoriser le contribuable. Enfin, le simple fait que le ministre a versé des intérêts sur les paiements de DRS dans le passé n’a pas créé une obligation à cet égard et n’a pas non plus modifié le DRS ou la LGFP.
Quant à l’année d’imposition 1996, une décision révisée quant au droit des demanderesses à une remise pour l’année d’imposition 1996 a été rendue par le ministre en juin 2003, laquelle remise a été appliquée au paiement des dettes fiscales des demanderesses. En août 2003, par voie d’avis d’opposition, les demandereses ont demandé que leur soient versés les intérêts sur remboursement à l’égard de leur année d’imposition 1996 et ont prétendu que l’ARC les avait informées verbalement pour la première fois en décembre 2010 que leur demande avait été refusée. Le ministre a soutenu que les demanderesses ont été informées de la décision dans l’avis de nouvelle cotisation de 2003. La demande des demanderesses était frappée de prescription. Elle a été déposée plus de sept ans après que le ministre eut initialement communiqué sa décision aux demanderesses et par conséquent, la demande ne pouvait être traitée. Il n’y avait aucune raison de justifier l’octroi d’une prorogation du délai de production. La communication du ministre dans l’avis de nouvelle cotisation de juin 2003 informant les demanderesses qu’elles n’avaient pas droit aux intérêts sur remboursement pour l’année d’imposition 1996 valait décision. Le délai de présentation d’une demande de contrôle judiciaire n’est pas prorogé par la production d’un avis d’opposition en vertu de la Loi. La remise est accordée en vertu de la LGFP. Par conséquent, l’ARC n’avait pas le pouvoir de réexaminer la décision du ministre en vertu des dispositions en cas d’opposition à la cotisation calculée en vertu de la Loi. Donc, dans le meilleur des cas, l’avis d’opposition équivalait à une demande incorrecte faite au ministre de réexaminer sa décision; il n’avait pas pour effet de proroger le délai pour présenter la demande de contrôle judiciaire. La communication verbale de l’ARC informant les demanderesses que le ministre avait refusé leur demande n’équivalait pas à un réexamen de l’admissibilité des demanderesses aux intérêts sur remboursement. Le refus de réexaminer une décision antérieure ne proroge pas le délai pour demander le contrôle judiciaire de la décision telle qu’elle a été communiquée la première fois.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Décret de remise relatif à Syncrude, C.R.C., ch. 794.
Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 12(1)o), 18(1)m), 164, 248(11).
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 17(1), 23.
Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 31(2).
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(2).
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Canada (Procureur général) c. Imperial Oil Resources Limited, 2009 CAF 325; Canada (Procureur général) c. Hennelly, 1999 CanLII 8190 (C.A.F.).
décisions examinées :
Pacific Vending Ltd. c. La Reine, 2001 CanLII 649 (C.C.I.); Atlantic Coast Scallop Fishermen’s Association c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1995] A.C.F. no 1347 (C.A.) (QL); Canada c. Berhad, 2005 CAF 267.
décisions citées :
Canada c. Perley, 1999 CanLII 7740 (C.A.F.); Gladstone c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 21, [2005] 1 R.C.S. 325; Janda Products Canada Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CF 1516.
DEMANDES de contrôle judiciaire dont l’une contestait la décision du ministre du Revenu national de ne pas accorder de l’intérêt accumulé sur les prétendus « paiements en trop » d’impôt des demanderesses versés à l’Agence du revenu du Canada pour l’année d’imposition 1999 et l’autre portait sur la production dans les délais par les demanderesses de la demande d’intérêts sur remboursement qui auraient couru au cours de l’année d’imposition 1996. Demandes rejetées.
ONT COMPARU
Al Meghji et Peter Macdonald pour les demanderesses.
William Softley et Rosemary Fincham pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Osler, Hoskin & Harcourt, S.E.N.C.R.L., s.r.l., Ottawa, pour les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
La juge Gagné :
Aperçu général
[1] La Cour est saisie de deux demandes de contrôle judiciaire déposées par la société Imperial Oil Resources Limited (dossier T-1-05) et la société Imperial Oil Resources Ventures Limited (dossier T-2155-10) (ci-après appelées collectivement Imperial Oil) à l’encontre du ministre du Revenu national (le ministre) concernant le Décret de remise relatif à Syncrude, C.R.C., ch. 794 (le DRS), une initiative prise en 1976 par le gouvernement fédéral pour procurer un allègement fiscal fédéral aux participants du projet Syncrude (sables bitumineux) dans le nord de l’Alberta. Cet allègement fiscal servait à compenser la hausse des redevances payables au gouvernement albertain qui, à partir de 1974, devaient être incluses dans le revenu imposable des participants. Essentiellement, jusqu’en 2003, les participants du projet Syncrude avaient droit à une remise de l’impôt fédéral payé sur le montant qu’ils versaient à l’Alberta au titre des redevances.
[2] Ces demandes de contrôle judiciaire ont été instruites en même temps que le dossier T-1382-06. Les motifs liés à ce dossier, qui traite du droit à la remise pour l’année d’imposition 2001, feront l’objet d’un jugement connexe. Ces 3 dossiers constituent des procès types; 44 autres dossiers sont actuellement en suspens devant la Cour.
[3] La ligne commune des demandes dont il s’agit en l’espèce concerne la conviction d’Imperial Oil qu’un décret de remise est la même chose que le remboursement d’un paiement d’impôt en trop aux termes de l’article 164 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la LIR), le résultat étant que le gouvernement fédéral serait redevable des intérêts sur la remise finalement accordée à Imperial Oil pour une année donnée, tout comme il est redevable des intérêts à un contribuable sur l’impôt qu’il a payé en trop à l’Agence du revenu du Canada (ARC).
[4] Le ministre prétend ne pas être redevable d’intérêts sur les remises, car ce sont des obligations fiscales dont l’ARC avait déchargé les participants, et non des « paiements en trop » au sens de l’article 164 de la LIR. En pratique, le ministre impute la remise accordée sur la dette fiscale d’Imperial Oil envers le gouvernement fédéral pour une année d'imposition donnée; à ce titre, la remise ne réduit pas sa dette fiscale, mais modifie simplement son recouvrement.
[5] Plus précisément, le dossier T-1-05 concerne une demande de contrôle judiciaire déposée à l’encontre de la décision du ministre de ne pas accorder les intérêts courus sur un prétendu « paiement en trop » d’impôt à l’ARC pour l’année d'imposition 1999.
[6] Le dossier T-2155-10 concerne quant à lui une demande relative au dépôt en temps opportun de la réclamation d’Imperial Oil pour les intérêts sur remboursement courus durant l’année d'imposition 1996. La question à trancher est de savoir « à quel moment » le ministre est réputé avoir pris une décision concernant le paiement d’intérêts sur remboursement, permettant ainsi de savoir à quelle date a commencé à courir le délai fixé au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 (la LCF). Pour le cas où la demande aurait été déposée à l’intérieur du délai, alors Imperial Oil voudrait obtenir les intérêts sur remboursement courus sur la remise applicable depuis cette année-là.
[7] Pour les motifs exposés ci-après, ces demandes de contrôle judiciaire seront rejetées. Il n’est dû à Imperial Oil aucun intérêt sur remboursement au titre du DRS. Je suis en outre d’avis que la demande qui est l’objet du dossier T-2155-10 a été déposée hors délai.
Contexte
[8] Imperial Oil est engagée dans l’exploration et la production de pétrole, de gaz naturel, d’autres hydrocarbures et de minéraux. Par l’entremise de ses diverses filiales, elle participe à une coentreprise établie en vertu de la Convention de propriété et de gestion du projet Syncrude, qui avait été conclue aux fins d’acquisition, de mise en valeur, de construction, de maintenance et de fonctionnement du projet Syncrude (la coentreprise Syncrude).
[9] Ainsi que l’explique la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Imperial Oil Resources Limited, 2009 CAF 325 (l’arrêt Imperial Oil), qui traitait d’un désaccord antérieur sur la manière dont il fallait tenir compte du DRS dans l’établissement des droits et obligations d’Imperial Oil aux termes de la LIR, pour l’année d'imposition 1997 (aux paragraphes 3 et 4) :
En général, une redevance provinciale pour la production d’une ressource non-renouvelable représente la part de la ressource qui est réservée ou payable à la province conformément aux lois provinciales ou au contrat conclu entre la province et le producteur. Avant les événements qui ont donné lieu à la présente affaire, une redevance réservée à une province était exclue du revenu du producteur aux fins de l’impôt sur le revenu, et une redevance payable à une province était déductible dans le calcul du revenu du producteur.
Au début des années 1970, les provinces ont apporté des changements importants à la structure et au montant des redevances provinciales sur les ressources, au point où le gouvernement fédéral a perçu une menace d’érosion grave de l’assiette de l’impôt fédéral sur le revenu. Le gouvernement fédéral a répondu en apportant des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. Les modifications visaient à assurer que l’allègement fiscal fédéral pour les redevances soit limité à un montant jugé approprié par le gouvernement fédéral. Les modifications ont été adoptées le 13 mars 1975, lesquelles sont entrées en vigueur après le 6 mai 1974.
[10] Les premières modifications comprenaient l’adoption des alinéas 12(1)o) et 18(1)m) de la LIR. Par l’opération combinée de ces dispositions, un producteur de ressources, au moment de calculer son revenu aux fins de l’impôt sur le revenu, devait inclure toute redevance pétrolière payable à une province, sans pouvoir la déduire.
[11] Alors que les modifications relatives à la redevance pétrolière étaient apportées à la LIR, la mise en valeur des sables bitumineux du nord de l’Alberta venait de commencer. En 1975, les compagnies pétrolières engagées dans cette mise en valeur (dont les sociétés remplacées par Imperial Oil) ont élaboré avec l’Alberta une entente contractuelle sur les redevances appelée « Alberta Crown Agreement », dont l’objet était de confirmer l’accord entre la province de l’Alberta et les participants de la coentreprise Syncrude sur la redevance à payer à l’Alberta pour le projet Syncrude (les redevances Syncrude).
[12] À titre de compensation pour cette nouvelle entente sur les redevances, les producteurs de ressources ont obtenu le droit à un dégrèvement fédéral, remplacé en 1976 par une nouvelle déduction légale appelée « déduction relative aux ressources ». Ces mesures offraient un allègement fiscal en remplacement de ce que le gouvernement fédéral jugeait être une redevance raisonnable sur les bénéfices tirés de ressources.
[13] Dans cet esprit, le gouverneur en conseil a pris, le 6 mai 1976, le DRS, qui contient notamment ce qui suit (à l’alinéa 3(1)a)) :
3. (1) Sous réserve du paragraphe (2), remise est accordée à chaque participant de tout impôt payable pour une année d’imposition en vertu de la Partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu et qui résulte de l’application des dispositions relatives aux redevances aux
a) montants à recevoir et à la juste valeur marchande des biens à recevoir par la Couronne à titre de redevance, d’impôt, de loyer ou de prélèvement à l’égard du projet Syncrude, ou à titre de montant, quelle que soit la manière dont il est décrit, qui peut raisonnablement être considéré comme remplaçant un des montants qui précèdent;
[14] Avant de prendre le DRS, le gouvernement fédéral avait envisagé deux options : offrir l’allègement promis aux participants en apportant une modification à la LIR, ou le leur offrir en prenant un décret de remise en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la LGFP). Il a finalement choisi la deuxième option. Le DRS a donc été promulgué en vertu du paragraphe 17(1) de la LGFP, tel que ce paragraphe était libellé en 1976. Il n’est pas contesté que le paragraphe 17(1), selon son libellé à l’époque, est essentiellement le même que le paragraphe 23(2) actuel :
23. […] |
|
(2) Sur recommandation du Conseil du Trésor, le gouverneur en conseil peut, s’il le juge d’intérêt public, faire remise de tous droits, taxes ou pénalités. |
Remise de taxes ou de pénalités |
[15] Afin d’expliquer le DRS, une décision anticipée en matière d’impôt (DAMI) fut émise le 29 avril 1976. La DAMI portait sur le traitement des obligations et responsabilités d’Imperial Oil aux termes de la LIR. Ainsi, en application du DRS et de la DAMI, Imperial Oil avait droit à la remise d’un impôt spécifique payable dans les circonstances prévues par le DRS, et elle obtenait, grâce à la remise, une exonération correspondante de ses obligations et responsabilités aux termes de la LIR. Les versements et autres paiements d’impôt, d’intérêts et de pénalités seraient calculés quant à eux sur cette base. Les passages de la DAMI qui nous concernent sont ainsi rédigés [au paragraphe 18 de l’arrêt Imperial Oil] :
[traduction]
A. Tant que le décret de remise est en vigueur, à chaque année d’imposition, l’impôt remis à Imperial ramènera l’impôt payable par ailleurs en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada au montant qui serait payable au motif que :
1. la part de 50 % du bénéfice net estimé de la coentreprise de l’Alberta, les matières louées en règlement de cette quote-part du bénéfice et le produit de leur disposition, détenus par Alberta Royalty en vertu de l’Alberta Crown Agreement, ne seront pas imposables pour Imperial ou pour Syncrude [Canada Ltd.] en vertu des alinéas 12(1)o) ou 18(1)m) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.
2. la redevance de production brute réservée à Alberta Royalty en vertu de l’Alberta Crown Agreement ainsi que le produit de la disposition ne seront pas imposables pour Imperial ou pour Syncrude [Canada Ltd.] aux termes des alinéas 12(1)o) ou 18(1)m) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.
3. la redevance payable à Alberta Royalty aux termes des concessions en application des dispositions de la Mines and Minerals Act de la province d’Alberta relativement aux matières louées, ainsi que le produit de la disposition, ne sera pas imposables pour Imperial ou pour Syncrude [Canada Ltd.] en vertu des alinéas 12(1)o) ou 18(1)m) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.
[...]
C. Les versements et autres paiements de l’impôt, des intérêts et des pénalités prescrits en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada pour toutes les années pertinentes seront calculés selon les procédures établies ci-dessus. [Souligné par la juge Sharlow.]
[16] Imperial Oil soutient que le DRS devait néanmoins s’appliquer en tant que « modification apportée à la LIR ». À ce propos, elle se réfère [au paragraphe 17 de l’arrêt Imperial Oil] à une lettre envoyée le 28 avril 1976 par un haut fonctionnaire du ministère des Finances au personnel chargé des décisions anticipées :
[traduction] À votre demande, je vous écris pour confirmer que le gouvernement avait manifestement l’intention de faire en sorte que la remise ci-jointe ait pour effet de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu à toutes les fins.
[17] L’application du DRS n’a suscité aucune controverse jusqu’en 1997, année où un différend a surgi à propos du montant applicable du décret de remise et des intérêts connexes pour cette année-là. Dans l’arrêt Imperial Oil, la Cour d'appel fédérale a infirmé une décision de la Cour fédérale selon laquelle il y avait eu versement insuffisant de la remise.
[18] Point intéressant à relever ici, Imperial Oil avait formé un appel incident contre le jugement de la Cour fédérale, laquelle avait au départ accordé des intérêts sur le moins-perçu de la remise, en application du paragraphe 31(2) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50. Imperial Oil avait soutenu devant la Cour d’appel fédérale qu’une remise s’apparente au remboursement d’un paiement d’impôt en trop aux termes de la LIR, le résultat étant que les intérêts devraient courir sur le montant total de la remise pour 1997, et pas simplement sur le montant du prétendu manque à recevoir.
[19] Dans l’arrêt Imperial Oil, la Cour d'appel fédérale a rejeté l’appel incident, au vu des faits soumis, pour l’exercice 1997, mais n’a pas exprimé d’opinion sur l’argument juridique. Je reproduis ici les passages pertinents de l’arrêt (aux paragraphes 38 à 46) :
De par sa formulation, le Décret de remise relatif à Syncrude remet l’impôt payable en vertu de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le Décret de remise relatif à Syncrude est muet quant au paiement des intérêts.
Il ressort du point C de la décision anticipée en matière d’impôt précitée que les autorités fiscales ont décidé en 1976 que le Décret de remise relatif à Syncrude devait être administré en précisant que la détermination de l’obligation d’Imperial de payer les intérêts sur le solde impayé de l’impôt de la partie I, ou sur les tardifs ou insuffisants de l’impôt de la partie I, doit prendre en considération la remise de l’impôt de la partie I. Ni l’une ni l’autre des parties ne prétend que cela est erroné en droit. La question soulevée dans l’appel incident est différente, c’est-à-dire à savoir si Imperial avait droit aux intérêts sur l’impôt remboursé en vertu de l’article 164 de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Je suis d’accord avec la Couronne pour dire qu’il n’existe aucune loi ni aucun règlement qui prévoit un droit aux intérêts sur un paiement fait à une personne en vertu d’un décret de remise d’impôt, même si le décret donne lieu à un remboursement d’une dette fiscale déjà payée. Je conviens également que l’argument d’Imperial selon lequel elle devrait avoir droit à un versement d’intérêts, sinon la Couronne est injustement enrichie, n’a aucun fondement.
Il ne reste plus qu’à examiner l’argument d’Imperial selon lequel, comme le Décret de remise relatif à Syncrude réduit l’impôt payable par Imperial en vertu de la partie I, le montant de la remise devrait être pris en considération pour décider si Imperial a droit au remboursement des intérêts en vertu de l’article 164 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le juge O’Reilly n’a pas abordé ce point dans ces motifs, mais il a ordonné que intérêts soient payables sur le montant accordé par son jugement en vertu du paragraphe 31(2) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif. La Couronne avait reconnu, à juste titre selon moi, que si Imperial avait droit à un jugement pour le solde impayé de la remise pour l’année 1997, le paragraphe 31(2) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif s’appliquerait au jugement.
Les intérêts créditeurs ne sont payables en vertu de l’article 164 de la Loi de l’impôt sur le revenu que sur un « paiement en trop » pour une année en particulier. Selon la définition donnée au paragraphe 164(7), un « paiement en trop » fait par un contribuable pour une année est essentiellement l’excédent du total des sommes versées sur les montants dont le contribuable est redevable pour l’année sur le montant qu’il doit payer. Imperial prétend qu’elle a droit aux intérêts créditeurs pour l’année 1997 parce qu’elle a payé un montant plus élevé au titre de l’impôt qu’elle devait payer pour 1997 que le montant qui a été déterminé, en tenant compte du montant de l’impôt de la partie I remis pour l’année 1997 en vertu du Décret de remise relatif à Syncrude.
À mon avis, Imperial n’a pas établi qu’elle avait droit aux intérêts créditeurs pour l’année 1997.
Il est possible d’établir, à partir du dossier, le montant de l’impôt qu’Imperial devait payer pour 1997 calculé en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et du Règlement de l’impôt sur le revenu, et il est aussi possible d’établir le montant de la remise de l’impôt de la partie I pour cette année-là. Toutefois, il est impossible de savoir quels paiements, le cas échéant, Imperial a faits au titre de l’impôt qu’elle devait payer pour 1997.
Par conséquent, même si je devais présumer que l’argument d’Imperial dans le cadre de l’appel incident est fondé en droit, il est impossible de déterminer, à la lumière du dossier, si Imperial a droit aux intérêts créditeurs. Il en est ainsi parce que le dossier ne permet pas de conclure que le total des paiements faits par Imperial au titre de l’impôt qu’elle devait payer pour l’année 1997 était supérieur à sa dette fiscale de 1997 après avoir pris la remise en considération.
Dans ces circonstances, l’appel incident d’Imperial doit être rejeté en fonction des faits. Il n’est pas nécessaire de me prononcer sur l’argument juridique d’Imperial dans le cadre de l’appel incident et je refuse de le faire. [Non souligné dans l'original.]
C’est là le point principal soulevé par les présentes demandes de contrôle judiciaire.
[20] Imperial Oil soutient que, durant une vingtaine d’années avant l’arrêt Canada c. Perley, 1999 CanLII 7740 (C.A.F.) (l’arrêt Perley), le ministre et les participants de Syncrude ont appliqué le DRS comme partie intégrante de la LIR — en interprétant le DRS comme s’il autorisait tout simplement la déduction des redevances Syncrude dans le calcul du revenu imposable. Plus précisément, avant 1998, il n’y avait dans la déclaration de revenus des sociétés aucune ligne distincte sur laquelle un participant de Syncrude pouvait inscrire une déduction de redevances Syncrude en application du DRS (ou inscrire les impôts par ailleurs payables qui seraient remis conformément au DRS). Selon la pratique observée chez les participants de Syncrude (pratique acceptée par le ministre), les participants obtenaient tout simplement l’allègement prévu par le DRS en n’incluant pas les redevances Syncrude dans le calcul de leur revenu imposable.
[21] Pour sa part, le ministre soutient que sa décision selon laquelle des intérêts sur remboursement n’étaient pas payables au titre de la remise s’accordait avec la manière dont il avait jusque-là appliqué le DRS. Plus précisément, la pratique consistait à supprimer la remise du calcul des intérêts sur remboursement. Cela n’avait pas toujours été fait avec succès, mais l’intention du ministre était de ne pas autoriser les intérêts sur les remises. Essentiellement, les erreurs antérieures non intentionnelles produites par un programme informatique de l’ARC ne devraient pas servir de précédent pour empêcher le ministre de refuser le paiement d’intérêts qui en droit n’ont jamais été dus.
Points litigieux et norme de contrôle
[22] Les présentes demandes de contrôle judiciaire soulèvent les points suivants :
1. Imperial Oil a-t-elle droit à des intérêts sur remboursement pour l’année d'imposition 1999, calculés conformément à l’article 164 et au paragraphe 248(11) de la Loi de l'impôt sur le revenu;
2. la demande se rapportant à l’année d'imposition 1996 a-t-elle été déposée à l’intérieur du délai fixé par le paragraphe 18.1(2) de la LCF ou, subsidiairement, la Cour devrait-elle proroger le délai de dépôt de ladite demande à la date à laquelle elle a été déposée. Dans l’affirmative, Imperial Oil a-t-elle droit à des intérêts sur remboursement pour l’année d'imposition 1996?
[23] Les parties s’accordent pour dire que la norme de contrôle devant s’appliquer à la bonne interprétation du DRS et de la LIR est celle de la décision correcte, puisqu’il s’agit d’une question de droit (arrêt Imperial Oil, au paragraphe 2).
L’année d'imposition 1999 (dossier T-1-05)
Les positions des parties
[24] Les parties s’accordent pour dire que le ministre était tenu de payer à Imperial Oil le montant découlant du DRS pour l’année d'imposition 1999 et que, au lieu de payer ce montant à Imperial Oil, le ministre l’a imputé sur la dette fiscale d’Imperial Oil pour l’année.
[25] Les parties s’accordent aussi sur le montant découlant du DRS pour ladite année. Au départ, le ministre avait conclu qu’Imperial Oil avait droit, pour l’année d'imposition 1999, à une remise d’environ 1,5 million de dollars. Le 7 décembre 2004, le ministre avait révisé le montant de la remise à laquelle avait droit Imperial Oil en vertu du DRS, le ramenant à 885 918 $, à compter du 29 février 2000 (la date d’exigibilité du solde d’Imperial Oil pour l’année d'imposition 1999).
[26] Dans son avis de nouvelle cotisation datée du 27 septembre 2007, le ministre confirmait que le montant de la remise était de 885 918 $ et qu’Imperial Oil n’avait pas droit à des intérêts sur remboursement au titre de cette somme. La dette fiscale totale d’Imperial Oil envers le gouvernement fédéral pour l’année d'imposition 1999 était de 12 617 222 $.
[27] Suivant le DRS, le ministre a alors remis la somme de 885 918 $ pour l’année d'imposition 1999 d’Imperial Oil.
[28] Conformément à la DAMI, Imperial Oil devait verser des acomptes provisionnels totalisant 14 217 301,92 $ durant son année d'imposition 1999. Elle a versé des acomptes provisionnels se chiffrant à 4 200 000 $. En conséquence, elle s’est vu imposer des intérêts sur acomptes provisionnels et des pénalités qui totalisaient 470 345,47 $.
[29] Dans le respect du DRS et de la DAMI, le ministre a adopté une pratique comptable administrative visant à libérer Imperial Oil des arriérés d’intérêts résultant d’acomptes provisionnels tardifs ou insuffisants, jusqu’à concurrence de la remise accordée en vertu du DRS, tout en veillant aussi à ce que des intérêts sur remboursement ne soient pas payés sur les montants remis. Ainsi, bien qu’en droit une remise ne puisse être accordée tant que la dette fiscale n’est pas établie par un avis de cotisation (arrêt Perley), le ministre a quand même imputé la remise sur la dette fiscale d’Imperial Oil à la date d’exigibilité du solde, aux fins de comptabilité administrative.
[30] Le ministre décidait simultanément que la réclamation d’Imperial Oil visant au versement d’« intérêts sur remboursement » au titre de la remise n’était pas validée par la LIR, le DRS, la DAMI ou les déclarations de revenus d’Imperial Oil.
[31] Imperial Oil fait valoir pour sa part que le ministre a émis ces quatre remboursements distincts en sa faveur, pour son année d'imposition 1999 (remboursements totalisant 2 012 251 $) :
1. la somme de 46 435 $ a été remboursée le 4 juin 2001;
2. la somme de 377 454 $ a été remboursée le 7 octobre 2005;
3. la somme de 648 967 $ a été remboursée le 26 juillet 2006;
4. la somme de 939 295 $ a été remboursée le 5 octobre 2007.
[32] Les impôts à payer étaient donc moindres que les paiements totaux au titre de sa dette fiscale (15 643 107 $ contre 17 608 823 $). La différence, d’affirmer Imperial Oil, était due à titre de remboursement, avec intérêts.
[33] Selon Imperial Oil, lorsque le ministre affirme qu’aucun intérêt sur remboursement ne lui est payable en l’occurrence, il interprète simultanément, et d’une manière contradictoire, les dispositions correspondantes de la LIR :
1. Le ministre a estimé, à juste titre, qu’Imperial Oil avait droit à un remboursement conformément au paragraphe 164(1), en tenant pour acquis qu’il y avait eu paiement en trop au sens du paragraphe 164(7) (le montant découlant du DRS étant imputé sur la dette fiscale d’Imperial Oil).
2. Toutefois, le ministre a considéré, à tort, qu’Imperial Oil n’avait pas droit à des intérêts sur remboursement en application du paragraphe 164(3), même si le seuil applicable pour le paiement d’intérêts sur remboursement conformément à ce paragraphe est le versement d’un remboursement, un seuil qui a été clairement établi en l’occurrence.
[34] Selon Imperial Oil, le ministre ne peut pas jouer sur les deux tableaux, surtout compte tenu que les paragraphes 164(1), 164(7) et 164(3) appellent l’analyse suivante :
1. Y a-t-il eu un paiement en trop au sens du paragraphe 164(7)?
2. Dans l’affirmative, alors le paragraphe 164(1) prévoirait un remboursement de ce paiement en trop.
3. Le paragraphe 164(3) obligerait le ministre à payer des intérêts, au taux réglementaire, sur ce remboursement durant la période indiquée au paragraphe 164(3).
[35] S’il est répondu par l’affirmative à la question no 1, alors les assertions nos 2 et 3 vont de soi. On ne peut pas conclure à l’existence d’un paiement en trop sans se demander si le paragraphe 164(3) autoriserait le paiement d’intérêts sur remboursement.
[36] Imperial Oil soutient aussi que l’interprétation préconisée par le défendeur pour les dispositions relatives aux intérêts sur remboursement ne s’accorde pas avec une analyse textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions de la LIR et du DRS relatives au remboursement et aux intérêts sur remboursement.
[37] L’interprétation textuelle du paiement en trop, selon la définition que donne de cette expression le paragraphe 164(7), requiert de prendre en compte tous les montants payés au titre de la dette du contribuable pour l’année lorsqu’on se demande si un « paiement en trop » existe (ce qui inclut donc la remise découlant du DRS).
[38] Une interprétation contextuelle et téléologique requiert par ailleurs que le ministre considère le droit d’Imperial Oil à des intérêts sur remboursement d’une manière qui s’accorde avec la DAMI et avec la volonté explicite du gouvernement fédéral de faire en sorte que le DRS s’applique comme s’il était une modification apportée à la LIR. Plus précisément, à l’époque où le DRS a été pris, les parties avaient convenu que le calcul des acomptes provisionnels, des impôts à payer et des intérêts prendrait en compte l’incidence du DRS sur les redevances Syncrude, et les parties sont allées de l’avant en tenant cela pour acquis. La DAMI et le DRS ont été rédigés simultanément.
[39] Le ministre est en désaccord. Selon lui, à aucun moment avant le 24 avril 2007, le total des sommes versées sur les montants dont Imperial Oil était redevable au titre de sa dette fiscale en vertu des parties I [articles 2 à 180], I.3 [articles 181 à 181.71], VI [articles 190 à 190.211] ou VI.1 [articles 191 à 191.4] pour son année d'imposition 1999 n’a dépassé les montants dont Imperial Oil était redevable en vertu de la nouvelle cotisation établie par le ministre. Ce n’est qu’à la faveur de nouvelles cotisations autorisant des reports de pertes en amont que les paiements d’Imperial Oil au titre de sa dette fiscale ont finalement dépassé sa dette fiscale au 24 avril 2007, et à cette date uniquement à hauteur de 53 377 $. Le ministre a dûment calculé des intérêts sur remboursement de 1 389,37 $ au titre du paiement en trop de 53 377 $, conformément à l’article 164 de la LIR.
[40] Par ailleurs, le ministre a conclu que les montants de 46 535 $, de 377 454 $, de 648 967 $ et de 939 295 $ remis conformément au DRS n’avaient pas été, au sens de l’article 164 de la LIR, remboursés à Imperial Oil, ni imputés sur un autre montant dont Imperial Oil était redevable. Le ministre a décidé que la portion applicable de l’impôt dont était redevable Imperial Oil avait été remise en application du DRS, non en application de la LIR, et seulement après que l’impôt à payer avait été fixé par la nouvelle cotisation du ministre.
[41] Zul Ladak, le spécialiste de l’ARC pour l’industrie pétrolière et gazière, qui intervient à titre consultatif dans l’application du DRS, explique que le ministre est parti du principe qu’Imperial Oil n’avait fait aucun paiement d’impôt en trop au sens de l’alinéa 164(7)b) de la LIR. S’agissant des sociétés, l’alinéa 164(7)b) de la LIR définit ainsi un paiement en trop fait par un contribuable : « le total des sommes versées sur les montants dont la société est redevable en vertu de la présente partie ou des parties I.3, VI ou VI.1 pour l’année, moins ces mêmes montants ».
[42] Le ministre a aussi conclu que l’article 23 de la LGFP confère au gouverneur en conseil le pouvoir de « faire remise de toutes taxes ou pénalités, ainsi que des intérêts afférents », mais que l’article 23 ne confère aucun pouvoir de payer une somme autrement que par remboursement ou remise. Le ministre a donc tenu pour acquis que ni le DRS, qui a été pris conformément à l’article 23 de la LGFP, ni sa loi habilitante, n’envisageaient le paiement d’« intérêts sur remboursement ».
[43] S’agissant de la DAMI, le ministre la croyait conforme à son interprétation de l’article 164 de la LIR.
[44] La décision du ministre s’accordait aussi avec les déclarations de revenu d’Imperial Oil, qui, elles non plus, ne considéraient pas le DRS comme une modification apportée à la LIR.
Analyse
[45] Un décret de remise, tel le DRS, n’est pas un accord ni un contrat — c’est une mesure exceptionnelle qui permet d’accorder un allègement à un contribuable quand le résultat souhaité ne pourrait pas être atteint autrement à l’aide de la législation fiscale (Gladstone c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 21, [2005] 1 R.C.S. 325, au paragraphe 20). La remise libère le contribuable des effets de l’application du texte de loi auquel est soumis le reste de la société canadienne. À ce titre, il s’agit d’un « pouvoir discrétionnaire du ministre » (Pacific Vending Ltd. c. La Reine, 2001 CanLII 649 (C.C.I.), au paragraphe 7). Comme cela le donne à entendre, l’étendue de l’allègement accordé par l’organe législatif n’est pas subordonné à une obligation d’équité ni à l’intervention d’une cour de justice (Janda Products Canada Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CF 1516, au paragraphe 21).
[46] Le ministre a validement conclu qu’Imperial Oil n’a pas droit à des intérêts sur remboursement au titre d’une remise, pour les raisons suivantes :
1. il n’existe aucun droit à des intérêts sur remboursement au titre d’une remise en vertu de quelque contrat ou texte de loi;
2. il n’existe aucun droit à des intérêts sur remboursement au titre d’une remise en vertu de la LIR, car :
i) la remise n’est pas un montant remboursé au sens de l’article 164 de la LIR;
ii) la remise accordée en vertu de la LGFP n’entraînait pas, en elle-même, un paiement d’impôt en trop pour l’application de l’article 164 de la LIR;
iii) la remise découlant du DRS n’est pas un paiement au titre de la dette fiscale d’Imperial Oil, mais plutôt un allègement de cette dette;
3. la bonne interprétation des dispositions de la LIR relatives au remboursement n’est pas guidée ni modifiée par le DRS, la DAMI ou la pratique administrative du ministre (voir l’arrêt Imperial Oil, au paragraphe 28).
[47] En règle générale, sauf si une loi ou un contrat le prévoit explicitement, il ne peut pas être réclamé d’intérêts contre la Couronne. Et comme la Cour d’appel fédérale le rappelait à Imperial Oil dans l’arrêt Imperial Oil, au paragraphe 40, « il n’existe aucune loi ni aucun règlement qui prévoit un droit aux intérêts sur un paiement fait à une personne en vertu d’un décret de remise d’impôt, même si le décret donne lieu à un remboursement d’une dette fiscale déjà payée ». D’où les efforts faits par Imperial Oil pour convaincre la Cour que, quand le ministre a décidé d’imputer les paiements découlant du DRS sur la dette fiscale d’Imperial Oil, il agissait en vertu du pouvoir que lui conférait la LIR, et que, de cette manière, la remise qui épongeait la dette fiscale d’Imperial Oil pour cette année-là était imputée sur les montants dont Imperial Oil était redevable au sens du paragraphe 164(7) de la LIR et avait pour effet d’occasionner un paiement en trop.
[48] Cependant, selon la LIR, le ministre n’a pas le pouvoir de remettre des impôts que doit par ailleurs payer un contribuable. Ce pouvoir n’est conféré que par la LGFP et, dans le cas présent, par le DRS.
[49] Il me semble qu’Imperial Oil confond la nature de l’obligation du ministre avec la manière dont cette obligation est ou a été accomplie.
[50] Selon le DRS, le ministre avait le pouvoir et l’obligation d’annuler la dette fiscale d’un producteur découlant des alinéas 12(1)o) et 18(1)m) de la LIR, y compris les intérêts courus sur cette dette. Par définition, pour qu’une dette ou une obligation soit annulée, elle doit être établie avec certitude. Cependant, suivant les circonstances, la remise pourrait être faite par émission d’un chèque en remboursement de l’impôt payé pour une année donnée, par compensation de sommes également échues et exigibles une fois la cotisation définitive établie, ou par annulation de la dette du contribuable selon ce qui ressort de la cotisation définitive. Ce ne sont là que divers mécanismes par lesquels le ministre peut accomplir son obligation aux termes du DRS. Quel que soit le mécanisme retenu, il n’entraîne pas pour le ministre, dans l’application du DRS, une obligation de payer des intérêts sur remboursement aux termes de la LIR.
[51] Le ministre a choisi d’imputer la remise sur la dette fiscale d’Imperial Oil comme moyen de donner effet au DRS, et plus précisément à son incidence sur « les versements et autres paiements de l’impôt, des intérêts et des pénalités prescrits en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada » pour ce qui concerne Imperial Oil (voir le point C de la DAMI).
[52] Le DRS est étroitement lié aux alinéas 12(1)o) et 18(1)m) de la LIR, deux dispositions qui servent à établir le quantum des paiements devant être effectués au producteur en vertu du DRS. Cependant, la substance et la nature du paiement résultant du DRS sont celles que détermine le paragraphe 23(2) de la LGFP.
[53] L’obligation du contribuable de payer des impôts découle de la LIR tandis que le pouvoir et l’obligation du ministre de remettre une partie des impôts payés ou à payer découlent de la LGFP. La LGFP ne prévoit pas le paiement d’intérêts sur une somme qui resterait à percevoir après compensation de toutes les sommes par ailleurs dues et exigibles de la part des deux parties, pour le cas où le solde serait en faveur du contribuable.
[54] Finalement, le simple fait que le ministre a versé des intérêts par le passé sur des paiements effectués au titre du DRS, intérêts qui ont été ajoutés automatiquement par le programme informatique du ministre, n’entraîne pas une obligation pour celui-ci, ni ne modifie le DRS ou la LGFP.
L’année d'imposition 1996 (T-2155-10)
Les positions des parties
[55] Le 10 juin 2003, le ministre a revu le droit d’Imperial Oil à la remise visant l’année d’imposition 1996, en ramenant à 11 682 097 $ la remise découlant du DRS. Les parties s’accordent maintenant pour dire que c’est là le montant exact de la remise à laquelle avait droit Imperial Oil.
[56] Le ministre n’a pas envoyé de chèque à Imperial Oil pour la remise accordée. Comme il l’a fait pour l’année d’imposition 1999, il a plutôt imputé le montant découlant du DRS sur la dette fiscale d’Imperial Oil.
[57] Comme pour l’année d’imposition 1999, Imperial Oil soutient que, en plus de ce montant, elle avait aussi versé des acomptes provisionnels totalisant 172 286 000 $. Les impôts à payer pour l’année d’imposition 1996 (174 515 164 $) étaient donc moindres que les paiements totaux sur la dette fiscale d’Imperial Oil à la date d’exigibilité du solde d’Imperial Oil pour cette année-là (à savoir 183 968 070 $).
[58] Par avis d’opposition daté du 26 août 2003, Imperial Oil a demandé que des intérêts sur remboursement lui soient versés pour son année d’imposition 1996 et comptait sur un allègement d’au moins 5 000 000 $ en intérêts additionnels. Imperial Oil reconnaissait par là vouloir obtenir un allègement par l’entremise du processus administratif des oppositions, ou par l’entremise de la Cour de l’impôt, non par celle de la Cour fédérale.
[59] Imperial Oil prétend que la communication orale d’un fonctionnaire de l’ARC en date du 13 décembre 2010 constitue la première fois qu’elle a su que l’ARC ne paierait pas les intérêts sur remboursement qu’elle avait demandés dans son avis d’opposition.
[60] Le ministre est en désaccord. Selon lui, c’est l’avis de nouvelle cotisation de 2003 qui a constitué cette première fois. L’ARC avait d’ailleurs auparavant, et à plusieurs reprises, confirmé aux représentants d’Imperial Oil qu’il n’existait, suite à la remise, aucun droit à des intérêts sur remboursement. En outre, avant 2003, Imperial Oil avait même déposé une demande de contrôle judiciaire sur la question des intérêts en 2002, dans l’arrêt Imperial Oil, et cela sur le fondement d’un avis de nouvelle cotisation.
Analyse
[61] La Cour se range à l’avis du défendeur pour qui cette demande de contrôle judiciaire a été déposée hors délai. La demande n’a été déposée que sept ans après que le ministre eut communiqué à l’origine sa décision à Imperial Oil. La Cour estime donc ne pouvoir laisser la présente demande suivre son cours. Aucune raison ne justifie l’octroi d’une prorogation du délai de dépôt.
[62] Le délai de dépôt d’une demande de contrôle judiciaire est fixé au paragraphe 18.1(2) de la LCF :
18.1 […] |
|
(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder. [Non souligné dans l'original.] |
Délai de présentation |
[63] Les mots « “première communication” » signifient que le paragraphe 18.1(2) exige de l’instance décisionnelle qu’elle accomplisse « un acte positif quelconque pour communiquer ses décisions aux parties directement touchées » (Atlantic Coast Scallop Fishermen’s Association c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1995] A.C.F. no 1347 (C.A.) (QL), au paragraphe 6).
[64] Comme le concède Imperial Oil, l’opinion du ministre selon laquelle Imperial Oil n’avait pas droit à des intérêts sur remboursement pour son année d’imposition 1996 lui a été communiquée dans l’avis de nouvelle cotisation daté du 10 juin 2003. Cette communication, qui s’accordait avec la pratique antérieure, était considérée comme une décision.
[65] Le délai de dépôt d’une demande de contrôle judiciaire n’est pas prorogé par le dépôt d’un avis d’opposition aux termes de la LIR. La remise est accordée en application de la LGFP, qui ne prévoit aucun droit d’appel. L’ARC n’avait donc pas le pouvoir de réexaminer la décision du ministre aux termes des dispositions régissant une opposition à un avis de cotisation établi en vertu de la LIR. Par conséquent, au mieux, l’avis d’opposition équivaut à une demande irrégulière adressée au ministre pour qu’il réexamine sa décision, ce qui n’a pas pour effet de proroger le délai de dépôt d’une demande de contrôle judiciaire.
[66] La communication orale sur laquelle se fonde Imperial Oil est invoquée mal à propos. L’agent de l’ARC avait informé Imperial Oil que le ministre ne paierait pas d’intérêts sur remboursement, parce que son opposition ne pouvait pas être considérée d’après les dispositions de la LIR sur les voies de recours. Cela n’équivaut pas à une décision nouvelle sur le droit d’Imperial Oil à des intérêts sur remboursement. Le refus de réexaminer une décision antérieure n’a pas pour effet de reporter à plus tard la date de première communication de la décision susceptible de contrôle judiciaire.
[67] Par ailleurs, la Cour ne voit aucune raison d’accorder une prorogation du délai. Le critère applicable pour le recours à ce pouvoir discrétionnaire est énoncé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly, 1999 CanLII 8190 (C.A.F.), au paragraphe 3 :
1. une intention constante du demandeur de poursuivre sa demande;
2. que la demande est bien-fondé;
3. que le défendeur ne subis pas de préjudice en raison du délai; et
4. qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai.
[68] Aucune de ces conditions n’est remplie.
[69] Imperial Oil a choisi de faire valoir ses arguments concernant les intérêts sur remboursement pour l’année d’imposition 1996 en invoquant le régime des oppositions aux avis de cotisation établis en vertu de la LIR, régime pour lequel la voie de réformation est un appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Ce n’est que sept ans plus tard qu’elle a manifesté son intention de déposer une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.
[70] Considérant que, pour les motifs exposés ci-haut, Imperial Oil n’avait aucun droit à des intérêts sur remboursement, la présente demande de contrôle judiciaire est dépourvue de bien-fondé.
[71] L’intérêt public est mieux servi par l’attribution d’un caractère définitif aux décisions administratives, « afin que les décisions administratives […] puissent […] être exécutées sans délai, apportant la tranquillité d’esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu’elle soit observée, souvent à grand frais » (Canada c. Berhad, 2005 CAF 267, au paragraphe 60).
[72] Finalement, Imperial Oil a déposé dans le délai ses demandes connexes. Il n’existe aucune explication raisonnable justifiant en l’espèce le délai de sept ans.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. Les demandes de contrôle judiciaire déposées dans les dossiers T-1-05 et T-2155-10 sont rejetées;
2. Les demanderesses sont condamnées aux dépens.