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T-588-00

2002 CFPI 184

Early Recovered Resources Inc. (demanderesse)

c.

Gulf Log Salvage Co-Operative Association, Sa Majesté du chef de la Province de la Colombie-Britannique et Jim Doyle, ministre des Forêts (défendeurs)

Répertorié: Early Recovered Resources Inc. c. Gulf Log Salvage (1re inst.)

Section de première instance, juge Hugessen-- Vancouver, 15 février; Toronto, 20 février 2002.

Compétence de la Cour fédérale -- Section de première instance -- Requête en jugement sommaire, déposée par la Couronne provinciale, en vue d'obtenir le rejet de l'action intentée contre elle pour la récupération de billots dans le fleuve Fraser en C.-B. au motif que le règlement et la loi de la province édictent un régime global en cette matière, demande ne relevant pas du droit maritime canadien ni de la compétence de la Cour -- Loi sur la marine marchande du Canada intégrant au droit maritime canadien la Convention internationale de 1989 sur l'assistance -- La Convention élargit la portée de la conception traditionnelle de l'assistance maritime pour inclure des «biens» comme les billots et les estacades -- L'affirmation (avec preuves à l'appui) selon laquelle les billots récupérés étaient en danger, suffit pour permettre à l'affaire d'être jugée -- Application de la législation fédérale écarte nécessairement l'application de la législation provinciale -- Action relevant de la compétence de la Cour sur le droit maritime en matière de sauvetage.

Droit maritime -- Sauvetage -- Loi sur la marine marchande du Canada intégrant au droit maritime canadien la Convention internationale de 1989 sur l'assistance -- La Convention élargit la portée de la conception traditionnelle de l'assistance maritime pour inclure des «biens» comme les billots et les estacades -- Anciens arrêts anglais ayant conclu que les demandes de rémunération de sauvetage visaient uniquement les navires et leur cargaison, maintenant écartés par la Convention -- Mention d'arrêts récents confirmant le pouvoir fédéral très large dans le domaine du droit maritime, de la navigation et des expéditions par eau -- Requête visant le rejet de l'action en rémunération de sauvetage, pour défaut de compétence, rejetée.

Droit constitutionnel -- Partage des pouvoirs -- Requête en jugement sommaire, déposée par la Couronne provinciale, en vue d'obtenir le rejet de l'action intentée contre elle pour la récupération de billots dans le fleuve Fraser en C.-B. au motif que le règlement et la loi de la province édictent un régime global en cette matière, demande ne relevant pas de la compétence de la Cour sur le droit maritime -- Loi sur la marine marchande du Canada intégrant au droit maritime canadien la Convention internationale de 1989 sur l'assistance -- La Convention élargit la portée de la conception traditionnelle du sauvetage maritime pour inclure des «biens» comme les billots et les estacades -- Application de la législation fédérale écarte nécessairement l'application de la législation provinciale -- Action relevant de la compétence de la Cour sur le droit maritime en matière de sauvetage.

lois et règlements

Convention internationale de 1989 sur l'assistance, qui constitue l'annexe V de la Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada et une autre loi en conséquence, L.C. 1993, ch. 36, préambule, art. 1, 19.

Forest Act, R.S.B.C. 1996, ch. 157.    

Log Salvage Regulation for the Vancouver Log Salvage District, B.C. Reg. 220/81.

Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9.

jurisprudence

décisions citées: 

Nicholson v. Chapman (1793), 2 H. Bl. 254; 126 E.R. 536; Raft of Timber (1844), 2 W. Rob. 251; 166 E.R. 749; Gas Float Whitton No. 2 (The), [1896] P. 42 (C.A.); conf. par sub nom. Wells v. Gas Float Whitton No. 2 (Owners of). The Gas Float Whitton No. 2, [1897] A.C. 337 (H.L.); ITO -- International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273; (1990), 77 D.L.R. (4th) 25; [1991] 2 W.W.R. 195; 52 B.C.L.R. (2d) 187; 120 N.R. 109; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3; (1992), 88 D.L.R. (4th) 1; [1992] 2 W.W.R. 193; 84 Alta. L.R. (2d) 129; 3 Admin. L.R. (2d) 1; 7 C.E.L.R. (N.S.) 1; 132 N.R. 321; Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437; (1998), 40 O.R. (3d) 639; 166 D.L.R. (4th) 193; 232 N.R. 201; 115 O.A.C. 1.

doctrine

Kerr, M. «The International Convention on Salvage 1989 How it Came to Be» (1990), 39 I.C.L.Q. 530.

REQUÊTE en jugement sommaire en vue d'obtenir le rejet d'une action contre la Couronne provinciale pour la récupération de billots dans le fleuve Fraser en C.-B., au motif que la demande ne relève ni du droit maritime canadien ni en conséquence de la compétence de la Cour parce que le règlement et la loi de la province établissaient un régime global relativement à la récupération des billots. Requête rejetée.

ont comparu: 

Angela McCue pour la demanderesse.

Timothy Leadem pour les défendeurs.

avocats inscrits au dossier: 

Sierra Legal Defence Fund, Vancouver, pour la demanderesse.

Ministry of Attorney General Legal Services Branch pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance prononcés à l'audience par

[1]Le juge Hugessen: La demanderesse poursuit la Couronne provinciale pour la récupération de certains billots qu'elle prétend avoir tirés de la marée dans le canal de navigation du fleuve Fraser. On m'a indiqué que la Couronne avait été désignée comme défenderesse en tant que propriétaire des billots récupérés ou que détentrice d'un intérêt bénéficiaire à leur égard. Elle a contesté la demande au motif que le Log Salvage Regulation for the Vancouver Log Salvage District, B.C. Reg. 220/81 (le réglement provincial), pris en application de la Forest Act de la province (R.S.B.C. 1996, ch. 157), rendait irrecevable cette demande parce que cette Loi et ce règlement édictent un régime global relativement à la récupération des billots se trouvant notamment dans le fleuve Fraser. Pour sa part, la demanderesse sollicite un jugement déclarant invalide la législation provinciale au motif que celle-ci empiète sur le pouvoir législatif fédéral en matière de navigation et d'expéditions par eau.

[2]La défenderesse présente maintenant une requête pour jugement sommaire rejetant la demande au motif que le règlement provincial et le régime législatif susmentionnés lui confèrent l'immunité et que ceux-ci relèvent de sa compétence et sont valides étant donné qu'ils ont trait à la propriété et aux droits civils dans la province.

[3]Compte tenu de l'opinion que j'adopte sur la question, il n'y a pas lieu que je détermine si la réglementation provinciale est valide. Comme je l'ai dit, c'est la province qui a présenté une requête pour jugement sommaire, tandis que la demanderesse n'a présenté aucune requête incidente pour jugement sommaire. Cela signifie que je ne peux pas rendre un jugement déclaratoire en faveur de la demanderesse et que le seul jugement favorable que je peux rendre à son égard consiste à rejeter la demande de rejet d'action présentée par la province. Cette demande nie en fait la compétence de la Cour puisque, selon elle, la demande de rémunération de sauvetage ne relève pas du droit maritime canadien.

[4]Dans le cadre de la décision que je dois rendre, il est essentiel que je tienne compte de la Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9, ainsi que de l'intégration au droit interne canadien et, plus particulièrement, au droit maritime canadien de la Convention internationale de 1989 sur l'assistance [qui constitue l'annexe V de la Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada et une autre loi en conséquence, L.C. 1993, ch. 36], intégration qui a été effectuée au Canada en juillet 1996. Cette Convention élargit la portée de la conception traditionnelle du sauvetage maritime et ses dispositions les plus pertinentes sont les suivantes:

LES ÉTATS PARTIES À LA PRÉSENTE CONVENTION,

RECONNAISSANT qu'il est souhaitable de fixer par voie de convention des règles internationales uniformes concernant les opérations d'assistance,

NOTANT que d'importants éléments nouveaux et, en particulier, une préoccupation accrue pour la protection de l'environnement, ont démontré la nécessité de revoir les règles internationales contenues actuellement dans la Convention pour l'unification de certaines règles en matière d'assistance et de sauvetage maritime, faite à Bruxelles le 23 septembre 1910,

CONSCIENTS de la contribution considérable que des opérations d'assistance efficaces et entreprises en temps utile peuvent apporter à la sécurité des navires et des autres biens en danger et à la protection de l'environnement,

CONVAINCUS de la nécessité de veiller à ce qu'il y ait des incitations adéquates pour les personnes qui entreprennent des opérations d'assistance à l'égard de navires et d'autres biens en danger,

SONT CONVENUS de ce qui suit:

[. . .]

Article premier

Définitions

Aux fins de la présente Convention:

a) «Opération d'assistance» signifie tout acte ou activité entrepris pour assister un navire ou tout autre bien en danger dans des eaux navigables ou dans n'importe quelles autres eaux.

b) «Navire» signifie tout bâtiment de mer, bateau ou engin, ou toute structure capable de naviguer.

c) «Bien» signifie tout bien qui n'est pas attaché de façon permanente et intentionnelle au littoral et comprend le fret en risque.

[. . .]

Article 19

Défense d'effectuer des opérations d'assistance

Des services rendus malgré la défense expresse et raisonnable du propriétaire ou du capitaine du navire ou du propriétaire de tout autre bien en danger qui n'est pas et n'a pas été à bord du navire ne donne pas droit à paiement en vertu de la présente Convention. [Non souligné dans l'original.]

[5]La défenderesse m'a cité trois arrêts anglais des dix-huitième et dix-neuvième siècles, soit Nicholson v. Chapman (1793), 2 H. Bl. 254, à la page 257; 126 E.R. 536, à la page 537; Raft of Timber (1844), 2 W. Rob. 251; 166 E.R. 749; et Gas Float Whitton No. 2 (The), [1896] P. 42 (C.A.), conf. par sub nom. Wells v. Gas Float Whitton No. 2 (Owners of). The Gas Float Whitton No. 2, [1897] A.C. 337 (H.L.). Il a été conclu dans ces arrêts que les radeaux et les estacades ne pouvaient pas faire l'objet d'une demande de rémunération de sauvetage, laquelle visait uniquement les navires et leur cargaison selon la Cour de l'amirauté de l'Angleterre. Je suis d'avis que si ces arrêts ont déjà fait partie du droit canadien, ils en sont maintenant écartés sans équivoque par la Convention, et le législateur a clairement légiféré de manière à ce que la notion de sauvetage maritime du droit du sauvetage vise les «biens» comme les billots et les estacades. On n'a pas prétendu que cette législation constituait un excès de compétence.

[6]La demanderesse a affirmé, avec preuves à l'appui, que les billots qu'elle a récupérés étaient en danger. À ce stade-ci, cette affirmation suffit pour permettre à l'affaire d'être jugée par la Cour. Il se peut évidemment que les billots en cause en l'espèce auraient pu faire l'objet d'une demande de rémunération de sauvetage au sens traditionnel du terme. Ces billots ont apparemment été trouvés en train de flotter dans le canal de navigation du fleuve et ne portaient aucun signe d'identification. Ils doivent donc avoir fait partie de la cargaison d'un chaland de billots, ce qui les auraient naturellement assujettis à la conception traditionnelle du sauvetage, bien qu'il me faille concéder qu'à toutes fins pratiques, il est plus probable qu'ils aient échappé à l'estacade ou qu'ils soient arrivés sur la rivière en flottant librement. Il n'y a pas lieu que je me prononce sur cette question (quoique je souligne que cela met en évidence la nature artificielle de la distinction traditionnelle entre la cargaison et les autres biens récupérés).

[7]Il faut souligner que la province n'a pas empiété de quelque façon que ce soit sur la législation fédérale de manière à ce que l'application de celle-ci écarte nécessairement l'application de la législation provinciale. J'estime que cette admission de la part de la province est entièrement justifiée puisque les arrêts récents ont indiqué très clairement que le pouvoir fédéral dans le domaine du droit maritime, de la navigation et des expéditions par eau était effectivement très large, et je fais référence aux arrêts bien connus qui m'ont été cités abondamment en plaidoirie, soit les arrêts ITO--International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3; Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437 et autres.

[8]On a tenté de me convaincre que les travaux préparatoires à la Convention de 1989 ne démontraient pas que les billots et les estacades étaient visés par les rédacteurs et on a fait référence à un article du lord juge Kerr à cet égard: M. Kerr, «The International Convention on Salvage 1989--How it Came to Be» (1990), 39 I.C.L.Q. 530. Je suis d'avis que l'omission de mention expresse des billots et des estacades a très peu de conséquences. Les termes utilisés par les rédacteurs n'auraient pas pu être plus larges, et le fait que, dans leurs travaux préliminaires, les rédacteurs aient envisagé expressément des objets comme des bouées et de l'équipement de pêche m'indique clairement qu'ils n'ont pas eu l'intention de prévoir des restrictions et qu'ils n'en ont exprimé aucune. Je ne peux tout simplement pas accepter qu'il y ait eu une intention implicite d'exclure les objets comme les billots et les estacades. Il se peut que la raison pour laquelle ceux-ci n'ont pas été mentionnés réside dans le fait que ce pays et, peut-être, les États-Unis sont en réalité les seules nations parmi les principales nations maritimes où une partie importante des expéditions commerciales par eau a lieu sous forme de billots et d'estacades. Cela peut aussi expliquer la conception adoptée au début par la Cour de l'amirauté de l'Angleterre, pays où, naturellement, le commerce de billots flottants n'a jamais eu l'importance qu'il a revêtu pendant de nombreuses années sur les deux côtes du Canada.

[9]Je conclus donc que, dans son état actuel, la demande de rémunération de sauvetage relève apparemment de la compétence de la Cour en matière de sauvetage. Cela ne signifie évidemment pas que la demande est bien fondée ou qu'elle sera accueillie en temps opportun. Cela signifie plutôt qu'elle peut se rendre à procès et que, peu importe si on considère la réglementation provinciale comme invalide, inopérante ou simplement inapplicable, celle-ci ne joue aucun rôle dans la détermination de l'action en dommages-intérêts de la demanderesse. Bien entendu, cela signifie également que la requête doit être rejetée.

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