[1994] 1 C.F. 482
T-2001-91
Sa Majesté la Reine (demanderesse)
c.
Joseph Leung (défendeur)
Répertorié : M.R.N. c. Leung (1re inst.)
Section de première instance, juge Joyal—Toronto, 25 février; Ottawa, 20 septembre 1993.
Impôt sur le revenu — Pratique — Règlement de trois questions de droit en appel d’un jugement de la Cour de l’impôt décidant qu’une cotisation fondée sur l’art. 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu est invalide car incomplète — L’art. 227.1 rend les administrateurs solidairement responsables, avec la corporation, du paiement des retenues salariales — Le défendeur est administrateur d’une corporation ayant manqué de verser les sommes déduites et retenues au titre de l’impôt sur le revenu des employés (fédéral et provincial), des primes d’assurance-chômage et des cotisations au R.P.C. — La cotisation a été établie à l’égard de la corporation, des certificats ont été enregistrés, la saisie-exécution s’est avérée futile — Le défendeur est cotisé en vertu des art. 227(10) et 227.1 — L’avis de cotisation porte sur la dette fiscale globale, citant quatre textes de loi et les dispositions pertinentes de chacun, mais ne précisant pas les sommes dues au titre de chacune de ces lois — L’art. 152(3) fixant l’obligation fiscale n’est en rien affecté par une cotisation incorrecte ou incomplète — L’art. 152(8) prévoit qu’une cotisation est réputée valide malgré les vices de forme, les erreurs ou les omissions — (1) En l’absence d’une exigence d’un texte de loi quant à la forme ou à la teneur de l’avis de cotisation, et compte tenu de l’art. 152(3) et (8), l’avis de cotisation est valide — (2) Le ministre n’est pas tenu de fournir, dans l’avis de cotisation délivré au défendeur, une copie des cotisations établies au nom de la corporation — (3) La cotisation a été émise par les autorités compétentes.
Impôt sur le revenu — Corporations — La corporation a omis de verser les sommes retenues au titre de l’impôt sur le revenu des employés, des primes d’assurance-chômage et des cotisations au R.P.C. — La corporation est mise sous séquestre — Le défendeur était trésorier de la corporation — Les avis de cotisation ont été délivrés à la corporation — Des certificats ont été enregistrés, auprès de la Cour fédérale, à l’encontre de la corporation — Le défendeur a été imposé en vertu de l’art. 227(10) de la L.I.R., 221 du R.P.C. et 68.1 de la L.A.-C — La cotisation du défendeur correspondant au total de la dette fiscale est valide bien qu’elle ne précise pas les montants dus au titre de chacun des textes de loi — Le M.R.N. n’est pas tenu de fournir les détails de la cotisation de la corporation dans l’avis de cotisation délivré au défendeur.
Il s’agissait de l’appel d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt invalidant une cotisation fondée sur le paragraphe 227(10). Les parties avaient conjointement demandé que soient tranchées trois questions de droit. Le défendeur était un des administrateurs d’une corporation ontarienne qui avait omis de remettre les montants déduits et retenus à la source au titre des impôts fédéraux et provinciaux des employés, des primes d’assurance-chômage et des cotisations au Régime de pensions du Canada. La corporation n’a ni contesté, ni fait appel des avis de cotisation portant sur ces montants. Après enregistrement en Cour fédérale et en Cour suprême de l’Ontario, à l’encontre de la corporation, de certificats correspondant aux sommes déduites et non remises, et après l’échec de la saisie-exécution autorisée pour ces mêmes montants, le défendeur a été cotisé conformément au paragraphe 227(10). L’avis de cotisation donnait sur le total de la dette fiscale au titre des lois fédérale et provinciale de l’impôt, de la Loi sur l’assurance-chômage, et de la Loi sur le Régime de pensions du Canada, sans préciser les sommes dues au titre de chacun de ces textes. Environ une année après réception de l’avis, le défendeur a demandé et obtenu un prolongement du délai d’opposition. Le ministre confirma la cotisation et le défendeur interjeta appel. La Cour de l’impôt décida que la cotisation était incomplète étant donné qu’elle n’informait pas suffisamment à fond le contribuable quand à l’impôt qu’on lui réclamait — Le contribuable doit être informé du montant qu’on lui réclame au titre de chacun des textes de loi. La Cour a également décidé que le ministre est tenu de fournir au contribuable la documentation dont il est fait état dans l’avis de cotisation, tels les avis antérieurement transmis à la corporation ainsi que la date des omissions reprochées à celle-ci. La Cour de l’impôt a estimé qu’il ne s’agit pas là seulement de vices de forme, décidant que la validité de la cotisation ne pouvait pas être protégée par les dispositions correctives de la Loi, tel le paragraphe 152(3), qui prévoit que la dette fiscale n’est pas affectée par les erreurs ou les lacunes de la cotisation, et le paragraphe 152(8), selon lequel la cotisation est réputée valide malgré l’inexactitude, le vice de forme ou l’omission qu’on pourrait y trouver.
Les questions de droit à trancher étaient les suivantes : (1) le défendeur a-t-il été cotisé conformément aux paragraphes 227.1(1) et 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu, par la délivrance d’un tel avis de cotisation; (2) le ministre était-il tenu de fournir au défendeur les avis de cotisation délivrés à la corporation ainsi que, par écrit, d’autres détails de la cotisation; lorsque l’avis de cotisation a été transmis au défendeur; (3) le ministre, ou un agent autorisé, a-t-il établi la cotisation du défendeur, conformément à l’article 227.1 et au paragraphe 227(10)?
Jugement : il y a lieu de répondre par l’affirmative aux questions (1) et (3); et par la négative à la question (2).
Les sommes réclamées au titre de l’article 227 avaient été retenues, par la corporation, à titre de fiduciaire et n’avaient pas été remises à la Couronne; il s’agit au mieux d’un grand abus de confiance, au pire d’un détournement de fonds. La Couronne ne peut recourir à une cotisation fondée sur l’article 227 que dans les cas où elle n’a absolument aucun autre espoir de recouvrement. La responsabilité d’un administrateur, au titre des paragraphes 227.1(3) et (4), n’est pas juris et de jure. Un administrateur pourra démontrer soit qu’il n’était pas administrateur, soit qu’il a fait preuve de toute la diligence voulue, soit encore que le délai de prescription de deux ans doit jouer. Un administrateur n’est pas nécessairement au courant de l’article 227 de la Loi et du fait que sa responsabilité peut être mise en cause si la corporation manque à certaines de ses obligations. La question de savoir si le contribuable peut, en réponse à un avis de cotisation, se cantonner dans une attitude de passivité pour faire valoir que l’avis dont on énumère les lacunes doit être considéré comme nul et non avenu dépendra des faits et circonstances entourant la délivrance de la cotisation. En l’espèce, les faits ne permettent pas de conclure que l’avis de cotisation a causé un préjudice au défendeur.
D’une manière générale, il convient d’éviter, en matière de cotisation, une approche trop formaliste. La Loi de l’impôt sur le revenu n’est pas un texte pénal, et un avis de cotisation n’a rien d’un acte ou d’un chef d’accusation. Les règles très strictes et inflexibles applicables aux procédures pénales ne s’appliquent pas aux avis de cotisation ou aux procédures qui en découlent. Lors de l’adoption des paragraphes 152(3) et (8), l’objet était d’assurer que, dans le cadre des millions de cotisations émises chaque année, dont beaucoup mettent en jeu des dispositions législatives complexes et des calculs, eux aussi, complexes, il ne serait pas imposé à celui qui établit la cotisation une parfaite exactitude technique ou des exigences péremptoires de divulgation, de citation et d’indication de source. L’avis de cotisation constitue une procédure administrative et il n’y a pas nécessairement lieu de lui appliquer sous peine de nullité absolue les exigences techniques applicables aux autres procédures. Notre système fiscal est fondé sur l’idée que, face à une cotisation, le contribuable va réagir en personne raisonnable. Il n’est pas prévu que, pendant des années, il ne fera rien, puis tentera de se prévaloir de la prétendue illégalité ou invalidité de la cotisation au motif qu’elle ne renfermait pas suffisamment de renseignements et lui causait, de ce simple fait, préjudice. D’ailleurs, le contribuable dispose de recours administratifs ainsi que de voies de recours encore plus formelles telles les procédures d’opposition et d’appel. Le défendeur a été informé des sommes qu’on entendait lui réclamer, il a fait l’objet d’une cotisation et a eu toutes les occasions de faire modifier la cotisation en fonction de ses observations. Il n’a jamais demandé le détail des sommes qu’on lui réclamait au titre des diverses lois citées dans la cotisation.
L’avis de cotisation contenait tous les éléments essentiels envisagés par la Loi. Il comprenait le total des sommes dues au titre des versements non effectués, citant la dispositions législative au titre de laquelle étaient mise en cause, du fait d’autrui, la responsabilité de l’administrateur, les divers textes de loi au titre desquels avaient été effectuées les retenues à la source qui n’ont pas été remises et les divers avis de cotisation envoyés à la corporation, avec la date de ces envois. Cela suffisait à faire savoir au contribuable que telle ou telle somme précise lui était réclamée. Pour le contribuable qui reçoit une cotisation incomplète, une cotisation dont les motifs ne sont pas exposés de manière suffisamment précise, la solution découle du fait que cela impose à celui qui a établi la cotisation une charge de la preuve qui ne lui incomberait pas normalement.
Lors de la contestation d’une cotisation, la preuve incombe au contribuable. La Couronne fonde nécessairement sa cotisation sur un certain nombre d’hypothèses et c’est au contribuable qui connaît les tenants et aboutissants de la situation de les réfuter. Parfois, le fardeau de la preuve est transféré à la Couronne, comme dans le cas où les plaidoiries de la Couronne ne contiennent pas d’allégations précises détaillant les hypothèses essentielles sur lesquelles le ministre a fondé ses nouvelles cotisations. Les circonstances entourant l’établissement d’une cotisation peuvent très bien imposer à la Couronne de prouver que sa cotisation est exacte et il en est particulièrement ainsi lorsque la cotisation est établie en vertu de l’article 227. Il incombe à la Couronne de rapporter la preuve des questions dont elle a connaissance. La Couronne peut partir de l’hypothèse que le contribuable visé était administrateur de la corporation à l’époque des faits et que sa responsabilité peut être engagée aux termes de la Loi, mais le contribuable a la possibilité de réfuter cette hypothèse en démontrant qu’il n’était pas administrateur ou qu’il a fait preuve de la diligence nécessaire, ou que le droit de l’imposer est atteint par la prescription. C’est à la Couronne qu’il incomberait de démontrer que les conditions prévues au paragraphe 227.1(2) de la Loi (pour la mise en cause de la responsabilité du fait d’autrui) ont été respectées. En l’espèce, le contribuable n’a subi aucun préjudice du fait de la cotisation alors qu’il conserve la possibilité d’y faire opposition.
(1) En l’absence de conditions établies dans des textes de loi quant à la forme ou au contenu des avis de cotisation, et à la lumière des paragraphes 152(3) et (8), de la Loi, l’avis de cotisation envoyé au défendeur est valide. Si les sommes réclamées au titre de lois autres que la Loi de l’impôt sur le revenu ne peuvent pas faire l’objet d’une cotisation fondée sur l’article 227, il sera loisible à la Cour de diminuer les sommes fixées et de modifier la cotisation en conséquence. Dans certaines circonstances, et c’est le cas des cotisations établies en fonction du paragraphe 227.1, ce qui est en cause ce n’est pas tellement la validité de la cotisation, car il s’agit, plutôt, d’une question touchant à la preuve, qui, d’ailleurs, incombe à la Couronne. L’étendue de la preuve incombant à la Couronne dépendra des faits de la cause et des plaidoiries produites devant la Cour.
(2) Le fait que l’avis délivré au défendeur n’ait pas été accompagné de copies des cotisations de la corporation n’affecte en rien la validité. Il s’agit uniquement d’une question qui touche à la preuve.
(3) Le pouvoir d’établir une cotisation en vertu de l’article 227 est le même que celui d’établir toute autre cotisation prévue par la Loi. La cotisation a donc été délivrée par les autorités compétentes.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 152, 166, 220, 221, 227(10) (mod. par L.C. 1985, ch. 45, art. 117); 227.1 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 124; mod. par 1984, ch. 1, art. 100), 244(13).
Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, ch. 48, art. 68.1 (édicté par S.C. 1984, ch. 1, art. 123).
Income Tax Act, L.R.O. 1980, ch. 213, art. 36a (édicté par S.O. 1984, ch. 50, art. 9).
Régime de pensions du Canada, S.R.C. 1970, ch. C-5, art. 22.1 (édicté par S.C. 1984, ch. 1, art. 119).
Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 900 (mod. par DORS/82-711, art. 1; 83-797, art. 1; 87-470, art. 1; 89-346, art. 1; 92-137, art. 1).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 474 (mod. par DORS/79-57, art. 14).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Roll (R.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2060; (1992), 92 DTC 1250 (C.C.I.); Canada c. B. M. Enterprises, [1992] 3 C.F. 409; [1992] 2 C.T.C. 115; (1992), 92 DTC 6463; 55 F.T.R. 204 (1re inst.); Doyle c. M.R.N., [1990] 1 C.F. 94; [1989] 2 C.T.C. 270; (1989), 89 DTC 5483; 30 F.T.R. 1 (1re inst.); Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309; [1990] 2 C.T.C. 524; (1990), 90 DTC 6647; 116 N.R. 200 (C.A.); infirmant [1987] 1 C.F. 339; [1986] 2 C.T.C. 325; (1986), 86 DTC 6465; 6 F.T.R. 294 (1re inst.); Riendeau (L.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 64; (1991), 91 DTC 5416; 132 N.R. 157 (C.A.F.); conf. sub nom Canada c. Riendeau, [1990] 1 C.T.C. 141; (1989), 90 DTC 6076; 31 F.T.R. 123 (1re inst.); Succession Stephens (W.R.) c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 88; (1986), 86 DTC 5024 (C.A.F.); conf. Succession Stephens (WR) c La Reine, [1984] CTC 111; (1984), 84 DTC 6114 (C.F. 1re inst.); Hillsdale Shopping Centre Ltd. c La Reine, [1981] CTC 322; (1981), 81 DTC 5261; 38 N.R. 103 (C.A.F.); Belle-Isle v. M.N.R. (1963), 63 DTC 347; 31 Tax A.B.C. 420 (C.A.I.); Re Norris (1989), 69 O.R. (2d) 285; 75 C.B.R. (N.S.) 97; [1989] 2 C.T.C. 185; 89 DTC 5493; 34 O.A.C. 304 (C.A.); Canadian Marconi Co. c. Canada, [1992] 1 C.F. 655 (C.A.); infirmant [1990] 1 C.F. 141; [1989] 2 C.T.C. 128; (1989), 89 DTC 5370 (1re inst.); Laurin, Georges c. Ministre du Revenu national, [1960] R.C.É. 480 (fr.); [1960] C.T.C. 194; (1960), 60 DTC 1143 (ang.); Succession Greenwood (S.) c. Canada, [1991] 1 C.T.C. 47; (1990), 90 DTC 6690; 39 E.T.R. 276; 39 F.T.R. 234 (C.F. 1re inst.).
DÉCISIONS ÉCARTÉES :
Premachuk (E.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2630; (1991), 91 DTC 1436 (C.C.I.); Wallace (M.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2341; (1991), 91 DTC 1134 (C.C.I.); Kirby (R.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2639; (1991), 91 DTC 1453 (C.C.I.); Corazza (F.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2023; (1992), 92 DTC 1554 (C.C.I.); ISC International Systems Consultants Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1993] T.C.J. no 40 (C.C.I.) (QL); Fitzgerald (G.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2595; (1992), 92 DTC 1019 (C.C.I.).
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Kit-Win Holdings (1973) Ltd c La Reine, [1981] CTC 43; (1981), 81 DTC 5030 (C.F. 1re inst.); Larocque c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2151; (1991), 91 DTC 899 (C.C.I.); Guaranty Properties Ltd. c. Canada, [1987] 2 C.F. 292; [1987] 1 C.T.C. 242; (1987), 87 DTC 5124; 9 F.T.R. 17 (1re inst.); McConnachie (N.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2072; (1991), 91 DTC 873 (C.C.I.); Crossley (R.W.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2082; (1991), 91 DTC 827 (C.C.I.); McCullough (H.) c. M.R.N., [1989] 2 C.T.C. 2236; (1989), 89 DTC 446 (C.C.I.); Vogt c. Ministre du Revenu national (1991), 3 B.L.R. (2d) 310; [1991] 2 C.T.C. 2760; 91 DTC 1326 (C.C.I.); Curylo (R.M.) c. M.R.N., [1992] 1 C.T.C. 2389; (1992), 92 DTC 1250 (C.C.I.); Minister of National Revenue v. Pillsbury Holdings Ltd., [1965] 1 R.C.É. 676; [1964] C.T.C. 294; (1964), 64 DTC 5184; Interprovincial Co-operative Ltd. c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 222; (1987), 87 DTC 5115; 8 F.T.R. 293 (C.F. 1re inst.); Baggs (F.) c. M.R.N., [1990] 1 C.T.C. 2391; (1990), 90 DTC 1296 (C.C.I.); Maroist (J.) c. M.R.N., [1990] 1 C.T.C. 2521; (1990), 90 DTC 1524 (Eng.); 90 DTC 1518 (Fr.) (C.C.I.); Brewster, NC c La Reine, [1976] CTC 107; (1976), 76 DTC 6046 (C.F. 1re inst.).
DÉCISIONS CITÉES :
Scott, Lawrence B. v. Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 120; [1960] C.T.C. 402; 60 DTC 1273; R. v. Swyryda (1981), 11 Sask. R. 188; 81 DTC 5109 (B.R.).
DOCTRINE
Moskowitz, Evelyn P. Director’s Liability : An Update, in Report of Proceedings of the Forty-Third Tax Con ference. Toronto : Canadian Tax Foundation, 1991.
DEMANDE en vue de voir trancher trois questions de droit en appel d’un jugement de la Cour de l’impôt estimant incomplet un avis de cotisation (Leung (J.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2268; (1991), 91 DTC 1020 (C.C.I.)) : (1) le défendeur a-t-il été imposé conformément aux paragraphes 227.1(1) et 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la mesure où lui a été transmis un avis de cotisation faisant état du montant global dû au titre de quatre lois, sans préciser les montants dus au titre de chacun de ces textes; (2) le ministre était-il tenu de fournir au défendeur, avec l’avis de cotisation, copie des avis de cotisation délivrés à la corporation ainsi que, par écrit, d’autres détails touchant la cotisation de la corporation; (3) la cotisation a-t-elle été délivrée par les autorités compétentes? Il a été répondu par l’affirmative aux questions (1) et (3) et par la négative à la question (2).
AVOCATS :
Bonnie F. Moon pour la demanderesse.
Stephen S. Ruby et David Hausman pour le défendeur.
PROCUREURS :
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Warren W. Biback, Toronto, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Joyal : Il s’agit d’un appel introduit par Sa Majesté la Reine à l’encontre d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt en date du 4 juillet 1991 [[1991] 2 C.T.C. 2268] accueillant l’appel interjeté par le défendeur à l’encontre d’un avis de cotisation d’impôt établi en vertu du paragraphe 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (mod. par L.C. 1985, ch. 45, art. 117] (la « Loi »), la Cour ayant jugé l’avis de cotisation incomplet. Par voie de conséquence, la cotisation a été déclarée invalide.
EXPOSÉ DE LA SITUATION
Le défendeur est une personne physique actuellement domiciliée dans la colonie britannique de Hong Kong. Avant de rentrer à Hong Kong, et à l’époque des faits, le défendeur habitait la ville de Scarborough en Ontario.
Alors qu’il vivait à Scarborough, le défendeur était un des actionnaires et des cadres de la corporation 482262 Ontario Limited, qui a depuis cessé ses activités, mais qui, à l’époque des faits, faisait affaire sous la raison sociale « The Business Centre ». The Business Centre était actionnaire de la Eastern Scale Manufacturing Inc. (la « corporation »), constituée en vertu des lois de l’Ontario.
L’accord intervenu entre les actionnaires (l’« accord ») en date du 11 mai 1984 : Eastern Scale Manufacturing Inc., Conestoga Bridge Capital Corporation (Conestoga), David Kenneth Penn, Wai-Leung Yuen, 482262 Ontario et Tom Sloss, prévoyait que Eastern Scale aurait un conseil d’administration de cinq membres, dont deux nommés par Sloss, deux par Conestoga et un par 482262 Ontario. Le défendeur a été nommé administrateur de la corporation par 482262 Ontario, le 28 février 1984.
Conformément aux dispositions de l’accord, le défendeur a été nommé trésorier de la corporation, Sloss étant nommé président, Penn vice-président chargé de la vente, et Yuen vice-président chargé des ventes dans la région du Pacifique. Le poste de secrétaire ne fut pas pourvu. Le défendeur a été nommé trésorier le 11 mai 1984 et conservera ce titre pendant toute l’époque en cause.
Le 11 octobre 1985, la corporation a été mise sous séquestre. Elle n’avait soit pas versé, soit pas versé en temps utile, les sommes déduites et retenues, au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour ce qui est des impôts fédéraux dus par les employés et au titre de la Income Tax Act de l’Ontario [L.R.O. 1980, ch. 213] pour ce qui est de l’impôt sur le revenu provincial, les primes d’assurance-chômage déduites conformément à la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage [S.C. 1970-71-72, ch. 48] ainsi que des cotisations au Régime de pensions du Canada [S.R.C. 1970, c. C-5] pour la période allant du 1er avril 1985 au 11 octobre 1985.
Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi et envoyé à la corporation des avis de cotisation en date des 17 juin 1985, 8 juillet 1985, 11 septembre 1985, 19 septembre 1985 et 22 novembre 1985, touchant les versements tardifs ou défaillants. La corporation ne s’est pas opposée à ces cotisations et n’en a pas fait appel.
Par lettre en date du 29 janvier 1986, M. L. Frank, de la Section des recouvrements du ministère du Revenu national, a fait savoir au défendeur que le Ministère envisageait de l’imposer au titre des sommes dues par la corporation et des pénalités et intérêts y afférents. Cette lettre demandait au défendeur de faire valoir les arguments lui permettant éventuellement de dégager sa responsabilité et l’invitait à prendre contact avec M. Frank s’il avait des questions ou s’il voulait s’entretenir avec lui de cette affaire. Le défendeur n’a pas répondu à cette lettre.
Le 13 mai 1986, les certificats correspondant aux sommes déduites et non remises furent enregistrés, à l’encontre de la corporation, en Cour fédérale du Canada et en Cour suprême de l’Ontario, mais la saisie-exécution autorisée pour ces mêmes montants ne permit pas d’en recouvrer la moindre partie.
Sur avis conforme du ministère de la Justice, et avec l’autorisation de l’administration centrale, le défendeur se vit imposer, conformément au paragraphe 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Mme G. Samji, agent de recouvrement au ministère du Revenu national, effectua les calculs et obtint les formulaires prévus pour les avis de cotisation.
Par avis de cotisation portant le numéro 572470 et la date du 9 septembre 1986, le ministre entreprit de réclamer au défendeur le versement de 65 775,16 $ au titre des obligations incombant à celui-ci en vertu de l’article 227.1 [édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 124; mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 100] de la Loi, de l’article 36a [édicté par S.O. 1984, ch. 50, art. 9] de la Income Tax Act de l’Ontario, de l’article 22.1 [édicté par S.C. 1984, ch. 1, art. 119] de la Loi sur le Régime de pensions du Canada ainsi que de l’article 68.1 [édicté, idem, art. 123] de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage pour les déductions à la source non versées, plus les pénalités et intérêts dus, par la corporation, dans le cadre des avis de cotisation en date des 17 juin, 8 juillet, 11 septembre, 19 septembre et 22 novembre 1985.
Plusieurs mois après la délivrance de l’avis de cotisation, le défendeur rencontra Mme Samji, l’agent de recouvrement. Plus tard, un représentant du défendeur participa à une seconde réunion.
Le 9 septembre 1987, soit un an environ après avoir reçu l’avis de cotisation, le demandeur sollicita une prolongation du délai d’opposition à la cotisation. Justifiant son retard à déposer un avis d’opposition, le défendeur expliqua qu’il croyait qu’un avocat en avait été chargé. Le 7 juin 1988, la Cour canadienne de l’impôt fit droit à sa demande de prolongation du délai de dépôt d’un avis d’opposition. Le défendeur déposa l’avis d’opposition le 27 juin 1988.
Par avis de confirmation en date du 20 février 1989, le ministre confirma la cotisation fondée sur les obligations fiscales du défendeur en vertu de l’article 227.1 de la Loi.
Par avis d’appel en date du 8 mai 1989, le défendeur interjeta appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Par décision en date du 4 juillet 1991, la Cour canadienne de l’impôt fit droit à son appel, estimant que la cotisation qui avait été délivrée au défendeur était incomplète puisqu’elle n’informait pas pleinement le contribuable des obligations qu’on lui imputait pour les sommes demeurant impayées. La Cour de l’impôt estima qu’un contribuable imposé en vertu de quatre lois différentes devrait être informé du montant qu’on lui réclame dans le cadre de chacune de ces lois. D’après la Cour, le contribuable doit être mis au courant de la cotisation qui lui est imposée par un avis de cotisation et, aux fins de la Loi, la cotisation ne sera pas considérée comme complète avant qu’un tel avis soit effectivement transmis. La Cour a également estimé que le ministre est tenu de fournir au contribuable la documentation dont il est fait état dans l’avis de cotisation, et notamment les avis antérieurement transmis à la corporation, ainsi que la date des omissions reprochées à celle-ci. Pour la Cour de l’impôt, il s’agit là de vices qui ne sont pas de pure forme et, par conséquent, la Cour a décidé que la validité de la cotisation ne pouvait pas être étayée par les dispositions correctives de la Loi. Le ministre du Revenu national a porté cette décision en appel devant la Cour.
LES QUESTIONS EN LITIGE
Les parties ont, en vertu de la Règle 474 des Règles de la Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 (mod. par DORS/79-57, art. 14)], déposé une demande conjointe afin de voir trancher, par la Cour, les trois questions de droit suivantes :
1. Le défendeur a-t-il été imposé conformément aux paragraphes 227.1(1) et 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu dans la mesure où lui a été transmis un avis de cotisation faisant état du montant dû en raison d’une obligation découlant de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Income Tax Act de l’Ontario, de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage et de la Loi sur le Régime de pensions du Canada, et où cet avis de cotisation se réfère à chacune de ces lois et à leurs dispositions applicables et fait état du montant global de l’obligation fiscale découlant de ces textes, sans toutefois préciser les montants dus au titre de chacun d’entre eux?
2. Pour établir la cotisation du défendeur conformément aux paragraphes 227.1(1) et 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le ministre du Revenu national, ou les agents de son ministère, étaient-ils tenus, à l’époque où l’avis de cotisation a été transmis au défendeur, de fournir à celui-ci les avis de cotisation délivrés à la corporation ainsi que, par écrit, d’autres détails de la cotisation de la corporation et du défendeur?
3. Le ministre du Revenu national, le sous-ministre du Revenu national—Impôt, le sous-ministre adjoint du Revenu national—Impôt, ou un agent autorisé du ministère du Revenu national, ont-ils établi la cotisation du défendeur conformément à l’article 227.1 et au paragraphe 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu ?
LA THÈSE DE LA DEMANDERESSE
La Couronne fait respectueusement valoir qu’il y a lieu de répondre à ces questions de la manière suivante : oui à la première question, non à la deuxième et oui à la troisième.
La Couronne estime que la forme de l’avis d’appel n’est pas prescrite par la Loi et que, par conséquent, l’avis d’appel en question est valide dans la mesure où il est rédigé de manière à faire connaître explicitement au contribuable le contenu de la cotisation établie par le ministre (voir Scott, Lawrence B. v. Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 120, aux pages 131 à 134 et Succession Stephens (W.R.) c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 88 (C.A.F.); confirmant [1984] CTC 111 (C.F. 1re inst.)).
Le ministre soutient que la réponse apportée aux première et deuxième questions ne doit pas dépendre de la question de savoir s’il aurait été préférable, ou possible, que le ministre rédige de manière plus détaillée l’avis de cotisation en date du 9 septembre 1986, ou l’accompagne d’une documentation plus fournie, mais simplement de la question de savoir s’il y était légalement tenu. Le ministre soutient que, juridiquement, il n’y était pas tenu (voir Laurin, Georges c. Ministre du Revenu national, [1960] R.C.É. 480 (fr.), aux pages 482 et 483; (1960), 60 DTC 1143 (ang.), à la page 1145).
Il fait valoir, en outre, que pour répondre aux première et deuxième questions, il convient de garder à l’esprit l’objet de l’avis d’appel, qui est de faire connaître au contribuable la cotisation dont il a fait l’objet afin que ce contribuable puisse prendre les mesures qu’il estime opportunes. Le contribuable peut décider d’acquitter la somme qui lui est réclamée, contester la cotisation par le dépôt d’un avis d’opposition, ou bien demander au ministre des renseignements supplémentaires avant de décider s’il y a lieu de faire opposition.
Le ministre estime qu’en l’espèce l’avis de cotisation correspondait bien à l’objet visé. Le défendeur s’est en effet vu informer du fait qu’il avait fait, de la part du ministre, l’objet d’une cotisation au titre de quatre lois différentes et qu’on lui réclamait le versement des déductions non remises, ainsi que le paiement des pénalités et des intérêts dus par la corporation dans le cadre de certains avis de cotisation transmis à celle-ci. Le contribuable a été informé du fait que la cotisation portait sur la somme de 65 775,16 $. Pendant plusieurs mois, le défendeur n’a demandé aucune information complémentaire. Il n’a jamais demandé qu’on lui communique des documents supplémentaires. Après avoir obtenu une ordonnance prolongeant le délai d’opposition, le défendeur a fait opposition à la cotisation et a fait appel devant la Cour canadienne de l’impôt d’une décision confirmant cette cotisation.
D’ailleurs, selon la Couronne, ni le défendeur ni son représentant n’ont jamais demandé qu’on leur précise comment se répartissait, entre la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale, la Income Tax Act de l’Ontario, la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage et la Loi sur le Régime de pensions du Canada, la somme fixée dans la cotisation, pas plus qu’ils n’ont demandé qu’on leur transmette copie des avis de cotisation envoyés à la corporation, ou des certificats déposés auprès de la Cour fédérale du Canada ou de la Cour suprême de l’Ontario. Le ministre prétend avoir fourni tous les renseignements demandés par le défendeur ou son représentant.
Pour la Couronne, il est d’ailleurs évident que, ainsi qu’il apparaît de la demande de prolongation du délai d’opposition, le retard à déposer un avis d’opposition est né du manque de diligence dont a fait preuve l’avocat du défendeur. Ni dans la demande, ni autre part, est-il dit que le défendeur a eu du mal à comprendre, ou a été induit en erreur par l’avis de cotisation en date du 9 septembre 1986, pas plus qu’on ne trouve d’éléments tendant à démontrer qu’il y a eu atteinte aux droits du défendeur (voir Roll (R.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2060 (C.C.I.); Curylo (R.M.) c. M.R.N., [1992] 1 C.T.C. 2389 (C.C.I.); Wallace (M.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2341 (C.C.I.); et Corazza (F.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2023 (C.C.I.)).
La Couronne fait également valoir que dans la réponse à l’avis d’appel, déposée auprès de la Cour canadienne de l’impôt le 4 octobre 1989, le défendeur a pu trouver une répartition des sommes qui lui étaient réclamées, dans l’avis de cotisation, au titre des quatre lois distinctes.
Et enfin, la Couronne fait valoir que le paragraphe 227(10) de la Loi permet au ministre d’imposer à un contribuable le paiement des sommes dues au titre de l’article 227.1 de la Loi et que, lorsque le ministre envoie à ce contribuable un avis, les sections I et J de la Partie I de la Loi (les articles 152 et 166) s’appliquent mutatis mutandis. D’ailleurs, selon la Couronne, quand bien même l’avis de cotisation serait entaché d’erreur, il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une erreur d’une importance telle qu’elle doive entraîner la nullité de l’avis (voir Riendeau (L.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 64 (C.A.F.); confirmant [1990] 1 C.T.C. 141 (C.F. 1re inst.); Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309 (C.A.); infirmant [1987] 1 C.F. 339 (1re inst.), requête de la Couronne en vue d’adjoindre des preuves supplémentaires (1987), 87 DTC 5248 (C.A.F.); Succession Greenwood (S.) Estate c. Canada, [1991] 1 C.T.C. 47 (C.F. 1re inst.)). Il y aurait ainsi lieu d’apporter une réponse affirmative à la première question et de répondre à la deuxième par la négative.
En ce qui concerne le pouvoir d’émettre une cotisation en vertu du paragraphe 227(10), le ministre a déclaré que l’avis de cotisation est revêtu du nom du sous-ministre du Revenu national, Impôt. D’après le paragraphe 244(13) de la Loi, l’avis de cotisation est donc réputé avoir été émis par le sous-ministre. D’ailleurs, l’avis de cotisation en date du 9 septembre 1986 a été émis par les agents du ministère du Revenu national, opérant sous le contrôle du sous-ministre, conformément aux procédures en vigueur. Par conséquent, l’avis de cotisation a été effectivement émis par le sous-ministre (voir les articles 220 et 221 de la Loi). (Voir Canada c. B. M. Enterprises, [1992] 3 F.C. 409 (1re inst.).) Quoi qu’il en soit, le ministre soutient qu’il est implicitement autorisé à déléguer à son tour le pouvoir d’émettre des cotisations (voir Doyle c. M.R.N., [1990] 1 C.F. 94 (1er inst.); et R. v. Swyryda (1981), 11 Sask. R. 188 (B.R.)). Il y aurait ainsi lieu de répondre à la troisième question par l’affirmative.
LA THÈSE DU DÉFENDEUR
Le défendeur fait pour sa part valoir que la Cour devrait statuer de la manière suivante sur les questions qui lui sont soumises : non à la première question, oui à la deuxième et non à la troisième.
Pour le défendeur, le prétendu avis d’appel ne détaillait pas les obligations lui incombant en vertu de l’une ou l’autre des lois citées, pas plus qu’il ne lui indiquait les sommes au regard desquelles on lui demandait d’acquitter les intérêts et les pénalités dont était redevable la corporation. Il ajoute qu’on ne lui a pas fourni copie des avis transmis à la corporation et auxquels se référait le prétendu avis de cotisation.
Le défendeur estime que, dans la mesure où une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu doit indiquer clairement au contribuable le montant de l’impôt fixé par le ministre, cette obligation s’impose a fortiori lorsque l’avis de cotisation se présente comme un avis de cotisation fondé à la fois sur la Loi de l’impôt sur le revenu, la Income Tax Act de l’Ontario, la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage et la Loi sur le Régime de pensions du Canada. Si l’avis ne fait état que d’un chiffre global qui correspond à la somme des divers montants que le contribuable était tenu de payer en vertu des quatre lois en cause, donc d’un chiffre qui ne précise pas l’obligation fiscale incombant au contribuable en vertu de chacune de ces lois, l’avis serait, selon le défendeur, incomplet et, partant, invalide. La cotisation serait, par conséquent, frappée de nullité. (Voir Succession Stephens (W.R.) c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 88 (C.A.F.), à la page 89; Corazza (F.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2023 (C.C.T.), aux pages 2033 et 2034; Wallace (M.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2341 (C.C.I.), à la page 2344; Kirby (R.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2639 (C.C.I.), aux pages 2642 et 2643; McConnachie (N.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2072 (C.C.I.), aux pages 2073 et 2074; Fitzgerald (G.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2595 (C.C.I.), à la page 2599; et enfin, Leung (J.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2268 (C.C.I.), à la page 2277, décision qui fait l’objet du présent appel.)
Le défendeur prétend, par ailleurs, qu’une connaissance précise du montant de l’impôt, des pénalités et des intérêts fixés dans la cotisation au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Income Tax Act de l’Ontario, de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage et de la Loi sur le Régime de pensions du Canada, lui était nécessaire pour pouvoir convenablement exposer les faits et les motifs sur lesquels il fondait son opposition, soit dans l’avis d’opposition, soit dans d’autres documents qu’il était tenu de fournir. Une cotisation qui ne répond pas à ces conditions-là est incomplète et, par conséquent, nulle au regard de ces divers textes de loi.
Se fondant sur un second motif d’appel, le défendeur fait valoir qu’un administrateur est en droit de recevoir copie des avis de cotisation envoyés à une corporation suite au non-paiement des impôts auxquels elle est tenue, et de se voir signaler les dates des manquements qui lui sont reprochés. L’administrateur visé par une cotisation peut ne pas être actionnaire majoritaire de la corporation, peut même ne détenir aucune action dans celle-ci et, par conséquent, il n’a pas nécessairement connaissance d’un manquement à l’obligation d’effectuer des retenues à la source. Ainsi, le fait de ne pas lui avoir communiqué de tels avis confère à l’avis qui lui a été transmis un caractère incomplet qui l’entache de nullité. (Voir Corazza (F.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2023 (C.C.I.), aux pages 2033 et 2034; Crossley (R.W.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2082 (C.C.I.), aux pages 2083 et 2084; Leung (J.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2268 (C.C.I.), à la page 2277; et Kirby (R.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2639 (C.C.I.), aux pages 2644 et 2645.)
Le défendeur soutient également que de tels renseignements sont nécessaires pour que le contribuable puisse savoir quels seraient ses moyens de défense contre la mise en cause de sa responsabilité en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, soit qu’il n’était pas administrateur de la corporation à l’époque où celle-ci a omis d’effectuer la retenue à la source ou le versement ou, conformément au paragraphe 227.1(4), soit qu’il avait cessé d’être administrateur de la corporation depuis plus de deux ans après que se soient produits les manquements dont il est ici question.
Le défendeur soutient également que le fait que le ministre n’ait pas précisé les sommes dues par l’administrateur aux termes des quatre textes de loi cités plus haut, et qu’il n’ait pas, non plus, transmis à l’administrateur les avis de cotisation de la corporation, repris par référence dans l’avis transmis à l’administrateur, est constitutif d’une fondamentale erreur de fond et que les paragraphes 152(3) et (8) ainsi que l’article 166 de la Loi, c’est-à-dire les dispositions correctives de la Loi, ne permettent pas de conférer à la cotisation en cause la validité qui lui fait défaut. Il convient donc de répondre à la première question par la négative, et par l’affirmative à la question numéro deux.
Et enfin, le défendeur soutient que le pouvoir discrétionnaire d’émettre une cotisation en vertu du paragraphe 227(10) de la Loi ne peut être exercé que par le ministre du Revenu national, le sous-ministre du Revenu national ou le sous-ministre adjoint du Revenu national. La restriction apportée à la possibilité, pour ces personnages, de déléguer l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, découle du fait que la délégation de ce pouvoir discrétionnaire ne fait elle-même l’objet d’aucune délégation aux termes de l’article 900 du Règlement de l’impôt [Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 (mod. par DORS/82-711, art. 1; 83-797, art. 1; 87-470, art. 1; 89 -346, art. 1; 92-137, art. 1]. Les conditions mises à la responsabilité du fait d’autrui que l’article 227.1 impose aux administrateurs, témoignent de la volonté du législateur de ne voir cette responsabilité des administrateurs engagée que dans des circonstances précisément délimitées. Le défendeur fait donc valoir qu’il y a, en l’espèce, lieu d’appliquer, à la mise en cause de la responsabilité prévue au paragraphe 227.1(1), le principe delegatus non potest delegare et que la Cour ne devrait donc pas reprendre ici la décision qu’elle a rendue dans l’affaire Canada c. B. M. Enterprises, [1992] 3 C.F. 409. Pour le défendeur, il y a lieu de répondre par la négative à la question numéro trois.
LA JURISPRUDENCE
Dans l’affaire Canada c. Riendeau, [1990] 1 C.T.C. 141 (C.F. 1re inst.), le ministre avait confirmé une nouvelle cotisation qui, au départ, était fondée sur une disposition législative, abrogée à l’époque. Le défendeur contesta la validité de la nouvelle cotisation, se fondant sur ce que le juge Cattanach avait déclaré dans l’affaire Kit-Win Holdings (1973) Ltd c La Reine, [1981] CTC 43 (C.F. 1re inst.), à la page 55 :
Le juge Rand dit également de façon claire à la page 490 qu’il existe l’obligation de divulguer pleinement au contribuable les constatations de fait et les décisions de droit qui ont donné lieu au litige. C’est là un des rares droits conférés au contribuable dans la loi qui, en grande partie, lui impose des obligations.
Notre collègue le juge Cullen a rejeté cet argument. Dans sa décision, il renvoie (à la page 145) à l’affaire Belle-Isle v. M.N.R. (1963), 63 DTC 347 (C.A.I.), à la page 349 où l’on trouve que :
[traduction] « Il importe peu en vertu de quel article de la Loi une cotisation est établie. Ce qui importe, c’est de savoir si un impôt est exigible ».
Aux pages 146 et 147, le juge Cullen estime que la validité de la nouvelle cotisation n’est en rien affectée par l’erreur du ministre et déclare que :
Il ressort à l’évidence de la Loi et de la jurisprudence que le fait qu’une cotisation est incorrecte ou incomplète n’a pas d’incidence sur l’assujettissement à l’impôt. Sous réserve de sa modification ou de son annulation à la suite d’une opposition ou d’un appel, ou de l’établissement volontaire d’une nouvelle cotisation par le ministre, une cotisation est réputée valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission qu’elle contient.
L’erreur est une question de degré. Il résulte du rapprochement des paragraphes 152(3) et 152(8) et de l’article 166 que cette erreur du ministre du Revenu national est loin d’être fatale. La jurisprudence ne restreint la portée de ces dispositions que lorsque l’erreur est substantielle et fondamentale; en pareil cas, la cour ne permettra pas au ministre de se réfugier derrière les dispositions.
En l’espèce, l’erreur qu’a commise le ministre n’est pas suffisamment grave pour qu’on la classe dans la même catégorie que celles dont il était question dans les affaires comme l’affaire Optical Recording…
Dans l’affaire Optical Recording Corp. c. Canada, [1987] 1 C.F. 339 (1re inst.), le ministre avait établi une cotisation, mais avait également fait savoir au contribuable que l’impôt ainsi fixé n’était pas encore dû. Plus tard, sans le moindre avertissement, le ministre obtint le gel des fonds du contribuable pour cause de non-paiement de ses impôts. Le juge Cullen a cité les observations de la Cour qui estimait que (à la page 146) :
… les actes du ministre et de ses fonctionnaires dénotaient « des erreurs de droit, un comportement illégal, un excès de compétence et un revirement subit d’attitude sans avis raisonnable » à tel point que la cotisation devait être annulée.
Le juge Cullen a ensuite cité [à la page 146] la décision rendue dans l’affaire Succession Stephens (WR) c La Reine, [1984] CTC 111 (C.F. 1er inst.); confirmée par la décision dont il est fait état à [1987] 1 C.T.C. 88 (C.A.F.) :
Un autre jugement pertinent est le jugement Stephens c. La Reine, [1984] C.T.C. 111; 84 D.T.C. 6114 (C.F. 1re inst.), confirmé à [1987] 1 C.T.C. 88; 87 D.T.C. 5024 (C.A.F.). Dans cette affaire, on prétendait que cinq avis de nouvelles cotisations étaient nuls parce que le nom du ministère et du sous-ministre qui y figurait était incorrect. La cour a statué que les nouvelles cotisations étaient valides, car les vices de forme présumés ne créaient pas de confusion et ne causaient pas de préjudice au contribuable; il s’agissait de simples irrégularités auxquelles on pouvait remédier. La cour a estimé qu’il ne s’agissait pas de vices de forme et que, même s’ils en étaient, on pouvait y remédier en vertu du paragraphe 152(8) de la Loi. Et, dans le jugement La Reine c. Simard-Beaudry Inc., 71 D.T.C. 5511 (C.F. 1re inst.), le juge en chef adjoint Noël déclare à la page 5515 :
[traduction] … l’économie générale de la Loi de l’impôt sur le revenu indique que la dette du contribuable est créée par son revenu imposable, non pas par une cotisation ou une nouvelle cotisation. En fait, l’obligation fiscale du contribuable résulte de la Loi et non de la cotisation. En principe, la dette est créée dès que le revenu est gagné, et même si la cotisation est établie une ou plusieurs années après que le revenu imposable est gagné, la dette est censée être née à ce moment-là.
La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision rendue par le juge Cullen dans l’affaire Riendeau en déclarant [1991] 2 C.T.C. 64, à la page 65 :
Comme les décisions et les dispositions législatives qui ont été citées par le juge Cullen le montrent bien, c’est la Loi de l’impôt sur le revenu S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, ch. 63) (la Loi) qui crée l’assujettissement à l’impôt, pas un avis de cotisation. L’assujettissement d’un contribuable au paiement de l’impôt est le même, peu importe que l’avis de cotisation soit erroné ou ne soit jamais expédié.
Notons également que, malgré les termes tranchants de la décision rendue, en première instance, dans l’affaire Optical Recording (op. cit.), la Cour d’appel fédérale a jugé qu’il y avait lieu d’annuler la décision, estimant que le contribuable ne pouvait pas s’abriter derrière les prétendues imperfections qu’on pouvait relever dans les avis de cotisation émis par le ministre.
Dans l’affaire Larocque c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2151 (C.C.I.), le juge Brulé, de la Cour de l’impôt, s’est référé, à la page 2155 du recueil, à l’affaire Re Norris (1989), 69 O.R. (2d) 285 (C.A.), dans laquelle la décision de la Cour confirme la présomption de validité dont bénéficient les cotisations :
Dans l’affaire Re Norris, [1989] 2 C.T.C. 185; 89 D.T.C. 5493, la Cour d’appel de l’Ontario avait souscrit à la thèse de Revenu Canada, selon laquelle un avis de cotisation établi aux termes de l’article 227.1 de la Loi est valide à première vue, en vertu du paragraphe 152(8) de la Loi, jusqu’à ce qu’il soit modifié ou annulé à la suite d’une opposition ou d’un appel. La cotisation, si elle ne constitue pas une procédure judiciaire, est une procédure administrative visant, en fin de compte, le recouvrement d’une somme d’argent.
Dans l’affaire Canadian Marconi Co. c. Canada, [1990] 1 C.F. 141 (1re inst.), voici, reproduit à la page 156, ce que j’ai dit de la présomption de validité dont bénéficie une cotisation :
La demanderesse s’appuie également, à l’égard de la validité présumée de toute cotisation d’impôt, sur la décision Morch, Jacob John v. Minister of National Revenue, [1949] R.C.É. 327; 49 DTC 649, dans laquelle le président de la Cour de l’Échiquier, aux pages 333 et 334 R.C.É.; 652 DTC, a déclaré que tant qu’un contribuable ne peut s’acquitter du fardeau de prouver que la cotisation est erronée en fait ou en droit, celle-ci demeure une cotisation valide, déclaration qui a été reprise en substance par la Division de première instance de la Cour fédérale dans l’affaire R. c. Taylor, [1985] 1 C.F. 331, à la page 336; 84 DTC 6459 (1re inst.), à la page 6461.
J’ajoute, à la page 163 :
Il y a lieu d’analyser à fond le paragraphe 152(8). Ce paragraphe prévoit qu’une cotisation, qui peut toujours faire l’objet d’une nouvelle cotisation, est réputée être valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente Loi. À mon avis, cette disposition exprime l’intention du législateur d’accorder une présomption de validité à toute mesure prise par le ministre pour établir une cotisation, sous réserve des recours du contribuable. Cette présomption de validité ne peut être réfutée qu’au moyen d’une opposition ou d’un appel auquel il est fait droit ou de la renonciation par le contribuable à la protection que lui accorde le paragraphe 152(4). Je conclus donc de ce qui précède que toute cotisation du ministre est annulable sans toutefois être intrinsèquement nulle.
Je souligne que la décision que j’avais rendue dans cette affaire a été infirmée par la Cour d’appel fédérale [1992] 1 C.F. 655, mais pour des raisons qui ne sont pas en cause ici.
Dans l’affaire Laurin, Georges c. Ministre du Revenu national, [1960] R.C.É. 480, le contribuable contestait la validité des avis de nouvelle cotisation, relevant que ceux-ci n’étaient pas revêtus de la signature autographe du ministre ou d’un de ses représentants autorisés et, aussi, que ces avis de nouvelle cotisation n’expliquaient pas de manière suffisamment détaillée les motifs du surcroît d’impôt réclamé. À la page 484, le juge Dumoulin a conclu :
Même s’il est convenable, je le répète, de résumer dans l’avis de surtaxe, les motifs essentiels de cette majoration, je ne trouve, par contre, aucune disposition de la loi de l’impôt sur le revenu qui astreindrait le ministre à expliciter la revision de la taxe dans la notification individuelle, sous peine de nullité de la nouvelle cotisation.
En ce qui concerne les dispositions correctives de la Loi, le juge Dumoulin a déclaré [à la page 483] :
Pareil langage atteste assez clairement l’intention du législateur de déconseiller l’interprétation rigoriste de la procédure et des formalités d’application de sa loi.
Dans l’affaire Succession Stephens (W R) c La Reine, [1984] CTC 111 (C.F. 1re inst.), on plaidait la nullité de cinq avis de nouvelle cotisation, en se fondant sur une erreur dans le nom du Ministère ainsi que dans le nom du sous-ministre. Le juge Reed a estimé qu’une erreur ou un vice de forme dans l’avis de cotisation n’affectait en rien la validité de la cotisation. Le juge Reed a estimé que l’erreur ou le vice de forme décelé dans la cotisation n’était pas suffisamment important pour entraîner son annulation. Elle déclare, à la page 114 :
Il m’est impossible de croire que la contribuable a, de quelque manière que ce soit, été induit en erreur de manière à penser que ces formules ne provenaient pas du ministère du Revenu national. Je ne saurais estimer que l’emploi de cette appellation a créé de la confusion ou du préjudice pour la contribuable. Et, à mon avis, il ressort des affaires Corsini et Richardson citées ci-dessus que les documents tels que ceux en litige ne doivent pas être considérés comme nuls lorsqu’ils n’entraînent aucun préjudice ni aucune confusion.
…
Tout au plus, l’emploi de l’appellation Revenu Canada, Impôt et l’usage des imprimés portant le nom du sous-ministre précédent plutôt que celui du titulaire seraient des irrégularités couvertes par le paragraphe 152(8) de la Loi et ne constituent pas des vices de forme rendant nuls les documents.
La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel par une décision rapportée au [1987] 1 C.T.C. 88, le juge d’appel Pratte déclarant au nom de la Cour, à la page 89 :
En vertu du paragraphe 152(2), le ministre « envoie un avis de cotisation » au contribuable. Nulle part dans la Loi trouvons-nous des prescriptions relatives à la forme de cet avis. Selon nous, il s’ensuit que la forme de l’avis est sans importance, et que le paragraphe exige simplement que l’avis soit rédigé en des termes qui mettent clairement le contribuable au courant de la cotisation établie par le ministre.
Dans l’affaire Succession Greenwood (S.) c. Canada, [1991] 1 C.T.C. 47 (C.F. 1re inst.), le juge Reed a décidé que le fait que l’avis de cotisation en cause était revêtu d’un nom qui n’était pas le bon, constituait un vice de forme susceptible d’être rectifié par les dispositions correctives de la Loi, étant donné que l’erreur n’avait pas pour effet d’entraîner, dans l’esprit du contribuable, une confusion quant à l’étendue de son obligation fiscale. Le juge Reed a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une erreur suffisamment importante pour entraîner la nullité de la cotisation. La cotisation a, par conséquent, été jugée valide.
Je devrais maintenant me référer à une autre série de décisions accueillant l’opposition à des avis de cotisation.
Dans l’affaire Guaranty Properties Ltd. c. Canada, [1987] 2 C.F. 292 (1re inst.), la défenderesse a entendu se fonder uniquement sur les dispositions correctives de la Loi. Le juge Rouleau a cependant conclu que, dans l’affaire en cause, il s’agissait d’une erreur sur un point tellement essentiel qu’elle n’était pas susceptible d’être corrigée par lesdites dispositions. Il a ainsi déclaré, à la page 302 :
Selon la défenderesse, il ressort de ces dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu que le législateur veut empêcher qu’un avis de nouvelle cotisation soit rejeté en raison d’un vice qui entache cet avis ou le processus de cotisation. Il faut plutôt déterminer le bien-fondé de l’assujettissement à l’impôt. Puisqu’il n’existe aucune erreur quant au fond, la nouvelle cotisation est valide. Les dispositions susmentionnées de la Loi de l’impôt sur le revenu visent, soutient la défenderesse, à empêcher un vice dans une cotisation de la rendre nulle, à moins que le vice ne soit de nature à induire un contribuable en erreur ou à lui causer un préjudice.
À la page 308, le juge Rouleau conclut néanmoins que :
Les dispositions correctives de la Loi de l’impôt sur le revenu ne sont d’aucune assistance à la défenderesse en l’espèce. Il ressort des faits que certaines erreurs ont ennuyé cette dernière dans toute cette affaire. Le vérificateur qu’on aurait dû mettre au courant de la fusion n’en a pas été avisé et, au moment de la découverte de cette erreur et de la rectification de celle-ci, le délai imparti par la Loi pour l’établissement d’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1976 de Dixie avait expiré. L’équité à elle seule empêche qu’on recoure à des dispositions correctives comme celles qui figurent dans la Loi de l’impôt sur le revenu pour corriger une erreur de fond de cette nature. J’estime que la Loi n’envisage pas la modification d’une nouvelle cotisation après l’expiration d’un délai.
Dans l’affaire McConnachie (N.) c. M.R.N., (précitée) tranchée par la Cour de l’impôt avant l’affaire Leung portée devant moi en appel, la forme des avis transmis aux contribuables était essentiellement la même que dans l’affaire Leung. Les appelants ne contestaient pas la validité des cotisations, faisant plutôt valoir que les cotisations qui leur avaient été émises constituaient des procédures engagées après le délai de deux ans imposé par l’article 227.1. Le juge Bonner, de la Cour de l’impôt, a relevé, dans ses remarques incidentes, au sujet de la validité de la procédure de cotisation, aux pages 2073 et 2074, que :
Aucune observation n’a été faite, pour le compte des appelants, selon laquelle le processus de cotisation n’avait jamais été mené à terme parce que l’intimé avait omis de donner un avis en bonne et due forme. Cependant, cette question mérite quelques observations. Un morceau de papier n’est pas un avis de cotisation du simple fait qu’il porte ce titre. Les prétendus avis de cotisation envoyés aux appelants en l’espèce ne sont pas seulement dépourvus de valeur informative. Ils sont également trompeurs. Ils n’indiquent pas si la prétendue responsabilité des appelants est fondée sur le défaut de retenir les sommes requises ou sur le défaut de les verser. Ils n’indiquent pas le nombre de manquements, ni les dates auxquelles ces derniers se seraient produits. Les lacunes des avis n’ont pas été corrigées par la mention des avis de cotisation en date du 30 juillet 1984 et du 3 septembre 1984 parce que les avis de 1984 avaient été expédiés à la compagnie, et non aux appelants. Les avis adressés aux appelants sont trompeurs quant à la composition de la somme qui y figure. Le chiffre de 158 657,56 $ inscrit à la case « Impôt » comprend des sommes retenues au titre non seulement de l’impôt fédéral, mais aussi de l’impôt provincial et de l’assurance-chômage. Le montant d’intérêt indiqué est calculé sur l’ensemble des retenues, en vertu de trois lois, au lieu de l’être uniquement sur les sommes dont les administrateurs peuvent être tenus responsables aux termes de l’article 227.1. Les dispositions légales et les éléments de fait sur lesquels repose l’imposition de la pénalité ne sont pas indiqués.
…
La validité des cotisations n’ayant pas été contestée pour le motif que des avis en bonne et due forme n’avaient pas été donnés, je n’ai pas à me prononcer sur ce point. Je relèverai cependant que la seule loi dont il est fait état dans les avis de cotisation est la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale.
Dans l’affaire Crossley (R.W.) c. M.R.N., (précitée) (actuellement en appel), affaire qui fut, elle aussi, tranchée longtemps avant l’affaire Leung (précitée), le litige portait sur la question de savoir si l’appelant était un administrateur de la corporation, à l’époque où celle-ci avait manqué de régler ses impôts. Bien que la validité de la cotisation n’ait pas été en cause, le juge Bonner, de la Cour de l’impôt, a déclaré, dans ses remarques incidentes rapportées aux pages 2083 et 2084, que :
Pendant que nous sommes sur la question des manquements, je ferai remarquer que l’omission par l’intimé de divulguer le moment précis de chacun des manquements à l’égard desquels il tente d’imposer une responsabilité du fait d’autrui peut avoir un effet important sur le caractère équitable du processus d’appel dans les affaires qui prennent naissance en vertu de l’article 227.1 et dans lesquelles un appelant cherche à s’appuyer sur le paragraphe 227.1(3). C’est évidemment avant qu’un manquement ne se produise que l’administrateur doit agir avec soin, diligence et habileté pour prévenir ledit manquement. L’administrateur doit pouvoir déterminer la période durant laquelle la diligence raisonnable lui permettra de bénéficier d’une mesure de redressement en vertu du paragraphe (3). Il est donc opportun de rappeler à l’intimé qu’il lui incombe de divulguer complètement [traduction] « … au contribuable les conclusions de faits et les règles de droit précises qui ont donné naissance au litige » (Le juge Rand dans l’arrêt Johnston v. M.N.R., [1948] C.T.C. 195; 3 D.T.C. 1182 (C.S.C.) à la p. 203 (D.T.C. 1183).)
En l’espèce, l’avis de cotisation ne fournit pas les détails manquants.
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Les avis de cotisation auxquels il était fait référence avaient trait à des cotisations établies à l’égard de Smallwood et non pas à l’égard de l’appelant. Je présume que l’on n’a pas expédié à l’appelant les copies des avis de cotisation à l’égard de Smallwood. Il est certain qu’elles n’ont pas été adressées à notre Cour conformément au paragraphe 170(2). Lorsque, comme en l’espèce, l’avis de cotisation incorpore par référence un autre document qui est essentiel pour que l’avis soit complet, il faut annexer une copie de ce document à l’avis de cotisation. Je pourrais également ajouter qu’il incombe à l’intimé d’inclure dans les documents adressés à notre Cour des copies de tout document ainsi incorporé.
Mais, dans l’affaire McCullough (H.) c. M.R.N., [1989] 2 C.T.C. 2236 (C.C.I.), le juge Bonner de la Cour de l’impôt a rejeté la thèse du contribuable qui soutenait que l’intimé était tenu de lui fournir copie des avis de cotisation envoyés à la compagnie. Le juge Bonner conclut, à la page 2238 :
Je rejette catégoriquement toute allégation voulant que la production de copies des avis de cotisation destinés au débiteur principal soit une condition préalable à l’imposition d’un assujettissement à un administrateur en vertu de l’article 227.1. Rien dans la loi ne laisse supposer qu’il existe une telle condition préalable. Il ne fait aucun doute qu’il faut fournir à l’administrateur tous les détails entourant les circonstances qui donnent lieu à l’assujettissement de la compagnie, assujettissement que le ministre tente d’imposer à l’administrateur. Cependant, l’assujettissement de ce dernier ne dépend pas de la capacité du ministre de produire soit la feuille de papier qu’était l’avis de cotisation, soit une photocopie ou autre double de ce document. Après tout, le ministre doit avoir envoyé à la société l’avis de cotisation original.
Dans l’affaire Leung, jugée par la Cour de l’impôt, le juge Rip a déclaré [aux pages 2277 et 2278] :
L’avis de cotisation envoyé à M. Leung fait également état d’avis de cotisation envoyés antérieurement à Eastern. Une fois qu’une personne a cessé d’être administrateur d’une corporation, il peut lui être extrêmement difficile, sinon impossible, d’obtenir de cette corporation des renseignements précis sur les cotisations établies à l’égard de la corporation qui ont amené cette personne à être cotisée. Par conséquent, l’intimé doit, de son propre chef, fournir au contribuable la documentation mentionnée dans l’avis de cotisation, même si cette documentation porte sur des cotisations applicables à d’autres contribuables. (Voir M.N.R. c. Huron Steel Fabricators (London) Ltd. et Fratschko, [1973] C.T.C. 422; 73 DTC 5347.)
…
Une cotisation doit indiquer clairement le montant d’impôt établi de manière à en informer le contribuable. Si des renseignements supplémentaires sont nécessaires pour préciser une cotisation, cette dernière n’est pas complète. Or, c’est la situation que nous constatons en l’espèce.
Cette décision a été reprise dans l’affaire Premachuk (E.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2630 (C.C.I.), affaire dans laquelle l’avis de cotisation ne distinguait pas le montant des obligations fiscales incombant au contribuable au titre des dispositions fiscales de divers textes de loi. Le juge Kempo, de la Cour de l’impôt, se rangea aux raisons de son collège le juge Rip et rendit une décision dans le même sens. Il déclare ainsi, à la page 2639 du recueil, que :
Étant donné que les faits de l’affaire Leung, ainsi que l’examen, le raisonnement et la conclusion du juge Rip sont essentiellement identiques à ceux de l’espèce, je ne vois pas pourquoi le résultat devrait être différent dans ce cas-ci.
Le juge Rip, de la Cour de l’impôt, eut à connaître d’une question analogue dans l’affaire Wallace (M.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2341. À la page 2344, il se réfère à la décision qu’il a rendue précédemment dans l’affaire Leung (précitée) et ajoute que :
Je ne pense pas qu’il convienne de laisser la présente requête sans renvoyer les parties, en particulier M. Wallace, à la récente affaire Joseph Leung c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2268; 91 D.T.C. 1020, dans laquelle j’ai statué qu’une cotisation dont la forme de l’avis était essentiellement identique à celle de l’avis de cotisation envoyé à M. Wallace n’est pas une cotisation appropriée et devrait être annulée. La requête de l’intimé a servi à illustrer la difficulté et la confusion qu’un contribuable peut connaître sur réception d’un avis de cotisation portant sur une seule somme d’argent qui, l’intimé en informe le contribuable, est une obligation sous le régime de plusieurs lois. Lorsque M. Wallace a déposé ses appels, ce n’était pas sa faute s’il ne savait pas ce qui faisait l’objet de sa cotisation. Ainsi que je l’ai fait savoir dans l’affaire Leung, en communiquant avec les contribuables, l’intimé est tenu de s’assurer qu’une telle communication est claire et peut être comprise par le contribuable moyen.
Dans l’affaire Kirby (R.) c. M.R.N. (précitée) le juge Teskey, de la Cour de l’impôt, a eu à se pencher sur un avis de cotisation rédigé sous une forme comparable à celui mis en cause dans l’affaire Leung (précitée). Le juge Teskey a repris à son compte la décision rendue par le juge Rip, de la Cour de l’impôt, dans l’affaire Leung, concluant à l’invalidité de la cotisation dans la mesure où elle ne donnait pas au contribuable suffisamment de renseignements. Voici les observations du juge Teskey, de la Cour de l’impôt, reproduites aux pages 2643 à 2645 du recueil :
Je fais mienne la décision rendue par le juge Rip de la C.C.I. dans l’affaire Leung, supra, et je conclus qu’en l’espèce il fallait des renseignements supplémentaires pour clarifier la cotisation. Ces renseignements devaient être non seulement une ventilation du montant faisant l’objet de la cotisation mais également les périodes visées par la cotisation et les montants. Par conséquent, la cotisation au moment où l’avis de ratification a été envoyé à l’appelant par suite de son opposition n’était pas complète.
…
Il reste à trancher le troisième point litigieux et qui est le dernier, à savoir si les renseignements supplémentaires requis peuvent être fournis dans la réponse à l’avis d’appel et si, les renseignements dans la réponse étant erronés, on peut les corriger au moyen des éléments de preuve produits au procès dans ces circonstances pour compléter la cotisation. Je ne le pense pas. Je suis persuadé qu’une fois qu’un avis de ratification a été délivré à un contribuable par suite d’une cotisation fondée sur le paragraphe 227(10), il est trop tard pour compléter la cotisation.
Le recours possible du ministre après la ratification si la cotisation fondée sur le paragraphe 227(10) est incomplète consiste à établir une nouvelle cotisation, pourvu que les délais applicables ne soient pas écoulés.
…
On croit que l’absence des renseignements requis a porté préjudice à l’appelant et a créé de la confusion. Ces vices sont si substantiels que la cotisation ne saurait être corrigée de cette manière. Sans connaître les mois pour lesquels les défauts de versement ont eu lieu, il est impossible pour un procureur de conseiller correctement un client administrateur. Ce raisonnement s’applique également aux montants en cause en vertu des différentes lois. Dans sa réponse et son témoignage sous serment, le ministre a témoigné sur ce qu’il a fait, mais cela ne complète pas pour autant la cotisation. On doit se rappeler qu’il ne s’agit pas en l’espèce du type habituel d’affaire fiscale où le contribuable a en règle général pleinement connaissance des faits. En l’espèce, le ministre a établi sa cotisation à l’égard de Reliance après avoir effectué une vérification complète de cette dernière. Ainsi, il avait pleinement connaissance de tous les faits pertinents, alors que les administrateurs peuvent avoir ou ne pas avoir une pleine connaissance des faits nécessaires pour permettre à un procureur de les conseiller correctement.
Dans l’affaire Corazza (F.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2023, le juge Bowman, de la Cour de l’impôt, a suivi la même démarche. Il a estimé que la cotisation émise au contribuable prêtait à confusion étant donné qu’elle faisait état, au titre de l’impôt, d’une somme unique, tout en invoquant les obligations fiscales du contribuable au titre de quatre lois distinctes. Voici reproduites, aux pages 2033 et 2034 du recueil, les observations du savant juge :
Dans l’arrêt Leung (J.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2268, 91 D.T.C. 1020, qui a été rendu après l’arrêt Deerhurst Resorts Ltd. c. M.R.N., [1989] 2 C.T.C. 2082, 89 D.T.C. 352, le juge Rip, de la présente Cour, a statué que l’avis de cotisation général qui était presque identique au document émis en l’espèce n’était pas valide en tenant compte du fait qu’il était tellement insatisfaisant qu’il ne remplissait pas l’exigence prévue par la loi relativement à l’envoi d’un avis. Respectueusement, je partage entièrement l’avis du juge. Un morceau de papier provenant du ministère du Revenu national et sur lequel sont indiqués des articles de quatre différentes lois, dont deux ont été mal cités, et faisant état d’un montant global n’est pas un avis de cotisation en vertu de l’une ou l’autre de ces lois. Un document n’est pas considéré comme un avis de cotisation en vertu d’une loi particulière sauf si, à tout le moins, il informe le contribuable du montant de son obligation en vertu de cette loi.
…
Il s’agit d’une question de fond et non de forme. Le ministre doit informer le contribuable que l’opération de cotisation a eu lieu. Il ne l’a pas fait en l’espèce.
Dans l’arrêt Wallace (M.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2341, 91 D.T.C. 1134, le juge Rip a, tout comme moi, été saisi du même genre de situation, soit un prétendu avis de cotisation ambigu. Cet avis énumérait les quatre lois en vertu desquelles le ministre du Revenu national avait présumément établi la cotisation. Le contribuable a interjeté appel devant la présente Cour. Le ministre a demandé que soit rejeté l’appel en tenant compte du fait que, nonobstant la déclaration dans la prétendu avis de cotisation que l’impôt avait été établi en vertu de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale, aucune cotisation, dans les faits, n’avait été établie en vertu de cette loi. Rien dans les documents dont j’ai été saisi n’indique que le ministre n’a pas, dans l’affaire qui nous occupe, procédé comme il semble l’avoir fait à l’égard des obligations de nombreux autres administrateurs. Il a, de toute évidence sans avoir au préalable établi des obligations distinctes en vertu des lois qu’il prétend appliquer, automatiquement et mécaniquement émis un document comportant un libellé type identique à celui qui est devant nous.
Le fait de renvoyer à des numéros d’articles qui ont, après consolidation, été changés, de ne pas donner de ventilation des montants, si montant il y a, présumément établis en vertu des quatre lois et ensuite de prétendre que le contribuable devrait se voir refuser le droit de s’opposer à son obligation en vertu de trois des quatre lois est un exemple typique de l’arrogance et de l’indifférence d’une bureaucratie à l’égard des droits des contribuables. L’appelant n’a même pas reçu de copie des cotisations de la personne morale sur lesquelles les prétendues cotisations ont été fondées.
Dans l’affaire ISC International Systems Consultants Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1993] A.C.I. no 40 (QL), 92-5(RPC) et 92-19(AC), jugement non publié, le juge Teskey, de la Cour de l’impôt, reprend lui aussi à son compte la décision rendue par son collègue le juge Rip dans l’affaire Leung (précitée), estimant que les cotisations transmises à l’appelante étaient nulles et non avenues.
Dans l’affaire Vogt c. Ministre du revenu national (1991), 3 B.L.R. (2d) 310 (C.C.I.), le juge Mogan, de la Cour de l’impôt, a décidé que le contribuable avait fait preuve de la diligence que lui impose le paragraphe 227.1(3) et n’a donc pas eu à décider si la décision rendue dans l’affaire Leung (précitée), s’appliquait à l’affaire qui lui était soumise. Il est ainsi cité, aux pages 311 et 312, comme déclarant que :
[traduction] L’appelant conteste la cotisation pour un double motif. Il invoque la décision récemment rendue par cette Cour dans l’affaire Leung c. Ministre du revenu national, 91 D.T.C. 1020, [1991] 2 C.T.C. 2268 (C.C.I.) faisant valoir que la cotisation est incomplète dans la mesure où elle ne précise pas les montants qui lui sont réclamés au titre de quatre lois différentes : la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale, la Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1, la Loi sur le Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 et la Loi de l’impôt sur le revenu de la Nouvelle-Écosse, L.R.N.-E. 1989, ch. 217. Il fait également voir qu’il a exercé le degré de soin, de diligence et d’habileté prévu au paragraphe 227.1(3). L’avocat de l’appelant a déclaré se fonder sur ces deux arguments, mais la solution apportée, sur un point de droit, par le jugement rendu dans l’affaire Leung est susceptible d’être infirmée par un tribunal supérieur. Je vais donc examiner, en premier lieu, l’argument fondé sur l’exercice du degré de diligence prévu au paragraphe 227.1(3).
À la page 316, le juge Mogan, de la Cour de l’impôt, conclut en ces termes :
Ayant décidé que l’appelant avait exercé le degré de soin et de diligence que lui impose le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, il n’y a pas lieu pour moi de décider si la décision récemment rendue par la Cour dans l’affaire Leung c. Ministre du revenu national, 91 D.T.C. 1020, [1991] 2 C.T.C. 2268 (C.C.I.) s’applique à l’avis de cotisation en date du 21 mars 1989 sur lequel porte le présent appel. Je tiens simplement à relever, cependant, que, d’après les détails fournis à l’alinéa 4(i) de la réponse à l’avis d’appel de l’intimé, et d’après le libellé de l’avis de cotisation, il semblerait que la décision rendue dans l’affaire Leung s’applique effectivement en l’espèce.
Plus tard, dans l’affaire Fitzgerald (G.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2595, le juge Mogan de la Cour de l’impôt reprend encore à son compte le raisonnement de son collègue le juge Rip, estimant que les cotisations en cause étaient défectueuses car elles ne précisaient pas les périodes de paye concernées par le non-versement des retenues effectuées à la source et n’indiquaient pas séparément le montant dû par le contribuable au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Dans l’affaire Curylo (R.M.) c. M.R.N., [1992] 1 C.T.C. 2389, le juge Beaubier, de la Cour de l’impôt, a cependant estimé que l’avis de cotisation transmis à l’appelant contenait suffisamment de renseignements pour permettre à celui-ci de contester la cotisation, bien que celle-ci ait porté la raison sociale modifiée de la corporation, alors que le certificat déposé par le ministre portait la raison sociale antérieure. Le juge Beaubier a trouvé la cotisation adéquate dans la mesure où elle indiquait, à l’intention du contribuable, les dispositions pertinentes de la Loi, estimant également que la décision rendue dans l’affaire Leung (précitée), ne s’appliquait pas en l’espèce. Voici, sur ce point, les propos du juge Beaubier, de la Cour de l’impôt, rapportés aux pages 2392 et 2393 du recueil :
La troisième question soulevée par les appelants porte sur le fait que l’avis de cotisation envoyé à chaque appelant ne donne pas suffisamment de renseignements comme l’exigent les principes énoncés dans l’affaire Leung, supra.
…
En l’espèce, l’avis de cotisation des appelants a seulement trait au paragraphe 227.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Ainsi donc, on a fixé, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’impôt à payer par chacun des appelants, soit la somme de 2 701 921,88 $. Ils peuvent contester cette somme. Ils étaient administrateurs à l’époque où ce montant a été mentionné et ils peuvent en savoir beaucoup à propos de cette somme. Ils peuvent avoir eu l’obligation, en tant qu’administrateurs, d’en savoir beaucoup concernant cette somme. En tout état de cause, ils peuvent citer à comparaître des témoins et faire produire des documents devant cette Cour aux fins de contester, le cas échéant, ce montant d’impôt, et la Cour a compétence pour délivrer ces subpoenas et être saisie de ce litige.
…
Dans la décision Leung, précitée, le juge Rip a déclaré à la page 2277 (DTC 1027) :
Selon la loi, le ministre impose à une personne un montant payable en vertu des dispositions de la Loi. Je me demande si l’appelant, en lisant l’avis de cotisation en cause, peut raisonnablement déterminer le montant qui lui a été imposé aux termes de la Loi ainsi que le motif de la cotisation.
En ce qui concerne les appelants, la Cour constate qu’ils le peuvent. Rien de plus ne doit figurer dans l’avis de cotisation.
Dans l’affaire Roll (R.) c. M.R.N., [1992] 2 C.T.C. 2060, le juge Rip, de la Cour de l’impôt, a également opéré une distinction d’avec la décision rendue dans l’affaire Leung. Le savant juge a en effet estimé que la cotisation émise au contribuable ne prêtait pas à confusion en l’espèce et que, par conséquent, les principes qu’il avait posés dans l’affaire Leung ne s’appliquaient pas. Voici, sur ce point, les déclarations du juge Rip, rapportées aux pages 2064 et 2065 :
J’aimerais me pencher sur la première observation de l’appelant, selon laquelle il n’était pas certain de ses obligations en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, du fait que le montant de la cotisation comprenait également des cotisations d’assurance-chômage non remises. Les faits en l’espèce sont différents de ceux qui ont été établis dans l’arrêt Leung. Dans l’avis de cotisation, on signale que la cotisation à l’égard de l’appelant a été établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. En prenant connaissance de l’avis, l’appelant savait en vertu de quelle loi sa cotisation avait été établi. Si le montant fixé comprenait une somme à payer en vertu d’une autre loi, le montant fixé serait erroné et la Cour admettrait l’appel et modifierait la cotisation en la réduisant jusqu’à concurrence du montant visé par l’autre loi. L’appelant ne peut contester la cotisation qu’en vertu des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu; le fait que le montant de la cotisation soit incorrect ne lui porte pas préjudice dans la préparation de sa cause. Presque tous les appels et oppositions portent sur des cotisations d’impôt que le contribuable juge excessives. La cotisation établie à l’égard de M. Roll n’est pas incomplète; l’appelant savait que sa cotisation était établie en vertu d’une seule loi, la Loi de l’impôt sur le revenu. Étant donné qu’il est comptable agréé, je n’accepte pas ses prétentions selon lesquelles il n’était pas certain de ses obligations, d’après l’avis reçu.
L’avocat de l’appelant a également déclaré que la cotisation n’était pas valide puisqu’elle était incomplète; les dates auxquelles la Perspectra a omis de remettre les retenues et la période pendant laquelle M. Roll a été administrateur ne sont pas précisées.
Il faut donc déterminer quels renseignements précis concernant la cotisation l’intimé doit communiquer au particulier (« le contribuable ») à l’égard duquel une cotisation a été établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, lorsque la cotisation est établie à un moment où le contribuable n’est plus administrateur de la corporation. De toute évidence, le contribuable doit être en mesure, lorsqu’il prend connaissance de l’avis de cotisation, de savoir à quelles dates la corporation a omis de verser de l’impôt, afin qu’il puisse déterminer s’il était administrateur à ce moment-là. Il peut alors déterminer s’il a agi, au moment de l’omission, avec le degré de soin, de diligence et d’habileté requis pour ne pas être tenu solidairement responsable avec la corporation (paragraphe 227.1(3)). En réalité, l’appelant juge insuffisante l’information—contenue dans l’avis de cotisation qui lui a été envoyé—relative aux dates des avis de cotisation établis à l’égard de la Perspectra [traduction] « pour la période pendant laquelle vous étiez un administrateur de la corporation ». Il soutient que l’avis de cotisation doit informer le contribuable des dates précises des omissions commises par la corporation.
Ce n’est qu’en examinant les faits entourant l’établissement de la cotisation que l’on peut déterminer si l’absence d’information dans un avis de cotisation porte ou non préjudice au contribuable. En l’espèce, l’appelant était non seulement administrateur de la Perspectra jusqu’au 1er mai 1985, mais il était responsable du versement des retenues à la source au receveur général. Il savait avant cette date que des sommes n’avaient pas été remises. Il connaissait également, lorsqu’il a reçu l’avis de cotisation faisant l’objet du présent appel, la date de sa démission en tant qu’administrateur. Si l’intimé n’avait pas été d’accord avec l’appelant au sujet de la date d’entrée en vigueur de la démission de ce dernier à titre d’administrateur, ce différend aurait été soulevé dans les actes de procédure des parties et l’appelant n’aurait subi aucun préjudice à poursuivre son appel. Ce n’est pas la situation qui avait été envisagée par le juge Bonner, C.C.I., dans l’affaire Crossley (précitée) et à propos de laquelle je me suis déclaré d’accord dans l’arrêt Leung (précité).
En résumé, la cotisation établie à l’égard de M. Roll portait sur un montant précis en vertu des dispositions de la Loi. Sur réception de l’avis de cotisation, il savait que, s’il n’était pas d’accord, il devait s’opposer à la cotisation et interjeter appel en vertu des dispositions de la Loi, ce qu’il a fait.
Dans son article intitulé Director’s Liability : An Update, 1991 Conference Report (Report of Proceedings of the 43rd Tax Conference), Evelyn P. Moskowitz relève que, dans plusieurs affaires récentes, les tribunaux ont annulé les cotisations émises à l’encontre d’administrateurs de corporations en vertu de l’article 227.1, au motif que les avis de cotisation ne précisaient pas suffisamment la responsabilité incombant aux administrateurs aux termes de la Loi. Aux pages 47 :5 et 47 :6, elle résume les motifs exposés par la Cour canadienne de l’impôt pour conclure à l’invalidité, en de pareilles affaires, de la cotisation :
[traduction] Pour résumer, toute cotisation fondée sur l’article 227.1 sera invalide si elle ne contient pas l’ensemble des renseignements suivants :
1) la somme précise due aux termes de l’article 227.1, somme qu’il convient de distinguer des autres sommes que l’administrateur pourrait être tenu de verser aux termes d’autres lois;
2) les intérêts et pénalités pouvant se rattacher à la somme dont il est question au premier paragraphe, et qu’il convient de distinguer des intérêts ou des pénalités auxquels l’administrateur peut être tenu en vertu d’autres lois;
3) les motifs de la cotisation c’est-à-dire le non-versement, ou le fait de ne pas avoir effectué une retenue à la source, ou de ne pas avoir payé (ce dernier manquement s’entend des cas où la corporation a omis de verser les impôts qu’elle devait en vertu de la Partie VII ou de la Partie VIII); et
4) la ou les date(s) des manquements en question c’est-à-dire la ou les date(s) pertinente(s). Ce renseignement revêt, pour le contribuable, une importance capitale étant donné que, ainsi que nous l’avons noté plus haut, sa responsabilité ne peut être engagée que s’il était effectivement administrateur aux dates en question.
On pourrait également soutenir que l’avis de cotisation devra aussi faire état des dispositions du paragraphe 227.1(2) sur lesquelles se fonde Revenu Canada pour réclamer à l’administrateur les sommes que le fisc estime dues. Ces renseignements permettront à l’administrateur de vérifier si Revenu Canada a respecté les conditions prévues dans ce paragraphe en matière de cotisation émise à l’encontre d’un administrateur.
Notons que Revenu Canada ne peut pas, à l’appui d’une cotisation par ailleurs invalide, faire valoir que le contribuable aurait pu obtenir, auprès du Ministère, les renseignements nécessaires s’il en avait fait l’effort, ou que les renseignements en cause figuraient déjà dans l’avis de cotisation transmis à la corporation.
CONCLUSIONS TOUCHANT LA VALIDITÉ DE LA COTISATION
Il y a d’abord lieu de noter que, en ce qui concerne les procédures se rattachant à l’article 227, les sommes dont il est fait état dans les cotisations ne correspondent pas au genre habituel de dette à laquelle un contribuable peut être tenu par substitution à l’obligation fiscale incombant à un autre contribuable. Les montants dont il est fait état dans la cotisation sont, en l’espèce, des sommes que la corporation avait retenues à titre de fiduciaire, sommes qu’elle n’avait pas ensuite reversées à la Couronne. Il s’agit soit d’un grave abus de confiance, soit d’un détournement de sommes d’argent appartenant à autrui. Le dossier ne contient aucun élément touchant les intentions des administrateurs ou des gestionnaires de la corporation à l’époque de ces agissements mais, compte tenu de la fréquence des affaires fondées sur l’article 227, on pourrait conclure que de tels fonds en fiducie sont souvent traités avec une désinvolture condamnable. Les retenues à la source ne devraient jamais alimenter, ne serait-ce que provisoirement, la trésorerie d’une entreprise.
Il convient, en second lieu, de noter que la Couronne ne peut recourir à une cotisation fondée sur l’article 227 que dans les cas où elle n’a absolument aucun autre espoir de recouvrement. Cela découle clairement des dispositions du paragraphe 227.1(2) qui prévoient que la responsabilité des administrateurs ne pourra être engagée que dans certaines conditions qui y sont précisées.
Troisièmement, l’engagement de la responsabilité d’un administrateur au titre des paragraphe 227.1(3) et 227.1(4) n’est pas juris et de jure. Ainsi, un administrateur pourra démontrer soit qu’il n’était pas administrateur à l’époque des faits, soit qu’il a fait preuve de toute la diligence voulue, soit encore que le délai de prescription de deux ans doit jouer.
Notons, en quatrième lieu, que l’engagement, de la sorte, de la responsabilité d’un tiers puisque, rappelons-le, une corporation a une personnalité distincte de celle de ses administrateurs si elle n’est pas prévue par la seule Loi de l’impôt sur le revenu, n’en demeure pas moins une chose exceptionnelle. Elle ouvre la voie à un effort de réflexion sur la question de savoir si, dans certains cas, il n’y aurait pas lieu de se montrer plus sévère à l’égard de l’avis de cotisation ou s’il ne s’agirait pas, plutôt, de renforcer le fardeau de la preuve incombant à la Couronne.
Compte tenu de cela, il est clair qu’une cotisation envoyée à un administrateur de société en vertu de l’article 227 ne doit pas être traitée à la légère. Un administrateur ne connaît pas nécessairement l’article 227 de la Loi et le fait que sa responsabilité peut être mise en cause si la corporation manque à certaines de ses obligations. Cela n’a rien de surprenant. Il est fréquent que des personnes, mêmes avisées, qui siègent depuis des années au sein des conseils d’administration de compagnies publiques ou privées, soient prises complètement au dépourvu. L’évolution récente de la responsabilité personnelle des administrateurs pour certaines dettes contractées par la corporation a suscité un tollé chez les administrateurs, et a d’ailleurs entraîné la naissance d’une nouvelle industrie censée leur procurer, en ce domaine, une « protection tous azimuts ».
Ainsi qu’il en a été en l’espèce, le contribuable peut-il simplement, en réponse à un avis de cotisation, se cantonner dans une attitude de passivité, puis faire valoir que l’avis, dont on énumère les lacunes, doit être considéré comme nul et non avenu? Il n’est peut-être pas possible de répondre à cette question de manière tranchée. Ainsi que l’a relevé, dans l’affaire Roll (R.) c. M.R.N. (précitée, aux pages 2064 et 2065), le juge Rip de la Cour canadienne de l’impôt, le préjudice dont peut éventuellement avoir souffert un contribuable dépendra des faits et circonstances entourant la délivrance de la cotisation.
Un examen attentif des faits admis révèle l’envoi, par la Couronne, d’un avis précédent d’intention, en date du 29 janvier 1986, par lequel la demanderesse signalait son intention d’imposer le défendeur en vertu de l’article 227.1 de la Loi. Le défendeur n’y a pas répondu, ni en formulant une réponse, ni en formulant une interrogation. Un avis de cotisation fut émis plusieurs mois plus tard, plus précisément le 9 septembre 1986. Cela fut suivi, le 7 novembre 1986, par une demande de versement. Encore une fois, le demandeur entretint longtemps le silence. C’est le 5 juin 1987 qu’il se rendit dans les services de Revenu Canada et s’engagea à fournir, avant le 15 juillet 1987, un exposé des mesures témoignant de sa diligence. Le 10 août 1987, l’avocat du défendeur a lui aussi rencontré les représentants de Revenu Canada. On lui fournit tous les renseignements qu’il demandait, à l’exception, parfaitement justifiée, des renseignements concernant M. Sloss, président de la corporation, déjà éteinte à l’époque.
Le 9 septembre 1987, soit un an après la date de la cotisation, l’avocat du défendeur demanda à la Cour canadienne de l’impôt une prolongation du délai prévu pour le dépôt d’un avis d’opposition, qui aurait normalement dû être déposé, au plus tard, le 6 décembre 1986. Cette demande fut portée devant le juge Rip, de la Cour de l’impôt, qui, le 30 mai 1988, accorda au défendeur une prolongation du délai prévu pour le dépôt de l’avis d’opposition.
L’avis d’opposition fut ensuite déposé. Plus tard, le défendeur confirma la cotisation et, le 8 mai 1989, le demandeur déposa un avis d’appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt. Cet avis d’appel fut par la suite modifié, comme fut également modifiée la réponse de la demanderesse, l’affaire finissant par être portée en jugement devant la Cour de l’impôt le 21 mars 1991.
Les faits qui viennent d’être exposés ne me permettent pas de conclure que les défauts qu’on prétend relever dans l’avis de cotisation ont entraîné pour le défendeur un préjudice.
D’une manière générale, il convient d’éviter, en matière d’avis de cotisation, une approche trop formaliste. La Loi de l’impôt sur le revenu n’est pas un texte pénal (bien qu’on le considérait ainsi naguère) et un avis de cotisation n’a rien d’un acte ou d’un chef d’accusation. Les règles très strictes et inflexibles applicables aux procédures pénales ne s’appliquent pas, heureusement, aux avis de cotisation ou aux procédures qui en découlent.
On peut tenir pour acquis que le législateur visait un objectif précis en adoptant les paragraphes 152(3) et 152(8). Selon moi, cet objectif était d’assurer que, dans le cadre des millions de cotisations émises chaque année, dont beaucoup mettant en jeu des dispositions législatives complexes et des calculs, eux aussi, complexes, il ne convenait pas d’imposer à celui qui établit la cotisation une parfaite exactitude technique ou des exigences péremptoires de divulgation, de citation et d’indication de source. L’avis de cotisation constitue une procédure administrative et il n’y a pas nécessairement lieu de lui appliquer les exigences techniques applicables aux autres procédures sous peine de nullité absolue.
Je considère que notre système fiscal est fondé sur l’idée que, face à une cotisation, le contribuable va réagir en personne raisonnable. Il n’est pas prévu qu’il se contentera de sourire narquoisement pour, trois ans plus tard, tenter de se prévaloir de la prétendue illégalité ou invalidité de la cotisation au motif qu’elle ne renfermait pas suffisamment de renseignements et lui causait, de ce simple fait, préjudice.
D’ailleurs, le contribuable dispose de recours administratifs ainsi que de voies de recours encore plus formelles. En l’espèce, le défendeur a été informé des sommes qu’on entendait lui réclamer, il a fait l’objet d’une cotisation et a eu toutes les occasions de faire modifier la cotisation en fonction des objections qu’il aurait pu soulever. Notons, à cet égard, que le défendeur a reconnu, dans l’exposé conjoint des faits, que la demanderesse lui a fourni tous les renseignements qu’il lui a demandés, qu’il n’a jamais demandé le détail des sommes qu’on lui réclamait au titre des diverses lois citées dans la cotisation et qu’il n’a ni demandé, ni obtenu, copie des cotisations émises à la corporation ou des certificats déposés en Cour. Peut-être n’est-ce pas tellement qu’il aurait voulu davantage de précisions au sujet de la cotisation, tout en hésitant à les demander, mais, plutôt, qu’il aurait bien voulu poser des questions au sujet de cette cotisation mais qu’il craignait les réponses qu’il pourrait recevoir.
Le paragraphe 152(3) de la Loi précise que le caractère inexact ou incomplet d’une cotisation n’affecte en rien l’obligation fiscale du contribuable. Le paragraphe 152(8) stipule qu’une cotisation est réputée valide malgré l’inexactitude, le vice de forme ou l’omission qu’on pourrait y trouver. J’estime qu’il y a lieu d’accorder de l’importance à une disposition législative aussi nette et qu’on ne peut pas en faire fi des mois ou des années après l’établissement de la cotisation, le contribuable se contentant de prétendre qu’il a été induit en erreur, qu’il a été surpris ou qu’il n’a pas eu la possibilité de donner ses instructions à son avocat en connaissance de cause.
Je considère qu’en l’espèce l’avis de cotisation contient tous les éléments essentiels que, de toute évidence, la Loi envisageait. Il comprend le total des sommes dues au titre des versements non effectués, y compris les intérêts et les pénalités, il cite la disposition législative au titre de laquelle est mise en cause, du fait d’autrui, la responsabilité de l’administrateur, les divers textes de loi au titre desquels avaient été effectuées les retenues à la source qui n’ont pas été réglées et les divers avis de cotisation envoyés à la corporation, avec les dates de ces envois. Cela suffit à faire savoir au contribuable que telle ou telle somme précise lui est réclamée. Si ce document est appelé avis de cotisation, c’est bien pour quelque chose.
Pour ceux, cependant, qui entendraient faire preuve d’une attitude plus batailleuse en faisant valoir que, dans l’établissement de la cotisation, la Couronne a exercé ses pouvoirs de manière irresponsable et arbitraire et causé au contribuable un préjudice, l’on pourrait faire valoir que les règles du jeu normalement applicables ne s’appliquent pas nécessairement à la contestation d’une cotisation en de telles circonstances. En recevant une cotisation incomplète, ou une cotisation dont les motifs ne sont pas exposés de manière suffisamment précise, le contribuable ne se voit pas face à un barrage d’artillerie lourde auquel il ne peut riposter qu’avec des armes de poing. Qu’il me soit permis de dire que la solution ne consiste pas tellement à assener un coup mortel à un avis de cotisation défectueux mais, plutôt, d’imposer à celui qui a établi la cotisation une charge de la preuve qui ne lui incomberait pas normalement.
OBSERVATIONS CONCERNANT LE FARDEAU DE LA PREUVE
Le dispositif mis en place par la Loi de l’impôt sur le revenu permet parfaitement au contribuable de saisir l’initiative lorsque, conformément aux impôts fixés en vertu de la Loi, on lui réclame de l’argent. Reconnaissons que cette initiative jouera surtout en réponse à la déclaration d’impôt du contribuable pour une année donnée, déclaration qui, après examen, fera l’objet d’un avis de cotisation émis par la Couronne. En cas d’erreur ou d’omission, ou si la cotisation est inexacte ou incomplète, le contribuable pourra effectuer une démarche administrative, ou déposer un avis d’opposition, ou interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Il est admis qu’à chacun de ces niveaux, la cotisation peut être confirmée, annulée ou modifiée.
Étant donné que la cotisation est fondée presque uniquement sur un système de divulgation volontaire et non sur un système d’enquête ou de vérification, les faits en cause sont connus du contribuable et il est reconnu que, lors de la contestation d’une cotisation, c’est à lui que la preuve incombe. La Couronne fonde nécessairement sa cotisation sur un certain nombre d’hypothèses et c’est au contribuable qui connaît les tenants et aboutissants de la situation de les réfuter.
Mais cette procédure n’est pas toujours applicable. Ainsi que l’ont déclaré les jugements rendus dans les affaires Minister of National Revenue v. Pillsbury Holdings Ltd., [1965] 1 R.C.É. 676 et Kit-Win Holdings (1973) Ltd c La Reine, [1981] CTC 43 (C.F. 1re inst.), lorsque les plaidoiries de la Couronne ne contiennent pas d’allégations précises détaillant les hypothèses essentielles sur lesquelles le ministre a fondé ses nouvelles cotisations, le fardeau de la preuve, en matière fiscale, est transféré à la Couronne.
Dans l’affaire Interprovincial Co-operative Ltd. c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 222, le juge Martin, de cette Cour, a déclaré, à la page 229, au sujet du fardeau de la preuve :
L’argument de l’avocat s’applique lorsqu’il existe un doute quant au fondement sur lequel on cherche à imposer le revenu du contribuable ou, dans le cas présent, quant aux motifs justifiant le rejet d’une demande de déduction par voie de nouvelles cotisations.
Dans l’affaire Baggs (F.) c. M.R.N., [1990] 1 C.T.C. 2391 (C.C.I.), le juge Christie, juge en chef adjoint de la Cour canadienne de l’impôt, a déclaré, à la page 2393 :
Il est bien établi que si, dans le cadre d’un appel interjeté par un contribuable devant cette Cour, le ministre du Revenu national désire justifier sa cotisation ou sa nouvelle cotisation pour un motif différent de celui qu’il avait utilisé à l’origine, le fardeau de la preuve passe alors de l’appelant à l’intimé …
Ce principe est repris, dans l’affaire Maroist (J.) c. M.R.N., [1990] 1 C.T.C. 2521 (C.C.I.), par le juge Garon, de la Cour de l’impôt. Dans l’affaire Brewster, N C c La Reine, [1976] CTC 107 (C.F. 1re inst.), à la page 111, notre collègue le juge Gibson expose la même idée de la façon suivante :
Dans l’état actuel du droit, il n’est pas possible d’alléguer diverses présomptions parmi lesquelles on peut choisir. Il incombe de droit au contribuable de renverser toutes les présomptions ou une partie de ces dernières. Mais la défenderesse peut alléguer d’autres faits nouveaux pour établir ses cotisations ou de nouvelles cotisations et alors il incombe au ministre du Revenu national de prouver ces nouveaux faits.
Encore, dans l’affaire Hillsdale Shopping Centre Ltd c La Reine, [1981] CTC 322, à la page 328, la Cour d’appel fédérale a déclaré :
Si un contribuable, après avoir examiné une nouvelle cotisation établie par le ministre, la réponse du ministre à son opposition et les moyens invoqués par le ministre au cours de l’appel, n’a pas été informé de la base sur laquelle on cherche à l’imposer, le fardeau de prouver la responsabilité du contribuable dans une procédure semblable à celle de l’espèce incomberait au ministre.
J’estime que, dans toutes ces affaires, quel que soit par ailleurs le caractère péremptoire de l’avis de cotisation, quelles que soient les difficultés que cet avis pouvait soulever aux yeux du contribuable, quel que soit, aussi, le fardeau incombant à celui-ci en règle générale, les tribunaux ont cependant admis la nécessité d’assurer l’égalité des parties dans l’exercice de leurs droits respectifs. Les tribunaux ont agi ainsi car ils reconnaissent le caractère contradictoire des procédures dans le cadre desquelles le contribuable et celui qui établit la cotisation sont tenus de résoudre les problèmes qui surgissent, en suivant les règles de preuve normalement applicables aux faits dont l’une ou l’autre partie a connaissance et en respectant, de façon générale, les exigences de l’équité et du bon sens.
Cela me porte à noter que le fait qu’une cotisation soit réputée valide, ou qu’on déclare qu’elle l’est, ne veut pas dire qu’on ne puisse pas obtenir gain de cause en s’y opposant. Ainsi que je l’ai relevé en évoquant le renversement du fardeau de la preuve, les circonstances entourant l’établissement d’une cotisation peuvent très bien imposer à la Couronne la charge de prouver que sa cotisation est exacte. Il en est particulièrement ainsi lorsque la cotisation est établie en vertu de l’article 227 de la Loi.
Selon les circonstances entourant l’établissement de la cotisation, certains faits peuvent, il est clair, être connus de la Couronne. Un administrateur peut ne pas être au courant du défaut de paiement de la part de sa corporation, ou de certains des faits permettant, du fait d’autrui, d’engager sa propre responsabilité. D’ailleurs, le paragraphe 227.1(2) impose un certain nombre de conditions à l’engagement de sa responsabilité du fait d’autrui. La Couronne est tenue au respect de ces conditions et, à mon avis, c’est à elle qu’il incombe de démontrer qu’elle s’y est effectivement tenue. Autant de questions dont la Couronne va avoir connaissance et, selon les principes établis, c’est à elle qu’il incombe d’en rapporter la preuve.
En premier lieu, il est clair que la Couronne peut partir de l’hypothèse que le contribuable visé était administrateur de la corporation à l’époque des faits et que sa responsabilité peut être engagée aux termes de la Loi. Le contribuable a la possibilité de réfuter cette hypothèse en démontrant qu’il n’était pas administrateur, ou qu’il a fait preuve de la diligence nécessaire, ou que, en tout état de cause, le droit de l’imposer est atteint par la prescription.
En deuxième lieu, je considère que c’est à la Couronne qu’il incomberait de démontrer que les conditions prévues au paragraphe 227.1(2) de la Loi ont été respectées. En fait, la preuve qui incombe à la Couronne va nécessairement dépendre de la nature de l’affaire portée devant la Cour. C’est pourquoi j’hésiterais à me livrer davantage à des réflexions incidentes sur ce point, si ce n’est pour dire qu’un tribunal pourrait décider d’accueillir un appel visant une cotisation fondée sur l’article 227.1, au motif qu’à l’égard d’une ou plusieurs des conditions prévues dans la Loi, la Couronne ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve. Je tire un exemple des motifs réfléchis d’un jugement de la Cour de l’impôt rendu dans une affaire où la question a dû être tranchée pour la première fois. Le juge Rip, de la Cour de l’impôt, reprenant à son compte une réflexion incidente de son collègue le juge Bonner, dans l’affaire Crossley (précitée), conclut que, lorsqu’un avis de cotisation se réfère à un autre document, cet autre document devrait être joint à l’avis et qu’il appartient à la Couronne de transmettre de tels documents à la Cour. Le juge Rip a cependant noté que [à la page 2278] :
Dans l’appel qui nous occupe, aucun avis de cotisation établi à l’encontre d’Eastern n’a été non plus présenté en preuve ni adressé à la Cour. [Non souligné dans l’original.]
Tout manquement à ce principe pourrait très bien faire échec à la thèse présentée par la Couronne et porter la Cour à faire droit à l’appel du contribuable. Tout cela dépendra de la preuve sur laquelle le juge des faits sera appelé à se prononcer en fonction des circonstances de l’affaire.
Il y a seulement lieu de conclure que, si tant est que l’avis d’appel soit, en l’espèce, incomplet, inexact ou défectueux, le contribuable en cause n’a subi aucun préjudice de ce fait alors qu’il conserve la possibilité d’y faire opposition.
CONCLUSION
Je me suis livré à un examen assez poussé de décisions rendues dans des affaires où était mise en cause la validité d’une cotisation. Beaucoup d’entre elles portent précisément sur une cotisation établie en vertu de l’article 227.1, et bon nombre de ces décisions de la Cour canadienne de l’impôt ont repris pour l’essentiel le raisonnement suivi par le juge Rip, de cette même Cour, dans l’affaire Leung (précitée). C’est donc en toute déférence que je me retrouve en désaccord avec cette série de jugements.
En premier lieu, je trouve plus convaincant, et plus conforme aussi à la nature même d’un avis de cotisation, le raisonnement suivi par la Cour d’appel fédérale dans les affaires Optical Recording; Riendeau; Stephens et Hillsdale Shopping Centre que j’ai déjà citées. Cela me porte à conclure, en l’absence de conditions légales relatives à la forme ou au contenu des avis de cotisation, et à la lumière des paragraphes 152(3) et 152(8) de la Loi, à la validité de l’avis de cotisation envoyé au défendeur.
En deuxième lieu, je trouve que les commentaires explicites et concis du juge Rip, de la Cour de l’impôt, dans l’affaire Roll (précitée) conviennent particulièrement à une manière plus réaliste d’envisager l’avis d’appel. Ces commentaires méritent d’être repris ici [à la page 2064] :
Dans l’avis de cotisation, on signale que la cotisation à l’égard de l’appelant a été établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. En prenant connaissance de l’avis, l’appelant savait en vertu de quelle loi sa cotisation avait été établie. Si le montant fixé comprenait une somme à payer en vertu d’une autre loi, le montant fixé serait erroné et la Cour admettrait l’appel et modifierait la cotisation en la réduisant jusqu’à concurrence du montant visé par l’autre loi. L’appelant ne peut contester la cotisation qu’en vertu des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu; le fait que le montant de la cotisation soit incorrect ne lui porte pas préjudice dans la préparation de sa cause.
C’est bien de cela qu’il s’agit en l’espèce. S’il s’avérait que les sommes réclamées au titre de lois autre que la Loi de l’impôt sur le revenu ne pouvaient pas faire l’objet d’une cotisation fondée sur l’article 227, conclusion à laquelle, dans le passage reproduit ci-dessus, semble se ranger le juge Rip de la Cour de l’impôt, mais avec laquelle je ne suis pas nécessairement d’accord, il sera loisible à la Cour de diminuer les sommes fixées et de modifier la cotisation en conséquence.
Sur ce point, les parties ont débattu la question de savoir s’il existait un texte d’habilitation non ambigu permettant de déléguer le recouvrement et la cotisation de ces sommes à la Couronne demanderesse. Il s’agit là d’une question qui déborde la tâche qui m’incombe dans le cadre d’une procédure fondée sur la Règle 474 et j’ai scrupule à exprimer, sur ce point, une opinion tranchée. L’on pourrait dire qu’une délégation de pouvoir qui permet d’obliger un contribuable à effectuer des retenues à la source, et à en reverser le produit, entraîne par là même le pouvoir d’établir des cotisations et d’effectuer le recouvrement, mais je n’en dirai pas plus sur ce point.
En troisième lieu, j’estime que dans certaines circonstances, et c’est le cas des cotisations établies en fonction du paragraphe 227.1, ce qui est en cause ce n’est pas tellement la validité de la cotisation, car il s’agit, plutôt, d’une question touchant à la preuve, qui, comme je l’ai déjà relevé, incombe à la Couronne. L’étendue de la preuve incombant à la Couronne va, bien sûr, dépendre des faits de la cause et des plaidoiries produites devant la Cour, et on ne voudrait pas définir à l’avance la manière dont ce genre d’affaire se déroulera.
Cela règle donc la première question.
En ce qui concerne la deuxième question, complément du problème soulevé par la première question, je dois, en toute déférence, aller à l’encontre des remarques incidentes formulées dans le cadre de l’affaire Crossley, où le juge Rip, de la Cour de l’impôt, semble souscrire au raisonnement suivi dans l’affaire Leung. J’estime, pour ma part, que le fait que l’avis délivré au défendeur n’ait pas été accompagné de copies des cotisations de la corporation, n’affecte en rien sa validité. Il s’agit, je le répète, d’une question qui touche à la preuve. Je dois donc répondre négativement à la deuxième question.
Enfin, en ce qui concerne la troisième question, j’estime qu’il y a lieu de conclure que les décisions rendues dans les affaires Canada c. B. M. Enterprises et Doyle c. M.R.N. sont assez concluantes. Je ne vois d’ailleurs aucune raison d’opérer une distinction entre le pouvoir d’établir une cotisation en vertu de l’article 227 et celui d’établir toute autre cotisation prévue dans la Loi. Il y a donc lieu de répondre affirmativement à la troisième question.
On constatera, à la lecture de ces motifs, que cette affaire soulève des interrogations auxquelles il n’est pas facile de répondre dans le cadre des questions qu’il m’est demandé de trancher et où il ne m’est pas demandé de statuer sur l’ensemble de la cause. Reste ainsi en suspens la question, en dernière analyse, de la responsabilité du défendeur. Sous réserve d’un appel éventuel ou d’un règlement qui pourrait être décidé par les parties, il y aura lieu d’aller en procès.
Ainsi qu’il en a été convenu par les parties, le défendeur aura droit aux dépens.