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[2011] 4 R.C.F. 408

A-399-09

2010 CAF 159

Exida.com Limited Liability Company (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Exida.com Limited Liability Company c. Canada

Cour d’appel fédérale, juges Noël, Dawson et Trudel J.C.A.—Toronto, 25 mai; Ottawa, 11 juin 2010.

Impôt sur le revenu — Pénalités et intérêts — Appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt confirmant la cotisation par laquelle des pénalités ont été imposées à l’appelante, une société non-résidente, en raison de son défaut de produire des déclarations de revenu dans les délais prescrits — La Cour de l’impôt a statué que l’appelante pourrait être assujettie à une pénalité en vertu de l’art. 162(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, remplissant ainsi la condition préalable à l’application de l’art. 162(2.1) de la Loi — Elle a aussi conclu que la pénalité résiduelle prévue à l’art. 162(7) de la Loi ne s’appliquait pas — Il s’agissait de savoir si les sociétés non-résidentes peuvent se voir imposer une pénalité en vertu de l’art. 162(2.1) pour défaut de produire leurs déclarations de revenu dans les délais prescrits lorsqu’elles n’ont aucun impôt à payer — Les notes techniques du ministère des Finances énoncent clairement que lorsqu’une société non-résidente omet de produire sa déclaration de revenu dans les délais prescrits, elle est passible des « pénalités ordinaires » prévues à l’art. 162(1) ou (2) ou d’« autres pénalités » prévues à l’art. 162(2.1) de la Loi — Cependant, elles n’abordent pas la situation où aucun impôt n’est payable — Dans ce cas, les sociétés non-résidentes ne sont pas assujetties aux pénalités ordinaires en vertu de l’art. 162(1) ou (2) de la Loi — De même, elles ne sont pas passibles des autres pénalités prévues à l’art. 162(2.1) de la Loi, leur application étant conditionnelle à ce qu’elles soient susceptibles d’encourir une pénalité ordinaire — L’interprétation proposée par la Cour de l’impôt ne remédie pas à l’erreur de rédaction fondamentale puisqu’elle fait en sorte qu’une pénalité est imposée en vertu de l’art. 162(2.1) bien que la condition préalable à son application ne soit pas remplie — Il s’agissait donc de savoir si l’appelante était passible de la pénalité résiduelle prévue à l’art. 162(7) de la Loi —Le législateur ne peut pas imposer une « pénalité fixée à zéro », puisqu’une pénalité constitue une forme de sanction ou comporte un désavantage — La première condition préalable à l’application de la pénalité résiduelle prévue à l’art. 162(7)b) de la Loi était remplie en l’espèce, l’appelante ayant omis de produire ses déclarations de revenu dans les délais prescrits — Toutes les conditions nécessaires à l’application de la pénalité résiduelle énoncée à l’art. 162(7)b) de la Loi étaient remplies — Appel rejeté.

Il s’agissait d’un appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt confirmant la cotisation par laquelle des pénalités ont été imposées à l’appelante, une société non-résidente exploitant une entreprise au Canada, en raison de son défaut de produire des déclarations de revenu dans les délais prescrits contrairement à l’alinéa 150(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

La Cour canadienne de l’impôt a statué que les mots « la pénalité dont une société non-résidente est passible pour défaut de produire une déclaration de revenu pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes » [162(1) ou (2)] devraient s’appliquer si la société non-résidente pourrait être assujettie à une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) parce qu’elle a omis de produire une déclaration de revenu à temps. Elle a conclu que comme l’appelante était susceptible de faire l’objet d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(1), la condition préalable à l’application du paragraphe 162(2.1) de la Loi était remplie. En outre, la Cour canadienne de l’impôt a statué que parce que le paragraphe 162(1) prévoit une pénalité résiduelle, l’alinéa 162(7)b) de la Loi ne s’applique pas.

Il s’agissait de savoir si les sociétés non-résidentes peuvent se voir imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(2.1) pour défaut de produire leurs déclarations de revenu dans les délais prescrits lorsqu’elles n’ont aucun impôt à payer.

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

Les notes techniques du ministère des Finances qui accompagnaient la modification apportée au paragraphe 150(1) de la Loi énoncent clairement que lorsqu’une société non-résidente a de l’impôt à payer pour une année d’imposition donnée et qu’elle omet de produire sa déclaration de revenu dans les délais prescrits, elle est passible des « pénalités ordinaires » prévues au paragraphe 162(1) ou des « autres pénalités » prévues à l’alinéa 162(2.1)b) de la Loi. Les notes techniques n’abordent pas la situation où une société non-résidente n’a aucun impôt à payer et ne peut, par conséquent, se voir imposer les pénalités ordinaires prévues aux paragraphes 162(1) ou (2). Le paragraphe 162(2.1) rend l’application des « autres pénalités » conditionnelle à ce que la société non-résidente soit susceptible d’encourir une « pénalité ordinaire » sous le régime des paragraphes 162(1) ou (2), et cette dernière ne peut être assujettie à une telle pénalité si aucun impôt n’est payable.

Cette erreur de rédaction fondamentale ne peut pas être remédiée en recourant à l’interprétation téléologique proposée par la Cour canadienne de l’impôt. Une société non-résidente n’ayant aucun impôt à payer ne peut être tenue de payer une pénalité en vertu des paragraphes 162(1) ou (2), ni y être « assujettie » puisqu’une telle pénalité ne peut lui être imposée. Le raisonnement de la Cour canadienne de l’impôt fait en sorte qu’une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 162(2.1) bien que la condition préalable à son application ne soit pas remplie.

Il fallait donc déterminer si l’appelante était passible de la pénalité résiduelle prévue au paragraphe 162(7) de la Loi. Les sociétés non-résidentes sont régies par le paragraphe 162(2.1), qui s’applique malgré le paragraphe 162(1). Bien que le législateur puisse soustraire les sociétés n’ayant pas d’impôt à payer à l’imposition d’une pénalité, il n’est pas permis de conclure qu’il impose de la sorte une « pénalité fixée à zéro », puisqu’une « pénalité », par définition, constitue une forme de sanction ou comporte un désavantage.

Il s’ensuit que la première condition préalable à l’application de la pénalité résiduelle prévue à l’alinéa 162(7)b) était remplie en l’espèce. Comme l’appelante a omis de produire ses déclarations de revenu dans les délais prescrits contrairement à l’obligation que lui impose l’alinéa 150(1)a), toutes les conditions nécessaires à l’application de la pénalité résiduelle énoncée à l’alinéa 162(7)b) étaient remplies. Comme cette pénalité était identique à celles qui ont été imposées, il n’y avait pas lieu de modifier les cotisations faisant l’objet de l’appel.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 150(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VII, art. 14(1); 1999, ch. 22, art. 63; 2001, ch. 17, art. 147; 2008, ch. 28, art. 28), 162(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 245), (2) (mod., idem), (2.1) (édicté par L.C. 1999, ch. 22, art. 65), (7) (mod. par L.C. 1997, ch. 25, art. 51).

Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2, art. 18.28 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 51, art. 5).

JURISPRUDENCE CITÉE

décision examinée :

Goar, Allison & Associates Inc. c. La Reine, 2009 CCI 174.

décision citée :

Canada (Procureur général) c. Mowat, 2009 CAF 309, [2010] 4 R.C.F. 579.

DOCTRINE CITÉE

Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. Toronto : Oxford University Press, 2004, « penalty ».

Dukelow, Daphne A. Dictionary of Canadian Law, 3e éd. Toronto: Carswell, 2004, « penalty ».

Notes explicatives du ministère des Finances relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu, 1re éd. Inclut les Notes explicatives du 18 juillet et du 15 août 2005. Toronto : Carswell, 2005.

Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, 3e éd. Toronto : Oxford University Press, 1973, « penalty ».

appel d’une décision (2009 CCI 373) de la Cour canadienne de l’impôt confirmant la cotisation par laquelle des pénalités ont été imposées à l’appelante en raison de son défaut de produire des déclarations de revenu dans les délais prescrits contrairement à l’alinéa 150(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Appel rejeté.

ONT COMPARU

Shanti Barclay et Lindsay Goldberg pour l’appelante.

Bobby Sood et Amit Ummat pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Girard Law Office, Toronto, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Noël, J.C.A. : Il s’agit de l’appel d’une décision de la juge Woods de la Cour canadienne de l’impôt (la juge de la Cour de l’impôt) [2009 CCI 373] confirmant la cotisation par laquelle des pénalités ont été imposées à Exida.com Limited Liability Company (l’appelante) en raison de son défaut de produire des déclarations de revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 dans les délais prescrits.

[2]        La question qui se pose est celle de savoir si les sociétés non résidentes comme l’appelante peuvent se voir imposer une pénalité en vertu du paragraphe 162(2.1) [édicté par L.C. 1999, ch. 22, art. 65] de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), pour défaut de produire leurs déclarations de revenu dans les délais prescrits lorsqu’elles n’ont aucun impôt à payer pour l’année d’imposition visée. La juge de la Cour de l’impôt a répondu par l’affirmative. Ce faisant, elle a choisi de ne pas appliquer la décision antérieure rendue par son collègue le juge Miller dans Goar, Allison & Associates Inc. c. La Reine, 2009 CCI 174 (Goar), dans laquelle il était arrivé à la conclusion contraire.

[3]        Tant l’affaire Goar que la présente affaire ont été instruites par la Cour de l’impôt suivant la procédure informelle, de sorte que dans les deux cas les décisions de la Cour n’ont pas valeur de précédent (article 18.28 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 51, art. 5] de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2).

Faits et contexte légal

[4]        Les faits pertinents sont les mêmes dans les deux affaires. Les appelantes exploitaient toutes deux une entreprise au Canada durant chacune des années d’imposition en cause (uniquement 2005 dans l’affaire Goar), mais n’avaient aucun impôt à payer à la date pertinente. Elles ont tardé à produire leur déclaration de revenu et elles se sont vu imposer des pénalités au montant de 2 500 $ en vertu du paragraphe 162(2.1) de la Loi (c.‑à‑d. 25 $/jour pour un maximum de 100 jours).

[5]        L’alinéa 150(1)a) [mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63; 2001, ch. 17, art. 147; 2008, ch. 28, art. 28] de la Loi prévoit les circonstances dans lesquelles une déclaration de revenu doit être produite :

150. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), une déclaration de revenu sur le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits doit être présentée au ministre, sans avis ni mise en demeure, pour chaque année d’imposition d’un contribuable :

Déclarations — règle générale

a) dans le cas d’une société, par la société, ou en son nom, dans les six mois suivant la fin de l’année si, selon le cas :

(i) au cours de l’année, l’un des faits suivants se vérifie :

(A) la société réside au Canada,

(B) elle exploite une entreprise au Canada, sauf si ses seules recettes provenant de l’exploitation d’une entreprise au Canada au cours de l’année consistent en sommes au titre desquelles un impôt était payable par elle en vertu du paragraphe 212(5.1),

(C) elle a un gain en capital imposable (sauf celui provenant d’une disposition exclue),

(D) elle dispose d’un bien canadien imposable (autrement que par suite d’une disposition exclue),

(ii) l’impôt prévu par la présente partie :

(A) est payable par la société pour l’année,

(B) serait, en l’absence d’un traité fiscal, payable par la société pour l’année (autrement que relativement à la disposition d’un bien canadien imposable qui est un bien protégé par traité de la société);

Sociétés

[6]        Le paragraphe 162(2.1) prévoit ce qui suit :

162. [...]

(2.1) Malgré les paragraphes (1) et (2), la pénalité dont une société non-résidente est passible pour défaut de produire une déclaration de revenu pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes correspond au plus élevé des montants suivants :

a) le montant déterminé selon les paragraphes (1) ou (2), selon le cas;

b) le plus élevé des montants suivants :

(i) 100 $

(ii) le produit de 25 $ par le nombre de jours, jusqu’à concurrence de 100, depuis le jour où la déclaration devait être produite jusqu’au jour où elle est produite. [Non souligné dans l’original.]

Défaut de déclaration par une société non- résidente

[7]        Il est également utile de se référer aux paragraphes 162(1) [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 245] et (2) [mod., idem] :

162. (1) Toute personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

a) 5 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

b) le produit de 1 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 12, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

Défaut de déclaration de revenu

(2) La personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) après avoir été mise en demeure de le faire conformément au paragraphe 150(2) et qui, avant le moment du défaut, devait payer une pénalité en application du présent paragraphe ou du paragraphe (1) pour défaut de production d’une déclaration de revenu pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

a) 10 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

b) le produit de 2 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 20, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite. [Non souligné dans l’original.]

Récidive

[8]        Enfin le paragraphe 162(7) [mod. par L.C. 1997, ch. 25, art. 51] prévoit une pénalité pour défaut de produire une déclaration de renseignements de la manière et au moment prescrits par la Loi et une pénalité résiduelle pour défaut de se conformer à un devoir ou une obligation imposée par la Loi lorsqu’aucune pénalité n’est expressément prévue pour sanctionner ce manquement :

162. [...]

(7) Toute personne (sauf un organisme de bienfaisance enregistré) ou société de personnes qui ne remplit pas une déclaration de renseignements selon les modalités et dans le délai prévus par la présente loi ou le Règlement de l’impôt sur le revenu ou qui ne se conforme pas à une obligation imposée par la présente loi ou ce règlement est passible, pour chaque défaut — sauf si une autre disposition de la présente loi (sauf les paragraphes (10) et (10.1) et 163(2.22)) prévoit une pénalité pour le défaut — d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, au produit de la multiplication de 25 $ par le nombre de jours, jusqu’à concurrence de 100, où le défaut persiste. [Non souligné dans l’original.]

Inobservation d’un règlement

[9]        Il est également utile de reproduire les notes techniques, publiées par le ministère des Finances en octobre 1998 [Notes explicatives du ministère des Finances relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu, 1re éd. Inclut les Notes explicatives du 18 juillet et du 15 août 2005. Toronto : Carswell, 2005], lorsque le paragraphe 162(2.1) a été introduit (les notes techniques d’octobre 1998) [à la page 1347] :

27 octobre 1998, N.E. [...] Le nouveau paragraphe 162(2.1) contient une règle spéciale servant au calcul des pénalités imposées en application des paragraphes 162(1) (défaut de déclaration de revenu) et 162(2) (récidive) de la Loi. La règle, qui s’applique à toutes les sociétés non‑résidentes, est qu’une pénalité imposée aux termes de ces deux paragraphes est égale au plus élevé des montants suivants : le montant déterminé selon le paragraphe 162(1) ou 162(2), selon le cas; et le plus élevé de 100 $, ou de 25 $ par jour écoulé, à concurrence de 100, depuis le jour où la déclaration devait être produite. Le paragraphe 162(2.1) a donc pour effet d’assujettir les sociétés non‑résidentes aux pénalités prévues aux paragraphes 162(1) et (2) en cas de défaut de déclaration de revenu; de plus, en raison du rôle de cette déclaration de revenu comme déclaration de renseignements dans le cas des sociétés qui demandent à être exonérées d’impôt au Canada en vertu d’un traité fiscal, ces sociétés sont ainsi passibles des pénalités prévues au paragraphe 162(7) de la Loi si une déclaration de renseignements distincte est exigible à leur égard.

LA DÉCISION GOAR

[10]      Dans la décision Goar, le juge Miller a formulé ainsi la question qui se posait devant lui (Goar, paragraphe 5) :

Il s’agit simplement de savoir si le paragraphe 162(2.1) s’applique dans le cas où, comme en l’espèce, aucune pénalité pécuniaire n’a été fixée en vertu du paragraphe 162(1). Selon moi, les termes employés au paragraphe 162(2.1) doivent recevoir leur sens littéral; c’est‑à‑dire qu’ils visent le contribuable passible d’une pénalité.

[11]      Selon le juge Miller, l’appelante n’était pas passible d’une pénalité sous le régime du paragraphe 162(1) parce qu’elle n’avait aucun impôt à payer pour l’année d’imposition en cause (Goar, paragraphe 6) :

Quelle est donc la pénalité dont l’appelante est passible suivant le paragraphe 162(1)? Aucune. Zéro. Aucun revenu, aucune pénalité [...]

[12]      Il était également d’avis qu’en donnant au mot « passible » l’autre sens que lui attribue le ministre du Revenu national (le ministre), l’appelante n’était pas plus « exposée au risque » d’encourir une pénalité puisqu’elle n’avait aucun impôt à payer (Goar, paragraphe 8).

[13]      Dans ses motifs, le juge Miller a en outre examiné la prétention subsidiaire du ministre voulant que la déclaration de revenu d’une société non-résidente déposée lorsqu’aucun impôt n’est payable devrait être assimilée à une déclaration de renseignements et traité en tant que telle sous le régime du paragraphe 162(7) lorsqu’elle est produite en dehors du délai prescrit.

[14]      Après s’être référé aux notes techniques d’octobre 1998, le juge Miller a reconnu qu’il était possible que le législateur ait eu l’intention de traiter les déclarations de revenu comme des déclarations de renseignements. Il a toutefois conclu qu’il aurait été nécessaire que le législateur s’exprime en termes plus clairs pour rendre la pénalité prévue au paragraphe 162(7) relative aux déclarations de renseignements applicable à la situation devant lui (Goar, paragraphe 11).

LA DÉCISION EN LITIGE

[15]      La juge de la Cour de l’impôt résume ainsi la thèse du ministre (motifs, paragraphe 41) :

[...] [un] contribuable est passible d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) à chaque fois qu’une déclaration de revenu n’est pas produite à temps. Le fait que l’application de la formule du paragraphe 162(1) puisse donner lieu à une pénalité nulle dans certaines circonstances est, soutient‑il, sans importance.

[16]      La juge de la Cour de l’impôt a ensuite effectué une analyse contextuelle et téléologique du paragraphe 162(2.1). Elle a d’abord noté que « [d]ans une grande mesure, la question porte sur le sens qu’il faut donner au mot “passible” utilisé au paragraphe 162(2.1) » (motifs, paragraphe 45).

[17]      La juge de la Cour de l’impôt s’est ensuite référée à diverses définitions du mot « passible », et constaté qu’il peut avoir un sens très large (motifs, paragraphes 46 à 49). De plus, le mot « passible » figurant au paragraphe 162(2.1) ne doit pas être confondu avec le terme « devait payer » (payable) qui figure au paragraphe 162(2). Selon la juge de la Cour de l’impôt, l’utilisation de termes différents donne à penser que des sens distincts étaient envisagés (motifs, paragraphes 50 et 51).

[18]      La juge de la Cour de l’impôt a ensuite examiné l’objet du paragraphe 162(2.1). Après avoir considéré l’historique de cette disposition et les notes techniques d’octobre 1998, elle a conclu que le paragraphe 162(2.1) visait à imposer une pénalité minimale lorsqu’une société non-résidente omet de produire une déclaration de revenu dans les délais, et ce, qu’elle ait ou non de l’impôt à payer (motifs, paragraphes 57 et 58).

[19]      Ce volet de ses motifs se termine comme suit (motifs, paragraphe 59) :

[...] les mots « la pénalité dont une société non-résidente est passible pour défaut de produire une déclaration de revenu pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes » [162(1) ou (2)] englobent les circonstances des présents appels. Autrement dit, ils s’appliquent si la société non-résidente pourrait être assujettie à une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) parce qu’elle a omis de produire une déclaration de revenu à temps.

Comme l’appelante était susceptible de faire l’objet d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(1), la condition préalable à l’application du paragraphe 162(2.1) était remplie.

[20]      Dans un passage précédent de ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a examiné la thèse subsidiaire du ministre, qu’il avait aussi soumise — également à titre subsidiaire — dans la décision Goar, selon laquelle dans l’hypothèse où le paragraphe 162(2.1) n’est pas applicable, la pénalité prévue au paragraphe 162(7) l’est néanmoins (motifs, paragraphes 27 à 36).

[21]      Alors que le juge Miller s’est prononcé sur cet argument en tenant compte du paragraphe 162(7) dans la mesure où il concerne les déclarations de renseignements, la juge de la Cour de l’impôt s’est quant à elle appuyée sur le passage du paragraphe 162(7) qui prévoit une pénalité résiduelle en cas de défaut de se conformer à une obligation lorsqu’aucune autre pénalité n’est prévue dans la Loi. Insistant sur cette dernière condition, elle a conclu que le paragraphe 162(1) prévoit une telle pénalité et que par conséquent le paragraphe 162(7) ne s’applique pas (motifs, paragraphe 32).

ANALYSE ET DÉCISION

[22]      Les questions soulevées dans le présent appel sont de pures questions d’interprétation législative qui doivent être examinées selon la norme de la décision correcte.

[23]      L’historique de la Loi ne laisse guère planer de doute quant à l’objectif que vise le paragraphe 162(2.1). Avant 1998, la Loi ne précisait pas les circonstances dans lesquelles une société non-résidente devait produire des déclarations de revenu au Canada. Le paragraphe 150(1) [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VII, art. 14(1)] énonçait simplement que « dans le cas d’une société » une déclaration « est produite [. . .] pour chaque année d’imposition ». Bien qu’aucune distinction n’ait été faite en ce sens, il semble clair qu’en ce qui concerne les sociétés non résidentes l’obligation de produire une déclaration de revenu ne pouvait s’appliquer qu’à celles qui avaient un certain lien avec le Canada. En concluant que la disposition s’appliquait même en l’absence de tout lien avec le Canada on lui aurait conféré une portée que le législateur n’avait certainement pas envisagée. En toute déférence, à cet égard je ne peux souscrire à l’opinion de la juge de la Cour de l’impôt lorsqu’elle dit (motifs, paragraphe 15) :

   Antérieurement à ces modifications, toutes les sociétés étaient tenues de produire des déclarations de revenu au Canada, qu’elles fussent ou non résidentes au Canada, ou qu’elles eussent ou non un lien avec le Canada [...] [Non souligné dans l’original.]

[24]      Le paragraphe 150(1) a été modifié en 1998 de façon à expressément exiger que les sociétés produisent une déclaration de revenu lorsqu’au cours d’une année d’imposition donnée elles résident au Canada, y exploitent une entreprise, ont un gain en capital imposable ou disposent d’un bien canadien imposable. La modification a en outre créé l’obligation de déposer une déclaration de revenu lorsque, au cours d’une année donnée, des impôts seraient payables par la société « en l’absence d’un traité fiscal ». Au même moment, le législateur a prévu une nouvelle pénalité au paragraphe 162(2.1).

[25]      Les notes techniques d’octobre 1998 qui accompagnaient la modification législative (voir le paragraphe 9 ci‑dessus) énoncent clairement que lorsqu’une société non-résidente a de l’impôt à payer pour une année d’imposition donnée et qu’elle omet de produire sa déclaration de revenu dans les délais prescrits elle est passible des pénalités prévues au paragraphe 162(1) (les pénalités ordinaires), qui représentent un pourcentage des impôts payables, et si ces pénalités sont moins élevées que la pénalité la plus élevée prévue à l’alinéa 162(2.1)b) (au titre des autres pénalités), la plus élevée des autres pénalités s’applique et non les pénalités ordinaires.

[26]      Dans la mesure décrite ci-dessus, le paragraphe 162(2.1) permet d’atteindre le résultat souhaité. Un problème se pose lorsque, comme en l’espèce, la société non-résidente n’a aucun impôt à payer pour l’année en cause et ne peut par conséquent se voir imposer les pénalités ordinaires prévues aux paragraphes 162(1) ou (2) étant donné qu’elles représentent un pourcentage des taxes payables.

[27]      Les notes techniques d’octobre 1998 n’abordent pas cette difficulté. Elles ne font que préciser, dans les quatre dernières lignes, qu’en raison du rôle de la déclaration de revenu comme déclaration de renseignements, lorsqu’aucun impôt n’est payable en raison d’un traité fiscal, les autres pénalités prévues au paragraphe 162(2.1) s’appliquent de la même façon que les pénalités identiques prévues au paragraphe 162(7) s’appliqueraient si la société non-résidente avait omis de produire une déclaration de renseignements dans les délais prescrits.

[28]      Telle était manifestement l’intention du législateur. Comme l’a conclu la juge de la Cour de l’impôt, il ressort clairement de l’historique législatif et du contexte que le législateur voulait imposer la plus élevée des pénalités ordinaires ou des autres pénalités à la société non-résidente ayant des impôts à payer et la plus élevée des autres pénalités à la société non-résidente n’ayant aucun impôt à payer (motifs, paragraphe 57). Toutefois, il est également clair que ceux qui étaient chargés de donner effet au dernier volet du plan législatif ont échoué dans cette tâche. Comme il a déjà été signalé, le paragraphe 162(2.1) rend l’application des autres pénalités conditionnelle à ce que la société non-résidente soit susceptible d’encourir une pénalité ordinaire sous le régime des paragraphes 162(1) ou (2), et cette dernière ne peut être assujettie à une telle pénalité si aucun impôt n’est payable. La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir s’il est possible de remédier à cette erreur de rédaction fondamentale en recourant à l’interprétation téléologique, proposée par la juge de la Cour de l’impôt. En toute déférence, j’estime que non.

[29]      La juge de la Cour de l’impôt indique que le mot « passible » peut avoir plusieurs sens. Elle propose un certain nombre d’expressions analogues (motifs, paragraphes 45 à 48). Toutefois, quelle que soit l’expression employée, une société non-résidente n’ayant aucun impôt à payer ne peut être « tenue ou obligée de payer » une pénalité en vertu des paragraphes 162(1) ou (2), y être « assujettie » ou être « comptable » ou « justiciable » à cet égard puisqu’une telle pénalité ne peut lui être imposée.

[30]      À la fin de son analyse, la juge de la Cour de l’impôt conclut que les mots « “la pénalité dont une société non-résidente est passible [. . .] pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes” [162(1) ou (2)] » devraient s’appliquer dans les cas où la société non-résidente « pourrait être assujettie » à une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) (motifs, paragraphe 59). Là encore, une société non-résidente n’ayant pas d’impôt à payer et qui omet de produire une déclaration de revenu n’est ni assujettie ni ne « pourrait être assujettie » à une pénalité prévue aux paragraphes 162(1) ou (2) puisqu’aucune pénalité ne peut être imposée dans ces circonstances.

[31]      D’autre part, si les propos de la juge de la Cour de l’impôt signifient que l’appelante est passible d’une pénalité parce qu’elle l’aurait été si des impôts étaient payables, cela équivaut à réécrire d’une manière non permise la disposition en cause.

[32]      Bien que l’analyse contextuelle et téléologique soit utile pour déterminer, parmi les différentes significations que peut avoir un mot (ou une phrase), celle qui reflète le mieux l’intention du législateur, elle ne peut servir à lui donner un sens qu’il (ou elle) ne saurait avoir (voir Canada (Procureur général) c. Mowat, 2009 CAF 309, [2010] 4 R.C.F. 579, au paragraphe 99, et les décisions qui y sont mentionnées), d’autant plus que le paragraphe 162(2.1) est une disposition punitive. Le raisonnement de la juge de la Cour de l’impôt fait en sorte qu’une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 162(2.1) bien que la condition préalable à son application, prévue dans ladite disposition, à savoir que la société non résidente soit passible d’une pénalité « pour défaut de produire une déclaration de revenu pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes [162(1) ou (2)] », ne soit pas remplie. Une analyse contextuelle ou téléologique ne saurait justifier ce résultat.

[33]      Si, comme je l’ai conclu, le paragraphe 162(2.1) ne s’applique pas, il faut déterminer si l’appelante est néanmoins passible de la pénalité résiduelle prévue au paragraphe 162(7) de la Loi. Tant la juge de la Cour de l’impôt que le juge Miller ont statué, mais pour des motifs différents, que cette disposition ne s’appliquait pas.

[34]      Dans la décision Goar, le juge Miller s’en est tenu à l’examen de l’argument du ministre voulant que les déclarations de revenu d’une société non-résidente produites en l’absence d’impôt à payer doivent être assimilées à des déclarations de renseignements et que, par conséquent, la pénalité prévue au paragraphe 162(7) est applicable lorsque la déclaration est produite après l’expiration du délai prescrit. Le juge Miller a rejeté cet argument. Reconnaissant qu’il n’était pas impossible que le législateur ait eu une telle intention, il dit ce qui suit (Goar, paragraphe 11) :

S’il avait eu l’intention de traiter les déclarations de revenu de non‑résidents comme des déclarations de renseignements assujetties aux pénalités prévues au paragraphe 162(7), le législateur aurait pu, et il aurait dû, employer des termes plus directs et plus précis.

[35]      Il ne fait aucun doute que la déclaration de revenu que produit une société non-résidente, lorsqu’elle n’a pas d’impôt à payer, sert de déclaration de renseignements puisqu’elle ne peut servir à d’autres fins. Toutefois, le rôle qu’elle joue dans ces circonstances ne lui fait pas perdre son statut de déclaration de revenu. D’ailleurs, le libellé de l’alinéa 150(1)a) suppose que la déclaration de revenu produite par une société n’ayant pas d’impôt à payer demeure une déclaration de revenu. À mon humble avis, le juge Miller a à juste titre conclu qu’il faudrait un texte plus clair pour rendre une société non-résidente qui omet de produire une déclaration de revenu dans le délai prescrit passible de la pénalité relative aux déclarations de renseignements, prévue au paragraphe 162(7).

[36]      La juge de la Cour de l’impôt, pour sa part, a porté son attention sur le passage du paragraphe 162(7) prévoyant une pénalité résiduelle en cas de manquement à une obligation imposée par la Loi lorsqu’aucune pénalité n’est par ailleurs prévue pour sanctionner ce manquement. Elle est arrivée à la conclusion que le paragraphe 162(1) prévoit une telle pénalité et que, par conséquent, le paragraphe 162(7) était inapplicable (motifs, paragraphe 32) :

Le paragraphe 162(7) vise le défaut de se conformer à une obligation imposée par la Loi. En l’espèce, l’obligation qui n’a pas été respectée consistait à produire une déclaration de revenu dans un délai précis. Le paragraphe 162(1) prévoit une pénalité à cet effet. À mon avis, il est sans importance que la pénalité puisse être nulle. Le paragraphe 162(1) prévoit néanmoins une pénalité pour le défaut de produire une déclaration de revenu dans les délais prescrits.

[37]      La difficulté que pose ce raisonnement est que les sociétés non-résidentes ne sont pas régies par le paragraphe 162(1) mais plutôt par le paragraphe 162(2.1), qui s’applique « [m]algré » le paragraphe 162(1). De plus, bien que le législateur puisse soustraire les sociétés n’ayant pas d’impôt à payer à l’imposition d’une pénalité en la rendant en fonction du pourcentage des taxes payables, je ne crois pas qu’il soit permis de conclure qu’il impose de la sorte une « pénalité fixée à zéro ». Une « pénalité » (penalty), par définition, constitue une forme de sanction ou comporte un désavantage (voir notamment The Shorter English Oxford Dictionary on Historical Principles, 3e éd. Toronto : Oxford University Press, 1973; Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. Toronto : Oxford University Press, 2004; Daphne A. Dukelow, Dictionary of Canadian Law, 3e éd. Toronto : Carswell, 2004) de sorte qu’une « pénalité fixée à zéro » n’est pas une pénalité.

[38]      En l’espèce, nous avons l’avantage de savoir que c’est parce que ceux qui étaient chargés de donner effet au plan législatif ont failli à leur tâche qu’il n’est pas possible d’imposer une pénalité à une société non-résidente sous le régime du paragraphe 162(2.1) lorsqu’aucun impôt n’est payable. Il en résulte, bien que cela ne soit pas volontaire, que la Loi ne prévoit pas de pénalité sanctionnant le défaut de l’appelante de produire sa déclaration de revenu à temps.

[39]      Il s’ensuit que la première condition préalable à l’application de la pénalité résiduelle prévue au paragraphe 162(7) est remplie. Puisqu’il est par ailleurs acquis que l’appelante a omis de produire ses déclarations de revenu dans les délais prescrits contrairement à l’obligation que lui impose l’alinéa 150(1)a), toutes les conditions nécessaires à l’application de la pénalité résiduelle énoncée au paragraphe 162(7) sont remplies.

[40]      Comme cette pénalité est identique à celles qui ont été imposées à l’appelante, il n’y a pas lieu de modifier les cotisations faisant l’objet de l’appel.

[41]      L’appel sera donc rejeté. Vu mon raisonnement pour arriver à cette conclusion, je n’adjugerais aucuns dépens.

La juge Dawson, J.C.A. : Je suis d’accord.

La juge Trudel, J.C.A. : Je suis d’accord.

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