T-753-99
2001 CFPI 790
Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada & Co. (demanderesses)
c.
Nu-Pharm Inc., Bernard Sherman et Richard Benyak (défendeurs)
et
Nu-Pharm Inc. (demanderesse reconventionnelle) (défenderesse)
c.
Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada & Co. (défenderesses reconventionnelles) (demanderesses)
Répertorié : Merck & Co., Inc. c. Nu-Pharm Inc. (1re inst.)
Section de première instance, protonotaire Aronovitch —Ottawa, 27 février et 13 juillet 2001.
Pratique — Parties — Procédure de mise en cause — Requête en vertu de la règle 194 des Règles de la Cour fédérale (1998) — Le titulaire de brevet peut engager une procédure de mise en cause contre un fabricant de médicaments génériques pour empêcher celui-ci de remettre sur le marché le médicament contrefaisant et de contester le brevet par l’entremise d’une autre société étant son ayant droit —Les conditions pour accorder l’autorisation en vertu de la règle 194a) sont remplies : la demande de mise en cause doit seulement faire état d’une cause d’action et avoir une connexité suffisante avec l’objet de l’action — Il semble que la demande d’autorisation doit aussi être accordée en vertu de la règle 194b), car il existe un litige entre les parties à l’action et des raisons valables pour lesquelles les mises en cause proposées devraient être liées par les conclusions.
Brevets — Pratique — Merck, société pharmaceutique, cherche à obtenir une ordonnance lui accordant l’autorisation d’introduire une mise en cause contre une société de fabrication de médicaments génériques, Apotex — C’est la première occasion fournie à la Cour d’examiner la règle 194 — La procédure principale concerne une action en contrefaçon de brevet contre Nu-Pharm et Apotex au sujet du « Vasotec », marque de comprimés de maléate d’énalapril — Il est allégué que les défendeurs ont utilisé Nu-Pharm pour contourner l’injonction en remettant sur le marché le produit contrefaisant Apo-Enalapril sous le nouveau nom de Nu-Enalapril — La mise en cause est rejetée dans les seuls cas où il est clair et net que ses chances de succès sont nulles — Merck ne cherche pas à fonder sa cause d’action sur des faits hypothétiques à venir — Elle cherche à empêcher de nouveaux abus — C’est la réparation demandée, et non les allégations, qui concerne des événements à venir — Il incombe au juge d’instance de trancher si la réparation demandée est trop éloignée ou trop conjecturale — Étant donné les tentatives répétées d’Apotex de contester le brevet, Merck peut avoir de bonnes raisons de croire qu’Apotex reprendra la même stratégie sous le couvert d’une entité juridique différente — La mise en cause est utile dans la mesure où empêcher pareil résultat peut limiter la multiplication des procédures.
Merck & Co. Inc. a intenté une action contre Nu-Pharm et ses dirigeants pour la contrefaçon du brevet no 1275349 (brevet ʹ349) pour l’énalapril et son sel, le maléate d’énalapril. En 1994, un jugement de la Cour fédérale avait confirmé la validité du brevet, conclu que l’Apo-Enalapril d’Apotex contrefaisait le brevet de Merck et rendu une injonction en conséquence. En l’espèce, il est allégué que les défendeurs ont délibérément et intentionnellement utilisé Nu-Pharm, société fermée constituée à l’origine par le défendeur, M. Sherman, chef de la direction d’Apotex et d’Apotex Pharmaceuticals, comme instrument pour contourner et violer l’injonction en manipulant le processus de réglementation, en vue de remettre sur le marché comme produit de Nu-Pharm le médicament contrefaisant Apo-Enalapril, sous le nouveau nom de Nu-Enalapril. Il est également allégué que M. Sherman contrôle un groupe de sociétés, dont Nu-Pharm et Apotex, qui sont liées sur les plans de la propriété, de la gestion, du personnel et du financement. Il est allégué que M. Sherman et son groupe ont cherché de manière continue à contourner le jugement de 1994. De nombreuses décisions de la Cour ont rejeté, en invoquant l’autorité de la chose jugée, les tentatives d’Apotex, de concert avec les membres de ce groupe, visant à contester le brevet ʹ349.
Par leur requête, les demanderesses Merck & Co. Inc. et Merck Frosst Canada & Co.visent à obtenir une ordonnance les autorisant à introduire une mise en cause contre Apotex Inc. et Apotex Pharmaceuticals Holdings Inc. (Apotex) en vertu de la règle 194 des Règles de la Cour fédérale (1998). Merck allègue pour l’essentiel que si Apotex n’est pas liée par une décision favorable à Merck dans l’action principale et dans la demande reconventionnelle, Apotex remettra sans aucun doute sur le marché un autre médicament d’Apo-Enalapril et contestera la validité du brevet ʹ349 par l’entremise d’une autre société étant son ayant droit. Merck prétend qu’Apotex et les autres sociétés qui sont ses ayants droit devraient être liées par les décisions rendues sur les questions soulevées dans sa réponse et défense à la demande reconventionnelle, soit le mandat, le lien d’ayant droit, la fin de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée et l’abus de procédure.
Dans la mise en cause proposée, Merck cherche à obtenir les réparations suivantes : a) une déclaration portant que les mises en cause et Nu-Pharm sont et ont été à toutes les époques pertinentes des mandataires l’une de l’autre ou des alter ego; b) une déclaration portant que l’autorité de la chose jugée s’applique aux mises en cause et à toute personne ou entité qui a, ou qui a eu, une relation d’ayant droit avec Nu-Pharm relativement aux questions soulevées ou qui pourraient l’avoir été dans la procédure donnant lieu au jugement de 1994; c) une déclaration portant que la demande reconventionnelle constitue un abus de procédure de la part des mises en cause et de leurs ayants droit; d) une déclaration portant que les mises en cause et leurs ayants droit sont empêchés par une fin de non-recevoir, dans la demande reconventionnelle ou dans toute autre procédure, de faire des allégations attaquant la validité du jugement de contrefaçon de 1994; e) une ordonnance interdisant aux mises en cause, soit directement soit indirectement, d’attaquer la validité du jugement de contrefaçon de 1994.
Jugement : la requête est accueillie.
La présente requête fournit à la Cour la première occasion d’examiner la règle 194 depuis son ajout aux Règles de la Cour fédérale (1998). La procédure de mise en cause, qui ressemble étroitement à l’article 29.01 des Règles de procédure civile de l’Ontario, est maintenant un moyen général de réunion d’actions par lequel un défendeur peut greffer à l’action principale toute « demande liée » qu"il peut intenter contre des personnes non parties à l’action.
La teneur de la règle 194a) implique un critère double. Premièrement, un défendeur peut mettre en cause une personne non partie à l’action dans le cas où celle-ci est ou peut lui être redevable d’une réparation, autre que celle visée à la règle 193 (les demandes de contribution ou d’indemnisation contre un codéfendeur ou toute personne qui n’est pas partie à l’action). Deuxièmement, la réparation demandée doit être liée à l’objet de l’action.
La mise en cause doit s’interpréter de manière large et être rejetée dans les seuls cas où il est clair et net que ses chances de succès sont nulles. La Cour ne doit pas se laisser arrêter par le caractère ténu ou nouveau d’un argument. La réparation demandée par Merck équivaut à une injonction, dans la mesure où elle vise à interdire aux mises en cause d’attaquer le brevet ʹ349 dans des procédures ultérieures, par un jugement déclarant que les mises en cause et leurs ayants droit sont empêchés de le faire par une fin de non-recevoir. Merck allègue l’abus de procédure et la chose jugée sur la base du comportement actuel et passé d’Apotex et des défendeurs. Cette allégation repose sur des faits pouvant faire l’objet d’un débat judiciaire, en l’occurrence ceux qui ont trait aux ayants droit et à l’autorité de la chose jugée. Merck ne cherche donc pas à fonder sa cause d’action sur des faits hypothétiques à venir. Les mesures de réparation visées en d) et e) visent seulement à obtenir l’équivalent d’une injonction pour empêcher dans l’avenir d’autres abus. Par conséquent, c’est la réparation demandée en l’espèce, et non les allégations, qui concernent des événements à venir. Dans les circonstances qui caractérisent le contentieux entre les parties, il incombe au juge d’instance la responsabilité de trancher si la déclaration et l’ordonnance recherchées (alinéas d) et e)), doivent être rejetées en raison de leur caractère trop éloigné ou trop conjectural. Il ne s’agit pas d’une question claire et nette, ni d’une question qu’il convient de trancher à cette étape de l’instance.
Il y a entre la demande reconventionnelle, la défense à la demande reconventionnelle et la mise en cause une connexité suffisante pour autoriser la requête. Le noeud du problème est la question des ayants droit. Elle est soulevée dans l’action principale et de nouveau dans les moyens de défense de Merck contre la demande reconventionnelle, qui s’appuient sur la chose jugée et l’abus de procédure.
Sans qu’il soit nécessaire de le faire, la requête de Merck en vertu de la règle 194b) a été examinée. Cette règle autorise la mise en cause dans le cas où la partie mise en cause proposée devrait être liée par la décision sur toute question en litige entre le demandeur et le défendeur. Le terme « devrait » possède une connotation impliquant l’existence d’une [traduction] « raison valable » pour la mise en cause proposée; il n’est pas exigé que ce soit nécessaire. L’intention sous-jacente du législateur de limiter la multiplicité des procédures peut être prise en considération. La question de la chose jugée a été tranchée en ce qui concerne Apotex, mais la Cour ne lui a pas expressément interdit d’attaquer le brevet ʹ349 indirectement par des sociétés reliées. Étant donné les tentatives répétées d’Apotex de contester le brevet ʹ349, Merck peut avoir de bonnes raisons de croire qu’Apotex reprendrait simplement la même stratégie alléguée sous le couvert d’une entité juridique différente. Par conséquent, dans la mesure où la mise en cause peut empêcher pareil résultat, elle a une fin utile. S’il est accepté que Merck a une demande valide qu’elle peut introduire et faire valoir de manière indépendante contre les mises en cause, l’autorisation de la requête contribuera à limiter la multiplication des procédures, aide vraiment nécessaire pour Merck et Apotex eu égard au brevet ʹ349. Enfin, la teneur de l’alinéa b) de la règle 194 exige seulement que la personne mise en cause soit liée par la décision sur toute question en litige entre le demandeur et le défendeur; elle n’impose pas d’ordonnance qui lie les tierces parties à l’issue de l’action principale.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1726.
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 64, 104(1), 170, 189, 190, 194, 196, 204, tarif B.
Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règl. 194, règle 29.01.
JURISPRUDENCE
décisions appliquées :
McNaughton v. Baker, [1988] 4 W.W.R. 742; 25 B.C.L.R. (2d) 17; 28 C.P.C. (2d) 49 (C.A.C.-B.); Brampton Hydro-Electric Commission v. B.C. Polygrinders Ltd. (1993), 12 O.R. (3d) 625; 18 C.P.C. (3d) 84; 62 O.A.C. 42 (Div. gén.); Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959; (1990), 74 D.L.R. (4th) 321; [1990] 6 W.W.R. 385; 49 B.C.L.R. (2d) 273; 4 C.C.L.T. (2d) 1; 43 C.P.C. (2d) 105; 117 N.R. 321; Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; (1985), 18 D.L.R. (4th) 481; 12 Admin. L.R. 16; 13 C.R.R. 287; 59 N.R. 1; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; (1980), 115 D.L.R. (3d) 1; 33 N.R. 304; Kaloti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 C.F. 390 (2000), 186 D.L.R. (4th) 120; 4 Imm. L.R. (3d) 1 (C.A.); Levi Strauss & Co. c. Roadrunner Apparel Inc. (1997), 76 C.P.R. (3d) 129; 221 N.R. 93 (C.A.F.).
décision examinée :
Maggio v. Lopes et al.; Economical Mutual Insurance Co., Third Party (1985), 51 O.R. (2d) 441; 1 C.P.C. (2d) 165; [1985] I.L.R. 7400 (Protonotaire); conf. par (1985), 52 O.R. (2d) 694 (Cour div.).
décisions citées :
Merck & Co. c. Apotex Inc. (1994), 59 C.P.R. (3d) 133; 88 F.T.R. 260 (C.F. 1re inst.); ACIC (Canada) Inc. v. Merck & Co. Inc. (1995), 62 C.P.R. (3d) 362 (C.F. 1re inst.); Apotex Inc. c. Merck & Co. (1999), 167 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.); Apotex Inc. c. Merck & Co. (1999), 179 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.); Apotex Inc. c. Merck & Co. (2001), 11 C.P.R. (4th) 38 (C.F. 1re inst.); Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897; (1993), 102 D.L.R. (4th) 96; [1993] 3 W.W.R. 441; 23 B.C.A.C. 1; 77 B.C.L.R. (2d) 62; 14 C.P.C. (3d) 1; 150 N.R. 321; 39 W.A.C. 1; Elecnor S.A. c. Soren Toubro (Le), [1996] 3 C.F. 422 (1996), 114 F.T.R. 134 (1re inst.).
DOCTRINE
Dicey and Morris on the Conflict of Laws, 11th ed. London : Stevens, 1987.
Holmested and Watson Ontario Civil Procedure, édition à feuilles mobiles, Toronto : Carswell, 1984.
ONT COMPARU :
Frank McLaughlin et Andrew J. Reddon pour les demanderesses.
Harry B. Radomski pour la défenderesse Nu-Pharm Inc.
C. Clifford Lax et Rocco Di Pucchio pour les mises en cause proposées.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McCarthy Tétrault LLP, Toronto, pour les demanderesses.
Goodmans LLP, Toronto, pour la défenderesse Nu-Pharm Inc.
Lax O’Sullivan Cronk, Toronto, pour les mises en cause proposées.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et l’ordonnance rendus par
[1] Le protonotaire Aronovitch : Il s’agit d’une requête visant à obtenir une ordonnance autorisant les demanderesses, Merck & Co. Inc. et Merck Frosst Canada & Co. (Merck), à introduire une mise en cause contre Apotex Inc. et Apotex Pharmaceuticals Holdings Inc. (Apotex) en vertu de la règle 194 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106].
[2] La mise en cause a originellement été déposée en vertu de l’alinéa 194b) des Règles. À l’audience, les demanderesses ont reçu l’autorisation d’ajouter l’alinéa 194a) comme motif de leur requête. En outre, suivant une directive de la Cour, les parties ont présenté des observations supplémentaires sur ce motif. Au-delà de l’instance visée, la présente requête fournit à la Cour la première occasion d’examiner la règle 194 depuis son ajout aux Règles de la Cour fédérale en 1998.
LE CONTEXTE
[3] La procédure principale concerne une action en contrefaçon de brevet intentée contre Nu-Pharm Inc. (Nu-Pharm), son président et administrateur, Richard Benyak (Benyak), et le chef de la direction d’Apotex et d’Apotex Pharmaceuticals, Bernard Sherman (Sherman).
[4] Les faits allégués dans la demande sont les suivants. Merck est la propriétaire des lettres patentes canadiennes no 1275349 (le brevet ʹ349), qui lui confèrent au Canada le droit exclusif de fabriquer et de vendre un composé connu sous le nom d’énalapril et le sel correspondant, le maléate d’énalapril. Merck vend ses comprimés de maléate d’énalapril sous la marque de commerce « Vasotec » pour le traitement de l’hypertension et de l’insuffisance cardiaque globale.
[5] Apotex fabriquait et vendait une forme générique de comprimés de maléate d’énalapril sous le nom commercial d’Apo-Enalapril. En 1991, les demanderesses ont intenté une action devant la présente Cour contre Apotex pour contrefaçon du brevet ʹ349 en raison de la fabrication et de la vente par Apotex de l’Apo-Enalapril. En décembre 1994, le juge MacKay a confirmé la validité du brevet, conclu qu’Apotex avait contrefait certaines revendications du brevet en fabriquant et en vendant l’Apo-Enalapril et enjoint à Apotex de cesser la contrefaçon du brevet, et notamment, d’utiliser et de vendre l’Apo-Enalapril (voir Merck & Co. c. Apotex Inc. (1994), 59 C.P.R. (3d) 133 (C.F. 1re inst.) (ci-après le jugement MacKay)).
[6] En résumé, il est allégué que les défendeurs ont délibérément et intentionnellement utilisé Nu-Pharm, société fermée constituée à l’origine par M. Sherman, comme instrument pour contourner et violer l’injonction en manipulant le processus de réglementation, en vue de remettre sur le marché comme produit de Nu-Pharm le médicament contrefaisant Apo-Enalapril, sous le nouveau nom de Nu-Énalapril.
[7] Par conséquent, Merck cherche à obtenir les réparations suivantes dans l’action principale :
a) une déclaration portant que Nu-Pharm a contrefait le brevet ʹ349;
b) une déclaration portant que tous les défendeurs, en connaissance de cause et de manière intentionnelle, ont accompli des activités qui contrefont le brevet ʹ349 et contreviennent à l’injonction;
c) une déclaration portant que les défendeurs, Bernard Sherman et Richard Benyak, sont personnellement responsables des activités de Nu-Pharm qui contrefont le brevet et contreviennent à l’injonction;
d) une injonction interdisant à tous les défendeurs de continuer la contrefaçon du brevet ʹ349;
e) la remise ou la destruction de tout l’énalapril et le maléate d’énalapril en possession ou sous le contrôle des défendeurs dans la contrefaçon du brevet ʹ349;
f) des dommages-intérêts ou la restitution des profits tirés des activités de contrefaçon;
g) des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs pour la violation de l’injonction et la contrefaçon du brevet par les défendeurs en connaissance de cause et de manière intentionnelle.
La défense et demande reconventionnelle
[8] Dans sa défense et demande reconventionnelle, Nu-Pharm rejette la contrefaçon et soutient que les revendications pertinentes du brevet ʹ349 sont invalides. MM. Benyak et Sherman refusent tous les deux d’admettre leur responsabilité et adoptent la défense de Nu-Pharm opposant l’invalidité des revendications du brevet ʹ349.
La réponse de Merck et sa défense à la demande reconventionnelle
[9] Dans sa réponse et défense à la demande reconventionnelle de Nu-Pharm, Merck affirme que la validité du brevet a été déclarée chose jugée dans une autre procédure en justice. Elle plaide qu’étant donné les relations entre les défendeurs d’une part, et entre les défendeurs et Apotex d’autre part, les questions de contrefaçon et de validité du brevet sont aussi chose jugée à l’égard des défendeurs.
[10] Merck allègue que M. Sherman contrôle un groupe de sociétés, dont Nu-Pharm et Apotex, qui sont liées sur les plans de la propriété, de la gestion, du personnel et du financement. Elle prétend donc que M. Sherman est l’âme dirigeante de Nu-Pharm. M. Sherman et son groupe, allègue-t-elle, ont cherché de manière continue à contourner le jugement MacKay de 1994. À l’appui de ses allégations, Merck cite un certain nombre de décisions judiciaires, notamment :
— Un arrêt de la Cour d’appel de janvier 1996 rejetant une requête d’Apotex en vue de modifier les termes de l’injonction permanente. La Cour a confirmé la portée large de l’injonction.
— Le rejet par le juge MacKay, en janvier 1997, d’une requête d’Apotex visant à modifier l’injonction permanente et à contester la validité des revendications 1, 8 et 11 du brevet ʹ349 à peu près sur les mêmes fondements que ceux d’un autre membre du groupe Sherman, ACIC, dans le dossier T-308-95 [ACIC (Canada) Inc. c. Merck Co. Inc. (1995), 62 C.P.R. (3d) 362 (C.F. 1re inst.)]. Le juge MacKay a conclu que la validité du brevet était chose jugée à l’égard d’Apotex.
— La décision du juge Muldoon du 28 avril 1999 (dossier T-2869-96) [Apotex Inc. c. Merck & Co. (1999), 167 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.)] de radier, au motif de la chose jugée, une déclaration dans laquelle Apotex et une autre société membre du groupe Sherman, Signa, attaquaient la validité du brevet ʹ349.
— La décision du juge Lemieux du 5 novembre 1999 (dossier T-294-96) [Apotex Inc. c. Merck & Co. (1999), 179 F.T.R. 12 (C.F. 1re inst.)] de radier, de nouveau au motif de la chose jugée, un paragraphe de la réponse et défense à la demande reconventionnelle d’Apotex qui attaquait la validité du brevet ʹ349.
— La décision de la Cour d’appel, en date du 13 décembre 1999, de rejeter l’appel interjeté par Apotex à l’encontre de l’injonction permanente.
— La conclusion du juge MacKay, en date du 7 mars 2000, qu’Apotex et M. Sherman avaient tous les deux commis un outrage au tribunal par la violation de l’injonction permanente.
[11] Au cours de l’audition de la présente requête, Merck a ajouté une décision récente du juge McKeown, rendue le 2 février 2001 (dossier T-294-96) [Apotex Inc. c. Merck & Co. [2001), 11 C.P.R. (4th) 38 (C.F. 1re inst.)], non soulevée dans sa réponse, dans laquelle le juge McKeown a rejeté, en invoquant l’autorité de la chose jugée, une nouvelle tentative d’Apotex visant à contester le brevet ʹ349.
[12] Merck affirme qu’en raison de ces décisions et des relations entre Nu-Pharm et Apotex ainsi qu’entre Nu-Pharm, M. Sherman et M. Benyak, les demandeurs reconventionnels sont empêchés par une fin de non-recevoir de rouvrir un nouveau procès sur la question de la validité et de la contrefaçon du brevet et que leur tentative pour le faire constitue un abus de procédure.
La mise en cause proposée
[13] J’aborde maintenant l’objet de la présente requête, soit la mise en cause proposée contre Apotex. Pour la mise en cause qu’elle recherche, Merck se fonde sur les faits plaidés dans l’action principale et dans sa défense à la demande reconventionnelle. Elle allègue pour l’essentiel que si Apotex n’est pas liée par une décision favorable à Merck dans l’action principale et dans la demande reconventionnelle, Apotex remettra sans aucun doute sur le marché un autre médicament d’Apo-Enalapril et contestera la validité du brevet ʹ349 par l’entremise d’une autre société étant son ayant droit.
[14] Merck prétend en effet qu’Apotex et les autres sociétés qui sont ses ayants droit devraient être liées par les décisions rendues sur les questions soulevées dans sa réponse et défense à la demande reconventionnelle, soit le mandat, le lien d’ayant droit, la fin de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée et l’abus de procédure. Il faut procéder ainsi pour qu’en cas de succès de l’action de Merck, Apotex ne soit pas autorisée à reprendre la même stratégie à l’aide d’un instrument différent, une « Autre-Pharm », par exemple.
[15] Dans son argumentation, Merck cite de nouveau des jugements antérieurs de la Cour qui concernent la question de la validité du brevet ʹ349 et de la chose jugée. Elle renvoie également à deux décisions non mentionnées dans sa réponse et défense à la demande reconventionnelle : une décision du juge Denault, en date du 10 août 1995 (dossier T-308-95) [(1995), 62 C.P.R. (3d) 362] qui radie la demande d’ACIC (Canada) Inc., société acquise par Apotex, contestant l’injonction permanente; et la décision du juge McKeown dans le dossier T-294-96 [(2001), 11 C.P.R. (4th) 38] mentionné ci-dessus.
[16] Dans la mise en cause proposée, Merck cherche à obtenir les réparations suivantes :
a) une déclaration portant que les mises en cause et Nu-Pharm sont et ont été à toutes les époques pertinentes des mandataires l’une de l’autre ou des alter ego et que les actes de l’une d’elles sont les actes des autres;
b) une déclaration affirmant que l’autorité de la chose jugée s’applique aux mises en cause et à toute personne ou entité qui a, ou qui a eu à tout moment après 1991, une relation d’ayant droit avec Nu-Pharm relativement aux questions soulevées ou qui pourraient l’avoir été dans la procédure donnant lieu au jugement MacKay;
c) une déclaration portant que la demande reconventionnelle constitue un abus de procédure de la part des mises en cause et de leurs ayants droit;
d) une déclaration portant que les mises en cause et leurs ayants droit sont empêchés par une fin de non-recevoir, dans la demande reconventionnelle ou dans toute autre procédure, de faire des allégations attaquant la validité du jugement de contrefaçon du juge MacKay;
e) une ordonnance interdisant aux mises en cause, soit directement soit par l’entremise de l’un ou l’autre de leurs ayants droit, d’attaquer la validité du jugement de contrefaçon du juge MacKay.
ANALYSE
[17] Dans la présente requête, la Cour est appelée à définir la portée des alinéas a) et b) de la règle 194 et à trancher si ces dispositions s’appliquent à la requête de Merck.
[18] La règle 194 prévoit :
194. Un défendeur peut, avec l’autorisation de la Cour, mettre en cause une personne—qu’elle soit ou non un codéfendeur dans l’action—dont il prétend :
a) soit qu’elle lui est ou peut lui être redevable d’une réparation, autre que celle visée à la règle 193, liée à l’objet de l’action;
b) soit qu’elle devrait être liée par la décision sur toute question en litige entre lui et le demandeur.
[19] J’ouvre ici une parenthèse sur le fait que, dans la présente instance, la demanderesse Merck de l’action principale est aussi la défenderesse reconventionnelle. Le cas est inhabituel, mais il ne fait pas de doute que Merck, à titre de défenderesse reconventionnelle, a qualité pour engager une mise en cause. Les règles 190 et 189 établissent clairement que la demande reconventionnelle constitue une demande qui peut être poursuivie de manière indépendante. La règle 170 prévoit que dans le contexte d’une action, les règles relatives aux demandeurs et aux défendeurs s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux parties dans une demande reconventionnelle et dans une mise en cause.
[20] Comme on l’a déjà mentionné, la règle 194 a été adoptée en 1998 et n’a pas encore fait l’objet d’une jurisprudence. De toute évidence cependant, la règle est de portée beaucoup plus large que la précédente, la règle 1726 [des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663], en vertu de laquelle la procédure de mise en cause était limitée à des demandes de contribution ou d’indemnisation ou d’autres formes d’exonération. On trouve un élargissement semblable dans la règle 29.01 des Règles de procédure civile de l’Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194], dont l’effet est décrit dans Holmested and Watson Ontario Civil Procedure, vol. 3, édition à feuilles mobiles (Toronto : Carswell, 1984) en page 29-7, en ces termes :
[traduction] L’importance de cette modification ne doit pas être sous-estimée. Elle transforme la nature même de la mise en cause. La mise en cause ne se limite plus aux cas où il s’agit de permettre au défendeur de se retourner contre une personne qui n’est pas partie à l’action pour lui faire supporter le poids de la condamnation prononcée contre lui. La procédure est maintenant un moyen général de réunion d’actions par lequel un défendeur peut greffer à l’action principale toute « demande liée » qu’il peut intenter contre des personnes non parties à l’action.
[21] La règle 29.01 des Règles de procédure civile de l’Ontario, qui ressemble beaucoup à la règle 194, prévoit :
29.01 Un défendeur peut introduire une mise en cause contre une personne qui n’est pas déjà partie à l’action et qui, selon le cas :
[…]
b) lui est ou peut lui être redevable d’une demande distincte en dommages-intérêts ou d’une autre mesure de redressement qui résulte,
(i) soit, d’une opération ou d’un événement ou d’une série d’opérations ou d’événements reliés à l’action principale,
(ii) soit, d’une opération ou d’un événement connexe ou d’une série d’opérations ou d’événements connexes;
c) devrait être liée par la décision d’une question en litige entre le demandeur et le défendeur. [Non souligné dans l’original.]
[22] Je me reporterai à la jurisprudence relative à la règle 29.01 pour me guider dans l’application de la règle 194.
L’alinéa 194a) des Règles
[23] Je traite en premier lieu l’opposition d’Apotex à la requête. Pour l’essentiel, les observations d’Apotex au sujet de l’application de l’alinéa 194a) des Règles font valoir que la mise en cause doit être rejetée parce qu’elle ne fait pas intervenir une cause d’action distincte. En particulier, Apotex soutient que les réparations recherchées en d) et e) de la mise en cause proposée ont déjà été accordées par la Cour dans le cadre d’une autre procédure entre Merck et Apotex et qu’on peut présumer qu’elles lient tout ayant droit d’Apotex. Les réparations demandées dans ces deux alinéas sont une déclaration portant qu’il est interdit aux mises en cause et à leurs ayants droit par une fin de non-recevoir dans la demande reconventionnelle et dans toute autre procédure de contester la validité du brevet confirmée par le juge MacKay, ainsi qu’une ordonnance interdisant aux mises en cause de contester la validité du brevet directement ou par l’entremise de leurs ayants droit. Apotex déclare que ces réparations ne peuvent être accordées en raison de leur caractère trop conjectural. De plus, elles sont fondées, soutient Apotex, sur une allégation à caractère conjectural ou hypothétique selon laquelle Apotex tenterait de reprendre la même stratégie d’entreprise dans l’avenir et, par conséquent, elles ne sont pas recevables en justice.
[24] À mon avis, la teneur de l’alinéa 194a) des Règles implique un critère double. Premièrement, un défendeur peut mettre en cause une personne non partie à l’action dans le cas où celle-ci « est ou peut lui être redevable d’une réparation, autre que celle visée à la règle 193. » La règle 193 concerne essentiellement les demandes de contribution ou d’indemnisation contre un codéfendeur ou toute personne qui n’est pas partie à l’action. Deuxièmement, la réparation demandée doit être liée à « l’objet de l’action ».
[25] L’allégation d’Apotex étant essentiellement que les mesures de réparation recherchées aux alinéas d) et e) ne peuvent être accordées en raison de leur caractère trop conjectural, la Cour doit commencer par examiner si la demande révèle une cause d’action contre la mise en cause proposée. En partie, je pense que cela est exigé par les termes « est ou peut lui être redevable ». Il faut également souligner que l’exigence d’une cause d’action a été confirmée à la fois dans la décision McNaughton v. Barker, [1998] 4 W.W.R. 742 (C.A.C.-B.) (McNaughton) et dans le contexte de la règle 29.01, dans la décision Brampton Hydro-Electric Commission v. B.C. Polygrinders Ltd. (1993), 12 O.R. (3d) 625 (Div. gén.), aux pages 633 et 634. C’est également une considération pertinente, compte tenu de l’intention du législateur qui sous-tend ces règles, d’éviter la multiplicité des procédures (voir la décision McNaughton). Il n’y a naturellement aucune économie ni aucun intérêt à permettre l’introduction d’une demande manifestement non fondée.
[26] À cet égard, je conviens que le critère approprié est celui qui s’applique à la requête en radiation. Par conséquent, la mise en cause doit s’interpréter de manière large et être rejetée dans les seuls cas où il est clair et net que ses chances de succès sont nulles. Dans cet examen, la Cour ne doit pas se laisser arrêter par le caractère ténu ou nouveau d’un argument et elle ne doit rejeter la demande que lorsqu’il est hors de tout doute qu’elle est vouée à l’échec (voir les arrêts Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959; Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735).
[27] L’avocat de Nu-Pharm signale à juste titre que la requête en radiation et la mise en cause diffèrent à l’égard du fardeau de la preuve. Dans le cas de la requête en radiation, la charge de la preuve incombe à la partie qui veut faire opposition à la demande, alors qu’en vertu de la règle 194 elle incombe à la partie sollicitant l’autorisation de la mise en cause. De plus, la règle 194 prescrit que l’autorisation doit être accordée par la Cour, alors que dans les provinces, la mise en cause peut être engagée de plein droit. Selon les observations de Nu-Pharm, ces différences indiquent que l’intention du législateur était [traduction] « clairement et sans erreur possible » d’appliquer un critère différent (vraisemblablement plus exigeant) dans ce contexte.
[28] Mais qu’elle s’inscrive dans le cadre d’une requête en radiation ou d’une mise en cause, la question soulevée demeure en fin de compte la même. Y a-t-il matière à procès? Y a-t-il une question contentieuse? À mes yeux, la différence véritable en est une de forme et non de fond. Dans la requête en radiation, le requérant doit démontrer que la demande ne révèle pas la moindre parcelle d’action valable alors que dans la mise en cause, il doit fournir au juge des requêtes des éléments suffisants pour que le juge conclue à l’existence d’une telle parcelle.
[29] En premier lieu, il est certain, comme l’affirme Merck, que la Cour peut rendre un jugement déclaratoire simpliciter dans toute instance en vertu de la règle 64 des Règles de la Cour fédérale (1998).
[30] Parmi les déclarations recherchées contre les mises en cause proposées (alinéa c) de la demande de redressement), il est demandé que la Cour déclare que la demande reconventionnelle dans la présente action constitue un abus de procédure de la part des mises en cause et de leurs ayants droit. S’il est important de faire la distinction entre la doctrine de l’abus de procédure et celle de la res judicata (voir l’arrêt Kaloti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 C.F. 390(C.A.), il est clair qu’une prétention d’abus de procédure peut être établie sur la base d’une allégation de chose jugée comme fondement factuel (voir l’arrêt Levi Strauss & Co. c. Roadrunner Apparel Inc. (1997), 76 C.P.R. (3d) 129 (C.A.F.), aux paragraphes 11 et 13).
[31] Si l’on passe spécifiquement aux réparations demandées aux alinéas d) et e) de la mise en cause, ces mesures de redressement s’apparentent à une ordonnance d’interdiction ou à une injonction permanente. En fait, comme je l’ai déjà indiqué, aucun jugement déclaratoire n’est visé spécifiquement à l’alinéa e), qui recherche une ordonnance d’interdiction. J’hésite à suivre la suggestion de Nu-Pharm qui laisse entendre que Merck vise en réalité à obtenir une « injonction contre les poursuites », selon l’emploi de ce terme, semble-t-il, pour une catégorie de réparation applicable spécifiquement aux affaires de compétence entre les tribunaux (voir A. V. Dicey et J. H. C. Morris, Dicey and Morris on the Conflict of Laws, 11e éd. (Londres : Stevens, 1987), vol. 1, à la page 391; Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897). Mais je conviens que la réparation demandée par Merck équivaut à une injonction, dans la mesure où elle vise à interdire aux mises en cause d’attaquer le brevet ʹ349 dans des procédures ultérieures, par un jugement déclarant que les mises en cause et leurs ayants droit sont empêchés de le faire par une fin de non-recevoir.
[32] Je suis conscient de la réticence des tribunaux à répondre à des questions hypothétiques pour la raison qu’elles ne révèlent aucune cause d’action valable. Les questions qu’un tribunal est appelé à trancher doivent s’appuyer sur des allégations de faits dont on peut faire la preuve (voir l’arrêt Operation Dismantle, précité, du juge Dickson (plus tard juge en chef) à la page 459). Dans cet arrêt, la question était soulevée par une partie à un litige d’intérêt public qui cherchait à obtenir une injonction interdisant les essais d’un missile de croisière faits par les États-Unis sur le territoire du Canada. Le demandeur alléguait que la décision du gouvernement du Canada d’autoriser ces essais violait ses droits au titre de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], au motif que ces essais « augmentent le danger de guerre nucléaire ». À la page 459, le juge Dickson a conclu que la violation alléguée de la Charte n’était pas liée de manière suffisante à des faits justiciables d’une cour de justice.
[33] Les circonstances de l’espèce sont différentes. Selon ma compréhension des actes de procédure, Merck allègue l’abus de procédure et la chose jugée sur la base du comportement actuel et passé d’Apotex et des défendeurs. Cette allégation repose sur des faits pouvant faire l’objet d’un débat judiciaire, en l’occurrence ceux qui ont trait aux ayants droit et à l’autorité de la chose jugée. Je ne suis donc pas persuadée que Merck cherche à fonder sa cause d’action sur des faits hypothétiques à venir. Les mesures de réparation visées en d) et e) visent seulement à obtenir l’équivalent d’une injonction pour empêcher dans l’avenir d’autres abus. Cela n’est pas sans rappeler l’injonction permanente accordée en vue d’empêcher l’éventuelle contrefaçon de brevet. En réalité, c’était là l’effet de l’injonction de 1994 prononcée contre Apotex par le juge MacKay. Par conséquent, c’est la réparation demandée en l’espèce, et non les allégations, qui concerne des événements à venir. En outre, dans les circonstances qui caractérisent le contentieux entre les parties, je laisserais au juge d’instance la responsabilité de trancher si la déclaration et l’ordonnance recherchées (alinéas d) et e)), doivent être rejetées en raison de leur caractère trop éloigné ou trop conjectural. Je conclus qu’il ne s’agit pas d’une question claire et nette, ni d’une question qu’il convient de trancher à cette étape de l’instance.
[34] Il reste maintenant à décider si la réparation demandée est liée à « l’objet de l’action ». Ce point soulève la question préliminaire de savoir si « l’objet de l’action » s’applique à l’action principale sous-jacente, à la demande reconventionnelle ou aux deux. Dans le cadre du présent litige, j’interprète « l’action » visée à l’alinéa 194a) des Règles comme l’ensemble des faits importants qui ont été plaidés et des réparations recherchées jusqu’ici par les parties, y compris sans aucun doute la demande reconventionnelle et la défense à la demande reconventionnelle.
[35] Je suis persuadée qu’il y a entre la demande reconventionnelle, la défense à la demande reconventionnelle et la mise en cause une connexité suffisante pour autoriser la requête. À mes yeux, le noeud du problème est la question des ayants droit. Elle est soulevée dans l’action principale et de nouveau dans les moyens de défense de Merck contre la demande reconventionnelle, qui s’appuient sur la chose jugée et l’abus de procédure. L’application aux ayants droit d’Apotex ou à Apotex agissant par l’entremise de ses ayants droit des conclusions relatives à la chose jugée et à l’abus de procédure constitue effectivement une question réelle. Je n’admets pas que ces conclusions à l’encontre d’Apotex soient présumées s’appliquer aux ayants droit d’Apotex.
[36] Apotex fait ressortir que Merck n’a pas jugé bon de poursuivre Apotex quand elle a intenté à l’origine son action contre Nu-Pharm il y a presque deux ans. On peut se demander pourquoi, après un aussi long délai, Merck voit aujourd’hui la nécessité de demander une réparation par voie de mise en cause. Si Merck n’avait pas de réclamation à l’encontre d’Apotex à cette époque, elle n’en a pas plus maintenant. On soutient que le retard mis par Merck à introduire la mise en cause est un facteur qui joue contre l’autorisation de la requête.
[37] Merck répond à cela que la mise en cause résulte de la demande reconventionnelle de Nu-Pharm affirmant l’invalidité du brevet, et non pas de l’action initiale en contrefaçon. Il est sans importance que Merck ait pu prévoir l’éventualité de la demande reconventionnelle. Selon mon interprétation des conditions applicables à l’autorisation prévue à l’alinéa 194a), la mise en cause doit seulement faire état d’une cause d’action et avoir une connexité suffisante avec l’objet de l’action.
[38] En résumé, je conclus qu’il y a suffisamment d’éléments pour accueillir la requête au titre de l’alinéa a) de la règle 194. Sans qu’il soit nécessaire de le faire, je vais aussi me pencher sur la requête de Merck en vertu de l’alinéa b) de la règle 194.
L’alinéa 194b) des Règles
[39] L’alinéa b) de la règle 194 autorise la mise en cause dans le cas où la partie mise en cause proposée « devrait être liée par la décision sur toute question en litige entre lui [le défendeur] et le demandeur ».
[40] La mise en cause proposée adopte comme position qu’Apotex n’est pas une partie nécessairement impliquée dans le litige. Elle s’appuie sur la jurisprudence relative à la règle 29.01 des Règles de procédure civile de l’Ontario pour soutenir que l’alinéa 29.01c) (et par analogie l’alinéa 194b)) ne s’applique que lorsque la présence de la partie est nécessaire et lorsque la délivrance de la mise en cause vise une fin utile.
[41] Elle fait valoir que la mise en cause n’a aucune fin utile en l’espèce parce qu’il n’y a rien dans les réparations recherchées contre Apotex qui n’a pas déjà été affirmé par Merck dans sa défense à la demande reconventionnelle de Nu-Pharm. La seule question de fait que soulève l’argument de la chose jugée plaidé par Merck est de savoir si Nu-Pharm est un ayant droit d’Apotex. Apotex considère que les décisions antérieures de la Cour concluant à l’autorité de la chose jugée éliminent la nécessité de la mise en cause dans la présente action. Des jugements concluant à la chose jugée ont déjà été rendus contre les mises en cause proposées et il n’est d’aucune utilité de joindre ces parties à l’instance. Apotex prétend que la présence des mises en cause n’est pas nécessaire pour trancher la question visée. Et leur absence n’entraînerait aucun préjudice pour Merck, qui peut toujours pleinement assumer sa défense à la demande reconventionnelle. L’avocat d’Apotex fait valoir que la présence d’Apotex n’est pas plus nécessaire maintenant qu’elle ne l’était lorsque l’action a été introduite. La présence d’Apotex serait superflue et elle entraînerait inutilement un retard et des coûts additionnels.
[42] Apotex renvoie aux termes du juge Greer dans la décision Brampton, précitée, aux pages 633 et 634, dans l’examen d’un appel interjeté contre une requête présentée en vertu de la règle 29.01 des Règles de procédure civile de l’Ontario :
[traduction] Je suis d’avis que le protonotaire Donkin n’a pas fait erreur dans ses constatations et conclusions. Il a jugé à bon droit que la mise en cause proposée d’une personne non partie à l’action ne révèle aucune cause d’action contre la tierce partie. Brampton Hydro peut soulever la question par voie de défense à la demande reconventionnelle de Poly Grinder. Un jugement déclaratoire n’aurait aucun effet. Aucune poursuite ne pourrait être intentée dans l’avenir par Brampton Hydro contre la National Utility. Le succès ou l’échec de la défense de Brampton Hydro à la demande reconventionnelle ne dépend pas de la présence de la National Utility dans l’action.
La National Utility n’est pas une partie nécessaire dans la procédure et aucune raison ne justifie qu’elle soit liée par les conclusions du jugement. [Non souligné dans l’original.]
[43] La mise en cause proposée cite également la décision Maggio v. Lopes et al.; Economical Mutual Insurance Co., Third Party (1985), 51 O.R. (2d) 441 (protonotaire); conf. par (1985), 52 O.R. (2d) 694 (C. div.). Il est statué aux pages 446 et 447 :
[traduction] En l’espèce, on doit se demander par quelle « question » en litige entre le demandeur et le défendeur la partie mise en cause « devrait être liée »? S’il en existe une, la mise en cause d’une personne non partie à l’action est autorisée par la règle. S’il n’y en a pas, la mise en cause n’est pas autorisée par la règle, elle est irrégulière et doit être radiée.
Les questions susceptibles d’être en litige entre le demandeur et les défendeurs sont des questions de responsabilité, à savoir si le conducteur défendeur a fait preuve de négligence […]; et la question des dommages-intérêts. Il n’y a aucune raison valable qui justifie que la partie mise en cause soit liée par la décision d’une question de responsabilité en litige entre le demandeur et le défendeur. [Non souligné dans l’original.]
[44] Dans l’affaire Brampton, la Cour a conclu que l’alinéa 29.01c) ne s’applique que dans les cas où la présence du tiers est nécessaire à la défense du défendeur à la demande reconventionnelle. La formulation large de l’alinéa 194b) ne va pas dans le sens d’une telle interprétation. L’alinéa prévoit seulement que la personne mise en cause « devrait être liée » par la décision « sur toute question en litige entre lui [le défendeur] et le demandeur ». Je me refuse également à restreindre étroitement la disposition en faisant mention de la nécessité de la présence du tiers, par analogie avec les dispositions du paragraphe 104(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) qui prévoit :
104. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner :
a) qu’une personne constituée erronément comme partie ou une partie dont la présence n’est pas nécessaire au règlement des questions en litige soit mise hors de cause;
b) que soit constituée comme partie à l’instance toute personne qui aurait dû l’être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l’instance; toutefois, nul ne peut être constitué codemandeur sans son consentement, lequel est notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour ordonne. [Non souligné dans l’original.]
[45] Il est remarquable que la règle 104 vise expressément le pouvoir discrétionnaire de la Cour de rendre d’office une ordonnance de mise en cause ou de mise hors de cause. La condition de la présence nécessaire qui figure à l’alinéa 104(1)b) circonscrit ce pouvoir discrétionnaire, du fait qu’il peut être exercé même contre la volonté d’un demandeur, qui normalement choisit la partie qu’il entend poursuivre (voir le jugement Elecnor S.A. c. Soren Toubro (Le), [1996] 3 C.F. 422(1re inst.)).
[46] Je préfère m’appuyer sur l’affaire Maggio, précitée, qui, selon moi, établit la thèse que la procédure de mise en cause ne devrait pas être superflue ou dépourvue d’utilité. Je donne au terme [traduction] « devrait » une connotation impliquant l’existence d’une [traduction] « raison valable » pour la mise en cause proposée.
[47] Il ne fait pas de doute également que l’intention sous-jacente du législateur de limiter la multiplicité des procédures peut être prise en considération. Cet objectif a été formulé par Mme le juge McLaughlin (maintenant juge en chef) dans l’arrêt McNaughton, précité, à la page 746 :
[traduction] Mais pour éviter la multiplication des procédures, les règles autorisent l’introduction de la demande dans l’action qui a été engagée contre le défendeur. L’autorisation de réunir la mise en cause et l’action principale vise à organiser dans une seule procédure le règlement de questions, d’affaires ou de réparations connexes, en vue d’éviter la multiplicité des actions et l’incohérence des jugements; à fournir aux tierces parties un moyen de défense contre la demande du demandeur; à faire en sorte que la mise en cause soit tranchée avant que le défendeur soit appelé à verser le plein montant du jugement. L’élimination de la multiplicité des procédures est un élément fondamental de nos règles de procédure civile. C’est le cas depuis les réformes introduites par les Judicature Acts au dix-neuvième siècle. Comme le lord juge Cotton l’a déclaré dans le jugement Searle v. Choat (1884), 25 Ch. D. 727 : « toute la teneur des Judicature Acts vise à exiger dans toute la mesure du possible la réunion des procédures en une seule action ». [Non souligné dans l’original.]
[48] Cette position est en conformité avec le principe directeur des Règles de la Cour fédérale (1998), énoncé à la règle 3, qui prescrit que les Règles soient appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. J’estime que la formulation large de l’alinéa 104(1)b) appelle une interprétation téléologique large, qui tienne compte à tout le moins de l’objectif de diminuer le nombre des procédures et qui est limitée par l’exigence que l’octroi de la requête soit utile dans la détermination des droits et obligations des parties.
[49] Pour appliquer ces principes à l’espèce, il faut d’abord se demander si une ou plusieurs questions en litige entre Merck et Nu-Pharm devraient lier les parties mises en cause.
[50] Merck soutient qu’Apotex devrait être liée par les conclusions relatives aux ayants droit et à la chose jugée pour qu’elle n’ait pas le droit de contester le brevet ʹ349 dans l’avenir. Apotex fait valoir que la mise en cause ne serait d’aucune utilité parce que la question de la chose jugée en ce qui concerne Apotex a déjà été tranchée par la Cour.
[51] Au nombre des questions cruciales en litige entre les demanderesses et les défendeurs figure l’utilisation d’un ayant droit pour violer l’injonction et contourner le processus de réglementation, allègue-t-on. La question de la chose jugée a effectivement été tranchée en ce qui concerne Apotex, mais la Cour ne lui a pas expressément interdit d’attaquer le brevet ʹ349 indirectement par des sociétés reliées. Étant donné les tentatives répétées d’Apotex de contester le brevet ʹ349, Merck peut avoir de bonnes raisons de croire qu’Apotex reprendrait simplement la même stratégie alléguée sous le couvert d’une entité juridique différente, nonobstant un jugement en faveur de Merck dans la demande reconventionnelle. Merck obtiendrait une victoire à la Pyrrhus si Apotex pouvait simplement contester la validité du brevet ʹ349 par l’entremise d’un ayant droit nouveau ou différent. Par conséquent, dans la mesure où la mise en cause peut empêcher pareil résultat, elle a une fin utile.
[52] Si nous acceptons, comme nous le devons, que Merck a une demande valide qu’elle peut introduire et faire valoir de manière indépendante contre les mises en cause, l’autorisation de la requête contribuera à limiter la multiplication des procédures, aide vraiment nécessaire pour Merck et Apotex eu égard au brevet ʹ349. En réalité, l’action sous-jacente n’est que l’une des ramifications d’une bataille juridique qui, comme le juge Muldoon l’a déclaré dans Apotex Inc. c. Merck & Co. (1999), 167 F.T.R. 59 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 21, « continue de suivre son cours devant la Cour fédérale sans qu’on puisse en voir la fin ». Je conclus donc qu’il y a une raison valable pour joindre les mises en cause proposées et pour qu’elles soient liées par la décision sur toute question en litige.
[53] Enfin, Apotex prétend que la teneur de l’alinéa b) de la règle 194 n’autorise la mise en cause que dans les cas où la réparation demandée est une ordonnance qui lie les tierces parties à l’issue de l’action principale. Je ne pense pas que la formulation de la règle soit aussi restrictive. La formulation exige seulement que la personne mise en cause soit liée par la décision sur toute question en litige entre le demandeur et le défendeur. Dans la pratique, il s’agit là de la même exigence que celle de l’alinéa a), qui prévoit que la réclamation doit être liée à l’objet de l’action principale. Cela n’exclut pas a priori que d’autres mesures de réparation que celles de l’action principale soient demandées dans la mise en cause. Je reprends de nouveau les termes du juge McLaughlin [dans l’arrêt McNaughton] : [traduction] « L’autorisation de réunir la mise en cause et l’action principale vise à organiser dans une seule procédure le règlement de questions, d’affaires ou de réparations connexes ». Pour les motifs exposés, je conclus qu’il y a une question en litige entre les parties à l’action, des raisons valables pour lesquelles les mises en cause proposées devraient être liées par les conclusions et qu’il y a donc lieu d’autoriser la requête en vertu de l’alinéa b) de la règle 194.
[54] En résumé, je suis persuadée que la requête pour obtenir l’autorisation de la Cour peut être accueillie en vertu des deux alinéas a) ou b) de la règle 194.
LE RETARD
[55] Dans la mesure où ce point est pertinent, je conclus qu’il n’y a pas eu de retard et que Nu-Pharm n’a pas subi un préjudice qui soit suffisant pour justifier le rejet de la requête.
[56] Je ne partage pas le point de vue de Nu-Pharm qui prétend que le retard à introduire la requête est imputable exclusivement à Merck. Il importe peu que la requête ait été présentée deux ans après que Merck a engagé l’action initiale en contrefaçon de brevet. Les règles 196 et 204 prévoient que la mise en cause est délivrée dans les 30 jours suivant la signification de la déclaration :
196. (1) Lorsqu’un défendeur entend mettre en cause une personne qui n’est pas un codéfendeur dans l’action, la mise en cause :
a) est délivrée dans le délai prévu à la règle 204 pour la signification et le dépôt d’une défense;
b) est signifiée dans les 30 jours suivant sa délivrance.
[…]
204. Le défendeur conteste l’action en signifiant et en déposant sa défense :
a) dans les 30 jours après avoir reçu signification de la déclaration, si cette signification a été faite au Canada;
b) dans les 40 jours après avoir reçu signification de la déclaration, si cette signification a été faite aux États-Unis;
c) dans les 60 jours après avoir reçu signification de la déclaration, si cette signification a été faite à l’extérieur du Canada et des États-Unis.
[57] Dans le cadre de la présente requête, Merck intente une procédure de mise en cause en vertu de la règle 194 à titre de défenderesse à la demande reconventionnelle de Nu-Pharm. La mention de la « déclaration » à la règle 204 s’applique dans la présente requête à la demande reconventionnelle, dont la signification est intervenue le 2 février 2000. Le retard commence donc à courir passé le délai de 30 jours suivant cette date et non pas suivant la date de la déclaration de Merck.
[58] J’accepte l’observation de Merck attestant qu’elle a commencé le 21 mai 2000 à faire des démarches pour obtenir le consentement de Nu-Pharm en vue de joindre Apotex comme partie à l’action, tout en notant que cette date place la requête de Merck passé le délai de 30 jours prescrit par la règle.
[59] Je n’ai pas besoin d’examiner les observations des parties concernant le contexte de leurs communications au sujet de la jonction d’Apotex comme partie à l’action, étant donné que le facteur crucial dans les circonstances est d’établir si le retard a causé un préjudice aux défendeurs.
[60] Les défendeurs soutiennent avoir subi un préjudice par la mise en cause d’Apotex, du fait du temps, des dépenses et de la complexité qui se sont ajoutés à une procédure déjà complexe. Je conviens qu’il y aura un retard, mais il n’y aura guère de grandes complications en raison des allégations de fait et de la présence de M. Sherman comme défendeur. En outre, pour diverses raisons, il se trouve que les parties ne sont pas encore au stade de l’interrogatoire préalable. Dans l’hypothèse où les parties y voient un véritable intérêt commun, elles sont maintenant en mesure de faire avancer le litige assez rapidement.
[61] En fait, comme pour les modifications des actes de procédure, une mise en cause à tous autres égards valide ne devrait pas être rejetée à moins que les défendeurs puissent démontrer avoir subi un préjudice non réparable. En l’occurrence, aucun préjudice de cette nature n’a été établi, mais je prendrai la question du retard en considération dans l’attribution des dépens.
ORDONNANCE
(1) La requête est accueillie.
(2) Les demanderesses et défenderesses reconventionnelles sont tenues de signifier et de déposer leur mise en cause dans un délai de 15 jours à compter de la date de la présente ordonnance.
(3) Les dépens de la requête, y compris les dépens relatifs à la prolongation de l’audience, ainsi que les débours, sont adjugés aux mises en cause proposées et aux défendeurs, sans égard à l’issue de l’instance, et taxés selon le maximum prévu à la colonne III du tarif B [des Règles de la Cour fédérale (1998)].