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Référence :

jayasekara c. canada, 2008 CAF 404, [2009] 4 R.C.F. 164

A-140-08

Ruwan Chandima Jayasekara (appelant)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)

Répertorié : Jayasekara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, juges Létourneau, Sharlow et Pelletier, J.C.A.—Toronto, 14 octobre; Ottawa, 17 décembre 2008.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Appel d’une décision de la Cour fédérale rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée à l’égard de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a conclu que l’appelant n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en application de l’art. 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) et de l’art. 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés pour cause de « grande criminalité » — L’appelant a plaidé coupable à des accusations de possession d’opium et à d’autres accusations de trafic de stupéfiants lorsqu’il vivait illégalement aux États‑Unis — Bien qu’il ait fini de purger sa peine d’emprisonnement aux É.‑U., il est venu au Canada sans obtenir la permission de son bureau de probation — La commission d’un crime « grave » de droit commun constitue l’élément central de la clause d’exclusion de l’art. 1Fb) de la Convention — Selon la Note d’information sur l’application des clauses d’exclusion : article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la gravité du crime doit être mesurée à l’aune des normes internationales — Suivant l’art. 101(2)b) de la LIPR, une demande d’asile est irrecevable devant la Section de la protection des réfugiés pour cause de « grande criminalité » si l’infraction, commise au Canada, constituerait une infraction punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans — L’interprétation de la clause d’exclusion à l’art. 1Fb) exige, en ce qui concerne la gravité du crime, que l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, etc. — La Commission a tenu compte de nombreux facteurs pour décider si l’appelant avait été déclaré coupable d’un crime grave à l’extérieur du Canada — La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant que la décision de la Commission était raisonnable — Appel rejeté.

Droit international — L’appelant n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention en application de l’art. 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et de l’art. 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés pour cause de « grande criminalité » — Les États signataires des conventions des Nations Unies sur les stupéfiants sont tenus de coordonner leurs mesures préventives et répressives contre le trafic de stupéfiants — Les États signataires définissent et considèrent le trafic de stupéfiants comme un crime grave.

Il s’agissait d’un appel d’une décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant à l’égard de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), qui a conclu que l’appelant n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en application de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) et de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. L’appelant a fui le Sri Lanka et est arrivé aux États-Unis, où il a vécu illégalement pendant plusieurs années. Aux É.‑U., il a été arrêté et accusé de trafic de stupéfiants; il a plaidé coupable à des accusations de vente d’opium et de possession de marijuana. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement et à une période de probation de cinq ans. Après avoir fini de purger sa peine d’emprisonnement, il est venu au Canada sans obtenir la permission de son bureau de probation. En conséquence, il était recherché aux É.‑U. à titre de fugitif.

La CISR a statué qu’il existait des raisons sérieuses de penser que l’appelant avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada et qu’il n’avait pas fini de purger sa peine aux É.‑U. Bien que la Cour fédérale ait certifié deux questions, il n’y avait lieu que d’examiner la première, soit celle de savoir si le fait d’avoir purgé une peine pour un crime grave avant d’arriver au Canada permet à l’intéressé d’échapper à l’application de l’alinéa 1Fb) de la Convention.

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

L’élément central de la clause d’exclusion de l’alinéa 1Fb) de la Convention est la commission d’un crime « grave » de droit commun. La Note d’information sur l’application des clauses d’exclusion : article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés donne à penser que la gravité du crime doit être mesurée à l’aune des normes internationales et pas suivant l’interprétation qui en est faite dans le pays d’accueil ou le pays d’origine pour éviter les profondes disparités qui peuvent exister entre les États relativement aux mêmes agissements. L’alinéa 101(2)b) de la LIPR dispose qu’une demande d’asile est irrecevable devant la Section de la protection des réfugiés pour cause de « grande criminalité » si la déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada vise une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans. Il s’agit d’une forte indication que le Canada considère les crimes entraînant ce type de sanction comme des crimes graves. S’il faut prendre en considération la durée de la peine infligée ou le fait qu’elle a été purgée pour établir la gravité du crime aux termes de l’alinéa 1Fb) de la Convention, il ne faut pas considérer ces facteurs isolément parce qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une peine clémente peut être prononcée même pour un crime grave. En outre, on ne doit pas ignorer le point de vue de l’État ou du pays d’accueil. Enfin, l’interprétation de la clause d’exclusion de l’alinéa 1Fb) de la Convention exige, en ce qui concerne la gravité du crime, que l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité.

Conformément aux trois conventions des Nations Unies sur les stupéfiants (à savoir la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la Convention sur les substances psychotropes, et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes), les États signataires sont tenus de coordonner leurs mesures préventives et répressives contre le trafic de stupéfiants, notamment en appliquant les dispositions pénales nécessaires. La plupart des États signataires définissent et considèrent le trafic de stupéfiants comme un crime grave. Le trafic d’opium au Canada constitue un crime grave. La personne qui vend cette substance se rend passible de l’emprisonnement à perpétuité. Pour décider si l’appelant avait été déclaré coupable d’un crime grave, qui justifiait l’application de la clause d’exclusion, la Commission a tenu compte de nombreux facteurs, dont la gravité des crimes et la peine infligée selon la législation américaine pertinente. La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il était raisonnable de la part de la Commission de conclure que la déclaration de culpabilité de l’appelant aux É.‑U. lui donnait de sérieuses raisons de penser que l’appelant avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du pays. La Cour a donc répondu par la négative à la première question certifiée.

    LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Code pénal, art. 222-37 (Fr.).

Controlled Substances Act, 21 U.S.C. § 841 (2006).

Criminal Code Act 1995 (Cth.), art. 302.4(1).

Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19, art. 5, ann. I.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)c.1)(i) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11; 1995, ch. 15, art. 2), 46.01(1)e)(i) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36; 1995, ch. 15, art. 9(F)).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 36(1), (3)c), 95(1), 96, 97, 98, 101, 112, 113, 114.

Misuse of Drugs Act 1971 (R.-U.), 1971, ch. 38, art. 4.

Misuse of Drugs Act 1975 (N.-Z.), 1975/116, art. 6.

    TRAITÉS ET AUTRES DOCUMENTS cités

Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, 20 décembre 1988, [1990] R.T. Can. n42.

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, Art. 1Fb).

Convention sur les substances psychotropes, 21 février 1971, [1988] R.T. Can. no 35.

Convention unique sur les stupéfiants de 1961, 30 mars 1961, [1964] R.T. Can. no 30.

Protocole portant amendement de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, 25 mars 1972, [1976] R.T. Can. no 48.

    JURISPRUDENCE CITÉE

décisions examinées :

T. v. Secretary of State for the Home Dept, [1996] 2 All ER 865 (H.L.); Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.); Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 3 C.F. 761; 2003 CAF 178; Ovcharuk v. Minister for Immigration and Multicultural Affairs (1998), 158 A.L.R. 289 (Aust. F.C.); Miguel-Miguel v. Gonzales, 500 F.3d 941 (9th Cir. 2007).

décisions citées :

Minister for Immigration and Multicultural Afffairs v. Singh (2002), 186 A.L.R. 393 (Aust. H.C.); Dhayakpa v. Minister of Immigration and Ethnic Affairs (1995), 62 F.C.R. 556 (Aust. F.C.); Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; Immigration and Naturalization Service v. Aguirre-Aguirre, 526 U.S. 415 (1999); S. v. Refugee Status Appeals Authority, [1998] 2 N.Z.L.R. 291 (C.A.); S. & Ors v. Secretary of State for the Home Department, [2006] EWCA Civ 1157; Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 1 R.C.F. 304; 2004 CAF 250; T. v. Secretary of State for the Home Department, [1995] 1 W.L.R. 545 (C.A.); R. v. B. (M.) (1987), 36 C.C.C. (3d) 573; 22 O.A.C. 100 (Ont. C.A.).

    DOCTRINE CITÉE

Goodwin-Gill, Guy S. and Jane McAdam. The Refugee in International Law, 3e éd. Oxford : Oxford Univ. Press, 2007.

Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Note d’information sur l’application des clauses d’exclusion : article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, 4 septembre 2003, en ligne : <http://www.unhcr.org/refworld/docid/
4110d7334.html>.

Nations Unies. Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés. Genève, réédition janvier 1992.

    APPEL d’une décision (2008 CF 238) par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant à l’égard de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (X.V.G. (Re), [2007] D.S.P.R. no 87 (QL)), qui a conclu que l’appelant n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention pour cause de « grande criminalité ». Appel rejeté.

    ONT COMPARU 

Michael E. Korman pour l’appelant.

Lisa J. Hutt pour l’intimé.

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER 

Otis & Korman, Toronto, pour l’appelant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

    Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

    Le juge Létourneau, J.C.A. :

Les questions certifiées et l’opportunité d’y répondre

[1]     La Cour est saisie de l’appel d’un jugement par lequel le juge suppléant Strayer de la Cour fédérale [2008 CF 238] a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant à l’égard de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) [X.V.G. (Re), [2007] D.S.P.R. no 87 (QL)]. Le juge a certifié les deux questions suivantes aux fins d’analyse par notre Cour [au paragraphe 18] :

1. Le fait d’avoir purgé une peine pour un crime grave avant d’arriver au Canada permet‑il à l’intéressé d’échapper à l’application de l’article 1Fb) de la Convention?

2. Si la réponse à la question 1 est affirmative, une peine est‑elle réputée purgée si l’auteur du crime est forcé de quitter le pays où il a commis le crime avant d’avoir fini de purger sa peine?

Par application de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et de la clause d’exclusion prévue à la section Fb) de l’article premier de la Convention [Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6], la Commission a conclu que l’appelant n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. En outre, la Commission a estimé que l’appelant n’était pas crédible et qu’il ne répondait pas aux critères de la Convention. Cette seconde conclusion de la Commission n’a pas été portée en appel. De ce point de vue, l’appel est sans objet.

[2]     Il résulte toutefois du rapprochement des alinéas 95(1)c) et 112(3)c) de la LIPR que la personne qui, aux termes de l’article 98 de la LIPR, est exclue de la définition de réfugié au sens de la Convention par application de la section Fb) de l’article premier de la Convention ne peut bénéficier de la protection offerte aux réfugiés.

[3]     Qui plus est, bien qu’elle puisse quand même présenter une demande de protection au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) si elle fait l’objet d’une mesure de renvoi, cette personne ne peut obtenir le statut de résident permanent. Aux termes du paragraphe 114(1) de la LIPR, la décision du ministre accordant la demande de protection a simplement pour effet de surseoir à la mesure de renvoi. Compte tenu des conséquences auxquelles le demandeur d’asile est ainsi exposé, je crois que notre Cour devrait se pencher sur les questions certifiées.

[4]     L’article 98 de la LIPR et l’interprétation à donner au mot « grave » dans l’expression « crime grave de droit commun » que l’on trouve à la section Fb) de l’article premier de la Convention comportent une dimension internationale. Ainsi que lord Llyod of Berwick l’explique dans l’arrêt T. v. Secretary of State for the Home Dept, [1996] 2 All ER 865 (H.L.), à la page 891, [traduction] « [d]ans une affaire portant sur une convention internationale, il est de toute évidence souhaitable que les décisions émanant de divers États soient, dans la mesure du possible, compatibles ». Pour cette raison, nous avons invité les parties à nous soumettre des observations complémentaires renvoyant à la jurisprudence internationale sur la question.

[5]     Plus précisément, les parties ont été invitées à citer des sources sur l’une ou l’autre des questions suivantes :

a) la gravité d’un crime de droit commun au sens de la section Fb) de l’article premier de la Convention est‑elle déterminée uniquement en fonction de la peine maximale qui peut être infligée pour un crime précis selon le droit interne du pays d’accueil?

b) pour tirer cette conclusion, peut‑on ou doit‑on tenir compte des faits se rapportant à la nature et à la gravité des actes commis?

La Cour a accordé aux parties jusqu’au 7 novembre 2008 pour produire leurs observations.

[6]     Avant d’exposer les faits, je reproduis les dispositions pertinentes :

La Convention

Article premier

Définition du Terme «Réfugié»

[. . .]

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:

    a)         qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

    b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

    c)  qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. [Non souligné dans l’original.]

La LIPR

PARTIE 1

IMMIGRATION AU CANADA

[. . .]

Section 4

Interdictions de territoire

[. . .]

    36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

[. . .]

PARTIE 2

PROTECTION DES RÉFUGIÉS

Section 1

Notions d’asile, de réfugié et
de personne à protéger

    95. (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

a) sur constat qu’elle est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d’un permis de séjour délivré en vue de sa protection;

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger;

c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).

[. . .]

    96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

    97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

         (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

         (ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

         (iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

         (iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

    (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

    98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

[. . .]

    101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

[. . .]

f) prononcé d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux — exception faite des personnes interdites de territoire au seul titre de l’alinéa 35(1)c) —, grande criminalité ou criminalité organisée.

    (2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité visée à l’alinéa (1)f) n’emporte irrecevabilité de la demande que si elle a pour objet :

a) une déclaration de culpabilité au Canada pour une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprison-nement maximal d’au moins dix ans et pour laquelle un emprisonnement d’au moins deux ans a été infligé;

b) une déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada, pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, le ministre estimant que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada.

[. . .]

Section 3

Examen des risques avant renvoi

Protection

    112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

[. . .]

    (3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

    113. Il est disposé de la demande comme il suit :

[. . .]

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

         (i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

         (ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

    114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant. [Non souligné dans l’original.]

Les faits

[7]     Les faits peuvent être résumés de la façon suivante. L’appelant, M. Ruwan Chandima Jayasekara, est un citoyen du Sri Lanka d’origine ethnique cingalaise. Il allègue avoir été ciblé au Sri Lanka par les Tigres tamouls. Il est arrivé en 1998 aux États-Unis, où il a vécu sans statut jusqu’en 2004.

[8]     En janvier 2004,  il a été arrêté dans l’État de New York et accusé de trafic de stupéfiants. Il a plaidé coupable à des accusations de vente criminelle au troisième degré d’une substance réglementée, en l’occurrence l’opium, et de possession criminelle de marijuana. En mars 2004, il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 29 jours et à une période de probation de cinq ans.

[9]     Un mois après avoir fini de purger sa peine d’emprisonnement, il a été convoqué à une audience en matière d’immigration et a reçu l’ordre de quitter de son plein gré les États-Unis au plus tard en octobre 2004.

[10]     Le 5 juillet 2004, il est entré au Canada et a demandé l’asile. Il ne s’est pas adressé à son bureau de probation pour obtenir la permission de quitter le territoire des États-Unis et un mandat d’arrestation a été lancé contre lui le 27 juillet 2004 parce qu’il était considéré comme un fugitif.

La décision de la Commission

[11]     La Commission a entendu la demande d’asile de l’appelant les 12 avril et 15 septembre 2006. Comme je l’ai mentionné précédemment, elle a estimé que l’appelant n’avait pas la qualité de réfugié par application de l’article 98 de la LIPR et de la section Fb) de l’article premier de la Convention parce qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada et qu’il n’avait pas fini de purger sa peine puisqu’il s’était enfui des États‑Unis pendant sa période de probation.

[12]     La Commission a également conclu que, même si l’appelant ne pouvait être exclu par application de la section Fb) de l’article premier de la Convention, il ne satisfaisait pas aux critères lui permettant de répondre à la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger. Ces conclusions, qui étaient fondées sur la crédibilité, ne sont pas contestées.

[13]     La demande de contrôle judiciaire que l’appelant a présentée devant la Cour fédérale porte uniquement sur son exclusion fondée sur l’article 98 de la LIPR et sur la section Fb) de l’article premier de la Convention.

Jugement de la Cour fédérale

[14]     Le juge a examiné la décision de la Commission en fonction de la norme de la décision raisonnable parce qu’essentiellement, la question de l’exclusion prononcée en vertu de l’article 98 de la LIPR et de la section Fb) de l’article premier de la Convention était une question mixte de fait et de droit qui supposait l’exercice d’un certain pouvoir discrétionnaire (voir le paragraphe 10 des motifs du jugement).

[15]     Le juge s’est également dit d’avis qu’il était raisonnable de la part de la Commission de conclure que la déclaration de culpabilité de l’appelant aux États‑Unis donnait à la Commission des raisons sérieuses de conclure que l’appelant avait commis un crime grave de droit commun à l’étranger. Il a estimé que cette conclusion était raisonnable parce que le délit commis par l’appelant était passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité au Canada. Au paragraphe 11 des motifs du jugement, le juge a écrit :

Il était parfaitement raisonnable de la part de la Commission de s’inspirer de la peine que prévoit le droit canadien et non de la gravité de la peine infligée aux États‑Unis pour mesurer la « gravité » du crime en question.

[16]     Pour ce qui est des questions certifiées, le juge a estimé que l’appelant n’avait pas fini de purger sa peine aux États-Unis puisqu’il avait quitté de son plein gré ce pays sans avoir accompli la plus grande partie de sa période de probation de cinq ans.

[17]     Enfin, en ce qui concerne l’argument de l’appelant suivant lequel la section Fb) de l’article premier de la Convention ne s’applique pas aux personnes qui ont purgé leur peine à l’étranger avant de venir au Canada, le juge a examiné les arrêts rendus par notre Cour dans les affaires Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.) et Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 3 C.F. 761 (C.A.). Il a conclu que la Commission avait là encore eu raison d’exclure l’appelant en vertu de la section Fb) de l’article premier de la Convention, même si l’appelant devait être considéré comme ayant purgé sa peine aux États-Unis.

Objet de la section Fb) de l’article premier de la Convention

[18]     Notre Cour a examiné l’objet de la section Fb) de l’article premier de la Convention dans les arrêts Chan et Zrig. L’avocat de l’appelant soutient que l’arrêt Chan s’applique toujours. Il fait valoir que, dans cet arrêt, notre Cour a posé le principe général voulant que la personne qui a purgé sa peine ne devrait pas être exclue par application de la section Fb) de l’article premier de la Convention.

[19]     L’appelant se fonde sur les propos suivants qu’a tenus le juge Robertson, au paragraphe 4 de l’arrêt Chan :

Si l’on présume, sans toutefois trancher la question, que l’infraction dont l’appelant a été déclaré coupable constitue un crime grave de droit commun, il est clair selon moi que la section Fb) de l’article premier ne saurait être invoquée dans les cas où le revendicateur a été déclaré coupable d’un crime et a purgé sa peine ailleurs qu’au Canada, avant d’arriver au pays. Je fonde cette conclusion sur deux motifs. Premièrement, des remarques incidentes que le juge Bastarache (s’exprimant au nom des juges majoritaires) a faites dans l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, et que le juge La Forest a faites dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, étayent une telle interprétation de la section Fb) de l’article premier, à l’instar de la doctrine. Deuxièmement, toute autre interprétation de cette section irait à l’encontre du régime législatif qu’établit la Loi sur l’immigration.

[20]     Dans cette affaire, notre Cour était appelée à concilier le texte de la section Fb) de l’article premier de la Convention avec celui des sous-alinéas 46.01(1)e)(i) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36; 1995, ch. 15, art. 9(F)] et 19(1)(c.1)(i) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11; 1995, ch. 15, art. 2] de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (l’ancienne Loi).

[21]     Les dispositions en question de l’ancienne Loi étaient ainsi libellées :

    19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

[. . .]

c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles ont, à l’étranger :

         (i) soit été déclarées coupables d’une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d’une loi fédérale, d’un emprisonnement maximum égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu’au moins cinq ans se sont écoulés depuis l’expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l’infraction;

[. . .]

    46.01 (1) La revendication de statut n’est pas recevable par la section du statut si l’intéressé se trouve dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

[. . .]

e) L’arbitre a décidé, selon le cas :

         (i) qu’il appartient à l’une des catégories non admissibles visées à l’alinéa 19(1)c) ou au sous-alinéa 19(1)c.1)(i) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada. [Non souligné dans l’original.]

[22]     Aux termes de l’article 46.01, la personne non admissible au Canada ne pouvait faire trancher sa demande par la section du statut [maintenant la Section de la protection des réfugiés]. En d’autres termes, elle n’avait pas droit à une audience concernant son statut de réfugié devant la section du statut.

[23]     Toutefois, le sous-alinéa 19(1)c.1)(i) créait une exception à l’inadmissibilité au Canada des personnes déclarées coupables à l’extérieur du Canada d’un crime qui pouvait être punissable au Canada d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à 10 ans.

[24]     En fait, la personne reconnue coupable de tels crimes pouvait quand même se voir reconnaître la qualité de réfugié et faire examiner sa demande par la section du statut si le ministre était convaincu qu’elle s’était réadaptée et qu’au moins cinq ans s’étaient écoulés depuis l’expiration de toute peine lui ayant été infligée pour l’infraction ou depuis la commission du fait.

[25]     Pour donner un sens aux dispositions de l’ancienne Loi relatives à la réadaptation, le juge Robertson a conclu, dans l’arrêt Chan, que la section Fb) de l’article premier de la Convention ne pouvait recevoir une interprétation qui se traduirait par l’exclusion générale de tous ceux qui avaient été jugés coupables de crimes graves au sens de la Loi. Une telle interprétation aurait privé le demandeur d’asile de la protection offerte par l’exception à la règle de l’inadmissibilité. Je tiens à ajouter qu’elle aurait aussi privé le ministre du pouvoir discrétionnaire que lui conférait l’alinéa 19(1)c.1) de cette Loi.

[26]     À mon humble avis, l’arrêt Chan appuie le principe que, selon les règles de droit qui étaient en vigueur à l’époque et qui, comme nous le verrons, ont depuis été modifiées par la LIPR, le demandeur d’asile qui avait été reconnu coupable d’un crime grave de droit commun et qui avait purgé sa peine ne se voyait pas nécessairement refuser le droit à une audience concernant le statut de réfugié et ne devenait pas nécessairement inadmissible à revendiquer le droit d’asile prévu par la Convention. Il conservait le droit de faire examiner sa demande d’asile par la section du statut si le ministre estimait qu’il s’était réadapté et qu’il ne constituait plus un danger pour le public.

[27]     Bien que l’arrêt Chan offre une certaine protection au demandeur d’asile et qu’il sauvegarde le pouvoir discrétionnaire du ministre, il n’appuyait pas alors et n’appuie pas maintenant, à mon humble avis, la proposition voulant que, peu importe les circonstances, un pays ne peut exclure un demandeur qui a été déclaré coupable et qui a purgé sa peine.

[28]     L’objectif déclaré dans l’arrêt Chan n’est ni le seul ni, comme le soutient l’appelant, nécessairement le principal objectif visé par l’exclusion prévue à la section Fb) de l’article premier de la Convention, ainsi qu’il ressort clairement de l’arrêt subséquent rendu par notre Cour dans l’affaire Zrig. À cet égard, notre collègue le juge Décary écrit ce qui suit, aux paragraphes 118 et 119 de l’arrêt Zrig :

Objectifs de la section F de l’article premier de la Convention en général, et de la section Fb) de l’article premier en particulier

    Ma lecture de la jurisprudence, de la doctrine et, bien sûr, quoi qu’il ait souvent été négligé, du texte même de la section F de l’article premier de la Convention, m’amène à conclure que cette section vise à réconcilier différents objectifs que je me permets de résumer comme suit : s’assurer que les auteurs de crimes internationaux ou d’agissements contraires à certaines normes internationales ne puissent se réclamer du droit d’asile; s’assurer que les auteurs de crimes ordinaires commis pour des motifs foncièrement politiques puissent trouver refuge dans un pays étranger; s’assurer que le droit d’asile ne soit pas utilisé par les auteurs de crimes ordinaires graves afin d’échapper au cours normal de la justice locale; et s’assurer que le pays d’accueil puisse protéger sa propre population en fermant ses frontières à des criminels qu’il juge indésirables en raison de la gravité des crimes ordinaires qu’il les soupçonne d’avoir commis. C’est ce quatrième objectif qui est véritablement en cause dans ce litige. (Je note, en passant, que les expressions « crimes ordinaires » et « crimes non politiques » sont synonymes de l’expression « crimes de droit commun » et sont employés indistinctement dans la doctrine et la jurisprudence.)

    Ces objectifs sont complémentaires. Le premier indique que la communauté internationale n’a pas voulu que ceux par qui la persécution arrivait profitent d’une Convention qui vise à protéger les victimes de leurs crimes. Le second indique que les signataires de la Convention acceptent ce principe fondamental du droit international que l’auteur d’un crime politique, même d’une extrême gravité, a le droit d’échapper aux autorités de l’État où il a commis son crime, la prémisse étant que cette personne ne saurait être jugée équitablement dans cet État et serait persécutée. Le troisième indique que les signataires n’acceptent pas que le droit d’asile soit transformé en garantie d’impunité au profit de criminels de droit commun dont la crainte réelle n’est pas d’être persécutés, mais d’être jugés par le pays qu’ils cherchent à fuir. Le quatrième indique que les signataires, s’ils sont prêts à sacrifier leur souveraineté, voire leur sécurité, quand il s’agit d’auteurs de crimes politiques, entendent au contraire les préserver, pour des raisons de sécurité et de paix sociale, quand il s’agit d’auteurs de crimes ordinaires graves. Ce quatrième objectif indique aussi que les signataires ont voulu s’assurer que la Convention soit acceptée par la population d’accueil qui ne risque pas d’être forcée, sous le couvert du droit d’asile, à côtoyer des individus particulièrement dangereux. [Non souligné dans l’original.]

[29]     Je souscris à cette analyse fouillée de notre collègue le juge Décary (voir aussi, sur l’existence et la portée de ce quatrième objectif, les décisions Minister for Immigration and Multicultural Affairs v. Singh (2002), 186 A.L.R. 393 (H.C. Aust.), aux paragraphes 94 et 95; Dhayakpa v. Minister of Immigration and Ethnic Affairs (1995), 62 F.C.R. 556 (C.F. Aust.), aux paragraphes 27, 28 et 29; Ovcharuk v. Minister for Immigration and Multicultural Affairs (1998), 158 A.L.R. 289 (C.F. Aust.). Ces objectifs sont complémentaires et aucun d’entre eux ne prime sur l’autre.

[30]     Certains aspects du raisonnement suivi dans l’arrêt Chan valent toujours dans le cas de la LIPR en raison de la règle d’irrecevabilité des demandeurs d’asile en vertu de la partie 2 de la LIPR [articles 95 à 116], telle que l’interdiction de territoire pour grande criminalité (voir les paragraphes 101(1) et 101(2) de la LIPR).

[31]     Il y a toutefois une différence notable entre la LIPR et l’ancienne Loi. Aux termes de l’alinéa
46.01(1)e) et du sous-alinéa 19(1)c.1)(i) de l’ancienne Loi, un revendicateur n’avait pas droit à une audience concernant son statut de réfugié s’il n’était pas admissible au Canada pour cause de grande criminalité sauf si, comme nous l’avons vu, le ministre était convaincu que le demandeur d’asile s’était réadapté et que cinq ans s’étaient écoulés depuis l’expiration de toute peine lui ayant été infligée pour l’infraction ou depuis la commission du fait (non souligné dans l’original).

[32]     Sous le régime de la LIPR, la règle relative à l’irrecevabilité a été modifiée. Ainsi, aux termes du paragraphe 101(2), l’interdiction de territoire pour grande criminalité n’emporte irrecevabilité de la demande « que si elle a pour objet [. . .] une déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada, pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, [et que] le ministre estim[e] que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada » (non souligné dans l’original).

[33]     En d’autres termes, l’ancienne Loi prévoyait une règle d’irrecevabilité dans le cas du demandeur d’asile qui n’était pas admissible pour cause de grande criminalité. Cette règle s’appliquait sauf lorsque l’exception jouait. Sous le régime de la LIPR, la règle est inversée. Le demandeur d’asile demeure admissible, à moins que l’exception ne s’applique.

[34]     Le concept de « peine purgée » demeure utile pour trancher la question de l’admissibilité au Canada en raison de l’alinéa 36(3)c) de la LIPR, qui porte sur la réadaptation.

[35]     Ce qui m’amène à répondre à la première question certifiée et au rôle que joue ou devrait jouer le droit interne en ce qui concerne l’interprétation de la clause d’exclusion prévue à la section Fb) de l’article premier de la Convention.

Le fait d’avoir purgé une peine pour un crime grave avant d’arriver au Canada permet‑il à l’intéressé d’échapper à l’application de la section Fb) de l’article premier de la Convention?

[36]     L’élément central de la clause d’exclusion de la section Fb) de l’article premier de la Convention est la commission d’un crime « grave » de droit commun. Mais qu’entend-on par crime « grave » ? Quels critères applique-t-on pour déterminer si le crime commis par un demandeur d’asile est grave au sens de la section Fb) de l’article premier de la Convention? Quelles normes retient-on pour prendre cette décision? Les normes internationales, les normes locales ou les deux? Le crime commis dans le cas qui nous occupe était-il suffisamment grave pour justifier l’application de la clause d’exclusion? Il convient maintenant d’aborder ces questions à la lumière de la section Fb) de l’article premier de la Convention.

a) Normes régissant la détermination de la gravité d’un crime

[37]     Suivant la Note d’information sur l’application des clauses d’exclusion : article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés publiée par l’UNHCR (le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés), au paragraphe 38, la gravité du crime « doit être mesurée à l’aune des normes internationales et pas simplement suivant l’interprétation qui en est faite dans le pays d’accueil ou le pays d’origine ». Cette façon de voir vise évidemment à éviter les profondes disparités qui peuvent exister entre les États relativement aux mêmes agissements. Ainsi que le juge Branson l’écrit dans la décision Ovcharuk v. Minister for Immigration and Multicultural Affairs, à la page 300, [traduction] « il suffit d’évoquer les régimes dans lesquels des comportements tels que la dissidence politique pacifique, la possession d’alcool et les tenues féminines jugées “indécentes” sont considérés comme étant des actes criminels graves ».

[38]     La Note d’information de l’UNHCR propose, au paragraphe 39, de tenir compte des facteurs suivants pour déterminer la gravité d’un crime pour l’application de la section Fb) de l’article premier de la Convention :

•   la nature de l’acte;

•   le dommage réellement causé;

•   la forme de la procédure employée pour engager des poursuites;

•   la nature de la peine encourue pour un tel crime;

•   si la plupart des juridictions considéreraient l’acte en question comme un crime grave.

La Note d’information poursuit en donnant comme exemples de crimes graves le meurtre, le viol, l’incendie criminel et le vol à main armée. Ils citent également d’autres infractions qui pourraient être considérés comme graves « si elles associent l’usage d’armes mortelles, si elles impliquent des blessures graves sur des personnes ou s’il est prouvé que la conduite criminelle grave est habituelle ou d’autres facteurs similaires » (au paragraphe 40). On renvoie ici clairement aux circonstances entourant la perpétration d’un crime dont, suivant la Note d’information, l’on devrait tenir compte pour évaluer la gravité du crime.

[39]     La Note d’information de l’UNHCR n’est pas impérative, pas plus que le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Genève, réédition janvier 1992, bien que les tribunaux puissent consulter le Guide pour y trouver des lignes directrices (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux pages 713 et 714; Dhayakpa, au paragraphe 27; Ovcharuk, à la page 294; Immigration and Naturalization Service v. Aguirre-Aguirre, 526 U.S. 415 (1999), aux pages 426 à 428. Je suis également d’accord pour dire que le Guide ne saurait avoir préséance sur la mission de la Cour de statuer sur les termes de la Convention (voir les motifs du jugement du juge Henry dans S. v. Refugee Status Appeals Authority, [1998] 2 N.Z.L.R. 291 (C.A.), aux pages 299 et 300.

[40]     Pour déterminer si une demande d’asile est irrecevable devant la Section de la protection des réfugiés pour cause de « grande criminalité », l’alinéa 101(2)b) de la LIPR exige que l’intéressé ait fait l’objet d’une déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada, pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans. Il faut y voir une forte indication de la part du législateur que le Canada, en tant que pays d’accueil, considère les crimes entraînant ce type de sanction comme des crimes graves. Dans le cas d’un crime commis à l’extérieur du Canada, l’alinéa 101(2)b) ne tient pas compte de la durée de la peine effectivement infligée. Il convient de mettre cette disposition en contraste avec l’alinéa
101(2)a), qui porte sur l’interdiction de territoire en raison d’une déclaration de culpabilité au Canada. Dans ce dernier cas, le législateur fédéral a jugé à propos d’exiger que l’infraction soit punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans et qu’un emprisonnement d’au moins deux ans ait été infligé.

[41]     Je suis d’accord avec l’avocate de l’intimé pour dire que, si aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention, il faut tenir compte de la durée de la peine infligée ou du fait qu’elle a été purgée, il ne faut pas considérer ces facteurs isolément. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une peine clémente peut effectivement être prononcée même pour un crime grave, ce qui ne diminue en rien la gravité du crime commis. En revanche, une personne peut encourir dans certains pays des peines d’emprisonnement prolongées pour des actes qui ne sont pas considérés criminels au Canada.

[42]     De plus, dans de nombreux pays, pour déterminer la peine à infliger pour une infraction criminelle, on ne tient pas uniquement compte de la gravité du crime. Ainsi, une personne impliquée dans un réseau de prostitution peut, par intérêt personnel, aider les autorités chargées des poursuites à démanteler le réseau en question en échange d’une peine légère. Ou encore un contrevenant peut obtenir une peine plus clémente en échange d’un plaidoyer de culpabilité qui épargne à la victime l’épreuve de devoir témoigner au sujet d’une agression sexuelle traumatisante. On peut éviter la tenue de mégas procès longs et coûteux impliquant de nombreux accusés en négociant des plaidoyers de culpabilité et des peines moins lourdes. Les négociations relatives aux peines à infliger peuvent être liées à des engagements de confidentialité, à la protection de personnes et au secret professionnel de l’avocat. Il se peut que l’accès à certains renseignements confidentiels, protégés et privilégiés soit interdit, de sorte qu’un examen isolé d’une peine clémente par une autorité chargée de la révision donnerait une image déformée de la gravité du crime dont le contrevenant a été reconnu coupable.

[43]     Bien qu’il faille tenir compte des normes internationales, on ne doit pas ignorer le point de vue de l’État ou du pays d’accueil lorsqu’il s’agit de déterminer la gravité du crime. Après tout, comme nous l’avons déjà évoqué, c’est à l’État ou au pays d’accueil qu’est conférée la protection prévue à la section Fb) de l’article premier de la Convention. C’est d’ailleurs ce que reconnait la Note d’information de l’UNHCR (voir le paragraphe 36).

[44]     Je crois que les tribunaux s’entendent pour dire que l’interprétation de la clause d’exclusion de la section Fb) de l’article premier de la Convention exige, en ce qui concerne la gravité du crime, que l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité (voir S. v. Refugee Status Appeals Authority; S. & Ors v. Secretary of State for the Home Department, [2006] EWCA Civ 1157; Miguel-Miguel v. Gonzales, 500 F.3d 941 (9th Cir. 2007), 29 août 2007, aux pages 945, 946 et 947). En d’autres termes, peu importe la présomption de gravité qui peut s’appliquer à un crime en droit international ou selon la loi de l’État d’accueil, cette présomption peut être réfutée par le jeu des facteurs précités. On ne met toutefois pas en balance des facteurs étrangers aux faits et aux circonstances sous-jacents à la déclaration de culpabilité comme, par exemple, le risque de persécution dans le pays d’origine (voir Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), au paragraphe 38; Immigration and Naturalization Service v. Aguirre-Aguirre, à la page 427; T. v. Secretary of State for the Home Department, [1995] 1 W.L.R. 545 (C.A.), aux pages 554 et 555; Dhayakpa v. Minister of Immigration and Ethnic Affairs, au paragraphe 24).

[45]     Ainsi, une coercition qui ne permet pas d’invoquer le moyen de défense de droit criminel de la contrainte peut constituer une circonstance atténuante pertinente pour évaluer la gravité du crime commis. Le préjudice causé à la victime ou à la société, l’utilisation d’une arme, le fait que le crime a été commis par un groupe criminel organisé, etc. seraient également des facteurs pertinents à considérer.

[46]     Je tiens par ailleurs à ajouter, par souci de clarté, qu’à l’instar de la Grande-Bretagne et des États‑Unis, le Canada dispose d’un nombre assez élevé d’infractions hybrides, c’est-à-dire d’infractions qui, selon les circonstances aggravantes ou atténuantes entourant leur perpétration, peuvent être punissables par procédure sommaire ou, plus sévèrement, sur acte d’accusation. Dans des pays où cette option existe, le choix du mode de poursuite est utile pour évaluer la gravité du crime s’il existe une différence marquée entre la peine prévue pour une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité et celle prévue pour un geste punissable sur acte d’accusation.

b) Le crime commis en l’espèce est-il grave et justifiait-il l’application de la clause d’exclusion?

[47]     On se rappellera que l’appelant a été reconnu coupable aux États-Unis de trafic d’une drogue dure, en l’occurrence l’opium.

[48]     Il est acquis aux débats que, dans notre société, le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes est susceptible d’entraîner des conséquences tant sur le plan humain que sur le plan économique. Ainsi que la preuve le révèle, le trafic de stupéfiants est considéré comme un crime grave partout dans le monde. Dans leur ouvrage The Refugee in International Law, 3éd., Oxford University Press, 2007, à la page 179, les auteurs G. S. Goodwin-Gill et J. McAdam mentionnent que l’UNHCR, pour promouvoir l’uniformité des décisions [traduction] « a proposé qu’en l’absence de tout facteur politique, la preuve de l’une des infractions suivantes soit considérée comme valant présomption de crime grave : homicide, viol, sévices sexuels sur la personne d’un enfant, coups et blessures graves, incendie criminel, trafic de drogue et vol à main armée » (non souligné dans l’original).

[49]     Conformément aux trois conventions des Nations Unies sur les stupéfiants, à savoir la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 [30 mars 1961, [1964] R.T. Can. no 30] (modifiée par le Protocole du 25 mars 1972 [Protocole portant amendement de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, [1976] R.T. Can. no 48]); la Convention sur les substances psychotropes, 21 février 1971, [1988] R.T. Can. no 35; et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, 20 décembre 1988, [1990] R.T. Can. no 42, les États signataires sont tenus de coordonner leurs mesures préventives et répressives contre le trafic de stupéfiants, notamment en appliquant les dispositions pénales nécessaires. Le choix de dispositions pénales est à la discrétion de l’État membre et leur nombre peut être supérieur à celui prévu par les Conventions si les États membres le jugent souhaitable ou nécessaire pour assurer la protection de la santé et du bien-être de leur population.

[50]     Comme les dispositions pénales édictées le laissent entrevoir, la plupart des États signataires définissent et considèrent le trafic de stupéfiants comme un crime grave. Contrairement à la simple possession, le trafic de stupéfiants est habituellement punissable d’emprisonnement. Au Canada, la peine maximale prévue pour le trafic de stupéfiants est de 18 mois dans le cas d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité et de l’emprisonnement à perpétuité pour une infraction punissable sur acte d’accusation, selon la substance faisant l’objet du trafic (voir la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19, article 5).

[51]     Dans d’autres pays, la peine infligée est égale ou supérieure à celle qui est appliquée chez nous et peut comprendre à la fois l’incarcération et la condamnation à une amende. Les États-Unis prévoient également une série de peines selon la nature de la substance faisant l’objet du trafic, selon que le trafic a entraîné comme conséquence des blessures graves ou la mort, et selon que l’intéressé a déjà été déclaré coupable ou non. Dans l’ensemble, les peines se situent entre un minimum d’un an de prison et l’emprisonnement à perpétuité et les amendes varient entre 100 000 $ et 20 000 000 $ selon que le contrevenant est une personne physique ou non, pour reprendre la formulation de l’article (voir 21 U.S.C. § 841 (2006) [Controlled Substances Act]). Dans une affaire récente comparable à celle qui nous est soumise dans laquelle l’accusé avait plaidé coupable à l’accusation d’avoir vendu 0,26 grammes de cocaïne sous forme de cristaux pour 20 $, la Cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit a, en août 2007, confirmé la présomption que l’accusé avait commis un crime grave. L’accusé avait été condamné à la peine purgée (36 jours), à une amende de 200 $ et à une période de probation de cinq ans (voir Miguel-Miguel c. Gonzales).

[52]     Des peines moins sévères, mais semblables, sont prévues par le législateur en Angleterre, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en France. Au Royaume-Uni, la peine maximale prévue pour le trafic de stupéfiants est de 3 à 12 mois d’emprisonnement ou de 400 à 2 500 livres d’amende ou les deux dans le cas d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. Dans le cas d’une infraction punissable sur acte d’accusation, la peine est plus sévère et se situe entre cinq ans et l’emprisonnement à perpétuité ou une amende ou les deux (voir la Misuse of Drugs Act 1971 (R.-U.), 1971, ch. 38, article 4 et annexe 4). De même, l’Australie permet de condamner à 10 ans d’emprisonnement ou à 2 000 unités ou aux deux (voir la Criminal Code Act 1995 (Cth.), paragraphe 302.4(1)). La Nouvelle‑Zélande prévoit, pour les actes criminels en matière de trafic de stupéfiants, une série de peines allant de huit ans d’emprisonnement à l’emprisonnement à perpétuité selon la substance et, dans le cas des infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité, des peines maximale d’un an d’emprisonnement ou une amende de 1 000 $ (voir la Misuse of Drugs Act 1975 (N.-Z.), 1975/116, article 6). Enfin, la France prévoit une peine de 10 ans d’emprisonnement et de 7,5 millions d’euros d’amende lorsque les stupéfiants ont servi à la revente plutôt qu’à la consommation personnelle (voir le Code Pénal, article 222-37).

[53]     Au Canada, l’opium est classé à l’annexe 1 et, selon l’alinéa 5(3)a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la personne qui vend cette substance se rend passible de l’emprisonnement à perpétuité. Il n’y a aucun doute que le législateur considère le trafic d’opium comme un crime grave.

[54]     Aux États-Unis, l’acte commis par l’appelant était considéré comme un acte délictueux grave de catégorie B. Malgré le fait qu’il s’agissait de sa première infraction, l’appelant a été condamné à 29 jours d’emprisonnement et à une période de probation de cinq ans. Une ordonnance de probation, surtout une probation de cinq ans, n’est pas nécessairement une peine légère, car elle est assortie de restrictions qui peuvent limiter considérablement la liberté de l’intéressé, en plus d’entraîner des conséquences pénales en cas de violation (voir R. c. B. (M.) (1987), 36 C.C.C. (3d) 573 (C.A. Ont.).

[55]     Pour décider si l’appelant avait été déclaré coupable d’un crime grave, la Commission a tenu compte des facteurs suivants :

a) la gravité des crimes (le trafic d’opium et la possession criminelle de marijuana) selon la législation de l’État de New York qui, même dans le cas d’une première infraction, peut donner lieu à une peine d’emprisonnement et à une période de probation de cinq ans;

b) la peine infligée par le tribunal new-yorkais;

c) les faits à la base de la déclaration de culpabilité, à savoir la nature de la substance faisant l’objet du trafic et de la possession, le trafic de l’opium en trois parties, la quantité de stupéfiants ayant fait l’objet de la possession et du trafic;

d) la conclusion tirée par notre Cour dans l’arrêt Chan suivant laquelle un crime est un crime grave de droit commun si une peine maximale de 10 ans aurait pu être infligée si le crime avait été commis au Canada;

e) la gravité objective du crime de trafic d’opium au Canada qui peut donner lieu à une peine d’emprisonnement à perpétuité;

f) le fait que l’appelant a violé son ordonnance de probation en faisant défaut à trois reprises de se présenter à son agent de probation et en prenant finalement la fuite.

[56]     J’estime que le juge n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il était raisonnable de la part de la Commission de conclure, au vu de ces faits, que la déclaration de culpabilité aux États‑Unis lui donnait de sérieuses raisons de penser que l’appelant avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du pays.

c)   Réponse à la première question certifiée

[57]     La Cour répond par la négative à la première question, formulée comme suit :

Le fait d’avoir purgé une peine pour un crime grave avant d’arriver au Canada permet‑il à l’intéressé d’échapper à l’application de l’article 1Fb) de la Convention?

[58]     Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis parvenu en ce qui concerne la première question certifiée, il n’est pas nécessaire de répondre à la seconde question.

Dispositif

[59]     Pour ces motifs, je rejetterais l’appel. Je suis redevable aux deux avocats pour l’assistance qu’ils ont apportée à la Cour pour l’aider à résoudre les questions qui lui étaient soumises.

    La juge Sharlow, J.C.A. : Je suis d’accord.

    Le juge Pelletier, J.C.A. : Je suis d’accord.

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