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[2011] 4 R.C.F. 29

A-202-09

2010 CAF 90

Procureur général du Canada (appelant)

c.

J.P. (intimé)

Répertorié : J.P. c. Canada (Procureur général)

Cour d’appel fédérale, juge en chef Blais et juges Nadon et Evans, J.C.A.—Vancouver, 28 octobre 2009; Ottawa, 7 avril 2010.

Libération conditionnelle — Appel à l’encontre de la décision de la Cour fédérale accueillant une demande de contrôle judiciaire contestant la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles des dates de l’admissibilité de l’intimé à la libération conditionnelle — L’intimé avait 14 ans lorsqu’il a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré — À 22 ans, il a été condamné, en vertu de l’art. 42(2)q)(ii) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (la LSJPA), à une peine comprenant 22 mois de garde et 36 mois de surveillance au sein de la collectivité — Comme l’intimé avait plus de 20 ans lorsque la peine a été prononcée, il a été placé dans un établissement correctionnel provincial pour adultes conformément à l’art. 89(1) de la LSJPA — La Commission nationale des libérations conditionnelles a donc assumé la compétence à son égard, concluant qu’aux fins de la détermination des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle, l’intimé purgeait une peine de 58 mois — La Cour fédérale a statué que, pour fixer les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle, la Commission ne doit tenir compte que de la période de garde de 22 mois comprise dans la peine de l’intimé — La Cour fédérale a bien interprété les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » définis à l’art. 2(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la LSCMLC) — Le renvoi à la « peine spécifique » à l’art. 2(1) de la LSCMLC ne désigne que la partie de la peine spécifique à laquelle s’appliquent les art. 89(1) et 89(3) de la LSJPA, c.-à-d. la période de garde — La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur quant à la compétence de la Commission — Une fois que la période de garde de la peine spécifique a été purgée, la Commission n’a plus compétence; le tribunal pour adolescents et le directeur provincial retrouvent leur compétence exclusive à l’égard de l’adolescent — La Cour fédérale a eu raison d’affirmer que la Commission resterait compétente dans le cas où l’intimé serait maintenu sous garde jusqu’à la fin de la période de liberté sous condition de sa peine spécifique, ou serait remis sous garde pour le reste de cette peine — Appel rejeté.

Interprétation des lois — L’intimé a été condamné, en vertu de l’art. 42(2)q)(ii) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (la LSJPA), à une peine comprenant 22 mois de garde et 36 mois de surveillance au sein de la collectivité — La Commission nationale des libérations conditionnelles a conclu que l’intimé purgeait une peine de 58 mois et que les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle devaient être déterminées conformément à l’art. 119(1)c) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la LSCMLC) — Il s’agissait de savoir si les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement », aux fins de la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle sous le régime de la LSCMLC, désignent seulement une partie de la peine prononcée sous le régime de l’art. 42(2)q)(ii) de la LSJPA — Le texte français de l’art. 119(1)c) de la LSCMLC indique manifestement que le terme « sentence » dans la version anglaise s’étend d’une peine d’emprisonnement — La Cour fédérale avait raison de conclure que l’expression d’une équivalence entre « peine » et « peine d’emprisonnement » par la conjonction « ou » à l’art. 2(1) de la LSCMLC a restreint la portée du terme « peine » à la détention.

Il s’agissait d’un appel à l’encontre de la décision par laquelle la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l’intimé contestant la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle. L’intimé a tué sa mère lorsqu’il avait 14 ans et il a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré. Il a été condamné, en vertu du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (la LSJPA), à une peine comprenant 22 mois de garde et 36 mois de surveillance au sein de la collectivité. Comme l’intimé avait 22 ans au moment où sa peine a été prononcée, il a été placé dans un établissement correctionnel provincial pour adultes pour y purger sa peine. En raison du placement de l’intimé dans un établissement correctionnel pour adultes, la Commission a assumé la compétence à son égard. Comme la Commission estimait que l’intimé purgeait une peine de 58 mois, donc une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à deux ans aux termes du paragraphe 119(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la LSCMLC), elle a établi que les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle devaient être déterminées conformément à l’alinéa 119(1)c). L’intimé n’était pas d’accord, soutenant que sa peine était inférieure à deux ans (soit 22 mois de garde) et que les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle devaient être déterminées selon l’alinéa 119(1)d). Dans le cadre du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a statué que, pour fixer les dates d’admissibilité de l’intimé à la semi-liberté et à la libération conditionnelle, la Commission ne devait tenir compte que de la période de garde de 22 mois comprise dans la peine de l’intimé et devait exclure la période de liberté sous condition au sein de la collectivité.

Les questions litigieuses étaient celles de savoir si les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement », aux fins de la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle sous le régime de la LSCMLC, désignent seulement une partie de la peine prononcée sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA; si la compétence de la Commission à l’égard de la personne transférée dans un établissement correctionnel pour adultes sous le régime de la LSJPA prend fin une fois terminée la période de garde comprise dans la peine prononcée sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii); et si la Commission doit assumer la compétence à l’égard de la personne placée sous garde dans un établissement correctionnel pour adultes pendant la période de liberté sous condition au sein de la collectivité comprise dans la peine prononcée sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii).

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

La Cour fédérale a bien interprété les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement ». Les termes « peine » et « peine d’emprisonnement », définis au paragraphe 2(1) de la LSCMLC, s’entendent notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la LSJPA. Le législateur a décidé que les jeunes délinquants de 20 ans ou plus doivent purger leur période de garde dans un établissement pour adultes (paragraphe 89(1) de la LSJPA), et qu’ils relèvent de la LSCMLC et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction (la LPMC) pendant leur détention dans un tel établissement. C’est seulement à la période de garde visée au paragraphe 89(1) de la LSJPA que le législateur a disposé, au paragraphe 89(3) de la LSJPA, que s’appliquent la LSCMLC et la LPMC. Le régime de la libération conditionnelle de la LSCMLC ne peut donc s’appliquer qu’à la période de garde de l’adolescent, à l’exclusion de sa période de surveillance. Si on lit ensemble le paragraphe 89(3) de la LSJPA et la définition de « peine » ou « peine d’emprisonnement » donnée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC, la peine spécifique au sens de cette définition ne peut signifier que la période de garde. Par conséquent, il s’ensuit que la « peine spécifique » visée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC ne peut désigner que la partie de la peine spécifique à laquelle s’appliquent les paragraphes 89(1) et 89(3) de la LSJPA, c’est-à-dire la période de garde de l’adolescent.

Le texte français de l’alinéa 119(1)c) de la LSCMLC utilise l’expression « dans le cas du délinquant qui purge une peine d’emprisonnement » là où le texte anglais dit « where the offender is serving a sentence ». La signification qu’exprime le texte français est celle qu’a manifestement en vue la définition de « sentence » (« peine » ou « peine d’emprisonnement ») donnée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC lorsqu’elle précise bien que la sentence (littéralement : peine) est une « sentence of imprisonment » (littéralement : « peine d’emprisonnement »). La Cour fédérale a donc raison de conclure que l’expression d’une équivalence entre « peine » et « peine d’emprisonnement » par la conjonction « ou » au paragraphe 2(1) de la LSCMLC a restreint la portée du terme « peine » à la détention. C’était là la seule conclusion possible, compte tenu de l’esprit et de l’objet de la Loi, ainsi que de l’intention du législateur.

La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur donnant lieu à révision quant à la compétence de la Commission. La thèse selon laquelle la Commission reste compétente à l’égard de l’intimé même après l’expiration de sa période de garde était en contradiction avec les principes de la LSJPA. L’article 89 de cette loi fait passer sous la compétence de la direction de l’établissement pour adultes, ou de la Commission si l’adolescent obtient la libération conditionnelle, seulement la période de garde comprise dans la peine spécifique. Il s’ensuit nécessairement que, une fois que la période de garde de la peine a été purgée ou a expiré, le tribunal pour adolescents et le directeur provincial retrouvent leur compétence exclusive à l’égard de l’adolescent.

Enfin, la Cour fédérale a aussi eu raison d’affirmer que la Commission resterait compétente à l’égard de l’intimé dans le cas où il serait maintenu sous garde jusqu’à la fin de la période de liberté sous condition de sa peine spécifique, ou serait remis sous garde pour le reste de cette peine, par ordonnance du tribunal pour adolescents. Dans ce cas, l’intimé serait nécessairement placé sous garde dans un établissement correctionnel provincial pour adultes en vertu du paragraphe 89(1) de la LSJPA, de sorte que, en vertu du paragraphe 89(3) de la même Loi, il relèverait de la LSCMLC et de la LPMC. Par conséquent, la Commission aurait compétence à l’égard de l’intimé.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 742.1 (édicté par L.C. 1992, ch. 11, art. 16; 2007, ch. 12, art. 1).

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 2(1) « peine » ou « peine d’emprisonnement » (édicté par L.C. 1995, ch. 42, art. 1; 2004, ch. 21, art. 39), « période de garde », 119 (mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, 18; 1997, ch. 17, art. 20; 2000, ch. 24, art. 37), 120 (mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, ch. 42, art. 34; 2000, ch. 24, art. 38), 128(1) (mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 69(A), 71(F)).

Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, art. 2(1) « peine spécifique », 3(1)b), 38, 42, 83(2), 89, 91(1), 94, 98, 102, 104, 105, 106, 107, 108, 109.

Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. (1985), ch. P-20, art. 6(5) (mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 82), (7.2) (édicté par L.C. 2002, ch. 1, art. 197), (7.3) (édicté, idem).

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions examinées :

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Hrushka c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2009 CF 69; R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61; R. v. K.(C.), 2008 ONCJ 236 (CanLII), 233 C.C.C. (3d) 194; R. c. R.C., 2005 CSC 61, [2005] 3 R.C.S. 99.

décisions citées :

Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e); Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.

DOCTRINE CITÉE

Driedger, Elmer A. The Construction of Statutes. Toronto : Butterworths, 1974.

APPEL à l’encontre de la décision (2009 CF 402, [2010] 3 R.C.F. 3) par laquelle la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l’intimé contestant la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle. Appel rejeté.

ONT COMPARU

Curtis S. Workun pour l’appelant.

Garth Barriere et Christopher P. Hardcastle pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Sous-procureur général du Canada pour l’appelant.

Garth Barriere, Vancouver, pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Nadon, J.C.A. : Le 24 avril 2009, le juge Mosley de la Cour fédérale, par la décision 2009 CF 402, [2010] 3 R.C.F. 3, a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l’intimé visant la détermination par la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Commission) des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle.

[2]        La principale question en litige dans le présent appel est l’interprétation des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » (sentence) des paragraphes 119(1) [mod. par L.C. 2000, ch. 24, art. 37], 120(1) [mod., idem, art. 38] et 128(1) [mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 69(A), 71(F)] de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC). Plus précisément, la question est celle de savoir si les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » de ces dispositions signifient seulement la période de garde que fixe l’ordonnance de garde et de surveillance prononcée sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1 (la LSJPA), ou bien à la fois la période de garde et la période de surveillance que prévoit cette ordonnance.

Les faits

[3]        Une brève récapitulation des faits nous aidera à comprendre les questions à décider dans la présente espèce.

[4]        L’intimé a tué sa mère en 1999. Il avait alors 14 ans.

[5]        Le 7 mars 2008, l’intimé a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré et condamné, sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA, à une peine comprenant 22 mois de garde et 36 mois de surveillance au sein de la collectivité.

[6]        Parce qu’il avait 22 ans au moment où sa peine a été prononcée, l’intimé a été placé pour l’y purger dans un établissement correctionnel provincial pour adultes, soit le Centre correctionnel régional à Maple Ridge dans la vallée du Fraser (Colombie-Britannique). En juillet 2008, il a été transféré au Centre correctionnel régional de l’île de Vancouver.

[7]        En raison du placement de l’intimé dans un établissement correctionnel pour adultes, la Commission a assumé la compétence à son égard.

[8]        Comme, selon elle, l’intimé purgeait une peine de 58 mois, donc une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à deux ans aux termes du paragraphe 119(1) de la LSCMLC, la Commission a établi que les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle, sous le régime de l’alinéa c) de ce paragraphe, étaient les suivantes : i) semi-liberté : le 17 avril 2009; ii) libération conditionnelle totale : le 17 octobre 2009; et iii) expiration du mandat de dépôt : le 6 janvier 2013.

[9]        L’intimé, ne souscrivant pas au calcul de la Commission, en a demandé l’examen. Selon lui, les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle devaient être déterminées sous le régime de l’alinéa 119(1)d) de la LSCMLC, au motif que sa peine — constituée par les 22 mois de sa période de garde — était inférieure à deux ans. Le 3 octobre 2008, la Commission l’a avisé qu’elle ne changerait pas son calcul.

[10]      Avec l’aide d’un avocat, l’intimé a essayé encore une fois de convaincre la Commission qu’elle avait établi erronément les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle. Par lettre en date du 9 décembre 2008, la Commission lui a répondu qu’elle maintenait sa décision à cet égard.

[11]      Le 7 janvier 2009, l’intimé a déposé sa demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Il y soutenait que la Commission s’était trompée dans la détermination des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle : qu’il était admissible à la semi-liberté après avoir purgé le sixième de sa période de garde de 22 mois, et admissible à la libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers de la même période.

[12]      Il a par la suite modifié sa demande pour solliciter un jugement déclaratoire comme quoi la compétence de la Commission à son égard prenait fin à l’expiration de sa période de garde de 22 mois.

[13]      Le 24 avril 2009, le juge Mosley a rendu le jugement suivant :

LA COUR STATUE CE QUI SUIT :

1. Aux fins de la fixation des dates d’admissibilité du demandeur à la semi-liberté et à la libération conditionnelle, la Commission nationale des libérations conditionnelles ne doit tenir compte que de la période de garde de 22 mois comprise dans la peine de celui-ci et exclure de son calcul la période de liberté sous condition au sein de la collectivité que comporte cette même peine;

2. La compétence de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour accorder une libération conditionnelle, y mettre fin ou la révoquer, et pour surveiller le demandeur, prend fin à l’expiration de la période de garde de 22 mois comprise dans la peine spécifique de celui-ci, sous la réserve suivante;

3. Dans le cas où le demandeur serait maintenu sous garde jusqu’à la fin de la période de liberté sous condition comprise dans sa peine ou remis sous garde pour le reste de cette peine par décision du tribunal pour adolescents, la Commission conserverait compétence à son égard;

4. Les dépens afférents à la présente demande sont adjugés au demandeur suivant l’échelle normale.

[14]      L’appelant a introduit le présent appel le 4 mai 2009.

Les questions en litige

[15]      Les questions suivantes sont en litige dans le présent appel :

1. Les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement », aux fins de la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle sous le régime de la LSCMLC, désignent-ils seulement une partie de la peine prononcée sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA?

2. La compétence de la Commission à l’égard de la personne transférée dans un établissement correctionnel pour adultes sous le régime de la LSJPA prend-elle fin une fois terminée la période de garde comprise dans la peine prononcée sous le régime dudit sous-alinéa 42(2)q)(ii), sans égard pour le point de savoir si cette personne reste en liberté conditionnelle totale à ce moment?

3. La Commission doit-elle assumer la compétence à l’égard de la personne placée sous garde dans un établissement correctionnel pour adultes pendant la période de liberté sous condition au sein de la collectivité comprise dans la peine prononcée sous le régime dudit sous-alinéa 42(2)q)(ii)?

[16]      Avant d’aller plus loin, je dois préciser que les questions à décider dans la présente espèce n’ont plus maintenant qu’un caractère théorique, étant donné que, selon le calcul de la Commission, l’intimé était admissible à la libération conditionnelle totale le 17 octobre 2009. Par conséquent, notre décision n’a pas d’effet pratique dans la présente espèce. Cependant, l’arrêt de la Cour suprême du Canada Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, porte que dans certains cas la Cour peut juger une affaire au fond même si elle ne met en litige qu’une question hypothétique ou abstraite. La Cour suprême, en formulant ce point de vue, a établi que la doctrine du caractère théorique repose sur trois principes fondamentaux :

1. La capacité des tribunaux à régler les litiges a sa source dans le système contradictoire. L’exigence du débat contradictoire tend à garantir que « les parties ayant un intérêt dans l’issue du litige en débattent complètement tous les aspects » (voir la page 359 des motifs).

2. La doctrine du caractère théorique favorise l’économie des ressources judiciaires, « la triste réalité » étant qu’il faut « rationner et répartir entre les justiciables des ressources judiciaires limitées » (voir la page 360 des motifs).

3. Les tribunaux doivent se montrer peu disposés à prononcer des jugements « sans qu’il y ait de litige pouvant affecter les droits des parties », étant donné que cela pourrait être considéré comme un empiètement sur la fonction législative (voir la page 362 des motifs).

[17]      J’estime que, dans le présent appel, la promotion de l’économie des ressources judiciaires milite en faveur de la décision des questions en litige. Étant donné la nature des calculs par lesquels on fixe les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle, ainsi que les lenteurs inhérentes aux procédures judiciaires et administratives, les litiges tels que celui qui nous occupe ici seront la plupart du temps devenus théoriques avant d’être portés devant notre Cour. Les questions soulevées par le présent appel concernent des aspects importants de la LSJPA et de la LSCMLC, et il ne me paraît faire aucun doute que la question de l’admissibilité à la libération conditionnelle des jeunes délinquants purgeant leur peine spécifique dans un établissement pour adultes ne manquera pas de se poser de nouveau. Par conséquent, comme les parties en présence ont débattu complètement et vigoureusement les questions en litige, notre Cour fera un meilleur usage de ressources judiciaires limitées et servira mieux les intérêts de l’administration de la justice en tranchant ces questions qu’en s’y refusant.

[18]      Je conclus donc que notre Cour devrait décider les questions dont elle est saisie dans le présent appel.

Les dispositions législatives applicables

[19]      Il paraît utile de reproduire dès l’abord les dispositions de la LSCMLC et de la LSJPA dont dépendent les réponses à donner aux questions que soulève le présent appel.

A. Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

2. (1) [...]

« peine » ou « peine d’emprisonnement » S’entend notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’une peine d’emprisonnement imposée par une entité étrangère à un Canadien qui a été transféré au Canada sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

Définitions

[...]

119. (1) Sous réserve de l’article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la semi-liberté est :

[...]

c) dans le cas du délinquant qui purge une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à deux ans, à l’exclusion des peines visées aux alinéas a) et b), six mois ou, si elle est plus longue, la période qui se termine six mois avant la date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale;

d) dans le cas du délinquant qui purge une peine inférieure à deux ans, la moitié de la peine à purger avant cette même date.

[...]

Temps d’épreuve pour la semi-liberté

120. (1) Sous réserve des articles 746.1 et 761 du Code criminel et de toute ordonnance rendue en vertu de l’article 743.6 de cette loi, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et de toute ordonnance rendue en vertu de l’article 140.4 de cette loi, et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la libération conditionnelle totale est d’un tiers de la peine à concurrence de sept ans.

[...]

Temps d’épreuve pour la semi-liberté

128. (1) Le délinquant qui bénéficie d’une libération conditionnelle ou d’office ou d’une permission de sortir sans escorte continue, tant qu’il a le droit d’être en liberté, de purger sa peine d’emprisonnement jusqu’à l’expiration légale de celle-ci. [Non souligné dans l’original.]

Présomption

B. Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

2. (1) [...]

« peine spécifique » Toute peine visée aux articles 42, 51, 59 ou 94 à 96 ou confirmation ou modification d’une telle peine.

[...]

Définitions

38. (1) L’assujettissement de l’adolescent aux peines visées à l’article 42 (peines spécifiques) a pour objectif de faire répondre celui-ci de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public.

[...]

Objectif

42. (1) Le tribunal pour adolescents tient compte, avant d’imposer une peine spécifique, des recommandations visées à l’article 41 et du rapport prédécisionnel qu’il aura exigés, des observations faites à l’instance par les parties, leurs représentants ou avocats et par les père et mère de l’adolescent et de tous éléments d’information pertinents qui lui ont été présentés.

Éléments à prendre en compte

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, dans le cas où il déclare un adolescent coupable d’une infraction et lui impose une peine spécifique, le tribunal lui impose l’une des sanctions ci-après en la combinant éventuellement avec une ou plusieurs autres compatibles entre elles; dans le cas où l’infraction est le meurtre au premier ou le meurtre au deuxième degré au sens de l’article 231 du Code criminel, le tribunal lui impose la sanction visée à l’alinéa q) ou aux sous-alinéas r)(ii) ou (iii) et, le cas échéant, toute autre sanction prévue au présent article qu’il estime indiquée :

[...]

q) l’imposition par ordonnance :

[...]

Peine spécifique

(ii) dans le cas d’un meurtre au deuxième degré, d’une peine maximale de sept ans consistant, d’une part, en une mesure de placement sous garde, exécutée de façon continue, pour une période maximale de quatre ans à compter de sa mise à exécution, sous réserve du paragraphe 104(1) (prolongation de la garde), et, d’autre part, en la mise en liberté sous condition au sein de la collectivité conformément à l’article 105;

[...]

89. (1) L’adolescent âgé de vingt ans ou plus au moment où une peine spécifique lui est imposée en vertu des alinéas 42(2)n), o), q) ou r) doit, malgré l’article 85, être détenu dans un établissement correctionnel provincial pour adultes pour y purger sa peine.

[...]

Exception lorsque l’adolescent a vingt ans ou plus

(3) Les lois — notamment la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Loi sur les prisons et les maisons de correction —, règlements et autres règles de droit régissant les prisonniers ou les délinquants au sens de ces lois, règlements ou autres règles de droit s’appliquent à l’adolescent qui purge sa peine dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou un pénitentier au titre des paragraphes (1) ou (2), dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la partie 6 (dossiers et confidentialité des renseignements) de la présente loi, qui continue de s’appliquer à l’adolescent.

[...]

Dispositions applicables

91. (1) Le directeur provincial d’une province peut, selon les modalités qu’il juge indiquées, autoriser à l’égard de l’adolescent placé dans un lieu de garde de la province en exécution d’une ordonnance rendue en application de l’alinéa 76(1)a) (placement en cas de peine applicable aux adultes) ou d’une peine spécifique imposée au titre des alinéas 42(2)n), o), q) ou r) :

Congé de réinsertion sociale

a) ou bien un congé pour une période maximale de trente jours, si, à son avis, il est nécessaire ou souhaitable que l’adolescent s’absente, accompagné ou non, soit pour des raisons médicales, humanitaires ou de compassion, soit en vue de sa réadaptation ou de sa réinsertion sociale;

b) ou bien la mise en liberté durant les jours et les heures qu’il fixe, de manière que l’adolescent puisse, selon le cas :

(i) fréquenter l’école ou tout autre établissement d’enseignement ou de formation,

(ii) obtenir ou conserver un emploi ou effectuer, pour sa famille, des travaux ménagers ou autres,

(iii) participer à un programme qu’il indique et qui, à son avis, permettra à l’adolescent de mieux exercer les fonctions de son poste ou d’accroître ses connaissances ou ses compétences,

(iv) suivre un traitement externe ou prendre part à un autre type de programme offrant des services adaptés à ses besoins.

[...]

104. (1) Dans le cas où l’adolescent est tenu sous garde en vertu d’une peine spécifique imposée en application des alinéas 42(2)o), q) ou r) et où le procureur général présente une demande en ce sens au tribunal pour adolescents dans un délai raisonnable avant l’expiration de la période de garde, le directeur provincial de la province où l’adolescent est tenu sous garde doit le faire amener devant le tribunal; celui-ci, après avoir fourni aux parties et aux père ou mère de l’adolescent l’occasion de se faire entendre, peut, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’adolescent commettra vraisemblablement, avant l’expiration de sa peine, une infraction causant la mort ou un dommage grave à autrui, ordonner son maintien sous garde pour une période n’excédant pas le reste de sa peine.

Prolongation de la garde

(2) S’il ne peut décider de la demande avant l’expiration de la période de garde, le tribunal peut, s’il est convaincu que la demande a été présentée dans un délai raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, et qu’il existe des motifs impérieux pour la prise de cette mesure, ordonner le maintien sous garde de l’adolescent jusqu’à l’aboutissement de la demande. [Non souligné dans l’original.]

Maintien sous garde pendant l’audition

La décision de la Cour fédérale

[20]      Comme j’estime que le juge Mosley (le juge) n’a commis aucune erreur qui appellerait notre intervention, je récapitulerai en détail les motifs qui l’ont mené à sa décision.

[21]      Le juge a d’abord examiné la question de la norme de contrôle judiciaire. Se référant à deux arrêts de la Cour suprême du Canada, soit Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, et l’arrêt plus récent Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, il a conclu que la norme applicable à l’interprétation de la LSCMLC et de la LSJPA était celle de la décision correcte. Il écrit en effet ce qui suit au paragraphe 15 des motifs de sa décision :

   En l’occurrence, la Commission a interprété sa « loi constitutive » (la LSCMLC) et une loi liée à celle‑ci (la LSJPA), mais les questions en litige dans la présente instance ne se posent pas dans le cadre du régime administratif habituel de la Commission concernant l’octroi de la libération conditionnelle aux délinquants adultes. Dans le contexte particulier où la présente demande a été formée, je n’ai aucune raison de croire que la Commission possède un degré plus élevé d’expertise que la Cour touchant l’interprétation des rapports entre les deux lois susdites. Les questions de droit qui se posent dans la présente espèce peuvent être considérées comme importantes pour le système de justice pour les adolescents et extérieures à l’expertise de la Commission. En conséquence, je suis convaincu que la décision de cette dernière ne commande pas de retenue judiciaire et que je dois me demander si elle a interprété correctement les dispositions législatives applicables en fixant les dates d’admissibilité de J.P. à la libération conditionnelle.

[22]      Le juge a ensuite posé la question de savoir si les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » des paragraphes 119(1), 120(1) et 128(1) de la LSCMLC désignent, aux fins de la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle, seulement la période de garde que fixe l’ordonnance de garde et de surveillance prononcée sous le régime de la LSJPA, ou bien à la fois la période de garde et la période de surveillance que prévoit cette ordonnance.

[23]      Après avoir passé en revue les conclusions des parties à ce sujet, il est passé à l’examen de l’objet de la LSJPA et de ses dispositions pertinentes. Il rappelle au paragraphe 28 de ses motifs que cette loi a pour objectif de faire répondre l’adolescent de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de contribuer à la protection du public (voir l’article 38 de la LSJPA).

[24]      Il rappelle ensuite que, dans le cas où il déclare un adolescent coupable de meurtre au deuxième degré, le tribunal pour adolescents est tenu de le condamner à une peine maximale de sept ans, consistant en une mesure de placement sous garde pour une période maximale de quatre ans et en une mise en liberté sous condition au sein de la collectivité (voir le sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA).

[25]      Le juge fait observer que, s’il est vrai que la durée de sept ans est fixe et que la période de surveillance constitue un élément obligatoire de la peine, la façon dont sont purgées la période de garde et la période non privative de liberté peut varier. Le juge en donne pour exemple le paragraphe 104(1) de la LSJPA, qui dispose que, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’adolescent commettra vraisemblablement, avant l’expiration de sa peine, une infraction causant la mort ou un dommage grave à autrui, le tribunal pour adolescents peut ordonner son maintien sous garde pour une période n’excédant pas le reste de sa peine totale.

[26]      Le juge fait aussi remarquer que, comme l’intimé avait plus de 20 ans au moment où sa peine a été prononcée, il devait purger la période de garde de sa peine spécifique dans un établissement correctionnel provincial pour adultes, en vertu du paragraphe 89(1) de la LSJPA. Ce fait l’amène à rappeler que la LSCMLC, la Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. (1985), ch. P-20 (la LPMC), ainsi que les règlements et autres règles de droit régissant les prisonniers ou les délinquants au sens de ces lois, s’appliquent aux adolescents, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la partie 6 [art. 110 à 129] de la LSJPA (dossiers et confidentialité des renseignements) (voir le paragraphe 89(3) de la LSJPA).

[27]      Le juge passe ensuite à l’examen de la partie II [art. 99 à 156] de la LSCMLC, qui régit la mise en liberté sous condition, la liberté surveillée et la surveillance de longue durée des délinquants qui purgent leur peine dans un établissement pour adultes. Il s’attache en particulier aux articles 119 [mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13, 18; 1997, ch. 17, art. 20; 2000, ch. 24, art. 37]  et 120 [mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 13; ch. 42, art. 34; 2000, ch. 24, art. 38] de la LSCMLC, qui disposent que le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la libération conditionnelle totale est d’un tiers de la peine à concurrence de sept ans et que le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la semi-liberté est de six mois ou d’une durée qui se termine six mois avant la date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale, selon la plus longue de ces durées. Cette observation l’amène à faire remarquer que « [l’]admissibilité à la semi-liberté dépend [...] nécessairement de l’admissibilité à la libération conditionnelle totale » (voir le paragraphe 33 de ses motifs).

[28]      Le juge s’attaque ensuite à la principale question dont il est saisi, qu’il formule comme suit au paragraphe 34 de ses motifs :

   La réponse à la question en litige dépend de l’interprétation à donner au terme « peine » pour l’application de ces dispositions. Selon le demandeur, seule la période de garde de 22 mois que comprend sa peine peut être considérée comme « la peine » aux fins de la fixation des dates de son admissibilité à la libération conditionnelle. Le défendeur soutient quant à lui que l’admissibilité à la libération conditionnelle est fondée sur la durée totale de la peine prononcée, qui dans le cas du demandeur est de 58 mois.

[29]      Il commence l’analyse de cette question en faisant observer que, à première vue, les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » définis au paragraphe 2(1) [édicté par L.C. 1995, ch. 42, art. 1; 2004, ch. 21, art. 39] de la LSCMLC paraissent désigner à la fois la période de garde et la période de surveillance au sein de la collectivité que comprend la peine spécifique prononcée sous le régime de la LSJPA, laquelle peine spécifique se définit comme étant entre autres toute peine — telle que celle de l’intimé — visée à l’article 42 de cette loi.

[30]      Le juge ne se dispense pas pour autant d’effectuer une interprétation contextuelle des dispositions applicables, comme l’exige l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, où la Cour suprême du Canada a fait sien le point de vue exprimé dans les termes suivants par le juriste Elmer A. Driedger à la page 67 de The Construction of Statutes, Toronto : Butterworth, 1974 :

[traduction] [...] il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[31]      Dans le cadre de son interprétation contextuelle, le juge fait référence à l’alinéa 83(2)e) de la LSJPA, qui dispose que le placement qui vise à traiter les adolescents comme des adultes ne doit pas les désavantager « en ce qui concerne leur admissibilité à la libération et les conditions afférentes ». Il note ensuite que l’intimé, ayant été placé dans un établissement pour adultes, ne doit pas être désavantagé « dans le calcul par lequel on déterminera les dates de son admissibilité à la libération sur la base de sa peine » (paragraphe 41 des motifs).

[32]      Le juge fait ensuite observer qu’on peut déduire la signification du terme « peine », pour l’application des articles 119 et 120 de la LSCMLC, d’une interprétation conceptuelle et téléologique du régime des libérations conditionnelles qu’établit cette loi. La libération conditionnelle, poursuit-il, est une forme discrétionnaire de mise en liberté sous condition qui permet aux délinquants de purger le reste de leur peine en dehors d’un établissement carcéral, sous surveillance et à des conditions déterminées. La libération conditionnelle, conclut-il, ne peut donc « se rapporter à une sanction ou à une partie de sanction qui doit déjà être purgée au sein de la collectivité, telle que la période de liberté sous condition faisant partie de la peine prévue au sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA » (paragraphe 42 des motifs).

[33]      Le juge se réfère ensuite à la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » donnée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC, que, pour la commodité du lecteur, je reproduis de nouveau ici :

2. (1) [...]

« peine » ou « peine d’emprisonnement » S’entend notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’une peine d’emprisonnement imposée par une entité étrangère à un Canadien qui a été transféré au Canada sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants. [Non souligné dans l’original.]

Définitions

[34]      Le juge note que cette définition emploie une conjonction marquant l’équivalence et la charnière « s’entend notamment », ce qui l’amène à citer avec approbation la décision Hrushka c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2009 CF 69, au paragraphe 16 de laquelle la juge Hansen écrivait ce qui suit :

   Deuxièmement, l’argument des défendeurs va à l’encontre de l’utilité et de l’objet des définitions législatives et des protocoles de rédaction reconnus. Comme il est indiqué dans l’ouvrage Sullivan and Drieger on the Construction of Statutes [Ruth Sullivan, Sullivan and Drieger on the Construction of Statutes (Vancouver : Butterworths, 2002), à la page 51], il existe deux types de définitions dans les lois, les définitions exhaustives et celles qui ne le sont pas. Les définitions exhaustives se font généralement sans l’emploi d’une charnière ou avec l’emploi d’une charnière comme « s’entend de » et leur objet est le suivant : [traduction] « clarifier un terme vague ou ambigu, restreindre la portée d’un terme ou d’une expression, s’assurer que la portée d’un terme ou d’une expression n’est pas restreinte, et créer une abréviation ou toute autre forme de référence concise pour une longue expression ». Les définitions non exhaustives commencent habituellement par l’emploi d’une charnière telle que « s’entend notamment » et visent [traduction] « à élargir le sens ordinaire d’un terme ou d’une expression, à traiter des cas limites, et à illustrer l’application d’un terme ou d’une expression en donnant des exemples ». On peut donc voir qu’une définition prévue par la loi ne comporte normalement pas d’élément de fond. En fait, l’inclusion d’éléments de fond dans une définition est considérée comme une erreur de rédaction. Comme l’a écrit Francis Bennion dans son ouvrage Statutory Interpretation :

[traduction] Définitions comportant un effet au fond  C’est une erreur de rédaction (moins fréquente qu’auparavant) d’incorporer des règles de droit substantiel dans une définition. Une définition n’est pas censée s’appliquer comme une disposition législative indépendante. Si elle est ainsi formulée, les tribunaux auront tendance à l’interpréter de façon restrictive et à la limiter à sa fonction véritable. [Non souligné dans l’original.]

[35]      L’adoption du point de vue de la juge Hansen amène le juge Mosley à conclure que l’expression d’une équivalence entre « peine » et « peine d’emprisonnement » par la conjonction « ou » restreint la portée du terme « peine » à la détention (paragraphe 46 des motifs). Par suite, poursuit‑il, la seule partie de la peine spécifique prononcée sous le régime de la LSJPA que comporte la « peine » pour l’application de la LSCMLC est la période de garde. Dans le même sens, le juge écrit ce qui suit au paragraphe 48 des motifs de sa décision :

   L’expression « peine spécifique » telle que la définit le paragraphe 2(1) de la LSJPA s’applique à un ensemble de peines très diverses que peuvent prononcer les tribunaux pour adolescents. Les peines spécifiques qui comportent une période de garde comprennent aussi une période non privative de liberté. La mention de la « peine spécifique » dans la définition de « peine » ou « peine d’emprisonnement » que donne la LSCMLC a pour seul objet de faire en sorte que puissent bénéficier des dispositions de cette loi relatives à la mise en liberté sous condition les délinquants qui purgent la période de garde que comporte leur peine spécifique dans un établissement pour adultes. Par conséquent, cette définition doit être comprise comme s’appliquant à la période de garde et non à la période de liberté surveillée.

[36]      Enfin, le juge note que, à l’article 742.1 [édicté par L.C. 1992, ch. 11, art. 16; 2007, ch. 12, art. 1] du Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46], la « peine avec sursis » est considérée comme un « emprisonnement » que le délinquant purge dans la collectivité au lieu de le faire dans un établissement carcéral. Il rappelle ensuite que la Cour suprême du Canada fait observer au paragraphe 43 de l’arrêt R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61, qu’une peine d’emprisonnement avec sursis ne donne pas ouverture à libération conditionnelle parce que le délinquant n’est pas à proprement parler incarcéré et qu’il n’est donc pas nécessaire de le réinsérer dans la société, ce qui l’amène à conclure lui-même qu’« on ne peut accorder la libération conditionnelle à [...] un jeune délinquant qui a déjà été libéré sous condition » (voir le paragraphe 49 des motifs du juge).

[37]      Le juge fait ensuite remarquer [au paragraphe 50] que la période de surveillance que comprennent les peines spécifiques prononcées sous le régime de la LSJPA est « une solution de rechange à la détention et est conçue pour être purgée dans la collectivité ». S’il est vrai, ajoute le juge, que l’article 98 de la LSJPA permet de prolonger la période de garde de l’adolescent et que son article 102 en autorise la remise sous garde pour manquement aux conditions, ce sont là des « mesures exceptionnelles » (voir le paragraphe 50 des motifs) : elles ne changent rien au principe que la réinsertion sociale constitue un élément fondamental de toute peine comportant la garde qui peut être prononcée sous le régime de la LSJPA.

[38]      Le juge s’attaque ensuite à la deuxième question mise en litige devant lui, soit celle de savoir si la compétence de la Commission à l’égard du jeune délinquant qui purge une peine spécifique dans un établissement pour adultes prend fin à l’expiration de sa période de garde.

[39]      Le juge note d’abord que l’intimé sollicite un jugement déclaratoire comme quoi la compétence de la Commission à son égard prend fin à l’expiration de la période de garde de 22 mois comprise dans sa peine spécifique. Il note aussi que le défendeur (l’appelant dans la présente espèce) soutient que, si elle accorde la libération conditionnelle totale à l’intimé et que celui-ci en conserve le bénéfice à l’expiration de sa période de garde, la Commission conservera compétence à son égard pour le reste de sa peine spécifique, c’est-à-dire pour le reste de la peine de 58 mois.

[40]      Le paragraphe 89(3) de la LSJPA, rappelle le juge, dispose que la LSCMLC et la LPMC s’appliquent à l’adolescent qui purge une peine spécifique dans un établissement correctionnel pour adultes. Cependant, ajoute-t-il, il ne ressort pas clairement des dispositions en question que les principes de la justice pour adolescents cessent de s’appliquer à un tel délinquant. Il invoque à l’appui de ce point de vue la décision de la Cour de justice de l’Ontario R. v. K.(C.), 2008 ONCJ 236 (CanLII), 233 C.C.C. (3d) 194, au paragraphe 18 de laquelle le juge Duncan formulait les observations suivantes :

   [traduction] Le délinquant purgeant une peine spécifique qui est incarcéré ou transféré dans un établissement pour adultes entre dans un no man’s land juridique. La LJC [Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), ch. Y‑1, abrogée en 2002 et remplacée par la LSJPA] prévoyait le transfert discrétionnaire à l’âge de 18 ans, mais précisait (à son article 24.5) que ses dispositions continuaient « à s’appliquer à la personne visée ». Or la LSJPA ne contient aucune disposition de cette nature, pas plus qu’elle ne prévoit explicitement le contraire, à savoir qu’elle cesserait de s’appliquer en tout ou en partie. Par conséquent, on ne sait pas avec certitude si la Loi ou les principes de la justice pour adolescents restent applicables ou si l’adolescent transféré a même droit à un examen. [Non souligné dans l’original.]

[41]      La question dont le juge Duncan était saisi dans  la décision R. v. K.(C.), précitée, était celle de savoir si les dispositions relatives à l’examen de l’article 94 de la LSJPA s’appliquent à l’adolescent qui purge une peine dans un établissement pour adultes. Le juge Duncan a répondu à cette question par l’affirmative.

[42]      Après avoir récapitulé les motifs du juge Duncan, le juge Mosley rappelle au paragraphe 60 des motifs de sa propre décision que le juge Duncan a conclu que les principes de la LSJPA continuent de s’appliquer aux jeunes délinquants qui purgent la période de garde de leur peine spécifique dans un établissement pour adultes, ajoutant que, selon le magistrat ontarien, l’établissement pour adultes est tenu d’adapter ses pratiques au jeune délinquant d’une manière conforme aux principes de la justice pénale pour les adolescents.

[43]      Revenant à l’examen des faits portés devant lui, le juge Mosley formule les observations suivantes aux paragraphes 61 et 62 de ses motifs :

   Dans la présente espèce, l’exposé des motifs par lesquels la Commission justifiait son premier rejet de la demande de semi-liberté du demandeur portent que, [traduction] « s’il était libéré à la date de son admissibilité, il serait assujetti aux conditions de sa libération conditionnelle totale jusqu’à la date d’expiration de son mandat de dépôt, soit le 6 janvier 2013 ». Une telle affirmation a de notables conséquences, dont la plus importante est que les modalités de la libération conditionnelle fixées par la Commission resteraient applicables pour le reste de la peine spécifique du demandeur. On ne voit pas bien comment cette conclusion se concilierait avec les principes de surveillance de la LSJPA et avec les conditions fixées par le juge qui a prononcé la peine. On ne voit pas bien non plus comment la Commission, qui a ordinairement affaire à des délinquants adultes, appliquerait les principes de la LSJPA à la surveillance de ce délinquant.

   Un aspect du régime qui étaye la thèse du défendeur selon laquelle le législateur voulait que la Commission conserve compétence jusqu’à la fin de la peine est que, comme nous l’avons vu plus haut, la période de garde comprise dans la peine peut, dans des cas exceptionnels, être prolongée jusqu’à [traduction] « la date d’expiration [du] mandat de dépôt ». Dans un tel cas, le délinquant continuerait d’être détenu (ou, n’ayant pas respecté les conditions de sa libération, serait à la suite d’un examen remis sous garde) dans un établissement correctionnel pour adultes, et resterait ainsi sous le régime de la LSCMLC et la compétence de la Commission.

[44]      Ces observations amènent le juge à conclure que, en l’absence d’une décision de maintien ou de remise sous garde pour le reste de la peine, la compétence de la Commission à l’égard de l’adolescent prend fin à l’expiration de la période de garde, étant donné qu’il ne peut plus alors être détenu selon les conditions de sa peine spécifique. Cette conclusion, ajoute le juge, ne conduit pas à « un vide juridique », puisque l’adolescent reste nécessairement alors sous la surveillance du directeur provincial et du tribunal pour adolescents qui a prononcé sa peine.

Analyse

[45]      Il convient d’abord de dire quelques mots sur la norme de contrôle judiciaire. Bien que ni l’une ni l’autre des parties n’aient formulé d’observations sur cette question dans leurs exposés des faits et du droit, il ressort implicitement de leurs prétentions et moyens qu’elles ne contestent pas la conclusion du juge selon laquelle la norme applicable est celle de la décision correcte. Étant convaincu que les dispositions législatives en question ne se prêtent qu’à une seule interprétation raisonnable, je n’ai pas à examiner le point de savoir s’il y avait lieu de faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de la Commission dans la présente affaire.

[46]      L’appelant énumère un certain nombre de motifs pour lesquels notre Cour devrait selon lui intervenir. Premièrement, il attaque le paragraphe 42 des motifs du juge, où ce dernier écrit que la libération conditionnelle ne peut se rapporter « à une sanction ou à une partie de sanction qui doit déjà être purgée au sein de la collectivité ». Afin de rendre un compte exact de l’argumentation de l’appelant, je citerai intégralement les paragraphes 46 et 47 de son exposé des faits et du droit :

   [traduction] Si le juge de première instance veut dire par là que la libération conditionnelle n’est pas nécessaire comme recours pendant que le délinquant est par ailleurs en liberté en vertu de la loi applicable ou d’une ordonnance du tribunal compétent, l’appelant se trouve d’accord avec lui.

   Cependant, si le juge de première instance, comme il paraît ressortir de ses conclusions sur la compétence, veut aussi dire qu’il ne peut y avoir libération conditionnelle, ou qu’un délinquant ne peut être en liberté conditionnelle, durant la période de sa peine d’emprisonnement où il aurait par ailleurs le droit d’être en liberté en vertu de la loi applicable ou d’une ordonnance du tribunal compétent, l’appelant soutient qu’il se trompe. Il est en effet évident que la personne à qui l’on accorde la libération conditionnelle et qui reste en liberté conditionnelle à la date où elle aurait par ailleurs droit à la mise en liberté en vertu de la loi applicable ou d’une ordonnance du tribunal compétent, reste en liberté conditionnelle jusqu’à la révocation de celle‑ci ou jusqu’à l’expiration de sa peine.

[47]      Ces observations amènent l’appelant à soutenir que le juge s’est aussi trompé en concluant que la période de surveillance de la peine spécifique de l’intimé doit être exclue du calcul par lequel sont fixées les dates de son admissibilité à la libération conditionnelle. Selon l’appelant, cette conclusion n’est pas conforme aux principes de l’interprétation des lois en ce qu’elle n’établit pas la distinction nécessaire entre le droit à la mise en liberté et l’octroi discrétionnaire de la liberté (la libération conditionnelle), et en ce qu’elle ne donne pas effet à l’intention du législateur que les dates de mise en liberté ou d’admissibilité à la mise en liberté soient fixées en fonction de la durée intégrale de la peine criminelle, que le délinquant soit un adulte ou un adolescent.

[48]      L’appelant fait en outre valoir que l’erreur du juge résulte de son refus de reconnaître que la « sanction » prononcée sous le régime du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA constitue une [traduction] « seule sanction » et ne se divise pas en sanctions distinctes. Autrement dit, le juge aurait vu deux peines au lieu d’une seule dans la peine prononcée contre l’intimé.

[49]      L’appelant conteste ensuite le raisonnement par lequel le juge s’appuie sur la décision Hrushka, précitée, où la juge Hansen analyse les équivalents anglais de la conjonction « ou » et de la charnière « s’entend notamment d[e] » employées dans la définition des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » que donne le paragraphe 2(1) de la LSCMLC. Le juge Mosley concluait, comme je le disais plus haut, que le terme « peine » signifie « peine d’emprisonnement » et que, par suite, la peine spécifique prononcée sous le régime de la LSJPA est à comprendre comme étant la seule période de garde.

[50]      Selon l’appelant, l’interprétation donnée par le juge des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » du paragraphe 2(1) de la LSCMLC est indûment [traduction] « restrictive ». Cette lecture, soutient-il, n’est pas conforme au principe d’interprétation législative selon lequel il faut comprendre les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de cette loi et l’intention du législateur.

[51]      L’appelant résume sa position dans les termes suivants aux paragraphes 78 à 81 de son exposé des faits et du droit :

   [traduction] Les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement », selon l’article 99 de la LSCMLC, s’entendent au sens qui leur est donné à son article 2. La définition applicable est la suivante :

« peine » ou « peine d’emprisonnement » S’entend notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’une peine d’emprisonnement imposée par une entité étrangère à un Canadien qui a été transféré au Canada sous le régime de la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

   Cette définition est claire et dénuée d’ambiguïté. La peine ou la peine d’emprisonnement est une peine et s’entend notamment d’une « peine spécifique » prononcée sous le régime de la LSJPA. La peine spécifique quant à elle, dans le contexte de l’article 2 de la LSCMLC, s’entend — non pas notamment, mais exclusivement en fait — d’une peine prononcée sous le régime des alinéas 42(2)n), o), q) ou r) de la LSJPA.

   L’alinéa 42(2)q) de la LSJPA ne divise pas la peine comprenant une période de surveillance et une période de garde en une peine de garde et une peine de surveillance.

   Les dispositions susdites de la LSJPA ne peuvent mener à d’autre conclusion que celle-ci : la période de garde et la période de liberté sous condition au sein de la collectivité constituent une seule sanction, qui remplit la définition de la « peine » ou de la « peine d’emprisonnement » donnée par le législateur aux fins de la fixation des dates de l’admissibilité à la libération conditionnelle.

[52]      L’appelant soutient aussi que le juge s’est trompé dans la définition de la compétence de la Commission à l’égard de l’intimé. Il reprend ici l’argumentation qu’il a avancée devant le juge concernant cette compétence : si la Commission octroie à l’intimé la libération conditionnelle totale de sorte qu’il se trouve encore dans cette situation au moment de l’expiration de la période de garde de sa peine spécifique, elle conserve compétence à son égard pour le reste de cette peine, c’est-à-dire les 26 mois de surveillance au sein de la collectivité. L’appelant invoque entre autres à l’appui de cette conclusion le paragraphe 89(3) de la LSJPA, qui dispose que la LSCMLC et la LPMC s’appliquent à l’adolescent transféré dans un établissement correctionnel pour adultes.

[53]      Par conséquent, raisonne l’appelant, le juge a commis une erreur en concluant que la compétence de la Commission prenait fin au moment où le demandeur n’avait « plus à être détenu selon les conditions de la période de garde comprise dans sa peine » (paragraphe 63 des motifs du juge).

[54]      En ce qui concerne la question de l’interprétation, les parties soutiennent, avec raison, que l’établissement de la signification des termes « peine » ou « peine d’emprisonnement » exige qu’on les examine [traduction] « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (voir The Construction of Statutes, précité, à la page 67). Telle est donc la tâche à laquelle je m’attaquerai maintenant.

[55]      Pour commencer, il est important de noter que la définition du paragraphe 2(1) de la LSCMLC porte : « “peine” ou “peine d’emprisonnement” S’entend notamment d’une peine spécifique imposée en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ». L’appelant soutient que cette peine spécifique imposée en vertu de la LSJPA ne peut être rien d’autre que la totalité de la peine, c’est-à-dire à la fois la période de garde et la période de surveillance. L’intimé affirme quant à lui que ladite peine spécifique, dans cette définition, ne peut être rien d’autre que la période de garde.

[56]      J’examinerai maintenant le contexte, plus précisément, l’esprit et l’objet de la LSJPA comme de la LSCMLC, ainsi que l’intention du législateur.

[57]      La difficulté qui se pose ici vient de ce que le législateur a décidé que les jeunes délinquants de 20 ans ou plus doivent purger leur période de garde dans un établissement pour adultes (paragraphe 89(1) de la LSJPA), et qu’ils relèvent de la LSCMLC et de la LPMC pendant leur détention dans un tel établissement.

[58]      Ainsi, par exemple, la possibilité de congé ou de mise en liberté aux fins de réinsertion sociale que prévoit le paragraphe 91(1) de la LSJPA n’est pas ouverte aux adolescents placés sous garde dans un établissement pour adultes, puisque le directeur provincial ne peut accorder un tel congé ou une telle mise en liberté qu’aux jeunes délinquants détenus dans un lieu de garde pour adolescents. Cependant, le législateur a aussi décidé — voir l’alinéa 83(2)e) de la LSJPA — que le placement des adolescents dans des établissements pour adultes ne doit pas les désavantager « en ce qui concerne leur admissibilité à la libération et les conditions afférentes ».

[59]      Je suis ainsi amené à faire remarquer que le législateur aurait pu atteindre l’objectif posé au paragraphe 83(2) en conférant au directeur provincial la compétence à l’égard des adolescents placés sous garde dans un établissement pour adultes, mais qu’il a choisi de ne pas le faire. Il a plutôt décrété que ces adolescents relèveraient du régime existant de mise en liberté, établi dans la LSCMLC et la LPMC.

[60]      L’intimé fait valoir, et je le pense aussi, que le législateur, en choisissant cette voie, a exempté les adolescents d’un désavantage important qu’aurait autrement entraîné leur placement sous garde dans un établissement pour adultes. De cette manière, les autorités des prisons et pénitenciers ne sont pas obligées de soumettre à un régime distinct les adolescents relevant de leur compétence, et l’on évite la difficulté qu’entraînerait l’application de régimes différents de mise en liberté aux délinquants adolescents et adultes.

[61]      Je note que le pouvoir du directeur provincial d’octroyer des congés à l’adolescent et de le mettre en liberté aux fins de réinsertion sociale pendant sa période de garde ne s’applique pas à sa période de surveillance, de même que le régime de la libération conditionnelle ne s’applique qu’à la période d’incarcération du délinquant adulte.

[62]      Le paragraphe 89(1) de la LSJPA porte que l’adolescent âgé de 20 ans ou plus doit être détenu dans un établissement correctionnel pour adultes pour y purger sa peine. Par conséquent, c’est selon moi seulement à cette période que le législateur a disposé, au paragraphe 89(3) de la LSJPA, que s’appliquent la LSCMLC et la LPMC. Il s’ensuit nécessairement que le régime de la libération conditionnelle de la LSCMLC ne peut s’appliquer qu’à la période de garde de l’adolescent, à l’exclusion de sa période de surveillance.

[63]      Par conséquent, bien que j’aie d’abord trouvé intéressant l’argument de l’appelant touchant l’unité de la peine spécifique sous le régime de la LSJPA, je l’estime mal fondé, étant donné le libellé de la LSCMLC et de la LSJPA. Il est vrai que la peine prononcée en vertu du sous-alinéa 42(2)q)(ii) de la LSJPA constitue une [traduction] « seule sanction », mais il n’en reste pas moins que seule la période de garde qu’elle comprend constitue une « peine d’emprisonnement ». Je dois également déclarer mal fondée la distinction que l’appelant cherche à faire admettre entre le droit à la libération et l’octroi de la libération, c’est-à-dire la libération conditionnelle proprement dite. Ce moyen n’est qu’une autre façon de faire valoir l’argument que la peine spécifique prononcée sous le régime de la LSJPA est une peine unique et non un ensemble réunissant deux peines distinctes.

[64]      Il est à noter que le paragraphe 2(1) de la LSJPA définit la « période de garde », en tant que comprise dans la peine spécifique prononcée sous le régime des paragraphes 42(2)n), o), q) ou r), comme étant la « [p]ériode ou partie de la peine imposée à l’adolescent, qu’il doit purger sous garde avant de purger la période de surveillance au sein de la collectivité ».

[65]      Par conséquent, si on lit ensemble le paragraphe 89(3) de la LSJPA et la définition de « peine » ou « peine d’emprisonnement » donnée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC, qui inclut explicitement la peine spécifique, il me paraît que celle-ci, au sens de cette définition, ne peut signifier que la période de garde. Il s’ensuit que la « peine spécifique » visée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC ne peut désigner que la partie de la peine spécifique à laquelle s’appliquent les paragraphes 89(1) et 89(3) de la LSJPA, c’est‑à‑dire la période de garde de l’adolescent.

[66]      Il est intéressant de noter que le texte français de l’alinéa 119(1)c) de la LSCMLC porte « dans le cas du délinquant qui purge une peine d’emprisonnement » là ou le texte anglais dit « where the offender is serving a sentence ». La signification qu’exprime le texte français est celle qu’a manifestement en vue la définition de « sentence » (« peine » ou « peine d’emprisonnement ») donnée au paragraphe 2(1) de la LSCMLC lorsqu’elle précise bien que la sentence (littéralement : peine) est une « sentence of imprisonment » (littéralement : « peine d’emprisonnement »).

[67]      Je pense donc que le juge a eu raison de conclure que l’expression d’une équivalence entre « peine » et « peine d’emprisonnement » par la conjonction « ou » au paragraphe 2(1) de la LSCMLC restreint la portée du terme « peine » à la détention. J’estime que c’est là la seule conclusion possible, compte tenu de l’esprit et de l’objet de la Loi, ainsi que de l’intention du législateur.

[68]      Cette conclusion du juge, à laquelle je souscris, est également conforme à l’esprit et à l’objet du régime de la libération conditionnelle, étant donné qu’il ne fait aucun doute que ce régime ne peut s’appliquer qu’au délinquant placé sous garde.

[69]      Dans l’arrêt R. c. Proulx, précité, la Cour suprême du Canada a conclu que le régime de la libération conditionnelle ne s’applique pas au délinquant qui purge une peine d’emprisonnement avec sursis au sein de la collectivité. Selon elle, la conclusion contraire serait incompatible avec l’esprit et l’objet dudit régime, étant donné que le délinquant condamné à l’emprisonnement avec sursis n’est pas incarcéré et qu’il n’est donc pas nécessaire de le réinsérer dans la société. Le juge en chef Lamer formule à ce sujet les observations suivantes aux paragraphes 42 et 43 de cet arrêt :

   En outre, l’emprisonnement avec sursis n’ouvre droit à aucune réduction de peine par voie de libération conditionnelle. C’est ce qui semble découler du par. 112(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, qui donne compétence à la commission provinciale des libérations conditionnelles à l’égard des délinquants «qui purgent une peine d’emprisonnement dans un établissement correctionnel provincial» (R. c. Wismayer (1997), 115 C.C.C. (3d) 18 (C.A. Ont.), à la p. 33).

   J’ajouterais que fait que la durée d’application d’une ordonnance d’emprisonnement avec sursis ne puisse être écourtée par une libération conditionnelle ne permet pas en soi de conclure que, de manière générale, cette peine est aussi sévère, voire plus sévère qu’un emprisonnement de durée équivalente. S’il n’y a pas ouverture à libération conditionnelle, c’est tout simplement parce que le délinquant n’est jamais incarcéré et qu’il n’est par conséquent pas nécessaire de le réinsérer dans la société. En outre, même lorsqu’un délinquant est mis en liberté sous condition, la peine initiale continue de s’appliquer. Comme je l’ai expliqué dans M. (C.A.), précité, au par. 62:

   Bref, l’histoire, la structure et les pratiques actuelles du système de liberté sous condition indiquent collectivement que l’octroi de la libération conditionnelle représente une modification des conditions aux termes desquelles la peine imposée par le tribunal doit être purgée plutôt qu’une réduction de la peine elle-même. [...] Toutefois, même si les conditions d’incarcération sont susceptibles de changer par l’octroi d’une libération conditionnelle au délinquant, sa peine reste pleinement en vigueur. Le délinquant reste assujetti à la surveillance stricte du système de libération conditionnelle, et sa liberté continue d’être considérablement restreinte pendant toute la durée de sa peine d’emprisonnement chiffrée ou de sa peine d’emprisonnement à perpétuité. [Souligné dans l’original.]

Le délinquant qui bénéficie d’une libération conditionnelle doit purger la dernière partie de sa peine sous des conditions similaires à celles imposées dans le cadre d’un emprisonnement avec sursis, et qui peuvent même être plus rigoureuses encore, dans la mesure où il peut lui être ordonné de demeurer dans un «établissement résidentiel communautaire» : voir l’art. 133 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, et l’art. 161 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620. [Non souligné dans l’original.]

[70]      Donc, si le régime de la libération conditionnelle ne s’applique pas à la peine d’emprisonnement avec sursis à purger au sein de la collectivité qui est prononcée contre un adulte, peine que l’article 742.1 du Code criminel définit comme un « emprisonnement », il s’ensuit que la période de surveillance au sein de la collectivité que comprend la peine spécifique prononcée contre un adolescent, période qui n’est manifestement pas une peine d’emprisonnement, ne peut relever dudit régime.

[71]      Pour conclure sur ce point, j’aimerais examiner brièvement les observations de l’appelant concernant les conséquences de la décision du juge. L’appelant soutient que cette décision établit entre le système de justice pénale pour les adolescents et le système de justice pénale pour les adultes une distinction qui n’est ni voulue par le législateur ni justifiée. L’appelant fait aussi valoir que, du fait de la décision du juge, le temps que les personnes se trouvant dans une situation semblable à celle de l’intimé doivent attendre pour qu’on envisage leur libération conditionnelle se trouvera réduit, et que cette décision crée pour les adolescents une incitation au transfert dans des établissements correctionnels pour adultes, ce qui est contraire aux principes du système de justice pénale prévu pour eux.

[72]      Premièrement, il est évident que ce n’est pas la décision du juge qui crée une distinction entre les systèmes de justice pénale pour les adolescents et pour les adultes. Si cette distinction existe, elle résulte de la LSJPA elle-même, qui dispose notamment à son alinéa 3(1)b) que l’un de ses principes est que « le système de justice pénale pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes », et qu’il doit mettre l’accent, entre autres, sur la réadaptation et la réinsertion sociale. Les observations formulées par le juge Fish de la Cour suprême du Canada au paragraphe 41 de l’arrêt R. c. R.C., 2005 CSC 61, [2005] 3 R.C.S. 99, se révèlent pertinentes à cet égard :

   En créant un système de justice pénale distinct pour les adolescents, le législateur a reconnu leurs plus grandes vulnérabilité et immaturité. Il a cherché également, pour se conformer à ses obligations internationales, à accorder une protection procédurale accrue aux jeunes contrevenants et à porter le moins possible atteinte à leur liberté et à leur vie privée : voir la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, R.T. Can. 1992 no 3, incorporée par renvoi à la LSJPA.

[73]      Deuxièmement, l’argument de l’appelant selon lequel les délinquants tels que l’intimé passeront moins de temps en détention avant de pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle paraît fondé sur une comparaison entre les adolescents détenus dans un établissement pour adultes et les autres détenus (adultes) du même établissement. Or le fait est que le jeune délinquant ne cesse pas d’être un « adolescent » au sens de la LSJPA parce qu’il est détenu dans un établissement pour adultes : il reste un adolescent purgeant une peine spécifique au sens du paragraphe 2(1) de la même loi.

[74]      Il est plus pertinent de comparer la situation des adolescents incarcérés dans un établissement pour adultes à celle des adolescents détenus dans un lieu de garde conçu pour eux. Or l’alinéa 83(2)e) de la LSJPA dispose que les premiers ne doivent pas être désavantagés du fait de l’endroit où ils sont placés sous garde.

[75]      L’appelant fait aussi valoir que la décision du juge est propre à inciter les adolescents à rechercher leur transfert dans un établissement pour adultes. En effet, précise-t-il, le jeune délinquant détenu dans un lieu de garde pour adolescents n’est admissible à l’examen qu’après 12 mois, selon l’article 94 de la LSJPA, alors que l’adolescent se trouvant dans la situation de l’intimé serait admissible à la libération conditionnelle après sept mois seulement. Cette affirmation de l’appelant paraît infondée. Le champ d’application de l’article 94 de la LSJPA ne se limite pas aux adolescents détenus dans un lieu de garde conçu pour leur âge : cet article s’applique à tous les adolescents, y compris ceux qui ont été placés sous garde dans un établissement pour adultes. Par conséquent, l’intimé avait droit à un examen sous le régime de l’article 94 de la LSJPA et en a bénéficié dans les faits. En outre, comme je le disais plus haut, seuls les jeunes délinquants détenus dans un lieu de garde pour adolescents peuvent bénéficier des avantages que prévoit le paragraphe 91(1) de la LSJPA, soit le congé de réinsertion sociale et les autres formes de mise en liberté que peut autoriser le directeur provincial.

[76]      L’appelant ne m’a pas convaincu que la décision du juge serait propre à inciter les adolescents à rechercher leur transfert dans un établissement pour adultes ou qu’elle aurait pour effet de réduire, pour les personnes se trouvant dans une situation analogue à celle de l’intimé, le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la libération conditionnelle. Les deux parties ont proposé des exemples démontrant selon elles la justesse de leurs interprétations respectives et l’absurdité des conséquences qu’entraîne celle de la partie adverse. J’estime inutile d’examiner ces exemples, étant convaincu que le juge a bien interprété les termes « peine » ou « peine d’emprisonnement ». Si cette interprétation crée des problèmes de la nature de ceux qu’évoque l’appelant, il ne fait aucun doute que le législateur sera en mesure de les résoudre en modifiant les dispositions applicables.

[77]      Je passerai maintenant à l’examen des deuxième et troisième questions en litige devant notre Cour, qui concernent la compétence de la Commission à l’égard des adolescents purgeant dans un établissement pour adultes la période de garde de leur peine spécifique.

[78]      L’appelant soutient que la décision du juge embrouille plutôt qu’elle ne clarifie la question de la compétence de la Commission dans le système de justice pénale pour les adolescents. Par exemple, fait-il valoir, la conclusion du juge selon laquelle la compétence de la Commission prend fin une fois expirée la période de garde de 22 mois est en contradiction avec son autre conclusion comme quoi la Commission redeviendra compétente si l’intimé est plus tard remis sous garde pendant la période de liberté sous condition comprise dans sa peine spécifique.

[79]      L’intimé répond à cet argument que, par principe, toutes les ordonnances de garde, en tant que peines d’emprisonnement, doivent être considérées sur le même pied pour l’application de la LSCMLC. Par conséquent, l’adolescent remis sous garde devra faire une nouvelle demande de libération conditionnelle quand il y redeviendra admissible.

[80]      Le juge a conclu ce qui suit de son examen des moyens respectifs des parties sur cette question (au paragraphe 63) :

   En l’absence d’une décision de maintien sous garde ou de remise sous garde pour le reste de la peine, la compétence de la Commission prend fin à mon avis au moment où le demandeur n’a plus à être détenu selon les conditions de la période de garde comprise dans sa peine. Cette conclusion ne conduit pas à un vide juridique puisqu’il reste alors sous la surveillance du directeur provincial et du tribunal qui a prononcé sa peine.

[81]      La thèse de l’appelant voulant que la Commission reste compétente à l’égard de l’intimé même après l’expiration de sa période de garde est en contradiction avec les principes de la LSJPA. En effet, l’article 89 de celle-ci fait passer sous la compétence de la direction de l’établissement pour adultes, ou de la Commission si l’adolescent obtient la libération conditionnelle, seulement la période de garde comprise dans la peine spécifique. À mon sens, il s’ensuit nécessairement que, une fois que la période de garde de la peine a été purgée ou a expiré, le tribunal pour adolescents et le directeur provincial retrouvent leur compétence exclusive à l’égard de l’adolescent.

[82]      Il ressort à l’évidence de la décision du juge Mosley, en particulier du fait qu’il se réfère à la décision R. v. K.(C.) du juge Duncan, précitée, qu’il souscrit au principe que les établissements pour adultes sont tenus d’adapter leurs pratiques au jeune délinquant « d’une manière conforme aux principes de la justice pénale pour les adolescents » (voir le paragraphe 60 des motifs du juge Mosley). Il souscrit aussi, à mon avis, à l’idée que la législation actuelle ne trace pas de frontière nette entre le système de justice pour les adolescents et le système de justice pour les adultes, mais que l’esprit et l’objet de la LSJPA obligent à conclure que le tribunal pour adolescents et le directeur provincial redeviennent compétents à l’égard de l’adolescent une fois expirée sa période de garde.

[83]      On ne m’a pas convaincu que le juge, en concluant comme il l’a fait, ait commis d’erreur donnant lieu à révision. Au contraire, j’estime que sa conclusion est la bonne. Par conséquent, conformément à cette conclusion, le directeur provincial et le tribunal pour adolescents redeviendront compétents à l’égard de l’intimé une fois expirée la période de garde comprise dans sa peine spécifique. Les paragraphes 6(7.2) [édicté par L.C. 2002, ch. 1, art. 197] et 6(7.3) [édicté, idem] de la LPMC étayent ce point de vue. Ces dispositions, qui concernent l’« effet de la libération » sur l’adolescent transféré dans un établissement pour adultes, sont libellées comme suit :

6. [...]

(7.2) Le prisonnier assujetti à une peine spécifique consistant en une mesure de placement sous garde en application des alinéas 42(2)o), q) ou r) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui est transféré d’un lieu de garde à la prison en vertu des articles 92 ou 93 de cette loi ou qui est condamné à la prison en application de l’article 89 de cette loi, est admissible à la libération à la date déterminée pour sa mise en liberté conformément au paragraphe (5) ou, si elle est antérieure, à la date d’expiration de la période de garde de la peine spécifique visée aux alinéas 42(2)o), q) ou r) de cette loi.

Date de mise en liberté

(7.3) Le prisonnier détenu ou transféré en application des articles 89, 92 ou 93 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et qui, en application des paragraphes (7.1) ou (7.2), est admissible à la libération est assujetti :

a) si la peine est imposée en application de l’alinéa 42(2)n) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, aux articles 97 à 103 de cette loi — avec les adaptations nécessaires — en ce qui concerne le reste de la peine;

b) si la peine est imposée en application des alinéas 42(2)o), q) ou r) de cette loi, aux articles 104 à 109 de cette loi — avec les adaptations nécessaires — en ce qui concerne le reste de la peine.

Effet de la libération

[84]      Le paragraphe 6(7.2) de la LPMC dispose que l’adolescent assujetti à une mesure de placement sous garde en application, entre autres dispositions de la LSJPA, de son alinéa 42(2)q), est admissible à la libération soit à la date déterminée pour sa mise en liberté conformément au paragraphe 6(5) [mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 82] de la LPMC, qui porte sur la conséquence de la réduction de peine, soit, si elle est antérieure, à la date d’expiration de la période de garde visée audit alinéa 42(2)q). Quant au paragraphe 6(7.3), il dispose que l’adolescent admissible à la libération dont la peine a été prononcée en application, entre autres dispositions de la LSJPA, de son alinéa 42(2)q), et qui a été détenu ou transféré dans un établissement pour adultes en application, entre autres dispositions de la même loi, de son article 89, est assujetti à ses articles 104 à 109 « en ce qui concerne le reste de la peine ».

[85]      Autrement dit, à sa libération, l’adolescent dont la peine a été prononcée sous le régime de l’alinéa 42(2)q) de la LSJPA relèvera, en vertu des articles 104 à 109 de cette dernière, de la compétence des autorités du système de justice pour les adolescents, c’est‑à‑dire le tribunal pour adolescents et le directeur provincial de la province dans laquelle la peine spécifique a été prononcée. Ces dispositions confirment donc la thèse que la compétence conférée à la Commission par le paragraphe 89(3) de la LSJPA à l’égard de l’adolescent placé dans un établissement correctionnel pour adultes prend fin à l’expiration de la période de garde de sa peine.

[86]      En conséquence, je conclus que le juge n’a pas commis d’erreur en statuant que la compétence de la Commission prenait fin au moment où l’intimé ne pouvait plus être détenu en vertu de sa peine spécifique. Je conclus également que le juge a eu raison d’affirmer que la Commission resterait compétente à l’égard de l’intimé dans le cas où il serait maintenu sous garde jusqu’à la fin de la période de liberté sous condition de sa peine spécifique, ou serait remis sous garde pour le reste de ladite peine, par ordonnance du tribunal pour adolescents. Dans ce cas, l’intimé serait nécessairement placé sous garde dans un établissement correctionnel provincial pour adultes en vertu du paragraphe 89(1) de la LSJPA, de sorte que, en vertu du paragraphe 89(3) de la même loi, il relèverait de la LSCMLC et de la LPMC. Par conséquent, la Commission aurait alors compétence à son égard.

[87]      Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

Le juge en chef Blais, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Evans, J.C.A. : Je suis d’accord.

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