[2009] 3 R.C.F. johnson c. bell canada #
T-1385-07
2008 CF 1086
Donald Peter Johnson (demandeur)
c.
Bell Canada (défenderesse)
Répertorié : Johnson c. Bell Canada (C.F.)
Cour fédérale, juge Zinn—Halifax, 21 août; Ottawa, 26 septembre 2008.
Protection des renseignements personnels — Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la LPRPDE) — Contrôle judiciaire de la conclusion du commissaire à la protection de la vie privée portant que l’employeur défendeur s’était acquitté de son obligation issue de la LPRPDE de divulguer des renseignements personnels en réponse à la demande d’accès de l’employé demandeur aux messages électroniques le concernant — Les courriels personnels n’ont pas été recueillis par la défenderesse dans le cadre d’une entreprise fédérale au sens de l’art. 4(1)b) de la LPRPDE — La dispense de l’application de la LPRPDE prévue à l’art. 4(2)b) de la LPRPDE peut être invoquée pour exclure les renseignements personnels qu’un particulier recueille, utilise ou communique exclusivement à des fins personnelles ou domestiques, et cette dispense ne peut être écartée du simple fait que l’équipement dont l’intéressé s’est servi, il y avait accès en raison de son emploi ou de son poste — L’organisation qui reçoit une demande d’accès large dispose de deux possibilités : elle peut soit demander à l’auteur de la demande s’il peut cibler celle-ci davantage, soit procéder à une recherche raisonnable de renseignements de laquelle elle peut attendre raisonnablement une réponse à la demande d’accès — La défende- resse a effectué une recherche qui lui a permis de s’acquitter des obligations issues de la LPRPDE — Aucune preuve ne laissait croire que la défenderesse n’observait pas l’art. 8(8) de la LPRPDE, qui impose à une organisation l’obligation de conserver les renseignements pouvant s’avérer pertinents pour donner suite à la demande le temps nécessaire pour que l’auteur de celle-ci ait épuisé ses voies d’appel — Demande rejetée.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la conclusion du commissaire à la protection de la vie privée portant que l’employeur défendeur s’était acquitté de son obligation issue de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la LPRPDE) de divulguer des renseignements personnels en réponse à la demande d’accès de l’employé demandeur aux messages électroniques le concernant envoyés ou reçus par des collègues et qui étaient stockés dans les ordinateurs, serveurs et dispositifs de stockage de la défenderesse.
Les questions principales que la Cour devait trancher en réponse à la demande d’accès du demandeur étaient celles de savoir si : 1) les courriels personnels étaient assujettis à la LPRPDE et devaient être communiqués par la défenderesse; 2) la défenderesse avait effectué une recherche qui lui a permis de s’acquitter des obligations issues de la LPRPDE; et 3) la défenderesse avait omis, en violation du paragraphe 8(8) de la LPRPDE, de conserver des renseignements personnels qui auraient été pertinents aux fins de la demande d’accès.
Jugement : la demande doit être rejetée.
1) Les courriels concernant une personne constituent à son égard des renseignements personnels au sens de la LPRPDE. Cependant, les courriels personnels en cause en l’espèce n’ont pas été recueillis par la défenderesse dans le cadre d’une entreprise fédérale au sens de l’alinéa 4(1)b) de la LPRPDE. Il s’agissait de captures accessoires de renseignements utiles au plan commercial qui étaient traités par la défenderesse. S’agissant de courriels personnels, les renseignements ne servaient pas une fin d’entreprise.
La dispense prévue à l’alinéa 4(2)b) de la LPRPDE peut être invoquée pour exclure les renseignements personnels qu’un particulier recueille, utilise ou communique exclusivement à des fins personnelles ou domestiques, et cette dispense ne peut être écartée du simple fait que l’équipement dont l’intéressé s’est servi, il y avait accès en raison de son emploi ou de son poste. Bien qu’on puisse concevoir des situations où la protection offerte par l’alinéa 4(2)b) ne sera pas disponible, aucune preuve ne faisait état de l’existence de circonstances exceptionnelles en l’espèce.
2) L’organisation qui reçoit une demande d’accès aussi large que celle présentée par le demandeur dispose de deux possibilités : elle peut soit demander à l’auteur de la demande s’il peut cibler celle-ci davantage, auquel cas cet auteur a l’obligation de coopérer en vue de délimiter sa demande, soit procéder à une recherche raisonnable de renseignements de laquelle elle peut attendre raisonnablement une réponse à la demande d’accès. Lorsqu’une organisation choisit cette dernière voie, comme c’est le cas en l’espèce, elle n’a pas à présumer, en l’absence d’autres éléments de preuve, qu’il existe quelconque raison de rechercher des messages autres que ceux que, selon ce qu’elle estime de manière raisonnable, elle recueille, utilise ou communique dans le cadre de ses activités commerciales au sens de l’alinéa 4(1)b) de la LPRPDE. Une organisation, lorsqu’elle recherche des renseignements par suite d’une demande d’accès formulée en des termes aussi larges que ceux employés par le demandeur, n’est pas tenue de présumer que des renseignements par ailleurs dispensés de l’application de la LPRPDE en vertu de l’alinéa 4(2)b) ont pu perdre cette protection. En conséquence, la défenderesse a effectué une recherche qui lui a permis de s’acquitter des obligations que la LPRPDE lui impose.
3) Le paragraphe 8(8) de la LPRPDE impose à une organisation qui possède des renseignements personnels visés par une demande l’obligation de conserver les renseignements qu’elle a pu repérer en effectuant ses recherches et pouvant s’avérer pertinents pour donner suite à la demande le temps nécessaire pour que l’auteur de celle-ci ait épuisé ses voies d’appel. Aucune preuve ne laissait croire que la défenderesse n’avait pas agi de la sorte.
lois et règlements cités
Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5, art. 2(1) « renseignement personnel », 4, 7(1) (mod. par L.C. 2004, ch. 15, art. 98), (4)a), 8(8), 9(1),(3)e) (édicté par L.C. 2005, ch. 46, art. 57; 2006, ch. 9, art. 223), 14(1), 16a), c), ann. 1, art. 4.9, 4.9.1, 4.9.2.
jurisprudence citée
décisions appliquées :
Englander c. TELUS Communications Inc., [2005] 2 R.C.F. 572; 2004 CAF 387; Turner c. TELUS Communications Inc., [2007] 4 R.C.F. 368; 2007 CAF 21; Labrecque c. Québec (Ministère de l’Environnement), [2005] C.A.I. 221.
décisions examinées :
Rousseau c. Wyndowe, 2008 CAF 39; Deschênes c. Banque C.I.B.C., [2003] C.A.I. 249.
doctrine citée
Canada. Commissariat à la protection de la vie privée. Conclusions de la commissaire. Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDÉ #346 : Un courriel soulève des questions concernant les motifs, la crédibilité et la responsabilisation, 2006, en ligne : <http://www. privcom.gc.ca/index_f.asp >.
DEMANDE de contrôle judiciaire de la conclusion du commissaire à la protection de la vie privée portant que l’employeur défendeur s’était acquitté de son obligation issue de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques de divulguer des renseignements personnels en réponse à la demande d’accès de l’employé demandeur. Demande rejetée.
ont comparu :
David T. S. Fraser pour le demandeur.
Maryse Tremblay pour la défenderesse.
avocats inscrits au dossier :
McInnes Cooper, Halifax, pour le demandeur.
Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le juge Zinn : On se penchera dans les présents motifs sur l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (la Loi ou LPRPDE) aux messages électroniques concernant un employé envoyés ou reçus par des collègues et qui sont stockés dans les ordinateurs, serveurs et dispositifs de stockage de l’employeur. On examinera également les mesures que doit prendre l’employeur pour donner suite à une demande d’accès à ces messages électroniques ou courriels par l’intéressé.
LE CONTEXTE
[2] M. Johnson est employé de bureau chez Bell Canada. Le 12 mai 2005, il a demandé par message électronique à sa supérieure immédiate qu’on lui transmette [traduction] « les courriels dans notre entreprise me concernant […] de quelque source que ce soit ». Il a par la suite restreint sa demande, sollicitant plutôt l’accès aux courriels des deux années précédentes, soit pour la période du 12 mai 2003 au 12 mai 2005. Face à une demande d’aussi large portée, Bell Canada aurait pu demander à M. Johnson quels courriels il souhaitait véritablement consulter. Si elle l’avait fait, elle aurait appris que M. Johnson souhaitait véritablement voir courriels le concernant qu’il croyait avaient été transmis ou reçus par d’autres employés de Bell Canada, dont certains occupant des postes de supervision. La position adoptée par Bell Canada à l’audience a été que M. Johnson, l’auteur de la demande d’accès, avait l’obligation de décrire de manière plus précise les documents visés par sa demande.
[3] Avant l’expiration du délai de 30 jours prévu dans la Loi pour donner suite à la demande d’accès, Bell Canada a informé M. Johnson qu’il lui faudrait davantage de temps pour répondre à sa demande, soit jusqu’au 11 juillet 2005. Bell Canada a effectivement répondu à M. Johnson par lettre datée du 11 juillet 2005, à laquelle elle avait joint copie d’environ 280 courriels d’une longueur totale d’environ 500 pages. Initialement, certains messages électroniques n’avaient pas été communiqués en application du paragraphe 9(1) et de l’alinéa 9(3)e) [édicté par L.C. 2006, ch. 9, art. 223] de la Loi, au motif que leur communication aurait vraisemblablement révélé un renseignement personnel sur un tiers ou risquerait vraisemblablement de nuire à la sécurité d’un tiers. Par suite de l’intervention du Commissariat à la protection de la vie privée, les messages exclus ont ensuite été communiqués à M. Johnson sous forme expurgée.
[4] Bell Canada a procédé de manière ciblée, pourrais-je dire, pour extraire les courriels demandés par M. Johnson. Elle n’a pas effectué une recherche de données visant ses serveurs, ses installations de sauvegarde ou l’ensemble des disques durs de l’entreprise. Elle a plutôt ciblé avec sa recherche les courriels auxquels la supérieure immédiate de M. Johnson avait accès. Bell Canada a répondu comme suit à une réponse posée par la Commissaire à la protection de la vie privée (la commissaire) quant à la méthode suivie par l’entreprise :
[traduction] Un spécialiste en TI de CGI a appris à Mme Kelly Rose, la superviseure de M. Johnson à l’époque, comment utiliser la fonction de recherche évoluée. Au moyen de cette fonction, Mme Rose a cherché à travers tous ses messages ceux concernant Peter Johnson à partir du 1er septembre 2004, la date où elle était devenue sa superviseure, jusqu’à la date de la demande d’accès. L’ancien superviseur de M. Johnson avait pris sa retraite et il n’y avait aucun moyen de récupérer les messages de l’époque où il était en fonction. Les messages repérés lors de la recherche ont été imprimés et passés en revue.
[5] Le 25 mai 2005, avant de recevoir les messages électroniques divulgués, M. Johnson a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. La plainte formulée, aux termes de la commissaire, était que [traduction] « Bell Canada ne lui avait pas fourni copie de tous les courriels des deux dernières années le concernant ». Bien qu’il ait plus tard reconnu avoir reçu certains courriels de Bell Canada, M. Johnson a soutenu que ce n’était pas là la totalité des courriels qu’il avait demandés.
[6] Au cours de l’enquête menée par la commissaire, Bell Canada a fourni des détails relativement à ses politiques et pratiques en matière de conservation des documents. Bell Canada a alors soutenu que certains courriels demandés par M. Johnson ne pouvaient lui être communiqués parce qu’ils avaient été détruits en conformité avec ses politiques de conservation des documents, étant donné qu’ils ne servaient pas des fins professionnelles. Tout particulièrement, il y avait des courriels dans la possession de l’ancien supérieur immédiat de M. Johnson pendant une partie de la période visée par la demande d’accès (du 12 mai 2003 au 1er septembre 2004) qui avaient depuis longtemps été supprimés du système informatique de Bell Canada.
[7] Le 15 juin 2007, la commissaire a publié son rapport relatif à la plainte de M. Johnson; le rapport renfermait deux conclusions. La commissaire a conclu, premièrement, que Bell Canada avait enfreint l’alinéa 8(4)a) de la Loi en prorogeant le délai pour donner suite à la demande d’accès d’une période de 30 jours sans en faire connaître le motif. Elle a conclu que la Loi avait également été enfreinte en raison du défaut de Bell Canada d’informer M. Johnson de son droit de porter plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée (le Commissariat) au sujet de cette prorogation. On a toutefois fait observer dans le rapport qu’en raison de la nature de l’accès demandé, la prorogation semblait avoir été raisonnable dans les circonstances.
[8] Deuxièmement, la commissaire a conclu que Bell Canada avait fourni à M. Johnson près de 600 pages d’information, y compris les pages qui avaient été initialement exclues mais dont elle avait demandé la remise à M. Johnson en une version expurgée. La commissaire a conclu à cet égard que Bell s’était maintenant [traduction] « acquittée de son obligation découlant du principe [article] 4.9 » [de l’annexe 1] de la Loi et que « la plainte de déni d’accès de M. Johnson [était] réglée ».
[9] Non satisfait du règlement de la plainte, toutefois, M. Johnson a présenté une demande en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi. Ce paragraphe prévoit qu’un plaignant peut, après avoir reçu le rapport du commissaire faisant suite à sa plainte portée en application de la Loi, demander que la Cour fédérale entende toute question qui a fait l’objet de la plainte. Comme on le mentionnera, une procédure en application du paragraphe 14(1) est susceptible d’avoir une très large portée.
[10] Le Commissariat semble avoir interprété la plainte de M. Johnson de manière plus étroite qu’il ne l’a fait lui-même. Sous la rubrique [traduction] « Autre » suivant la conclusion selon laquelle la plainte a été réglée, figure un énoncé des faits fort pertinents pour nombre des questions dont la Cour est saisie. Il vaut la peine de reproduire en son entier cette partie du rapport :
[traduction]
14. M. Johnson a dit croire que des courriels avaient été échangés entre ses collègues et entre son ancien superviseur et sa superviseure en fonction au moment de la formulation de sa demande. Quant au premier élément, Bell a adopté comme position que les messages échangés entre des employés ne sont pas une composante des activités commerciales et ne sont pas incluses dans le dossier personnel de l’employé. La société a dit estimer que cette information n’avait pas été recueillie dans le cadre de ses activités commerciales et que, par conséquent, M. Johnson n’avait pas un droit d’accès aux courriels en cause.
15. D’après la politique relative à Internet de la société, il est acceptable que les employés recourant aux services Internet grâce à son système aient « des communications personnelles raisonnables, que ce soit par téléphone ou par courriel […] dans la mesure où ils se conforment à la présente politique ». Il est également rappelé aux employés que les courriels doivent respecter le code de déontologie de l’entreprise.
16. Des données peuvent être conservées pendant environ 30 jours avant qu’un employé ait soit à les sauvegarder sur disque dur, à les copier sur un portable ou à les supprimer. Un fournisseur de services indépendant stocke à l’externe, à Toronto, des bandes magnétiques où sont enregistrées de telles données. Après 50 jours, les bandes sont écrasées.
17. Pour ce qui est des courriels échangés entre des superviseurs, le compte de courriel d’un superviseur est désactivé 30 jours après qu’il a quitté la société et les données sont effacées avant que l’ordinateur ne soit configuré pour un nouvel utilisateur. Aucune politique de l’entreprise ne prévoit quels renseignements relatifs à un employé doivent être transmis au nouveau superviseur lorsque l’employé est transféré dans un autre groupe de travail; le superviseur fait usage de son pouvoir discrétionnaire pour établir quels renseignements doivent alors être transmis. Si des renseignements avaient été communiqués d’un superviseur de M. Johnson à l’autre, ces renseignements auraient été transmis à ce dernier.
18. En vertu de l’alinéa 4(1)a), la partie I de la Loi s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels qui concernent un de ses employés et qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’une entreprise fédérale.
19. Même si Bell a soutenu le contraire, je suis d’avis qu’on peut avoir accès, en vertu de la Loi, aux courriels personnels échangés entre des employés. Comme le Commissariat l’a déjà déclaré dans une affaire antérieure, l’alinéa 4(2)b) n’a pas pour objet de dégager une organisation de toute responsabilité à l’égard d’un de ses employés qui utilise son poste au sein de l’entreprise pour recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels à ses propres fins. Par conséquent, il est possible que des courriels personnels soient assujettis à la Loi (s’ils renferment des renseignements personnels) et, par conséquent, qu’on ait droit d’y avoir accès. Dans le présent cas, compte tenu des périodes de rétention en cause, il n’y a plus de courriels personnels échangés entre des employés qu’on puisse rechercher.
20. J’ai soulevé cette question parce que j’estime important pour Bell et ses employés de savoir qu’on pourrait considérer que les courriels personnels constituent des renseignements personnels et sont assujettis à la Loi.
[11] Dans un affidavit déposé dans la présente instance, M. Johnson énonce pour quels motifs il estime que Bell Canada ne lui a pas communiqué un [traduction] « grand nombre », selon lui, de courriels. Il déclare ce qui suit dans la partie pertinente de l’affidavit :
[traduction]
11. Je crois, pour les motifs qui vont suivre, qu’on ne m’a pas communiqué un grand nombre de courriels contenant des renseignements personnels me concernant :
a. Dans le cadre d’une enquête policière relativement récente, j’ai soumis à la police une déclaration renfermant des renseignements personnels très délicats. Je crois savoir que l’un des enquêteurs est le conjoint de Mme Andrea Tubrett, cadre chez Bell.
b. Immédiatement après que j’ai demandé à ma superviseure, Mme Rose, d’avoir accès aux renseignements personnels me concernant en vertu de la Loi, j’ai vu en personne Mme Rose parler avec Mme Tubrett. Celles-ci ont toutes deux ouvertement pleuré pendant leur conversation.
c. La commissaire a tiré comme conclusion que des courriels échangés entre des employés et où il était question de moi ne m’ont pas été communiqués par Bell, ni ne lui ont été soumis pour examen.
[12] Le principal problème soulevé par M. Johnson, tel qu’il est énoncé dans son affidavit, c’est qu’on ne lui a pas donné accès à des courriels échangés entre des employés de Bell Canada, certains occupant des postes de supervision, et où il était question de lui. La plainte de M. Johnson compte trois volets : 1) Bell Canada n’a pas procédé à une recherche appropriée pour donner suite à sa demande d’accès; 2) Bell Canada lui a refusé l’accès à des courriels personnels le concernant que certains de ses employés ont échangés entre eux; 3) Bell Canada a supprimé des courriels personnels en violation de la Loi.
[13] Dans le cadre de la présente demande, M. Johnson demande à la Cour, en application de l’alinéa 16a) de la Loi, d’ordonner à Bell Canada de lui communiquer tous les renseignements personnels le concernant, notamment tous les courriels où il est mentionné, de lui accorder, en vertu de l’alinéa 16c) de la Loi, les dommages-intérêts qui pourront être prouvés, et de lui attribuer ses dépens.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[14] Le demandeur a exprimé comme suit la question à trancher par la Cour :
[traduction] [L]a défenderesse s’est-elle acquittée des obligations lui incombant, en vertu de l’article 4.9 de l’annexe I de la Loi et de l’article 8 de la Loi, en ne donnant pas au demandeur accès à tous les renseignements personnels demandés, et la défenderesse a-t-elle enfreint la Loi en ne s’acquittant pas de l’obligation lui incombant en vertu de son paragraphe 8(8), lequel prévoit qu’une organisation doit conserver les renseignements personnels faisant l’objet d’une demande le temps nécessaire pour permettre au demandeur d’épuiser ses recours en vertu de la partie I de la Loi?
Bell Canada a pour sa part exprimé comme suit la question à trancher par la Cour :
[traduction] [L]a défenderesse s’est-elle en fait conformée aux dispositions de la Loi en communiquant au demandeur tous les documents qu’elle a trouvés à la suite de la demande d’accès du 12 mai 2005, tout en retranchant de certains des documents demandés, comme le prescrit le paragraphe 9(1) de la Loi, les renseignements pouvant révéler un renseignement personnel sur un tiers?
[15] À mon avis, ni l’un ni l’autre énoncé n’exprime convenablement les questions dont la Cour est saisie, tel qu’il ressort des exposés des arguments des parties ainsi que, plus en détail, des plaidoiries de leurs avocats. Tel qu’a statué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Englander c. TELUS Communications Inc., [2005] 2 R.C.F. 572, ce qui est en question dans une procédure en application du paragraphe 14(1) de la Loi [au paragraphe 47], « ce n’est pas le rapport du commissaire, mais la conduite de la partie contre laquelle la plainte est déposée ». La question générale en litige en l’espèce, ainsi, est de savoir si Bell Canada, en donnant suite à la demande d’accès du 12 mai 2005 de M. Johnson, a observé ou non les exigences prévues par la Loi. En regard de la conduite de Bell Canada, on l’a dit, M. Johnson a fait état de trois préoccupations distinctes, concernant le caractère suffisant de la recherche effectuée par la société, le défaut allégué de celle-ci de communiquer des courriels personnels et sa destruction alléguée de courriels.
[16] La source de préoccupation de M. Johnson, et ce qu’on cible particulièrement dans le cadre de la présente demande, ce sont les courriels le concernant qui auraient été envoyés ou reçus par des employés de Bell Canada et qui, selon cette dernière, n’avaient aucune fin professionnelle. Je désignerai comme « personnels » les courriels de ce type, tandis que je qualifierai de courriels « professionnels » les courriels concernant M. Johnson qui ont, selon Bell Canada une fin professionnelle.
[17] M. Johnson soutient que les courriels personnels renferment des renseignements personnels le visant, et sont donc assujettis aux dispositions de la Loi. Il soutient, par conséquent, que la recherche ciblée effectuée par Bell Canada ne suffisait pas pour satisfaire aux responsabilités que la Loi lui impose, et que Bell Canada a enfreint la Loi en supprimant ces courriels pendant le déroulement de la procédure relative à sa demande.
[18] Les questions que la Cour doit trancher sont les suivantes :
1. Les courriels personnels sont-ils assujettis à la Loi, et Bell Canada est-elle tenue de les communiquer pour donner suite à la demande d’accès de M. Johnson?
2. En effectuant sa recherche pour donner suite à la demande d’accès de M. Johnson, Bell Canada s’est-elle acquittée des obligations que la Loi lui impose?
3. Bell Canada a-t-elle omis, en violation de la Loi, de conserver des renseignements personnels qui auraient été pertinents aux fins de la demande d’accès?
4. Si des droits de M. Johnson en vertu de la Loi ont été violés, de quelles mesures réparatrices ce dernier dispose-t-il et quelle réparation la Cour devrait-elle accorder?
ANALYSE
La présente demande est-elle sans objet?
[19] La commissaire a conclu, au paragraphe 19 de son rapport précité, qu’il n’y avait [traduction] « plus, compte tenu des périodes de rétention en cause, de courriels personnels échangés entre des employés qu’on puisse rechercher ». Bell Canada soutient ainsi que, comme les questions en litige en l’espèce ont trait à ces courriels personnels inexistants, la présente demande est sans objet et la Cour devrait se dessaisir de l’affaire. Je ne suis toutefois pas convaincu que la commissaire a eu raison de conclure qu’il n’y avait plus de courriels personnels échangés entre des employés qu’on puisse rechercher. Les courriels peuvent être sauvegardés sur disque dur ou d’autres supports d’enregistrement, comme tel a été le cas pour les courriels de la superviseure de M. Johnson que Bell Canada a produits. Lorsqu’ils sont conservés de cette manière, les courriels ne sont pas susceptibles d’être supprimés du serveur ou des systèmes de secours de Bell Canada en conformité avec sa politique de rétention. M. Johnson mentionne expressément à cet égard les courriels qu’une gestionnaire de Bell Canada autre que sa supérieure immédiate aurait pu recevoir ou envoyer. Cette gestionnaire n’exerçait pas de fonction de supervision à l’égard de M. Johnson et il ressort du dossier que Bell Canada n’a pas fait enquête auprès d’elle pour savoir si elle avait sauvegardé le moindre courriel où l’on faisait allusion à M. Johnson. Si l’on devait se rendre à la prétention du demandeur quant à l’application de la Loi aux courriels personnels, il se pourrait bien que la recherche effectuée par Bell Canada ait été insuffisante et qu’une recherche plus approfondie révèle l’existence d’autres courriels que ceux déjà produits. Je ne suis donc pas convaincu, au vu du dossier dont je suis saisi, que la présente demande est sans objet.
Quelle est la nature de la présente procédure?
[20] La Loi représente un régime législatif atypique du point de vue du droit administratif, le caractère non contraignant des recommandations du commissaire n’étant pas le moindre de ses éléments distinctifs. La retenue judiciaire face au décideur administratif n’est pas alors possible, puisque aucune décision n’est véritablement rendue. Cela a une incidence sur le rôle à jouer par la Cour, tel que l’a fait remarquer le juge Décary [au paragraphe 48] dans l’arrêt Englander : « [L’]audience […] est une procédure de novo analogue à une action, et le rapport du commissaire, s’il est produit en preuve, peut être contesté ou contredit comme n’importe quel autre élément de la preuve documentaire ». Dans le cadre de la présente demande, ce qu’on a produit comme preuve, c’est le rapport de la commissaire et les affidavits déposés par M. Johnson et par Simeon Doucette, coordonnateur, Protection des renseignements personnels et droits de la personne, chez Bell Canada.
[21] Dans l’arrêt Englander, la Cour d’appel fédérale a fait la genèse de la Loi, concluant que celle-ci était un compromis, sous le rapport aussi bien de la forme que du fond. Quant au fond, il s’agit d’un compromis entre les intérêts commerciaux des entreprises et le droit des personnes physiques à la protection de la vie privée. Quant à la forme, il s’agit d’un compromis entre des éléments juridiques et non juridiques, ou plutôt d’un amalgame de tels éléments. Tandis que la partie I de la Loi est rédigée comme un texte législatif habituel, on n’a notablement pas donné à l’annexe I, qui reproduit la norme de la CSA, un libellé législatif conventionnel. La Cour d’appel fédérale a par conséquent statué dans l’arrêt Englander [au paragraphe 46] que, pour interpréter cette législation, la meilleure solution était de se confier aux critères « de la souplesse, du sens commun et du pragmatisme ». Gardant cela à l’esprit, je vais maintenant procéder à l’examen des questions précédemment posées.
Les courriels personnels sont-ils visés par la Loi?
[22] Il ne semble pas contesté que si un courriel concernant un employé individuel est transmis d’un employé à un autre dans le cadre des activités de l’employeur, ou si l’employeur reçoit d’un tiers un courriel concernant un employé et qu’il utilise ce renseignement dans le cadre de ses activités commerciales, par exemple aux fins de l’évaluation du rendement de l’employé, la Loi assure à ce dernier l’accès à ces courriels. Il semble d’ailleurs que relevaient de cette catégorie les courriels produits par Bell Canada pour donner suite à la demande d’accès de M. Johnson. À cet égard, Bell Canada a répondu comme suit à une question que la commissaire lui avait posée quant au droit d’accès de M. Johnson aux courriels échangés renfermant des renseignements personnels à son sujet :
[traduction] Les courriels peuvent être échangés entre collègues à des fins professionnelles ou à des fins personnelles. En tant qu’employeur, nous avons assurément la capacité (restreinte) de consulter les messages personnels. Toutefois, lorsqu’il n’y a dans les messages aucun contenu commercial, et par conséquent aucune fin professionnelle à l’utilisation de ces renseignements, nous ne pouvons utiliser ceux-ci à aucune fin et nous devons en sauvegarder le caractère confidentiel. Les communications de nature personnelle entre les collègues d’un employé ne font pas partie des activités commerciales de l’entreprise et ne sont donc pas versées au dossier personnel de l’employé. Nous n’estimons pas que de tels renseignements ont été recueillis dans le cadre de nos activités commerciales. Nous ne croyons donc pas que M. Johnson dispose d’un droit d’accès à de tels courriels.
[23] M. Johnson soutient qu’il dispose du droit d’accès aux courriels personnels s’ils renferment des renseignements personnels qui le concernent en vertu des articles 4.9 et 4.9.1 de l’annexe 1 de la Loi, dont les dispositions pertinentes sont reproduites ci-après :
4.9 Neuvième principe — Accès aux renseignements personnels
Une organisation doit informer toute personne qui en fait la demande de l’existence de renseignements personnels qui la concernent, de l’usage qui en est fait et du fait qu’ils ont été communiqués à des tiers, et lui permettre de les consulter. Il sera aussi possible de contester l’exactitude et l’intégralité des renseignements et d’y faire apporter les corrections appropriées.
Note : Dans certains cas, il peut être impossible à une organisation de communiquer tous les renseignements personnels qu’elle possède au sujet d’une personne. Les exceptions aux exigences en matière d’accès aux renseignements personnels devraient être restreintes et précises. On devrait informer la personne, sur demande, des raisons pour lesquelles on lui refuse l’accès aux renseignements. Ces raisons peuvent comprendre le coût exorbitant de la fourniture de l’information, le fait que les renseignements personnels contiennent des détails sur d’autres personnes, l’existence de raisons d’ordre juridique, de raisons de sécurité ou de raisons d’ordre commercial exclusives et le fait que les renseignements sont protégés par le secret professionnel ou dans le cours d’une procédure de nature judiciaire.
4.9.1 Une organisation doit informer la personne qui en fait la demande du fait qu’elle possède des renseignements personnels son sujet, le cas échéant. Les organisations sont invitées indiquer la source des renseignements. L’organisation doit permettre la personne concernée de consulter ces renseignements. Dans le cas de renseignements médicaux sensibles, l’organisation peut préférer que ces renseignements soient communiqués par un médecin. En outre, l’organisation doit informer la personne concernée de l’usage qu’elle fait ou a fait des renseignements et des tiers qui ils ont été communiqués.
[24] M. Johnson soutient que les exceptions expresses énoncées au paragraphe 9(3) de la Loi, reproduit ci-après, constituent les seuls cas où Bell Canada peut lui refuser l’accès aux renseignements personnels le concernant contenus dans les courriels personnels :
9. […]
(3) Malgré la note afférente à l’article 4.9 de l’annexe 1, l’organisation n’est pas tenue de communiquer à l’intéressé des renseignements personnels dans les cas suivants seulement :
a) les renseignements sont protégés par le secret professionnel liant l’avocat à son client;
b) la communication révélerait des renseignements commerciaux confidentiels;
c) elle risquerait vraisemblablement de nuire à la vie ou la sécurité d’un autre individu;
c.1) les renseignements ont été recueillis au titre de l’alinéa 7(1)b);
d) les renseignements ont été fournis uniquement à l’occasion d’un règlement officiel des différends;
e) les renseignements ont été créés en vue de faire une divulgation au titre de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles ou dans le cadre d’une enquête menée sur une divulgation en vertu de cette loi.
Toutefois, dans les cas visés aux alinéas b) ou c), si les renseignements commerciaux confidentiels ou les renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de nuire à la vie ou la sécurité d’un autre individu peuvent être retranchés du document en cause, l’organisation est tenue de faire la communication en retranchant ces renseignements.
[25] Dans l’arrêt Turner c. TELUS Communications Inc., [2007] 4 R.C.F. 368, la Cour d’appel fédérale a statué [au paragraphe 21], au regard du paragraphe 7(1) [mod. par L.C. 2004, ch. 15, art. 98] de la Loi, que « le fait même que le législateur ait demandé expressément de ne pas tenir compte de la note [de l’annexe 1] donne une indication importante de sa volonté de restreindre les cas où le consentement à la collecte des renseignements personnels n’est pas requis à ceux qui sont exposés au paragraphe 7(1) ». Il en va de même, à mon avis, pour le paragraphe 9(3) de la Loi. Si la Loi s’applique par ailleurs à des renseignements, les seuls cas où l’accès peut en être refusé sont ceux énoncés à son paragraphe 9(3).
[26] On l’a dit, Bell Canada a adopté comme position que les courriels personnels ne tombent pas sous le coup de la Loi. Dans son exposé des arguments, Bell Canada a écrit ce qui suit à ce sujet :
[traduction] […] les « courriels personnels » entre collègues qui ne sont pas recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre d’une entreprise fédérale au sens du paragraphe 4(1) de la Loi échappent à la portée de la Loi et, par conséquent, au droit personnel d’accès. Il s’agit plutôt de renseignements personnels sur un tiers auxquels l’intéressé ne peut avoir accès en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi. [Souligné dans l’original.]
[27] Les exceptions pertinentes à l’application de la Loi, reproduites ci-après, sont énoncées à l’article 4 de celle-ci :
4. (1) La présente partie s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels :
a) soit qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales;
b) soit qui concernent un de ses employés et qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’une entreprise fédérale.
(2) La présente partie ne s’applique pas :
a) aux institutions fédérales auxquelles s’applique la Loi sur la protection des renseignements personnels;
b) à un individu à l’égard des renseignements personnels qu’il recueille, utilise ou communique à des fins personnelles ou domestiques et à aucune autre fin;
c) à une organisation à l’égard des renseignements personnels qu’elle recueille, utilise ou communique à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin.
(3) Toute disposition de la présente partie s’applique malgré toute disposition — édictée après l’entrée en vigueur du présent paragraphe — d’une autre loi fédérale, sauf dérogation expresse de la disposition de l’autre loi.
[28] M. Johnson soutient que les courriels personnels sont visés par la description de l’alinéa 4(1)b) parce qu’il s’agit bien de renseignements personnels qui le concernent, lui un employé de Bell Canada, et que celle-ci a recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre d’une entreprise fédérale.
[29] M. Johnson soutient — et je partage son avis — qu’un message électronique à son sujet ou qui le concerne satisfait à la définition donnée à un « renseignement personnel » au paragraphe 2(1) qui suit de la Loi :
« renseignement personnel » Tout renseignement concernant un individu identifiable, à l’exclusion du nom et du titre d’un employé d’une organisation et des adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail.
[30] Tel que l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Rousseau c. Wyndowe, 2008 CAF 39 [au paragraphe 40], puisque la Loi définit un renseignement personnel comme tout « renseignement concernant un individu identifiable », elle a donc une très large portée. La Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt Rousseau que les notes manuscrites rédigées par un médecin au cours de l’examen médical indépendant d’un assuré effectué à la demande d’une compagnie d’assurance constituaient des renseignements personnels au sens de la Loi. Or à mon avis, on ne peut contester que les courriels concernant une personne constituent à son égard des renseignements personnels au sens de la Loi. Nul ne conteste non plus que les courriels dont M. Johnson a demandé la communication le concernaient à une période où il était un employé de Bell Canada. La véritable question en litige est donc de savoir si Bell Canada a recueilli, utilisé ou communiqué ces courriels dans le cadre d’une entreprise fédérale, et plus précisément si Bell Canada a recueilli ces courriels, puisque aucune preuve n’a été présentée quant à une quelconque utilisation ou communication.
[31] Une réalité concrète dans notre monde informatisé, c’est que les systèmes informatiques stockent les données transmises par leur moyen. Les messages électroniques sont stockés, du moins pendant un certain temps, dans la boîte d’« envoi » de l’expéditeur et dans la boîte de « réception » du destinataire. Même lorsque les courriels sont supprimés, ils demeurent pendant un certain temps dans la boîte des éléments « supprimés ». En outre, les données sont stockées sur les serveurs par lesquels elles transitent, et les renseignements se trouvant dans ces serveurs et les ordinateurs personnels utilisés pour transmettre les courriels sont régulièrement saisis et sauvegardés. Les organisations mettent volontairement en place des systèmes et des procédures pour saisir les renseignements nécessaires pour leurs fins et pour leurs besoins commerciaux. Une autre réalité concrète, c’est que des renseignements non pertinents sont également saisis. Tout comme les filets des pêcheurs de morue capturent bien d’autres espèces de poissons, comme des merlans, des flets, des merluches, des calmars et des stromatés, que les morues recherchées, le système de stockage de données d’une organisation qui vise à saisir les courriels professionnels saisit également des courriels personnels, des blagues, des pourriels, des photos de famille et d’autres types encore de données non professionnelles transmises par le système informatique.
[32] On l’a dit, l’alinéa 4(2)b) prévoit que la Loi ne s’applique pas aux renseignements personnels qu’un individu recueille uniquement à des fins personnelles. Si de tels renseignements qui aux mains de l’individu échappent à la portée de la Loi, consistent en des courriels envoyés ou reçus au travail, il serait contraire à l’objet de la Loi que ces mêmes renseignements, une fois stockés dans le système de sauvegarde de l’organisation en cause, n’échappent plus pour celle-ci à l’obligation de production. Si on en venait à une conclusion contraire, on n’interpréterait pas la Loi avec sens commun et pragmatisme, mais plutôt d’une manière non prévue selon moi par le législateur.
[33] Toutefois, l’alinéa 4(2)b) ne vise qu’à dispenser des individus de l’application de la Loi, et non pas des sociétés ou d’autres entreprises. La seule dispense applicable aux entreprises est énoncée à l’alinéa 4(2)c), qui ne concerne que les renseignements recueillis à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et qui ne s’applique pas aux messages électroniques du type en cause en l’espèce. C’est donc dans la disposition sur la portée de la Loi — soit au paragraphe 4(1) que je reproduis de nouveau ci-après par souci de commodité — que l’on doit trouver la dispense applicable.
4. (1) La présente partie s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels :
a) soit qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales;
b) soit qui concernent un de ses employés et qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’une entreprise fédérale. [Non souligné dans l’original.]
Il faut bien que les mots soulignés aient un sens. Si l’on avait voulu que tout renseignement « recueilli » par l’organisation employeur ait à être communiqué en application de la Loi, les mots soulignés auraient un caractère redondant. À mon avis, ces mots doivent plutôt être interprétés en fonction des impératifs commerciaux du monde des affaires et de l’organisation concernée. Seuls les renseignements que l’organisation recueille pour satisfaire un besoin commercial sont visés par la Loi selon le paragraphe 4(1).
[34] Dans l’arrêt Englander, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer [au paragraphe 38] que la Loi avait le monde commercial comme point de mire :
L’objet de la LPRPDE est […] certes axé sur la protection de la vie privée des personnes, mais il se rapporte aussi à la collecte, à l’utilisation et à la communication de renseignements personnels par les organisations. Cet objet est de faire en sorte que lesdites collecte, utilisation et communication soient exécutées d’une manière qui concilie, dans toute la mesure du possible, le droit de la personne à la vie privée et les besoins de l’organisation. Il y a donc deux intérêts concurrents dans l’objet de la LPRPDE: le droit de la personne à la vie privée d’une part, et le besoin commercial d’accès aux renseignements personnels d’autre part. Cependant, il y est expressément reconnu — par l’emploi des termes « à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances » , qui sont repris au paragraphe 5(3) — que le droit à la vie privée n’est pas absolu. [Non souligné dans l’original.]
[35] Le demandeur soutient que les courriels personnels, captures accessoires des systèmes informatiques et de sauvegarde mis en place par une organisation pour saisir et conserver les renseignements requis pour ses besoins commerciaux, tombent sous le coup de l’alinéa 4(1)b), puisqu’il s’agit de [traduction] « renseignements traités “dans le cadre” de l’entreprise de la défenderesse ». À mon avis, premièrement, les renseignements en cause ne sont pas « traités » par Bell Canada. Comme les captures accessoires des pêcheurs de morue, les courriels personnels sont des captures accessoires de renseignements utiles au plan commercial qui, eux, sont traités par Bell Canada. Deuxièmement, pour que des renseignements soient considérés recueillis dans le cadre d’une entreprise, ils doivent servir une fin d’entreprise, ce qui n’est nullement le cas lorsqu’on a affaire à des courriels personnels. Du point de vue d’organisations telles que Bell Canada, en fait, les courriels personnels constituent des déchets qui gaspillent de l’espace et du temps précieux. C’est d’ailleurs pour ce motif, entre autres, que les organisations désapprouvent ou restreignent l’utilisation par les employés de leurs systèmes informatiques à des fins personnelles.
[36] M. Johnson soutient toutefois également que, même si Bell Canada estime que les courriels ne servent pas une fin d’entreprise ou professionnelle, cela seul ne saurait les dispenser de l’application de la Loi. Il souligne que les renseignements en cause ont été transmis par le biais des systèmes opérationnels de Bell Canada et, s’attardant aux courriels transmis entre ses supérieurs hiérarchiques, il soutient qu’il [traduction] « se peut que les superviseurs aient eu des motifs personnels pour transmettre de tels renseignements, mais cela ne s’est produit qu’en raison de l’emploi occupé par eux auprès du défendeur et de leurs fonctions de supervision à l’égard du demandeur ».
[37] En qualifiant la situation de la sorte, le demandeur vise à ce que ne soit pas applicable aux courriels personnels en cause la dispense prévue à l’alinéa 4(2)b) et qui concerne les renseignements personnels qu’un individu recueille à des fins personnelles. La commissaire a renvoyé dans son rapport à une affaire précédente (Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDÉ #346 : Un courriel soulève des questions concernant la crédibilité et la responsabilisation, 2006) où elle avait conclu que l’alinéa 4(2)b) « n’a pas pour objectif de dégager une organisation de ses responsabilités à l’égard d’un employé qui se sert de sa position dans l’organisation pour recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels à des fins personnelles. »
[38] Dans l’affaire visée par le résumé #346, le vice-président d’une société avait envoyé un courriel interservices dont l’objet du message mentionnait le nom du plaignant et qui indiquait ce qui suit : « Est-ce que quelqu’un connaît la société pour laquelle [il] travaille? » Le vice-président a déclaré avoir envoyé le courriel pour des motifs professionnels, mais la commissaire ne l’a pas cru et a estimé tout comme le plaignant que le motif de l’envoi était vraisemblablement personnel. La commissaire a toutefois conclu que la Loi n’avait pas été enfreinte, car aucun élément de preuve ne permettait de croire que des renseignements personnels concernant le plaignant avaient été recueillis — il n’y avait eu qu’une tentative de cueillette de tels renseignements. La commissaire a conclu que le vice-président avait envoyé le courriel à titre de vice-président de la société en utilisant le système de messagerie et l’équipement de bureau de la société. Elle a estimé que, même si le vice-président avait eu un motif personnel d’envoyer le courriel, il n’avait pas alors agi en tant qu’individu, et elle a conclu que, selon toutes les apparences, il avait envoyé le courriel au nom de la société et pour des motifs professionnels. C’est dans ce contexte que la commissaire a statué, dans les termes précités, que l’alinéa 4(2)b) n’avait pas pour objectif de dégager une société de ses responsabilités à l’égard des actions de ses employés.
[39] Je partage l’avis de la commissaire selon lequel la dispense prévue à l’alinéa 4(2)b) ne peut servir à exclure de la portée de la Loi les renseignements personnels auxquels l’accès est par ailleurs autorisé, sous prétexte qu’ils ont été recueillis, utilisés ou communiqués à des fins personnelles. J’estime toutefois que la dispense prévue à l’alinéa 4(2)b) peut être invoquée pour exclure les renseignements personnels qu’un individu recueille, utilise ou communique exclusivement à des fins personnelles ou domestiques, et que cette dispense ne peut être écartée du simple fait que l’équipement dont l’intéressé s’est servi, il y avait accès en raison de son emploi ou de son poste. Statuer d’une autre manière priverait l’alinéa 4(2)b) de tout sens, puisque alors pratiquement toute utilisation des systèmes informatiques de l’employeur viendrait écarter la dispense prévue à cet alinéa et ferait tomber sous le coup de la Loi des renseignements personnels sans aucune valeur ou utilité pour une organisation. Ainsi, bien qu’on puisse concevoir des situations où la protection offerte par l’alinéa 4(2)b) ne sera pas disponible, on aura alors affaire à des circonstances exceptionnelles découlant de faits d’espèce tout particuliers. Or, la Cour n’est saisie d’aucune preuve de l’existence de pareilles circonstances exceptionnelles en l’espèce.
[40] Il faut par conséquent répondre par la négative à la première question : « Les courriels personnels sont-ils assujettis à la Loi, et Bell Canada est-elle tenue de les communiquer pour donner suite à la demande d’accès de M. Johnson? »
La recherche effectuée par Bell Canada pour donner suite à la demande d’accès avait-elle un caractère suffisant?
[41] J’estime qu’une organisation, lorsqu’elle recherche des renseignements par suite d’une demande d’accès formulée en des termes aussi larges que ceux employés par M. Johnson, n’est pas tenue de présumer que des renseignements par ailleurs dispensés de l’application de la Loi en vertu de l’alinéa 4(2)b) ont pu perdre cette protection. Faute d’une raison de croire que des courriels personnels ne bénéficiaient plus de la dispense en raison de circonstances exceptionnelles et tombaient ainsi sous le coup de la Loi, Bell Canada n’était pas tenue de procéder à une vaste recherche de renseignements pour donner suite à la demande d’accès.
[42] La recherche que Bell Canada devait effectuer était celle à laquelle il était raisonnable de s’attendre pour produire les renseignements personnels concernant M. Johnson qui, d’ordinaire, tomberaient sous le coup de la Loi. C’est là exactement, à mon avis, ce que Bell Canada a fait en l’espèce. Adoptant sur la question son point de vue d’entreprise, Bell Canada avait comme attente raisonnable que les messages électroniques concernant M. Johnson se trouveraient entre les mains de sa supérieure immédiate. Et aucun élément de preuve ne laisse croire en l’existence d’autres courriels de nature professionnelle concernant M. Johnson qui seraient entre les mains d’autres employés de Bell Canada.
[43] En outre, trop peu d’éléments de preuve permettent de croire qu’un quelconque courriel personnel dont M. Johnson tente d’obtenir l’accès aurait perdu le bénéfice de la dispense prévue à l’alinéa 4(2)b). Lorsque l’organisation visée a procédé à une recherche raisonnable par suite d’une demande d’accès, et que l’auteur de la demande soutient qu’il existe d’autres renseignements qui n’ont pas été produits, c’est à ce dernier que doit incomber le fardeau d‘établir au moins prima facie sa prétention quant au caractère insuffisant de la recherche. Or M. Johnson n’est pas même près d’avoir établi, avec la déclaration figurant au paragraphe 11 de son affidavit, précitée, que Bell Canada pourrait avoir en sa possession d’autres renseignements qu’elle n’a pas produits.
[44] Bell Canada soutient que M. Johnson a l’obligation de coopérer, comme auteur de la demande d’accès aux renseignements personnels le concernant, en précisant où Bell Canada devrait chercher et devrait [traduction] « à tout le moins, proposer des critères objectifs aidant à réduire la portée de la recherche demandée ». Bell Canada fait valoir au soutien de sa position l’article 4.9.2 [principe 9] des principes énoncés à l’annexe 1 de la Loi, lequel prévoit qu’une « organisation peut exiger que la personne concernée lui fournisse suffisamment de renseignements pour qu’il lui soit possible de la renseigner sur l’existence, l’utilisation et la communication de renseignements personnels ». Bell Canada invoque également la décision Deschênes c. Banque C.I.B.C., [2003] C.A.I. 249, de la Commission d’accès à l’information du Québec.
[45] Dans la décision Deschênes, la Commission d’accès à l’information du Québec a adopté quant aux responsabilités des parties au litige une position semblable à la mienne en l’espèce. Mme Deschênes avait été une employée et une cliente de la Banque. Elle avait demandé l’accès aux notes versées à son dossier d’hypothèque ainsi qu’à toute communication échangée entre les bureaux de Toronto et de Montréal de la Banque au sujet de son renvoi et de ses paiements en retard. La Banque a produit le résultat de ce qu’elle estimait être des recherches raisonnables pour trouver de tels documents. Mme Deschênes était d’avis qu’il existait d’autres documents qui n’avaient pas été produits. Rejetant la plainte de Mme Deschênes, la Commission a jugé raisonnables les recherches effectuées par la Banque et a conclu qu’il incombait à Mme Deschênes d’établir l’existence d’autres documents qui n’auraient pas été produits. Je reproduis ci-après la partie pertinente de la décision [aux paragraphes 78 à 82] :
M. Deschênes a rendu un témoignage précis et non contredit démontrant que la Banque, après une année, réutilise les enregistrements sur lesquels peut se trouver un courriel au nom de Mme Deschênes. Vu cette preuve, la Commission en arrive à la conclusion que la Banque ne détient donc plus d’autres courriels.
La Banque a fait entendre devant la Commission MM. Paiement et Deschênes et Mme Condrain. Elle a produit également les affidavits supplémentaires de Mmes Condrain, Boivin et Levine. Toutes les personnes ont déclaré, sous serment, qu’après avoir effectué des recherches sérieuses, la Banque ne possède aucun autre document que ceux déjà donnés à Mme Deschênes ou demeurant en litige.
Pour un dossier comme celui sous étude, il est raisonnable que Mme Deschênes, soumettant une demande visant l’accès à tous les renseignements détenus par la Banque la concernant, comme cliente et ex-employée, collabore pour identifier les documents recherchés.
C’est dans le cadre de cet exercice que la Commission a sollicité la collaboration des représentants de la Banque pour effectuer des recherches supplémentaires. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas été vaines, ayant permis de trouver certains documents.
Cette dernière étape franchie, il revient à Mme Deschênes de soumettre les éléments concrets pouvant constituer un début de preuve quant à l’existence d’un document renfermant des renseignements à son sujet, tel qu’il a été défini à l’article 2 de la Loi. La Commission est d’avis que les dernières lettres reçues de Mme Deschênes ne révèlent pas de situation concrète lui permettant de considérer qu’il existe d’autres documents.
[46] J’estime que Bell Canada, en soutenant que M. Johnson [traduction] « avait l’obligation de cibler sa demande » attribue une portée excessive à l’obligation de l’auteur d’une demande d’accès. À mon avis, compte tenu des impératifs de l’application concrète de la Loi à une demande pouvant donner lieu à des recherches poussées, coûteuses et voraces en temps, l’organisation qui reçoit une demande d’accès aussi large que celle présentée par M. Johnson dispose de deux possibilités. Elle peut soit 1) demander à l’auteur de la demande s’il peut cibler celle-ci davantage, auquel cas cet auteur a l’obligation de coopérer en vue de délimiter sa demande, soit 2) procéder à une recherche raisonnable de renseignements de laquelle elle peut attendre raisonnablement une réponse à la demande d’accès. Bell Canada a choisi en l’espèce cette dernière voie.
[47] Lorsqu’une organisation choisit cette dernière voie, elle n’a pas à présumer, en l’absence d’autres éléments de preuve, qu’il existe quelconque raison de rechercher des messages autres que ceux que, selon ce qu’elle estime de manière raisonnable, elle recueille, utilise ou communique dans le cadre de ses activités commerciales.
[48] Il faut par conséquent répondre par l’affirmative à la seconde question : « En effectuant sa recherche pour donner suite à la demande d’accès de M. Johnson, Bell Canada s’est-elle acquittée des obligations que la Loi lui impose? »
Bell Canada a-t-elle supprimé des renseignements en violation de la Loi?
[49] Bell Canada avait l’obligation, en vertu du paragraphe 8(8) de la Loi, de conserver les renseignements personnels concernant M. Johnson le temps nécessaire pour permettre à ce dernier d’épuiser ses recours, ce qui comprend la présente demande.
8. (8) Malgré l’article 4.5 de l’annexe 1, l’organisation qui détient un renseignement faisant l’objet d’une demande doit le conserver le temps nécessaire pour permettre au demandeur d’épuiser ses recours.
[50] Premièrement, aucun élément de preuve ne laisse croire que des courriels devant être transmis à M. Johnson en vertu de la Loi ne l’ont pas été ou ont été gardés par Bell Canada. Deuxièmement, vu la nature de la politique de conservation de Bell Canada, typique dans le monde des affaires, il était sans doute inévitable que certains courriels de nature professionnelle aient été supprimés pendant la période requise pour traiter la demande d’accès. Selon la politique de Bell Canada, les données ne sont conservées que 30 jours dans un ordinateur portatif puis, si l’employé ne les a pas sauvegardées, sont automatiquement supprimées. Ces données sont également sauvegardées sur des bandes magnétiques, qui sont toutefois écrasées après 50 jours. Ces renseignements électroniques n’ont donc pas un caractère statique. Il s’agit d’un flot de renseignements s’écoulant vers l’abysse, et chaque jour une nouvelle partie en vient à disparaître.
[51] On ne peut sérieusement donner à entendre qu’une organisation a l’obligation de récupérer des données supprimées ou écrasées s’il n’y a aucune preuve péremptoire montrant que ces données ont bien existé et qu’elles peuvent être récupérées à coût raisonnable. En outre, à mon avis, une tâche aussi colossale ne devrait jamais être imposée, si ce n’est lorsque la récupération des données est vraiment essentielle. À cet égard, je partage l’avis exprimé comme suit par la Commission d’accès à l’information du Québec dans la décision Labrecque c. Québec (Ministère de l’Environnement), [2005] C.A.I. 221 [aux paragraphes 25 à 27] :
La Commission est d’avis qu’en principe, on ne doit pas exiger d’un responsable de l’accès qu’il repère, restaure et reproduise des documents informatiques de ce type (courriels) qui ont été détruits, écrasés par de nouvelles versions ou qui se trouvent conservés dans des copies de sécurité.
Compte tenu du délai relativement court que la loi impartit au responsable de l’accès pour répondre à une demande d’accès (maximum de 30 jours), et compte tenu de la complexité technique d’une opération de restauration d’un document informatique tel qu’un courriel, complexité dont la Commission a connaissance en raison de son expertise, la Commission est d’avis que l’exécution d’une telle opération soul verait des difficultés pratiques sérieuses.
Il est de la connaissance spécialisée de la Commission que de telles opérations de repérage, restauration et reproduction de courriels détruits, écrasés ou se trouvant sur des copies de sécurité entraînent des frais imprévisibles et parfois très coûteux, frais qui pourraient, à la limite, être exigés du demandeur d’accès.
[52] Il n’est pas possible en pratique d’exiger qu’une société telle que Bell Canada mette en suspens ses politiques de conservation des données chaque fois qu’une demande d’accès est présentée, particulièrement lorsqu’on ignore si l’un quelconque des renseignements qui tomberait par ailleurs dans l’abysse est même pertinent pour donner suite à la demande. D’un point de vue pratique et pragmatique, ce que le paragraphe 8(8) de la Loi impose à une organisation, c’est de conserver les renseignements qu’elle a pu repérer en effectuant ses recherches et pouvant s’avérer pertinents pour donner suite à la demande le temps nécessaire pour que l’auteur de celle-ci ait épuisé ses voies d’appel. Or, je l’ai déjà mentionné, aucune preuve ne laisse croire que Bell Canada n’a pas agi de la sorte en l’espèce.
[53] Il faut par conséquent répondre par la négative à la troisième question : « Bell Canada a-t-elle omis, en violation de la Loi, de conserver des renseignements personnels qui auraient été pertinents aux fins de la demande d’accès? »
Mesures réparatrices
[54] La Cour ayant conclu que Bell Canada n’avait pas violé la Loi, il ne sera pas nécessaire d’examiner de quelles mesures réparatrices M. Johnson aurait pu disposer en cas de pareille violation. Il ne sera pas nécessaire, par conséquent, de répondre à la quatrième question en litige.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.