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[1994] 2 C.F. 33

A-1407-92

Michael J. Martinoff (appelant)

c.

Sa Majesté la Reine et N. D. Inkster (intimés)

Répertorié : Martinoff c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juges Heald, Décary et Linden, J.C.A.—Vancouver, 16 novembre; Ottawa, 13 décembre 1993.

Justice criminelle et pénale — Armes à feu — Appel à l’encontre du rejet de la demande de contrôle judiciaire du refus du commissaire de la GRC de délivrer un permis national d’exploitation d’entreprise de vente d’armes à feu conformément à l’art. 110(5) du Code criminel — Le commissaire n’a pas étudié le bien-fondé de la demande, ne voulant pas intervenir dans l’administration des régimes provinciaux existants — En vertu des art. 110(5) et 110(10), le commissaire est habilité à délivrer des permis valides dans plus d’une province — Aucun accord conclu avec les provinces ne peut retirer le pouvoir que le législateur a conféré au commissaire — Le commissaire a reçu l’ordre d’étudier le bien-fondé de la demande, sans que la Cour lui dicte sa décision parce qu’il peut exister des raisons de refuser le permis ou d’imposer des conditions dans l’intérêt public.

Il s’agit d’un appel à l’encontre du rejet, par le juge de première instance, de la demande de contrôle judiciaire du refus du commissaire de la GRC de délivrer, conformément au paragraphe 110(5) du Code criminel, un permis national d’exploitation d’entreprise de vente d’armes à feu. L’appelant a obtenu chaque année depuis 1988 un permis provincial d’exploitation d’entreprise lui permettant de vendre des armes à feu en Colombie-Britannique. Il souhaite maintenant exercer son entreprise à l’échelle nationale, mais il ne peut le faire sans un permis délivré par le commissaire de la GRC ou par chacun des préposés provinciaux aux armes à feu dans chacune des provinces où il veut faire affaire. Le commissaire a refusé d’étudier la demande au fond parce qu’il ne voulait pas s’immiscer dans la pratique de longue date selon laquelle ces permis sont délivrés par les chefs provinciaux des préposés aux armes à feu.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Toute interprétation de la partie II.1 du Code par les tribunaux doit tenir compte du strict contrôle des armes de poing, qui a été et demeure une caractéristique essentielle des lois canadiennes en matière de contrôle des armes à feu.

Le commissaire (ou celui qu’il désigne) peut délivrer un permis qui est valide dans plus d’une province, selon le paragraphe 110(5) lu de concert avec le paragraphe 110(10). Les préposés provinciaux qui ont droit de délivrer ces permis ne peuvent les rendre valides à l’extérieur de leur province, sauf dans les situations exceptionnelles exposées au paragraphe 110(10).

Le commissaire a refusé d’exercer le pouvoir que lui confère le législateur. C’est à dessein qu’il n’a pas étudié la demande au fond, comme c’était son devoir de le faire. Il ressort implicitement de sa décision qu’il ne délivrerait jamais de permis valide partout au Canada, bien que le législateur lui ait donné le pouvoir de le faire. Le refus du commissaire d’exercer sa compétence parce qu’il ne veut pas s’immiscer dans l’administration de la loi par les provinces laisse supposer qu’il estime que les accords conclus avec les provinces lui ont fait perdre l’autorité que lui avait conféré le législateur. Or, aucun accord conclu avec les provinces ne peut retirer au commissaire le pouvoir que le législateur lui a conféré. Des accords peuvent régir l’administration et les coûts opérationnels de la législation sur le contrôle des armes à feu, mais le pouvoir que la loi donne au commissaire de délivrer des permis ne peut être complètement réduit à néant par ces accords.

Il ne serait pas sage d’obliger le commissaire à délivrer un permis national. Bien que la Cour puisse exiger l’examen au fond de la demande, elle ne peut dicter la décision à cet égard. Il peut y avoir des raisons valides de refuser un permis national d’exploitation d’entreprise de vente d’armes à feu. Bien que l’appelant ait déjà respecté les normes provinciales de sécurité, la sécurité n’était que l’un des aspects à considérer. De plus, ces mêmes normes de sécurité pourraient ne pas s’appliquer à un permis national, et le commissaire pourrait considérer opportun d’imposer, dans l’intérêt du public, diverses conditions et restrictions.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 105(1)a) (mod. par. L.C. 1991, ch. 40, art. 39), (2)b)(i) (mod., idem), (5) (mod., idem), 108 (mod., idem, art. 20), 110(5) (mod., idem, art. 40), (10) (mod., idem, art. 23), 111 (mod., idem, art. 24), 112(4) (mod., idem, art. 26).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443; (1988), 55 D.L.R. (4th) 1; [1989] 1 W.W.R. 289; 56 Man. R. (2d) 92; 45 C.C.C. (3d) 97; 66 C.R. (3d) 251; 88 N.R. 90; Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30; (1988), 63 O.R. (2d) 281; 44 D.L.R. (4th) 385; 37 C.C.C. (3d) 449; 69 C.R. (3d) 1; 31 C.R.R. 1; 82 N.R. 1; 26 O.A.C. 1; Prince George (La ville de) c. Payne, [1978] 1 R.C.S. 458; [1977] 4 W.W.R. 275; 15 N.R. 386; 2 M.P.L.R. 162; 75 D.L.R. (3d) 1.

DÉCISIONS CITÉES :

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Toronto Newspaper Guild v. Globe Printing Co., [1953] 2 R.C.S. 18; [1953] 3 D.L.R. 561; (1953), 106 C.C.C. 225; 53 CLLC 15,056; Kahlon c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 C.F. 386; (1986), 30 D.L.R. (4th) 157; 26 C.R.R. 152 (C.A.); Jefford c. Canada, [1988] 2 C.F. 189; (1988), 47 D.L.R. (4th) 321; 28 C.L.R. 266; 21 C.P.R. (3d) 28.

APPEL contre le jugement de première instance ([1992] 3 C.F. 648) rejetant la demande de l’appelant visant à obtenir le contrôle judiciaire du refus du commissaire de la GRC de lui délivrer, conformément au paragraphe 110(5) du Code criminel, un permis national d’exploitation d’entreprise de vente d’armes à feu. Appel accueilli.

AVOCATS :

Douglas H. Murray pour l’appelant.

Daniel L. Kiselbach pour les intimés.

PROCUREURS :

Street, Morrison & Murray, Vancouver, pour l’appelant.

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Linden, J.C.A. : L’appelant, Michael J. Martinoff, est un collectionneur de fusils de Vancouver (Colombie-Britannique) qui exploite une entreprise de vente de fusils. Il participe activement aux débats sur les mesures législatives visant le contrôle des armes à feu, et il a comparu devant les tribunaux nombre de fois, ce qui n’a évidemment aucun rapport avec la question litigieuse en l’espèce. En effet, celle-ci consiste à savoir si le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada s’est comporté légalement lorsqu’il a traité la demande de permis d’exploitation d’entreprise de vente d’armes à feu et de munitions de M. Martinoff, permis qui l’autoriserait à exercer l’entreprise de vente d’armes à feu partout au Canada de la même façon qu’il est autorisé à le faire en Colombie-Britannique, en vertu du permis que les autorités de sa province lui ont délivré chaque année depuis 1988. (On a évoqué le caractère théorique de cet appel, la date pour laquelle l’appelant demande le permis étant passée, mais j’estime que c’est là un problème qui se pose encore et qui mérite de toute façon une solution. Voir l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342.

L’appelant a demandé au commissaire de la GRC un permis national d’exploitation d’entreprise conformément au paragraphe 110(5) [mod. par L.C. 1991, ch. 40. art. 40] du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 modifié, qui est libellé comme suit :

110.

(5) Le commissaire, le procureur général de la province où est située ou prévue l’entreprise, le chef provincial des préposés aux armes à feu de cette province ou toute personne que le commissaire ou le procureur général de la province nomme par écrit à cette fin peuvent délivrer des permis pour l’exploitation d’une entreprise visée aux alinéas 105(1)a) ou b) …; ces permis sont valides, sauf révocation, pour la période, d’au plus un an, qui y est mentionnée et les frais payables lors de la demande sont ceux prévus par règlement. [C’est moi qui souligne.]

Ce permis pourrait viser l’entreprise qui comporte « la fabrication, l’achat ou la vente, en gros ou au détail, l’entreposage, l’importation, la réparation, la modification ou la prise en gage d’armes à autorisation restreinte ou d’armes à feu » (alinéa 105(1)a) [mod., idem, art. 39]) aussi bien que « la fabrication, l’achat, la vente, en gros ou au détail, ou l’importation de munitions » (sous-alinéa 105(2)b)(i) [mod., idem]).

Comme on l’a dit, M. Martinoff a obtenu chaque année depuis 1988 un permis d’exploitation d’entreprise auprès du chef provincial des préposés aux armes à feu de la Colombie-Britannique, en vertu duquel il a exploité une entreprise de vente d’armes à feu en Colombie-Britannique, à partir de son domicile au 6361 rue Granville, à Vancouver. Il souhaite maintenant exercer son entreprise à l’échelle nationale à partir de son établissement, mais il ne peut le faire sans un permis délivré par le commissaire de la GRC ou par chacun des préposés provinciaux aux armes à feu dans chacune des provinces où il veut faire affaire. Il en est ainsi en raison du paragraphe 110(10) [mod., idem, art. 23] du Code criminel, libellé comme suit :

110.

(10) Aucun permis n’est valide à l’extérieur de la province dans laquelle il est délivré à moins, d’une part, qu’il ne le soit par le commissaire ou par la personne qu’il a nommée et autorisée par écrit à cet effet et, d’autre part, que la personne qui le délivre appose, pour l’application du présent paragraphe, un visa indiquant les provinces où il est valide ou à moins, enfin, qu’il ne s’agisse des permis suivants :

a) le permis de possession d’une arme à autorisation restreinte, devant être utilisée comme l’indique l’alinéa (2)c);

b) le permis, mentionné au paragraphe (3), de transport d’une arme à autorisation restreinte d’un endroit à un autre endroit indiqués dans le permis;

b.1) le permis de port d’arme visé au paragraphe (2.1) autorisant une personne qui ne réside pas au Canada à avoir en sa possession une arme à autorisation restreinte et à la transporter pour son usage dans une compétition de tir à la cible;

b.2) le permis visé au paragraphe (3.1) permettant au titulaire d’un certificat d’enregistrement d’une arme à autorisation restreinte d’entreposer l’arme dans un lieu autre que celui où il est autorisé à l’avoir en sa possession.

c) le permis visé au paragraphe (4) autorisant la personne qui demande un certificat d’enregistrement à apporter pour fins d’examen l’arme visée par la demande à un registraire local d’armes à feu. [C’est moi qui souligne.]

En d’autres termes, sauf dans les circonstances précises des situations énumérées, le permis délivré par un préposé provincial n’est pas valide à l’extérieur de la province dans laquelle il est délivré. Donc, pour ne pas avoir à s’adresser à 10 endroits différents, M. Martinoff a demandé au commissaire de la GRC, le 22 janvier 1992, un permis valide partout au Canada.

Dans une lettre datée du 27 février 1992, le commissaire a répondu en ces termes :

[traduction] Monsieur,

Cette lettre fait suite à votre demande, datée du 22 janvier 1992, de délivrance d’un permis d’exploitation d’entreprise de vente d’armes à feu et de munitions conformément au paragraphe 100(5) du Code criminel.

Je dois convenir que, conformément à ce que vous avez souligné, j’ai l’autorité nécessaire pour délivrer le permis que vous demandez. Toutefois, en vertu du paragraphe 110(5) du Code criminel, les procureurs généraux des provinces ou les chefs provinciaux des préposés aux armes à feu (CPPAF) ont le même pouvoir, mais dans leurs territoires respectifs. L’article 111 du Code criminel prévoit des accords fédéraux/ provinciaux relatifs à l’application du paragraphe 110(5). La délivrance de permis par les CPPAF/CTPAF est une pratique et même une politique de longue date dans toutes les provinces et dans les deux Territoires. Je ne tiens pas à empiéter sur le rôle des CPPAF/CTPAF en commençant à délivrer des permis d’exploitation d’entreprise à partir de mon bureau.

Conséquemment, je ne peux pas étudier votre demande au fond, mais je vous incite à vous adresser aux autorités provinciales ou territoriales dans la province ou le territoire où vous voulez exercer votre entreprise.

Je vous renvoie par les présentes votre mandat-poste au montant de 250 $.

Le juge de première instance a rejeté, le 23 septembre 1992 [[1992] 3 C.F. 648], la demande subséquente de contrôle judiciaire faite par M. Martinoff. Le présent appel conteste cette décision.

Avant de traiter des points de droit particuliers soulevés dans cette affaire, j’aimerais renvoyer, pour votre gouverne, aux propos du juge McIntyre dans l’arrêt R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443, à la page 483 :

Il y a eu depuis des modifications successives qui, sans exception, ont rendu plus sévères les restrictions relatives à la possession et à l’usage d’armes à feu. Martin L. Friedland fait un bref historique de ce processus dans A Century of Criminal Justice (1984), à partir de la p. 125. À la page 128, il conclut en faisant ce qui peut être considéré comme une sérieuse mise en garde :

[traduction] Au Canada, par bonheur, le contrôle des armes à feu s’est développé graduellement au cours des cent dernières années. Nous n’avons jamais eu à faire face à une situation semblable à celle qui existe aujourd’hui aux États-Unis et qui, selon nombre d’observateurs, est devenue quasi-incontrôlable.

C’est une considération qui peut bien s’avérer importante dans l’interprétation de la partie II.1 du Code par les tribunaux. Il est évident qu’un contrôle strict des armes de poing a été et demeure une caractéristique essentielle des lois canadiennes en matière de contrôle des armes à feu.

La première question à régler consiste à savoir si le paragraphe 110(5) habilite le commissaire à délivrer un permis valide à l’extérieur d’une province donnée. L’avocat de la Couronne a soutenu que la loi ne conférait pas un tel pouvoir au commissaire, alors que l’avocat de M. Martinoff affirme le contraire. À mon sens, le paragraphe 110(5) lu de concert avec le paragraphe 110(10) ne peut mener à d’autre conclusion, si ce n’est que le commissaire (ou celui qu’il a nommé) peut délivrer un permis qui est valide dans plus d’une province. Par contre, les préposés provinciaux qui ont le droit de délivrer ces permis ne peuvent les rendre valides à l’extérieur de leur province (sauf dans les situations exceptionnelles exposées au paragraphe 110(10)). C’est évidemment là une conséquence de la nature de notre système fédéral d’administration complémentaire de la justice criminelle. Le commissaire avait donc raison, lorsqu’il a écrit dans sa lettre du 27 février 1992 qu’il avait le pouvoir de délivrer le permis que recherchait M. Martinoff.

La seconde question à résoudre tient à savoir si le commissaire a refusé d’exercer l’autorité que lui confère la loi, ou s’il n’a fait que référer l’affaire aux autorités provinciales concernées, comme l’a prétendu l’avocat de la Couronne. À mon sens, il est impossible de conclure, compte tenu des mots employés par le commissaire dans sa lettre, qu’il a étudié le bien-fondé de la demande, comme il était tenu de le faire. (Voir l’arrêt Toronto Newspaper Guild v. Globe Printing Co., [1953] 2 R.C.S. 18.) Il a dit expressément [traduction] « je ne peux pas étudier votre demande au fond ». S’il avait étudié cette affaire au fond, ou s’il croyait l’avoir fait, il l’aurait dit.

La raison donnée par le commissaire pour justifier son refus d’exercer sa compétence—sa répugnance à s’immiscer dans l’administration de la loi par les provinces—si compréhensible soit-elle, n’est cependant pas bien-fondée en droit. Il ressort implicitement de la décision du commissaire qu’il ne délivrerait jamais de permis valide partout au Canada, bien que le législateur lui ait donné le pouvoir de le faire. En d’autres mots, le commissaire semble juger que des accords conclus avec les provinces, qui sont certainement permis par la loi (articles 108 [mod., idem, art. 20] et 111 [mod., idem, art. 24]), lui ont fait perdre l’autorité que lui avait conféré le législateur. Ce ne saurait être. Aucun accord conclu avec les provinces ne peut retirer le pouvoir que le législateur a conféré au commissaire. Il est permis, naturellement, que des accords régissent l’administration et les coûts opérationnels de la loi sur le contrôle des armes à feu, mais le pouvoir que la loi donne au commissaire de délivrer des permis ne peut être complètement réduit à néant par ces accords. En agissant comme il l’a fait, le commissaire a refusé d’exercer le pouvoir que lui confère le législateur, ce que la loi ne l’autorisait pas à faire. (Voir aussi l’arrêt Globe Printing, précité.)

La troisième question litigieuse à étudier est celle de la réparation appropriée. On a avancé que le commissaire devrait être tenu de délivrer un permis national, mais je ne crois pas que ce serait sage. La jurisprudence relative au bref de mandamus a fait récemment l’objet d’un examen complet par le juge Robertson, J.C.A., dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742. Il est évident que bien que cette Cour puisse ordonner un examen, elle ne dicte pas le résultat d’un tel processus. (Voir l’arrêt Kahlon c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 C.F. 386 (C.A.), à la page 387, les motifs du juge d’appel Mahoney; voir aussi l’arrêt Jefford c. Canada, [1988] 2 C.F. 189 (C.A.), à la page 192, motifs du juge d’appel Heald). À mon avis, les arrêts qui traitent de l’ancienne loi canadienne sur l’avortement (R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30, et ceux qui portent sur les obligations des municipalités (Prince George (Ville de) c. Payne, [1978] 1 R.C.S. 458)) et d’autres types d’organismes nous aident peu ou pas du tout à comprendre ce régime législatif complexe.

On a avancé que le seul motif possible pour lequel le commissaire pourrait refuser de délivrer un permis serait un motif de sécurité (voir le paragraphe 112(4) [mod., idem, art. 26]), et que puisque les autorités provinciales avaient déjà approuvé l’aspect sécuritaire de l’entreprise avant d’accorder le permis provincial, le commissaire n’avait plus rien à étudier. C’est faux. Je suis plutôt d’accord avec le juge de première instance lorsqu’elle écrit [à la page 663] :

La sécurité du requérant et d’autrui est assurément une considération applicable, mais elle n’est pas déterminante selon les dispositions de la loi.

Le juge de première instance a observé correctement [à la page 664] :

Le fait que le requérant a satisfait aux normes de sécurité applicables aux permis provinciaux ne signifie pas que ces mêmes normes de sécurité s’appliqueraient aux permis valides partout au Canada.

Plusieurs motifs valides de refus du permis d’exploitation d’une entreprise à l’échelle nationale peuvent se présenter au commissaire. Les provinces étant responsables de l’administration et de la mise en vigueur primaires du régime législatif, il se peut que leurs usages soient pris en considération. Le commissaire pourrait tenir à demander l’opinion des administrateurs locaux de la loi. Puisque celle-ci exige la délivrance d’un permis distinct à l’égard de chaque endroit où est exercée une entreprise (paragraphe 105(5) [mod., idem. art. 39]), un accès facile aux livres de l’entreprise importe évidemment au régime de contrôle; par conséquent, les considérations relatives à l’endroit ou aux endroits où se trouve l’entreprise peuvent avoir de l’importance. Il se peut que l’on doive tenir compte de considérations commerciales, telles la réputation de solvabilité, l’honnêteté et la fiabilité du requérant. On peut songer à bien d’autres facteurs susceptibles d’inciter le commissaire à accorder ou à refuser un permis. Il pourrait tenir à imposer diverses conditions ou restrictions dans l’intérêt public. Mais, selon moi, il ne peut simplement refuser d’exercer l’autorité que lui confère la loi sans étudier le bien-fondé de la demande, comme il l’a fait en l’espèce.

Conséquemment, cet appel devrait être accueilli, et une ordonnance s’apparentant au bref de mandamus devrait être rendue, enjoignant au commissaire d’étudier au fond la demande de M. Martinoff, comme si elle avait été présentée le premier janvier 1994, pour l’année 1994.

Le juge Heald, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Décary, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

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