T-582-01
2002 CFPI 129
Le procureur général du Canada et Bruce Hartley (demandeurs)
c.
Le Commissaire à l'information du Canada (défendeur)
Répertorié: Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information) (1re inst.)
Section de première instance, juge McKeown--Toronto, 19, 20 novembre 2001; Ottawa, 1er février 2002.
Accès à l'information -- Demandes de contrôle judiciaire découlant de demandes de communication de documents à la suite desquelles des plaintes avaient été déposées devant le Commissaire à l'information -- La personne qui demandait la communication s'était vu refuser l'accès aux documents et avait déposé une plainte devant le Commissaire à l'information conformément à l'art. 30 de la Loi sur l'accès à l'information -- Il s'agissait de savoir si la transcription des procédures tenues à huis clos devant le Commissaire à l'information devait être déposée devant la Cour sur une base confidentielle -- Le Commissaire à l'information est un protecteur neutre agissant à titre de médiateur plutôt que d'arbitre -- Les tribunaux hésitent à intervenir dans les enquêtes dûment autorisées -- La Loi n'empêchait pas la Cour d'obtenir la transcription confidentielle.
Compétence de la Cour fédérale -- Section de première instance -- Le refus de faire droit à des demandes de communication de documents a donné lieu au dépôt de plaintes devant le Commissaire à l'information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information -- Il s'agissait de savoir si la Cour avait compétence pour ordonner au Commissaire à l'information de déposer une transcription confidentielle des procédures qui avaient été tenues à huis clos conformément à la règle 318-- Le législateur n'a pas accordé d'immunité au Commissaire à l'information à l'encontre du contrôle judiciaire de ses pouvoirs d'enquête -- Il est inhabituel qu'une cour intervienne dans des enquêtes dûment autorisées, mais elle doit avoir le droit d'exercer la compétence intrinsèque qu'elle possède en matière de supervision -- La Cour a compétence pour ordonner la production des transcriptions.
Parmi les 29 demandes de contrôle judiciaire qui ont été présentées en l'espèce, 26 l'ont été par le procureur général du Canada et trois furent déposées par le Commissaire à l'information en vertu des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Ces demandes découlaient toutes de quatre demandes de communication de documents qui avaient été faites au Bureau du Conseil privé, au ministère de la Défense nationale et au ministère des Transports, à la suite desquelles des plaintes avaient été déposées devant le Commissaire à l'information, qui a entamé des enquêtes. Dans les quatre cas, la personne qui demandait la communication s'était vu refuser l'accès aux documents et avait déposé une plainte devant le Commissaire conformément à l'article 30 de la Loi sur l'accès à l'information. Ces 29 demandes de contrôle judiciaire se répartissaient en sept catégories. Elles renfermaient toutes une demande conformément à la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998), pour que le Commissaire à l'information dépose et signifie certains documents qui étaient en sa possession et non pas en la possession des demandeurs, à savoir les transcriptions des audiences qui ont eu lieu devant le représentant du Commissaire à l'information. Le Commissaire à l'information a soutenu qu'il lui était interdit par la Loi sur l'accès à l'information de fournir des renseignements confidentiels à la Cour dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale et que la Cour ne pouvait pas exiger l'observation des règles 317 et 318 parce que celles-ci vont directement à l'encontre de la Loi sur l'accès à l'information qui doit l'emporter sur les Règles. Il s'agissait de savoir si la Cour avait compétence pour ordonner au Commissaire à l'information de déposer une transcription confidentielle des procédures qui avaient été tenues à huis clos conformément à la règle 318 et, dans l'affirmative, quelles sont les modalités d'exercice du pouvoir discrétionnaire que possède la Cour d'ordonner la production de pareilles transcriptions.
Jugement: la communication à la Cour des transcriptions sur une base confidentielle n'a pas été ordonnée à l'égard de trois catégories de demandes de contrôle judiciaire, mais elle l'a été à l'égard des quatre autres catégories.
Le Commissaire à l'information est un protecteur neutre chargé d'enquêter sur les plaintes découlant du refus d'un responsable d'une institution fédérale de communiquer les documents demandés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Il joue le rôle d'un médiateur plutôt que celui d'un arbitre. Il ne peut pas ordonner la divulgation de renseignements et il ne rend aucune décision en matière de responsabilité civile ou criminelle. La divulgation de renseignements dans le cadre d'un examen fondé sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale n'est pas autorisée à moins d'être nécessaire aux fins d'une enquête menée en vertu de la Loi. La Cour ne disposait d'aucun élément de preuve montrant que la divulgation était nécessaire aux fins de la tenue d'une enquête fondée sur la Loi sauf pour ce qui est de la demande relative à l'ordonnance de confidentialité présentée par Bruce Hartley dans le dossier T-582-01. Le législateur n'a pas édicté de loi qui empêcherait un tribunal d'examiner les transcriptions afin de déterminer si le Commissaire à l'information a excédé sa compétence en conduisant son enquête. Les tribunaux hésitent toujours à intervenir dans les enquêtes dûment autorisées, mais il est difficile de voir comment la Cour peut déterminer le bien-fondé des allégations que les demandeurs ont faites sans qu'un juge ait accès aux transcriptions. Le législateur ne saurait avoir accordé d'immunité au Commissaire à l'information à l'encontre du contrôle judiciaire de ses pouvoirs d'enquête. Il est inhabituel qu'un tribunal intervienne lorsque pareils pouvoirs sont en cause, mais il doit toujours avoir le droit d'exercer la compétence intrinsèque qu'il possède en matière de supervision. Dans l'arrêt Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), la Cour d'appel fédérale a statué que la confidentialité des observations qui sont faites dans le cadre d'une enquête doit être préservée pendant et après l'enquête sauf si «la Loi prescrit ou autorise la divulgation». Toutefois, l'arrêt Rubin ne se rapporte pas au cas dans lequel la transcription serait uniquement mise à la disposition de la Cour. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour ne pourrait pas ordonner que l'on observe les règles 317 et 318 si cela allait directement à l'encontre d'une loi fédérale. Toutefois, la Loi n'empêche pas un tribunal d'obtenir une transcription confidentielle. Il n'y a pas de conflit entre les règles 317 et 318 et les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Les exigences des articles 35, 62, 63 et 65 de la Loi sont claires en ce qui concerne les questions dont la Cour est saisie. Cette dernière avait compétence pour ordonner la production des transcriptions confidentielles des procédures tenues à huis clos par le Commissaire à l'information. Étant donné que les demandeurs n'ont pas demandé qu'il soit statué sur les oppositions qui ont été soulevées dans les demandes relatives aux photocopies, dans la demande d'annulation des subpoenas ou dans la demande relative au secret professionnel et qu'ils n'ont pas non plus présenté de preuve au sujet de la question de savoir si les transcriptions sont pertinentes ou nécessaires aux fins du règlement de ces demandes, la Cour n'a pas ordonné que des transcriptions soient communiquées dans chacune de ces trois catégories de demandes. Toutefois, elle a ordonné que les transcriptions appartenant aux quatre autres catégories soient déposées: les demandes relatives aux ordonnances de confidentialité, les demandes relatives au bien-fondé des questions, la demande relative à l'observation du subpoena et les demandes fondées sur les articles 37 et 38.
lois et règlements
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2b).
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 30 (mod. par L.C. 1992, ch. 21, art. 4), 35, 41, 42, 44 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 1, art. 45), 62, 63 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187), 64, 65 (mod., idem). |
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1 (édicté, idem, art. 5). |
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 37, 38. |
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1612 (édicté par DORS/92-43, art. 19). |
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 317, 318. |
jurisprudence
décisions examinées:
Rowat c. Canada (Commissaire à l'information) (2000), 193 F.T.R. 1 (C.F.1re inst.); Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information), [1998] 1C.F. 337; (1997), 5 Admin. L.R. (3d) 237; 135 F.T.R. 254 (1re inst.); Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707; (1994), 113 D.L.R. (4th) 275; 25 Admin. L.R. (2d) 241; 54 C.P.R. (3d) 511; 167 N.R. 43 (C.A.); conf. [1996] 1 R.C.S. 6; (1996), 131 D.L.R. (4th) 608; 36 Admin. L.R. (2d) 131; 66 C.P.R. (3d) 32; 191 N.R. 394.
DEMANDES DE CONTRÔLE JUDICIAIRE fondées sur la règle 317 et visant le dépôt et la signification par le Commissaire à l'information des transcriptions confidentielles des procédures tenues à huis clos devant le représentant de ce dernier. La communication des transcriptions a été refusée à l'égard de trois catégories de demandes et elle a été autorisée à l'égard des quatre autres catégories.
ont comparu:
Peter K. Doody pour les demandeurs.
Daniel Brunet, Emily McCarthy et Marlys A. Edwardh pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier:
Borden Ladner Gervais LLP, Ottawa, pour les demandeurs.
Le Commissariat à l'information, Ottawa, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
[1]Le juge McKeown: Vingt-neuf demandes de contrôle judiciaire ont été présentées par le procureur général du Canada et par certaines personnes désignées. Dans 26 demandes, le procureur général du Canada est le demandeur. Dans trois demandes fondées sur les articles 37 et 38 [de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5], le Commissaire à l'information est le demandeur et le procureur général du Canada est désigné à titre de défendeur. Ces demandes découlent toutes de quatre demandes de communication de documents qui ont été faites au Bureau du Conseil privé, au ministère de la Défense nationale et au ministère des Transports, à la suite desquelles des plaintes ont été déposées devant le Commissaire à l'information, qui a entamé des enquêtes. Voici un résumé des quatre demandes d'accès:
(a) Six requests made to the Privy Council office for access to the daily agendas of the Prime Minister of Canada for fiscal or calendar years 1994 to June 25, 1999 (the "agenda request").
a) Six demandes ont été faites au Bureau du Conseil privé en vue de la communication des agendas quotidiens du Premier ministre du Canada pour les années financières ou civiles 1994 et suivantes, et ce, jusqu'au 25 juin 1999 (la demande relative à l'agenda);
b) Une demande a été faite au Bureau du Conseil privé en vue de la communication de documents se rapportant à la nomination proposée de Conrad Black à la Chambre des lords britannique (la demande concernant M. Black);
c) Une demande a été faite au ministère de la Défense nationale en vue de la communication des procès-verbaux des réunions de gestion du «M5» pour l'année 1999 (la demande concernant le M5) ou des documents découlant de ces réunions;
d) Une demande a été faite au ministère des Transports en vue de la communication d'une copie de l'itinéraire ou du calendrier des réunions du ministre des Transports pour la période allant du 1er juin au 5 novembre 1999 (la demande relative à l'agenda du ministre des Transports).
[2]Dans les quatre cas, la personne qui demandait la communication s'était vu refuser l'accès aux documents et avait déposé une plainte devant le Commissaire conformément à l'article 30 de la Loi [Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (mod. par L.C. 1992, ch. 21, art. 4)]. Les demandeurs soutiennent que les personnes qui ont demandé la communication cherchent à avoir accès à des documents qui se trouvent dans le Cabinet du premier ministre ou dans le Cabinet d'un ministre. Ils sollicitent une ordonnance consolidant toutes les demandes et des ordonnances portant que les transcriptions des procédures qui ont eu lieu devant le représentant du Commissaire à l'information doivent être déposées sur une base confidentielle dans le cadre des demandes de contrôle judiciaire. L'avocat des demandeurs ne demande pas l'autorisation de discuter des transcriptions avec le procureur général du Canada. Seuls les avocats verront les transcriptions et les témoins qui ont signé les ordonnances de confidentialité au sujet de leurs propres transcriptions. Sur les 29 demandes de contrôle judiciaire, six se rapportent à la demande relative à l'agenda, 17 à la demande concernant le M5, quatre à la demande concernant M. Black et deux à la demande relative à l'agenda du ministre des Transports.
[3]Les deux parties conviennent que ces 29 demandes de contrôle judiciaire se répartissent en sept catégories.
[4]Trois demandes visent l'obtention d'une mesure de redressement déclaratoire portant que certains documents relèvent du Cabinet du premier ministre ou du Cabinet du ministre de la Défense nationale plutôt que du Bureau du Conseil privé ou du ministère de la Défense nationale respectivement. Elles visent également l'obtention d'un bref de certiorari annulant les subpoenas délivrés à certaines personnes employées par le Premier ministre ou par le ministre de la Défense nationale à titre de [traduction] «membres du personnel exempté». Ces trois demandes ont été présentées dans les dossiers T-1640-00, T-1641-00 et T-606-01 (ci-après collectivement appelées les «demandes d'annulation des subpoenas»).
[5]Neuf demandes visent l'obtention d'une mesure de redressement déclaratoire et d'ordonnances annulant les ordonnances de confidentialité rendues par le représentant du Commissaire à l'information, lesquelles sont dans bien des cas libellées en des termes identiques et interdisent aux demandeurs individuels de divulguer à qui que ce soit, à part leurs avocats (à qui il a été ordonné de signer des engagements similaires) tous les renseignements divulgués au cours du témoignage qu'ils ont présenté devant le représentant du Commissaire à l'information conformément aux subpoenas que celui-ci avait délivrés. Six de ces témoins témoignaient conformément à des subpoenas qui sont en cause dans les demandes d'annulation des subpoenas. Ces neuf demandes ont été présentées dans les dossiers T-582-01, T-792-01, T-877-01, T-878-01, T-883-01, T-892-01, T-1047-01, T-1254-01, T-1909-01 (ci-après collectivement appelées les «demandes relatives aux ordonnances de confidentialité»).
[6]Neuf demandes visent l'obtention d'ordonnances annulant la décision du représentant du Commissaire à l'information de photocopier les documents qui lui avaient été remis conformément aux subpoenas duces tecum (dont cinq sont en cause dans les demandes d'annulation des subpoenas), d'un bref de mandamus enjoignant à celui-ci de remettre les copies qui ont été faites, et de déclarations portant qu'il n'avait pas compétence pour rendre les ordonnances selon lesquelles les documents devaient être copiés. Ces demandes ont été présentées dans les dossiers T-684-01, T-763-01, T-880-01, T-895-01, T-896-01, T-1049-01, T-1255-01, T-1448-01 et T-1910-01 (ci-après appelées collectivement les «demandes relatives aux photocopies»).
[7]Trois demandes visent des déclarations portant que le représentant du Commissaire à l'information n'a pas compétence pour ordonner aux témoins de répondre à certaines questions et qu'en posant les questions au cours des interrogatoires sous serment, le représentant du Commissaire à l'information a excédé sa compétence. Il s'agit des demandes qui ont été présentées dans les dossiers T-801-01, T-887-01 et T-891-01 (ci-après appelées collectivement les «demandes relatives au bien-fondé des questions»).
[8]Une demande vise l'obtention d'une déclaration portant qu'il a été satisfait à un subpoena duces tecum délivré à l'honorable Art C. Eggleton, ministre de la Défense nationale, dans la demande concernant le M5. Il s'agit de la demande qui a été présentée dans le dossier T-924-01 (ci-après appelée la «demande relative à l'observation du subpoena»).
[9]Le Commissaire à l'information a présenté trois demandes en vue d'obtenir des ordonnances de la nature d'un certiorari annulant les attestations délivrées conformément aux articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada, selon lesquelles certains renseignements et documents décrits dans les subpoenas délivrés à Meribeth Morris, Randy Mylyk et Emechete Onuoha n'avaient pas été fournis au Commissaire à l'information. Il s'agit des demandes qui ont été présentées dans les dossiers T-656-01, T-814-01 et T-1714-01 (ci-après appelées collectivement les «demandes fondées sur les articles 37 et 38»).
[10]Une demande vise l'obtention d'une déclaration portant que 11 documents ou catégories de documents sont assujettis au secret professionnel et que le Commissaire à l'information n'a pas compétence pour demander qu'ils soient produits devant lui. Il s'agit de la demande qui a été présentée dans le dossier T-1083-01 (ci-après appelée la «demande relative au secret professionnel»).
[11]Les deux parties conviennent qu'il y a sept catégories de demandes, mais les demandeurs soutiennent que des questions de fait et de droit communes aux sept catégories se posent et que les 29 demandes devraient donc être consolidées. Le défendeur ne souscrit pas à l'avis selon lequel il existe des questions de fait et de droit communes.
[12]Les demandeurs affirment que la question du contrôle qui se pose entre le Cabinet du Premier ministre et le Bureau du Conseil privé ou entre le ministre de la Défense nationale et le ministère de la Défense nationale est une question primordiale en ce qui concerne les sept catégories. Cela est sans aucun doute vrai en ce qui concerne la première catégorie, la demande d'annulation des subpoenas. Toutefois, le Commissaire à l'information soutient que cela ne s'applique pas aux six autres catégories. Les demandeurs affirment que la question se pose en ce qui concerne les demandes relatives aux photocopies, la demande relative à l'observation du subpoena et les demandes fondées sur les articles 37 et 38. Il ne convient pas que je détermine maintenant s'il existe une question de contrôle dans ces trois autres catégories. Toutefois, même le demandeur soutient qu'en ce qui concerne trois catégories, cette question ne se pose pas. On ne devrait pas non plus considérer que je conclus que la question relative au contrôle est la même en ce qui concerne le Cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé et en ce qui concerne le ministre de la Défense nationale et le ministère de la Défense nationale. Je ne tire aucune conclusion au sujet de la question de savoir si les documents relèvent d'une institution fédérale.
[13]Les demandeurs affirment également qu'il existe une question de fait commune en ce qui concerne la pratique selon laquelle le Commissaire à l'information met un témoin au courant, aux audiences qui ont lieu devant lui, des déclarations qui ont été faites par un autre témoin. Dans certaines demandes, on n'a pas demandé la transcription de la preuve présentée aux audiences qui ont eu lieu devant le Commissaire parce que les demandes avaient été présentées avant le début des audiences. Si toutes les demandes étaient consolidées, les demandeurs pourraient peut-être à bon droit se fonder sur l'ensemble de la preuve des transcriptions pour débattre le bien-fondé des demandes dans lesquelles les transcriptions ne sont pas pertinentes. Les demandeurs affirment encore une fois que cette pratique se rapporte uniquement à trois catégories, à savoir les demandes relatives aux ordonnances de confidentialité, les demandes relatives au bien-fondé des questions et les demandes fondées sur les articles 37 et 38.
[14]Les demandeurs déclarent que ces demandes comportent de nombreux éléments de preuve communs. Ainsi, ils soutiennent que la preuve que le témoin expert a présentée au sujet du fait que le Cabinet du Premier ministre ou le Cabinet d'un ministre et le Bureau du Conseil privé ou le ministère du ministre en question sont des entités séparées a déjà été présentée dans trois demandes et que cette preuve est pertinente dans les trois demandes d'annulation des subpoenas, dans les neuf demandes relatives aux photocopies, dans la demande relative à l'observation du subpoena et dans les demandes fondées sur les articles 37 et 38.
[15]À mon avis, il n'existe pas suffisamment d'éléments de preuve communs pour justifier la consolidation des demandes. Le Commissaire à l'information subirait un préjudice sérieux si les demandes étaient consolidées. Ainsi, les demandeurs n'ont pas demandé la production des transcriptions des procédures qui ont eu lieu à huis clos devant le Commissaire dans toutes les demandes qu'ils cherchent à consolider. Plus précisément, les demandeurs n'ont pas cherché à obtenir une décision au sujet des objections soulevées par le Commissaire dans les demandes relatives aux photocopies, la demande relative au secret professionnel et les demandes d'annulation des subpoenas. Les demandeurs pourraient améliorer leur position en obtenant indirectement la communication d'une preuve dont ils n'ont pas établi la nécessité dans ces demandes. Cela serait contraire à l'esprit et à la lettre des dispositions relatives à la confidentialité énoncées par le législateur dans la Loi sur l'accès à l'information.
[16]Le défendeur, soit le Commissaire à l'information, soutient également que les demandes fondées sur les articles 37 et 38 devraient faire l'objet d'une audition accélérée. Deux des demandes ont déjà été consolidées et le Commissaire a déposé toute sa preuve par affidavit à l'appui de sa demande. Je n'ai pas l'intention de décider si ces trois demandes devraient faire l'objet d'une audition accélérée. Cette décision devrait être laissée à l'appréciation du juge ou des juges qui entendront ces demandes.
[17]J'ordonne que les sept catégories de demandes soient entendues l'une à la suite de l'autre. L'ordre suivi sera déterminé par le juge ou par les juges qui entendront les demandes. J'ordonne en outre, que les demandes de chaque catégorie soient consolidées. Je note également que même si une personne a demandé la communication dans le dossier T-1641-00, les dossiers T-1640-00 et T-606-01 devraient être consolidés avec le dossier T-1641-00.
[18]Je me propose maintenant d'examiner les faits et d'analyser la question de savoir si les transcriptions des procédures qui ont eu lieu devant le Commissaire à l'information doivent être déposées sur une base confidentielle. Il s'agit de savoir si la Cour a compétence pour ordonner au Commissaire à l'information de déposer une transcription confidentielle des procédures qui ont été tenues à huis clos conformément à la règle 318 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106] et, dans l'affirmative, quelles sont les modalités d'exercice du pouvoir discrétionnaire que possède la Cour d'ordonner la production des transcriptions confidentielles des procédures à huis clos qui ont eu lieu devant le Commissaire à l'information.
[19]Dans les avis de demande de contrôle judiciaire, les demandeurs demandent tous, conformément à la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998) que le Commissaire à l'information dépose et signifie certains documents qui sont en sa possession et qui ne sont pas en la possession du demandeur, à savoir les transcriptions des audiences qui ont eu lieu devant le représentant du Commissaire à l'information. Le Commissaire à l'information s'est opposé à la production des documents dans quelque demande que ce soit, sauf pour ce qui est de la demande relative à l'ordonnance de confidentialité présentée par Bruce Hartley dans le dossier T-582-01. Dans cette demande, les demandeurs avaient demandé que le Commissaire à l'information dépose:
[traduction] [. . .] la transcription des procédures qui [avaie]nt eu lieu devant le représentant du Commissaire à l'information, M. Alan Leadbeater, le 30 mars 2001.
[20]Le Commissaire à l'information a autorisé la communication d'une partie de la transcription; il a déclaré que cette partie:
[traduction] [. . .] à son avis, [était] nécessaire aux fins de la tenue d'enquêtes fondées sur la Loi concernant six plaintes qui [avaie]nt été déposées dans les dossiers 3100-13128/001 à 3100-13133/001. Ces renseignements ont trait à des faits juridictionnels, en ce qui concerne les ordonnances de confidentialité que le Commissaire à l'information a[vait] rendues le 30 mars 2001 conformément aux articles 34, 35, 36 et 64 de la Loi sur l'accès à l'information et au pouvoir semblable à celui d'une cour supérieure d'archives que poss[édait] le Commissaire à l'information, dont il [était] fait mention à l'alinéa 36(1)a) de la Loi.
[21]Les parties de la transcription mentionnées dans cette objection sont composées de conversations entre le représentant du Commissaire à l'information et l'avocat de M. Hartley, Me Doody, ainsi que des arguments avancés par Me Doody.
[22]Les demandeurs soutiennent que la transcription des procédures qui ont eu lieu devant le représentant du Commissaire à l'information a un rapport avec un certain nombre de ces demandes.
[23]La preuve est pertinente, en ce qui concerne les neuf demandes relatives aux ordonnances de confidentialité, et ce, pour les raisons ci-après énoncées:
a) dans les avis de demande et dans les demandes relatives aux ordonnances de confidentialité, les demandeurs ont affirmé qu'aucun élément de preuve n'étayait l'ordonnance de confidentialité. Pour apprécier cette allégation, le juge qui entendra cette catégorie de demandes devra examiner la preuve dont disposait le représentant du Commissaire à l'information;
b) les demandeurs ont soutenu que les ordonnances de confidentialité portent atteinte au droit des demandeurs individuels à la liberté d'expression telle qu'elle est garantie à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], et que les dispositions de l'ordonnance de confidentialité ne peuvent pas se justifier dans le cadre d'une société libre et démocratique conformément à l'article premier de la Charte. Pour apprécier cette allégation, le juge devra examiner les renseignements précis en question--c'est-à-dire les renseignements divulgués au cours des procédures, lesquels, selon les ordonnances de confidentialité, ne peuvent pas être divulgués par les demandeurs;
c) la lecture des transcriptions permet de mieux comprendre la pratique suivie par le représentant du Commissaire à l'information, lorsqu'il s'agit de communiquer à un témoin la preuve fournie par un autre témoin, cette preuve ayant un rapport avec les demandes relatives aux ordonnances de confidentialité;
d) il est également approprié que la Cour prenne connaissance des discussions et des prétentions concernant la portée des ordonnances de confidentialité, à part celles qui ont été présentées au moment où l'ordonnance régissant la preuve soumise par M. Hartley a été examinée.
[24]Les demandeurs affirment que les transcriptions de la preuve remises par le ministre de la Défense ont un rapport avec la demande relative à l'observation du subpoena parce que, dans les lettres qui ont été échangées entre les avocats et le représentant du Commissaire à l'information, M. Leadbeater a déclaré que l'ordonnance relative aux mesures que le ministre de la Défense nationale devait prendre était claire à la lecture de certaines pages de la transcription. Je suis d'accord pour dire que les transcriptions ont un rapport avec la présente demande.
[25]Les demandes relatives au bien-fondé des questions n'indiquent pas les questions en litige, et ce, à cause des ordonnances de confidentialité. Toutefois, ces questions sont désignées dans l'affidavit de Lawrence A. Elliot. Les transcriptions des témoignages de Jean Pelletier, de l'honorable Eggleton et de Meribeth Morris ont un rapport avec les demandes relatives au bien-fondé des questions parce que, afin de déterminer le bien-fondé des questions posées par le représentant du Commissaire à l'information, il faudra que la Cour prenne connaissance de la question, de la nature des objections soulevées, des arguments avancés par les avocats et, le cas échéant, des motifs que M. Leadbeater a fournis avant de rendre l'ordonnance.
[26]Les transcriptions de la preuve, en particulier lorsqu'elles montrent que le représentant du Commissaire à l'information a présenté la preuve d'un témoin à un autre témoin, ont également un rapport avec les demandes fondées sur les articles 37 et 38, et ce, pour les raisons suivantes: le Commissaire à l'information a affirmé à l'appui de la demande qu'il a présentée dans ces cas que la production des renseignements devant lui [traduction] «dans le cadre de ses enquêtes secrètes» ne [traduction] «constitue [pas] une divulgation desdits renseignements» et que:
[traduction] [. . .] à la lumière des dispositions obligatoires de la Loi sur l'accès à l'information interdisant la divulgation, les raisons d'intérêt public qui justifient clairement la tenue d'une enquête secrète de la part du Commissaire à l'information [. . .] l'emportent sur les raisons d'intérêt public déterminées invoquées dans l'attestation.
Cette pratique est pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer jusqu'à quel point les enquêtes du Commissaire à l'information sont «secrètes» et jusqu'à quel point les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information interdisant la divulgation sont certaines.
[27]Les demandeurs ont également modifié leurs arguments de façon à montrer clairement qu'ils voulaient que les copies des transcriptions soient fournies uniquement à la Cour et aux avocats. Les témoins individuels seraient autorisés à se rendre au cabinet de leur avocat pour examiner leur propre transcription, mais non celle d'un autre témoin, et le procureur général du Canada ne recevrait aucune transcription. La Cour recevrait également des copies des transcriptions.
[28]Le Commissaire à l'information a soutenu qu'il était interdit, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, de fournir des renseignements confidentiels à la Cour dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4)]. Il a également soutenu que la Cour ne peut pas exiger l'observation des règles 317 et 318 parce que les Règles vont directement à l'encontre de la Loi sur l'accès à l'information et que la Loi doit l'emporter sur les Règles. Troisièmement, il a affirmé que la Charte n'améliore pas la position des demandeurs en ce qui concerne la production des transcriptions.
[29]Le Commissaire à l'information a examiné les dispositions pertinentes de la Loi sur l'accès à l'information et la position générale qu'il a prise à ce sujet pour montrer qu'il n'est pas autorisé à fournir volontairement à la Cour des copies des transcriptions des procédures qui ont eu lieu à huis clos devant lui. Le Commissaire à l'information est un protecteur neutre chargé d'enquêter sur les plaintes découlant du refus d'un responsable d'une institution fédérale de communiquer les documents demandés en vertu de la Loi. Le Commissaire a le rôle d'un médiateur plutôt que celui d'un arbitre. Il peut uniquement faire des recommandations au responsable d'une institution fédérale rendant compte au plaignant. Il ne peut pas ordonner la divulgation de renseignements. Il ne rend aucune décision en matière de responsabilité civile ou criminelle. Son rôle ressemble à celui d'un commissaire qui conduit une enquête.
[30]Le Commissaire à l'information affirme que les articles 35, 62 et 63 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187] de la Loi interdisent la communication des transcriptions des procédures à huis clos. En vertu du paragraphe 35(1) de la Loi, les enquêtes menées par le Commissaire sont secrètes. En vertu de l'article 62 de la Loi, le Commissaire et les personnes agissant en son nom sont tenus au secret en ce qui concerne les renseignements dont ils prennent connaissance dans l'exercice des pouvoirs et fonctions que leur confère la Loi. L'article 63 de la Loi crée des exceptions précises à l'article 62 et, sous réserve de l'article 64 de la Loi, permet au Commissaire de divulguer les renseignements qui, à son avis, sont nécessaires pour:
a) mener une enquête prévue par la Loi,
b) motiver les conclusions et recommandations conte-nues dans les rapports prévus par la Loi.
L'article 63 autorise également le Commissaire à divulguer les renseignements dont la divulgation est nécessaire, soit dans le cadre des poursuites intentées pour infraction à la Loi ou pour parjure, soit lors d'un recours en révision prévu par la Loi ou lors de l'appel de la décision y afférente. Le paragraphe 63(2) permet au Commissaire de faire part au procureur général du Canada des renseignements qu'il détient à l'égard de la perpétration d'infractions fédérales ou provinciales par un cadre ou employé d'une institution fédérale. La divulgation de renseignements dans le cadre d'un examen fondé sur l'article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale n'est pas autorisée à moins d'être nécessaire aux fins d'une enquête menée en vertu de la Loi. Je ne dispose d'aucun élément de preuve montrant que la divulgation est nécessaire aux fins de la tenue d'une enquête fondée sur la Loi sauf pour ce qui est du dossier T-582-01 dont il est question ci-dessus aux paragraphes 19 à 21.
[31]À mon avis, le législateur n'a pas édicté de loi qui empêcherait un tribunal d'examiner les transcriptions afin de déterminer si le Commissaire à l'information a excédé sa compétence en conduisant son enquête. Cela serait la clause privative la plus efficace que le législateur puisse élaborer. Le législateur avait certes l'intention d'éviter de rendre les transcriptions publiques, mais il n'a jamais eu l'intention de conférer au Commissaire à l'information le droit de mener des enquêtes sans qu'un examen soit effectué. Les tribunaux ont toujours hésité à intervenir dans les enquêtes dûment autorisées et il se peut fort bien que, dans ces demandes, la Cour prenne la position selon laquelle il n'y a rien d'anormal qui exige son intervention. Toutefois, il est difficile de voir comment la Cour peut déterminer le bien-fondé des allégations que les demandeurs ont faites dans ce cas-ci sans qu'un juge ait accès aux transcriptions.
[32]La jurisprudence relative à la question de savoir si les transcriptions du Commissaire à l'information doivent être mises à la disposition de la Cour et des avocats de la partie adverse n'est pas très utile. Les demandeurs se fondent sur la décision Rowat c. Canada (Commissaire à l'information) (2000), 193 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.), où le demandeur avait présenté une demande de contrôle judiciaire dans laquelle le sous-commissaire à l'information était l'une des parties défenderesses, cette demande n'étant pas fondée sur les articles 41, 42 ou 44 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 1, art. 45] de la Loi sur l'accès à l'information. L'affaire Rowat soulevait la question de savoir si le Commissaire à l'information avait compétence pour mener une enquête. Il semble que dans l'affaire Rowat, le Commissaire à l'information ait décidé qu'il fallait divulguer les renseignements afin d'enquêter sur la plainte sous-tendant le litige. Il semble donc avoir exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 63(1)a) afin de divulguer les renseignements à la Cour. Les demandeurs soutiennent que, selon l'argument invoqué par le Commissaire à l'information, ils peuvent choisir les transcriptions qui seront portées à la connaissance de la Cour. À mon avis, le législateur ne peut pas avoir accordé au Commissaire à l'information une immunité à l'encontre de l'examen de ses pouvoirs d'enquête par un tribunal. Comme il en a ci-dessus été fait mention, il est inhabituel qu'un tribunal intervienne lorsque des pouvoirs d'enquête sont en cause, mais le tribunal doit toujours avoir le droit d'exercer la compétence intrinsèque qu'il possède en matière de supervision.
[33]Selon le Commissaire à l'information, les décisions Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information), [1998] 1 C.F. 337 (1re inst.) (ci-après Petzinger), et Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707 (C.A.) confirmé par [1996] 1 R.C.S. 6 sont déterminantes, en ce qui concerne les oppositions fondées sur la règle 318.
[34]Dans l'arrêt Rubin, le juge Stone, J.C.A. dit ce qui suit, aux pages 713-718:
Quoique la tâche principale de la Cour en ce qui concerne l'article 35 consiste dans l'interprétation de ses termes, la Loi contient quand même des dispositions qui semblent pouvoir l'aider à s'acquitter de cette tâche. L'appelant attire notre attention sur les articles 61 à 65 qui, d'après lui, traduisent une politique sous-jacente selon laquelle, sauf quelques exceptions, les renseignements reçus par le Commissaire à l'information ou en son nom ne doivent jamais être divulgués, ni pendant qu'une enquête est en cours ni après qu'elle est terminée. Le Parlement s'est donc attaché, à l'article 61, à s'assurer que le Commissaire et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité gardent secrets les renseignements se rapportant à une enquête menée en vertu de la Loi. L'article 61 est ainsi conçu:
61. Le Commissaire à l'information et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité qui reçoivent ou recueillent des renseignements dans le cadre des enquêtes prévues par la présente loi ou une autre loi fédérale sont tenus, quant à l'accès à ces renseignements et leur utilisation, de satisfaire aux normes applicables en matière de sécurité et de prêter les serments imposés à leurs usagers habituels. |
L'article 62 paraît interdire encore plus formellement la communication de renseignements reçus, dans l'exercice de leurs pouvoirs et fonctions, par le Commissaire à l'information ou d'autres personnes agissant en son nom ou sous son autorité. L'article 62 dispose comme suit:
62. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à l'information et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité sont tenus au secret en ce qui concerne les renseignements dont ils prennent connaissance dans l'exercice des pouvoirs et fonctions que leur confère la présente loi. |
Le Commissaire à l'information détient un pouvoir discrétionnaire limité pour ce qui est de la divulgation de renseignements relatifs à des questions administratives, à des infractions liées à l'application de la Loi, à certains types de poursuites pénales et à des recours en révision exercés en vertu de la Loi. C'est ce que prévoit l'article 63 [mod., idem], dont voici le texte:
63. (1) Le Commissaire à l'information peut divulguer, ou autoriser les personnes agissant en son nom ou sous son autorité à divulguer, les renseignements: |
a) qui, à son avis, sont nécessaires pour: |
(i) mener une enquête prévue par la présente loi, |
(ii) motiver les conclusions et recommandations contenues dans les rapports et comptes rendus prévus par la présente loi; |
b) dont la divulgation est nécessaire, soit dans le cadre des procédures intentées pour infraction à la présente loi ou pour une infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu de la présente loi, soit lors d'un recours en révision prévu par la présente loi devant la Cour ou lors de l'appel de la décision rendue par celle-ci. |
(2) Dans les cas où, à son avis, il existe des éléments de preuve touchant la perpétration d'infractions fédérales ou provinciales par un cadre ou employé d'une institution fédérale, le Commissaire à l'information peut faire part au procureur général du Canada des renseignements qu'il détient à cet égard. |
L'article 64 insiste sur le soin avec lequel le Commissaire à l'information et d'autres personnes doivent traiter les renseignements lors d'une enquête tenue en vertu de la Loi. Ainsi, l'article 64 oblige le Commissaire à l'information à prendre des précautions raisonnables pour éviter la divulgation de renseignements dans les circonstances suivantes:
64. Lors des enquêtes prévues par la présente loi et dans la préparation des rapports au Parlement prévus aux articles 38 ou 39, le Commissaire à l'information et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité ne peuvent divulguer et prennent toutes les précautions pour éviter que ne soient divulgués: |
a) des renseignements qui, par leur nature, justifient, en vertu de la présente loi, un refus de communication totale ou partielle d'un document; |
b) des renseignements faisant état de l'existence d'un document que le responsable d'une institution fédérale a refusé de communiquer sans indiquer s'il existait ou non. |
En dernier lieu--mais c'est un point qui est tout de même important --, l'article 65 [mod., idem] établit des limites strictes en ce qui concerne la qualité du Commissaire à l'information et des personnes agissant en son nom ou sur son ordre pour témoigner, et en ce qui concerne la possibilité de les y contraindre. L'article 65 [mod., idem] dispose en effet:
65. En ce qui concerne les questions venues à leur connaissance dans l'exercice, au cours d'une enquête, des pouvoirs et fonctions qui leur sont conférés en vertu de la présente loi, le Commissaire à l'information et les personnes qui agissent en son nom ou sur son ordre n'ont qualité pour témoigner ou ne peuvent y être contraints que dans les procédures intentées pour infraction à la présente loi ou pour une infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu de la présente loi, ou que lors d'un recours en révision prévu par la présente loi devant la Cour ou lors de l'appel de la décision rendue par celle-ci. |
L'examen du texte de l'alinéa 16(1)c) et de l'article 35 a permis au juge des requêtes de conclure à leur inapplicabilité. Or, je conviens que c'est le texte de ces dispositions qu'il y a lieu d'interpréter et que l'analyse doit porter principalement sur cette interprétation. Le paragraphe 35(1) énonce on ne peut plus clairement l'intention du législateur: les enquêtes sur les plaintes «sont secrètes». Par ailleurs, le juge des requêtes a estimé que le paragraphe 35(2) visait à protéger les «observations» présentées au Commissaire à l'information contre la divulgation seulement si elles ont été faites «au cours de l'enquête» elle-même, comme on lit au début de ce paragraphe. Sur ce fondement, le juge des requêtes a pu conclure que le paragraphe en question ne mettait pas ces «observations» à l'abri de la divulgation une fois terminée l'enquête du Commissaire à l'information sur la plainte.
[ . . .]
Il existe deux façons de vérifier le bien-fondé de cet argument. La première consiste à considérer le rôle particulier du Commissaire à l'information, qui observe la neutralité vis-à-vis des parties au différend, dont l'une invoque le droit à la divulgation et l'autre en nie l'existence. Le caractère unique du rôle du Commissaire est évoqué par le juge des requêtes, aux pages 403 et 404 de ses motifs:
Une seconde raison qui explique l'existence de l'article 35 semblerait se rapporter au rôle du Commissaire à l'information. Bien qu'il n'ait pas le pouvoir d'ordonner la communication, un Commissaire crédible et efficace devrait avoir un pouvoir de persuasion suffisamment important pour encourager le règlement volontaire des demandes de renseignements qui se trouvent entre les mains de l'administration fédérale. Dans ce contexte, on doit se rappeler que ces renseignements peuvent être soit des renseignements sur l'administration fédérale, soit des renseignements qui concernent des particuliers ou d'autres personnes et qui se trouvent entre les mains de l'administration fédérale.
Un aspect important du développement de cette crédibilité et de cette efficacité est, à mon avis, le respect de la stricte confidentialité des renseignements qui sont communiqués au Commissaire. D'ailleurs, les dispositions de la Loi qui exigent que le Commissaire à l'information assure de façon permanente la stricte confidentialité des renseignements qui lui sont communiqués appuient cette conclusion. Les intéressés doivent être assurés que le Commissaire à l'information ne divulguera pas les renseignements qui lui sont communiqués.
L'amélioration du pouvoir de persuasion du Commissaire à l'information s'accorde avec l'objectif qui veut que l'on règle rapidement et à peu de frais les demandes de communication. Évidemment, dans le cas où un différend ne pourrait être résolu à l'étape où le Commissaire à l'information est saisi de la question, l'auteur de la plainte peut toujours s'adresser à notre Cour. Cependant, c'est une solution de dernier recours qui ne donnerait probablement pas un résultat aussi satisfaisant qu'un règlement à l'étape de la procédure qui se déroule devant le Commissaire à l'information, à cause du temps et des dépenses supplémentaires que cela supposerait.
La divulgation forcée des observations pourrait fort bien, selon moi, rendre le rôle du Commissaire à l'information plus formel et diminuer en conséquence l'efficacité du processus. Cela ne favorise pas l'accès rapide aux renseignements de l'administration fédérale, lequel accès constitue la raison d'être de la Loi.
Je partage ces points de vue. Selon moi, ce même raisonnement milite également en faveur du maintien de la confidentialité des observations faites au cours d'une enquête, cette confidentialité devant être assurée non seulement pendant l'enquête, mais après aussi. Il ne peut évidemment en être autrement que si la Loi prescrit ou autorise la divulgation.
[. . .]
Je tiens pour bien fondé l'argument de l'appelant. Le paragraphe 35(2) paraît avoir deux objets distincts. D'une part, ses mots liminaires assurent aux personnes visées aux alinéas a) à c) la possibilité de présenter leurs observations «au cours de l'enquête» menée sur une plainte. D'autre part, les mots qui précèdent les alinéas en question refusent expressément le droit de «recevoir communication» des observations faites au Commissaire. Or, je conçois mal que les mots liminaires viennent limiter la portée du refus de ce droit. Les articles 61, 62 et 65 me semblent renforcer cette interprétation. À première vue, les articles 61 et 62 créent des obligations permanentes qui lient en tout temps les personnes auxquelles elles incombent. De même, l'article 65 met les renseignements obtenus au cours d'une enquête à l'abri de la divulgation dans le cadre de procédures judiciaires autres que celles expressément visées par cet article. L'article 63, par contre, habilite le Commissaire et les autres personnes auxquelles s'applique l'article 65 à divulguer des renseignements dans certaines circonstances très limitées. Interpréter le paragraphe 35(2) comme interdisant la divulgation de renseignements à l'intimé pendant l'enquête, mais non après, serait donc cause d'incohérence et d'incompatibilité entre ce paragraphe et les articles de la Loi que je viens de mentionner. Je ne crois pas qu'il faille prêter au législateur l'intention de produire un tel résultat. (Voir, par exemple, R. c. Compagnie Immobilière BCN Ltée, [1979] 1 R.C.S. 865, à la page 872; E. A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto, 1983), aux pages 34 et 35.) À mon avis, l'obligation d'assurer, sauf dans des circonstances limitées, la confidentialité des observations faites au Commissaire à l'information au cours d'une enquête sur une plainte indique qu'il n'est conféré au plaignant aucun droit de recevoir la communication de telles observations pouvant se trouver en la possession de l'appelant dans les circonstances de la présente affaire. C'est ainsi que j'interprète les dispositions du paragraphe 35(2) de la Loi.
[35]Dans l'arrêt Rubin, la Cour d'appel fédérale a statué que la confidentialité des observations qui sont faites dans le cadre d'une enquête doit être préservée pendant et après l'enquête sauf si «la Loi prescrit ou autorise la divulgation». À la page 716 précité, le juge Stone reconnaît qu'il existe toujours une politique sous-jacente visant à préserver la confidentialité des renseignements reçus d'une partie au cours d'une enquête. À la page 718, la Cour a en outre conclu que les articles 61 et 62 «créent des obligations permanentes qui lient en tout temps les personnes auxquelles elles incombent».
[36]Dans la décision Petzinger, précitée, le juge MacKay a conclu que le raisonnement que la Cour d'appel fédérale avait fait dans l'arrêt Rubin, précité, était déterminant dans le cas d'une demande fondée sur la règle 1612 [des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 (édicté par DORS/92-43, art. 19)] [maintenant la règle 317] en vue de la communication, entre autres, de la transcription de la preuve reçue par un commissaire pendant une procédure tenue à huis clos. Toutefois, je suis d'accord avec les demandeurs pour dire que l'arrêt Rubin ne se rapporte pas au cas dans lequel la transcription serait uniquement mise à la disposition de la Cour. Dans l'affaire dont je suis ici saisi, on se propose également de fournir la transcription à l'avocat du témoin avant qu'elle soit préparée, les avocats ne pouvant toutefois pas en discuter avec leur client, le procureur général du Canada, ou avec un témoin dont la transcription n'est pas mise à la disposition de la Cour.
[37]Il importe également de noter que, si l'argument du Commissaire à l'information est retenu, les demandeurs ne seront pas en mesure de présenter leur preuve à la Cour. Des ordonnances de confidentialité ont été signées par les avocats et par les témoins à l'égard des quatre enquêtes menées par le Commissaire à l'information. Par conséquent, le dépôt par un client ou par un avocat d'un affidavit se rapportant à ce qui s'est passé devant le sous-commissaire à l'information irait à l'encontre de l'ordonnance de confidentialité.
[38]Je suis d'accord avec le Commissaire à l'information lorsqu'il dit que, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour ne pourrait pas ordonner que l'on observe les règles 317 et 318 si cela allait directement à l'encontre d'une loi fédérale. Toutefois, comme il en a ci-dessus été fait mention, je suis d'avis que la loi n'empêche pas un tribunal d'obtenir une transcription confidentielle. À mon avis, il n'y a pas de conflit entre les règles 317 et 318 et les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.
[39]Les demandeurs ont également invoqué la Charte en ce qui concerne les demandes relatives aux ordonnances de confidentialité. Ils soutiennent que ces transcriptions doivent avoir un rapport avec l'ordonnance de confidentialité parce qu'il n'existait aucun élément de preuve à l'appui des ordonnances de confidentialité rendues par le représentant du Commissaire à l'information. Les demandeurs affirment que, pour déterminer si pareil élément de preuve existait, la Cour devra examiner la transcription en tant qu'élément de preuve. Toutefois, comme l'a soutenu le Commissaire à l'information, le contexte des ordonnances de confidentialité est bien connu. Le défendeur soutient en outre que, de toute évidence, les témoins étaient assujettis aux ordonnances de confidentialité, et qu'ils ont témoigné sous serment conformément à un subpoena qui avait été délivré dans le cadre d'une enquête licite menée à huis clos par le Commissaire à l'information. Je souscris à l'avis du Commissaire à l'information, à savoir que la Cour n'aura pas à avoir accès au contenu précis de la déclaration visée par l'ordonnance de confidentialité afin de déterminer si l'exigence selon laquelle le témoin ne doit pas discuter du témoignage qu'il a présenté à huis clos constitue une atteinte à la Charte dont la justification puisse se démontrer. À mon avis, les exigences des articles 35, 62, 63 et 65 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187] de la Loi sur l'accès à l'information sont claires en ce qui concerne les questions dont je suis ici saisi.
[40]Le Commissaire à l'information affirme que, s'il se trompe et si la Cour a compétence pour ordonner la production, ce qu'elle peut à mon avis ordonner, la Cour devrait exiger la production des renseignements nécessaires à la juste détermination de la réparation sollicitée dans l'avis de demande. Le Commissaire à l'information a déclaré qu'il conviendrait que la Cour examine les parties des transcriptions désignées par les demandeurs comme étant pertinentes et qu'elle entende ensuite ses arguments au sujet de la question de savoir ce qui devrait être supprimé des parties des transcriptions en question ou ce qui devrait y être ajouté. Pour faciliter cet examen, advenant le cas où pareil examen serait nécessaire, il serait possible de fournir une copie des transcriptions à la Cour en se fondant sur le fait que ces transcriptions seraient reçues mais ne seraient pas déposées. Étant donné qu'à mon avis, les transcriptions doivent être déposées sur une base confidentielle, il n'est pas nécessaire de déterminer s'il convient de les recevoir sans toutefois qu'elles soient déposées. Dans leurs observations écrites, les demandeurs ont uniquement désigné certaines parties des transcriptions comme étant pertinentes aux fins du règlement des demandes relatives au bien-fondé des questions, des demandes relatives aux ordonnances de confidentialité et des demandes relatives à l'observation des subpoenas, mais j'hésite à limiter les dépôts à ces questions.
[41]Toutefois, les demandeurs n'ont pas demandé qu'il soit statué sur les oppositions qui ont été soulevées dans les demandes relatives aux photocopies, dans la demande d'annulation des subpoenas ou dans la demande relative au secret professionnel. Ils n'ont pas non plus présenté de preuve au sujet de la question de savoir si les transcriptions sont pertinentes ou nécessaires aux fins du règlement de ces demandes. Je n'ordonnerai donc pas que les transcriptions soient communiquées à la Cour ou à la partie concernée sur une base confidentielle dans chaque demande appartenant aux trois catégories ci-après mentionnées, à savoir les demandes relatives aux avis de demande et aux photocopies, la demande d'annulation des subpoenas et la demande relative aux secret professionnel. J'ordonnerai que les transcriptions appartenant aux quatre catégories ci-après mentionnées soient déposées sur une base confidentielle: les demandes relatives aux ordonnances de confidentialité, les demandes relatives au bien-fondé des questions, la demande relative à l'observation du subpoena et les demandes fondées sur les articles 37 et 38.
[42]Comme les avocats en ont convenu, j'ordonne aux parties de soumettre par écrit au plus tard le 11 février 2002 un projet d'échéancier à l'égard des mesures à prendre dans cette instance.