Référence : |
wangden c. canada, 2008 CF 1230, [2009] 4 R.C.F. 46 |
IMM-1570-08 |
Tenzin Wangden (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeurs)
Répertorié : Wangden c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F.)
Cour fédérale, juge Mosley—Toronto, 9 septembre; Ottawa, 5 novembre 2008.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la représentante du ministre a décidé que le demandeur était inadmissible au renvoi à la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en application de l’alinéa 101(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés puisque le demandeur avait été reconnu comme réfugié au sens de la Convention par les États-Unis, pays vers lequel il pouvait être envoyé et retourné. Le demandeur est un moine bouddhiste tibétain, de la Chine, qui est entré au Canada depuis les États-Unis et a demandé l’asile. Pendant son entrevue avec l’Agence des services frontaliers du Canada, le demandeur a nié avoir déjà demandé l’asile aux États-Unis. Cependant, il appert de renseignements provenant de sources américaines que le demandeur avait effectivement demandé l’asile aux États-Unis et, bien qu’il ait retiré sa demande, il bénéficiait d’une forme de protection appelée « retrait du statut de personne à renvoyer ». Même si le demandeur était exclu, il a été sursis temporairement à la demande de renvoi prise contre lui.
Les questions en litige étaient celles de savoir si la représentante du ministre avait fondé sa décision sur une erreur de fait importante; si la représentante du ministre avait commis une erreur de droit en concluant que le demandeur était inadmissible à un renvoi à la SPR et si le retrait du statut de personne à renvoyer équivalait, aux États-Unis, à accorder le statut de réfugié au sens de la Convention.
Jugement : la demande doit être rejetée.
Il incombait au demandeur d’établir son admissibilité au renvoi à la SPR et il a omis de le faire. Il n’a pas fait preuve de franchise à propos de ses antécédents et de sa situation aux États-Unis et n’a fourni des documents à l’appui pour clarifier son statut qu’après le prononcé de la mesure de renvoi. Par conséquent, en l’absence de renseignements contraires, il était raisonnable pour la représentante du ministre de conclure que le demandeur avait été déclaré réfugié au sens de la Convention aux États-Unis et qu’il pouvait être renvoyé dans ce pays.
L’aspect fondamental de la demande en l’espèce était l’interprétation de l’expression « réfugié au sens de la Convention » à l’alinéa 101(1)d) de la Loi et à l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention). Aux États-Unis, l’asile et le retrait du statut de personne à renvoyer sont deux moyens différents prévus par la Immigration and Nationality Act (l’INA) en vertu desquels un « étranger [autrement] passible d’expulsion » (deportable alien) qui craint d’être persécuté peut solliciter une mesure de protection. Le retrait du statut de personne à renvoyer protège les demandeurs admissibles contre le renvoi ou l’expulsion vers un pays dans lequel ils sont à risque, mais n’empêche pas l’exclusion ou l’expulsion vers un autre pays sûr et accueillant disposé à accepter ou à prendre le réfugié. Les personnes qui obtiennent le retrait de leur statut de personne à renvoyer sont nécessairement des réfugiées au sens de la Convention puisqu’elles ont établi qu’elles craignaient avec raison d’être persécutées dans leur pays de nationalité pour l’un des motifs prévus à la Convention. Le profil du demandeur répondait à celui de réfugié au sens de la Convention en fonction de l’article premier de la Convention parce qu’il était à l’extérieur de son pays de nationalité, il craignait avec raison d’être persécuté pour ses croyances religieuses et ses opinions politiques et il n’était pas disposé à demander d’être protégé dans ce pays.
Qui plus est, la décision de la représentante du ministre était compatible avec le principal objet de la Loi (alinéa
3(2)a)), qui vise à sauver des vies et à protéger les personnes déplacées et persécutées, puisque le demandeur pourrait être renvoyé aux États-Unis où il ne courrait pas le risque d’être persécuté. Le législateur ne souhaitait pas que l’alinéa
101(1)d) de la Loi inclue l’examen de la question de savoir si une personne pouvait demeurer indéfiniment dans le pays dans lequel elle a été reconnue comme réfugié au sens de la Convention et où elle peut être renvoyée. Bien qu’une personne à qui le retrait du statut de personne à renvoyer a été accordé bénéficie d’un éventail de droits plus limités que si elle avait obtenu l’asile en vertu de la loi américaine, elle jouit quand même de plusieurs droits importants. En conséquence, la décision de la représentante du ministre quant à l’inadmissibilité était correcte en droit puisque les personnes dont le statut de personne à renvoyer a été retiré aux
États-Unis sont des réfugiées au sens de la Convention selon l’alinéa 101(1)d) de la LIPR. La question de savoir si la mesure juridique ou le « retrait du statut de personne à renvoyer » aux États-Unis équivaut à la reconnaissance de la qualité de « réfugié au sens de la Convention » selon l’alinéa 101(1)d) de la Loi a été certifiée.
lois et règlements cités
Aliens and Nationality, 8 C.F.R. § 208.13(b)(2).
Immigration and Nationality Act (INA), §§ 101, 208, 241(b)(3) [8 U.S.C. §§ 1101, 1158, 1231(b)(3) (2006)].
Loi d’interprétation, L.R.O. 1990, ch. I.11, art. 10.
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1(4)d) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(2)a), 49(2)b), 96, 97, 101(1)d), 112(3), 114, 115.
TRAITÉS ET AUTRES DOCUMENTS cités
Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique pour la coopération en matière d’examen des demandes de statut de réfugié présentées par des ressortissants de pays tiers, 5 décembre 2002, [2004] R.T. Can. no 2.
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36.
Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, art. 1, 3, 4, 7, 8, 13, 14, 16, 21, 22, 23, 24, 26, 32, 33.
Protocole des Nations Unies relatif au statut des réfugiés, 31 janvier 1967, [1969] R.T. Can. no 29, art. 1.
jurisprudence citée
décisions appliquées :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190; (2008), 329 R.N.-B. (2e) 1; 2008 CSC 9; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Mohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 400 (1re inst.) (QL).
décisions examinées :
INS v. Cardoza-Fonseca, 480 U.S. 421 (1987); Jekula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 C.F. 266 (1re inst.); INS v. Stevic, 467 U.S. 407 (1984).
décisions citées :
Mohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 315; Khokhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 449; Espinoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 834; Da Mota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 386; Obeid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 503; Naumets c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 522; Baron c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 245; Matter of T-, 61 I. & N. Dec. 638 (BIA 1955); Matter of R-D-, 24 I. & N. Dec. 221 (BIA 2007).
doctrine citée
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la représentante du ministre a décidé que le demandeur était inadmissible au renvoi à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en application de l’alinéa 101(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés puisque le demandeur avait été reconnu comme réfugié au sens de la Convention par les États-Unis. Demande rejetée.
ont comparu
D. Clifford Luyt pour le demandeur.
Gregory G. George et Margherita Braccio pour les défendeurs.
avocats inscrits au dossier
Waldman & Associates, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le juge Mosley : La présente demande de contrôle judiciaire examine la question de savoir si l’obtention du « retrait du processus de renvoi » en vertu du droit de l’immigration des États-Unis par une personne qui demande d’être protégée confère la reconnaissance à titre de « réfugié au sens de la Convention » aux fins de l’alinéa 101(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), de manière à permettre le retour de ce demandeur dans ce pays.
Contexte
[2] M. Tenzin Wangden est un ressortissant du Tibet, de la République populaire de Chine (RPC), mais il se considère apatride. Il est un moine bouddhiste qui suit le Dalaï-Lama et a vécu dans des monastères pendant la plus grande partie de sa vie. Il a un demi-frère qui est citoyen canadien et il serait ainsi visé par une des exceptions prévues dans l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique pour la coopération en matière d’examen des demandes de statut de réfugié présentées par les ressortissants de tiers pays [5 décembre 2002, [2004] R.T. Can no 2] (l’Entente sur les tiers pays sûrs) s’il n’a pas reçu, aux États-Unis, la protection accordée aux réfugiés au sens de la Convention.
[3] Le 3 mars 2008, M. Wangden est entré au Canada depuis les États-Unis et a demandé l’asile à l’Unité des cas de traitement des réfugiés de Fort Erie. Dans sa première entrevue avec l’agente Rayos Del Sol de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le demandeur a nié dans une déclaration solennelle avoir déjà demandé l’asile aux États-Unis.
[4] Une recherche dans la base de données de la U.S. Immigration and Customs Enforcement des États-Unis a indiqué que ce pays avait accordé l’asile à M. Wangden. L’agente Rayos Del Sol a alors communiqué avec un agent du U.S. Customs and Border Protection Service qui lui a confirmé verbalement que M. Wangden avait obtenu « l’asile » aux États-Unis. La déclaration de l’agente Rayos Del Sol dans le dossier certifié indique que l’agent américain l’a également informée qu’il avait dans leurs dossiers un statut en suspens, mais qu’il n’avait pas accès à ce dossier précis.
[5] On a demandé à M. Wangden de remplir une deuxième déclaration solennelle. Il a à nouveau nié avoir demandé l’asile aux États-Unis. Lorsque les renseignements obtenus des autorités américaines lui ont été présentés, il a admis qu’il avait présenté une demande d’asile, mais a déclaré qu’il n’en connaissait pas l’issue. Il a indiqué que d’autres personnes lui avaient mentionné de ne pas dire qu’il avait demandé l’asile aux États-Unis parce que l’entrée au Canada lui serait refusée. Il se souvient que le juge américain lui a dit qu’il ne pourrait pas obtenir une « carte verte » (résidence permanente) ni parrainer quiconque pour venir aux États-Unis, mais qu’il pourrait vivre toute sa vie aux États-Unis. Il a obtenu une carte de sécurité sociale des États-Unis et une carte d’autorisation de travail. L’agente Rayos Del Sol a ensuite renvoyé l’affaire à un représentant du ministre, recommandant l’inadmissibilité du demandeur à un renvoi à la Section de la protection des réfugiés (SPR) en vertu de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR.
[6] Dans son affidavit daté du 1er avril 2008, déposé dans le cadre d’une requête en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi prononcée par le représentant du ministre, le demandeur déclare qu’il avait demandé l’asile en juin 2004 ou environ à ce moment-là après un séjour d’environ sept mois aux États-Unis. Il a retiré sa demande à la recommandation de son avocat du moment selon laquelle il aurait de meilleures chances d’obtenir une autre forme de protection appelée « retrait du processus de renvoi ». M. Wangden indique qu’il a suivi ce conseil et qu’il a retiré sa demande d’asile. Un formulaire qui semble être un résumé d’une décision prononcée à la U.S. Immigration Court, à New York le 2 mars 2006, est joint à son affidavit à titre de pièce B. Ce formulaire indique que la demande d’asile de M. Wangden a été retirée [traduction] « non sous toutes réserves » et qu’il a obtenu le « retrait du processus de renvoi ».
[7] Les deux parties ont présenté une preuve sous forme d’opinion sur l’effet du retrait du processus de renvoi en droit américain. Le demandeur a présenté l’affidavit de Me Craig Trebilcock, un avocat exerçant dans le domaine de l’immigration à York, en Pennsylvanie. Le défendeur a présenté l’opinion de M. David A. Martin, professeur de droit à l’Université de la Virginie. Le professeur Martin a été contre-interrogé sur son affidavit par téléphone et la transcription a été présentée en preuve.
[8] Je constate que les éléments de preuve déposés à l’égard de la présente demande n’indiquent pas que M. Wangden court un véritable risque de refoulement vers la RPC s’il était renvoyé aux États-Unis. Selon l’opinion de Me Trebilcock, M. Wangden aurait perdu son statut en raison de son départ des États-Unis, mais aurait le droit de présenter une nouvelle demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention, soit pour l’asile ou le retrait du processus de renvoi, soit pour la protection en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36]. Le professeur Martin ne croit pas que la situation entourant l’entrée de M. Wangden au Canada constituerait un « départ » en vertu du droit américain tel qu’interprété par la jurisprudence. Les deux s’accordent pour dire que le retrait du processus de renvoi autorise le renvoi vers un tiers pays sûr. Me Trebilcock ne présente aucune observation sur la possibilité que cela se produise. Le professeur Martin affirme qu’il s’agit d’une question plus théorique que réelle puisque cela se produit rarement.
Décision faisant l’objet du présent contrôle
[9] La représentante du ministre, l’agente Dela Cruz, a décidé que M. Wangden était inadmissible au renvoi à la SPR en vertu de l’alinéa 101(1)d) puisqu’il avait été [traduction] « reconnu comme réfugié au sens de la Convention par les États-Unis, pays vers lequel [il] pouvait être envoyé et retourné ». La représentante du ministre a signé une mesure d’exclusion à l’encontre de M. Wangden. Conformément à l’alinéa 49(2)b) de la LIPR, la mesure est entrée en vigueur sept jours plus tard et M. Wangden n’était pas tenu de retourner immédiatement aux États-Unis. Son renvoi aux
États-Unis a été suspendu jusqu’à la décision finale concernant la présente demande conformément à l’ordonnance du juge en chef prononcée le 8 avril 2008.
Lois pertinentes
[10] Les dispositions pertinentes de la LIPR, de la loi américaine Immigration and Nationality Act de 1952, telle que modifiée (INA) [8 U.S.C. (2006)], de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés [28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6] (la Convention ou la Convention de 1951) et du Protocole des Nations Unies relatif au statut des réfugiés [31 janvier 1967, [1969] R.T. Can. no 29] sont reproduites dans l’annexe A du présent jugement.
Questions en litige
[11] Le demandeur soutient que, dans le cadre de la présente demande, il n’est pas nécessaire de décider si le retrait du processus de renvoi confère la reconnaissance de réfugié au sens de la Convention. Il formule comme suit la question principale de la présente demande : l’agente Dela Cruz de l’ASFC a-t-elle fondé sa décision selon laquelle le demandeur n’était pas admissible à faire trancher sa demande d’asile au Canada en vertu de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR sur une erreur de fait importante, de sorte que cette décision devrait être annulée? Subsidiairement, prétend-t-il, la question est de savoir si le retrait du processus de renvoi en droit américain de l’immigration confère le statut de réfugié au sens de la Convention.
[12] Selon les observations du défendeur, la question à examiner est la suivante : Le demandeur a-t-il démontré que l’agente avait commis une erreur importante en concluant qu’en vertu de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR, sa demande d’asile était inadmissible à un renvoi à la Section de la protection des réfugiés?
[13] Je reformulerais les questions en litige de la manière suivante :
1. Quelle est la norme de contrôle applicable?
2. L’agente Dela Cruz a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante?
3. L’agente Dela Cruz a-t-elle commis une erreur en droit en concluant que le demandeur était inadmissible à un renvoi à la SPR parce qu’il avait déjà obtenu une protection aux États-Unis?
Pour trancher ce point, il est tout d’abord nécessaire de répondre à la question suivante : aux États-Unis, accorder le retrait du processus de renvoi équivaut-il à accorder le statut de réfugié au sens de la Convention?
Norme de contrôle
[14] Comme l’a récemment décidé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse de la norme de contrôle dans chaque cas. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière est bien établie par la jurisprudence antérieure, la cour siégeant en révision peut adopter cette norme.
[15] En l’espèce, le demandeur conteste la décision de l’agente Dela Cruz pour deux motifs. Premièrement, le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle en fondant sa décision sur la supposition erronée qu’il avait obtenu l’asile plutôt que le retrait du processus de renvoi. Il s’agit d’une question de fait.
[16] Avant l’arrêt Dunsmuir, il était bien établi que les décisions des représentants du ministre avaient droit à un niveau élevé de retenue et devaient être annulées uniquement si elles étaient manifestement déraisonnables : Mohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 315, au paragraphe 10. L’arrêt Dunsmuir a eu pour effet de réduire à deux le nombre de normes de contrôle, à savoir la norme de la décision correcte et la norme de la décision raisonnable. La norme de la décision manifestement déraisonnable a été éliminée. Le paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir offre des indications sur la manière d’appliquer la nouvelle norme de la décision raisonnable :
La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[17] Je peux accueillir la présente demande uniquement si je conclus que la décision est déraisonnable : Khokhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 449, au paragraphe 22; Espinoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 834, au paragraphe 15. Toutefois, je dois également garder à l’esprit l’alinéa 18.1(4)d) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)] qui prévoit que les décisions fondées sur des conclusions erronées peuvent être modifiées dans le cadre d’un contrôle judiciaire si elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve : Da Mota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 386; Obeid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 503; Naumets c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 522.
[18] Dans la présente demande, la question subsidiaire est celle de savoir si, en vertu du droit des États-Unis, l’obtention du retrait du processus de renvoi équivaut au statut de réfugié au sens de la Convention en vertu de la Convention de 1951 et de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR. Il s’agit d’une question d’interprétation législative qui devrait être examinée selon la norme de la décision correcte : Baron c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 245, au paragraphe 9.
Question no 2 : L’agente Dela Cruz a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante en décidant que M. Wangden est inadmissible à un renvoi à la SPR?
Prétentions du demandeur
[19] Le demandeur soutient qu’il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la question de savoir si l’obtention du « retrait du processus de renvoi » en droit américain équivaut au statut de réfugié au sens de la Convention, mais que je peux me prononcer sur la présente demande uniquement selon le motif que la décision quant à l’inadmissibilité était fondée sur des faits erronés. Ces faits, obtenus par l’agente Rayos Del Sol, indiquaient que M. Wangden avait obtenu l’asile aux États-Unis. Cette information était inexacte puisqu’il n’avait pas obtenu l’asile, mais plutôt une forme différente de protection, celle du retrait du processus de renvoi.
[20] Selon la prétention du demandeur, les conclusions de l’agente Dela Cruz quant à l’inadmissibilité devraient être annulées et une nouvelle décision ordonnée puisqu’il est impossible de connaître la décision qu’aurait prise l’agente si elle avait connu le statut exact du demandeur aux États-Unis. Selon lui, le simple fait de l’existence d’un important désaccord entre les parties concernant la question de savoir si le retrait du processus de renvoi équivaut au statut de réfugié au sens de la Convention indique qu’il n’est pas possible de dire que la décision de l’agente Dela Cruz n’aurait pas été différente si elle ne s’était pas appuyée sur des faits corrects.
Prétentions du défendeur
[21] Le défendeur réplique que l’agente Dela Cruz ne supposait pas erronément que M. Wangden avait obtenu l’asile par opposition au retrait du processus de renvoi, pas plus que cette distinction est même importante pour la question centrale dans la présente demande, à savoir l’admissibilité (ou l’inadmissibilité) de M. Wangden à un renvoi à la SPR.
[22] Selon le défendeur, la décision et les motifs de la représentante du ministre n’appuient pas la prétention du demandeur. Même si l’agente Dela Cruz souscrivait à la recommandation de l’agente Rayos Del Sol, elle n’utilise pas le mot « asile » dans ses notes. Les éléments de preuve dont était saisie l’agente qui prenait la décision comprenaient les déclarations du demandeur selon lesquelles il avait demandé l’asile et il n’était pas sûr de l’issue de la demande, mais savait qu’il pouvait vivre toute sa vie aux États-Unis.
[23] Le défendeur soutient qu’il n’est pas possible d’inférer de ces éléments de preuve que l’agente Dela Cruz supposait erronément que le demandeur avait obtenu l’asile plutôt que le retrait du processus de renvoi. De plus, le défendeur prétend que le demandeur ne peut demander à la Cour de tirer la conclusion qu’il propose alors qu’il a eu l’occasion de contre‑interroger l’agente sur son affidavit concernant sa connaissance des faits lorsqu’elle a pris sa décision et qu’il a omis de le faire.
[24] En outre, le défendeur soutient que le mot « asile » utilisé par l’agente Rayos Del Sol ne montre pas qu’elle supposait erronément que le demandeur avait obtenu la forme de protection reconnue en vertu de l’article 208 [8 U.S.C. § 1158] de la loi américaine intitulée Immigration and Nationality Act (INA). De l’avis du défendeur, le mot « asile » peut avoir une signification descriptive générale, qui inclurait à la fois le retrait du processus de renvoi et l’asile en vertu du droit américain. Le défendeur prétend que le demandeur n’a pas montré que le mot « asile » était destiné à être utilisé pour autre chose que dans le sens le plus large du mot qui, selon le Cambridge Online Dictionary, signifie [traduction] « protection ou sécurité, plus particulièrement celle accordée par un gouvernement à des étrangers qui ont été forcés de quitter leur propre pays pour des raisons politiques ».
[25] Le défendeur soutient également que la contestation du demandeur est viciée parce qu’elle se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle il incombait à l’agent ou aux agents d’établir l’admissibilité, alors que dans les faits le fardeau de preuve incombe à M. Wangden. De l’avis du défendeur, les arguments du demandeur sont uniquement une tentative injustifiée de renverser le fardeau de la preuve.
[26] Finalement, et subsidiairement, le défendeur soutient qu’il n’y a rien à gagner de renvoyer cette affaire pour une nouvelle décision en raison d’une simple possibilité que l’agente prenant la décision a erronément supposé que le demandeur avait obtenu l’asile plutôt que le retrait du processus de renvoi, puisque les deux formes de protection équivalent au statut de réfugié selon la Convention.
Analyse
[27] L’agente Dela Cruz a fondé sa décision quant à l’inadmissibilité sur les renseignements que l’agente Rayos Del Sol avait obtenus de deux sources américaines et sur les déclarations solennelles du demandeur. Ces renseignements révélaient que M. Wangden avait présenté une demande d’« asile » aux États-Unis à titre de réfugié et qu’un juge de l’immigration des États-Unis lui avait accordé une protection. L’agente Dela Cruz a conclu de ces renseignements que les États-Unis avaient accordé à M. Wangden une protection en tant que réfugié au sens de la Convention, selon la signification de cette expression dans la LIPR, et qu’il pouvait être envoyé ou retourné aux États-Unis. Dans ce cas, l’alinéa 101(1)d) de la LIPR le rendait inadmissible à un renvoi à la SPR.
[28] Il incombait au demandeur d’établir son admissibilité au renvoi et il a omis de le faire. M. Wangden n’a pas fait preuve de franchise à propos de sa situation aux États-Unis jusqu’à ce qu’on lui présente l’information obtenue de la base de données et de l’agent à la frontière des États-Unis. Il a alors admis avoir présenté une demande d’asile et reconnu qu’il avait le droit de demeurer aux États-Unis et qu’il pouvait y travailler. M. Wangden a fourni des documents d’appui pour clarifier son statut après que la mesure de renvoi a été prononcée et qu’il sollicitait le sursis de son exécution.
[29] Les affirmations de M. Wangden dans la deuxième déclaration selon lesquelles il ne connaissait pas l’issue de sa demande d’asile, qu’il avait été informé qu’il ne pouvait pas obtenir une « carte verte » et qu’il ne pouvait pas parrainer quiconque pour le rejoindre aux États-Unis étaient les seules indications dans les renseignements accessibles aux agentes que peut-être son statut n’avait pas été entièrement régularisé. Par contraste, sa déclaration selon laquelle un juge de l’immigration lui avait dit qu’il pouvait demeurer aux États-Unis et les renseignements obtenus des sources américaines militaient en faveur d’une décision visant un réfugié au sens de la Convention.
[30] Dans ces circonstances, la décision de l’agente Dela Cruz quant à l’inadmissibilité était raisonnable, compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait à ce moment-là. En l’absence de renseignements contraires, il était raisonnable pour la représentante de conclure que M. Wangden avait été déclaré réfugié au sens de la Convention aux États-Unis et qu’il pouvait retourner dans ce pays. En effet, le demandeur a reconnu, en plaidoirie, que la représentante n’avait pas connaissance du « retrait » du processus de la mesure de renvoi. Il soutient néanmoins que la conclusion selon laquelle il bénéficiait du statut de réfugié au sens de la Convention constituait une erreur de fait importante.
[31] À mon avis, la représentante du ministre n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait tirée de manière abusive ou arbitraire sans tenir compte de la preuve dont elle était saisie. Compte tenu de cette preuve, elle a tiré une conclusion de fait raisonnable concernant le statut du demandeur aux États-Unis et a pris la décision qu’appelait cette conclusion. La question de savoir si cette décision était fondée sur une erreur de fait importante dépend de la réponse à la question suivante.
Question no 3 : L’agente Dela Cruz a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le demandeur était inadmissible à un renvoi à la SPR parce qu’il avait déjà été reconnu comme réfugié au sens de la Convention aux États-Unis?
En droit américain, le retrait du processus de renvoi équivaut-il au statut de réfugié au sens de la Convention?
Prétentions du demandeur
[32] Le demandeur soutient, subsidiairement, qu’il existait des arguments de poids en faveur de la proposition selon laquelle le retrait du processus de renvoi selon le droit de l’immigration des États-Unis n’équivaut pas au statut de réfugié au sens de la Convention. Il invoque trois motifs.
[33] Premièrement, le demandeur prétend qu’il n’est pas contesté que les personnes qui font l’objet d’un retrait du processus de renvoi ne bénéficient pas d’une protection contre une expulsion vers un tiers pays sûr en vertu de l’article 32 de la Convention. Ceci indique que le retrait du processus de renvoi ne confère pas le statut de réfugié au sens de la Convention à celui qui en fait l’objet. L’article 32 accorde la protection uniquement aux personnes qui se trouvent « régulièrement » sur le territoire de l’État partie. De plus, selon la preuve sous forme d’opinion d’expert, cela ne s’applique pas aux personnes visées par une mesure de renvoi à qui le retrait du processus de renvoi est accordé.
[34] Deuxièmement, le demandeur soutient que le retrait du processus de renvoi aux États-Unis n’équivaut pas au statut de réfugié au sens de la Convention, mais plutôt à un statut comparable à un [traduction] « ERAR restreint » en vertu de la LIPR. Le demandeur affirme que les personnes dont l’examen des risques avant renvoi [ERAR] est favorable se voient refuser l’asile et, par conséquent, ne peuvent présenter une demande de résidence permanente, d’une manière semblable aux demandeurs à qui le retrait du processus de renvoi est accordé aux États-Unis.
[35] Finalement, le demandeur mentionne l’exception des « arguments de poids » à l’égard de l’exigence selon laquelle les demandeurs d’asile doivent montrer craindre avec raison d’être persécutés dans l’avenir. Cette exception a été codifiée en droit américain, mais ne s’applique qu’aux personnes à qui l’asile a été accordé et non aux personnes faisant l’objet du retrait de la mesure de renvoi.
Prétentions du défendeur
[36] Le défendeur soutient que le retrait du processus de renvoi est la manière selon laquelle les États-Unis exécutent leur obligation de non-refoulement en vertu de l’article 33 de la Convention de 1951. Pour appuyer cette proposition, deux extraits de la décision INS v. Cardoza-Fonseca, 480 U.S. 421 (1987) (INS v. Cardoza-Fonseca) de la Cour suprême des États-Unis sont cités (aux pages 436, 440 et 441) :
[traduction] L’historique législatif de la nouvelle définition du mot « réfugié », de même que la loi de 1980 (sur les réfugiés) toute entière, indiquent clairement que l’un des principaux objectifs du Congrès visait à rendre le droit des réfugiés aux États-Unis conforme au Protocole des Nations Unies relatif au statut des réfugiés (1967) [. . .]
[. . .]
Cette disposition [le retrait du processus d’expulsion ou non-refoulement] correspond à l’article 33.1 de la Convention [. . .] [qui] exige qu’un demandeur s’acquitte de deux fardeaux : premièrement, qu’il soit un « réfugié », c’est-à-dire qu’il prouve qu’« il craint avec raison d’être persécuté »; deuxièmement, que le « réfugié » démontre que sa vie ou sa liberté « serait menacée » s’il était expulsé.
Le défendeur soutient que, du point de vue du droit des réfugiés des États-Unis, le retrait du processus de renvoi correspond à la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention.
[37] L’argument selon lequel le retrait du processus de renvoi ne correspond pas au statut de réfugié au sens de la Convention parce qu’il donne ouverture à la possibilité de renvoi à un tiers pays sûr, contrairement à l’article 32 de la Convention, n’est pas fondé sur un élément de preuve selon le défendeur. Il n’existe aucune preuve indiquant que M. Wangden risquait ou risquera d’être renvoyé à un tiers pays ou que les autorités américaines ont même envisagé une telle mesure. La preuve indique que le renvoi d’une personne qui a obtenu le retrait du processus de renvoi à un tiers pays est assez rare. Ainsi, comme le soutient le défendeur, l’argument du demandeur sur ce point est purement théorique.
[38] Le défendeur soutient de plus que l’intention du législateur exprimée dans la LIPR est de tout d’abord sauver des vies et offrir la protection aux personnes déplacées et persécutées. Selon le défendeur, ceci est illustré par le fait que le non-refoulement est le principal aspect du programme des réfugiés du Canada. L’application de l’approche moderne à l’égard de l’interprétation législative adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 avec signification de l’alinéa
101(1)d) de la LIPR appuie la conclusion selon laquelle le retrait du processus de renvoi en vertu du droit américain équivaut au statut de réfugié au sens de la Convention, tel que le prévoit cet alinéa.
[39] En outre, encore à l’appui de cet argument, le défendeur mentionne la décision de la Cour fédérale dans Mohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 400 (1re inst.) (QL), dans laquelle la demande d’asile des demandeurs a été refusée en vertu de la section E de l’article premier de la Convention. En rejetant la contestation de la décision présentée par les demandeurs, le juge Rothstein [maintenant juge à la Cour suprême] a fait les observations suivantes, aux paragraphes 8 et 9 de ses motifs :
L’avocat des requérants fait valoir que le statut que les requérants possèdent en Suède est susceptible d’expirer. Ils ne possèdent donc pas le droit d’un ressortissant visé par la section E de l’article premier de la Convention. Toutefois, suivant la preuve, comme les requérants ont obtenu le statut de résidents permanents en Suède, ce n’est que leur certificat qui doit être renouvelé périodiquement. Rien ne permet de penser que le statut de résident permanent en Suède soit sujet à une sorte d’annulation arbitraire.
La présente affaire soulève le problème troublant des personnes qui comparent les pays en vue de trouver celui où elles vont réclamer l’asile. Si le moyen invoqué par l’avocat des requérants au sujet du domicile était bien fondé, les requérants pourraient, de leur propre gré, rejeter la protection d’un pays en l’abandonnant unilatéralement pour un autre. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit en l’espèce. L’objet de la Convention de Genève est d’aider les personnes qui ont besoin de protection et non de venir en aide aux personnes qui préfèrent tout simplement demander asile dans un pays de préférence à un autre. La Convention et la Loi sur l’immigration devraient être interprétées en tenant compte de leur objectif véritable.
[40] Le défendeur soutient que l’intention du législateur apparaît dans les débats parlementaires concernant les modifications de 1993 en vertu desquelles le libellé de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR a été modifié. À son avis, le législateur n’avait pas l’intention que cette disposition inclut la question de savoir si une personne pouvait demeurer dans le pays dans lequel elle était reconnue comme réfugié, ou inclure l’examen, par l’agent prenant la décision, de la question de savoir si cette personne avait un minimum de fondement pour craindre avec raison d’être persécutée dans le pays dans lequel elle avait obtenu l’asile.
[41] À une simple lecture de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR, un demandeur est inadmissible s’il a déjà fait l’objet d’une « reconnaissance de la qualité de réfugié par un pays vers lequel il peut être renvoyé ». Le défendeur affirme que rien dans cette disposition n’indique qu’afin d’être reconnu à titre de réfugié au sens de la Convention par le pays vers lequel il peut être renvoyé, le réfugié ne peut pas être assujetti à la possibilité d’un renvoi à un tiers pays sûr.
[42] De plus, le défendeur prétend que le régime de la LIPR appuie son interprétation de l’alinéa 101(1)d). Plus précisément, l’article 96 de la LIPR définit le « réfugié au sens de la Convention » et le défendeur soutient qu’une personne qui a obtenu le retrait du processus de renvoi selon le droit américain répond à cette définition. Le défendeur mentionne également l’article 115 de la LIPR qui prévoit ce qui suit : « Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution [. . .], la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée. » De l’avis du défendeur, cette interdiction expresse contre le refoulement indique encore une fois que le programme du Canada à l’égard des réfugiés se préoccupe principalement de la protection des personnes contre les risques et non pas de la question de savoir si elles pourraient avoir la gamme complète des droits, des avantages ou des privilèges offerts en vertu de la Convention.
[43] En fait, le défendeur discute de la nature administrative d’une décision des services frontaliers en matière d’inadmissibilité en vertu de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR et cite les commentaires suivants du juge Evans, au paragraphe 44 de la décision Jekula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 C.F. 266 (1re inst.) :
À mon avis, les mots « peut être renvoyé » ne signifient pas que l’agent principal soit tenu d’examiner si le demandeur craint avec raison d’être persécuté dans le pays d’asile. L’abrogation en 1993 de la disposition portant expressément sur cette situation signifie qu’il ne faut pas la réincorporer implicitement dans le texte à travers les mots « peut être renvoyé » figurant à l’alinéa 46.01(1)a). Faire à l’agent principal obligation d’examiner si un demandeur satisfait à la définition de réfugié au sens de la Convention serait incompatible avec le processus expéditif et relativement simple prévu dans ce régime légal pour écarter certaines revendications irrecevables par la section du statut.
Le défendeur soutient que demander à des agents de décider si un demandeur d’asile répond à la définition de réfugiés au sens de la Convention est incompatible avec le processus administratif expéditif et relativement simple visant à écarter les demandes d’asile irrecevables de la SPR.
La preuve d’opinion d’expert
[44] Tel que mentionné ci-dessus, les parties ont présenté une preuve sous la forme de l’opinion de deux avocats américains quant à l’effet juridique du « retrait du processus de renvoi » en droit américain.
[45] L’avocat Craig Trebilcock pratique en droit de l’immigration et de la citoyenneté depuis 1986 en Pennsylvanie. Son court affidavit ne cite aucune jurisprudence précise à l’appui des opinions juridiques qu’il fait valoir. Il déclare que le retrait du processus d’expulsion en vertu de la disposition 8 U.S.C. § 1231(b)(3)(A) [§241(b)(3)(A) de l’INA] accorde uniquement des droits limités aux personnes qui peuvent être renvoyées des États-Unis.
[46] De l’avis de Me Trebilcock, le statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 protège non seulement contre le refoulement vers le pays de persécution, mais également contre l’expulsion vers un autre pays qui accepterait la personne, sauf dans des situations étroitement définies comme le prévoit l’article 32. De plus, Me Trebilcock déclare qu’en venant au Canada, le demandeur a renoncé à ses droits en vertu du retrait du processus de renvoi et il serait tenu de présenter une nouvelle demande d’asile ou de retrait du processus de renvoi en vertu de la Convention relative aux réfugiés et (ou) une protection en vertu de la Convention contre la torture (CCT) s’il devait revenir aux États-Unis.
[47] Les compétences et l’étendue des connaissances du professeur Martin dans ce domaine du droit sont impressionnantes. Le professeur Martin compte plus de 29 ans d’expérience dans l’étude du droit américain de l’immigration et des réfugiés et des régimes juridiques comparatifs. Il possède une grande expérience pratique dans le domaine, dont trois ans à titre d’avocat général auprès du Immigration and Naturalization Service (service de l’immigration et de la naturalisation). Il a participé à la rédaction des lois américaines sur les réfugiés et a rédigé ou édité un nombre considérable de textes et d’articles connexes. À titre de consultant auprès de divers organismes nationaux, notamment le Congrès, il a réalisé des études sur les systèmes étrangers de détermination du droit d’asile, dont celui du Canada.
[48] L’affidavit du professeur Martin, appuyé par des références aux lois et à la jurisprudence, offre un aperçu du système américain de détermination des demandes d’asile politique et des formes connexes de protection, dont « le retrait du processus de renvoi ». De plus, il a lu les documents présentés par le demandeur à l’appui de la présente demande, y compris l’affidavit de Me Trebilcock, et offre une opinion sur les questions qui y sont soulevées. Certains aspects de son opinion ont été explorés au moment de son contre-interrogatoire mais, à mon avis, cela n’a pas entraîné une modification substantielle des opinions qu’il avait exprimées.
[49] Selon l’opinion du professeur Martin, aux
États-Unis, l’obtention du retrait du processus de renvoi en vertu de la disposition 241(b)(3) de l’INA équivaut à une reconnaissance à titre de réfugié en vertu de la Convention de 1951 relative aux réfugiés. Même si une personne faisant l’objet d’un retrait du processus de renvoi jouit d’un éventail de droits plus limités qu’une personne à qui l’asile a été accordé en vertu de la disposition 208 de l’INA [8 U.S.C. § 1158], elle reçoit la gamme complète des droits garantis par la Convention à un réfugié dans une situation comparable et, en pratique, elle obtient des droits qui vont au-delà de ce qu’exige la Convention.
[50] Les deux experts s’accordent pour dire que la norme juridique pour obtenir le retrait du processus de renvoi est, dans les faits, plus stricte que celle exigée pour l’asile. Toutefois, le retrait de la mesure de renvoi ne confère pas le droit de résider en permanence aux États-Unis. Me Trebilcock déclare que les personnes visées par un tel retrait peuvent y demeurer tant que les États-Unis n’ont pas trouvé un tiers pays vers lequel elles peuvent être renvoyées.
[51] Selon l’opinion du professeur Martin, la Convention ne garantit pas que la panoplie complète des droits doive s’appliquer à tous les réfugiés. Il est conforme à la Convention qu’un État contractant retienne certains droits et laisse la porte ouverte à l’envoi d’un réfugié vers un autre tiers pays que le pays dans lequel il craint d’être persécuté, pourvu évidemment qu’il ne coure pas de risque. Cela se produit souvent, car il est rare que d’autres pays soient disposés à accepter de telles personnes. De toute façon, avant qu’une telle mesure soit prise, M. Wangden aurait le droit de demander à nouveau une protection complète relativement à ce tiers pays.
[52] De l’avis du professeur Martin, le droit à certains droits en vertu de la Convention est fonction du type de « statut juridique » ou d’attachement que possède le réfugié dans l’État dans lequel la protection a été demandée. Il fait une distinction entre un réfugié qui est simplement présent sur le territoire, un réfugié qui se trouve « régulièrement sur [le] territoire » et le réfugié « résidant régulièrement sur [le] territoire ». Il explique que certains droits fondamentaux s’appliquent nécessairement à tous les réfugiés en raison de leur simple présence sur le territoire, y compris le non-refoulement (article 33), la non-discrimination (article 3), la liberté de religion (article 4), l’accès aux tribunaux (article 16) et l’accès à l’éducation publique (article 22). D’autres droits prévus par la Convention, tels que la liberté de circulation (article 26), s’appliquent uniquement aux réfugiés se trouvant « régulièrement » sur le territoire. Enfin, d’autres droits plus restreints s’appliquent uniquement aux réfugiés « résidant régulièrement » sur le territoire, par exemple le droit au logement, à l’assistance publique et à la sécurité sociale (articles 21, 23 et 24).
[53] En ce qui a trait à l’article 32 de la Convention, le professeur Martin soutient que les droits qui y sont garantis s’appliquent uniquement aux réfugiés se trouvant « régulièrement sur [le] territoire ». Selon son avis, les personnes qui ont obtenu le retrait du processus de renvois sont des réfugiés, mais elles ne se trouvent pas « régulièrement sur [le] territoire ». Elles ne peuvent donc pas être protégées en vertu de l’article 32. Il prétend que M. Wangden est un réfugié au sens de la Convention, mais un réfugié dont la présence ou la résidence n’est pas régulière aux États-Unis. Il conclut donc qu’il est conforme à la Convention que M. Wangden ait droit uniquement aux droits fondamentaux en vertu de la Convention, notamment ceux qui s’appliquent à tous les réfugiés présents aux États-Unis, et qu’il ne soit pas protégé contre le renvoi à un tiers pays sûr.
[54] Le professeur Martin conteste l’affirmation de Me Trebilcock selon laquelle M. Wangden aura perdu la protection du retrait du processus de renvoi en ayant quitté les États-Unis. Dans son analyse, il compare deux décisions américaines, à savoir Matter of T-, 6 I. & N. Dec. 638 (BIA 1955) et Matter of R-D-, 24 I. & N. Dec. 221 (BIA 2007) et il explique que l’issue sera fonction de la question de savoir si les circonstances en cause constituent un départ. En effet, s’il y a départ des États-Unis, la personne visée par le retrait du processus de renvoi n’a pas automatiquement le droit de retourner aux États-Unis puisqu’elle est réputée avoir exécuté sa propre mesure de renvoi.
[55] Selon l’opinion du professeur Martin, la situation particulière de M. Wangden ne devrait pas être considérée comme un départ, puisque l’entrée au Canada ne lui a pas été accordée et qu’il est visé par une mesure de renvoi. Il compare le sursis de cette mesure à une forme de libération conditionnelle accordée aux personnes autorisées à demeurer physiquement aux États-Unis en attendant l’issue des procédures judiciaires. À son avis, M. Wangden devrait continuer à faire l’objet du retrait du processus de renvoi à son retour aux États-Unis. Même si cette situation particulière était réputée un départ, souligne le professeur Martin, M. Wangden serait admissible à présenter une nouvelle demande à son retour et il est très peu probable que les autorités des États-Unis le détiendraient.
Analyse et conclusion
[56] L’aspect fondamental de la présente demande est l’interprétation de la signification de « réfugié au sens de la Convention » dans l’alinéa 101(1)d) de la LIPR. En vertu de l’article premier de la Convention, un « réfugié » est une personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
[57] Certains droits fondamentaux sont garantis à tous les « réfugiés au sens de la Convention », notamment le droit à la non-discrimination (article 3), la liberté de religion (article 4), la dispense de réciprocité (article 7), la dispense des mesures exceptionnelles (article 8), les droits à l’égard de la propriété mobilière et immobilière (article 13), les droits de propriété intellectuelle et industrielle (article 14), le droit d’ester en justice (article 16) et le droit à l’éducation publique (article 22).
[58] Le libellé de la Convention classifie les réfugiés selon la permanence de leur attachement ou de leur statut dans les États contractants. La Convention utilise les mots et expressions suivants pour faire la distinction entre les diverses formes d’attachement ou de statut des réfugiés : un « réfugié » ou un « réfugié sur leur territoire »; un « réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire »; un « réfugié résidant régulièrement sur leur territoire ».
[59] Selon l’expert du défendeur qui a souscrit un affidavit, les personnes visées par le retrait du processus de renvoi ne se « trouvent [pas] régulièrement » sur le territoire pas plus qu’elles ne « résident régulièrement sur le territoire » où la protection leur a été accordée. Pour cette raison, elles n’ont pas droit à tous les droits et toutes les garanties prévus par la Convention. Elles ont toutefois droit aux droits fondamentaux de la Convention, ceux qui sont conférés à tous les réfugiés sur le territoire des États contractants.
[60] Selon la preuve d’expert, l’asile et le retrait du processus de renvoi sont deux moyens différents prévus par la Immigration and Nationality Act (INA) en vertu desquels un [traduction] « étranger [autrement] passible d’expulsion » (deportable alien), selon l’expression américaine, qui craint d’être persécuté peut solliciter une réparation. Le point en litige est la question de savoir si les deux formes de réparation, qui confèrent des droits et des avantages différents à ceux visés par l’une ou l’autre réparation, équivalent au statut de réfugié au sens de la Convention. Une brève explication de chaque réparation, tirée du témoignage du professeur Martin, serait utile à la présente discussion.
[61] Selon l’INA, l’asile est offert aux demandeurs qui craignent avec raison d’être persécutés pour l’un des cinq motifs prévus dans la Convention de 1951 : la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou les opinions politiques. Le règlement pris en vertu de l’INA [Aliens and Nationality, 8 C.F.R. § 208.13(b)(2)] décrit la norme de la [traduction] « crainte fondée » comme [traduction] « une possibilité raisonnable de faire l’objet d’une telle persécution si le demandeur devait retourner dans ce pays ». Cette définition est essentiellement la même que celle prévue à l’article premier de la Convention, de même que celle de l’article 96 de la LIPR.
[62] L’asile est une réparation discrétionnaire accordée uniquement aux demandeurs admissibles. L’asile accorde un large éventail de droits à ceux qui l’obtiennent. Mais surtout, une personne qui a obtenu l’asile ne peut être expulsée dans aucun pays tant qu’elle bénéficie de celui‑ci. De plus, les personnes à qui l’asile a été accordé sont pleinement autorisées à travailler aux États-Unis, ont le droit de faire venir leurs conjoint et enfants non mariés mineurs et peuvent demander la résidence permanente un an suivant l’obtention de l’asile.
[63] Le retrait du processus de renvoi protège les demandeurs admissibles contre le renvoi ou l’expulsion vers un pays dans lequel ils sont à risque, mais n’empêche pas l’exclusion ou l’expulsion vers un autre pays sûr et accueillant disposé à accepter ou à prendre le réfugié. Le retrait du processus de renvoi n’est pas une réparation discrétionnaire. Un droit à celle-ci existe pour la sous-catégorie de réfugiés qui peuvent démontrer que, selon toute vraisemblance, ils seraient menacés à leur retour dans leur pays d’origine : INS v. Cardoza-Fonseca, précité.
[64] Selon les arrêts de la Cour suprême des États-Unis dans INS v. Stevic, 467 U.S. 407 (1984) et dans INS v. Cardoza-Fonseca, précités, la norme de preuve pour accorder le retrait du processus de renvoi est plus stricte que la norme concernant l’asile. Pour obtenir le retrait, le demandeur doit montrer qu’il sera, [traduction] « selon toute vraisemblance », persécuté, plutôt que montrer qu’il existe [traduction] « une possibilité raisonnable ». Les passages suivants de la décision INS v. Cardoza-Fonseca sont particulièrement pertinents pour la présente analyse [aux pages 440 et 441] :
[traduction] Dans Stevic, nous avons examiné la question du retrait de l’expulsion, où le non-refoulement, en vertu de l’alinéa 243(h). Cette disposition correspond au paragraphe 33.1 de la Convention. Il est toutefois important de souligner que le paragraphe 33.1 ne confère pas ce droit à tous ceux qui répondent à la définition du mot « refugié ». Il prévoit plutôt ce qui suit : « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. » [. . .] Ainsi, le paragraphe 33.1 exige que le demandeur s’acquitte de deux fardeaux : premièrement, il doit montrer qu’il est un « réfugié », c’est-à-dire prouver au moins qu’il « craint avec raison d’être persécuté »; deuxièmement, le « réfugié » doit montrer que sa vie ou sa liberté « serait menacée » s’il était expulsé. L’imposition de l’exigence « serait menacée » en vertu de l’alinéa 243(h) est tout à fait compatible avec les obligations des États-Unis en vertu du Protocole.
[. . .]
Ainsi, rendu obligatoire pour les États-Unis en raison du Protocole, l’article 34 prévoit un avantage qui peut faire l’objet d’une demande, ou avantage discrétionnaire, pour toute la catégorie de personnes reconnues comme « réfugiés », alors que le paragraphe 33.1 prévoit un droit pour la sous-catégorie qui « serait menacée » de persécution à leur retour. Cette distinction précise entre la vaste catégorie de réfugiés et la sous-catégorie [de réfugiés] ayant droit à la réparation prévue à l’alinéa 243(h) apparaît clairement dans la loi de 1980. Voir Stevic [. . .]
[65] À mon avis, les personnes qui obtiennent le retrait du processus de renvoi sont nécessairement des réfugiées au sens de la Convention puisqu’elles ont établi qu’elles craignaient avec raison d’être persécutées dans leur pays de nationalité pour l’un des motifs prévus à la Convention. À la simple lecture de l’article premier de la Convention, le profil de M. Wangden répond à celui de réfugié au sens de la Convention. Il est à l’extérieur de son pays de nationalité, il craint avec raison d’être persécuté pour ses croyances religieuses et ses opinions politiques et il n’est pas disposé à demander d’être protégé dans ce pays. Les États-Unis lui ont accordé une protection pour ces motifs.
[66] Le demandeur soutient que le retrait du processus de renvoi en droit américain peut être comparé à une personne faisant l’objet d’un ERAR restreint en droit canadien, puisque le ministre accorde à ceux dont les demandes d’ERAR sont favorables un sursis de la mesure de renvoi vers le pays où ils sont à risque. Le demandeur prétend qu’en vertu du paragraphe 112(3) de la LIPR, les personnes dont les demandes d’ERAR sont favorables se voient expressément refuser l’asile, de même que la possibilité de demander la résidence permanente. De même, les personnes qui obtiennent le retrait du processus de renvoi aux États-Unis sont assujetties à la même catégorie de droits restreints qui, de l’avis du demandeur, ne correspond pas au statut de réfugié au sens de la Convention.
[67] À mon avis, le demandeur a mal interprété les dispositions de la LIPR concernant l’ERAR. Contrairement à ce que le demandeur fait valoir, l’asile peut découler d’une demande d’ERAR favorable; toutefois, les personnes énumérées au paragraphe 112(3) de la LIPR ne peuvent se prévaloir de ce droit. En vertu de l’article 114 de la LIPR, une décision accueillant la demande d’asile dans le cas d’un demandeur non décrit au paragraphe 112(3) a pour effet de conférer l’asile; dans le cas d’un demandeur décrit au paragraphe 112(3), elle a pour effet d’accorder le sursis de l’exécution de la mesure de renvoi vers un pays ou un endroit à l’égard duquel il a été reconnu que le demandeur avait besoin de protection. Ainsi, le paragraphe 112(3) n’est pas une interdiction absolue qui empêche tous les demandeurs d’obtenir l’asile une fois que leur demande d’ERAR donne lieu à une décision favorable. Ce paragraphe énumère plutôt les personnes exclues de l’asile une fois que leur demande d’ERAR donne lieu à une telle décision.
[68] L’interprétation de l’expression « réfugié au sens de la Convention » en vertu de l’article premier et au sens de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR est au cœur de la présente controverse. La signification ordinaire des mots de cette disposition semble restreindre l’admissibilité à un renvoi à la SPR pour tous les demandeurs qui ont obtenu l’asile ou le statut de réfugié au sens de la Convention dans un autre pays et qu’ils peuvent y être renvoyés.
[69] L’interprétation législative ne peut s’appuyer uniquement sur la loi. Les termes d’une loi doivent recevoir leur sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. La Cour suprême du Canada a maintenu cette approche dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes (Re), précité, qui est conforme à l’article 10 de la Loi d’interprétation, L.R.O. 1990, ch. I.11, qui prévoit ce qui suit : « Les lois sont réputées apporter une solution de droit. » Cet article stipule aussi que les lois doivent « s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables ». En conséquence, je dois examiner les objets véritables de la LIPR avant de me prononcer de manière définitive sur la question.
[70] L’alinéa 3(2)a) de la LIPR prévoit qu’un des principaux objets de la LIPR à l’égard des réfugiés est « de reconnaître que le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution ». Compte tenu de cet objet, je dois être conscient de la relation entre le Canada et les États-Unis dans le contexte du droit des réfugiés et de l’accord de réciprocité qui existe entre les deux pays. Plus particulièrement, l’Entente sur les tiers pays sûrs est une entente entre les deux pays afin de mieux gérer le flot de demandeurs d’asile à la frontière qu’ils partagent. En vertu de cette Entente, les personnes qui demandent l’asile doivent présenter une demande dans le premier pays dans lequel elles arrivent (les États-Unis ou le Canada), à moins qu’elles ne soient admissibles à une exception en vertu de l’Entente. Bien qu’un demandeur d’asile puisse être admissible à une exception en vertu de l’Entente, il doit répondre à toutes les autres exigences d’admissibilité pour que sa demande d’asile soit renvoyée à la SPR.
[71] En l’espèce, la décision de l’agente Dela Cruz quant à l’inadmissibilité est compatible avec le principal objet de la LIPR, qui vise à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution, puisque M. Wangden peut être renvoyé aux États-Unis où il ne courra pas le risque d’être persécuté.
[72] Compte tenu des objets de la LIPR et du libellé de l’alinéa 101(1)d) de la LIPR, à mon avis, le législateur n’a pas prévu que cette disposition inclut la prise en compte de la question de savoir si une personne pouvait demeurer indéfiniment dans le pays dans lequel elle a été reconnue comme réfugié au sens de la Convention et où elle peut être renvoyée. Ce dont il faut se préoccuper est la question de savoir si ces personnes sont protégées contre les risques, non pas celle de savoir si elles jouissent de la panoplie complète des droits prévus par la Convention de 1951.
[73] Dans le cadre du même argument, j’examine le passage tiré de la décision Mohamed [1997], précitée, de la Cour fédérale que cite le défendeur dans son exposé des faits et du droit, décision dans laquelle le juge Rothstein discute de la question de la quête du meilleur pays d’asile [au paragraphe 9] :
Si le moyen invoqué par l’avocat des requérants au sujet du domicile était bien fondé, les requérants pourraient, de leur propre gré, rejeter la protection d’un pays en l’abandonnant unilatéralement pour un autre. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit en l’espèce. L’objet de la Convention de Genève est d’aider les personnes qui ont besoin de protection et non de venir en aide aux personnes qui préfèrent tout simplement demander asile dans un pays de préférence à un autre. La Convention et la Loi sur l’immigration devraient être interprétées en tenant compte de leur objectif véritable. [Non souligné dans l’original.]
[74] C’est exactement ce que tente de faire M. Wangden en quittant les États-Unis et en demandant l’asile au Canada. De son propre aveu, M. Wangden est implicitement en quête du meilleur pays d’asile puisqu’il recherche au Canada un statut plus favorable pour jouir des avantages qui découlent de la résidence permanente, y compris le droit de voyager à l’étranger et de parrainer d’autres personnes, droits dont il n’aurait pas pu jouir aux États-Unis en vertu du retrait du processus de renvoi.
[75] Bien qu’une personne à qui le retrait du processus de renvoi a été accordé bénéficie d’un éventail de droits plus limités que si elle avait obtenu l’asile en vertu de la loi américaine, elle jouit quand même de plusieurs droits importants. Les différences ne minent pas ma conclusion selon laquelle le retrait du processus de renvoi est équivalent à la reconnaissance à titre de réfugié au sens de la Convention.
[76] Finalement, je conviens avec le défendeur qu’il serait incompatible avec le processus administratif expéditif et relativement simple visant à écarter les demandes d’asile irrecevables de la SPR d’exiger que les agents d’immigration de première ligne effectuent un examen plus approfondi du statut des demandeurs dans un autre pays pour décider si les caractéristiques particulières des lois intérieures de ce ressort répondent à la définition de « réfugié » en vertu de la Convention. Ce n’est pas leur rôle; la SPR a la charge de faire cette évaluation. En l’espèce, les décideurs ont agi de façon raisonnable dans les limites de leurs pouvoirs.
[77] Pour les motifs que j’ai énoncés, je conclus que la décision de l’agente Dela Cruz quant à l’inadmissibilité était raisonnable compte tenu des éléments de preuve dont elle était saisie. Sa décision était également correcte en droit puisque les personnes visées par le retrait du processus de renvoi aux États-Unis sont des réfugiées au sens de la Convention selon l’alinéa 101(1)d) de la LIPR.
Questions certifiées
[78] Le demandeur a soumis la question suivante pour fins de certification :
[traduction] La réparation juridique ou le « retrait du processus de renvoi » aux États-Unis équivaut-t-il à la « reconnaissance de la qualité de réfugié » au sens de la Convention, selon l’alinéa 101(1)d) de la Loi de l’immigration et de la protection des réfugiés?
[79] Le défendeur soutient que la question telle que formulée par le demandeur est plus large que la question soulevée par ce dernier dans ses arguments écrits et oraux et ne serait pas déterminante quant à l’appel en l’espèce. Si la demande devait être accueillie, le défendeur a proposé la question suivante pour fins de certification :
[traduction] Le fait que les États-Unis d’Amérique retiennent, en théorie, le droit d’expulser un réfugié au sens de la Convention vers un pays où il ne risquerait pas d’être persécuté signifie-t-il que le demandeur n’a pas obtenu la « reconnaissance de la qualité de réfugié » au sens de la Convention, selon l’alinéa 101(1)d) de la LIPR?
[80] À mon avis, la question soumise par le demandeur serait déterminante quant à l’appel en l’espèce puisqu’elle déterminerait si le représentant du ministre a commis une erreur de fait importante en décidant que le demandeur jouissait du statut de réfugié au sens de la Convention aux États-Unis.
JUGEMENT
LA COUR STATUE QUE la demande est rejetée. La question suivante est certifiée :
La réparation juridique ou le « retrait du processus de renvoi » aux États-Unis équivaut-il à la « reconnaissance de la qualité de réfugié » au sens de la Convention, selon à l’alinéa 101(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?
ANNEXE
Dispositions législatives pertinentes
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés :
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :
(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
[. . .]
101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :
[. . .]
d) reconnaissance de la qualité de réfugié par un pays vers lequel il peut être renvoyé;
[. . .]
115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.
[. . .]
(3) Une personne ne peut, après prononcé d’irrecevabilité au titre de l’alinéa 101(1)e), être renvoyée que vers le pays d’où elle est arrivée au Canada sauf si le pays vers lequel elle sera renvoyée a été désigné au titre du paragraphe 102(1) ou que sa demande d’asile a été rejetée dans le pays d’où elle est arrivée au Canada.
La loi intitulée Immigration and Nationality Act de 1952 des États‑Unis, et ses modifications (l’INA) :
[traduction]
Article 101. [8 U.S.C. 1101] (a) Définitions. -
[. . .]
(42) Le mot « refugié » désigne :
(A) une personne qui est à l’extérieur de tout pays dont elle a la nationalité ou, dans le cas d’une personne qui n’a pas de nationalité, est à l’extérieur du dernier pays dans lequel elle a habituellement résidé, et qui ne peut pas ou ne veut pas retourner dans ce pays, et qui ne peut pas ou ne veut pas se prévaloir de la protection de celui‑ci, pour cause de persécution ou parce qu’elle craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.
[. . .]
Article 208. (a) Pouvoir de demander l’asile. -
(1) Disposition générale. - Tout étranger qui est physiquement présent aux États‑Unis ou qui y arrive (à un point d’arrivée désigné ou non et y compris un étranger qui est amené aux États‑Unis après avoir été interdit de territoire dans les eaux internationales ou américaines), peu importe son statut, peut demander l’asile conformément au présent article ou, le cas échéant, selon l’alinéa 235(b).
(2) Exceptions. -
(A) Tiers pays sûr. - Le paragraphe (1) ne s’applique pas à un étranger si le procureur général détermine que celui‑ci peut être renvoyé, conformément à un accord bilatéral ou multilatéral, vers un pays (autre que le pays de nationalité de l’étranger ou, dans le cas d’un étranger sans nationalité, dans le dernier pays où il a habituellement résidé) dans lequel sa vie ou sa liberté ne serait pas compromise du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, et où il aurait accès à une procédure juste et complète pour décider d’une demande d’asile ou visant une protection temporaire équivalente, à moins que le procureur général ne conclue qu’il est dans l’intérêt public de lui accorder l’asile aux États‑Unis.
(B) Délai. - Sous réserve du sous‑paragraphe (D), le paragraphe (1) ne s’applique pas à un étranger à moins que celui‑ci ne montre au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants que la demande a été déposée moins d’un an de la date de son arrivée aux États‑Unis.
(C) Demandes d’asile antérieures. - Sous réserve du sous‑paragraphe (D), le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’étranger qui a déjà présenté une demande d’asile, laquelle a été refusée.
(D) Situation modifiée. - Nonobstant les sous‑ paragraphes (B) et (C), la demande d’asile d’un étranger peut être examinée, s’il démontre à la satisfaction du procureur général soit l’existence d’une situation modifiée qui a une incidence importante sur son admissibilité à l’asile, soit l’existence d’une situation extraordinaire concernant le retard à présenter la demande à l’intérieur du délai prescrit par le sous‑paragraphe (B).
[. . .]
(3) Restriction concernant le contrôle judiciaire. - Aucun tribunal n’est compétent pour contrôler une décision du procureur général en vertu du paragraphe (2).
(b) Conditions pour accorder l’asile. -
(1) Disposition générale. - (A) ADMISSIBILITÉ- Le Secrétaire de la Sécurité intérieure ou le procureur général peut accorder l’asile à l’étranger qui en a fait la demande conformément aux exigences et procédures établies par le Secrétaire de la Sécurité intérieure ou le procureur général en vertu du présent article si le Secrétaire de la Sécurité intérieure ou le procureur général détermine que cet étranger est un réfugié au sens du sous‑alinéa 101(a)(42)(A).
(B) fardeau de la preuve-
(i) DISPOSITION DE LA PREUVE- Il incombe au demandeur d’établir qu’il est un réfugié au sens du sous‑alinéa 101(a)(42)(A). Pour établir qu’il est un réfugié au sens de ce sous‑alinéa, le demandeur doit établir que la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social particulier ou ses opinions politiques étaient ou seront au moins une cause principale de cette persécution.
[. . .]
(3) TRAITEMENT DU CONJOINT ET DES ENFANTS-
(A) DISPOSITION GÉNÉRALE. - Le conjoint ou l’enfant (tel que défini au sous‑alinéa 101(b)(1)(A), (B), (C), (D) ou (E) ) d’un étranger qui a obtenu l’asile en vertu du présent paragraphe peut, s’il n’est pas autrement admissible à l’asile en vertu du présent article, obtenir le même statut que l’étranger s’il accompagne ce dernier ou le suit pour le rejoindre.
[. . .]
(c) Asile. -
(1) Disposition générale. - Dans le cas d’un étranger qui avait obtenu l’asile en vertu du paragraphe (b), le procureur général -
(A) ne peut renvoyer ou retourner l’étranger vers son pays de nationalité ou, dans le cas d’une personne sans nationalité, vers le dernier pays dans lequel il a habituellement résidé;
(B) autorise l’étranger à avoir un emploi aux États‑Unis et il lui fournit le document nécessaire à cette autorisation;
(C) peut permettre à l’étranger de voyager à l’étranger avec le consentement préalable du procureur général.
(2) Fin de l’asile. - L’asile accordé en vertu du paragraphe (b) ne confère pas le droit de demeurer aux États‑Unis en permanence, et le procureur général peut y mettre fin s’il décide que ‑
(A) l’étranger ne répond plus aux conditions décrites au sous‑paragraphe (b)(1) en raison d’un changement fondamental de sa situation;
(B) l’étranger répond à une condition décrite au sous‑paragraphe (b)(2);
(C) l’étranger peut, en vertu d’un accord bilatéral ou multilatéral, être renvoyé vers un pays (autre que son pays de nationalité ou, dans le cas d’un étranger sans nationalité, le dernier pays dans lequel il a habituellement résidé) dans lequel sa vie ou sa liberté ne serait pas compromise du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques et où il aurait le droit d’obtenir l’asile ou une protection temporaire équivalente;
(D) l’étranger s’est volontairement prévalu de la protection offerte par son pays de nationalité ou, dans le cas d’un étranger sans nationalité, le dernier pays dans lequel il a habituellement résidé, en retournant dans ce pays avec ce statut de résident permanent ou la possibilité raisonnable d’obtenir ce statut accompagné des mêmes droits et obligations que possèdent les autres résidents permanents de ce pays;
(E) l’étranger a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité.
(3) Renvoi lorsqu’il est mis fin à l’asile. - Un étranger décrit au paragraphe (2) est assujetti à tout motif d’inadmissibilité ou d’expulsion applicable en vertu des alinéas 212(a) et 237(a), et le procureur général ordonne son renvoi ou son retour conformément aux articles 240 et 241.
(d) Procédure relative à l’asile. -
(1) Demandes. - Le procureur général met en place une procédure pour l’examen des demandes d’asile déposées en vertu de l’alinéa (a). Il peut exiger que les demandeurs fournissent leurs empreintes digitales et une photographie, au moment et de la manière prévus par règlement pris par le procureur général.
(2) Emploi. - Un demandeur d’asile n’a pas droit à une autorisation d’emploi, mais une telle autorisation peut être fournie conformément au règlement pris par le procureur général. Un demandeur qui n’est pas autrement admissible à une autorisation d’emploi ne reçoit pas une telle autorisation dans les 180 jours suivant la date de dépôt de la demande d’asile.
[. . .]
Article 241. (a) [. . .]
(b) Pays vers lesquels les étrangers peuvent être renvoyés. -
(3) Restriction relative au renvoi d’un étranger vers un pays où sa vie ou sa liberté serait compromise
(A) Disposition générale. - Nonobstant les paragraphes (1) et (2), le procureur général ne peut renvoyer un étranger vers un pays s’il décide que la vie ou la liberté de l’étranger serait compromise dans ce pays du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.
La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention ou la Convention de 1951) :
Article premier
Définition du Terme « Réfugié »
A. Aux fins de la présente Convention, le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne :
1) Qui a été considérée comme réfugiée en application des Arrangements du 12 mai 1926 et du 30 juin 1928, ou en application des Conventions du 28 octobre 1933 et du 10 février 1938 et du Protocole du 14 septembre 1939, ou encore en application de la Constitution de l’Organisation internationale pour les réfugiés,
Les décisions de non‑éligibilité prise par l’Organisation internationale pour les réfugiés pendant la durée de son mandat ne font pas obstacle à ce que la qualité de réfugié soit accordée à des personnes qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2 de la présente section;
2) Qui, par suite d’événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
Dans le cas d’une personne qui a plus d’une nationalité, l’expression « du pays dont elle a la nationalité » vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s’est pas réclamée de la protection de l’un des pays dont elle a la nationalité.
[. . .]
Article 32
Expulsion
1. Les États Contractants n’expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public.
2. L’expulsion de ce réfugié n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi. Le réfugié devra, sauf si des raisons impérieuses de sécurité nationale s’y opposent, être admis à fournir des preuves tendant à le disculper, à présenter un recours et à se faire représenter à cet effet devant une autorité compétente ou devant une ou plusieurs personnes spécialement désignées par l’autorité compétente.
3. Les États Contractants accorderont à un tel réfugié un délai raisonnable pour lui permettre de chercher à se faire admettre régulièrement dans un autre pays. Les États Contractants peuvent appliquer, pendant ce délai, telle mesure d’ordre interne qu’ils jugeront opportune.
Article 33
Défense d’Expulsion et de Refoulement
1. Aucun des États Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté seraient menacées en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.
2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.
Article 34
Naturalisation
Les États Contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s’efforceront notamment d’accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure possible, les taxes et les frais de cette procédure.
Le Protocole des Nations Unies relatif au statut des réfugiés de 1967, [1969] R.T. Can no 29 :
Article premier
Disposition Générale
1. Les États parties au présent Protocole s’engagent à appliquer aux réfugiés, tels qu’ils sont définis ci‑après, les articles 2 à 34 inclus de la Convention.
2. Aux fins du présent Protocole, le terme « réfugié », sauf en ce qui concerne l’application du paragraphe 3 du présent article, s’entend de toute personne répondant à la définition donnée à l’article premier de la Convention comme si les mots « par suite d’événements survenus avant le 1er janvier 1951 et » . . . et les mots « . . . à la suite de tels événements » ne figuraient pas au paragraphe 2 de la section A de l’article premier.