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[2002] 3 C.F. 400

A-665-01

2001 CAF 373

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé) (demandeur)

c.

Jacob Fast (défendeur)

Répertorié : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast (C.A.)

Cour d’appel, juge Strayer, J.C.A.Ottawa, 27 et 29 novembre 2001.

Pratique — Suspension d’instance — Requête en suspension d’instance — Demande visant à faire suspendre des procédures d’annulation de la citoyenneté en attendant qu’il soit statué sur un appel de la décision de la Section de première instance de rejeter une demande de suspension des procédures — Après avoir examiné les critères applicables (la question sérieuse, le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients), la Cour rejette la requête.

Il s’agit d’une requête visant à faire suspendre des procédures d’annulation de la citoyenneté en attendant qu’il soit statué sur un appel de la décision de la Section de première instance de rejeter une requête visant à faire suspendre ces procédures.

Arrêt : la requête est rejetée.

Il n’y aucune question sérieuse à juger. Le juge de première instance s’est considéré à bon droit lié par les arrêts antérieurs de la Cour selon lesquels une instance relative à l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté ne touche pas aux droits prévus à l’article 7 de la Charte parce qu’elle concerne uniquement des conclusions de fait et qu’aucune décision n’est rendue quant à des droits. La Cour est également liée par ces arrêts. Mis à la part cette question, on n’a démontré l’existence d’aucune erreur susceptible de contrôle dans les conclusions de fait et de droit du juge de première instance ou dans l’exercice que celui-ci a fait de son pouvoir discrétionnaire, erreur qui permettrait de conclure qu’une question sérieuse est soulevée.

Le demandeur ne subira pas un préjudice irréparable si un tribunal examine les faits relatifs à son acquisition de la citoyenneté canadienne.

Quant à la prépondérance des inconvénients, accueillir la demande visant à faire suspendre les procédures causerait un grand préjudice à l’intimé. Des dispositions ont été prises pour que plusieurs témoins d’autres pays participent au procès. Il est inacceptable que l’avocat du demandeur, qui sait depuis février 2001 qu’il a l’intention de présenter une requête en suspension d’instance fondée sur l’état mental de son client, n’ait déposé cette requête que le 9 octobre 2001, quelques semaines avant le procès et à un moment où une ordonnance de suspension d’instance était susceptible de perturber au plus haut point le déroulement de la procédure et d’entraîner un gaspillage éhonté des ressources de tout le monde, y compris celles de l’intimé et de la Cour. La prépondérance des inconvénients ne penche pas en faveur d’une suspension d’instance.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 18.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS SUIVIES :

Canada (Secrétaire d’État) c. Luitjens (1992), 9 C.R.R. (2d) 149; 142 N.R. 173 (C.A.F.); Katriuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 11 Imm. L.R. (3d) 178; 252 N.R. 68 (C.A.F.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2000] 1 R.C.S. xiii; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Obodzinsky, 2001 CAF 158; [2001] A.C.F. no 797 (C.A.) (QL); conf. (2000), 14 Imm. L.R. (3d) 184 (C.F. 1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391; (1997), 151 D.L.R. (4th) 119; 1 Admin. L.R. (3d) 1; 118 C.C.C. (3d) 443; 14 C.P.C. (4th) 1; 10 C.R. (5th) 163; 40 Imm. L.R. (2d) 23; 218 N.R. 81.

DÉCISION CITÉE :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast, [2002] 3 C.F. 373 (2001), 208 D.L.R. (4th) 729 (1re inst.).

REQUÊTE visant à faire suspendre les procédures introduites en application de l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté. Requête rejetée.

ONT COMPARU :

Peter K. Doody pour l’appelant.

Peter A. Vita, c.r., pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais LLP, Ottawa, pour l’appe-lant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Strayer, J.C.A. : Il s’agit d’une requête visant l’obtention d’un arrêt des procédures introduites en application de l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté [L.R.C. (1985), ch. C-29], qui devaient commencer le lendemain de l’audition de la présente requête. On a sollicité l’arrêt des procédures en attendant que la Cour statue sur un appel de la décision du juge de première instance, le juge Pelletier [[2002] 3 C.F. 373, qui a rejeté une requête en arrêt des procédures. Pour les motifs qui suivent, j’ai rejeté la requête.

[2]        Pour ce qui est du premier critère à examiner dans le cadre d’une demande d’arrêt des procédures, soit celui de déterminer s’il existe une question sérieuse à juger quant à savoir si la décision du juge Pelletier est une décision correcte, j’estime que cette décision n’en soulève aucune. Le juge de première instance s’est considéré lié par les arrêts antérieurs de la Cour selon lesquels une instance relative à l’article 18 ne touche pas aux droits prévus à l’article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] parce qu’elle concerne uniquement des conclusions de fait et qu’aucune décision n’est rendue quant à des droits. C’est ce qui a été décidé à au moins trois reprises par la Cour : (voir Canada (Secrétaire d’État) c. Luitjens (1992), 9 C.R.R. (2d) 149 (C.A.F.); Katriuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 11 Imm. L.R. (3d) 178 (C.A.F.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Obodzinsky, 2001 CAF 158; [2001] A.C.F. no 797 (C.A.) (QL)). La Cour suprême a cité avec approbation l’analyse suivie par la Cour quant à la nature des instances relatives à l’article 18 (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, à la page 413) et a refusé l’autorisation d’appel dans Katriuk ([2000] 1 R.C.S. xiii). Le juge de première instance s’est considéré à bon droit lié par la jurisprudence et je le suis également. Le stare decisis est la règle générale conférant un élément de certitude et de prévisibilité au droit canadien ainsi qu’une certaine efficacité dans l’administration de notre système de justice; il est aussi, en soi, l’un des « principes fondamentaux » de notre système de justice (donc un élément de la « justice fondamentale »).

[3]        Mis à la part la question relative à l’article 7, le demandeur en l’espèce n’a démontré l’existence d’aucune erreur susceptible de contrôle dans les conclusions de fait et de droit du juge de première instance ou dans l’exercice que celui-ci a fait de son pouvoir discrétionnaire, erreur qui me permettrait de conclure qu’une question sérieuse est soulevée.

[4]        Je ne suis pas convaincu que le demandeur subira un préjudice irréparable si un tribunal examine les faits relatifs à son acquisition de la citoyenneté canadienneà tout le moins, un préjudice que le législateur n’a pas valablement prévu.

[5]        Quant à la prépondérance des inconvénients, le moment choisi pour déposer la présente demande, si elle devait donner lieu à un arrêt des procédures, causerait un grand préjudice à l’intimé. La preuve indique que le 7 février 2001, l’avocat de l’appelant, après avoir reçu le rapport du psychiatre, a informé le juge responsable de la gestion de l’instance qu’en raison de l’état mental de son client, il solliciterait un arrêt des procédures. Quoi qu’il en soit, on a permis que l’affaire suive son cours et, le 7 mars 2001, le juge responsable de la gestion de l’instance a ordonné que l’instruction aurait lieu en novembre et en décembre, la date du 19 novembre 2001 ayant ensuite été précisée dans une ordonnance du 19 avril 2001. Par la suite, l’instruction a été remise au 28 novembre 2001. Mais ce n’est que le 9 octobre 2001 qu’on a déposé une requête auprès de la Section de première instance en vue d’obtenir un arrêt des procédures, principalement sur la base du rapport du psychiatre. La requête n’a pu être entendue qu’au début du mois de novembre et, le 19 novembre 2001, le juge Pelletier a rendu une ordonnance par laquelle il l’a rejetée. Le 26 novembre 2001, le demandeur a présenté une requête en arrêt des procédures, devant être entendue le 27 novembre 2001, à l’égard du long procès qui commencerait le lendemain (en attendant qu’il soit statué sur l’appel de l’ordonnance du juge Pelletier). D’après la preuve déposée par l’intimé à l’encontre de la requête, des dispositions ont été prises pour que plusieurs témoins d’autres pays participent au procès. Il est tout simplement inacceptable que l’avocat du demandeur, qui sait depuis février 2001 qu’il a l’intention de présenter une requête en arrêt des procédures fondée sur l’état mental de son client, n’ait en fait déposé cette requête que le 9 octobre 2001, quelques semaines avant le procès et à un moment où une ordonnance d’arrêt des procédures était susceptible de perturber au plus haut point le déroulement de la procédure et d’entraîner un gaspillage éhonté des ressources de tout le monde, y compris celles de l’intimé et de la Cour. La prépondérance des inconvénients ne penche certainement pas en faveur d’un arrêt des procédures. À mon avis, les explications données après coup sur la raison pour laquelle il était nécessaire d’attendre certains événements à survenir durant l’été avant de pouvoir présenter une requête ne sont pas du tout convaincants : l’avocat avait déjà annoncé en février 2001 les motifs à l’appui de sa requête et les autres renseignements qui auraient été recueillis durant l’été me paraissent aucunement nouveaux ou cruciaux en ce qui à trait à la requête.

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