A-203-01
2001 CAF 241
Siemens Westinghouse Inc. (demanderesse)
c.
Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, MIL Systems, une Division de Davie Industries Inc., et Fleetway Inc. (défendeurs)
et
Le Tribunal canadien du commerce extérieur (intervenant)
Répertorié : Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (C.A.)
Cour d’appel, juges Linden, Isaac et Malone, J.C.A. —Calgary, 19 juin; Ottawa, 24 juillet 2001.
Droit administratif — Contrôle judiciaire — Certiorari — Contrôle judiciaire du rejet par le TCCE de la plainte de la demanderesse — Une « analyse pragmatique et fonctionnelle » est effectuée pour déterminer la norme de contrôle à utiliser — Il s’agit de déterminer la mesure dans laquelle le législateur voulait conférer le pouvoir décisionnel exclusif au TCCE — Selon la C.A.F., la norme de contrôle à utiliser est celle de la décision correcte pour les questions de compétence et celle de la décision manifestement déraisonnable pour les questions relevant de la compétence du TCCE — Il a été convenu que la question de savoir si le TCCE doit assurer la conformité avec les décisions qu’il a déjà rendues en matière de marchés publics ainsi qu’avec les décisions antérieures de la présente Cour dans le domaine est une question de compétence, susceptible de révision selon la norme de la décision correcte — Effet de l’arrêt Canada (Sous-ministre du Revenu national — M.R.N.) c. Mattel Canada Inc., dans lequel la Cour suprême a dit que l’application de la norme de la décision correcte à une décision dans laquelle le TCCE statue sur une question de droit relevant de sa compétence est limitée aux cas exceptionnels où la question de droit relève de sa compétence mais ne relève pas de son domaine d’expertise — Le législateur voulait que l’examen par la Cour des décisions du TCCE, sauf en ce qui concerne les questions de compétence et d’autres cas exceptionnels, soit fondé sur la norme de la décision manifestement déraisonnable — Quatre facteurs pris en considération — 1) Les questions de droit qui étaient examinées relevaient carrément du domaine d’expertise du TCCE — 2) Aux termes de la Loi, le TCCE a énormément de latitude pour examiner la procédure des marchés publics et il s’est vu attribuer certaines fonctions en matière de politique et de consultation — Le rôle prévu par la Loi en matière d’élaboration de politiques influe sur l’étendue de l’expertise du TCCE et donne à entendre que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de ses décisions — 3) Comme la Loi sur le TCCE ne renferme aucune clause privative et ne prévoit pas non plus un droit précis d’appel, les dispositions habituelles relatives au contrôle judiciaire figurant aux art. 18 à 18.5 et à l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale régissent la portée de l’examen — 4) En règle générale, les questions de fait peuvent faire l’objet d’un degré plus élevé de retenue que les questions de droit, mais dans certaines circonstances, les tribunaux administratifs peuvent être si spécialisés que les cours feront preuve d’une certaine retenue à l’égard de l’interprétation qu’ils donnent à leurs lois habilitantes — Les questions ne se rapportant pas à la compétence avaient essentiellement trait à l’application de principes en matière de droit commercial aux documents d’appel d’offres et aux faits de la réévaluation technique — Il s’agit de questions de fait et de droit particulièrement adaptées à l’expertise du TCCE — Selon une analyse pragmatique et fonctionnelle, et compte tenu des quatre facteurs signalés par la C.S.C., les questions juridiques et factuelles relevant de la compétence du TCCE doivent être tranchées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.
Couronne — Contrats — Contrôle judiciaire du rejet par le TCCE de la plainte de la demanderesse — Celle-ci avait initialement soumis la proposition retenue, mais en réponse à une plainte déposée par un concurrent qui avait présenté une soumission, le TCCE a recommandé que les propositions des autres concurrents soient évaluées de nouveau — À la suite d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour a statué que la soumission de la demanderesse devait être de nouveau évaluée avec les autres soumissions — Au terme de la réévaluation, la proposition de la demanderesse a été jugée non conforme — Le rejet de la plainte de la demanderesse fait l’objet du présent contrôle judiciaire — 1) Le TCCE a refusé avec raison d’examiner la question de savoir si les marchés publics ont été passés selon les directives données par la Cour ou selon les recommandations faites par le TCCE — Étant donné qu’il possède uniquement un pouvoir de recommandation à l’égard des plaintes relatives à des marchés publics, le TCCE n’a pas la compétence voulue pour donner suite à ses recommandations — Par conséquent, l’«exécution des ordonnances » dont il est fait mention à l’art. 17(2) de la Loi sur le TCCE ne comprend pas les ordonnances donnant suite aux recommandations du Tribunal ou aux directives de la Cour — 2) La décision du TCCE selon laquelle le sous-critère « connaissances et expérience du personnel » devait être anticipé à partir du libellé de la demande de propositions (DP) doit faire l’objet d’un degré élevé de retenue — Une DP doit indiquer les principaux critères d’évaluation, mais elle n’a pas à indiquer tous les aspects de chaque critère dont il sera peut-être tenu compte, à condition que les aspects non mentionnés aient un lien raisonnable avec le critère exprès ou qu’ils soient englobés dans ce critère — 3) L’avis du TCCE selon lequel la DP pouvait être divisée en un certain nombre d’éléments plus simples aux fins de l’évaluation n’est pas inéquitable — Pour que les critères et les méthodes de pondération figurant dans une DP s’appliquent de façon à permettre l’évaluation des propositions, il doit y avoir un processus de conversion qui peut entraîner un certain nombre de formulations différentes, compatibles avec la méthodologie énoncée dans la DP — Le TCCE se demande seulement si une décomposition particulière est logiquement compatible avec les conditions de la DP — 4) Puisque la demanderesse n’a pas démontré de quelle façon le contenu précis des documents non communiqués aurait eu pour effet de modifier l’évaluation, la conclusion que le TCCE a tirée n’était pas manifestement déraisonnable — 5) La demanderesse a soutenu que la décision de réévaluer la valeur technique de seulement deux des trois propositions allait clairement à l’encontre des recommandations du TCCE — Comme le TCCE n’a pas la compétence voulue pour donner suite à ses recommandations, aucune erreur n’est constatée dans son refus d’examiner cet aspect de la plainte — 6) La demanderesse n’a pas établi que la conclusion du TCCE, selon laquelle son allégation de partialité ou de manque d’équité était dénuée de fondement, était clairement irrationnelle.
Commerce extérieur — Contrôle judiciaire d’une décision du TCCE rejetant une plainte au sujet du caractère équitable de la procédure de réévaluation par TPSGC d’un important marché d’approvisionnement militaire — Norme de contrôle des décisions du TCCE — Pour les questions de compétence, la norme de contrôle à utiliser est celle de la décision correcte — Quant aux autres questions, il faut décider si la norme de contrôle à appliquer — selon les décisions antérieures — à savoir celle de la décision manifestement déraisonnable, a été modifiée par l’arrêt Mattel de la C.S.C. — La norme de la décision correcte est appropriée seulement dans les rares cas où se posent des questions de droit ne relevant pas du domaine d’expertise du TCCE — En l’espèce, les questions de droit qui étaient examinées relevaient carrément du domaine d’expertise du Tribunal — Il s’agit de questions de droit et de fait complexes qui exigent des connaissances spéciales dans les domaines de l’économie, des affaires et des marchés publics — Le TCCE est devenu l’autorité responsable de la contestation des propositions au Canada conformément à l’ALENA et à l’Accord relatif aux marchés publics de l’OMC — Le législateur a conféré un pouvoir étendu à ce tribunal expert pour ce qui est de surveiller les activités du gouvernement en matière de marchés publics — Le rôle prévu par la loi en matière d’élaboration de politiques donne à entendre que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de ses décisions — L’application de principes en matière de droit commercial fait jouer des questions particulièrement adaptées à l’expertise du TCCE — La quantité d’affaires dont le TCCE est saisi dans lesquelles pareilles questions sont soulevées indique que celui-ci a nécessairement acquis plus d’expérience que les cours dans ce domaine — La Loi autorise le TCCE, dans le cas où il conclut à la validité de la plainte, uniquement à faire des recommandations, et non à y donner suite.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) par laquelle il rejetait la plainte de la demanderesse. Celle-ci avait initialement soumis la proposition retenue à l’égard d’un marché public de 35 millions de dollars passé par TPSGC aux fins de la prestation de services de soutien pour 16 frégates et destroyers canadiens et avait exécuté en partie les travaux, qui avaient été acceptés. Toutefois, en réponse à une plainte déposée par un concurrent qui avait présenté une soumission, le TCCE a conclu que la proposition de la demanderesse n’était pas recevable et a recommandé à TPSGC et au MDN d’évaluer de nouveau les propositions des autres concurrents sur la base du guide d’évaluation utilisé pour évaluer les premières propositions établissant une méthodologie d’évaluation et de pondération qui ne pouvait être ni anticipée ni déduite à partir de la méthodologie énoncée dans la demande de propositions (DP). À la suite d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, la Cour a statué que la réévaluation de la valeur technique devait aller de l’avant, mais que la soumission de la demanderesse était en fait recevable et qu’elle devait donc être de nouveau évaluée avec les autres soumissions. Le TCCE a alors délivré une recommandation modifiée portant que TPSGC et le MDN devaient réévaluer la valeur technique des propositions conformément à la méthode d’évaluation établie dans la DP. Un guide de réévaluation fixant les règles de réévaluation et énonçant les hypothèses qui devaient s’appliquer a été élaboré. Au terme de la réévaluation, la proposition de la demanderesse n’avait pas réussi à deux sections de la DP et celle-ci a été avisée que sa proposition avait été jugée non conforme. La demanderesse a fait opposition aux résultats de la réévaluation et a déposé une plainte auprès du TCCE, qui l’a rejetée. Celui-ci a conclu que la décision de procéder à une réévaluation globale de la valeur technique des propositions était juste et que la méthodologie employée dans la réévaluation était dans l’ensemble compatible avec la DP et conforme à l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) et que cela ne portait aucunement atteinte à la proposition de Siemens.
Les questions en litige étaient de savoir : 1) quelle était la norme de contrôle à appliquer; 2) si le TCCE a commis une erreur de droit dans son interprétation des documents d’appel d’offres.
Arrêt : la demande est rejetée.
1) En choisissant la norme de contrôle à utiliser, les cours effectuent une analyse « pragmatique et fonctionnelle ». Il s’agit principalement de déterminer la mesure dans laquelle le législateur voulait conférer le pouvoir décisionnel exclusif au tribunal assujetti au contrôle. Voici les facteurs à prendre en considération à cette fin : (i) l’expertise du tribunal par rapport à celle des cours lorsqu’il s’agit de trancher la question assujettie au contrôle; (ii) l’objet de la Loi et de la disposition en cause; (iii) la présence ou l’absence d’une clause privative; (iv) la nature de la question qui a été tranchée. En procédant au contrôle judiciaire d’une décision rendue par le TCCE dans une affaire de marché public, la Cour a établi, dans des décisions antérieures, que selon une analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle à utiliser est celle de la décision correcte pour les questions de compétence et celle de la décision manifestement déraisonnable pour les questions relevant de la compétence du TCCE. Il a été convenu que la question de savoir si le Tribunal doit assurer la conformité avec les décisions qu’il a déjà rendues en matière de marchés publics ainsi qu’avec les décisions antérieures de la présente Cour dans le domaine se rapporte à la compétence et est donc susceptible de révision selon la norme de la décision correcte. Quant aux autres questions, on était loin de s’entendre au sujet de la norme de contrôle à appliquer.
Il a été soutenu que la Cour devrait réexaminer ses décisions antérieures compte tenu de l’arrêt Canada (Sous-ministre du Revenu national—M.R.N.) c. Mattel Canada Inc., dans lequel la Cour suprême a appliqué les quatre facteurs précités à une décision du TCCE se rapportant à la Loi sur les douanes et a dit que la norme de la décision correcte s’applique à une décision dans laquelle le TCCE statue sur une question de droit relevant de sa compétence. La demanderesse a soutenu que la Cour devrait déterminer la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer pour trancher chaque question et qu’il conviendrait de faire preuve de retenue seulement lorsque l’expertise du TCCE est supérieure à celle des cours. Or, tel n’est pas l’effet de l’arrêt Mattel. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, des questions de droit relevant de la compétence du TCCE, mais ne relevant pas de son domaine d’expertise, peuvent se poser. Pareilles questions peuvent exiger que la Cour invoque la norme de la décision correcte, comme dans l’arrêt Mattel, mais cela ne se produirait que fort rarement. (i) En l’espèce, les questions de droit qui étaient examinées relevaient carrément du domaine d’expertise du Tribunal. Il ne s’agit pas de « pures questions de droit ». Il s’agit plutôt de questions de droit et de fait complexes qui exigent des connaissances spéciales dans les domaines de l’économie, des affaires et des pratiques en matière de marchés publics. Les critères détaillés énoncés dans la DP et dans le deuxième guide d’évaluation ainsi que des dispositions contractuelles et législatives complexes devaient être interprétés. Le TCCE avait à déterminer si les documents d’appel d’offres indiquaient bien les conditions et les critères d’évaluation dans la DP et si le marché public avait été tenu conformément à ceux-ci et aux contrats, aux accords commerciaux et à la législation applicables. Cette analyse complexe exigeait une expertise et une expérience uniques en leur genre et c’était une tâche dont le TCCE s’acquitte d’une façon courante. L’expertise du TCCE dans les affaires de ce genre est indubitable. Le TCCE est devenu l’autorité responsable de la contestation des propositions au Canada conformément à l’article 1017 de l’ALENA et il l’est également à l’égard de l’Accord relatif aux marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce. Le législateur voulait que l’examen par les cours des décisions de ce tribunal expert, sauf en ce qui concerne les questions de compétence et d’autres cas exceptionnels, soit fondé sur la norme de la décision manifestement déraisonnable, ce qui veut dire qu’à moins d’être clairement irrationnelles, pareilles décisions doivent être maintenues.
(ii) Le pouvoir d’examiner la procédure des marchés publics qui est conféré au TCCE démontre que celui-ci a énormément de latitude. À cet égard, le TCCE s’est vu attribuer certaines fonctions en matière de politique et de consultation, en plus de son rôle de supervision dans le domaine des marchés publics. Le rôle prévu par la loi en matière d’élaboration de politiques influe sur l’étendue de l’expertise du TCCE et donne à entendre que la Cour doit faire preuve d’un certain degré de retenue à l’égard des décisions de ce tribunal.
(iii) La loi par laquelle le TCCE est créé ne renferme aucune clause privative. Elle ne prévoit pas non plus un droit précis d’appel. Il semble donc que les dispositions habituelles relatives au contrôle judiciaire figurant aux articles 18 à 18.5, ainsi qu’à l’article 28, de la Loi sur la Cour fédérale régissent la portée de l’examen des décisions rendues par le TCCE en matière de marchés publics.
(iv) Quant à la nature de la question, en règle générale, les questions de fait peuvent faire l’objet d’un degré plus élevé de retenue que les questions de droit. Pourtant, dans certaines circonstances, les tribunaux administratifs peuvent être si spécialisés que les cours feront preuve d’une certaine retenue à l’égard de l’interprétation qu’ils donnent à leurs lois habilitantes. En l’espèce, les questions ne se rapportant pas à la compétence ont essentiellement trait à l’application de principes en matière de droit commercial tels qu’ils sont énoncés dans les divers accords commerciaux, aux documents d’appel d’offres et aux faits de la réévaluation technique. Il s’agit de questions de fait et de droit. Le TCCE n’a pas entendu de témoignages oraux en l’espèce, mais il a néanmoins une expertise relative lorsqu’il analyse les documents d’appel d’offres, de sorte que la présente Cour doit faire preuve de retenue. Les questions de fait et de droit qui font l’objet du présent examen sont des questions particulièrement adaptées à l’expertise du TCCE. De fait, la quantité d’affaires dont le TCCE est saisi dans lesquelles pareilles questions sont soulevées indique que le TCCE et ses membres ont nécessairement acquis énormément d’expérience par rapport à l’expérience des cours dans ce domaine. Par conséquent, les questions juridiques et factuelles relevant de la compétence du Tribunal doivent être tranchées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.
2) (i) Le TCCE a refusé d’examiner la question de savoir si les marchés publics ont été passés strictement selon les directives données par la Cour ou selon les recommandations faites par le TCCE, étant donné qu’il ne s’agissait pas là d’un aspect de la procédure de passation du marché public. Le TCCE a eu raison de considérer l’application de décisions antérieurement rendues en matière de marchés publics comme une question ne relevant pas de sa compétence. Selon le paragraphe 30.15(2) de la Loi sur le TCCE, celui-ci est uniquement autorisé à faire des recommandations dans le cas où il conclut à la validité de la plainte. Mis à part l’exigence suivant laquelle l’institution fédérale doit aviser le TCCE par écrit des motifs pour lesquels elle a décidé de ne pas appliquer ses recommandations, il semble qu’aucune restriction ne soit imposée au pouvoir discrétionnaire qu’elle possède de ne pas donner suite aux recommandations du TCCE. La demanderesse s’est fondée sur le libellé du paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE, qui prévoit que celui-ci a, pour l’exécution de ses ordonnances, les attributions d’une cour supérieure. Le paragraphe 17(2) prévoit que le TCCE a « les attributions d’une cour supérieure d’archives pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence ». Étant donné que, selon le paragraphe 30.15(2), il possède uniquement un pouvoir de recommandation à l’égard des plaintes relatives à des marchés publics, le TCCE n’a pas la compétence voulue pour donner suite à ses recommandations. Par conséquent, l’«exécution des ordonnances » dont il est fait mention au paragraphe 17(2) ne comprend pas les ordonnances donnant suite aux recommandations du TCCE ou aux directives de la Cour. La mesure dans laquelle pareilles directives et recommandations sont observées ne constitue pas un aspect de la procédure des marchés publics ayant pour effet de déclencher la compétence du TCCE en vertu du paragraphe 30.11(1). Les articles 7 et 11 du Règlement sur les marchés publics limitent clairement l’enquête que le TCCE effectue au sujet de la question de savoir si le marché public en question était conforme aux conditions des accords commerciaux applicables.
La demanderesse n’a mentionné aucun arrêt à l’appui de la thèse selon laquelle les réévaluations doivent uniquement être fondées sur le premier guide d’évaluation, sauf pour les erreurs précises mentionnées dans une décision du TCCE ou de la Cour.
(ii) Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. La demanderesse a trouvé dans le deuxième guide de réévaluation un sous-critère non divulgué appelé « connaissances et expérience du personnel », lequel représentait d’après elle une dérogation importante à la méthodologie énoncée dans la DP. La décision du TCCE selon laquelle le sous-critère « connaissances et expérience du personnel » devait être anticipé à partir du libellé de la DP doit faire l’objet d’un degré élevé de retenue. L’évaluation des documents d’appel d’offres destinée à assurer la conformité avec l’ACI relève de la compétence et de l’expertise du TCCE. Certaines mentions figurant dans la DP, ainsi que diverses mentions additionnelles des ressources et du personnel figurant dans l’énoncé du travail, étayent d’une façon adéquate la conclusion du TCCE. Une DP doit indiquer les principaux critères d’évaluation, mais elle n’a pas à indiquer tous les aspects de chaque critère dont il sera peut-être tenu compte, à condition que les aspects non mentionnés aient un lien raisonnable avec le critère exprès ou qu’ils soient englobés dans ce critère. La décision du TCCE n’était pas irrationnelle.
(iii) La demanderesse a affirmé que, si la DP pouvait étayer deux procédures d’évaluation différentes, comportant chacune des critères et des méthodes de pondération différents, ses conditions étaient ambiguës en ce sens qu’elles n’indiquaient pas clairement les critères et méthodes permettant de les pondérer, et ce, en violation du paragraphe 506(6) de l’ACI. D’après elle, cette ambiguïté a nui à sa soumission parce qu’elle a amené l’adoption d’une méthodologie d’évaluation tout à fait différente en vertu de laquelle sa proposition a été jugée non conforme. Pour permettre l’évaluation des propositions, il doit nécessairement y avoir un processus de conversion des critères et des méthodes qui, selon la DP particulière en cause, peut entraîner un certain nombre de formulations différentes, chacune pouvant être compatible avec la méthodologie énoncée dans la DP. Le TCCE se demande si une décomposition particulière mentionnée dans un guide d’évaluation ou de réévaluation est en fait logiquement compatible avec les conditions de la DP. La décision du TCCE selon laquelle les conditions de la DP n’étaient pas ambiguës n’est donc pas manifestement déraisonnable.
(iv) La demanderesse a soutenu que la décision de ne pas remettre à l’équipe de réévaluation les documents soumis par elle à l’équipe initiale d’évaluation lui avait été préjudiciable, mais elle n’a pas tenté de démontrer de quelle façon le contenu précis des documents non communiqués aurait eu pour effet de modifier l’évaluation du sous-critère « connaissances et expérience du personnel » applicable à la valeur technique de sa soumission. Puisqu’elle connaissait le contenu de ces documents, Siemens était bien placée pour démontrer le présumé effet préjudiciable de leur absence, mais elle n’a pas tenté de le faire. La conclusion que le TCCE a tirée n’était pas manifestement déraisonnable.
(v) La demanderesse a soutenu que la décision de réévaluer la valeur technique de seulement deux des trois propositions allait clairement à l’encontre des recommandations du TCCE, auxquelles le TCCE aurait dû donner suite. Ce motif d’examen est lié à la compétence que possède le TCCE lorsqu’il s’agit d’appliquer les décisions antérieurement rendues en matière de marchés publics. La Cour ayant estimé que le TCCE a eu raison de se contenter de tenir compte des décisions passées, aucune erreur n’est constatée dans son refus d’examiner l’aspect « application » de la plainte de Siemens.
(vi) Finalement, la demanderesse a allégué qu’il y avait une apparence de partialité ou un manque d’équité puisque les avocats de TPSGC, qui faisaient partie intégrante de l’équipe de réévaluation, avaient examiné la proposition de Fleetway avant l’élaboration des critères de réévaluation. Siemens n’a pas établi que la conclusion tirée par le TCCE, à savoir que son allégation de partialité ou de manque d’équité était dénuée de fondement et que le guide de réévaluation avait été préparé avant que les nouveaux évaluateurs eussent pris connaissance du contenu des propositions soumises, était clairement irrationnelle.
lois et règlements
Accord de libre-échange entre le Canada et les ÉtatsUnis d’Amérique, L.C. 1988, ch. 55, annexe — partie A.
Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2, art. 1017.
Accord sur le commerce intérieur, Gazette du Canada, Partie I, vol. 129, no 17 (29 avril 1995), art. 506(6), 514(2), 518.
Accord sur les marchés publics, Annexe 4 de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech, le 15 avril 1994.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1 (édicté, idem, art. 5), 18.2 (édicté, idem), 18.3 (édicté, idem), 18.4 (édicté, idem), 18.5 (édicté, idem), 28 (mod., idem, art. 8).
Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47, art. 17(2), 18, 30.11(1) (édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44), (2) (édicté, idem), 30.14(2) (édicté, idem), 30.15(2) (édicté, idem), 30.18 (édicté, idem).
Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. (1985), ch. N-7, art. 81.
Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1.
Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602 (mod. par DORS/95-300, art. 2), art. 7 (mod., idem, art. 7; DORS/96-30, art. 5), 11 (mod., idem, art. 8).
Tarif des douanes, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 41.
jurisprudence
distinction faite d’avec :
Canada (Sous-ministre du Revenu national—M.R.N.) c. Mattel Canada Inc., 2001 CSC 36; [2001] A.C.S. no 37 (QL); (2001), 199 D.L.R. (4th) 598; 29 Admin. L.R. (3d) 56; 12 C.P.R. (4th) 417; 270 N.R. 153.
décisions examinées :
MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) (Re), [2000] T.C.C.E. no 54 (QL); Leroux c. Transcanada Pipelines Ltd., [1998] A.C.F. no 724 (C.A.) (QL); Canada (Sous-ministre du Revenu national, Douanes et accise—M.R.N.) c. Schrader Automotive Inc. (1999), 240 N.R. 381 (C.A.F.).
décisions citées :
Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (2000), 260 N.R. 367 (C.A.F.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2000] S.C.C.A. no 342 (QL); Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201; Canada (Procureur général) c. Symtron Systems Inc., [1999] 2 C.F. 514 (1999), 236 N.R. 143 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Corel Corp. (1999), 241 N.R. 190 (C.A.F.); E.H. Industries Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (2001), 267 N.R. 190 (C.A.F.); Novell Canada Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (2000), 257 N.R. 179 (C.A.F.); President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), [2000] 4 C.F. 528 (2000), 189 D.L.R. (4th) 385; 7 C.P.R. (4th) 1 (C.A.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. accordée, [2000] S.C.C.A. no 474 (QL).
DEMANDE de contrôle judiciaire du rejet par le Tribunal canadien du commerce extérieur de la plainte de la demanderesse au sujet d’un marché public de 35 millions de dollars passé par TPSGC aux fins de la prestation de services de soutien pour 16 frégates et destroyers canadiens (Siemens Westinghouse Inc. (Re), [2001] T.C.C.E. no 26 (QL)). Demande rejetée.
ont comparu :
Ronald D. Lunau et Carina De Pellegrin pour la demanderesse.
Michael F. Ciavaglia et Susanne G. Pereira pour le défendeur ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.
J. Bruce Carr-Harris, David Sherriff-Scott et Vincent DeRose pour les défenderesses MIL Systems et Fleetway Inc.
Reagan Walker et John C. Dodsworth pour l’intervenant Tribunal canadien du commerce extérieur.
avocats inscrits au dossier :
Gowling Lafleur Henderson LLP, Ottawa, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.
Borden Ladner Gervais LLP, Ottawa, pour les défenderesses MIL Systems et Fleetway Inc.
Tribunal canadien du commerce extérieur, Ottawa pour l’intervenant Tribunal canadien du commerce extérieur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Malone, J.C.A. :
Introduction
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE ou le Tribunal) le 19 mars 2001 [[2001] T.C.C.E. no 26 (QL)]. Par cette décision, le Tribunal rejetait la plainte que la demanderesse avait déposée en se fondant sur le fait que la procédure de réévaluation du marché public suivie par Travaux publics et Services gouvernementaux (le Ministère) et par le ministère de la Défense nationale (le MDN) était juste et que toute erreur qui avait pu être commise n’avait pas eu d’impact sensible sur le traitement ultime de la proposition de la demanderesse.
Les points litigieux
[2] La Cour est saisie de plusieurs questions, à savoir des questions de compétence ainsi que des questions de fait et de droit. Cependant, en général, il s’agit principalement de savoir si le TCCE a commis une erreur de droit dans son interprétation des documents d’appel d’offres lorsqu’il a confirmé les résultats de la réévaluation technique des propositions des concurrents.
Les faits
[3] Le 3 novembre 2000, la demanderesse Siemens Westinghouse Inc. (Siemens) a déposé une plainte auprès du TCCE aux termes du paragraphe 30.11(1) [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44] de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47 (la Loi sur le TCCE) à l’égard d’un marché public de 35 millions de dollars passé par le Ministère aux fins de la prestation de services de soutien pour 16 frégates et destroyers canadiens.
[4] Siemens avait initialement soumis la proposition retenue et avait exécuté en partie les travaux, qui avaient été acceptés. Toutefois, en réponse à une plainte déposée par un concurrent qui avait présenté une soumission, le TCCE a conclu que la proposition de Siemens n’était pas recevable et a recommandé au Ministère et au MDN d’évaluer de nouveau les propositions des autres concurrents, Fleetway Inc. (Fleetway) et une coentreprise composée de MIL Systems et de Fleetway (MIL/Fleetway). La réévaluation a été recommandée sur la base du guide d’évaluation utilisé pour évaluer les premières propositions établissant une méthodologie d’évaluation et de pondération qui ne pouvait être ni anticipée ni déduite à partir de la méthodologie énoncée dans la demande de propositions (la DP).
[5] Siemens et MIL/Fleetway ont toutes les deux présenté devant la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision du TCCE. À la suite de ce contrôle, la Cour a statué que la réévaluation de la valeur technique devait aller de l’avant, mais que la soumission de Siemens était en fait recevable et qu’elle devait donc être de nouveau évaluée avec les autres soumissions (Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux) (2000), 260 N.R. 367 (C.A.F.)). En réponse à la décision rendue par la présente Cour à la suite du contrôle judiciaire, le TCCE a délivré une recommandation modifiée le 21 juillet 2000 ([MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) (Re)] [2000] T.C.C.E. no 54 (QL), dossier PR-99-034R) qui est libellée comme suit :
Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande en outre que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et le ministère de la Défense nationale réévaluent la valeur technique des propositions de la coentreprise MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) et Fleetway Inc., de Fleetway Inc. ainsi que de Siemens Westinghouse Incorporated, conformément à la méthode d’évaluation établie dans la demande de proposition, et qu’ils poursuivent la procédure de passation de marché public prescrite dans la demande de proposition et dans l’Accord sur le commerce intérieur.
[6] Au mois de mai 2000, le Ministère et le MDN avaient déjà commencé à mettre en place une structure indépendante pour la réévaluation de la valeur technique des propositions. Le Ministère assurait la direction de la réévaluation qui était effectuée par une équipe constituée de cinq représentants du MDN sous la présidence d’un fonctionnaire du Ministère. Diverses mesures ont été prises afin d’établir une « cloison » entre l’équipe de réévaluation et l’ancienne équipe d’évaluation de façon à assurer l’équité et l’objectivité de la procédure de réévaluation.
[7] Le 11 juillet 2000, l’équipe de réévaluation avait fini d’élaborer le guide de réévaluation fixant les règles de réévaluation et énonçant les hypothèses qui devaient s’appliquer. Le guide énumérait également les rôles des membres de l’équipe de réévaluation, du président indépendant et du « surveillant de l’équité » provenant du secteur privé, celui-ci ayant été nommé à la fin du mois de mai 2000. Le guide de réévaluation a été élaboré indépendamment de toute mention, ou examen, du guide initial d’évaluation ou de l’examen des soumissions par la première équipe d’évaluation.
[8] La réévaluation était fondée sur les principes suivants, qui étaient énoncés dans le guide :
• Les membres de l’équipe de réévaluation ne devaient pas auparavant avoir participé à l’évaluation et devaient avoir déclaré ne pas avoir d’intérêt personnel lié au choix d’un soumissionnaire.
• Les membres de l’équipe de réévaluation devaient maintenir un degré élevé de confidentialité au cours de la réévaluation et veiller à garder complètement confidentielle la teneur de la réévaluation. Tous les éléments de l’activité et tous les documents pertinents à l’équipe de réévaluation devaient être confinés aux installations du Service de la gestion des grands projets.
• Un surveillant de l’équité, provenant du secteur privé, surveillait tous les aspects du processus de réévaluation et un accès illimité à toutes les procédures lui était ouvert. Il était chargé de soulever les questions d’équité en tout temps.
• Un conseiller juridique du ministère de la Justice devait être désigné aux fins de la réévaluation, participer à tous les processus d’approbation et être consulté régulièrement.
• Des documents de cotation devaient être préparés pour permettre aux membres de l’équipe de réévaluation de procéder à une cotation juste et équitable de toutes les propositions, en conformité avec les documents de la DP initiale; les critères de cotation détaillée devaient être élaborés conformément à l’annexe «H » de la DP.
• Les copies de la DP et des propositions des soumissionnaires devaient être vierges (c.-à-d. sans annotation ou commentaire provenant de la première évaluation).
• L’attribution des résultats individuels par les membres de l’équipe de réévaluation devait être suivie d’un accord par consensus.
[9] De plus, les hypothèses suivantes étaient énoncées dans le deuxième guide :
• Tous les soumissionnaires devaient avoir présenté une proposition conforme à toutes les conditions obligatoires.
• Aucun renseignement supplémentaire ne pouvait être obtenu des soumissionnaires.
• Les personnes évaluées dans les propositions devaient être celles qui effectueraient le travail après l’adjudication du contrat.
• Étant donné que les propositions techniques reçues de MIL/Fleetway et de Fleetway étaient identiques, l’équipe de réévaluation devait évaluer la proposition technique de MIL/Fleetway et appliquer le résultat aux deux soumissions de Fleetway.
[10] La réévaluation a commencé le 12 juillet 2000. Au milieu du mois de septembre 2000, toutes les cotations individuelles étaient terminées et les membres de l’équipe de réévaluation ont tenu des réunions d’accord par consensus. Le 15 septembre 2000, la cotation de l’équipe de réévaluation a été établie de manière définitive et les évacuateurs ont préparé et signé les tableaux de cotation détaillée de l’évaluation du personnel. Ces tableaux montraient que la proposition de Siemens n’avait pas réussi à la section 2.0 (Plan d’organisation de la gestion de projet), à la section 6.0 (Plan d’accès à la liaison de données) et à la section 7.0 (Plan de transition) de l’annexe «H » de la DP.
[11] Le surveillant de l’équité a certifié les résultats dans son rapport du 19 septembre 2000 et, le 5 octobre 2000, Siemens a été avisée que sa proposition avait été jugée non conforme. Les 13 et 19 octobre 2000, Siemens a fait opposition par écrit aux résultats de la réévaluation et a finalement déposé une plainte auprès du TCCE. Le 19 mars 2001, cette plainte a été rejetée par le Tribunal ([2001] T.C.C.E. no 26 (QL), dossier PR-2000-039). Le TCCE a essentiellement conclu que la décision du Ministère de procéder à une réévaluation globale de la valeur technique des propositions était juste et que la méthodologie employée dans la réévaluation était dans l’ensemble compatible avec la DP et conforme à l’Accord sur le commerce intérieur [Gazette du Canada, Partie I, vol. 129, no 17 (29 avril 1995)] (l’ACI). Le Tribunal a statué que lorsque la réévaluation n’était pas compatible avec la DP ou qu’elle n’était pas conforme à l’ACI, cela ne portait aucunement atteinte à la proposition de Siemens.
[12] Siemens demande maintenant à la présente Cour d’exercer un contrôle judiciaire de la décision du Tribunal.
Norme de contrôle
[13] Dans une demande de contrôle judiciaire, il faut avant tout déterminer la norme de contrôle à appliquer à la décision contestée. Au cours des dernières années, cette détermination s’est avérée de plus en plus complexe. Il est maintenant reconnu que la retenue judiciaire se situe le long d’un spectre, un degré élevé de retenue existant à un bout du spectre, la décision devant alors être manifestement déraisonnable, alors qu’à l’autre bout, un contrôle rigoureux est exercé, la décision devant alors être correcte, la décision déraisonnable simpliciter se situant entre les deux bouts du spectre.
[14] En choisissant la norme de contrôle à utiliser et en appliquant cette norme, nos cours effectuent une analyse « pragmatique et fonctionnelle ». À ce stade préliminaire, il s’agit principalement de déterminer la mesure dans laquelle le législateur voulait conférer le pouvoir décisionnel exclusif au tribunal assujetti au contrôle. Voici les facteurs à prendre en considération à cette fin : 1) l’expertise du tribunal par rapport à celle des cours lorsqu’il s’agit de trancher la question assujettie au contrôle; 2) l’objet de la Loi et de la disposition en cause; 3) la présence ou l’absence d’une clause privative; et 4) la nature de la question qui a été tranchée (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982). Le juge Major, au nom de la Cour suprême, a récemment réexaminé ces principes et les a appliqués à une décision du TCCE se rapportant à la Loi sur les douanes [L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1] (voir Canada (Sous-ministre du Revenu national— M.R.N.) c. Mattel Canada Inc., 2001 CSC 36, [2001] A.C.S. no 37, au paragraphe 24).
[15] En procédant au contrôle judiciaire d’une décision rendue par le TCCE dans une affaire de marché public, la présente Cour a établi, dans des décisions antérieures, que selon une analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle à utiliser est celle de la décision correcte pour les questions de compétence et celle de la décision manifestement déraisonnable pour les questions relevant de la compétence du TCCE. (Voir Canada (Procureur général) c. Symtron Systems Inc., [1999] 2 C.F. 514 (C.A.), à la page 533; Canada (Procureur général) c. Corel Corp. (1999), 241 N.R. 190 (C.A.F.); E.H. Industries Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (2001), 267 N.R. 173 (C.A.F.); Novell Canada Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux) (2000), 257 N.R. 179 (C.A.F.), à la page 180.) Dans la demande antérieure de contrôle judiciaire dont la présente Cour avait été saisie au sujet du même marché public et mettant en cause les mêmes parties, la norme de contrôle que la Cour a utilisée en vue de trancher la question qui, à son avis, relevait de la compétence du Tribunal était celle de la décision manifestement déraisonnable. (Voir Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux) (2000), 260 N.R. 367 (C.A.F.), au paragraphe 9.) Il importe de noter que la Cour suprême a refusé l’autorisation d’en appeler de la décision rendue par la présente Cour ([2000] S.C.A.A. no 342 (QL)).
[16] Les avocats ont convenu qu’au moins l’une des questions ici en cause se rapporte à la compétence et que cette question est donc susceptible de révision selon la norme de la décision correcte : il s’agit de savoir si le Tribunal doit assurer la conformité avec les décisions qu’il a déjà rendues en matière de marchés publics ainsi qu’avec les décisions antérieures de la présente Cour dans le domaine. Quant aux autres questions, les avocats étaient loin de s’entendre au sujet de la norme de contrôle à appliquer. Eu égard à la législation et à la jurisprudence, la présente Cour doit donc déterminer si la norme à utiliser est celle de la décision manifestement déraisonnable, comme il a été statué dans des décisions antérieures, ou si compte tenu de l’arrêt Mattel, précité, il convient d’appliquer la norme de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable.
[17] Dans le cadre de la présente demande, il a été soutenu que la Cour devrait réexaminer ses décisions antérieures compte tenu de l’arrêt Mattel, dans lequel la Cour suprême a dit que la norme de la décision correcte s’applique à une décision dans laquelle le TCCE statue sur une question de droit relevant de sa compétence. L’avocat de Siemens a soutenu que la Cour ne devrait pas nécessairement faire preuve d’une grande retenue pour chaque question de droit qui se pose dans une procédure de passation du marché public, mais qu’elle devrait déterminer la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer pour trancher la question particulière. Il a été soutenu que lorsque l’expertise du TCCE, en ce qui concerne la question de droit qui se pose, n’est pas supérieure à celle de la Cour, la norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte; lorsque l’expertise du TCCE est supérieure à celle de la Cour, il conviendrait peut-être bien de faire preuve de retenue.
[18] En réponse aux questions de la Cour, l’avocat de Siemens a reconnu qu’il pouvait y avoir des douzaines de questions de droit susceptibles de se poser, lesquelles nécessiteraient une détermination judiciaire de la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer dans chaque cas. Il a proposé de regrouper les diverses questions, certaines devant être tranchées selon une norme alors que d’autres seraient tranchées selon une autre norme.
[19] À mon avis, tel n’est pas l’effet de l’arrêt Mattel. Dans cette affaire-là, la question qui était examinée découlait d’une décision que le TCCE avait rendue au sujet de la « valeur en douane » en vertu de la Loi sur les douanes. Dans le cadre de cette affaire, le Tribunal devait se prononcer sur le sens des expressions « vente de marchandises pour exportation au Canada » et « condition de la vente des marchandises », telles qu’elles figuraient dans la Loi sur les douanes. La Cour suprême a conclu (au paragraphe 33) que :
Il s’agit de pures questions de droit, qui commandent l’application de principes d’interprétation législative et d’autres concepts inhérents au droit commercial. Ces questions relèvent traditionnellement de la compétence des tribunaux judiciaires et rien n’indique que le TCCE possède une expertise particulière à leur égard.
[20] Il est donc évident que, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, des questions de droit particulières relevant de la compétence du TCCE, mais ne relevant pas de son domaine d’expertise, peuvent se poser. Pareilles questions peuvent exiger que la Cour invoque la norme de la décision correcte, comme dans l’arrêt Mattel, mais cela ne se produirait à mon avis que fort rarement. Il peut également en être de même lorsqu’une question ayant trait à la constitution ou à un traité international est soulevée devant un tribunal (Pushpanathan, précité), lorsqu’une loi de portée générale ne relevant pas de l’expertise du tribunal doit être interprétée ou lorsqu’une question de droit importante se pose pour la première fois (President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), [2000] 4 C.F. 528 (C.A.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. accordée [2000] S.C.C.A. no 474 (QL)). Aucune situation analogue n’existe en l’espèce.
[21] En l’espèce, les questions de droit qui sont examinées relèvent carrément du domaine d’expertise du Tribunal. Il ne s’agit pas de « pures questions de droit qui commandent l’application de principes d’interprétation législative et d’autres concepts inhérents au droit commercial ». Il s’agit plutôt de questions de droit et de fait complexes qui exigent des connaissances spéciales dans les domaines de l’économie, des affaires et des pratiques en matière de marchés publics. Les critères détaillés énoncés dans la DP et dans le deuxième guide d’évaluation ainsi que des dispositions contractuelles et législatives complexes doivent être interprétés. En d’autres termes, en l’espèce, le TCCE n’avait pas à déterminer si les documents d’appel d’offres indiquaient les conditions et les critères d’évaluation dans la DP et si le marché public avait été tenu conformément à ceux-ci et aux contrats, aux accords commerciaux et à la législation applicables. Cette analyse complexe exige une expertise et une expérience uniques en leur genre et c’est une tâche dont le Tribunal s’acquitte d’une façon courante.
[22] L’expertise du TCCE dans les affaires de ce genre est indubitable. Depuis 1995, le Tribunal a examiné plus de 375 plaintes relatives à des marchés publics. Le TCCE est devenu l’autorité responsable de la contestation des propositions au Canada conformément à l’article 1017 de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, [le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2]] (l’ALENA) le 1er janvier 1994; il remplaçait la Commission de révision des marchés publics du Canada, qui était son prédécesseur en vertu de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d’Amérique, [L.C. 1988, ch. 55, annexe—partie A]. Le TCCE est également devenu l’autorité responsable de la contestation des soumissions à l’égard de l’Accord sur le commerce intérieur (l’ACI), le 1er juillet 1995, et de l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce [Annexe 4 de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech, le 15 avril 1994] (l’AMP) le 1er janvier 1996. La législation a été édictée en vue d’assurer que les marchés publics soient passés d’une façon ouverte et équitable, et le TCCE est chargé de surveiller toutes ces activités. Le TCCE est composé d’un président, de deux vice-présidents et d’au plus six autres membres permanents nommés pour une période d’au plus cinq ans. Un personnel composé d’experts ayant une connaissance approfondie des pratiques en matière de marchés publics aide les membres.
[23] Il est donc clair que le législateur voulait que le tribunal expert ici en cause soit chargé de surveiller les activités du gouvernement en matière de marchés publics, l’examen de ses décisions par les cours, sauf en ce qui concerne les questions de compétence et d’autres cas exceptionnels, devant être fondé sur la norme de la décision manifestement déraisonnable, ce qui veut dire qu’à moins d’être clairement irrationnelles, pareilles décisions doivent être maintenues.
[24] En plus de l’expertise comparative, il faut également tenir compte du libellé de la Loi. Le pouvoir d’examiner la procédure des marchés publics qui est conféré au TCCE démontre que celui-ci a énormément de latitude. Pour être conformes à l’ACI, qui exige que les gouvernements favorisent « des procédures équitables, ouvertes et impartiales en matière de marchés publics » (voir le paragraphe 514(2)), des procédures de contestation des offres ont été établies. L’article 30.11 de la Loi sur le TCCE permet le dépôt de plaintes auprès du Tribunal concernant « la procédure des marchés publics ». Le paragraphe 30.14(2) [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44] de la Loi sur le TCCE prévoit également que le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 [mod. par DORS/96-30, art. 8] du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602 [mod. par DORS/95-300, art. 2] (le Règlement sur les marchés publics) précise en outre qu’en enquêtant sur une plainte, le TCCE doit déterminer si le marché public a été passé conformément à l’ALENA, à l’ACI ou à l’AMP, selon l’accord qui est applicable. Il s’agit de fait d’un pouvoir étendu.
[25] Le libellé de la Loi sur le TCCE indique également que le Tribunal devait s’attaquer aux questions influant sur les droits interdépendants de différents intéressés. À cet égard, le TCCE s’est vu attribuer certaines fonctions en matière de politique et de consultation, en plus de son rôle de supervision dans le domaine des marchés publics. Ainsi, l’article 18 de la Loi sur le TCCE prévoit que le Tribunal, sur saisine du gouverneur en conseil, enquête et lui fait rapport sur toute question touchant les intérêts économiques ou commerciaux. Il est clairement possible de faire une distinction entre cette fonction de consultation et les fonctions régulières d’une cour qui statue sur des droits légaux. En l’espèce, le Tribunal n’agissait pas en vertu de l’article 18 ou d’une disposition analogue de la Loi sur le TCCE, mais comme il a été dit dans l’arrêt Mattel (au paragraphe 31), le rôle prévu par la loi en matière d’élaboration de politiques influe sur l’étendue de l’expertise du TCCE et donne à entendre que la présente Cour doit faire preuve d’un certain degré de retenue à l’égard des décisions de ce tribunal.
[26] La loi par laquelle le TCCE est créé ne renferme aucune clause privative. Elle ne prévoit pas non plus un droit précis d’appel. Il semble donc que les dispositions habituelles relatives au contrôle judiciaire figurant aux articles 18 à 18.5 [art. 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1 à 18.5 (édicté, idem)] (à l’exception du paragraphe 18.4(2)) ainsi qu’à l’article 28 [mod., idem, art. 8] de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7] régissent la portée de l’examen des décisions rendues par le TCCE en matière de marchés publics. Par contre, lorsque le TCCE est saisi d’une affaire de douanes, comme c’était le cas dans l’affaire Mattel, la Loi sur les douanes permet expressément l’introduction d’un appel devant la Cour d’appel fédérale sur toute question de droit.
[27] Pourtant, un autre facteur à examiner se rapporte à la nature de la question que le Tribunal a tranchée. Ce facteur empiète dans une certaine mesure sur le facteur de l’expertise relative qui a déjà été examiné. Il faut faire une distinction entre les questions de droit et de fait aux fins de la détermination de la norme de contrôle pertinente parce que, en règle générale, les questions de fait peuvent faire l’objet d’un degré plus élevé de retenue que les questions de droit puisque les juges des faits ont habituellement l’avantage de voir et d’entendre eux-mêmes les témoins. D’autre part, les questions de droit exigent généralement un degré moins élevé de retenue compte tenu de l’expertise que possèdent les cours en matière d’interprétation de la loi et d’application de la jurisprudence.
[28] Bien sûr, dans certaines circonstances, les tribunaux administratifs peuvent être si spécialisés que les cours feront preuve d’une certaine retenue à l’égard de l’interprétation qu’ils donnent à leurs lois habilitantes. Ainsi, l’interprétation que l’Office national de l’énergie a donnée à l’expression « gisements » figurant à l’article 81 de la Loi sur l’Office national de l’énergie [L.R.C. (1985), ch. N-7] s’est vu attribuer un degré élevé de retenue par la présente Cour dans l’arrêt Leroux c. Transcanada Pipelines Ltd., [1998] A.C.F. no 724 (C.A.) (QL). De même, l’interprétation que le TCCE a donnée à certains classements de marchandises en vertu du Tarif des douanes [L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 41] a été examinée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter dans l’arrêt Canada (Sous-ministre du Revenu national, Douanes et accise—M.R.N.) c. Schrader Automotive Inc. (1999), 240 N.R. 381 (C.A.F.) parce que la nature fortement technique de cette loi réduisait l’étendue de l’interprétation judiciaire des classements.
[29] En l’espèce, les questions ne se rapportant pas à la compétence qui font l’objet de l’examen ont essentiellement trait à l’application de principes en matière de droit commercial tels qu’ils sont énoncés dans les divers accords commerciaux, aux documents d’appel d’offres et aux faits de la réévaluation technique. Il s’agit essentiellement de questions de fait et de droit. Le Tribunal n’a pas entendu de témoignages oraux en l’espèce, mais il a néanmoins une expertise relative lorsqu’il analyse les documents d’appel d’offres, de sorte que la présente Cour doit faire preuve de retenue. Contrairement aux pures questions de droit qui ont été soulevées dans l’arrêt Mattel, lesquelles exigeaient l’interprétation de dispositions législatives non techniques, les questions de fait et de droit qui font l’objet du présent examen sont des questions particulièrement adaptées à l’expertise du TCCE. De fait, la quantité d’affaires dont le Tribunal est saisi dans lesquelles pareilles questions sont soulevées indique que le TCCE et ses membres ont nécessairement acquis énormément d’expérience par rapport à l’expérience des cours dans ce domaine.
[30] Comme la présente Cour l’a dit dans la décision Symtron (précitée, à la page 540), le TCCE dispose « d’une grande latitude lorsqu’il se prononce sur des questions de droit et de fait à l’intérieur de sa compétence ». Pour que le système des marchés publics fonctionne comme le législateur l’entendait, il doit en être ainsi. Il ne serait pas opportun que les cours portent atteinte aux décisions du Tribunal en entreprenant une surveillance détaillée, selon la norme de la décision correcte, des moindres aspects du processus décisionnel complexe relevant du TCCE à l’égard des marchés publics.
[31] Par conséquent, selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle, et compte tenu des quatre facteurs signalés par la Cour suprême du Canada, lesquels ont été appliqués récemment dans l’arrêt Mattel, les questions juridiques et factuelles relevant de la compétence du Tribunal qui sont contestées au moyen de la présente demande doivent continuer à être tranchées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.
Analyse
[32] Siemens a soulevé six motifs à l’appui du contrôle de la décision du TCCE. J’examinerai chaque question à tour de rôle.
a) Compétence du TCCE en ce qui concerne l’application des décisions antérieures en matière de marchés publics
[33] Selon le premier motif d’examen invoqué par Siemens, le TCCE ne s’est pas assuré que la réévaluation était conforme aux décisions qui avaient antérieurement été rendues, que ce soit par le Tribunal ou par la présente Cour, au sujet de la méthodologie viciée et des résultats peu fiables de l’évaluation initiale. De l’avis de Siemens, dans ces décisions, on reconnaissait que l’évaluation initiale des propositions utilisait la bonne méthodologie en vertu de la DP à tous les égards sauf un : l’emploi de l’échelle tronquée pour les réussites et les échecs. En effet, en calculant les résultats finaux, la première équipe d’évaluation avait introduit à tort un chiffre médian « 0,3 » dans le cas d’un échec et « 0,8 » dans le cas d’une réussite. Siemens a soutenu que, dans ces conditions, le TCCE, en examinant la réévaluation des propositions, était tenu de s’assurer que la réévaluation soit effectuée de la même façon que l’évaluation initiale, mais en se servant d’une échelle de réussite et d’échec utilisant toute la gamme entre « 0 » et « 1 ». Bref, Siemens a affirmé qu’en examinant la réévaluation des propositions, le TCCE aurait dû s’assurer que la réévaluation était effectuée sur la base d’un simple nouveau calcul des résultats selon une échelle allant de « 0 » à « 1 » plutôt que sur la base d’une nouvelle évaluation effectuée conformément au deuxième guide.
[34] Tous les avocats ont convenu que ce premier motif d’examen se rapporte à une question ayant trait à l’étendue de la compétence du TCCE. Plus précisément, il s’agit de savoir si, dans le cadre de son mandat législatif, le TCCE est tenu de s’assurer que les marchés publics sont passés strictement selon les directives données par la Cour ou selon les recommandations faites par le TCCE dans des examens antérieurs du marché public en cause. Selon le Tribunal, la question ne relève pas de sa compétence. Le TCCE a refusé d’examiner l’argument de Siemens, et ce, pour les motifs ci-après énoncés (aux paragraphes 76 à 78) :
Le Tribunal fait observer que la question en litige n’est pas celle de savoir si le Ministère et le MDN ont correctement mis en oeuvre les directives de la Cour ou la recommandation du Tribunal concernant cette invitation à soumissionner, ou s’ils s’y sont entièrement conformés. Plutôt, […] le Tribunal est d’avis que la mise en oeuvre par le Ministère de sa recommandation du 21 juillet 2000 a, de fait, prolongé la procédure de passation du marché public concernant cette invitation à soumissionner et donné lieu à la possibilité de nouvelles contestations par les fournisseurs potentiels, qui ont droit de contester tout aspect de la procédure de passation du marché public. Dans un tel contexte, le Tribunal examinera les motifs de plainte, correctement déposés par SWI, et statuera à leur égard, ces motifs alléguant que l’action du Ministère et du MDN dans l’exercice de réévaluation a contrevenu aux dispositions de la DP et de l’ACI. Dans son examen, le Tribunal tiendra évidemment compte des décisions antérieures rendues par la Cour et par le Tribunal relativement à cette invitation à soumissionner. Cependant, le Tribunal n’examinera pas dans quelle mesure les directives de la Cour et la recommandation du Tribunal ont été respectées ou mises en oeuvre, étant donné qu’il ne s’agit pas là d’un aspect de la procédure de passation du marché public.
Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».
Pour ce qui concerne la première question soulevée par SWI, le Tribunal ne statuera pas sur la mesure dans laquelle les actions du Ministère et du MDN, lorsqu’ils ont élaboré la méthode de réévaluation et mis en place l’équipe de réévaluation, étaient conformes aux directives de la Cour ou à la décision du Tribunal. [Non souligné dans l’original; notes de bas de page omises.]
[35] Siemens a soutenu qu’en refusant d’examiner la question de l’application des décisions antérieurement rendues en matière de marchés publics, le TCCE a interprété d’une façon trop restrictive sa compétence et que, ce faisant, il a commis une erreur de droit susceptible de révision. Selon les arrêts susmentionnés (au paragraphe 15), la présente Cour doit appliquer une norme de contrôle particulièrement rigoureuse à la décision du TCCE de ne pas examiner ce motif de la plainte de Siemens, étant donné que la décision du Tribunal était carrément fondée sur une appréciation de sa propre compétence. Si j’applique cette norme, je suis convaincu que le TCCE a eu raison de considérer l’application de décisions antérieurement rendues en matière de marchés publics comme une question ne relevant pas de sa compétence.
[36] Selon l’interprétation que je donne à la Loi sur le TCCE, le Tribunal est uniquement autorisé à faire des recommandations dans le cas où il conclut à la validité de la plainte. Le paragraphe 30.15(2) [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44] se lit comme suit :
30.15 […]
(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :
a) un nouvel appel d’offres;
b) la réévaluation des soumissions présentées;
c) la résiliation du contrat spécifique;
d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;
e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.
Selon le paragraphe 30.18(1) [édicté, idem], l’institution fédérale à qui le TCCE a fait une recommandation en vertu du paragraphe 30.15(2) doit, sous réserve des règlements, les mettre en oeuvre « dans toute la mesure du possible ». Le reste de l’article 30.18 exige que l’institution fédérale avise le TCCE par écrit de la mesure dans laquelle elle a donné suite à ses recommandations et, le cas échéant, qu’elle motive sa décision de ne pas les appliquer en totalité :
30.18 […]
(2) Elle doit en outre, par écrit et dans le délai réglementaire, lui faire savoir dans quelle mesure elle compte mettre en oeuvre les recommandations et, dans tous les cas où elle n’entend pas les appliquer en totalité, lui motiver sa décision.
(3) Lorsqu’elle a avisé le Tribunal qu’elle entend donner suite aux recommandations, elle doit lui indiquer, dans le délai réglementaire et par écrit, dans quelle mesure elle l’a fait.
À part cette exigence, il semble qu’aucune restriction ne soit imposée au pouvoir discrétionnaire que possède l’institution fédérale de ne pas donner suite aux recommandations du TCCE.
[37] Siemens s’est fondée sur le libellé du paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE, qui prévoit que le TCCE a, pour l’exécution de ses ordonnances, les attributions d’une cour supérieure. Toutefois, il importe de noter que le paragraphe 17(2) prévoit que le TCCE a « les attributions d’une cour supérieure d’archives » uniquement « pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence ». Étant donné que, selon le paragraphe 30.15(2), le TCCE possède uniquement un pouvoir de recommandation à l’égard des plaintes relatives à des marchés publics, il est apparent que le TCCE n’a pas la compétence voulue pour donner suite à ses recommandations. Par conséquent, l’«exécution des ordonnances » dont il est fait mention au paragraphe 17(2) ne comprend pas, à mon avis, les ordonnances donnant suite aux recommandations du Tribunal ou aux directives de la présente Cour.
[38] Je souscris à l’argument de l’avocat du TCCE selon lequel la mesure dans laquelle pareilles directives et recommandations sont observées ne constitue pas un aspect de « la procédure des marchés publics » ayant pour effet de déclencher la compétence du TCCE en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE. Les articles 7 [mod. par DORS/95-300, art. 7; 96-30, art. 5] et 11 du Règlement sur les marchés publics et les paragraphes 30.11(2) [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44] et 30.14(2) de la Loi sur le TCCE limitent clairement l’enquête que le TCCE effectue au sujet de la question de savoir si le marché public en question était conforme aux conditions des accords commerciaux applicables.
[39] Il importe également de noter que Siemens a minimisé la nature et l’étendue des vices du premier guide d’évaluation tels qu’ils avaient été décelés par le TCCE et par la présente Cour. Contrairement à la position que Siemens a prise, il est impossible de corriger ces vices en calculant simplement de nouveau les résultats de l’évaluation initiale en fonction d’une échelle de cotation allant de « 0 » à « 1,0 ». En outre, la recommandation révisée que le TCCE a faite le 21 juillet 2000 prévoit clairement qu’une réévaluation devrait avoir lieu conformément à la méthodologie décrite dans la DP et compte tenu des règles procédurales de l’ACI. C’est ce que le Ministère et le MDN ont fait. Siemens n’a mentionné aucun arrêt à l’appui de la thèse selon laquelle les réévaluations doivent uniquement être fondées sur le premier guide d’évaluation, sauf pour les erreurs précises mentionnées dans une décision du TCCE ou de la Cour. Il faut donc rejeter le premier motif d’examen.
b) Critères de réévaluation et paragraphe 506(6) de l’ACI
[40] En ce qui concerne le deuxième motif d’examen, Siemens a soutenu que la méthodologie de réévaluation telle qu’elle a été élaborée dans le deuxième guide d’évaluation dérogeait à la méthodologie établie par la DP et qu’elle allait donc à l’encontre du paragraphe 506(6) de l’ACI. En particulier, Siemens a trouvé dans le deuxième guide de réévaluation un sous-critère non divulgué appelé « connaissances et expérience du personnel » à l’égard des exigences cotées 6.0 et 7.0 de l’annexe «H » de la DP. Il a été soutenu qu’il s’agissait d’une dérogation importante à la méthodologie énoncée dans la DP. Selon Siemens, l’application générale de ce sous-critère constituait une nouvelle évaluation inéquitable du même critère et elle était tout à fait imprévisible parce que la DP obligeait les soumissionnaires à désigner le personnel et leur expertise uniquement à l’égard des exigences cotées 2.0, 3.0 et 4.0. En outre, le sous-critère ne figurait nulle part dans l’évaluation initiale des exigences cotées 6.0 et 7.0 et la DP n’aurait donc pas pu l’indiquer clairement comme l’exige le paragraphe 506(6).
[41] Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit notamment ce qui suit :
Article 506 […]
6. Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.
La décision du TCCE selon laquelle le sous-critère « connaissances et expérience du personnel » tel qu’il s’applique aux exigences cotées 6.0 et 7.0 devait être anticipé et déduit à partir du libellé de la DP, doit faire l’objet d’un degré élevé de retenue. L’évaluation des documents d’appel d’offres destinée à assurer la conformité avec l’ACI relève de la compétence et de l’expertise du TCCE (voir le paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE et l’article 11 du Règlement sur les marchés publics).
[42] Il est vrai que la mention textuelle du sous-critère « connaissances et expérience du personnel » ne figure qu’à l’égard des exigences cotées 2.0, 3.0 et 4.0 de l’annexe «H » de la DP. Toutefois, la conclusion du TCCE est étayée en particulier par l’article 2 de la section C de la DP, qui prévoit que l’évaluation de la valeur technique, à l’annexe «H », porte entre autres choses sur « l’étendue de [l’]expérience au-delà du minimum « obligatoire » requis ». De plus, sous le titre II « Exigences cotées » figurant au début de l’annexe «H », il est clairement déclaré que toutes les exigences cotées sont évaluées à l’égard des ressources et du personnel proposés. Je suis convaincu que ces mentions, ainsi que diverses mentions additionnelles des ressources et du personnel figurant dans l’énoncé du travail, étayent d’une façon adéquate la conclusion du Tribunal selon laquelle le libellé de la DP informait clairement les soumissionnaires du sous-critère « connaissances et expérience du personnel ».
[43] Une DP doit indiquer les principaux critères d’évaluation, mais elle n’a pas à indiquer tous les aspects de chaque critère dont il sera peut-être tenu compte, à condition que les aspects non mentionnés aient un lien raisonnable avec le critère exprès ou qu’ils soient englobés dans ce critère. La décision du TCCE n’était pas irrationnelle, et encore moins clairement irrationnelle. Il faut donc rejeter ce motif d’examen.
c) Ambiguïté de la DP
[44] Siemens a affirmé subsidiairement que si la DP peut de fait étayer deux procédures d’évaluation différentes, comportant chacune des critères et des méthodes de pondération différents, ses conditions sont clairement ambiguës en ce sens qu’elles n’indiquent pas clairement les critères et méthodes permettant de les pondérer, et ce, en violation du paragraphe 506(6) de l’ACI. Il a été dit que cette ambiguïté avait nui à la soumission de Siemens parce qu’elle avait amené l’adoption d’une méthodologie d’évaluation tout à fait différente en vertu de laquelle la proposition de Siemens a été jugée non conforme. Siemens s’est opposée en particulier au passage suivant des motifs prononcés par le TCCE (paragraphe 79) :
Pour ce qui a trait à la méthodologie élaborée pour la réévaluation, le Tribunal est d’avis que la DP et l’ÉT [l’énoncé du travail] y afférent laissaient place à la possibilité d’un nombre raisonnable de « décompositions » de leurs éléments respectifs aux fins d’évaluation. En l’absence de toute « décomposition » déterminée ou particulière prescrite dans la DP, le Tribunal est d’avis que le Ministère et le MDN pouvaient retenir toute « décomposition » compatible avec les dispositions de la DP, ce qui donne lieu à la deuxième question que doit trancher le Tribunal.
[45] L’avis du Tribunal selon lequel la DP pouvait être divisée en un certain nombre d’éléments plus simples aux fins de l’évaluation n’est pas inéquitable. Cela ne constitue certes pas un aveu selon lequel la DP est ambiguë, de sorte qu’elle n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 506(6) de l’ACI. À mon avis, il est évident que, pour que les critères et les méthodes de pondération figurant dans une DP s’appliquent de façon à permettre l’évaluation des propositions, il doit nécessairement y avoir un processus de conversion ou un processus descriptif qui, selon la DP particulière en cause, peut entraîner un certain nombre de formulations ou de « décompositions » différentes, chacune pouvant être compatible avec la méthodologie énoncée dans la DP. À mon avis, il ne serait pas réaliste de conclure le contraire. Lorsqu’il instruit une plainte fondée sur l’article 30.11 de la Loi sur le TCCE, le TCCE se demande si une décomposition particulière mentionnée dans un guide d’évaluation ou de réévaluation est en fait logiquement compatible avec les conditions de la DP. La décision du TCCE selon laquelle les conditions de la DP n’étaient pas ambiguës n’est donc pas manifestement déraisonnable. Il faut également rejeter ce motif d’examen.
d) Préjudice causé à Siemens par suite de la non-communication de documents
[46] Le TCCE a conclu que le Ministère et le MDN avaient contrevenu aux obligations concernant le [traduction] « traitement équitable des propositions » énoncées à l’article 518 de l’ACI lorsqu’ils ont décidé d’isoler l’équipe de réévaluation d’une part, et les documents soumis par Siemens à l’équipe initiale d’évaluation, d’autre part, aux fins de la présélection relative aux conditions minimales obligatoires prévues à l’article 1.3 de la section C de la DP. Il en était ainsi parce que, de l’avis du Tribunal, le critère d’évaluation technique « 2.0c C2 » était presque identique à la condition minimale prévue à l’article 1.3 de la section C de la DP à laquelle Siemens s’était conformée, selon la première équipe d’évaluation. Selon le TCCE, l’omission de remettre à l’équipe de réévaluation les documents relatifs à la présélection (qui ne faisaient pas partie de la proposition même de Siemens) afin d’évaluer le critère technique « 2.0c C2 » a eu un effet à la baisse sensible sur les résultats de l’évaluation de la soumission de Siemens à l’égard de l’exigence cotée 2.0 de l’annexe «H » de la DP. Toutefois, le Tribunal a conclu que cette erreur « n’a pas déteint de façon importante » sur l’évaluation globale et sur la cotation des sections 6.0 et 7.0 de la proposition de Siemens et « n’a pas eu sur elles d’effet sensible » de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une réparation.
[47] Siemens a soutenu qu’il n’existe aucun élément de preuve sur lequel le TCCE aurait pu se fonder en concluant que la non-communication de documents à l’équipe de réévaluation n’avait pas eu d’effet sensible sur les résultats obtenus par Siemens à l’égard des exigences cotées 6.0 et 7.0. J’estime que, pour régler ce motif, il suffit de noter que Siemens n’a pas tenté de démontrer de quelle façon le contenu précis des documents non communiqués aurait eu pour effet de modifier l’évaluation du sous-critère « connaissances et expérience du personnel » applicable à la valeur technique de sa soumission. Puisqu’elle connaissait le contenu de ces documents, Siemens était bien placée pour démontrer le présumé effet préjudiciable de leur absence au cours de la réévaluation technique des conditions assujetties à une exigence cotée 6.0 et 7.0. Toutefois, elle n’a pas vraiment tenté de le faire. Selon l’analyse que j’ai effectuée, la conclusion que le Tribunal a tirée sur ce point n’était pas manifestement déraisonnable.
e) Non-communication de la proposition de Fleetway aux fins de la réévaluation
[48] Siemens a soutenu que la décision qu’avaient prise le Ministère et le MDN de réévaluer la valeur technique de seulement deux des trois propositions allait clairement à l’encontre des recommandations que le TCCE avait faites le 21 juillet 2000, auxquelles le Tribunal aurait dû donner suite en examinant sa plainte. Ce motif d’examen est lié au premier motif concernant la compétence que possède le TCCE lorsqu’il s’agit d’appliquer les décisions antérieurement rendues en matière de marchés publics. Étant donné que j’estime que le TCCE a eu raison de se contenter de tenir compte des décisions passées (voir les paragraphes 33 à 38 ci-dessus), je ne puis constater l’existence d’aucune erreur dans son refus d’examiner l’aspect « application » de la plainte de Siemens sur ce point.
[49] Il importe de noter que le TCCE a néanmoins examiné l’aspect « équité » de la décision de ne pas communiquer la proposition de Fleetway aux fins de la réévaluation. Il a conclu que chaque proposition était réévaluée selon les faits qui lui étaient propres et que la méthodologie d’évaluation dont faisaient état les documents d’appel d’offres ne comportait pas une analyse comparative et la cotation des propositions reçues. Cela étant, le TCCE a conclu que la non-communication de la proposition de Fleetway aux fins de la réévaluation ne pouvait pas avoir porté atteinte à la soumission de Siemens pour le motif que ses propositions techniques étaient identiques à la soumission conjointe de MIL/Fleetway. Je ne suis pas convaincu que ce point de vue soit manifestement déraisonnable.
f) Partialité du Ministère qui a rédigé le deuxième guide alors qu’il était au courant de la soumission de Fleetway
[50] Quant au dernier motif de contrôle judiciaire, Siemens a allégué que les avocats du Ministère avaient examiné la proposition de Fleetway avant l’élaboration des critères d’évaluation par l’équipe de réévaluation. Elle a soutenu qu’étant donné que les avocats faisaient partie intégrante de l’équipe de réévaluation, il doit à tout le moins y avoir une apparence de partialité ou un manque d’équité dans la procédure de réévaluation. Le TCCE estimait que l’allégation de Siemens était dénuée de fondement et il a conclu que le guide de réévaluation avait été préparé avant que les nouveaux évaluateurs eussent pris connaissance du contenu des propositions soumises. Il n’y a rien dans la prétention de Siemens qui me fasse croire que la conclusion que le TCCE a tirée sur ce point est clairement irrationnelle.
Dispositif
[51] Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. Le Ministère défendeur a droit à ses dépens. Les défenderesses MIL et Fleetway ont conjointement droit à un seul mémoire de frais. Il n’y aura pas de dépens adjugés en faveur ou à l’encontre de l’intervenant, le TCCE.
Le juge Linden, J.C.A. : Je souscris à cet avis.
Le juge Isaac, J.C.A. : Je souscris à cet avis.