A-613-99
2001 CAF 327
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (appelante)
c.
Gordon Moffatt, Sa Majesté du chef de la Province de Terre-Neuve et du Labrador, Office des transports du Canada (intimés)
et
Chemin de fer du Canadien Pacifique, l'Association du camionnage des provinces de l'Atlantique (intervenantes)
Répertorié: Cie des chemins de fer nationaux du Canadac. Moffatt (C.A.)
Cour d'appel, juge en chef Richard, juges Rothstein et Noël, J.C.A.--Halifax, 24 et 25 septembre; Ottawa, 31 octobre 2001.
Transports -- Appel d'une décision par laquelle l'Office des transports du Canada a soumis à l'arbitrage l'affaire des taux de fret pour le transport de marchandises entre la région centrale du Canada et Terre-Neuve -- Selon la partie IV de la Loi sur les transports au Canada (LTC), l'expéditeur peut soumettre l'affaire à l'Office pour arbitrage s'il ne peut s'entendre avec un transporteur sur les tarifs proposés pour le transport de marchandises -- La clause 32(2) des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada prévoit que, aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires, l'île de Terre-Neuve sera comprise dans la région maritime du Canada et le transport direct entre North Sydney et Port-aux-Basques sera classé comme exclusivement ferroviaire -- L'Office a commis une erreur en concluant qu'il était compétent pour juger si la clause 32(2) s'appliquait à l'établissement de taux de fret vers Terre-Neuve et pour confier à l'arbitre la tâche de développer des tarifs d'une manière conforme à la clause 32(2) -- Comme l'Office est une création du législateur, les pouvoirs qu'il exerce doivent lui être conférés par sa loi constitutive, soit expressément soit par implication nécessaire -- La partie IV de la LTC ne confère nullement une telle compétence à l'Office -- La partie IV oblige seulement l'Office à vérifier le contenu de la demande, à apprécier le délai de signification de l'avis et à choisir l'arbitre -- L'histoire de l'arbitrage atteste l'intention du législateur, dans la LTC, de limiter le rôle de l'Office avant le renvoi d'une question à l'arbitrage -- L'Office a été investi expressément du mandat d'entendre ce genre de demandes en vertu de l'art. 161 de la LTC et d'adresser ces demandes à un arbitre, sous réserve des objections interlocutoires qui pourraient être soulevées -- Rien dans l'art. 161 ou ailleurs dans la partie IV ne donne mandat à l'Office de statuer sur des objections interlocutoires qui pourraient être soulevées -- D'ailleurs, l'Office n'avait pas compétence sur l'objet du litige et sur la réparation recherchée -- Le critère de compétence énoncé dans l'arrêt Cuddy Chicks Ltd. n'a pas été rempli -- Il n'y a dans la LTC aucune autre disposition conférant à l'Office les pouvoirs, attributions et fonctions d'administrer l'ensemble de la LTC -- La clause 32(2) ne conférait une telle compétence à l'Office ni expressément ni par implication nécessaire -- Pour que la clause 32(2) puisse s'appliquer, il faut qu'il existe une réglementation adéquate des tarifs ferroviaires dans la loi appliquée par l'Office -- Une telle réglementation des tarifs ferroviaires n'existe plus dans l'environnement déréglementé d'aujourd'hui -- Aucune réglementation ne met en jeu la clause 32(2), et l'Office ne peut s'arroger la compétence qu'il s'est arrogée ici.
Chemins de fer -- La clause 32(2) des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada prévoit que, aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires, l'île de Terre-Neuve sera comprise dans la région maritime du Canada et le transport direct entre North Sydney et Port-aux-Basques sera classé comme exclusivement ferroviaire -- La clause 32(2) est interprétée comme une disposition imposant la transposition, pour les endroits situés à Terre-Neuve, et au prorata de la distance parcourue en chemin de fer, des taux applicables depuis la région centrale du Canada jusqu'aux provinces Maritimes -- Les taux ainsi calculés étaient des taux maximums -- L'expéditeur qui invoque la clause 32(2) comme fondement des taux maximums pourrait faire payer le transport de fret vers l'île de Terre-Neuve depuis la région centrale du Canada -- L'expression «aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires» suppose l'existence d'une réglementation adéquate, c'est-à-dire envisage une structure tarifaire applicable à la région maritime du Canada de telle sorte que les tarifs puissent ensuite être appliqués au transport vers des endroits de Terre-Neuve -- Une telle réglementation des tarifs ferroviaires n'existe plus -- La clause 32(2) n'est pas mise en jeu.
Droit constitutionnel -- La clause 32(2) des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada prévoit que, aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires, l'île de Terre-Neuve sera comprise dans la région maritime du Canada et le transport direct entre North Sydney et Port-aux-Basques sera classé comme exclusivement ferroviaire -- L'expéditeur, qui n'est pas satisfait des prix que se proposait d'appliquer le transporteur pour le transport de marchandises a soumis l'affaire à l'Office pour arbitrage -- L'Office a conclu que la clause 32(2) s'appliquait en l'espèce et a soumis l'affaire à l'arbitrage -- Malgré la conclusion selon laquelle il existe une réglementation des tarifs ferroviaires, les exemples cités ne limitent pas le pouvoir d'une compagnie de chemin de fer de fixer des taux pour le transport vers Terre-Neuve et ils ne requièrent pas pour la région maritime l'existence d'une structure tarifaire à partir de laquelle pourraient être établis des tarifs applicables à Terre-Neuve -- L'office a reconnu qu'il était difficile de déceler une structure tarifaire lorsqu'il a conclu que l'établissement de tarifs conformes aux Conditions de l'union pouvait supposer le recours «à une sorte d'estimation» -- Il est inexact d'affirmer que la Constitution du Canada exigerait que la réglementation des taux de fret soit fondée sur des estimations -- En l'absence d'une réglementation adéquate des tarifs, il n'y a pas mise en jeu de la clause 32(2) -- Il n'est pas approprié d'appliquer le principe de l'approche évolutive à l'interprétation de la clause 32(2) -- Il ne peut servir à donner vie à une disposition constitutionnelle qui ne correspond plus à la réalité -- L'application de la clause 32(2) est suspendue jusqu'à ce que le législateur fédéral ait pris une réglementation en matière de tarifs ferroviaires.
Interprétation des lois -- La clause 32(2) des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada prévoit que, aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires, l'île de Terre-Neuve sera comprise dans la région maritime du Canada et le transport direct entre North Sydney et Port-aux-Basques sera classé comme exclusivement ferroviaire -- L'Office des transports du Canada a conclu que, parce que la Constitution est la loi suprême du Canada et parce qu'elle doit être interprétée de manière souple et cohérente avec le principe de l'approche évolutive de l'interprétation de la Constitution, la clause 32(2) doit être rendue applicable à l'état actuel de la réglementation des tarifs ferroviaires -- Il n'est pas approprié d'appliquer le principe de l'approche évolutive -- Bien que la Constitution soit la loi suprême du Canada, elle doit, dans les cas qui s'y prêtent, être adaptée à des conditions qui n'existaient pas lorsque ses diverses dispositions ont été édictées -- Il convient d'étudier minutieusement les dispositions constitutionnelles en question pour savoir si le principe de l'approche évolutive est approprié ou si la disposition constitutionnelle n'est tout simplement plus applicable -- Le principe de l'approche évolutive ne saurait être élargi pour donner vie à une disposition qui ne correspond plus à la réalité -- La clause 32(2) subsiste et elle garantira à Terre-Neuve la protection qu'elle prévoit, pour le cas où le législateur fédéral édicterait, en matière de tarifs ferroviaires, une réglementation qui met en jeu la clause 32(2) -- Quand aucune réglementation en matière de tarifs ferroviaires n'est prévue, l'application de la clause 32(2) est suspendue -- Le principe de l'approche évolutive ne signifie pas que la clause 32(2) doit être rendue applicable lorsqu'il n'existe aucune réglementation sur les tarifs.
Il s'agissait d'un appel d'une décision par laquelle l'Office des transports du Canada a soumis à l'arbitrage l'affaire des taux de fret pour le transport de marchandises dans des conteneurs entre la région centrale du Canada et Terre-Neuve. Selon la partie IV de la Loi sur les transports au Canada, l'expéditeur qui n'est pas satisfait des prix que se propose d'appliquer un transporteur pour le transport de marchandises peut soumettre l'affaire à l'Office pour arbitrage. L'Office renvoie ensuite l'affaire à un arbitre. La dernière offre de l'expéditeur Moffatt était fondée sur les principes énoncés dans la clause 32(2) des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada. La clause 32(2) prévoit que, «aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires, l'île de Terre-Neuve sera comprise dans la région maritime du Canada et le transport direct entre North Sydney et Port-aux-Basques sera classé comme exclusivement ferroviaire». La condition 32(2) est interprétée comme une disposition imposant la transposition, pour les endroits situés à Terre-Neuve, et au prorata de la distance parcourue en chemin de fer, des taux applicables depuis la région centrale du Canada jusqu'aux provinces Maritimes. Les taux ainsi calculés étaient des taux maximums. Les moyens invoqués par le CN pour s'opposer au renvoi de la question à l'arbitrage étaient les suivants: la clause 32(2) n'était plus applicable après la fermeture du Chemin de fer de Terre-Neuve en 1988; il n'existe plus de règlement sur les tarifs ferroviaires auquel la clause 32(2) puisse s'appliquer; et le CN n'est plus une société d'État et aucune loi n'oblige le CN à donner effet à la clause 32(2) lorsqu'il établit des taux de fret. L'Office a conclu que, puisque le CN avait offert des tarifs forfaitaires depuis le Canada continental jusqu'à des endroits situés à Terre-Neuve, ces tarifs relevaient du champ de la clause 32(2). Il a reconnu qu'il était difficile de déceler une structure tarifaire de la région maritime car la plupart des tarifs sont indiqués dans des contrats confidentiels, mais, comme la Constitution impose des tarifs conformes aux Conditions de l'union, ceux-ci doivent être établis même s'il faut recourir «à une sorte d'estimation». L'Office a conclu que la clause 32(2) s'appliquait en l'espèce et a soumis l'affaire à l'arbitrage, en assignant à l'arbitre la tâche d'établir une structure tarifaire de la région maritime et des tarifs conformes aux Conditions de l'union. L'Office a conclu qu'il avait compétence à l'égard de la question soumise, des parties et de la réparation recherchée et répondait au critère énoncé dans l'arrêt Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail). La question était de savoir si l'Office était compétent pour juger si la clause 32(2) s'appliquait à l'établissement de taux de fret vers Terre-Neuve et pour confier à l'arbitre la tâche de développer, d'une manière conforme à la clause 32(2), des tarifs pour le transport de fret vers Terre-Neuve.
Arrêt: l'appel est accueilli.
L'Office a commis une erreur en concluant qu'il avait cette compétence. Il est une création du législateur et les pouvoirs qu'il exerce doivent lui être conférés par sa loi constitutive, soit expressément soit par implication nécessaire. Pour qu'un tribunal administratif étudie une question constitutionnelle, il doit déjà avoir compétence à l'égard de l'ensemble de la question qui lui est soumise, c'est-à-dire à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée.
La partie IV de la LTC n'autorisait nullement l'Office à se livrer à l'examen qu'il a effectué à propos des Conditions de l'union ni à donner à l'arbitre des instructions selon lesquelles il devait développer une structure tarifaire pour la région maritime et des taux conformes aux Conditions de l'union. La partie IV de la LTC oblige seulement l'Office à vérifier le contenu de la demande, à apprécier le délai de signification de l'avis à la compagnie de chemin de fer et, si nécessaire, à choisir l'arbitre. L'arbitrage a été introduit dans la Loi nationale de 1987 sur les transports (LNT de 1987). Quelques changements importants attestent l'intention du législateur, dans la LTC, de limiter le rôle de l'Office avant le renvoi d'une question à l'arbitrage.
L'Office a conclu que «le Parlement a expressément investi l'Office du mandat d'entendre ce genre de demandes en vertu de l'article 161 de la LTC et d'adresser ces demandes à un arbitre, sous réserve des objections interlocutoires qui pourraient être soulevées». Rien dans l'article 161 ou ailleurs dans la partie IV ne donne mandat à l'Office de statuer sur «des objections interlocutoires qui pourraient être soulevées». L'Office a interprété un peu trop libéralement le texte de l'article 161, de manière à justifier la compétence qu'il voulait s'arroger. L'Office doit prendre la loi telle qu'elle existe.
D'ailleurs, l'Office n'avait pas compétence sur l'objet du litige et sur la réparation recherchée. La question soulevée devant l'Office était de savoir si celui-ci avait été valablement saisi de la demande d'arbitrage, et la réparation recherchée n'était pas le renvoi de la question à l'arbitrage. La partie IV de la LTC ne confère nullement à l'Office le pouvoir de statuer au fond sur la question de savoir s'il est valablement saisi d'une demande d'arbitrage. L'Office n'a pas non plus le pouvoir de ne pas renvoyer la question à l'arbitrage si elle répond aux règles de forme de la partie IV. Finalement, une compétence ne saurait résulter d'une entente, et des connaissances spécialisées ne peuvent à elles seules conférer à un tribunal administratif une compétence que ne lui reconnaît pas la loi. Le critère de compétence énoncé dans l'arrêt Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail) n'a pas été rempli.
Il n'y a dans la LTC aucune disposition conférant à l'Office les pouvoirs, attributions et fonctions d'administrer l'ensemble de la LTC. Si la LTC ne confère pas expressément compétence à l'égard d'un examen se rapportant à la clause 32(2) après qu'a été présentée une demande d'arbitrage, une telle compétence n'existe pas. La partie IV ne confère pas une telle compétence. Et aucune autre disposition de la LTC ne confère elle non plus à l'Office une compétence générale au regard de la clause 32(2).
La seule autre source possible d'une compétence de l'Office est la clause 32(2), qui ne mentionne pas l'Office ni les tribunaux administratifs qui l'ont précédé et qui ne confère donc pas expressément à l'Office une compétence pour réglementer les tarifs ferroviaires en général ni les taux de fret vers ou depuis Terre-Neuve. Elle ne suppose pas néces-sairement la réglementation des tarifs ferroviaires par l'Office. L'expression «aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires» suppose l'existence d'une réglementation qui se rapporte au reste de la clause, mais elle ne veut pas dire que le législateur doit édicter ou maintenir cette réglementation. Pour qu'une réglementation sur les tarifs ferroviaires soit applicable, il doit s'agir d'une réglementation qui impose d'inclure Terre-Neuve dans la région maritime du Canada et de traiter le «transport direct» entre North Sydney et Port-aux-Basques comme un transport «exclusivement ferroviaire». La nature de la réglementation des tarifs ferroviaires envisagée par la clause 32(2) était un pouvoir dévolu à un tribunal administratif de définir une structure tarifaire applicable à la région maritime du Canada de telle sorte que les tarifs puissent ensuite être appliqués, selon le kilométrage parcouru, au transport vers des endroits de Terre-Neuve, le transport par eau de North Sydney à Port-aux-Basques étant réputé constituer un transport par chemin de fer, et les différences entre Terre-Neuve et les provinces Maritimes étant simplement ignorées. L'historique de la réglementation des tarifs ferroviaires et des dispositions législatives se rapportant à la clause 32(2) confirme cette manière de voir et montre qu'une telle réglementation des tarifs ferroviaires n'existe plus dans l'environnement déréglementé d'aujourd'hui.
L'Office a conclu qu'il existe aujourd'hui dans la LTC une réglementation des tarifs ferroviaires. Cependant, les exemples cités ne limitent pas le pouvoir d'une compagnie de chemin de fer de fixer des taux pour le transport vers Terre-Neuve et ils ne requièrent pas pour la région maritime l'existence d'une structure tarifaire à partir de laquelle pourraient être établis des tarifs applicables à Terre-Neuve. L'Office a reconnu cette difficulté lorsqu'il a conclu que le développement de tarifs conformes aux Conditions de l'union pourrait nécessiter le recours «à une sorte d'estimation». Il est inexact d'affirmer que la Constitution du Canada exige que la réglementation des taux de fret soit fondée sur des estimations. En l'absence d'une réglementation des tarifs qui intéresse de quelque façon l'établissement de tarifs à destination de Terre-Neuve par une compagnie de chemin de fer, alors aucune réglementation ne met en jeu la clause 32(2), et l'Office ne peut s'arroger la compétence qu'il s'est arrogée ici. L'arbitrage est une forme de réglementation des tarifs qui peut être invoquée par les expéditeurs à propos des tarifs du transport ferroviaire vers Terre-Neuve, mais l'arbitrage ne constitue pas un fondement réglementaire autorisant l'Office à faire enquête comme il l'a fait ici ou à donner des directives à l'arbitre pour qu'il développe des tarifs conformes aux Conditions de l'union.
Bien que la Constitution soit la loi suprême du Canada, elle doit, dans les cas qui s'y prêtent, être adaptée à des conditions qui n'existaient pas lorsque ses diverses dispositions ont été édictées. Il convient d'étudier minutieusement les dispositions constitutionnelles en question pour savoir si le principe de l'approche évolutive est approprié ou si la disposition constitutionnelle n'est tout simplement plus applicable. Le principe de l'approche évolutive ne saurait être élargi pour donner vie à une disposition qui ne correspond plus à la réalité. La clause 32(2) subsiste et elle garantira à Terre-Neuve la protection qu'elle prévoit, pour le cas où le législateur fédéral édicterait, en matière de tarifs ferroviaires, une réglementation qui met en jeu la clause 32(2). Toutefois, pour l'heure, le législateur fédéral n'a pris aucune réglementation en matière de tarifs ferroviaires, et l'application de la claude 32(2) est donc suspendue. Le principe de l'approche évolutive ne signifie pas que la clause 32(2) doit être rendue applicable lorsqu'il n'existe aucune réglementation sur les tarifs ferroviaires. La clause 32(2) ne conférait à l'Office, ni expressément ni par implication nécessaire, le pouvoir de se prononcer sur l'application de la clause 32(2), ni le pouvoir de donner des directives à l'arbitre pour qu'il développe des tarifs conformes aux Conditions de l'union.
Comme la période durant laquelle le tarif choisi par l'arbitre devait avoir effet est depuis longtemps expirée, le renvoi de l'affaire à l'Office en vue d'un arbitrage ne présenterait aucun intérêt pratique.
considered
lois et règlements |
Canada Transportation Act, S.C. 1996, c. 10, ss. 5, 26, 37, 161 (as am. by S.C. 2000, c. 16, s. 11), 162, 165 (as am. idem, s. 16). |
Constitution Act, 1982, Schedule B, Canada Act 1982, 1982, c. 11 (U.K.) [R.S.C., 1985, Appendix II, No. 44], s. 52(1). |
Labour Relations Act, R.S.O. 1980, c. 228, s. 106(1). |
Maritime Freight Rates Act, R.S.C., 1985, c. M-1 (repealed by S.C. 1995, c. 15, s. 25). |
National Transportation Act, R.S.C. 1970, c. N-17, s. 45. |
National Transportation Act, S.C. 1966-67, c. 69. |
National Transportation Act, 1987, S.C. 1987, c. 34, ss. 35, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 111. |
Newfoundland Act, 12-13 Geo. VI, c. 22 (U.K.) (as am. by Canada Act, 1982, 1982, c. 11 (U.K.), Schedule to the Constitution Act, 1982, Item 21) [R.S.C., 1985, Appendix II, No. 32], Schedule, Term 32(2),(3). |
Railway Act, R.S.C. 1927, c. 170, ss. 314, 325, 326(6) (as am. by S.C. 1966-67, c. 69, s. 49). |
Railway Act, R.S.C. 1970, c. R-2, s. 269(6). |
Labour Relations Act, R.S.O. 1980, ch. 228, art. 106(1). |
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 52(1). |
Loi des chemins de fer, S.R.C. 1927, ch. 170, art. 314, 325, 326(6) (mod. par S.C. 1966-67, ch. 69, art. 49). |
Loi d'exécution du budget 1995, L.C. 1995, ch. 17, art. 25. |
Loi nationale de 1987 sur les transports, L.C. 1987, ch. 34, art. 35, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 111. |
Loi nationale sur les transports, S.C. 1966-67, ch. 69. |
Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, ch. N-17, art. 45. |
Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, ch. R-2, art. 269(6). |
Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes, L.R.C. (1985), ch. M-1 (abrogée par L.C. 1995, ch. 15, art. 25). |
Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, art. 5, 26, 37, 161 (mod. par L.C. 2000, ch. 16, art. 11), 162, 165 (mod., idem, art. 16). |
Loi sur Terre-Neuve, 12-13 Geo. VI, ch. 22 (R.-U.) (mod. par Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 21) [L.R.C. (1985), appendice II, no 32], annexe, clause 32(2),(3). |
jurisprudence |
décisions appliquées: |
Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5; (1991), 81 D.L.R. (4th) 121; 91 CLLC 14,024; 122 N.R. 361; [1991] OLRB Rep 790; Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Brocklehurst, [2001] 2 C.F. 141; (2000), 195 D.L.R. (4th) 589; 30 Admin. L.R. (3d) 153; 36 C.E.L.R. (N.S.) 177; 265 N.R. 97 (C.A.). |
décisions examinées: |
P.G. T.-N. c. C.N.R. (1950), 64 C.R.T.C. 352 (Comm. Transp.); P.G. T.-N. c. C.N.R. (1951), 67 C.R.T.C. 353 (Comm. Transp.); Re Section 24 of B.N.A. Act, [1930] A.C. 124 (C.P.); Relative à une plainte déposée par Atlantic Container Express Inc. en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. 28 (3e suppl.), le 6 juillet 1989, et selon laquelle les prix exigés par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada pour le transport vers Terre-Neuve seraient non conformes aux Conditions d'adhésion, Décision no 266-R-1991, le 22 mai 1991. |
décisions citées: |
Duthie v. Grand Trunk R.W. Co. (1905), 4 C.R.C. 304 (Comm. des chemins de fer); Terre-Neuve (PG) et Atlantic Container Express (Re), [1987] C.T.C.R. 28 (Comm. can. des transports); Procureur général de la Colombie-Britannique c. Compagnie Trust Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 466; (1980), 112 D.L.R. (3d) 592; [1980] 5 W.W.R. 591; 23 B.C.L.R. 86; [1980] C.T.C. 338; 7 E.T.R. 93; 32 N.R. 326; Re Section 24 of B.N.A. Act, [1930] A.C. 124 (C.P.). |
APPEL d'une décision de l'Office des transports du Canada (Relative à l'opposition de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada à la demande d'arbitrage présentée par Gordon Moffatt en vertu de la partie IV de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, Décision no 300-R-1999, 2 juin 1999), qui a soumis à l'arbitrage une affaire de taux de fret pour le transport de marchandises dans des conteneurs entre la région centrale du Canada et Terre-Neuve. Appel accueilli pour absence de compétence de l'Office des transports du Canada pour juger si la clause 32(2) des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada s'appliquait ou pour confier à un arbitre la tâche de développer des tarifs conformes aux Conditions de l'union.
ont comparu: |
Brian A. Crane, c.r., Ronald D. Lunau et L. Michel Huart pour l'appelante. |
Gary J. Corsano pour l'intimé Gordon Moffatt. |
Donald H. Burrage pour l'intimée Sa Majesté du chef de la Province de Terre-Neuve et du Labrador. |
Ronald Ashley pour l'intimé l'Office des transports du Canada. |
avocats inscrits au dossier: |
Gowling Lafleur Henderson LLP, Ottawa, pour l'appelante. |
Sampson McDougall, Sydney (Nouvelle-Écosse), pour l'intimé Gordon Moffatt. |
Le procureur général de Terre-Neuve et du Labrador pour Sa Majesté du chef de la Province de Terre-Neuve et du Labrador. |
L'Office des transports du Canada pour l'intimé l'Office des transports du Canada. |
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Rothstein, J.C.A.:
INTRODUCTION
[1]Il est fait appel de la décision 300-R-1999 de l'Office des transports du Canada, en date du 2 juin 1999 [Relative à l'opposition de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada à la demande d'arbitrage présentée par Gordon Moffatt en vertu de la partie IV de la Loi sur les transports au Canada, L .C. (1996), ch. 10]. Selon la partie IV de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (la LTC), lorsqu'un expéditeur n'est pas satisfait des prix que se propose d'appliquer un transporteur pour le transport de marchandises et que l'affaire ne p eut être réglée entre l'expéditeur et le transporteur, l'expéditeur peut soumettre l'affaire à l'Office des transports du Canada (l'Office) pour arbitrage. Lorsqu'une affaire lui est soumise pour arbitrage, l'Office doit renvoyer l'affaire à l'arbitre choi si par l'expéditeur et le transporteur ou, si aucun arbitre n'a été choisi par les parties, à un arbitre choisi par l'Office. Lorsque la présente affaire a été soumise à l'Office pour arbitrage, une question constitutionnelle se rapportant aux Conditions d e l'union entre le Canada et Terre-Neuve a été soulevée. C'est la question constitutionnelle qui donne lieu au présent appel.
LES FAITS
[2]La décision 300-R-1999 a été rendue par l'Office après que Gordon Moffatt e ut saisi l'Office le 26 août 1997 pour qu'il arbitre un différend surgi entre lui et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) portant sur les taux de fret. M. Moffatt voulait s'adonner au transport de marchandises dans des conteneurs ent re la région centrale du Canada et Terre-Neuve.
[3]Dans sa demande d'arbitrage, M. Moffatt avait indiqué ce qu'il croyait être les prix les plus élevés que le CN pouvait appliquer eu égard aux principes énoncés dans la clause 32 (2) des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada (annexe de la Loi sur Terre-Neuve [12-13 Geo. VI, ch. 22 (R.-U.) (mod. par Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 21) [L.R.C. (1985), appendice II, no 32]]. Il semble que ces taux constituaient la dernière offre de M. Moffatt. (Les taux effectifs n'ont pas été produits devant la Cour et rien ne dépend d'eux.) La clause 32(2) est rédigée ainsi:
32. [. . .]
(2) Aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires, l'île de Terre-Neuve sera comprise dans la région maritime du Canada et le transport direct entre North Sydney et Port-aux-Basques sera classé comme exclusivement ferroviaire.
Je reviendrai sur la clause 32(2) dans la partie «analyse» des présents motifs. Pour l'heure, il suffit d'observer que, historiquement, la clause 32(2) est interprétée comme une disposition imposant la transposition, pour les endroits situés à Terre-Neuve, et au prorata de la distance parcourue en chemin de fer, des taux applicables depuis la région centrale du Canada jusqu'aux provinces maritimes. Les taux ainsi calculés étaient des taux maximums; c'est-à-dire que le CN ne pouvait appliquer pour le transport vers Terre-Neuve des taux plus élevés que les taux calculés selon la clause 32(2).
[4]Après que lui eut été signifiée la demande d'arbitrage présentée par M. Moffatt à l'Office, le CN a envoyé à l'Office le 15 septembre 1997 une lettre dans laquelle il affirmait que la demande de M. Moffatt n'était pas valide et que l'Office n'était donc pas en état de renvoyer l'affaire à l'arbitrage.
[5]Le CN avait soulevé plusieurs obj ections, mais les seules qui sont examinées dans la décision 300-R-1999 de l'Office et qui font l'objet du présent appel se rapportent à la clause 32(2) des Conditions de l'union. Les moyens invoqués par le CN pour s'opposer au renvoi de la question à l'ar bitrage étaient les suivants:
1. La clause 32(2) n'était plus applicable après la fermeture du Chemin de fer de Terre-Neuve en 1988;
2. Il n'existe plus de règlement sur les tarifs ferroviaires auquel la clause 32(2) puisse s'appliquer;
3. Le CN n'est plus une société d'État et aucune loi n'oblige le CN à donner effet à la clause 32(2) lorsqu'il établit des taux de fret pour les expéditions vers Terre-Neuve qui comprennent un transport ferroviaire.
[6]Dans sa décision 300-R-1999, l'Office a rejeté ces objections et conclu que, puisque le CN avait offert à M. Moffatt des tarifs forfaitaires depuis le Canada continental jusqu'à des endroits situés à Terre-Neuve, ces tarifs relevaient du champ de la claus e 32(2). Étant arrivé à cette conclusion, l'Office s'est ensuite demandé comment devraient être établis les tarifs à destination et en provenance de Terre-Neuve.
[7]L'Office a fait observer que l'établissement d'une structure tarifaire pour la région maritime était essentiel, puisque les taux appliqués à Terre-Neuve avaient toujours été fondés sur une transposition, d'après le kilométrage parcouru, des tarifs compris dans une structure tarifaire de la région maritime. Cependant, l'Office a re connu qu'il avait été difficile ces dernières années de déceler une structure tarifaire de la région maritime car la majorité du trafic ferroviaire se fait aujourd'hui selon les tarifs indiqués dans des contrats confidentiels. Néanmoins, de l'avis de l'Off ice, comme la Constitution impose des tarifs conformes aux Conditions de l'union, de tels tarifs doivent être établis «même s'il faut recourir à une sorte d'estimation» (à la page 28 de la décision 300-R-1999).
[8]L'Office a conclu que la cl ause 32(2) demeurait applicable aux marchandises de M. Moffatt et qu'elle conférait des obligations au CN. Tout en reconnaissant qu'il pourrait être difficile pour un arbitre d'établir une structure tarifaire de la région maritime et que l'arbitre n'aurait peut-être pas les connaissances requises en la matière, l'Office a conclu que l'arbitre pouvait recourir à ses propres ressources ou demander l'aide de l'Office. Il a donc soumis la question à l'arbitrage, en demandant à l'arbitre de développer une struct ure tarifaire de la région maritime et un barème conforme aux Conditions de l'union, et en lui rappelant que les Conditions de l'union étaient impératives et constituaient un aspect primordial de l'arbitrage.
ANALYSE
[9]La question initiale à examiner est de savoir si, en l'occurrence, l'Office était compétent pour juger si la clause 32(2) s'appliquait à l'établissement de taux de fret vers Terre-Neuve et pour confier à l'arbitre la tâche d e développer, d'une manière conforme à la clause 32(2), des tarifs pour le transport de fret vers Terre-Neuve. L'Office a exprimé l'avis qu'il avait cette compétence. Il s'est référé pour cela au critère énoncé dans l'arrêt Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Co mmission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5, critère selon lequel, pour qu'un tribunal administratif examine une question constitutionnelle, il «doit déjà avoir compétence à l'égard de l'ensemble de la question qui lui est soumise, c'est-à-dire à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée». L'Office a estimé qu'il répondait au critère de l'arrêt Cuddy Chicks. Il s'est exprimé ainsi, à la page 16 de la décision 300-R-1999:
Dans le cas présent, l'Office est d'avis qu'il répond aux tests de compétence fixés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Cuddy Chicks, et qu'il est saisi d'une demande d'arbitrage en vertu de la partie IV de la LTC. Le Parlement a expressément investi l'Office du mandat d'entendre ce genre de demandes en vertu de l'article 161 de la LTC et d'adresser ces demandes à un arbitre, sous réserve des objections interlocutoires qui pourraient être soulevées. Ainsi donc, si l'on se fonde sur les tests établis par l'affaire Cuddy Chicks, l'Office est habilité à statuer sur la question. De plus, personne ne conteste que M. Moffatt soit un expéditeur et que le CN soit une compagnie de chemins de fer de compétence fédérale; l'Office a donc compétence sur les deux parties. Enfin, le recours sollicité est le renvoi de la question (ou, dans le cas de l'opposition du CN, le refus de renvoyer la question) devant un arbitre. Le recours relève donc également du mandat de l'Office.
Je regrette de dire qu'à mon avis, l'Office a commis une erreur en concluant qu'il avait cette compétence.
[10]Je commence mon analyse par la proposition fondamentale selon laquelle l'Office est une création du législateur et que les pouvoirs qu'il exerce doivent lui être conférés par sa loi constitutive, soit expressément soit par implication nécessaire: voir l'arrêt Duthie c. Grand Trunk R.W. Co. (1905), 4 C.R.C. 304 (Comm. des chemins de fer). Ce principe est exposé par le juge La Forest dans l'arrêt Cuddy Chicks, précité, au soutie n de la proposition selon laquelle le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] ne constitue pas une source autonome du pouvoir d'un tribunal admini stratif de statuer sur des questions constitutionnelles. Il s'exprime ainsi, à la page 14:
La compétence du tribunal doit plutôt lui avoir été conférée expressément ou implicitement par sa loi constitutive ou autrement. Ce principe fondamental demeure, quelle que soit la nature de la question dont est saisi le tribunal administratif. Ainsi, le tribunal administratif qui s'apprête à étudier une question ayant trait à la Charte doit déjà avoir compétence à l'égard de l'ensemble de la question qui lui est soumise, c'est-à-dire à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée.
Il faut donc se demander si la loi a conféré à l'Office le pouvoir de procéder à l'examen de l'application de la clause 32(2) et d'ordonner à l'arbitre de développer une structure tarifaire de la région maritime ainsi que des taux conformes aux Conditions de l'union. Il existe trois sources possibles pour une telle compétence:
1. La partie IV de la LTC, le texte en vertu duquel l'Office a été saisi de la question; |
2. Les autres pouvoirs de l'Office selon la LTC; et |
3. La clause 32(2) elle-même. |
La partie IV de la LTC
[11]L'Office a été saisi de la question en vertu de la partie IV de la LTC, qui est intitulée «Arbitrage». Le rôle de l'Office selon la partie IV est restreint.
[12]Selon le paragraphe 162(1), lorsqu'une question est soumise à l'Office pour arbitrage, l'Offic e doit renvoyer la question à l'arbitrage. (L'article 161 et les dispositions légales applicables non reproduits dans le texte des présents motifs apparaissent à l'appendice A.) Selon le paragraphe 161(2), la demande d'arbitrage doit contenir la dernière o ffre de l'expéditeur et la dernière offre de la compagnie de chemin de fer, l'engagement de l'expéditeur d'expédier les marchandises selon les termes de la décision de l'arbitre, l'engagement de l'expéditeur de payer sa part des honoraires de l'arbitre, en fin le nom de l'arbitre sur lequel l'expéditeur et le transporteur se sont entendus. Lorsque l'Office juge qu'il y a conformité au paragraphe 161(2), le renvoi de la question à l'arbitrage est obligatoire. La seule exception semble se trouver au paragraphe 161(3), selon lequel la question ne doit pas être renvoyée à l'arbitrage si l'expéditeur n'a pas signifié au transporteur, dans les cinq jours précédant la demande, un avis écrit annonçant son intention de soumettre la question à l'Office pour arbitrage.
[13]La seule autre obligation de l'Office est de choisir l'arbitre si les parties ne l'ont pas déjà fait, ou si l'arbitre choisi par les parties doit s'excuser. Hormis ces trois fonctions procédurales, c'est-à-dir e vérification du contenu de la demande, appréciation du délai de signification de l'avis à la compagnie de chemin de fer et, si nécessaire, choix de l'arbitre, la partie IV ne confère pas d'autres attributions à l'Office avant le renvoi de la question à l'arbitre.
[14]Il ressort manifestement de l'historique législatif de l'arbitrage que le législateur voulait empêcher l'Office d'intervenir dans les questions de fond préalables à un arbitrage. L'arbitrage a été introduit dans la Loi national e de 1987 sur les transports, L.C. 1987, ch. 34 (LNT de 1987), aux articles 47 à 57. Les articles 47 à 57 sont les prédécesseurs de la partie IV de la LTC. La partie IV ressemble à maints égards aux articles 47 à 57, mais elle présente quelques changements importants, qui attestent l'intention du législateur, dans la LTC, de limiter le rôle de l'Office avant le renvoi d'une question à l'arbitrage.
[15]L'un de ces changements est que, sauf entente contraire des parties, la décisio n de l'arbitre doit être rendue dans un délai de 60 jours après la date à laquelle la demande d'arbitrage est déposée auprès de l'Office par l'expéditeur (alinéa 165(2)b) de la LTC). Dans la LNT de 1987, ce délai était de 90 jours (alinéa 52(2)b) de la LNT de 1987).
[16]C'est là un signe évident que le législateur voulait que l'Office renvoie la question à l'arbitre sans s'engager dans une procédure réglementaire préliminaire. L'Office n'a à peu près pas le temps d'examiner des q uestions de fond si les parties doivent s'échanger des renseignements, demander des interro-gatoires et y répondre et présenter des arguments à l'arbitre, et si l'arbitre doit disposer d'un délai suffisant pour examiner les arguments et la preuve et rendre une décision.
[17]Élément particulièrement révélateur, selon l'alinéa 48(3)b) de la LNT de 1987, l'Office (qui s'appelait dans ce texte l'Office national des transports) ne devait renvoyer à l'arbitrage aucune question qui lui était soumise par un expéditeur si l'Office était d'avis que la question soulevée était d'intérêt public général, que la tenue de l'arbitrage serait notablement préjudiciable à des intérêts autres que ceux du transporteur et de l'expéditeur et qu'il y aura it lieu d'examiner la question selon l'article 59 de la Loi. L'alinéa 48(3)b) était ainsi rédigé:
48. [. . .]
(3) L'arbitrage prévu au paragraphe (1) est exclu dans les cas suivants:
[. . .]
(ii) the matter should be investigated by the Agency pursuant to section 59. |
b) l'Office a, dans les dix jours suivant réception de la demande, avisé par écrit l'expéditeur qu'il estime que la question soulevée est d'intérêt public général et que la tenue de l'arbitrage serait notablement préjudiciable aux intérêts autres que ceux du transporteur et de l'expéditeur en cause, et qu'il est d'avis qu'il y aurait lieu de procéder par voie d'enquête en application de l'article 59. |
[18]L'article 59 de la LNT de 1987 prévoyait que l'Office pouvait examiner si les tarifs demandés par un transporteur étaient préjudiciables à l'intérêt public. Il n'y a dans la LTC aucune dis position rappelant l'alinéa 48(3)b) de la LNT de 1987. La LTC ne renferme non plus aucune disposition autorisant, comme le faisait l'article 59 de la LNT de 1987, un examen concernant l'incidence des tarifs sur l'intérêt public.
[19]Manifestement, le rôle de l'Office lorsqu'une question lui était soumise pour arbitrage était plus étendu dans la LNT de 1987 qu'il ne l'est aujourd'hui dans la LTC. Dans la LNT de 1987, l'Office était tenu de se demander si un arbitrage soulevait des questions d'intérêt public ou des questions qui allaient au-delà des intérêts de l'expéditeur et du transporteur. La LTC ne confère aucun rôle semblable à l'Office.
[20]Néanmoins, l'Office a conclu que «le Parlement a expressément investi l'Office du mandat d'entendre ce genre de demandes en vertu de l'article 161 de la LTC et d'adresser ces demandes à un arbitre, sous réserve des objections interlocutoires qui pourraient être soulevées» [soulignement ajouté] (à la page 16 de la décision 300-R-1999). Je ne vois, dans l'article 161 ou ailleurs dans la partie IV, rien qui donne mandat à l'Office de statuer sur «des objections interlocutoires qui pourraient être soulevées». Je crois malheureusement que l'Office a interprété un peu trop libéralement le texte de l'article 161, de manière à justifier ici la compétence qu'il voulait s'arroger. Il va sans dire que l'Office doit prendre la loi telle qu'elle existe.
[21]Il était d'ailleurs inexact pour l'Office de conclure, à la page 16 de la décision 300-R-1999, qu'il avait dans la présente affaire compétence sur l'objet du litige et sur la réparation recherchée. Comme pour l'arrêt Cuddy Chicks, précité, où le juge La Forest a estimé que dans cette affaire-là l'objet ne pou vait être considéré simplement comme une demande d'accréditation, l'objet du litige dans la présente affaire ne peut être qualifié simplement de demande d'arbitrage. La question soulevée devant l'Office par le CN était de savoir si l'Office avait été valab lement saisi de la demande d'arbitrage, et la réparation recherchée n'était pas le renvoi de la question à l'arbitrage. La partie IV de la LTC ne confère nullement à l'Office le pouvoir de statuer au fond sur la question de savoir s'il est valablement sais i d'une demande d'arbitrage. L'Office n'a pas non plus le pouvoir de ne pas renvoyer la question à l'arbitrage si elle répond aux règles de forme de la partie IV. Ainsi, pour ce qui concerne la partie IV, l'objet et la réparation ne relevaient pas de la co mpétence de l'Office.
[22]Finalement, l'Office a fait valoir qu'il détient les connaissances spécialisées en la matière et qu'il lui était nécessaire, à titre préjudiciel, de se prononcer sur l'objection du CN se rapportant aux Conditions de l'union. Je reconnais que l'Office a bien les connaissances requises pour ce qui est de la clause 32(2) des Conditions de l'union, que la question a été soulevée par M. Moffatt et que le CN a demandé à l'Office d'en disposer à titre préjudiciel (même si, devant la Cour, le CN a exprimé l'avis que l'Office n'avait pas cette compétence). Cependant, une compétence ne saurait résulter d'une entente, et des connaissances spécialisées ne peuvent à elles seules conférer à un tribunal administratif une compétence que ne lui reconnaît pas la loi.
[23]En l'espèce, la partie IV de la LTC n'autorisait nullement l'Office à se livrer à l'examen qu'il a effectué à propos des Conditions de l'union ni à donner à l'arbitre des instructions selon lesquelles il devait développer une structure tarifaire pour la région maritime et des taux conformes aux Conditions de l'union. Pour ces motifs, le critère de compétence énoncé dans l'arrêt Cuddy Chicks, précité, n'a pas été rempli au regard de la partie IV.
Les autres dispositions de la LTC
[24]Y a-t-il dans la LTC, hormis la partie IV, des dispositions qui donnent à l'Office le pouvoir d'effectuer un examen au regard de la clause 32(2) des Conditions de l'union et de donner des directives à l'arbitre? La Cour a eu l'occasion, dans l'arrêt Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Brocklehurst, [2001] 2 C.F. 141 (C.A.), d'examiner l'étendue de la compétence de l'Office dans le contexte plus général de la LTC tout entière. Dans cette affa ire, comme dans la présente affaire, l'Office invoquait les articles 26 et 37 de la LTC. Ils sont ainsi rédigés:
26. L'Office peut ordonner à quiconque d'accomplir un acte ou de s'en abstenir lorsque l'accomplissement ou l'abstention sont prévus par une loi fédérale qu'il est chargé d'appliquer en tout ou en partie.
[. . .]
37. L'Office peut enquêter sur une plainte, l'entendre et en décider lorsqu'elle porte sur une question relevant d'une loi fédérale qu'il est chargé d'appliquer en tout ou en partie.
L'analyse effectuée par le juge Décary aux paragraphes 6 à 9 et 13 à 17 de l'arrêt Brocklehurst, précité, est applicable à la présente espèce. Plus précisément, aux paragraphes 13 et 14, le juge Décary s'est exprimé ainsi:
Selon l'interprétation qu'il donne des articles 26 et 37, l'Office, lorsqu'il administre une partie d'une loi fédérale, est réputé administrer l'ensemble de cette loi et constitue par conséquent l'autorité compétente, sauf disposition contraire expresse de la loi. Je ne partage pas cette interprétation. Les deux articles, à mon avis, confèrent à l'Office une compétence soit à l'égard de l'ensemble d'une loi, dans le cas où cette loi habilite l'Office de manière générale à administrer la loi, soit à l'égard de parties d'une loi dans le cas où la loi habilite spécifiquement l'Office à en administrer seulement des parties.
La Loi de 1996 ne comporte aucune disposition conférant à l'Office les pouvoirs, attributions et fonctions d'administrer l'ensemble de la Loi. Il est remarquable en effet que ni l'article 26 ni l'article 37 ne mentionnent expressément la Loi même où ils figurent. Par contre, la Loi contient un grand nombre de dispositions qui confèrent à l'Office une compétence pour l'administration de parties spécifiques de la Loi. À moins que l'article 95 ne fasse partie de ces dispositions, l'Office n'a pas compétence à l'égard de cet article.
[25]Comme l'a constaté le juge Décary, il n'y a dans la LTC aucune disposition conférant à l'Office les pouvoirs, attributions et fonctions d'administrer l'ensemble de la LTC. Si la LTC ne confère pas expressément compétence à l'égard d'un examen se rapportant à la clause 32(2) après qu'a été présentée une demande d'arbitrage, une telle compétence n'existe pas. Comme je l'ai déjà indiqué, la partie IV ne confère pas une telle compétence à l'Office. Et aucune autre disposition de la LTC ne confère elle non plus à l'Office une compétence générale au regard de la clause 32(2).
[26]La seule autre disposition mentionnée par l'Office était l'article 5 de la LTC, qui concerne la Politique nation ale des transports. L'article 5 mentionne que, dans le cadre de la Politique nationale des transports, l'objectif d'instaurer la concurrence parmi les transporteurs doit tenir compte «du contexte juridique et constitutionnel». L'Office a affirmé que l'arti cle 5 lui confère une compétence pour examiner la clause 32(2) en tant que contexte constitutionnel.
[27]Cependant, l'article 5 n'est pas une disposition attributive de compétence. Sans minimiser son importance, je crois que l'article 5 est une disposition déclarative qui énonce les objectifs de la Politique nationale des transports du Canada. Ces objectifs sont mis en oeuvre par les dispositions de la LTC qui autorisent la prise de règlements et, vu l'environnement largement déréglementé d'au jourd'hui, par l'absence de tels règlements. L'article 5 ne confère pas en tant que tel à l'Office la compétence qu'il s'est arrogée en l'espèce. S'il était interprété de la sorte, alors toute question juridique pourrait vraisemblablement elle aussi être p ortée devant l'Office pour qu'il la résolve. À l'éviden-ce, l'article 5 n'était pas destiné à conférer à l'Office une compétence sur tous les différends intéressant les transporteurs, du seul fait que tels différends font intervenir des questions juridique s ou constitutionnelles. Certes, la Constitution doit être observée. Mais l'article 5 ne donne pas à l'Office la latitude entière d'examiner toute question constitutionnelle qui est soulevée devant lui lorsque la loi ne lui confère nullement le pouvoir de procéder à un tel examen. C'est ce qu'a conclu le juge La Forest dans l'arrêt Cuddy Chicks, précité, au regard du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, et ses propos sont également applicables à l'article 5 de la LTC. Au reste, contrairemen t à la loi antérieure, la LTC ne fait pas mention de la clause 32(2), et l'Office n'a aucune compétence générale pour réglementer les barèmes de fret comme c'était le cas dans ladite loi antérieure.
[28]Dans l'arrêt Cuddy Chicks, précité, la Labour Relations Act [R.S.O. 1980, ch. 228, art. 106(1)] de l'Ontario prévoyait que la Commission des relations de travail avait compétence exclusive [traduction ] «pour trancher toutes les questions de fait ou de droit soulevées à l'occasion d'une affaire qui lui est soumise». La Loi conférait à la Commission le pouvoir de statuer sur les questions de droit et de fait se rapportant à sa propre compétence et plus précisément de dire si une affaire se prêtait ou non à l'arbitrage. De telles dispositions sont visiblement absentes de la LTC, et cela n'est pas surprenant, vu la nature fortement réglementée des relations de travail et la nature relativement déréglementée des transports. La LTC ne confère pas à l'Office, expressément ou par implication nécessaire, une compétence pour réglementer les taux de fret vers Terre-Neuve ou pour se prononcer sur la clause 32(2).
La clause 32(2)
[29]La seule autre source possible d'une compétence de l'Office est la clause 32(2) elle- même. La clause 32(2) ne mentionne pas l'Office ni les tribunaux administratifs qui l'ont précédé. Il ne confère donc pas expressément à l'Office une compétence pour réglementer les tarifs ferroviaires en général ni les taux de fret vers ou depuis Terre-Ne uve en particulier.
[30]Pourrait-on dire cependant que l'Office a par nécessité le pouvoir implicite de réglementer les tarifs ferroviaires? En d'autres termes, pourrait-on dire que la clause 32(2) requiert une réglementation de s tarifs et que cette réglementation suppose nécessairement qu'il doit y avoir un organisme de réglementation et que cet organisme doit être l'Office? Je ne le crois pas. À mon avis, la clause 32(2) n'impose pas par elle-même une réglementation des tarifs. L'expression «aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires» suppose l'existen-ce d'une réglementation qui se rapporte au reste de la clause, mais elle ne veut pas dire que le législateur doit édicter ou maintenir cette réglementation. La réglemen -tation des tarifs ferroviaires dont parle l'expression «aux fins de la réglementation des tarifs ferroviaires» a toujours existé dans la Loi sur les chemins de fer, la Loi nationale sur les transports ou la Loi nationale de 1987 sur les transports. Pour q ue la clause 32(2) soit applicable, il doit exister dans la loi appliquée par l'Office une réglementation applicable en matière de tarifs ferroviaires.
[31]Une réglementation applicable est une réglemen-tation sur les tarifs ferroviaires qui intéresse de quelque façon la réglementation des tarifs ferroviaires vers Terre-Neuve. Plus précisément, il doit s'agir d'une réglemen-tation qui impose d'inclure Terre-Neuve dans la région maritime du Canada e t de traiter le «transport direct» entre North Sydney et Port-aux-Basques comme un transport «exclusivement ferroviaire».
[32]La nature de la réglementation des tarifs ferroviaires envisagée par la clause 32(2) était un pouvoir dévolu à un tribunal administratif, la Commission des transports du Canada de l'époque, de définir une structure tarifaire applicable à la région maritime du Canada de telle sorte que les tarifs puissent ensuite être appliqués, selon le kilométrage parcour u, au transport vers des endroits de Terre-Neuve, le transport par eau de North Sydney à Port-aux-Basques étant réputé constituer un transport par chemin de fer, et les diffé-rences entre Terre-Neuve et les provinces maritimes étant simplement ignorées. L'historique de la réglemen-tation des tarifs ferroviaires et des dispositions législa-tives se rapportant à la clause 32(2) depuis que cette condition a été édictée en 1949 confirme cette manière de voir et montre qu'une telle réglementation des tarifs ferr oviaires n'existe plus dans l'environnement déréglementé d'aujourd'hui.
[33]Cet historique, jusqu'à 1987, a été bien exposé dans la jurisprudence de la Commission des transports du Canada et de la Commission canadienne des transports, en particulier dans la décision Terre-Neuve (P.G.) et Atlantic Container Express Inc. (Re), [1987] C.T.C.R. 28 (ACE, 1987).
La Loi des chemins de fer en vigueur en 1949
[34]Lorsque Terre-Neuve est devenue une province en 1949, la réglementation des tarifs ferroviaires était considérable. Les tarifs devaient être publiés dans des barèmes qui étaient publics . Les tarifs ferroviaires applicables au transport effectué dans des circonstances et conditions très semblables devaient être uniformes pour tous les expéditeurs (Loi des chemins de fer, S.R.C. 1927, ch. 170, art. 314).
[35]«Di scrimination injuste» et «préférence indue» étaient les expressions employées lorsqu'une compagnie de chemin de fer s'écartait du principe de l'égalité de traitement des expéditeurs opérant dans des conditions très semblables.
[36]Selon la Loi des chemins de fer de l'époque, la Commission des transports du Canada avait le pouvoir de désavouer un tarif qui était injuste ou déraisonnable et d'obliger la compagnie de chemin de fer à adopter un tarif acceptable pour la Commission (ar ticle 325).
[37]L'établissement des tarifs ferroviaires devait donc prendre en compte la nécessité de traiter sur un pied d'égalité les expéditeurs de chaque région du Canada, les Maritimes constituant l'une de ces régions. Et i l existait effectivement une structure tarifaire applicable à la région maritime depuis la région centrale du Canada, et à l'intérieur de la région maritime elle-même (voir ACE, 1987, aux pages 60 et 61).
[38]L'inquiétude de Ter re-Neuve au moment de la Confédération était que sa situation n'était pas semblable à celle des provinces maritimes. Le transport de North Sydney à Port-aux-Basques était un transport par eau. La voie ferrée qui parcourait l'île de Terre-Neuve était une vo ie étroite et elle traversait un relief difficile. Au vu de la réglementation de l'époque en matière de tarifs ferroviaires, on ne pouvait affirmer que des tarifs plus élevés vers Terre-Neuve que les tarifs applicables aux provinces maritimes entraîneraien t une discrimination injuste. Le CN avait d'ailleurs imposé une surtaxe pour la manutention supplémentaire que nécessitait le trans-fert des marchandises à Port-aux-Basques, ainsi que des frais additionnels parce que la capacité des wagons utilisés à Terre -Neuve était moindre que la capacité des wagons utilisés sur des voies ferrées à écartement normal.
[39]La province de Terre-Neuve présenta à la Commission des transports du Canada une demande invitant celle-ci à ordonner au CN d'annuler les tarifs qu'il appliquait et de les remplacer par un barème fondé sur la structure tarifaire en vigueur pour les provinces maritimes. Dans l'affaire P.G. T.-N. c. C.N.R. (1950), 64 C.R.T.C. 352 (Comm. Transp.), la Commission des transports du Canada jugea q ue les compagnies de chemin de fer avaient le droit d'appliquer des tarifs différents en raison de l'existence de conditions différentes et que la clause 32(2) n'énonçait pas une règle différente pour Terre-Neuve (à la page 353).
[40]Terre-Neuve demanda alors à la Commission de revoir sa décision. Dans l'affaire P.G. T.-N. c. C.N.R. (1951), 67 C.R.T.C. 353 (Comm. Transp.), le commis-saire Wardrope, infirmant la décision antérieure de la Commission, interpréta de la manière suiv ante les mots introductifs de la clause 32(2), à la page 357:
[traduction] Je crois aussi que, en l'absence de traversiers, le fait de considérer le transport entre North Sydney et Port-aux-Basques comme un transport ferroviaire, abstraction faite d'autres objets, vise à assurer l'application, pour le transport de North Sydney à Port-aux-Basques, d'un barème raisonnable qui se compare à celui du Canada continental.
À mon avis, ils doivent donc signifier que, malgré certaines conditions et circonstances dissemblables et défavorables en ce qui concerne Terre-Neuve, cette province doit être placée sur le même pied que la région maritime et se voir appliquer des tarifs généraux semblables à ceux des autres provinces maritimes.
[41]La clause 32(2), en tant que disposition constitutionnelle ou «loi spéciale» comme la qualifiait à l'époque la Loi des chemins de fer, a donc eu préséance, en vertu de la Loi des chemins de fer, sur la réglementation des tarifs ferroviaires. Elle devait donner à Terre-Neuve une chose à laquelle Terre-Neuve n'avait pas autrement droit d'après les règlements sur les tarifs ferroviaires pris conformément à la Loi des chemins de fer. Elle nécessitait l'établis sement de taux de fret pour le transport vers Terre-Neuve, et cela d'une manière non discriminatoire, malgré l'existence de conditions différentes entre les Maritimes et Terre-Neuve. Cela nécessitait l'établissement de taux à destination de Terre-Neuve, au prorata de la distance parcourue en chemin de fer, compte tenu de la structure des taux applicables depuis la région centrale du Canada vers les Maritimes et à l'intérieur des Maritimes. En raison du caractère généralisé de la réglementation des tarifs fe rroviaires, et en raison du pouvoir étendu conféré par la Loi des chemins de fer à la Commission en tant qu'organisme de réglementation, il ne fait aucun doute que la Commission avait le pouvoir d'obliger le CN, conformément à la clause 32(2), à traiter Te rre-Neuve comme un prolongement ferroviaire des provinces maritimes et d'obliger le CN à appliquer, pour le transport vers Terre-Neuve, et selon le kilométrage parcouru, des taux fondés sur les taux applicables au transport vers les provinces maritimes et à l'intérieur des provinces maritimes.
La LNT de 1967
[42]Cette réglementation généralisée des tarifs ferroviaires a subsisté jusqu'à la promulgation de la Loi nationale sur les transports (LNT), en 1967, par S.C. 1966-67, ch. 69. La LNT de 1967 réduisait notablement la réglementation des chemins de fer et les tarifs ferroviaires établis en vertu de la Loi sur les chemins de fer. Les vastes pouvoirs de réglementation de la Commission des transports du Canada sur les tarifs ferro viaires furent remplacés par des modifications apportées à la Loi sur les chemins de fer, modifications qui conféraient aux compagnies de chemin de fer, sous réserve d'exceptions précises et restreintes que devait administrer la nouvelle Commission canadie nne des transports, le pouvoir de fixer des tarifs sans égard aux restrictions législatives ou réglementaires.
[43]L'une des exceptions était la clause 32 des Conditions de l'union. Le paragraphe 326(6) de la Loi sur les chemins de fer (mod. par S.C. 1966-67, ch. 69, art. 49), et renuméroté paragraphe 269(6) conformément à S.R.C. 1970, ch. R-2, prévoyait ce qui suit:
269. [. . .]
(6) Nonobstant les dispositions de l'article 3, le pouvoir que la présente loi attribue à la compagnie de fixer, préparer et émettre des tarifs, taxes et taux, et de les changer et les modifier, n'est pas limité ni d'aucune façon atteint par une loi quelconque du Parlement du Canada, ni par un traité conclu ou passé en conformité d'une telle loi, qu'elle soit générale ou spéciale dans son application et qu'elle ait trait à un seul ou à plusieurs chemins de fer particuliers, à l'exception de la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les Provinces maritimes, de la clause 32 des Conditions de l'Union de Terre-Neuve au Canada, et de la Partie IV de la Loi sur les transports.
Dans l'affaire ACE 1987, à la page 57, se référant au paragraphe 269(6), le comité d'examen de la Commission canadienne des transports concluait ainsi:
Par conséquent, nous concluons que le paragraphe (6) de l'article 269 de la Loi sur les chemins de fer limite les pouvoirs de la société ferroviaire d'établir des taux à destination, en provenance et à l'intérieur de Terre-Neuve en assujettissant ces pouvoirs aux droits garantis à Terre-Neuve dans les Conditions de l'union. Ainsi, en déterminant ces taux, la société ferroviaire doit veiller à fixer pour Terre-Neuve des taux qui soient conformes aux Conditions de l'Union.
[44]Selon la LNT, les taux ferroviaires étaient publics et devaient être déposés auprès de la Commission. Il semble qu'il existait encore une stru cture tarifaire de la région maritime. En conséquence, le comité d'examen ordonna au CN de revoir ses taux et de déposer de nouveaux taux conformes aux Conditions de l'union. À la page 68, il concluait ainsi:
À cette fin, nous ordonnons au CN d'entreprendre un examen immédiat de tous ses taux à destination, en provenance et à l'intérieur de Terre-Neuve afin de s'assurer que chaque taux répond aux critères établis dans la présente décision et d'avertir le CTCF (le Comité) lorsque cet examen sera complété. Si certains taux s'avèrent trop élevés et par conséquent disproportionnés aux taux semblables de la partie continentale des Maritimes redressés en fonction de la distance, ou trop bas et par conséquent inférieurs aux taux semblables de la partie continentale des Maritimes redressés en fonction de la distance, et inférieurs au niveau compensatoire, le CN devra déposer de nouveaux tarifs au plus tard 90 jours à compter de la date de la présente décision.
Il prévoyait ensuite que les parties non satisfaites des taux déposés par le CN pouvaient présenter une demande à la Commission en vertu de l'article 45 de la LNT:
Si l'une ou l'autre des parties ou toute autre personne est d'avis que les taux en vigueur après cette date ne sont pas conformes à la Loi sur les chemins de fer, elles sont libres de renvoyer la question à la Commission aux termes de l'article 45 de la Loi nationale sur les transports.
[45]L'article 45 de la LNT [S.R.C. 1970, ch. N- 17] donnait à la Commission canadienne des transports un pouvoir étendu de statuer sur toute demande où il était allégué qu'une compagnie de chemin de fer avait négligé de faire quelque chose que lui imposait la Loi sur les chemins de fer, p. ex. le paragr aphe 269(6) ou la loi spéciale (la clause 32(2) des Conditions de l'union), et un pouvoir étendu d'ordonner à une compagnie de chemin de fer de faire sur-le-champ toute chose qu'elle était tenue de faire en vertu de la Loi sur les chemins de fer ou de la l oi spéciale. L'article 45 prévoyait, dans sa partie applicable, ce qui suit:
45. (1) La Commission a pleine juridiction pour instruire, entrendre et juger toute requête présentée par une partie intéressée ou en son nom,
a) se plaignant qu'une compagnie ou qu'une personne a omis de faire une action ou une chose qu'elle était tenue de faire par la Loi sur les chemins de fer, par la loi spéciale [. . .] ou qu'une compagnie ou une personne a fait ou fait une action ou une chose contrairement ou en contravention à la Loi sur les chemins de fer ou à la loi spéciale [. . .] |
[. . .]
(2) La Commission peut ordonner et prescrire à toute compagnie ou personne de faire immédiatement, ou dans tel délai ou à telle époque qu'elle fixe, et de telle manière qu'elle prescrit, en tant qu'il n'y a rien d'incompatible avec la Loi sur les chemins de fer, toute action ou chose que cette compagnie ou personne est, ou peut être, tenue de faire sous le régime de la Loi sur les chemins de fer ou de la loi spéciale; [. . .] et elle a, aux fins de la Loi sur les chemins de fer, plein juridiction pour entendre et juger toute question tant de droit que de fait.
L'étendue du pouvoir de la Commission de réglementer les compagnies de chemin de fer en vertu de l'article 45 de la LNT contraste vivement avec les pouvoirs actuellement limités de l'Office selon les articles 26 et 37 de la LTC. Il ne fait aucun doute que, en raison du paragraphe 269(6) de la Loi sur les chemins de fer et de l'article 45 de la LNT, la Commission était compétente pour ordonner au CN de déposer et d'appliquer des taux conformes à la clause 32(2) des Conditions de l'union.
La LNT de 1987
[46]L'autre principale modification législative qui intéresse la réglementation des chemins de fer au Canada a été la LNT de 1987. Le paragraphe 269(6), en vertu duquel les compagnies de chemin de fer étaient libres de fixer leurs taux s ous réserve d'exceptions restreintes, est devenu l'article 111 de la LNT de 1987. L'article 111 était rédigé ainsi:
111. Les pouvoirs, conférés par la présente section à une compagnie de chemin de fer, à l'égard des tarifs, des contrats confidentiels et des prix convenus ne sont pas limités ni touchés par une loi du Parlement, autre que la présente loi, ou par un accord conclu en application d'une loi du Parlement, autre que la présente loi, d'application générale ou particulière à un chemin de fer, sauf la Loi sur le taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes, la Loi sur le transport des marchandises dans la Région Atlantique, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, la clause 32 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada, énoncée à l'annexe de la Loi sur Terre-Neuve et l'article 272 de la Loi sur les chemins de fer.
[47]En vertu de la LNT de 1987, les tarifs ferroviaires ont continué d'être publiés, encore qu'il n'y eût aucune obligation de les déposer auprès de l'Office national des transports. Une exception à la publication concernait l'adoption de contrats confidentiels, selon lesquels le taux convenu entre la compagnie de chemin de fer et l'expéditeur ne serait pas public. Toutefois, de tels contrats devaient être déposés auprès de l'Office. L'Office avait donc accès à des renseignements grâce auxquels il pouvait déterminer les taux indiqués dans les contrats confidentiels, et ap plicables depuis la région centrale du Canada jusqu'aux Maritimes et à l'intérieur des provinces maritimes, ce qui lui permettait d'établir des taux applicables au transport vers Terre-Neuve, et conformes à la clause 32(2). Dans la décision 266-R-1991, en date du 22 mai 1992 [Relative à une plainte déposée par Altantic Container Express Inc. en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. 28 (3e suppl.), le 6 juillet 1989, et selon laquelle les prix exigés par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada pour le transport vers Terre-Neuve seraient non conformes aux Conditions d'adhésion] (ACE 1991), l'Office a jugé, à la page 17, que, pour le calcul de taux conformes à la clause 32(2), le CN était tenu d e déterminer une structure tarifaire pour la région maritime en y incluant les taux des contrats confidentiels comportant des modalités semblables à celles applicables aux expéditeurs de Terre-Neuve.
[48]Cependant, le vaste pouvoir de l'ancienne Commission canadienne des transports, selon l'article 45 de la LNT, d'entendre et de juger les plaintes et de rendre des ordonnances en conséquence était considé-rablement réduit. Le pouvoir conféré à l'Office par la LNT de 1987 était ide ntique au pouvoir que lui confère la LTC aujourd'hui. Les articles 26 et 37 de la LTC sont identiques aux paragraphes 35(4) et 35(1) de la LNT de 1987.
[49]Dans la décision ACE 1991, le rôle de l'Office au regard de l'article 111 a été expli qué ainsi par les membres majoritaires de la formation, à la page 13:
L'article 111 permet au CN de fixer ses taux comme il l'entend à condition seulement qu'il respecte diverses exigences juridiques dont les Conditions d'adhésion. Dans le milieu de concurrence établi par la LNT 1987, il incombe au CN d'établir des taux et l'Office n'a pas à intervenir, sauf si une plainte bien fondée lui est soumise. Donc, l'Office n'a pas comme fonction d'exercer une surveillance continue afin d'assurer que les taux dictés par les Conditions d'adhésion sont établis convenablement.
[50]L'article 111 de la LNT de 1987 figurait dans la partie III, «Transport ferroviaire, Section I, Transport des marchandises par chemins de fer». Cette partie de la loi était de nature réglementaire et imposait des obligations administratives aux compagnies de chemin de fer. L'Office est mentionné dans toute cette partie. En conséquence, l'Office était compétent, à l'époque, pour étudier et juger la plainte déposée, c'est-à-dire la plainte selon laquelle le CN n'appliquait pas des tarifs conformes aux Conditions de l'union, et pour obliger le CN à appliquer des tarifs conformes aux Conditions de l'union.
La LTC
[51]Finalement, nous arrivons à la LTC édictée en 1996. Comme on l'a dit, le pouvoir de l'Office selon les articles 26 et 37 de la LTC demeure le même que le pouvoir de l'Office selon les paragraphes 35(4) et 35(1) de la LNT de 1987. Cependant, l'article 111 de la LNT de 1987 a été abrogé. En d'autres termes, il n'y a dans la LTC aucune limite, en ce qui a trait à la clause 32(2), au pouvoir d'une compagnie de chemin de fer de fixer des taux de fret.
[52]De plus, dans la LTC, les compagnies de chemin de fer ne sont plus tenues de déposer les contrats confidentiels auprès de l'Office. Les taux de fret indiqués dans les barèmes demeurent publics, mais, selon la preuve déposée auprès de l'Office dans cette affaire, 75 à 80 pour cent du transport multimod al intérieur du CN vers et depuis les Maritimes se font en vertu de contrats confidentiels et non en vertu de taux figurant dans des barèmes publics (page 23 de la décision 300-R-1999). L'Office n'a pas accès à ces taux car il n'a pas le pouvoir d'exiger l a production de ces contrats confidentiels ou des renseignements qui y figurent. Je crois que, en abrogeant l'article 111 de la LNT de 1987, le législateur reconnaissait que la grande majorité des taux sont négociés individuellement entre expéditeurs et co mpagnies de chemin de fer, et il n'y a plus obligation d'appliquer des taux uniformes aux expéditeurs dont la situation est sensiblement la même. L'idée d'une structure tarifaire pour la région maritime était devenue un anachronisme et il n'y avait plus de fondement justifiant une structure tarifaire réaliste du genre, à partir de laquelle pourraient être établis des taux de fret à destination de Terre-Neuve.
[53]En bref, la réglementation tarifaire dont il est que stion dans la clause 32(2) coïncidait à l'origine avec le vaste pouvoir de la Commission des transports du Canada d'appliquer et d'exiger des taux justes et raisonnables. Par la suite, dans la Loi nationale de 1967 sur les transports, la source du pouvoir de la Commission canadienne des transports d'ordonner au CN de déposer des taux de fret conformes aux Conditions de l'union était la combinaison de deux choses: le vaste pouvoir de la Commission canadienne des transports d'enquêter sur les matières relevan t de sa compétence, et la limitation qu'imposait la clause 32(2) au pouvoir des compagnies de chemin de fer de fixer des taux de fret selon le paragraphe 269(6) de la Loi sur les chemins de fer. Dans la LNT de 1987, la source de la compétence de l'Office était l'article 111 de cette Loi, ce à quoi il faut ajouter le pouvoir donné à la Commission par les paragraphes 35(1) et 35(4).
[54]Dans la LTC, aucune disposition ne donne à l'Office l'accès à la multitude de taux régissant le transport de fret par chemin de fer. Il n'existe non plus aucune disposition réglementaire donnant à l'Office le droit d'obliger une compagnie de chemin de fer à appliquer une structure tarifaire pour la région maritime. Il n'y a pas de limite, par l'effet de la clause 32(2), au pouvoir d'une compagnie de chemin de fer de fixer des taux de fret. Vu l'absence de telles dispositions, aucune réglementation des tarifs ferroviaires ne met en jeu la clause 32(2).
[55]Dans sa décision 3 00-R-1999, l'Office a estimé, à mon avis avec raison, qu'il doit exister une réglemen-tation des tarifs ferroviaires pour que la clause 32(2) puisse être appliquée. L'Office s'était exprimé ainsi à la page 14:
Contrairement aux arguments avancés par le Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et par M. Moffatt, l'Office ne peut ignorer ces mots et conclure qu'aucune réglementation des tarifs n'est nécessaire pour que cette condition s'applique. Même si la condition 32(2) ne renvoie à aucune loi, pas même en termes généraux comme c'est le cas de la condition 32(3), elle reconnaît qu'il doit exister au moins une certaine réglementation des tarifs ferroviaires pour que la condition puisse s'appliquer.
Puis l'Office concluait qu'il existe aujourd'hui dans la LTC une réglementation des tarifs ferroviaires:
Cela étant, l'Office est d'avis qu'il existe actuellement une «réglementation des tarifs ferroviaires». Cette réglementation existe aujourd'hui, même si elle revêt une forme réduite et différente de celle qui existait pas plus tard qu'en 1996. La réglementation des tarifs d'aujourd'hui est nettement moins omniprésente et beaucoup plus étroite ou limitée que celle qui existait dans les lois antérieures.
L'Office donnait ensuite des exemples d'une réglementation actuelle des tarifs ferroviaires: prix d'interconnexion, prix de lignes concurrentiels, prix communs, taux de transport du grain, obligations sur le niveau des services, enfin arbitrages. L'Office concluait alors ainsi, à la page 15:
[. . .] il existe toujours aujourd'hui une réglementation des tarifs qui suffit à déduire que la condition 32(2) continue de s'appliquer.
Cependant, ces règlements ne limitent pas le pouvoir d'une compagnie de chemin de fer de fixer des taux pour le transport vers Terre-Neuve et ils ne requièrent pas pour la région maritime l'existence d'une structure tarifaire à partir de laquelle pourraient être établis des tarifs applicables à Terre-Neuve.
[56]L'Office semble avoir reconnu cette difficulté lorsqu'il a conclu que le développement de tarifs conformes aux Conditions de l'union pourrait nécessiter le recours «à une sorte d'estimation». À la page 28 de la décision 300-R-1999, l'Office s'est exprimé ain si:
Un tarif doit être identifié ou établi parce que la Constitution le veut et il appartient à l'Office ou à l'arbitre, ou à une autre partie, d'établir un tarif approprié aux circonstances qui entourent une cause donnée. Le caractère redoutable d'une telle tâche est regrettable, mais, peu importe le degré de difficulté, cela est nécessaire, même s'il faut recourir à une sorte d'estimation. L'Office ou l'arbitre, à qui l'on demande d'agir ainsi, est obligé par la Constitution d'établir un tarif et, s'il n'existe pas de tarif comparable ou manifestement identique sous l'angle du type et du volume de trafic, la meilleure estimation reposant sur toutes les données disponibles doit alors suffire.
Malheureusement, à mon avis, il est inexact d'affirmer que la Constitution du Canada exige que la réglementation des taux de fret soit fondée sur des estimations.
[57]L'Office n'explique pas en quoi ses exemples de réglementation des tarifs ferroviaires, exemples qu'il cite d ans ses motifs, intéressent de quelque façon les tarifs du transport ferroviaire vers Terre-Neuve. Le genre de réglementation des tarifs ferroviaires auquel s'est référé l'Office n'a d'ailleurs jamais été considéré par l'Office, ou par les organismes admin istratifs qui l'ont précédé, comme le fondement d'une réglementation des tarifs ferroviaires vers Terre-Neuve. En l'absence d'une réglementation des tarifs qui intéresse de quelque façon l'établissement de tarifs à destination de Terre-Neuve par une compag nie de chemin de fer, alors aucune réglementation ne met en jeu la clause 32(2), et l'Office ne peut s'arroger la compétence qu'il s'est arrogée ici.
[58]L'arbitrage est une forme de réglementation des tarifs qui peut être invoquée par les expéditeurs à propos des tarifs du transport ferroviaire vers Terre-Neuve, mais, pour les motifs qui m'ont conduit à conclure que la partie IV ne confère à l'Office aucune compétence en la matière, l'arbitrage ne constitue pas un fondement réglem entaire autorisant l'Office à faire enquête comme il l'a fait ici ou à donner des directives à l'arbitre pour qu'il développe des tarifs conformes aux Conditions de l'union.
Le principe de l'approche évolutive de l'interprétation constitutionnelle
[59]L'Office semble avoir considéré que, parce que la Constitution est la loi suprême du Canada et parce que, à son avis, elle doit être interprétée avec souplesse, d'une manière conforme au principe de l'approche évolutiv e de l'interprétation constitutionnelle (voir par exemple l'arrêt Re Section 24 of B.N.A. Act, [1930] A.C. 124 (C.P.), à la page 136, lord Sankey; et l'arrêt Procureur général de la Colombie-Britannique c. Compagnie Trust Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 4 66, à la page 478), la clause 32(2) doit pouvoir s'appliquer à l'état actuel de la réglementation des tarifs ferroviaires au Canada. Je crois malheureusement que cette manière de voir est erronée. Certes, la Constitution est la loi suprême du Canada et, da ns les cas qui s'y prêtent, elle doit être adaptée à des conditions qui n'existaient pas lorsque ses diverses dispositions ont été édictées. Cependant, il convient d'étudier minutieusement les dispositions constitutionnelles en question dans un ensemble do nné de circonstances, pour savoir si le principe de l'approche évolutive est approprié ou si, comme je crois que c'est le cas ici, la disposition constitutionnelle n'est tout simplement plus applicable. Le principe de l'approche évolutive ne saurait être élargi pour donner vie à une disposition qui ne correspond plus à la réalité.
[60]Un exemple manifeste de disposition constitutionnelle qui n'est plus applicable est la clause 32(3) des Conditions de l'union. La clause 32(3) est rédigée ainsi :
32. [. . .]
(3) Toute législation du Parlement du Canada accordant des taux spéciaux pour le transport à l'intérieur, à destination ou en provenance de la région maritime sera, dans la mesure appropriée, rendue applicable à l'île de Terre-Neuve.
Pendant de nombreuses années, la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes, L.R.C. (1985), ch. M-1, avait prévu des tarifs réduits pour le transport des marchandises à l'intérieur de la région maritime, ou vers l'Ouest à partir de la région maritime. En 1996, cette Loi a été abrogée. (Voir Loi d'exécution du budget, 1995, L.C. 1995, ch. 17, art. 25, abrogée le 31 mai 1996 (C.P. 1996-804.) On ne pourrait pas sérieusement affirmer que la clause 32(3) s'applique encore, au point d'imposer le maintien de lois prévoyant des tarifs spéciaux à l'intérieur de la région maritime ou à partir de la région maritime. En d'autres termes, la clause 32(3) ne garantira l'accès de Terre-Neuve qu'aux tarifs spéciaux prévus pour la région maritime dans des lois, pour le cas où le législateur fédéral déciderait un jour d'édicter de telles lois. Cependant, la clause 32(3) n'a aucune application aujourd'hui. Elle fait partie intégrante de la loi suprême du Canada, mais le principe de l'approche évolutive ne permet pas aujourd'hui de lui donner effet.
[61]De même, la clause 32(2) subsiste et elle garantira à Terre-Neuve la protection qu'elle prévoit, pour le cas où le législa teur fédéral édicterait, en matière de tarifs ferroviaires, une réglementation qui met en jeu la clause 32(2). Toutefois, pour l'heure, le législateur fédéral n'a pris aucune réglementation en matière de tarifs ferroviaires, et l'application de la clause 3 2(2) est donc suspendue. Comme pour la clause 32(3), le principe de l'approche évolutive ne signifie pas que la clause 32(2) doit être rendue applicable lorsqu'il n'existe aucune réglementation sur les tarifs ferroviaires.
[62]Pour ces motifs, je ne crois pas que la clause 32(2) elle-même conférait à l'Office, expressément ou par implication nécessaire, le pouvoir de se prononcer sur l'application de la clause 32(2), ni le pouvoir de donner des directives à l'arbitre pour qu'il développe des tarifs conformes aux Conditions de l'union. Pour répondre à la question constitutionnelle, il apparaîtra que j'ai dû aussi aborder la question de fond soulevée par le CN (au paragraphe 5 ci-dessus), c'est-à-dire la question de savoir s'il ex iste aujourd'hui une réglementation sur les tarifs ferroviaires qui fait intervenir la clause 32(2), et je suis arrivé à la conclusion qu'il n'en existe pas.
CONCLUSION
[63]L'appel sera accueilli, et la décision de l'Office annulée. À la fin de l'audience, s'est posée la question de savoir si l'affaire devrait être renvoyée à l'Office pour être soumise à un arbitre afin qu'il règle le différend entre M. Moffatt et le CN. Cependant, la période durant laquelle le tarif c hoisi par l'arbitre devait avoir effet est depuis longtemps expirée. La Cour a été informée que M. Moffatt n'a pas expédié de marchandises par l'intermédiaire du CN au cours de la période considérée. En conséquence, le renvoi de l'affaire à l'Office en vue d'un arbitrage ne présenterait aucun intérêt pratique.
[64]Quant aux dépens, c'est M. Moffatt qui a le premier soulevé la question des tarifs conformes aux Conditions de l'union dans la demande d'arbitrage qu'il a présentée à l'Office. Cepe ndant, c'est le CN qui a soulevé l'inapplicabilité des Conditions de l'union au différend concernant les tarifs, lorsqu'il s'est opposé à ce que la question soit renvoyée à l'arbitrage. Le CN reconnaît aujourd'hui que l'Office n'avait pas compé-tence pour statuer sur son objection préliminaire. Pour ces motifs, il ne sera pas adjugé de dépens.
Le juge en chef Richard: J'y souscris.
Le juge Noël, J.C.A.: J'y souscris.
Appendice A
not reproduced in the reasons
Articles de la loi mentionnés mais non
reproduits dans les motifs
La Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10.
5. Il est déclaré que, d'une part, la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces, accessibles aux personnes ayant une déficience, utilisant au mieux et aux moindres frais globaux tous les modes de transport existants, est essentielle à la satisfaction des besoins des expéditeurs et des voyageurs--y compris des personnes ayant une déficience--en matière de transports comme à la prospérité et à la croissance économique du Canada et de ses régions, et, d'autre part, que ces objectifs sont plus susceptibles de se réaliser en situation de concurrence de tous les transporteurs, à l'intérieur des divers modes de transport ou entre eux, à condition que, compte dûment tenu de la politique nationale, des avantages liés à l'harmonisation de la réglementation fédérale et provinciale et du contexte juridique et constitutionnel:
a) le réseau national des transports soit conforme aux normes de sécurité les plus élevées possible dans la pratique; |
b) la concurrence et les forces du marché soient, chaque fois que la chose est possible, les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces; |
c) la réglementation économique des transporteurs et des modes de transport se limite aux services et aux régions à propos desquels elle s'impose dans l'intérêt des expéditeurs et des voyageurs, sans pour autant restreindre abusivement la libre concurrence entre transporteurs et entre modes de transport; |
d) les transports soient reconnus comme un facteur primordial du développement économique régional et que soit maintenu un équilibre entre les objectifs de rentabilité des liaisons de transport et ceux de développement économique régional en vue de la réalisation du potentiel économique de chaque région; |
e) chaque transporteur ou mode de transport supporte, dans la mesure du possible, une juste part du coût réel des ressources, installations et services mis à sa disposition sur les fonds publics; |
f) chaque transporteur ou mode de transport soit, dans la mesure du possible, indemnisé, de façon juste et raisonnable, du coût des ressources, installations et services qu'il est tenu de mettre à la disposition du public; |
g) les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas: |
(i) un désavantage injuste pour les autres liaisons de ce genre, mis à part le désavantage inhérent aux lieux desservis, à l'importance du trafic, à l'ampleur des activités connexes ou à la nature du trafic ou du service en cause, |
(ii) un obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes ayant une déficience, |
(iii) un obstacle abusif à l'échange des marchandises à l'intérieur du Canada, |
(iv) un empêchement excessif au développement des secteurs primaire ou secondaire, aux exportations du Canada ou de ses régions, ou au mouvement des marchandises par les ports canadiens; |
h) les modes de transport demeurent rentables. |
Il est en outre déclaré que la présente loi vise la réalisation de ceux de ces objectifs qui portent sur les questions relevant de la compétence législative du Parlement en matière de transports.
[. . .]
161. (1) L'expéditeur insatisfait des prix appliqués ou proposés par un transporteur pour le transport de marchandises ou des conditions imposées à cet égard peut, lorsque ceux-ci ne sont pas en mesure de régler eux-mêmes la question, la soumettre par écrit à l'Office pour arbitrage.
(2) Un exemplaire de la demande d'arbitrage est signifié au transporteur par l'expéditeur; la demande contient:
a) la dernière offre faite par l'expéditeur au transporteur; |
b) la dernière offre reçue par l'expéditeur de la part du transporteur; |
c) l'engagement par l'expéditeur d'expédier les marchandises visées par l'arbitrage selon les termes de la décision de l'arbitre; |
d) l'engagement par l'expéditeur envers l'Office de payer à l'arbitre les honoraires auxquels il est tenu en application de l'article 166 à titre de partie à l'arbitrage; |
e) le cas échéant, le nom de l'arbitre sur lequel l'expéditeur et le transporteur se sont entendus. |
(3) L'arbitrage prévu au paragraphe (1) est écarté en cas de défaut par l'expéditeur de signifier, dans les cinq jours précédant la demande, un avis écrit au transporteur annonçant son intention de soumettre la question à l'Office pour arbitrage.
(4) La soumission d'une question à l'Office pour arbitrage ne constitue pas une procédure devant l'Office.
162. (1) En cas de demande d'arbitrage, l'Office renvoie la question:
a) à l'arbitre visé à l'alinéa 161(2)e), s'il est disponible pour mener l'arbitrage; |
b) en cas d'absence de choix d'un arbitre ou du manque de disponibilité, selon l'Office, de l'arbitre choisi, à un autre arbitre, que l'Office estime disponible et compétent et qui est inscrit sur la liste établie en vertu de l'article 169. |
(2) À la demande de l'arbitre, l'Office lui offre, moyennant remboursement des frais, le soutien administratif, technique et juridique voulu.
[. . .]
165. (1) L'arbitre rend sa décision en choisissant la dernière offre de l'expéditeur ou celle du transporteur; pour l'application du présent article, la dernière offre:
a) de l'expéditeur est celle contenue dans sa demande présentée à l'Office en application du paragraphe 161(1); |
b) du transporteur est la dernière offre du transporteur à l'expéditeur contenue dans la demande présentée à l'Office en application du paragraphe 161(1) ou toute autre offre, qualifiée de finale, que présente le transporteur à l'expéditeur et à l'Office dans les dix jours suivant la signification visée au paragraphe 161(2). |
(2) La décision de l'arbitre est rendue:
a) par écrit; |
b) sauf accord entre les parties à l'effet contraire, dans les soixante jours suivant la date de réception par l'Office de la demande d'arbitrage présentée par l'expéditeur; |
c) sauf accord entre les parties à l'effet contraire, de manière à être applicable à celles-ci pendant un an, ou le délai inférieur indiqué, eu égard aux négociations ayant eu lieu entre les parties avant l'arbitrage. |
(3) Le transporteur inscrit, sans délai après la décision de l'arbitre, les prix ou conditions liés à l'acheminement des marchandises choisis par l'arbitre dans un tarif du transporteur, sauf si, dans les cas où celui-ci a droit de ne pas dévoiler les prix ou conditions, les parties à l'arbitrage conviennent de les inclure dans un contrat confidentiel conclu entre les parties.
(4) La décision de l'arbitre n'énonce pas les motifs
(5) Sur demande de toutes les parties à l'arbitrage présentée dans les trente jours suivant la décision de l'arbitre, celui-ci donne par écrit les motifs de sa décision.
(6) Sauf accord entre les parties à l'effet contraire:
a) la décision de l'arbitre est définitive et obligatoire, s'applique aux parties à compter de la date de la réception par l'Office de la demande d'arbitrage présentée par l'expéditeur et, aux fins de son exécution, est assimilée à un arrêté de l'Office; |
b) l'arbitre indique dans la décision les intérêts, au taux raisonnable qu'il fixe, à payer sur les sommes qui, par application de l'alinéa a), sont en souffrance depuis la date de la demande jusqu'à celle du paiement. |
(7) Les montants exigibles visés à l'alinéa (6)b) sont payables sans délai à qui y a droit.
Loi nationale de 1987 sur les transports, L.C. 1987, ch. 34.
52. (1) L'arbitre rend sa décision en choisissant la dernière offre de l'expéditeur ou du transporteur; pour l'application du présent article, la dernière offre:
a) de l'expéditeur est celle contenue dans sa demande présentée à l'Office en application du paragraphe 48(1); |
b) du transporteur est la dernière offre du transporteur à l'expéditeur contenue dans la demande présentée à l'Office en application du paragraphe 48(1) ou toute autre offre, qualifiée de finale, que présente le transporteur à l'expéditeur et à l'Office dans les dix jours suivant la signification visée au paragraphe 48(2). |
(2) La décision de l'arbitre est rendue:
a) par écrit; |
b) sauf accord entre les parties à l'effet contraire, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de réception par l'Office de la demande d'arbitrage présentée par l'expéditeur; |
c) sauf accord entre les parties à l'effet contraire, de manière à être applicable à celles-ci pendant un an, ou le délai inférieur indiqué, eu égard aux négociations ayant eu lieu entre les parties avant l'arbitrage. |
[. . .]
59. (1) L'intérêt public mentionné au présent article et à l'article 61 vise également les éléments dont il est tenu compte pour l'application de l'article 60.
(a) that the effect of any rate established by a carrier or carriers, or |
may prejudicially affect the public interest in respect of rates for, or conditions of, the carriage of goods within, into or from Canada, the person may request the Agency to investigate the rate, act or omission and the Agency shall make such investigation of the rate, act or omission and the effect thereof as in its opinion is warranted.
(2) La personne ou l'organisme ayant des motifs de croire qu'un prix fixé par un or plusieurs transporteurs or qu'un acte ou une omission de ceux-ci risque de porter préjudice à l'intérêt public en matière de prix ou de conditions de transport de marchandises à l'intérieur, à destination ou en provenance du Canada peut demande à l'Office de faire enquête sur le prix, l'acte ou l'omission; celui-ci est alors tenu de mener l'enquête qu'il estime indiquée en l'espèce.
(3) Après avoir reçu une demande d'arbitrage en application de l'article 48 et agi conformément à l'alinéa 48(3)b), l'Office est réputé avoir reçu une demande d'enquête sur la question en application du paragraphe (2).
(4) Sur avis de retrait de la personne qui a demandé la tenue de l'enquête, l'Office y met aussitôt fin.
La Loi des chemins de fer, S.R.C. 1927, ch. 170.
314. (1) Les taxes de transport doivent toujours, dans des conditions et circonstances essentiellement semblables, être exigées également de tous, et d'après le même tarif, soit au poids, ou au mille ou autrement, relativement à tout trafic de même genre et s'effectuant par la même espèce de wagons ou par le même mode de transport, sur la même voie ou le même parcours.
2. Il ne doit être fait aucune réduction ni augmentation de ces taxes, soit directement ou indirectement, en faveur ou au détriment d'une compagnie ou d'un particulier qui voyage sur le chemin de fer ou qui s'en sert.
3. Les taxes peuvent être proportionnellement moins élevées, s'il s'agit de chargements complets ou de plus longues distances à parcourir, qu'elles ne le seraient pour des quantités moindres ou dans le cas de moindres distances à parcourir, pourvu que ces taxes soient également exigées de tous dans des circonstances essentiellement analogues.
4. Il ne peut être exigé de taxes dont l'imposition établirait une disparité en faveur ou au détriment de différentes localités.
5. La Commission ne doit approuver ni permettre, pour les transports de voyageurs ou des marchandises, effectués dans des conditions et des circonstances essentiellement analogues, et dans la même direction ou sur la même ligne, des taxes plus élevées pour une plus courte distance que pour un plus long parcours, quand cette plus courte distance fait partie de ce plus long parcours, à moins que La Commission ne soit convaincue, vue la concurrence, de l'opportunité d'autoriser pareilles taxes.
6. La Commission peut déclarer que n'importe quels endroits sont des points de concurrence au sens de la présente loi.
[. . .]
325. (1) La Commission peut rejeter un tarif ou une partie de tarif qu'elle considère injuste or déraisonnable, ou contraire à quelqu'une des dispositions de la présente loi, et exiger de la compagnie qu'elle y substitue, dans un délai prescrit, un tarif jugé satisfaisant par la Commission, ou elle peut prescrire d'autres taxes pour remplacer celles qui ont été ainsi rejetées.
2. La Commission peut fixer la date à laquelle un tarif doit entrer en vigueur et, soit sur demande, soit de son propre chef, elle peut, en vue d'une enquête ou pour une raison quelconque, retarder la date de son application effective, ou, soit avant soit après son entrée en vigueur, suspendre un tarif ou une partie de tarif.
3. Sauf disposition contraire, un tarif en vigueur, excepté les tarif-types dont il est question ci-après, peut, subordonnément au rejet ou à des changements par la Commission, être modifié ou supplémenté par la compagnie au moyen de nouveaux tarifs, conformément aux dispositions de la présente loi.
4. Lorsqu'un tarif a subi des modifications ou additions, ou lorsqu'on se propose d'y faire des modifications ou des additions, la Commission peut ordonner à la compagnie de le refondre et d'en publier une nouvelle édition.
5. Nonobstant les dispositions de l'article trois de la présente loi, les pouvoirs attribués à la Commission sous le régime de la présente loi, pour fixer, déterminer et mettre en vigueur des tarifs équitables et raisonnables, et pour changer et modifier les tarifs, selon que peuvent, à l'occasion, l'exiger des circonstances nouvelles ou le coût du transport, ne doivent pas être limités ni d'aucune façon atteints par les dispositions d'une loi quelconque du Parlement du Canada, ou par un traité fait ou conclu en conformité de cette loi, qu'elle soit générale or spéciale dans son application et qu'elle ait trait à un ou plusieurs chemins de fer particuliers, et la Commission ne doit faire grâce d'aucune accusation de disparité injuste, qu'elle soit exercée contre des expéditeurs, des consignataires ou des localités, ou de préférence indue ou déraisonnable, pour le motif que cette disparité ou préférence est justifiée ou prescrite par une entente faite ou conclue par la compagnie. Toutefois, par dérogation à toute disposition contenue dans le présent paragraphe, les tarifs du grain et de la farine sont, à et à compter de la date du vingt-cinquième jour de juin mil neuf cent vingt-cinq, régis par les dispositions de la convention conclue en conformité du chapitre cinq du Statut du Canada, 1897 mais ces tarifs s'appliquent à tout trafic en circulation, à partir de tous les endroits sur toutes les lignes de chemin de fer à l'ouest de Fort-William jusqu'à Fort-William or Port-Arthur, sur toutes les lignes actuellement ou désormais construites par une compagnie assujétie à la juridiction du Parlement.
6. La Commission ne doit faire grâce d'aucune accusation de disparité injuste, qu'elle soit exercée contre des expéditeurs, des consignataires ou des localités, ou de préférence indue ou déraisonnable à l'égard des tarifs du grain et de la farine régis par les dispositions du chapitre cinq du Statut du Canada, 1897, et par la convention faite ou conclue en conformité dudit statut dans le territoire, et dont il est question au paragraphe précédent, pour le motif que cette disparité ou préférence est justifiée ou requise par ladite loi ou par la convention faite ou conclue en conformité de ladite loi.