Référence : |
ApoteX Inc. c. Sanofi-Aventis, 2010 CF 1282, [2011] 2 R.C.F. 132 |
T-644-09 T-933-09 |
2010 CF 1282
T-644-09
Apotex Inc. (demanderesse)
c.
Sanofi-Aventis (défenderesse)
T‑933‑09
Sanofi-Aventis et Bristol-Myers Squibb Sanofi Pharmaceuticals Holdings Partnership (demanderesses)
c.
Apotex Inc., Apotex Pharmachem Inc. et Signa SA de CV (défenderesses)
Répertorié : Apotex Inc. c. Sanofi-Aventis
Cour fédérale, juge Boivin—Ottawa, 25 novembre et 14 décembre 2010.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 7.
Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133.
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 52.4 (édicté par DORS/2010-176, art. 2).
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions examinées :
Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 390, conf. par 2006 CAF 421, conf. par 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265; Altana Pharma Inc. c. Novopharm Ltd., 2007 CF 1095, [2008] 3 R.C.F. 63; Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2007 CF 1041; R. c. D.D., 2000 CSC 43, [2000] 2 R.C.S. 275; Apotex Inc. c. Sanofi-Aventis, 2010 CF 77.
REQUÊTE demandant l’autorisation de faire appel à plus de cinq témoins experts dans les actions réunies conformément à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada et à la règle 52.4 des Règles des Cours fédérales. Requête rejetée.
ONT COMPARU
Harry B. Radomski, Richard E. Naiberg et Ben Hackett pour la demanderesse (défenderesse dans l’affaire T‑933‑09).
Anthony G. Creber et Cristin A. Wagner pour la défenderesse (demanderesse dans l’affaire T‑933‑09).
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Goodmans LLP, Toronto, pour la demanderesse (défenderesse dans l’affaire T‑933‑09).
Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l., Ottawa, pour la défenderesse (demanderesse dans l’affaire T‑933‑09).
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par
Le juge Boivin :
Contexte
[1] Par sa déclaration datée du 22 avril 2009, Apotex Inc. a introduit l’action T-644-09 (l’action en invalidation) en vue d’obtenir un jugement déclaratoire portant, d’une part, que le produit à base de bisulfate de clopidogrel ou de bésylate de clopidogrel, ou les deux, qu’elle entend fabriquer et vendre au Canada ne contrefera pas le brevet canadien no 1336777 de Sanofi-Aventis (le brevet '777) et, d’autre part, que ce brevet est invalide. Un mois plus tard, Sanofi‑Aventis et Bristol‑Myers Squibb Sanofi Pharmaceutical Holdings Partnership (ci‑après désignées collectivement Sanofi) ont intenté l’action T‑933‑09 (l’action en contrefaçon) contre Apotex Inc. et Apotex Pharmachem Inc. (ci‑après désignées collectivement Apotex), alléguant qu’Apotex fabrique et exporte déjà pour la vente, dans divers pays, un produit à base de bisulfate de clopidogrel et contrefait donc le brevet '777.
[2] Les deux parties ont demandé que des dates de procès rapprochées soient fixées pour leurs actions. Peu de temps après avoir introduit l’action en contrefaçon, Sanofi a présenté dans les deux dossiers une requête en vue de faire réunir les deux actions. Dans une ordonnance datée du 2 novembre 2009, la protonotaire Tabib, responsable de la gestion de l’instance, a accueilli la requête de Sanofi et ordonné que les deux actions soient réunies. Cinq semaines ont été réservées pour le procès, dont le début a été fixé à avril 2011.
[3] Lors de la préparation du procès, les parties peuvent soumettre des témoins experts. La règle 52.4 [édictée par DORS/2010-176, art. 2] des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [règle 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2)], restreint à cinq le nombre de témoins experts qu’une partie peut produire, à moins d’autorisation de la Cour conformément à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5.
[4] Avant le 1er novembre 2010, les parties ont participé à un certain nombre de conférences concernant la gestion de l’instance, au cours desquelles ni l’une ni l’autre partie n’a manifesté l’intention de produire plus de cinq témoins experts. Toutefois, le 1er novembre 2010, Apotex a fait signifier à Sanofi huit rapports d’expert concernant la validité du brevet en cause. Les témoins experts désignés comme les auteurs de ces rapports sont les suivants :
- James E. Sanders, Ph.D. DVM., D.A.B.T. (toxicologie);
- Andre McLean, M.D. (toxicologie);
- Jack Hirsh, M.D. (activité pharmacologique);
- Peter Newman, Ph.D. (activité pharmacologique);
- Rene Levy, Ph.D. (activité pharmacologique);
- Brian Adger, Ph.D. (chimie);
- Irving Wainer, Ph.D. (chimie);
- Ping Lee, Ph.D. (sels).
[5] Dans une lettre datée du 2 novembre 2010, Sanofi a fait part à la protonotaire responsable de la gestion de l’instance du fait qu’Apotex avait signifié huit rapports d’expert. Au cours de la conférence téléphonique de gestion de l’instance subséquente, Apotex a affirmé qu’elle n’avait pas pour l’instant l’intention de présenter une requête en vue de demander l’autorisation de faire appel à plus de cinq témoins experts. Apotex a également déclaré qu’elle attendrait peut‑être jusqu’au procès avant de faire savoir lesquels de ses huit témoins experts elle comptait interroger.
[6] Dans les circonstances, la protonotaire responsable de la gestion de l’instance a exigé qu’Apotex présente dans les meilleurs délais une requête en vertu de la règle 52.4 des Règles. Cette requête est décrite ci‑après.
La requête
[7] Par la présente requête, Apotex demande à la Cour :
- de rendre une ordonnance reportant la présentation de la requête à une date devant être fixée par le juge du procès, à savoir le soussigné, après communication de tous les rapports d’expert dans la présente instance;
- subsidiairement, de lui permettre, conformément à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada et à la règle 52.4 des Règles des Cours fédérales, de déposer huit rapports d’expert et d’appeler les auteurs de ces rapports en vue de les interroger au procès.
[8] Sanofi s’oppose à la requête au motif qu’Apotex n’a pas démontré qu’elle n’est pas en mesure de présenter sa preuve en respectant le nombre d’experts prévus dans la Loi sur la preuve au Canada et les Règles des Cours fédérales. Après avoir reçu et examiné les rapports des experts d’Apotex, Sanofi fait valoir que ses préoccupations sont exacerbées par le double emploi des nombreux rapports et par le délai relativement court pour préparer des rapports de réfutation d’expert, lesquels doivent être déposés au plus tard le 7 janvier 2011. Sanofi affirme que, si Apotex obtient la permission d’augmenter son nombre d’experts, elle aura besoin de plus de temps pour préparer ses propres rapports d’expert et tenir compte des besoins des témoins experts additionnels nécessaires.
Le brevet '777
[9] Le brevet '777 se rapporte à [traduction] « l’énantiomère dextrogyre de l’alpha‑5 (4,5,6,7-tétrahydro (3,2-c) thiénopyridyl) (2-chlorophényl)-acétate de méthyle, à son procédé de fabrication et aux compositions pharmaceutiques le renfermant ». Plus particulièrement, ce brevet se rapporte à la sélection du clopidogrel pour ses avantages particuliers par rapport à ceux de l’énantiomère opposé (I-clopidogrel) et de leur mélange racémique comme médicament pour faire obstacle aux mécanismes de formation des thromboses artérielles et veineuses (coagulation dans les artères et les veines) et traiter et prévenir les troubles plaquettaires dus à des circuits sanguins extra‑corporels et les complications des conséquences de l’athérome.
[10] Les revendications du brevet '777 portent notamment sur le composé à base de bisulfate de clopidogrel, vendu dans le monde entier sous la marque nominative Plavix.
[11] Le brevet '777 a déjà fait l’objet d’une procédure intentée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133. Dans cette procédure, Apotex alléguait que le brevet '777 était invalide. La Cour fédérale a conclu que l’allégation d’invalidité d’Apotex était injustifiée et elle a rendu une ordonnance d’interdiction, laquelle a ensuite été confirmée par la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada (voir Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 390; 2006 CAF 421; 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265).
[12] Les brevets ont des limites territoriales et, pour cette raison, l’affaire a également été débattue par les mêmes parties devant les tribunaux d’autres pays, notamment aux États‑Unis et en Australie.
Questions en litige
[13] La requête soulève les questions suivantes : La Cour devrait‑elle accepter le report demandé jusqu’à ce que tous les rapports d’expert aient été communiqués? Apotex a‑t‑elle démontré l’existence de motifs justifiant la production de plus de cinq témoins experts conformément à la règle 52.4 des Règles des Cours fédérales et à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada?
Cadre législatif
[14] La règle 52.4 des Règles des Cours fédérales est rédigée comme suit :
52.4 (1) La partie qui compte produire plus de cinq témoins experts dans une instance en demande l’autorisation à la Cour conformément à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada. |
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(2) Dans sa décision la Cour tient compte de tout facteur pertinent, notamment : a) la nature du litige, son importance pour le public et la nécessité de clarifier le droit; b) le nombre, la complexité ou la nature technique des questions en litige; c) les coûts probables afférents à la production de témoins experts par rapport à la somme en litige. |
[15] L’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada est rédigé comme suit :
7. Lorsque, dans un procès ou autre procédure pénale ou civile, le poursuivant ou la défense, ou toute autre partie, se propose d’interroger comme témoins des experts professionnels ou autres autorisés par la loi ou la pratique à rendre des témoignages d’opinion, il ne peut être appelé plus de cinq de ces témoins de chaque côté sans la permission du tribunal, du juge ou de la personne qui préside. |
Analyse
[16] La règle 52.4 est un ajout récent aux Règles des Cours fédérales. Elle oriente la Cour lorsqu’elle doit décider si elle devrait permettre que plus de cinq témoins experts soient appelés conformément à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada.
[17] Avant l’adoption de la règle 52.4 des Règles, la Cour était d’avis que l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada visait à restreindre le nombre d’experts pouvant être appelés à témoigner dans un procès et que cette disposition devait donc être interprétée restrictivement. Dans la décision Altana Pharma Inc. c. Novopharm Ltd., 2007 CF 1095, [2008] 3 R.C.F. 63, au paragraphe 55, le juge Phelan a formulé les observations suivantes :
Étant donné que l’article 7 a pour objet, en partie du moins, d’éviter les abus, les difficultés, les frais et les retards imputables à l’utilisation excessive de la preuve d’expert, il convient davantage à cet objet de considérer que la restriction s’applique à l’affaire tout entière, plutôt qu’à la moindre question qui est susceptible de se poser. En fait, une interprétation favorable à la règle du nombre de témoins « par question » crée l’effet néfaste même que la disposition vise à remédier.
[18] Dans la décision Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2007 CF 1041, au paragraphe 29, le juge Hughes a cité avec approbation les observations de la protonotaire Tabib concernant l’objet de l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada :
[traduction] À mon avis, il n’est pas nécessaire de déterminer le nombre de « questions » ou ce qui constitue une « question » dans une affaire [...] Je suis d’accord avec ses observations au paragraphe 37 selon lesquelles l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada a pour but de restreindre le nombre d’experts soumis au contrôle de la cour :
37 L’article 7 a pour objet de limiter à un nombre raisonnable les experts pouvant être appelés à témoigner par les parties, nombre au‑delà duquel l’autorisation préalable de la Cour doit être obtenue en démontrant qu’un plus grand nombre d’experts est nécessaire pour trancher les questions en litige, qu’il n’y a aucun dédoublement inutile dans la preuve et que les contraintes additionnelles de temps et de ressources pour la Cour et les parties sont justifiées (voir Gorman v. Powell, [2006] O.J. No. 4233 (C.S.J.), Burgess v. Wu, [2005] O.J. No. 929 (C.S.J.) et Sopinka, John et al., The Law of Evidence in Canada, 2e éd., 1999, aux pages 664 à 666). [Non souligné dans l’original.]
[19] Pour décider s’il convient d’accorder l’autorisation, la Cour doit notamment tenir compte des facteurs énoncés à la règle 52.4 des Règles : i) la nature du litige, son importance pour le public et la nécessité de clarifier le droit; ii) le nombre, la complexité ou la nature technique des questions en litige; iii) les coûts probables afférents à la production de témoins experts par rapport à la somme en litige.
[20] Compte tenu de la jurisprudence de la Cour concernant l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada, la règle 52.4 des Règles peut être considérée comme une codification des paramètres d’application de l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada. De plus, si l’on tient compte de la préoccupation relative à la prolifération des experts, exprimée par la Cour suprême du Canada dans R. c. D.D., 2000 CSC 43, [2000] 2 R.C.S 275, et par notre Cour, la règle 52.4 des Règles doit être considérée comme une disposition visant à empêcher l’augmentation injustifiée du nombre de témoins experts. Le fardeau imposé à la partie qui veut produire plus de cinq témoins experts est par conséquent considérable puisque les facteurs énoncés à la règle 52.4 des Règles constituent un critère préliminaire exigeant. En d’autres termes, l’autorisation prévue à la règle 52.4 des Règles ne doit pas être accordée à la légère.
[21] Dans la présente affaire, Apotex fait valoir qu’elle a besoin de huit témoins experts au total pour couvrir les domaines scientifiques rattachés au brevet en cause : chimie de synthèse, chimie analytique, chimie médicinale, médecine et hématologie, pharmacologie, toxicologie animale plaquettaire, toxicologie humaine et pharmacie.
[22] Apotex affirme qu’elle ne peut renoncer à utiliser l’un de ses rapports d’expert sans renoncer à l’un des aspects de sa preuve. Apotex soutient également qu’elle a démontré que l’autorisation de déposer huit rapports d’expert devrait être accordée parce que les questions techniques sont nombreuses et très spécialisées.
[23] Sanofi répond que le brevet en cause ne vise pas plus de trois ou quatre domaines scientifiques.
[24] On pourrait avancer que toutes les affaires de contrefaçon de brevet sont de nature technique et soulèvent de nombreuses questions très spécialisées. Par conséquent, un plus grand nombre de témoins experts sont nécessaires. Si la Cour devait accepter ce raisonnement, l’autorisation prévue à la règle 52.4 des Règles serait accordée presque automatiquement dans toutes les affaires concernant des brevets parce qu’elles sont généralement techniques et complexes. Mais cela serait contraire à l’esprit et à l’objet de la règle 52.4 des Règles. Le nombre, la complexité ou la nature technique des questions en litige peuvent, dans certains cas, y compris les affaires concernant des brevets, justifier une autorisation de produire plus de cinq témoins experts conformément à la règle 52.4 des Règles, mais la simple allégation selon laquelle une affaire est complexe ou technique ne suffit pas. Les demandes d’autorisation présentées en vertu de la règle 52.4 des Règles doivent être examinées au cas par cas et les facteurs tels que la complexité et la nature technique des questions en litige ne peuvent être présumés, quel que soit le domaine du droit concerné.
[25] Dans la présente affaire, après avoir pris connaissance du sommaire des rapports d’expert proposés, la Cour note que les arguments d’Apotex concernant la nécessité de produire huit témoins experts reposent principalement sur le fait que les questions relatives au brevet ont été décortiquées et segmentées. La Cour note également que cette façon de faire gonfle artificiellement le nombre de questions et cause du double emploi et du chevauchement — par ex. les sels et la toxicité.
[26] La Cour reconnaît que les parties en l’espèce doivent produire une preuve d’expert très précise et technique, mais elle n’est pas convaincue qu’Apotex a besoin de plus de cinq témoins experts pour le faire. Même s’il peut être plus commode d’avoir des experts additionnels pour traiter séparément des divers aspects techniques d’un brevet, la Cour n’est pas d’avis que, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, il est nécessaire d’avoir plus de cinq témoins experts pour qu’Apotex puisse présenter toute sa preuve. Le fait que de nombreuses questions de la présente affaire ont déjà été tranchées par la Cour suprême du Canada (voir Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265) est un facteur pertinent à cet égard.
[27] Il convient également de signaler que, si la Cour devait par la suite avoir besoin d’éclaircissements sur des questions techniques ou sur un domaine d’expertise précis et qu’aucun des témoins experts des parties n’était en mesure de lui fournir ces éclaircissements, elle pourrait en tout temps accorder la permission de faire comparaître un nouvel expert à cette fin.
[28] La Cour considère également qu’il est important de formuler des observations sur l’incidence que l’autorisation de produire plus de cinq témoins experts peut avoir sur le calendrier et la conduite de l’instance.
[29] À cet égard, la Cour rappelle les observations que la protonotaire Tabib a formulées dans les motifs de l’ordonnance [2010 CF 77] qu’elle a rendue le 22 janvier 2010 (au paragraphe 9) :
Il n’y a pas de place dans ce calendrier pour s’engager dans des interrogatoires à l’aveuglette, pour bricoler une stratégie selon l’inspiration du moment, ou pour attendre l’achèvement complet de la communication préalable ou la veille de l’instruction — où le temps est bien chichement compté aussi — avant de formuler une conception cohérente de la base juridique du procès.
[30] On ne saurait trop insister sur l’importance que l’affaire soit instruite dans le délai établi. Dans la présente affaire, il convient de rappeler qu’Apotex a cherché à faire accélérer la procédure (dossier de requête de la défenderesse, à la page 20). Or, Apotex a attendu jusqu’au 1er novembre 2010 pour faire signifier huit rapports d’expert à Sanofi, à moins de six mois du début du procès, en avril 2011. Bref, Apotex n’a pas fait connaître son intention de produire plus de cinq témoins experts en temps utile, malgré le fait que cela aurait forcément une incidence sur la conduite du procès.
[31] Enfin, et par souci de clarté, la Cour est d’avis qu’aucune distinction ne devrait être établie entre le nombre de témoins experts pouvant être produits au procès et le nombre de rapports d’expert pouvant être signifiés avant le procès. Une situation inéquitable serait créée si une partie autorisée à faire signifier plus de cinq rapports d’expert décidait en fin de compte de produire moins de témoins experts au procès. La partie adverse devrait préparer et présenter une contre‑preuve à l’égard de chacun des rapports d’expert signifiés en tenant pour acquis que tous les experts pourraient être appelés à témoigner. De telles tactiques ne devraient pas être encouragées par la Cour.
[32] Apotex soutient que l’on sait par expérience que les deux parties finissent par ne pas produire tous les experts en lien avec les rapports signifiés. C’est peut‑être vrai, mais la Cour estime que, eu égard aux circonstances, si l’autorisation demandée dans la présente requête était accordée, Sanofi subirait un préjudice parce qu’elle devrait produire le même nombre de rapports d’expert qu’Apotex. Les contraintes additionnelles de temps et de ressources pour la Cour et les parties ne sont pas justifiées.
[33] Même si ces facteurs ne sont pas déterminants dans une requête visant à obtenir l’autorisation de produire plus de cinq témoins experts et doivent être appréciés au cas par cas, ils demeurent importants.
[34] Tout bien considéré, et pour tous les motifs exposés, la Cour conclut qu’Apotex ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, conformément à la règle 52.4 des Règles des Cours fédérales et à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada, que des rapports d’expert additionnels étaient nécessaires pour trancher les questions en litige. Les présents motifs sont également suffisants pour trancher la question de la requête en ajournement d’Apotex.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La requête d’Apotex est rejetée.
2. Apotex ne peut s’appuyer sur la preuve de plus de cinq des témoins experts suivants dont les affidavits ont déjà été signifiés dans la présente instance : M. Sanders, Dr McLean, Dr Hirsh, M. Newman, M. Levy, M. Adger, M. Wainer et M. Lee.
3. Apotex avisera la Cour et Sanofi, dans un délai de cinq jours suivant la date de la présente ordonnance, de son choix des cinq témoins experts retenus pour sa preuve dans la présente instance. Les affidavits des autres experts mentionnés seront retranchés.
4. Apotex doit payer à Sanofi une somme globale de 2 500 $ à titre de dépens.