Référence : |
makhija c. canada, 2008 CAF 402, [2009] 4 R.C.F. 85 |
A-132-08 |
Procureur général du Canada (appelant)
c.
Neelam Makhija (intimé)
Répertorié : Makhija c. Canada (Procureur général)
(C.A.F.)
Cour d’appel fédérale, juges Nadon, Blais et Pelletier, J.C.A.—Montréal, 17 novembre; Ottawa, 15 décembre 2008.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi sur l’enregistrement des lobbyistes, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44, préambule (mod. par L.C. 2003, ch.10, art.1), art. 5 (mod., idem, art. 4), 7(1) (mod., idem, art. 7), 8, 10.2 (édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5; 2004, ch. 7, art. 39), 10.3 (édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5; 2003, ch. 10, art. 9), 10.4 (édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5; 2004, ch. 7, art. 23, 39).
DOCTRINE CITÉE
APPEL d’une décision ([2009] 1 R.C.F. 137; 2008 CF 327) par laquelle la Cour fédérale a fait droit à la demande présentée par l’intimé pour obtenir le contrôle judiciaire de quatre décisions du directeur des lobbyistes au motif que le directeur n’avait pas le pouvoir d’enquêter étant donné que l’intimé ne s’était pas enregistré en vertu de la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes. Appel accueilli.
ONT COMPARU
Nathalie Benoit pour l’appelant.
Michael N. Bergman pour l’intimé.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant.
Bergman & Associates, Montréal, pour l’intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1] Le juge Pelletier, J.C.A. : La Cour est saisie de l’appel d’une décision, [2009] 1 R.C.F. 137, par laquelle le juge Martineau de la Cour fédérale (le juge de première instance) a fait droit à la demande présentée par M. Neelam Makhija en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de quatre décisions du directeur des lobbyistes au motif que le directeur n’avait pas le pouvoir d’enquêter étant donné que M. Makhija ne s’était pas « enregistré » en tant que lobbyiste conformément à la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44, modifiée (la Loi).
[2] On trouve l’essentiel du raisonnement du juge de première instance au paragraphe 84 de ses motifs modifiés de l’ordonnance :
Celui qui se livre à des activités de lobbyisme est tenu de s’enregistrer selon la Loi, et celui qui ne s’enregistre pas contrevient à la Loi. Cependant, eu égard au régime légal tel qu’il existait durant la période considérée, le directeur n’était pas habilité à enquêter sur une violation présumée de la Loi. Le pouvoir du directeur se limitait à enquêter sur des violations présumées du code. Vu que le demandeur, parce qu’il ne s’était pas enregistré, n’était pas soumis au code, je suis d’avis que le directeur a excédé son pouvoir et a commis une erreur en rendant (et en déposant devant le Parlement) les quatre décisions.
[3] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le juge de première instance a commis une erreur en tirant la conclusion à laquelle il est arrivé au sujet du pouvoir du directeur et j’estime que l’affaire doit lui être renvoyée pour qu’il procède à une nouvelle audition de la demande de contrôle judiciaire sur le fond de l’affaire.
[4] Ainsi que le précise son préambule [mod. par L.C. 2003, ch. 10, art. 1], la Loi a pour objet « d’accorder aux titulaires d’une charge publique et au public la possibilité de savoir qui se livre à des activités de lobbyisme ». Les alinéas 5(1)a) [mod., idem, art. 4] et b) [mod., idem] de la Loi définit (dans le cas des lobbyistes-conseils) les activités de lobbyisme, qui donnent lieu à l’obligation de fournir au commissaire, en la forme réglementaire, une déclaration, comme le fait de :
5. (1) [. . .]
a) [. . .] communiquer avec le titulaire d’une charge publique au sujet des mesures suivantes :
(i) l’élaboration de propositions législatives par le gouvernement fédéral ou par un sénateur ou un député,
(ii) le dépôt d’un projet de loi ou d’une résolution devant une chambre du Parlement, ou sa modification, son adoption ou son rejet par celle-ci,
(iii) la prise ou la modification de tout règlement au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les textes réglementaires,
(iv) l’élaboration ou la modification d’orientation ou de programmes fédéraux,
(v) l’octroi de subventions, de contributions ou d’autres avantages financiers par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom,
(vi) l’octroi de tout contrat par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom;
b) à ménager pour un tiers une entrevue avec le titulaire d’une charge publique.
[5] Il est important de reconnaître que c’est le fait de se livrer à ces activités qui fait naître l’obligation de déposer la déclaration réglementaire, ainsi qu’il ressort de la disposition liminaire de l’article 5, dans le cas des lobbyistes-conseils :
5. (1) Est tenue de fournir au directeur, en la forme réglementaire, une déclaration contenant les renseignements prévus au paragraphe (2) toute personne (ci-après « lobbyiste-conseil ») qui, moyennant paiement, s’engage, auprès d’un client, d’une personne physique ou morale ou d’une organisation :
a) à communiquer avec le titulaire d’une charge publique [. . .]
[6] Par conséquent, l’obligation de déposer la déclaration réglementaire naît chaque fois qu’une personne s’engage à se livrer à des activités de lobbyisme pour le compte d’un client.
[7] La Loi autorise aussi le registraire général du Canada à désigner un directeur chargé de tenir un registre contenant toutes les déclarations réglementaires déposées par les personnes se livrant à des activités de lobbyisme (voir l’article 8 de la Loi). La Loi oblige le directeur, en consultation avec les personnes et les organisations intéressées, à élaborer un Code de déontologie des lobbyistes « portant sur toutes les activités visées aux paragraphes 5(1) et 7(1) » (voir l’article 10.2 [édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5;
2004, ch. 7, art. 39] de la Loi). Les activités visées au paragraphe 5(1) sont celles qui sont énumérées aux alinéas 5(1)a) et b) de la Loi. Le paragraphe 7(1) [mod. par L.C. 2003, ch. 10, art. 7] traite des lobbyistes salariés. Les activités de ces lobbyistes sont essentiellement les mêmes que celles qui sont décrites à l’alinéa 7(1)a).
[8] Comme c’est l’engagement de se livrer à des activités de lobbyisme qui donne lieu à l’obligation de déposer la déclaration réglementaire, il n’est pas étonnant que ce soit le même engagement qui fait naître l’obligation de se conformer au code [paragraphe 10.3(1) (édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5; 2003, ch. 10, art. 9)] :
10.3 (1) Doivent se conformer au code :
a) la personne tenue de fournir une déclaration en application du paragraphe 5(1);
b) l’employé qui, aux termes des alinéas 7(3)f) ou f.1), est nommé dans une déclaration fournie en application du paragraphe 7(1).
[9] Il s’ensuit que le juge de première instance a commis une erreur en concluant que M. Makhija, « parce qu’il ne s’était pas enregistré, n’était pas soumis au code » (paragraphe 84 des motifs du juge de première instance). Si M. Makhija était tenu de déposer la déclaration réglementaire parce qu’il s’était engagé à se livrer à des activités de lobbyisme, il était, pour la même raison, tenu de se conformer au Code.
[10] Les pouvoirs d’enquête du directeur, qui faisaient l’objet de la demande de contrôle judiciaire, sont énoncés à l’article 10.4 [édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5; 2004, ch. 7, art. 23 et 39] de la Loi :
10.4 (1) Le directeur fait enquête lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis une infraction au code.
[11] En conséquence, en supposant que le directeur avait des motifs raisonnables de croire qu’une personne avait commis une infraction au Code, il avait le droit de faire enquête pour vérifier si cette personne s’était conformée aux modalités du Code et ce, peu importe que celle-ci ait déposé ou non la déclaration réglementaire relativement aux activités de lobbyisme en question.
[12] L’erreur que le juge de première instance a commise en ce qui concerne l’application du Code à une personne qui n’avait pas déposé de déclaration réglementaire relativement à ses activités de lobbyisme l’a amené à mettre fin à son examen de la demande de contrôle judiciaire de M. Makhija, sans statuer sur le fond. L’affaire doit par conséquent lui être renvoyée pour lui permettre d’achever la tâche qui lui était confiée.
[13] Je suis par conséquent d’avis d’accueillir l’appel, d’annuler les ordonnances par lesquelles le juge de première instance a :
1) accueilli la demande de contrôle judiciaire, avec dépens en faveur du demandeur;
2) annulé chacune des quatre décisions visées par la demande de contrôle judiciaire;
3) enjoint au directeur de prendre sur-le-champ toutes les mesures nécessaires auprès du président du Conseil du Trésor pour faire enlever les quatre décisions qui ont été déposées devant la Chambre des communes et devant le Sénat, respectivement le 19 mars 2007 et le 20 mars 2007.
4) adjugé à M. Makhija les dépens de la demande;
et de renvoyer l’affaire au juge de première instance en lui donnant pour directive de statuer sur la demande de contrôle judiciaire en partant du principe que le directeur avait le pouvoir d’enquêter sur la question de savoir si une infraction au Code avait été commise.
[14] Comme le procureur général du Canada n’a pas réclamé les dépens de l’appel, aucuns dépens ne seront adjugés.
Le juge Nadon, J.C.A. : Je suis d’accord.
Le juge Blais, J.C.A. : Je suis d’accord.