IMM-6124-00
2001 CFPI 1417
Rajkumar Vadugaiyah Pillai (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)
Répertorié: Pillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.)
Section de première instance, juge Gibson--Toronto, 8 novembre; Ottawa, 21 décembre 2001.
Citoyenneté et Immigration -- Statut au Canada -- Réfugiés au sens de la Convention -- Demande de contrôle judiciaire d'une décision de la SSR qui a conclu pour une troisième fois que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition contenue à l'art. 2(1) de la Loi sur l'immigration -- Le demandeur est citoyen du Sri Lanka -- Des membres de sa famille auraient appuyé une organisation terroriste -- Le demandeur est volontairement parti aux États-Unis, mais il est revenu au Canada pour revendiquer à nouveau le statut de réfugié au sens de la Convention -- Il a soulevé la question de la crainte raisonnable de la partialité des membres de la SSR, en raison du fait que les motifs des deux décisions précédemment rendues par la SSR leur avaient été communiqués -- La SSR est maître de sa propre procédure -- Elle doit trouver l'équilibre entre l'économie des ressources judiciaires et l'obligation d'agir d'une manière équitable et juste -- La SSR a correctement conclu que les conditions préalables à l'application du principe de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige ont été remplies.
Fin de non-recevoir -- La SSR a tranché pour une troisième fois que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition contenue à l'art. 2(1) de la Loi sur l'immigration en concluant qu'il n'existait pas de fondement objectif à sa revendication -- Le demandeur a allégué que la troisième audience devant la SSR à l'égard de la troisième revendication du statut de réfugié au sens de la Convention était une audience de novo -- Il s'agissait de décider si les conditions d'application du principe de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige ont été remplies, c'est-à-dire si la même question a été décidée, si la décision était finale et si les parties dans toutes les instances sont les mêmes -- Dans la présente affaire, les parties sont le demandeur dans les trois audiences et la SSR elle-même, et non pas les membres de quelque formation particulière de la SSR -- Celle-ci peut appliquer le principe de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige dans les cas de revendications multiples lorsqu'elle ne crée pas un déséquilibre favorisant l'économie des ressources judiciaires au détriment de l'équité procédurale et de la justice naturelle.
lois et règlements
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) «réfugié au sens de la Convention» (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1), 46.01(1)c) (édicté, idem, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36), (5) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36), 68(2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18), 69.1(1) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 60), (5) (édicté par L.R.C. (1985) 4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 60).
jurisprudence
décisions appliquées:
Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1340 (1re inst.) (QL); Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 160 F.T.R. 142 (C.F. 1re inst.); Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460; (2001), 201 D.L.R. (4th) 193; 34 Admin. L.R. (3d) 163; 10 C.C.E.L. (3d) 1; 7 C.P.C. (5th) 199; 272 N.R.1; 149 O.A.C. 1 (C.S.C.); Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.).
décisions examinées:
Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560; (1989), 57 D.L.R. (4th) 663; [1989] 3 W.W.R. 289; 36 Admin. L.R. 72; 7 Imm. L.R. (2d) 253; 93 N.R. 81; Telemichev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1103; [2001] A.C.F. no 1511 (1re inst.) (QL).
décision citée:
Sivasubramaniyam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1124 (1re inst.) (QL).
DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié qui a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition contenue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration. Demande rejetée.
ont comparu:
Michael F. Battista, pour le demandeur.
Allison E. Phillips, pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier:
Wiseman, Battista, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
Le juge Gibson:
INTRODUCTION
[1]Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié [[2000] D.S.S.R. no 474 (QL)] (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, suivant l'interprétation donnée à cette expression contenue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1. La décision de la SSR a été rendue de vive voix le 14 novembre 2000. Les motifs écrits sont datés du 1er décembre 2000.
LES FAITS
[2]Le demandeur est un Tamoul âgé de 32 ans citoyen du Sri Lanka. Il est né, a grandi et a étudié à Colombo où il a vécu jusqu'à ce qu'il parte pour Moscou en 1993 afin d'y poursuivre ses études. Il est retourné au Sri Lanka en mai 1996 et y est resté pendant plusieurs mois avant de venir au Canada et de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention. Il prétend que le gouvernement sri lankais soupçonne sa famille d'appuyer les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les Tigres) et que ceux-ci soupçonnent les membres de sa famille de trahir leur cause. Il allègue que lorsqu'il était à Colombo en 1996, les Tigres lui ont demandé de persuader son père de les aider dans leurs activités terroristes. Sa vie et la vie des membres de sa famille auraient été en danger s'il avait dévoilé la demande qui lui avait été faite.
[3]La décision de la SSR qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire est la troisième décision rendue à l'égard du demandeur. Dans ses deux décisions antérieures, la SSR a conclu que le demandeur n'était pas digne de foi et elle a rejeté sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Ces deux décisions ont fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire. Dans les deux cas, l'autorisation préalable au contrôle judiciaire a été refusée. À la suite de chacune des deux décisions, le demandeur est volontairement parti aux États-Unis. Dans les deux cas, il y a séjourné un peu plus de 90 jours sans y présenter une revendication du statut de réfugié. Après chaque séjour, il est revenu au Canada et, en application de l'exception à l'alinéa 46.01(1)c) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36] prévue au paragraphe 46.01(5) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36] de la Loi sur l'immigration, il a de nouveau présenté une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention.
LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE JUDICIAIRE
[4]Une question préalable a été soumise à la SSR lorsque l'avocat du demandeur a, par écrit, soulevé la question de la crainte raisonnable de la partialité des membres de la SSR nommés pour l'audition de la troisième revendication, en raison du fait que les motifs des deux décisions précédemment rendues par la SSR leur avaient été communiqués. La SSR a déclaré [aux paragraphes 2 à 4]:
Le tribunal a reporté l'audience afin d'analyser la requête du conseil du revendicateur visant à confier la présente affaire à un nouveau tribunal parce que les motifs des deux tribunaux qui ont tranché les revendications précédentes du revendicateur se trouvaient dans le dossier et que le présent tribunal avait pu en prendre connaissance.
Le tribunal a également reçu un avis de l'agent chargé de la revendication [. . .] à ce sujet. Nous avons examiné la requête et, bien que la jurisprudence ne soit pas explicite quant à l'opportunité de mettre ou non les motifs d'un premier tribunal à la disposition d'un nouveau tribunal, nous avons relevé dans la décision Sivasubramaniyam une référence implicite au fait que le tribunal appelé à rendre la deuxième décision avait eu accès aux délibérations du premier tribunal.
Le tribunal sait aussi que, suivant la pratique de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, pour autant qu'on puisse en juger, a consisté, depuis 1994 environ, les tribunaux peuvent, lorsqu'il ne s'agit pas d'une audience de novo, examiner tous les éléments de preuve contenus dans le dossier précédent, y compris les motifs du tribunal chargé de l'affaire. Le présent tribunal a également souligné qu'il entendait adopter la décision Vasquez et adopter la doctrine de la res judicata implicite dans la décision Vasquez et il a fait valoir que les motifs invoqués par les commissaires précédents n'étaient pas vraiment pertinents parce que nous n'entendions pas examiner les éléments de preuve déjà produits et en vertu desquels l'affaire avait été tranchée auparavant et parce que nous avions l'intention de n'examiner que les témoignages dont les commissaires précédents n'avaient pas été et ne pouvaient à juste titre pas avoir été saisis. Le conseil a tenté de faire une remarque au sujet de la décision Vasquez et nous comprenons, d'après sa remarque, que les commissaires ne sont certes pas tenus d'adopter la décision Vasquez. Le présent tribunal a décidé de l'adopter. [Notes omises.]
Les décisions dont il est question dans la citation sont Sivasubramaniyam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)2 et Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)3.
[5]La SSR a établi que les questions clés à considérer dans la revendication du demandeur étaient l'identité des agents de persécution que le demandeur craignait, l'existence d'un fondement objectif à sa crainte et son omission d'avoir revendiqué le statut de réfugié chaque fois qu'il a séjourné aux États-Unis. La SSR a accepté que les agents de la prétendue persécution étaient à la fois les Tigres et les forces de sécurité sri lankaises. En se fondant sur la preuve documentaire et sur le fait que les soeurs du demandeur et leurs maris, qui avaient tous environ le même âge que le demandeur, vivaient encore à Colombo sans être harcelés, la SSR a conclu qu'il n'y avait pas de fondement objectif à la revendication du demandeur. La SSR a tiré une conclusion défavorable quant au fondement subjectif de la soi-disant crainte de persécution du demandeur à cause de son omission d'avoir revendiqué aux États-Unis, lors des deux séjours qu'il y a effectués, le statut de réfugié au sens de la Convention. Compte tenu de ses conclusions et sans avoir fait de référence expresse, sauf quant à la question préalable, à ses décisions antérieures à l'égard du demandeur, la SSR a statué, pour une troisième fois, que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[6]L'avocat du demandeur fait valoir que la SSR a commis une erreur susceptible de contrôle à quatre égards: premièrement, par l'omission des membres de la SSR qui ont entendu la troisième revendication de se récuser en invoquant une crainte raisonnable de partialité pouvant résulter du fait que les motifs des décisions antérieures de la SSR à l'égard du revendicateur leur avaient été communiqués; deuxièmement, par l'entrave de son pouvoir discrétionnaire et par l'omission de se conformer à la prétendue obligation prévue par la loi de tenir une audience de novo complète; troisièmement par la conclusion qu'elle a tirée qu'il était peu vraisemblable que les Tigres soient actifs à Colombo et, notamment, dans les environs de Colombo où le demandeur avait auparavant vécu et où ses soeurs et leurs maris vivaient encore; quatrièmement, par la conclusion défavorable qu'elle a tirée quant au fondement subjectif de la crainte de persécution du demandeur, à cause de l'omission du demandeur de revendiquer aux États-Unis le statut de réfugié au sens de la Convention.
ANALYSE
[7]Il m'est difficile de séparer les deux premières questions en litige soulevées au nom du demandeur. Je vais par conséquent les traiter ensemble.
[8]Par un «avis à l'avocat» daté du 28 septembre 2000, la SSR a fourni à l'avocat, des documents relatifs aux deux premières revendications du demandeur4. Ces documents comprenaient probablement les motifs de la SSR quant à ces deux revendications.
[9]Par une lettre datée du 10 novembre 20005, quatre jours avant l'audience, l'avocat du demandeur a informé la SSR comme suit:
Le revendicateur présente une requête pour obtenir ce qui suit:
1. Le retrait des motifs des décisions quant à ses revendications antérieures des dossiers remis aux membres nommés pour entendre son affaire; |
2. Une nouvelle formation pour l'audition de cette affaire. |
Le revendicateur fonde sa requête sur sa crainte raisonnable de la partialité des membres nommés pour entendre son affaire qui, après avoir pris connaissance des motifs de rejet de ses revendications antérieures, ne trancheraient pas d'une manière juste.
Le revendicateur ne s'oppose pas à ce que la formation reçoive des avis mentionnant les décisions rendues à l'égard de ses revendications ou de ses demandes de contrôle judiciaire antérieures.
Le revendicateur s'oppose à ce que les motifs de rejet de ses revendications par les formations antérieures de la SSR soient fournis parce qu'il est d'avis que ces motifs entacheraient vraisemblablement, consciemment ou non, l'opinion des membres de la nouvelle formation nommés pour entendre son affaire.
Le Parlement a prévu la possibilité d'une nouvelle audience pour les revendicateurs qui ont quitté le Canada pendant 90 jours depuis la date du rejet de leur dernière revendication. Le Parlement voulait que cette nouvelle audience soit l'occasion d'un réexamen complet de la preuve sous tous ses aspects. Il n'y a aucune restriction sur le type de preuve qui peut être présenté et le revendicateur est entendu par une nouvelle formation. On a allégué que, notamment lorsque des décisions antérieures défavorables ont été fondées sur le manque de crédibilité, il est essentiel que la nouvelle formation qui entend la revendication accueille la preuve sans avoir une opinion arrêtée. Il est bien établi en droit que l'évaluation de la crédibilité est une évaluation individuelle qui ne doit pas être entravée par des préjugés.
Le critère d'une crainte raisonnable de partialité a été établi par la Cour suprême du Canada comme suit:
«[. . .] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [. . .] [C]e critère consiste à se demander "à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance. M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?" [Committee for Justice and Liberty c. L'Office national de l'énergie [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394]. |
Dans Baker c. M.C.I. [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a déclaré que les normes en matière de crainte raisonnable de partialité varient, comme tous les autres aspects de l'équité procédurale, selon le contexte et le type de fonctions exercées par le décideur administratif. Je crois que le contexte dans lequel les décisions touchant les réfugiés sont rendues est un contexte dans lequel les normes administratives d'équité procédurale les plus élevées sont requises. En outre, les décisions sont de nature individuelle et visent les droits. À ce titre, je crois que le seuil d'établissement d'une crainte raisonnable de partialité doit être adapté aux normes élevées en matière de procédure qui sont accordées aux revendicateurs du statut de réfugié.
Dans la présente affaire, dans laquelle les deux premières revendications du revendicateur ont été rejetées pour manque de crédibilité, je crois que n'importe quel membre avisé de la collectivité pourrait voir de la partialité en ce qu'une formation ultérieure ait accès aux motifs des décisions antérieures.
[10]La réponse de la SSR, résumée dans les motifs précédemment cités, est plus étoffée dans la transcription de l'audience ayant donné lieu à la décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire. Les paragraphes suivants sont extraits de la transcription6:
[traduction] Bon, la formation a passé un certain temps en fin de matinée et en début d'après-midi à examiner la requête de l'avocat, qui est prise très au sérieux.
Et la formation voit d'une manière totalement différente la façon d'aborder l'affaire. Nous avons effectivement l'intention d'adopter les principes de l'affaire Vasquez et le principe de la res judicata. Il ne s'agit pas d'une audience de novo. Dans une audience de novo les motifs de la formation antérieure ne seraient pas à la disposition de la nouvelle formation parce que la preuve doit être entendue à nouveau.
Le principe de la res judicata implique que la décision a été rendue sur les mêmes faits, que les deux parties sont les mêmes et que les questions en litige sont les mêmes. Compte tenu de cette interprétation, notre formation n'est pas intéressée par l'application des motifs de la formation antérieure à l'audience particulière de cet après-midi. Nous sommes d'avis que les formations antérieures ont déjà tranché en se fondant sur la preuve qui leur a été soumise lors de leurs propres audiences.
Le revendicateur avait le droit de s'adresser à la Cour fédérale et sa demande a à une occasion été refusée et à une autre a été rejetée. La présente formation est donc d'avis que les deux formations antérieures n'ont pas rendu de décisions arbitraires et n'ont pas commis d'erreurs susceptibles de contrôle et c'est la raison pour laquelle nous concluons que la doctrine de la res judicata s'impose à nous.
Ceci étant dit, ce qui nous intéresserait serait tout nouveau renseignement qui n'a pas été soumis à la formation antérieure, ou qui n'aurait raisonnablement pas pu l'être, et que le revendicateur pourrait nous donner cet après-midi. À cet égard, tout ce que le revendicateur a affirmé à la formation antérieure et la façon dont les membres de la formation ont évalué sa crédibilité est sans intérêt parce que ce n'est pas ce que nous examinons. Nous sommes intéressés par tout nouveau renseignement qu'il peut avoir à nous donner.
La formation est d'avis qu'elle ne peut raisonnablement pas trancher la question de savoir si les formations antérieures se sont prononcées sur les mêmes questions à moins qu'elle dispose effectivement de leurs motifs, au moins pour le motif de voir que la formation antérieure n'a pas traité les mêmes questions et c'est la raison pour laquelle, Maître, nous allons rejeter la requête et il nous fera plaisir de rédiger nos motifs, mais je ne veux pas retarder plus longtemps l'audience et donc nous voulons débuter.
Je veux toutefois simplement réitérer qu'on ne sait pas ce qui n'a pas encore été tranché à moins que nous prenions connaissance des motifs précédemment rédigés afin que nous puissions traiter les nouveaux éléments de la revendication.
C'est donc notre position sur la question et nous comprenons les préoccupations de votre client, mais il s'agit là de la décision de la formation.
[11]L'avocat du demandeur a répondu de la façon suivante7:
[traduction] Seulement une question à la formation. J'ai précédemment abordé la situation sous deux aspects. J'allais soulever deux questions: la partialité et l'applicabilité de Vasquez, mais il semble que vous avez déjà décidé que vous alliez appliquer Vasquez.
Le membre qui présidait la formation a affirmé que c'était ce qu'il ferait. Par conséquent, effectivement la SSR liait étroitement les deux premières questions soulevées au nom du demandeur.
[12]L'avocat du demandeur a correctement énoncé le critère qui sert à établir la crainte raisonnable de partialité dans sa lettre précédemment mentionnée et a cité l'arrêt de principe sur le sujet. La SSR, dans l'extrait précédemment cité de la transcription de l'audience, a, de façon très adéquate, j'en suis convaincu, examiné la préoccupation du demandeur dans son ensemble. La principale question en litige qui reste repose dans le débat entourant la lettre de l'avocat du demandeur et la réponse de la SSR dans les extraits cités précédemment. Je vais énoncer brièvement cette question comme suit:
Dans des circonstances telles que celles soumises à la SSR en l'espèce, est-ce qu'une troisième audience devant la SSR quant à la troisième revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur est une audience de novo, selon ce que l'avocat du demandeur prétendait, ou est-ce que ce ne l'est pas, selon ce que les extraits de la transcription mentionnaient au nom de la formation de la SSR?
[13]L'alinéa 46.01(1)c) de la Loi sur l'immigration, et les éléments additionnels pertinents de cet alinéa, sont rédigés comme suit:
46.01 (1) La revendication de statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes:
[. . .]
c) depuis sa dernière venue au Canada, il a fait l'objet:
(i) soit d'une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou établissant le désistement de sa revendication,
(ii) soit d'une décision d'irrecevabilité de sa revendication par un agent principal;
[14]Le paragraphe 46.01(5) de la Loi sur l'immigration est rédigé comme suit:
46.01 [ . . .]
(5) La rentrée au Canada de l'intéressé après un séjour à l'étranger d'au plus quatre-vingt-dix jours n'est pas, pour l'application de l'alinéa (1)c), prise en compte pour la détermination de la date de la dernière venue de celui-ci au Canada.
[15]Dans les premiers motifs de la décision Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)8, le juge Rothstein, alors juge à la Section de première instance de la Cour, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 4 et 5:
Il est manifeste que l'alinéa 46.01(1)c) est la formulation légale du principe de la res judicata. Une fois qu'il a été statué qu'une personne n'était pas un réfugié au sens de la Convention, ses demandes ultérieures sont irrecevables.
Le paragraphe 46.01(5) crée une exception à l'irrecevabilité des demandes ultérieures. Je conviens avec la section du statut que l'exception semble avoir été incorporée à la Loi pour tenir compte du changement de situation dans un pays. Un demandeur ne serait pas empêché de présenter une nouvelle revendication du statut de réfugié en s'appuyant sur une nouvelle preuve ayant trait au changement de situation dans son pays, même après le rejet de sa première revendication.
[16]Le juge Rothstein a poursuivi au paragraphe 11 de ses motifs:
De nouveau, la question de la res judicata se pose. Le demandeur ne peut, après que sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention ait été refusée, présenter une nouvelle demande, même en vertu du paragraphe 2(3) [de la Loi sur l'immigration], en s'appuyant sur la preuve qu'il a produite pour sa première revendication. C'est au moment où il a présenté cette première revendication qu'il devait soulever cette question. Il ne peut avoir gardé cette preuve en réserve pour fonder une deuxième revendication du statut de réfugié au sens de la Convention.
[17]Ce qui précède est directement en contradiction avec l'opinion exprimée par l'avocat du demandeur dans sa lettre adressée à la SSR qui est précédemment citée et qui affirme ce qui suit:
[traduction] Le législateur voulait que cette nouvelle audience soit l'occasion d'un réexamen complet de la preuve sous tous ses aspects.
[18]Ni le juge Rothstein ni l'avocat du demandeur ne citent de jurisprudence appuyant leurs interprétations contradictoires de l'intention qu'avait le législateur lors de l'adoption du paragraphe 46.01(5) de la Loi sur l'immigration. Il n'y avait pas non plus de jurisprudence appuyant l'une ou l'autre de ces interprétations. Je préfère l'interprétation du juge Rothstein, du moins quant aux faits en l'espèce. Il peut exister des circonstances qui favoriseraient une interprétation plus près de celle que préconise l'avocat du demandeur. Si le demandeur en l'espèce était retourné au Sri Lanka à la suite du rejet de sa deuxième revendication par la SSR et du refus par la Cour d'accorder une autorisation à l'égard de ce rejet, et s'il avait eu des problèmes soit de la part des Tigres soit de la part des forces de sécurité, qui auraient pu équivaloir à de la persécution ou à quelque chose de similaire, il aurait été dans une situation où il aurait pu revenir au Canada et dire à la SSR: [traduction] «Je vous l'avais bien dit. Il y a toujours eu un risque que je sois persécuté dans la région de Colombo où j'ai grandi.»
[19]Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Plutôt que de retourner au Sri Lanka, le demandeur a choisi d'aller aux États-Unis, d'y séjourner, et de ne pas y revendiquer le statut de réfugié. Essentiellement, il n'a rien fait qui soit pour renforcer sa revendication ou pour mettre en doute les conclusions des formations antérieures de la SSR. Par conséquent, vu les faits particuliers de l'espèce, je suis d'avis qu'il n'existe pas de fondement permettant de conclure que le législateur avait l'intention d'accorder au demandeur une nouvelle possibilité de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention lors de sa troisième entrée au Canada. Plutôt que de renforcer sa revendication, les actes posés par le demandeur au cours de son absence du Canada ont mis en doute son allégation d'une crainte subjective de persécution s'il devait retourner au Sri Lanka.
[20]Comme l'a mentionné le juge Rothstein dans ses motifs additionnels [au paragraphe 6] de la décision Vasquez9, les conditions de l'«issue estoppel», une deuxième forme du principe de la chose jugée, sont les suivantes:
1) la même question a été décidée.
2) la décision était finale.
3) les parties aux deux instances sont les mêmes.
Le juge Rothstein a poursuivi comme suit au paragraphe 7 de ses motifs additionnels:
Le principe pertinent est bien connu. Dans Town of Grandview v. Doering [. . .] le juge Ritchie, s'exprimant au nom des juges majoritaires, a renvoyé avec approbation à la décision Fenerty v. The City of Halifax [. . .] dans laquelle la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a dit:
[traduction] La doctrine de la chose jugée se fonde sur le concept de l'ordre public de façon à pouvoir mettre fin à un litige et empêcher qu'un individu soit poursuivi une deuxième fois au regard d'une même affaire. Selon moi, la jurisprudence a établi la règle qu'un jugement entre les mêmes parties est final et concluant, non seulement à l'égard des questions examinées, mais également à l'égard des questions que les parties auraient pu soulever. Il est clairement établi que le demandeur doit faire toute sa preuve dans la première action puisqu'il ne lui sera pas permis, en cas d'échec, d'intenter une deuxième action fondée sur une preuve additionnelle. Pour intenter une deuxième action, il doit être en mesure d'affirmer: «je vais vous démontrer que ce fait modifie entièrement l'aspect du litige, et je vais également vous démontrer que je ne le connaissais pas et qu'il m'était impossible, malgré l'exercice d'une diligence raisonnable, de connaître l'existence de ce fait plus tôt». [Citations omises.]
[21]Très récemment, et de façon certaine après l'audience devant la SSR de laquelle a résulté la décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire, la Cour suprême du Canada a dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc.10 examiné à nouveau la question de l'irrecevabilité découlant d'une question déjà tranchée. Même si les faits dans Danyluk étaient dans une large mesure différents de ceux qui me sont en l'espèce soumis, certains des principes énoncés par le juge Binnie, au nom de la Cour, sont révélateurs. Sous le titre «Préclusion découlant d'une question déjà tranchée: analyse à deux volets», il a déclaré au paragraphe 33:
Les règles régissant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ne doivent pas être appliquées machinalement. L'objectif fondamental est d'établir l'équilibre entre l'intérêt public qui consiste à assurer le caractère définitif des litiges et l'autre intérêt public qui est d'assurer que, dans une affaire donnée, justice soit rendue. (Il existe des intérêts privés correspondants.) Il s'agit, au cours de la première étape, de déterminer si le requérant [. . .] a établi l'existence des conditions d'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée [. . .] Dans l'affirmative, la cour doit ensuite se demander, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, si cette forme de préclusion devrait être appliquée [. . .]. [Citations omises.]
[22]Je suis convaincu que la SSR a pertinemment décidé que les «condition d'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée» ont été remplies malgré les difficultés à définir les «parties» dans une instance devant la SSR. Je suis convaincu pour les fins de l'analyse que les parties sont le demandeur, de façon certaine l'une des parties aux trois audiences devant la SSR, et la SSR elle-même, et non les membres de quelque formation particulière de la SSR.
[23]Passant à la deuxième étape de l'analyse, soit la question de savoir si, en tant que pouvoir discrétionnaire, l'irrecevabilité découlant d'une question déjà tranchée doit être appliquée, le juge Binnie a écrit au paragraphe 67 de Danyluk:
La liste de ces facteurs [qu'il faut prendre en considération pour établir s'il y a lieu, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire, d'appliquer le principe de la préclusion] n'est pas exhaustive. [. . .] L'objectif est de faire en sorte que l'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée favorise l'administration ordonnée de la justice, mais pas au prix d'une injustice concrète dans une affaire donnée.
[24]Le juge Binnie a énuméré sept facteurs qu'il considérait être pertinents quant à l'affaire qui lui était soumise. Ces facteurs sont les suivants:
(a) le libellé du texte de loi accordant le pouvoir de rendre l'ordonnance administrative;
(b) l'objet de la loi;
(c) l'existence d'un droit d'appel;
(d) les garanties offertes aux parties dans le cadre de l'instance administrative;
(e) l'expertise du décideur administratif;
(f) les circonstances ayant donné naissance à l'instance administrative initiale;
(g) le risque d'injustice.
[25]Même si l'analyse de la SSR qui a donné lieu à sa décision d'appliquer le principe de l'irrecevabilité découlant d'une question déjà tranchée n'a manifestement pas la précision à laquelle on pourrait s'attendre par suite de l'arrêt Danyluk de la Cour suprême du Canada, je suis convaincu qu'elle appuyait suffisamment sa décision.
[26]La SSR est maître de sa propre procédure. Elle doit, suivant le paragraphe 68(2) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18] de la Loi sur l'immigration, «[d]ans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent», fonctionner «sans formalisme et avec célérité». Le paragraphe 68(3) [mod., idem] prévoit qu'elle n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle a le droit de recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision. Elle doit suivant le paragraphe 69.1(1) [édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 60] entendre la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention dans les meilleurs délais. Le paragraphe 69.1(5) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 60] prévoit que la SSR est tenue de donner à un revendicateur la possibilité («a reasonable opportunity») de produire des éléments de preuve, d'interroger des témoins et de présenter des observations. Essentiellement, la SSR doit trouver le point d'équilibre entre le traitement expéditif des instances d'un côté et l'équité procédurale ou la justice naturelle de l'autre côté. Il s'agit là d'une tâche difficile.
[27]Dans Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)11, le juge Sopinka, au nom de la majorité de la Cour, a déclaré aux pages 568 et 569:
Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle.
Sauf pour quelques exceptions, les juges de la Section de première instance de la Cour ont suivi la voie tracée par le juge Rothstein dans Vasquez et ont conclu que la SSR peut appliquer le principe de l'irrecevabilité découlant d'une question déjà tranchée dans les cas de revendications multiples, lorsque, selon l'opinion du président de la formation et sous réserve du contrôle judiciaire par la Cour, cela ne crée pas un déséquilibre favorisant l'économie des ressources judiciaires au détriment de l'équité procédurale ou de la justice naturelle. Je préfère l'opinion majoritaire. Bien que je considère incontestable que la SSR n'est pas tenue d'appliquer le principe de l'irrecevabilité découlant d'une question déjà tranchée dans les circonstances de l'espèce, il est raisonnablement loisible à la SSR d'appliquer ce principe, sauf dans des circonstances où cela entraînerait une atteinte à l'équité procédurale ou à la justice naturelle qui ne pourrait être tolérée. En réalité, dans des circonstances où l'équilibre entre l'économie des ressources judiciaires, notamment quant à l'obligation d'agir avec toute la diligence possible, et l'obligation d'agir d'une manière équitable, n'interpelle pas le décideur en faveur de l'équité et de la justice naturelle, je suis convaincu qu'il convient que la SSR applique le principe de l'irrecevabilité découlant d'une question tranchée.
[28]Les deux dernières questions soulevées au nom du demandeur sont faciles à trancher. Je suis convaincu que la SSR n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle judiciaire dans sa conclusion selon laquelle il était peu vraisemblable que les Tigres soient actifs dans la région de Kotahena, à Colombo. En outre, je suis d'avis que la SSR n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle judiciaire lorsqu'elle a tiré une conclusion défavorable au demandeur relativement à sa crainte subjective de persécution dans l'éventualité où il devrait retourner au Sri Lanka, à cause de son omission d'avoir revendiqué aux États-Unis le statut de réfugié lors des séjours qu'il y a effectués. Son témoignage établissait clairement qu'il avait omis de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis parce qu'il préférait vivre au Canada et y poursuivre sa revendication plutôt qu'en présenter une aux États-Unis. Cette attitude n'est pas celle d'un individu qui a une telle crainte de persécution que sa motivation première et pour ainsi dire sa seule motivation est d'obtenir une protection à l'encontre d'un retour dans son pays d'origine, indépendamment de l'endroit où il peut obtenir cette protection.
CONCLUSION
[29]Pour les motifs précédemment énoncés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
CERTIFICATION D'UNE QUESTION
[30]L'avocat du demandeur a soumis aux fins de la certification six questions graves de portée générale. Selon lui, chacune serait déterminante lors d'un appel de ma décision en l'espèce12. Les questions proposées sont rédigées comme suit:
1) a pratique de la Commission qui consiste à communiquer automatiquement lors des revendications ultérieures les motifs des décisions rendues par les formations antérieures, sans donner à l'avocat la possibilité de s'opposer, viole-t-elle les principes de justice naturelle? |
2) la pratique qui consiste à communiquer automatiquement les motifs énoncés antérieurement comportant des évaluations défavorables quant à la crédibilité peut-elle donner lieu à une crainte raisonnable de partialité? |
3) la pratique des formations de la SSR qui consiste à se fonder sur les motifs énoncés par la formation antérieure avant d'entendre la preuve dans une deuxième revendication donne-t-elle lieu à une crainte raisonnable de partialité? |
4) le concept d'irrecevabilité découlant d'une question déjà tranchée s'applique-t-il aux instances devant les décideurs administratifs en matière d'immigration et si oui, dans quelle mesure? |
5) la Commission a-t-elle l'obligation de fournir à l'avocat la possibilité de faire des observations quant à l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'appliquer le principe de l'irrecevabilité découlant d'une question déjà tranchée et de fournir des motifs quant à l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire? |
6) dans les instances en matière d'immigration, est-ce que l'expression l'«autre partie» doit être interprétée de façon restrictive pour signifier les décideurs individuels, de façon plus large pour signifier la section de l'immigration en cause ou de la façon la plus large pour signifier le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration? |
[31]L'avocat du défendeur s'est opposé à la certification de toute question, notamment aux six questions proposées par l'avocat du demandeur. L'avocat a fait remarquer que, dans Telemichev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigra-tion)13, mon collègue le juge Lemieux, dans des motifs sur le contrôle judiciaire d'une décision de la SSR qui soulevait des questions semblables à celles qui me sont soumises, a refusé de certifier les questions proposées par l'avocat du demandeur. Le juge Lemieux a écrit au paragraphe 34:
Me Lebrun formule deux questions à être certifiées se rattachant au droit d'un revendicateur à une audience complète au sens de l'arrêt Singh c. Le Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [. . .] et dans ce contexte,une deuxième question, se rattachant à l'obligation de la Section du statut d'examiner l'ensemble des preuves déposées, anciennes et nouvelles. Je n'accepte pas l'invitation de Me Lebrun car je n'ai aucune hésitation de conclure que le principe de la chose jugée est un principe fondamental d'ordre public et s'applique à une deuxième revendication. [Citation omise.]
[32]Je ne certifierai aucune des questions soumises. Bien que certaines de ces questions ou même toutes puissent très bien être des questions graves de portée générale et déterminantes dans le cas d'un appel en l'espèce, aucune de ces questions n'est limitée aux faits de la présente affaire. Chacune des questions est plutôt de la nature d'un renvoi. Je suis convaincu que, pour être adéquate aux fins de la certification, une question doit non seulement satisfaire au critère énoncé dans Liyanagamage, et je suis convaincu que Liyanagamage demeure valide en droit, mais elle doit aussi amener la Cour d'appel fédérale à examiner seulement la décision particulière qui fait l'objet de l'appel et non pas des questions larges pour lesquelles aucun fondement de fait ou du moins aucun fondement de fait adéquat n'est fourni dans l'affaire qui fait l'objet de l'appel.
1 L.R.C. (1985), ch. I-2 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1].
2 [1997] A.C.F. no 1124 (1re inst.) (QL).
3 [1998] A.C.F. no 1340 (1re inst.) (QL) et les motifs additionnels publiés à (1998), 160 F.T.R. 142 (C.F. 1re inst.).
4 Dossier du tribunal, à la p. 38.
5 Dossier du tribunal, aux p. 156 et 157.
6 Dossier du tribunal, aux p. 182 et 183.
7 Dossier du tribunal, à la p. 183.
8 Précitée, à la note 3.
9 Précitée, à la note 3.
10 [2001] 2 R.C.S. 460.
11 [1989] 1 R.C.S. 560.
12 Voir: Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.).
13 2001 CFPI 1103; [2001] A.C.F. no 1511 (1re inst.) (QL).