Référence : |
Harkat (Re), 2009 CF 1266, [2011] 1 R.C.F. 16 |
DES-5-08 |
DES-5-08
2009 CF 1266
AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi);
ET le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada conformément au paragraphe 77(1) et au paragraphe 83(1) de la Loi;
ET Mohamed HARKAT
Répertorié : Harkat (Re)
Cour fédérale, juge Noël—Ottawa, 15 et 16 avril et 11 décembre 2009.
Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Certificats de sécurité — Requête en divulgation — Le demandeur soutenait que les résumés de renseignements qui lui avaient été remis ne suffisaient pas pour satisfaire aux exigences en matière de divulgation — Il s’agissait de savoir si les défendeurs doivent respecter la norme pour la divulgation énoncée dans l’arrêt R. c. Stinchcombe — Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 (Charkaoui II) ne prévoyait pas que l’on accorde à l’intéressé visé par un certificat de sécurité l’accès à tous les renseignements ou aux dossiers de renseignement conservés par le Service canadien du renseignement de sécurité — Le juge doit écarter l’information susceptible de menacer la sécurité nationale — L’obligation de déterminer si des renseignements porteraient atteinte à la sécurité nationale n’est pas de nature discrétionnaire — En l’espèce, la Cour était tenue de refuser la communication des renseignements demandés — Les renseignements qui avaient déjà été déposés à la Cour ne pouvaient pas être divulgués aux termes des art. 83(1)d) et e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Les défendeurs avaient reçu l’ordre de fournir, et avaient fourni, un résumé de la divulgation dans l’affaire Charkaoui II, notamment la liste du nombre et du type de documents originaux restants — Requête accueillie en partie.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — Requête en divulgation — Dans le cadre d’une procédure relative au certificat, l’art. 7 de la Charte n’oblige pas la Cour à donner au demandeur la possibilité de découvrir la preuve des défendeurs en leur demandant de répondre aux demandes présentées par écrit.
Il s’agissait d’une requête en divulgation déposée le 9 avril 2009 en vue de solliciter une ordonnance enjoignant aux défendeurs, entre autres, de s’acquitter de leurs obligations de divulgation découlant de l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 (Charkaoui II) en se conformant à la norme de divulgation exposée à l’arrêt R. c. Stinchcombe.
La plupart des renseignements ont été communiqués au demandeur lors des audiences à huis clos tenues dans le cadre des procédures relatives à un certificat de sécurité, sous la forme de résumés. Le demandeur soutenait que les résumés ne suffisent pas pour satisfaire aux exigences en matière de divulgation prescrites par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et les arrêts Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350 (Charkaoui I) et Charkaoui II. Les défendeurs, qui invoquaient l’article 83 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), s’opposaient à la divulgation des renseignements demandés par le demandeur, affirmant qu’elle porterait atteinte à la sécurité nationale.
La principale question à trancher était celle de savoir si les défendeurs doivent respecter la norme pour la divulgation énoncée dans l’arrêt Stinchcombe.
Jugement : la requête doit être accueillie en partie.
Dans l’arrêt Charkaoui II, la Cour suprême ne prévoyait pas que l’on accorde à l’intéressé visé par un certificat de sécurité l’accès à tous les renseignements conservés par le Service canadien du renseignement de sécurité ou qu’on lui fournisse nécessairement l’ensemble des dossiers de renseignement. Conformément à l’alinéa 83(1)e) de la LIPR, la Cour suprême a conclu qu’un juge doit écarter l’information susceptible de menacer la sécurité nationale et déterminer quels renseignements ou résumés remettre à l’intéressé sans porter atteinte à la sécurité nationale. Il incombe au juge désigné de déterminer si ces renseignements porteraient atteinte à la sécurité nationale. Cette obligation n’est pas de nature discrétionnaire. En l’espèce, la Cour était tenue de refuser la communication des renseignements dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.
La Cour a rejeté les demandes du demandeur visant les renseignements déposés en application du paragraphe 77(2) de la LIPR et les renseignements concernant deux personnes nommées parce que cette divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale. S’agissant de la demande en divulgation de renseignements qui n’ont pas été déposés à la Cour, celle-ci a conclu que la plupart des renseignements n’étaient pas visés par les obligations de divulgation imposées par l’arrêt Charkaoui II, sauf dans le cas des questions posées lors de l’interrogatoire d’un témoin. En se fondant sur la conclusion tirée dans l’arrêt R. c. Hynes selon laquelle le mécanisme de communication de la preuve obtenue lors d’une enquête préliminaire n’est pas l’objet premier de cette procédure, la Cour a conclu que l’article 7 de la Charte, dans le cadre d’une procédure relative au certificat, ne l’oblige pas à donner au demandeur la possibilité de découvrir la preuve des défendeurs en leur demandant de répondre aux demandes présentées par écrit.
Enfin, les renseignements qui avaient déjà été déposés à la Cour ne pouvaient pas être divulgués aux termes des alinéas 83(1)d) et e) de la LIPR. La Cour avait ordonné aux défendeurs de fournir au demandeur un résumé de la divulgation dans l’affaire Charkaoui II, notamment la liste du nombre et du type de documents originaux restants. Ils ont respecté cette ordonnance par la suite.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 577 (mod. par L.C. 2002, ch. 13, art. 46).
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 77(2) (mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4), 83 (mod., idem).
JURISPRUDENCE CITÉE
décision appliquée :
R. c. Hynes, 2001 CSC 82, [2001] 3 R.C.S. 623.
décisions examinées :
Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326; Harkat (Re), 2009 CF 340; Almrei (Re), 2009 CF 240, [2010] 2 R.C.F. 165.
décisions citées :
Harkat (Re), 2009 CF 204, [2009] 4 R.C.F. 370; Almrei (Re), 2009 CF 322; R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326; Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350; Harkat (Re), 2009 CF 203; R. v. Girimonte (1997), 37 O.R. (3d) 617, 121 C.C.C. (3d) 33, 12 C.R. (5th) 332 (C.A.); R. v. Huynh, 2008 CanLII 30296 (C. sup. Ont.).
REQUÊTE en divulgation déposée en vue de solliciter une ordonnance enjoignant aux défendeurs, entre autres, de s’acquitter de leurs obligations de divulgation découlant de l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 en se conformant à la norme de divulgation exposée à l’arrêt R. c. Stinchcombe. Requête accueillie en partie.
ONT COMPARU
Matthew C. Webber, Norman D. Boxall et Leonardo S. Russomanno pour le demandeur.
David W. Tyndale et André Seguin pour les défendeurs.
Paul J. J. Cavalluzzo et Paul D. Copeland, à titre d’avocats spéciaux.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Webber Schroeder Goldstein Abergel, Ottawa, et Bayne Sellar Boxall, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Paul Cavalluzzo, Toronto, et Paul Copeland, Toronto, à titre d’avocats spéciaux.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par
[1] Le juge Noël : Il s’agit des motifs de l’ordonnance relativement à la requête en divulgation déposée par M. Harkat (le demandeur) le 9 avril 2009. Des plaidoiries ont été entendues les 15 et 16 avril en audience publique.
[2] Une ordonnance accueillant en partie la requête du 9 avril 2009 a été rendue le 21 avril 2009, avec motifs à suivre.
[3] Peu de temps après l’ordonnance du 21 avril 2009, la Cour a été informée que les ministres n’ont pas communiqué certains renseignements concernant l’une des sources humaines sur lesquelles s’appuyaient les allégations figurant au Rapport de renseignements de sécurité (RRS) (voir 2009 CF 204 [Harkat (Re), [2009] 4 R.C.F. 370]). Les procédures en intervention, qui ont pris fin le 15 octobre 2009, ainsi que les plus récentes audiences à huis clos sur le caractère raisonnable du certificat, qui ont porté aussi sur la communication d’autres renseignements, ont retardé le dépôt des présents motifs de l’ordonnance du 21 avril 2009.
Les demandes de divulgation présentées par l’avocat du demandeur, M. Harkat, entre août 2008 et avril 2009
[4] Le 28 août 2008, l’avocat du demandeur a demandé la communication intégrale des renseignements concernant M. Harkat, se trouvant en possession des ministres et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), sous réserve seulement de la revendication d’un privilège relatif à la sécurité nationale. Si un privilège relatif à la sécurité nationale visait ces renseignements, l’avocat voulait être avisé du fondement de ce privilège afin que la revendication soit contestée par les avocats spéciaux. (Lettre de M. N. Boxall en date du 28 août 2008.) Dans une annexe à sa lettre, l’avocat a énuméré les renseignements visés par la divulgation demandée, dont :
• les entrevues avec le SCRS;
• des renseignements concernant la source humaine, notamment des renseignements sur les relations de la source avec le SCRS, la motivation, le paiement effectué, les autres cibles, le statut de citoyen ou d’immigrant, le casier judiciaire, etc.;
• les définitions des termes utilisés dans le Rapport de renseignements de sécurité (RRS);
• des renseignements sur les employés ayant participé à la préparation du RRS;
• des renseignements sur différentes personnes et organisations mentionnées dans le RRS, à savoir le FIS [Front Islamique du salut], le GIA [Groupe Islamique Armé], Ibn Khattab, l’AGAI [Al Gamaa al Islamiya];
• le nombre des extrémistes islamiques qui sont entrés au Canada avec de faux passeports saoudiens;
• le matériel original relatif à toute entrevue effectuée.
[5] Le 20 mars 2009, l’avocat de M. Harkat s’est adressé par écrit à la Cour au sujet de la possibilité de divulguer des renseignements à M. Harkat. Dans sa lettre, l’avocat a souligné que les demandes présentées en août 2008 n’avaient pas encore reçu de réponse. En plus des renseignements demandés antérieurement, il sollicitait également :
• les versions déclassifiées de tous les rapports produits relativement à la fiabilité des sources humaines et à la corroboration de leurs témoignages;
• une liste précisant, parmi les conversations résumées et fournies à M. Harkat, celles provenant des interceptions et celles provenant des sources humaines;
• les transcriptions des conversations résumées le cas échéant;
• la communication d’autres conversations résumées entre M. Harkat et sa famille;
• l’inventaire détaillé de tous les renseignements perdus ou détruits.
[6] Vu les nombreuses demandes de divulgation présentées par M. Harkat, la Cour a ordonné, le 3 avril 2009, qu’elles fassent l’objet d’une requête en divulgation. Cette requête a été déposée le 9 avril 2009 et visait à obtenir une ordonnance enjoignant aux ministres :
• de communiquer la preuve concernant deux personnes nommées : Mohamed El Barseigy et Ahmed Derbas;
• de fournir des éléments faisant l’objet de la demande de divulgation présentée par l’avocat en date du 20 mars 2009;
• de fournir à l’avocat public une communication exhaustive, dans la mesure du possible, du matériel sur lequel s’appuie la poursuite visé par l’alinéa 83(1)e) [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27], de sorte qu’il soit informé de la thèse des ministres à son égard;
• de s’acquitter de leurs obligations de divulgation découlant de l’arrêt Charkaoui II [Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326] en se conformant à la norme de divulgation exposée à l’arrêt Stinchcombe [R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326] de divulguer « tous renseignements, inculpatoires ou disculpatoires, sauf s’il s’agit d’une preuve qui échappe au contrôle de la poursuite, qui est manifestement sans pertinence ou qui fait l’objet d’un privilège »;
• de respecter les conclusions de la Cour suprême dans l’arrêt Charkaoui II et de fournir l’inventaire complet du matériel opérationnel ayant été détruit ou perdu jusqu’à présent.
[7] À ce jour, M. Harkat a reçu les éléments suivants :
- tous les documents accessibles au public sur lesquels s’est appuyé le Rapport de renseignements de sécurité (RRS), dont les articles de presse, etc.;
- tous les renseignements fournis par d’autres organismes gouvernementaux canadiens sur lesquels se fondait le RRS confidentiel;
- les résumés de toutes les conversations auxquelles a participé M. Harkat et sur lesquelles se fondait le RRS confidentiel;
- d’autres renseignements sur le MAK [Maktab Al Khidmat];
- des détails concernant les allégations communiquées antérieurement ainsi que les allégations non divulguées figurant dans le RRS confidentiel. Il se peut que des renseignements supplémentaires soient communiqués selon le dénouement des instances;
- un résumé des renseignements figurant dans le matériel divulgué dans l’affaire Charkaoui II;
- certains renseignements initiaux fournis dans la cadre de la divulgation dans l’affaire Charkaoui II;
- résumés d’autres conversations entre M. Harkat et diverses personnes non visées par le RRS;
- les résumés de 22 documents visés par l’affaire Charkaoui II et que les avocats spéciaux n’avaient pas considérés comme essentiels;
[8] La plupart des renseignements ont été communiqués au demandeur, lors des audiences à huis clos, sous la forme des résumés. Le demandeur a reçu également quelques documents originaux.
[9] M. Harkat a reçu d’importants renseignements sur les allégations portées contre lui, notamment des renseignements sur lesquels se fondent ces allégations. Les avocats spéciaux ont été autorisés à communiquer avec l’avocat de M. Harkat (l’ordonnance du 6 mai 2009) qui a été ainsi en mesure de leur transmettre des instructions.
[10] Le 10 novembre 2009, la Cour a autorisé une autre communication orale entre les avocats spéciaux et l’avocat de M. Harkat. Cette communication avait pour objet de permettre à M. Harkat de donner des instructions aux avocats spéciaux concernant le contre‑interrogatoire des témoins lors des audiences à huis clos de novembre et décembre 2009, sur les questions suivantes :
• la maison d’accueil de Babi;
• la relation de M. Harkat avec Ibn Khattab;
• la relation de M. Harkat et ses contacts avec Ahmed Said Khadr avant son arrivée au Canada et par la suite;
• la relation de M. Harkat avec Wael;
• la relation de M. Harkat avec Al Shehri;
• la présence de M. Harkat en Afghanistan et ses activités là‑bas;
• la relation de M. Harkat avec Abu Zubayda;
• la relation de M. Harkat avec ben Laden et tout contact avec celui‑ci;
• l’accès de M. Harkat à d’importantes sommes d’argent lors de son séjour au Canada.
[11] Les deux communications ont été autorisées sous réserve de conditions destinées à empêcher toute divulgation par inadvertance de renseignements confidentiels.
[12] Je souligne que les présents motifs n’ont pas trait au caractère suffisant sur le plan constitutionnel de la divulgation autorisée par l’alinéa 83(1)e) de la LIPR; cette question, entre autres, est l’objet d’une requête d’ensemble présentée par l’avocat de M. Harkat et qui doit être débattue à la fin des audiences sur le caractère raisonnable. Je suis d’accord avec le juge Mosley pour dire qu’il serait prématuré de trancher ces questions maintenant : Almrei (Re), 2009 CF 322, au paragraphe 54.
[13] J’examinerai d’abord la portée de la divulgation autorisée par la LIPR et par l’arrêt de la Cour suprême du Canada Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 (Charkaoui II).
La portée des renseignements devant être soumis à la Cour et fournis aux avocats spéciaux : les ministres doivent‑ils respecter la norme pour la divulgation énoncée dans l’arrêt Stinchcombe?
[14] Dans son dossier de requête, M. Harkat fait valoir qu’en l’absence de la revendication d’un privilège, tous les renseignements le concernant doivent être divulgués. Son avocat invoque les arrêts de la Cour suprême du Canada Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350 (Charkaoui I), et Charkaoui II
[15] L’avocat de M. Harkat soutient que la gravité des conséquences pour M. Harkat, notamment le renvoi possible du Canada ou la détention pour une période illimitée, demande un degré élevé d’équité procédurale en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte). Il prétend que, sans égard à la nature non criminelle des procédures, les conséquences pour la vie, la liberté et la sécurité de M. Harkat exigent, dans le cadre des procédures relatives à un certificat de sécurité, l’application des normes d’équité procédurale correspondant à celles appliquées en matière criminelle. L’avocat soutient également que les résumés de renseignements ne suffisent pas pour satisfaire aux exigences en matière de divulgation prescrites par l’article 7 de la Charte et les arrêts Charkaoui. Selon l’avocat, de simples résumés ne lui permettent pas de vérifier la validité des allégations portées contre M. Harkat. Selon le demandeur, la présence d’avocats spéciaux ne remplace pas adéquatement celle d’un véritable avocat de la défense en raison de l’interdiction de communication entre le demandeur et les avocats spéciaux. En dernière analyse, M Harkat est le seul en mesure de donner des instructions efficaces à son avocat au regard des renseignements sur lesquels se sont fondés les ministres.
[16] Les ministres s’opposent à la divulgation de la plupart des renseignements demandés par le demandeur au motif qu’elle porterait atteinte à la sécurité nationale. Ils invoquent l’article 83 [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), lequel est clair à sa face même.
[17] La loi prévoit deux mécanismes pour obtenir la divulgation en matière de certificat de sécurité. Le premier est prévu au paragraphe 77(2) [mod., idem] de la LIPR, lequel exige que les ministres déposent à la Cour les renseignements et les éléments de preuve justifiant le certificat. Un résumé de la preuve doit être remis à la personne visée par le certificat. Le deuxième est prévu à l’alinéa 83(1)e) de la LIPR, lequel exige que le juge désigné garantisse, d’une part, la confidentialité des renseignements dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale et, d’autre part, qu’il veille à ce que l’intéressé soit suffisamment informé de la thèse des ministres.
[18] La Cour suprême du Canada a établi dans l’arrêt Charkaoui II une obligation supplémentaire de communication incombant au juge désigné.
[19] La Cour a considéré cette obligation établie dans l’arrêt Charkaoui II comme exigeant des ministres qu’ils fournissent à la Cour, et par la suite aux avocats spéciaux, tous les renseignements que le SCRS détient relativement à la personne visée, soit M. Harkat en l’espèce : Harkat (Re), 2009 CF 203, aux paragraphes 10 et 11.
[20] Dans la décision Harkat (Re), 2009 CF 340, la Cour a conclu que le SCRS n’est pas tenu de divulguer tous ses documents concernant chacune des personnes ou organisations qui serait liée à M. Harkat; il doit fournir de tels renseignements lorsque les avocats spéciaux ont établi que l’accès à l’information leur était nécessaire pour s’acquitter de leurs fonctions : voir le paragraphe 17.
[21] L’objectif de l’arrêt Charkaoui II est de faire en sorte que le juge désigné, et maintenant les avocats spéciaux, soient saisis de tous les renseignements pertinents permettant la vérification des allégations portées contre l’intéressé et de tous les renseignements les justifiant : Almrei (Re), 2009 CF 240, [2010] 2 R.C.F. 165 (la juge Dawson, aux paragraphes 19 et 20).
[22] Lorsqu’elle traite de la manière d’appliquer cette nouvelle obligation de communication, la Cour suprême dit au paragraphe 62 de l’arrêt Charkaoui II :
Ainsi, afin de respecter le droit à l’équité procédurale des personnes telles que M. Charkaoui, le SCRS devrait être tenu de conserver l’ensemble des renseignements dont il dispose et de les divulguer aux ministres ainsi qu’au juge désigné. Ces derniers seront à leur tour responsables de vérifier l’information qui leur est remise […] Puis, le juge désigné, qui aura à sa disposition l’ensemble des renseignements, écartera l’information susceptible de menacer la sécurité nationale et résumera le reste de la preuve, dont il aura pu vérifier l’exactitude et la fiabilité, à l’intention de la personne visée. [Non souligné dans l’original.]
[23] Je comprends de ce passage que la Cour suprême ne prévoyait pas que l’on accorde à l’intéressé, la personne visée par un certificat de sécurité, l’accès à tous les renseignements conservés par le SCRS. La Cour suprême ne prévoyait pas non plus que l’on fournisse nécessairement à l’intéressé l’ensemble du dossier du renseignement. Conformément à l’alinéa 83(1)e) de la LIPR, la Cour suprême a conclu qu’un juge doit écarter l’information « susceptible de menacer la sécurité nationale » et déterminer quels renseignements originaux ou résumés remettre à l’intéressé sans porter atteinte à la sécurité nationale.
[24] L’obligation ultime de protéger les renseignements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale incombe au juge désigné : alinéa 83(1)d) de la LIPR. En effet, dans Re Almrei, 2009 CF 240, la juge Dawson a conclu que, même lorsque les ministres conviennent de la divulgation de renseignements, il incombe au juge désigné, aux termes de l’alinéa 83(1)d) de la LIPR, de déterminer si ces renseignements porteraient atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.
[25] Encore une fois, il est important de souligner que ni la constitutionnalité de l’alinéa 83(1)e) de la LIPR ni le caractère suffisant du modèle relatif aux avocats spéciaux prévu par la LIPR ne sont en cause dans la présente requête; ces questions seront débattues dans le cadre des observations finales sur le caractère raisonnable du certificat. Par conséquent, je suis tenu de refuser la communication des renseignements dont la divulgation porterait atteinte, selon moi, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.
[26] L’obligation du juge désigné de protéger les renseignements n’est pas de nature discrétionnaire. Lorsque je suis d’avis que la divulgation des renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, je suis tenu de la refuser.
[27] J’aborderai maintenant les demandes expresses présentées par M. Harkat, lesquelles peuvent être, dans l’ensemble, divisées en deux catégories. Premièrement, j’examinerai les demandes visant les renseignements déposés à la Cour en application du paragraphe 77(2) de la LIPR, ou conformément aux obligations de divulgation qui incombent aux ministres, établies dans l’arrêt Charkaoui II (« les renseignements déposés à la Cour »). Deuxièmement, j’examinerai les demandes de renseignements qui n’ont pas été déposés à la Cour. Enfin, j’examinerai la demande visant la divulgation de renseignements concernant deux personnes que M. Harkat souhaite convoquer à titre de témoins dans la présente instance et celle visant la divulgation d’un inventaire du matériel original ayant été détruit.
1. Les demandes expresses de M. Harkat visant les renseignements déposés à la Cour
[28] M. Harkat a présenté (par lettres datées du 20 mars 2009 et du 28 août 2008) des demandes expresses visant notamment la divulgation des renseignements suivants :
• les versions déclassifiées de tous les rapports produits relativement à la fiabilité des sources humaines et à la corroboration de leurs témoignages;
• des renseignements concernant la source humaine, notamment des renseignements sur les relations de la source avec le SCRS, la motivation, le paiement, les autres cibles, le statut de citoyen ou d’immigrant, le casier judiciaire, etc.;
• des renseignements sur les agences étrangères;
• une liste précisant, parmi les conversations résumées et fournies à M. Harkat, celles provenant des interceptions et celles provenant des sources humaines;
• les transcriptions des conversations résumées le cas échéant;
• l’inventaire détaillé de tous les renseignements perdus ou détruits;
• les entrevues du SCRS.
a) Les rapports concernant les sources humaines confidentielles
[29] M. Harkat sollicite les versions déclassifiées de tous les rapports issus relativement à la fiabilité des sources humaines et à la corroboration de leurs témoignages.
[30] Les ministres s’opposent à la communication de ces renseignements. Ils font valoir que la divulgation des renseignements demandés permettrait d’identifier les sources humaines confidentielles de renseignement et porterait donc atteinte à la sécurité nationale et à la sécurité d’autres personnes. Les ministres indiquent dans leurs observations qu’il n’y a aucune façon valable d’expurger ces rapports.
[31] Après avoir examiné les rapports sur la fiabilité des sources humaines et la corroboration de leurs témoignages, notre Cour conclut que le fait de les remettre à l’avocat de M. Harkat porterait atteinte à la sécurité nationale : Re Harkat, 2009 CF 204. Les rapports contiennent des renseignements de nature très délicate, révèlent l’identité des sources humaines et renferment également des renseignements que les agences étrangères ont fournis au SCRS à titre confidentiel.
[32] Je conviens qu’il n’y a aucune façon d’expurger utilement les rapports d’une manière qui permettrait de les déclassifier et de les communiquer à M. Harkat. Toutefois, la Cour a été saisie des renseignements en question et les a fournis aux avocats spéciaux qui peuvent s’en servir pour vérifier les éléments de preuve et les renseignements invoqués par les ministres.
[33] La demande du demandeur est rejetée.
b) Des renseignements concernant la source humaine, notamment des renseignements sur les relations de la source avec le SCRS, la motivation, le paiement effectué, les autres cibles, le statut de citoyen ou d’immigrant, le casier judiciaire, etc.
[34] Dans sa lettre du 28 août 2008, M. Boxall demande des renseignements sur la source humaine, sa relation avec le SCRS, sa motivation, le paiement effectué, les autres cibles, le statut de citoyen ou d’immigrant, le casier judiciaire, etc.
[35] Les ministres s’opposent à la demande du demandeur de divulguer des rapports concernant les sources humaines [traduction] « pour des motifs de sécurité nationale et de sécurité des personnes ». Ils soulignent que les avocats spéciaux ont accès à certains renseignements, voire leur totalité, et qu’ils sont en mesure de vérifier les éléments de preuve. Selon les ministres, il serait impossible d’expurger de tels documents « sans toucher à leur contenu significatif ».
[36] L’information sur les sources humaines confidentielles de renseignement est privilégiée et sa divulgation constituerait un préjudice permanent pour la sécurité nationale du Canada (Re Harkat, 2009 CF 204).
[37] Je conclus que la divulgation des renseignements sollicités porterait atteinte à la sécurité nationale et je rejette donc la demande du demandeur de lui fournir tout renseignement concernant une source humaine ou qui pourrait révéler son identité. Il n’existe aucune façon de résumer utilement ces renseignements.
c) Une liste précisant, parmi les conversations résumées et fournies à M. Harkat, celles provenant des interceptions et celles provenant des sources humaines
[38] Le demandeur sollicite également une liste précisant, parmi les conversations résumées et fournies, celles provenant des interceptions et celles provenant des sources humaines.
[39] Les ministres s’opposent à cette demande, vu que le fait de préciser si une conversation provient d’une interception ou d’un rapport d’une source humaine permettrait de divulguer l’identité des sources humaines et les méthodes d’opération.
[40] À mon avis, la divulgation de ces renseignements porterait également atteinte à la sécurité nationale. Vu le nombre relativement peu élevé de conversations résumées et fournies à M. Harkat, le fait de préciser, parmi ces conversations, celles provenant d’un rapport d’une source humaine, s’il y a lieu, permettrait probablement de révéler au demandeur l’identité de la source en question. Comme il a été souligné dans la décision Re Harkat, 2009 CF 204, la protection des sources humaines confidentielles de renseignement est primordiale pour la sécurité nationale du Canada et pour la sécurité de ses résidents.
[41] La demande du demandeur est rejetée.
d) Les transcriptions des conversations résumées fournies à M. Harkat
[42] M. Harkat sollicite également les transcriptions des conversations qui ont été résumées et fournies par la Cour conformément à l’alinéa 83(1)e) de la LIPR.
[43] Il ne reste plus d’enregistrements originaux ni de transcriptions des conversations ayant servi au RRS confidentiel et fournis à M. Harkat sous forme de résumés; le seul dossier qui reste sur ces conversations résumées se trouve dans les rapports déposés dans la base de données du SCRS.
[44] L’inventaire complet du matériel original restant a été transmis au demandeur le 24 avril 2009.
[45] La Cour ne peut donc accueillir cette demande.
e) Les entrevues de M. Harkat avec le SCRS
[46] M. Harkat a reçu les rapports de toutes les entrevues menées par le SCRS. Un enregistrement audio d’une procédure devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a été transmis à M. Harkat le 24 avril 2009.
[47] Il n’y a donc aucun autre renseignement à divulguer. Il n’y a plus aucune note sur d’autres entrevues avec M. Harkat ni d’enregistrements à cet égard.
2. Demandes de renseignements supplémentaires
[48] Plusieurs autres demandes présentées par le demandeur s’inscrivaient, selon les ministres, dans la catégorie de la communication préalable et non de la divulgation. Par exemple, l’avocat de M. Harkat a demandé les renseignements suivants :
• la divulgation de l’identité des employés du SCRS ayant contribué à l’élaboration du RRS;
• les définitions des termes utilisés dans le RRS;
• des renseignements concernant le nombre d’extrémistes islamiques qui sont entrés au Canada avec de faux passeports saoudiens;
• des renseignements sur diverses organisations figurant dans le RRS.
[49] Les ministres soutiennent qu’ils ne sont pas tenus de divulguer des renseignements qui équivaudraient à ceux résultant des interrogatoires préalables. (Lettre de D. Tyndale, en date du 7 avril 2009.) Ils se fondent sur l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario R. v. Girimonte pour affirmer que l’obligation de communiquer les éléments de preuve visant un accusé ne s’applique pas à la communication préalable de la preuve par l’accusé (R. v. Girimonte (1997), 37 O.R. (3d) 617, au paragraphe 37).
[50] Ils affirment que l’obligation de communiquer des renseignements ne confère pas nécessairement le droit à la communication préalable de la preuve de la Couronne. L’obligation de divulgation, énoncée dans l’arrêt Charkaoui II, n’a, elle non plus, la portée des obligations qui incombent au ministère public dans le contexte d’une poursuite criminelle. Même dans ce cas, l’accusé n’a pas droit à la communication de la preuve. Il a simplement droit à la communication des éléments pertinents figurant dans le dossier du ministère public.
[51] M. Harkat affirme que ces renseignements sont pertinents pour sa défense, que leur divulgation dépend de la volonté des ministres et qu’ils devraient donc être divulgués.
[52] Je conclus que la plupart des renseignements que M. Harkat a demandés dans la lettre du 28 août 2008 ne sont pas visés par les obligations de divulgation imposées aux ministres par l’arrêt Charkaoui II, et qu’il n’est pas besoin de les communiquer ni à la Cour ni à M. Harkat, sauf dans le cas des questions posées lors de l’interrogatoire d’un témoin.
[53] Dans l’arrêt R. c. Hynes, 2001 CSC 82, [2001] 3 R.C.S. 623, au paragraphe 31, les juges majoritaires de la Cour suprême ont conclu que le mécanisme de communication de la preuve obtenue lors d’une enquête préliminaire n’est pas l’objet premier de cette procédure (voir également R. v. Huynh, 2008 CanLII 30296 (C. sup. Ont.)). Dans l’arrêt Hynes, précité, la juge en chef McLachlin a dit :
Avec le temps, l’enquête préliminaire a commencé à jouer un rôle accessoire de mécanisme de communication de la preuve, donnant ainsi à l’accusé une première occasion de découvrir, tôt dans le processus, la preuve dont dispose le ministère public contre lui : Skogman, précité, p. 105‑106. Il n’en demeure pas moins que cet aspect de communication de la preuve reste accessoire par rapport à la mission principale du juge de l’enquête préliminaire, qui est clairement prescrite par le Code criminel, et qui consiste à décider si « la preuve […] est suffisante » pour faire passer la personne inculpée en jugement (al. 548(1)a)).
[54] Par conséquent, même en matière criminelle, l’accusé n’a pas droit à la communication de la preuve obtenue lors d’une enquête préliminaire. Le ministère public a le pouvoir discrétionnaire de présenter un acte d’accusation et de passer directement à l’instruction (voir l’article 577 [mod. par L.C. 2002, ch. 13, art. 46] du Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46]). Je conclus par conséquent que l’article 7 [de la Charte], dans le cadre de la présente instance, n’exige pas que je donne au demandeur la possibilité de découvrir la preuve des ministres en leur demandant de répondre aux demandes présentées par écrit.
[55] Le demandeur aura la possibilité d’examiner les questions soulevées par ses demandes de renseignements au cours du contre‑interrogatoire des témoins présentés par les ministres à l’appui du caractère raisonnable du certificat.
3. Demande de divulgation de renseignements relatifs à deux personnes nommées : Mohamed El Barseigy et Ahmed Derbas
[56] Les avocats de M. Harkat voudraient faire témoigner ces personnes. Ils soulignent la preuve dans la procédure précédente relative au certificat devant la juge Dawson pour démontrer que les deux personnes sont des témoins importants et ils ont déposé un affidavit à l’appui de la présente requête, indiquant qu’ils n’avaient pas été en mesure de contacter les personnes en question. Ils estiment que le SCRS détient des dossiers concernant M. Barseigy et M. Derbas et, comme ils n’avaient pas été en mesure de les contacter, ils demandent la divulgation de ces dossiers.
[57] Les ministres refusent de confirmer ou de nier l’existence de tout dossier relatif aux deux personnes nommées. Ils affirment que cela porterait atteinte à la sécurité nationale.
[58] Demander au SCRS de fournir à M. Harkat des renseignements concernant ces deux personnes entraînerait la confirmation ou la négation de l’existence de tels renseignements. Cela permettrait d’identifier des personnes visées (ou non) par le SCRS et de compromettre d’autres enquêtes, et porterait atteinte, selon moi, à la sécurité nationale. La demande est rejetée.
4. La demande que les ministres respectent les conclusions de la Cour suprême dans l’arrêt Charkaoui II en fournissant l’inventaire complet du matériel ayant été détruit ou perdu jusqu’à présent
[59] Les ministres ont fourni au demandeur une liste du matériel original restant. Le demandeur sait que la quantité de matériel original pertinent est restreinte.
[60] Les avocats spéciaux et probablement l’avocat de M. Harkat peuvent très bien faire valoir tout argument relatif au caractère suffisant et à la fiabilité des éléments de preuve restants, maintenant qu’ils connaissent l’existence de milliers de pages de renseignements relatifs à l’arrêt Charkaoui II. Je conclus qu’une divulgation en ce sens porterait atteinte à la sécurité nationale puisqu’il serait nécessaire de fournir à M. Harkat un répertoire de la plupart des documents fournis à la Cour. La divulgation permettrait donc clairement de révéler l’identité des informateurs, les communications avec des tiers, les relations existantes, des renseignements et des méthodes d’opération.
[61] La Cour et les avocats spéciaux ont examiné attentivement la prétention des ministres selon laquelle le matériel confidentiel restant ne devrait pas être divulgué au demandeur. En fait, une divulgation additionnelle aura lieu, par suite de la plus récente audience à huis clos sur le caractère raisonnable du certificat.
[62] Le rôle des avocats spéciaux est essentiel au fonctionnement de l’alinéa 83(1)e) de la LIPR. Ils ont une obligation imposée par la loi de vérifier la prétention des ministres selon laquelle la divulgation de renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale et à la sécurité d’autrui. À cette fin, les avocats spéciaux ont eu accès à tous les renseignements déposés à la Cour tant pour justifier le certificat que pour respecter les exigences de l’arrêt Charkaoui II. Les avocats spéciaux connaissent les motifs pour lesquels les ministres ont refusé la divulgation de renseignements. Ils se sont vigoureusement opposés à la non‑divulgation lorsqu’ils ont conclu que les renseignements confidentiels sont nécessaires pour s’assurer que M. Harkat est « suffisamment informé » de la thèse des ministres à son égard.
[63] Un nombre considérable de nouveaux renseignements ont été divulgués à la suite de l’examen méticuleux effectué par les avocats spéciaux des renseignements déposés à la Cour tant pour justifier le certificat que pour respecter les exigences de l’arrêt Charkaoui II.
Conclusion
[64] Notre Cour est d’avis qu’il n’est pas nécessaire, aux termes des alinéas 83(1)d) et e) de la LIPR, de divulguer les renseignements dont elle a déjà été sollicités par M. Harkat. Dans la mesure du possible, des résumés de ces renseignements ont été fournis à M. Harkat. Les autres renseignements sollicités par M. Harkat ne sont pas visés par les obligations de divulgation énoncées dans l’arrêt Charkaoui II.
[65] La présente requête a été accueillie en partie le 21 avril 2009. La Cour a ordonné aux ministres de fournir à M. Harkat un résumé de la divulgation dans l’affaire Charkaoui II qui comprend la liste du nombre et du type des documents originaux restants. Les ministres ont respecté cette ordonnance et ils ont signifié et déposé, le 23 avril 2009, un [traduction] « Résumé et communication de documents relatifs à l’arrêt Charkaoui II ». D’autres renseignements ont été et seront communiqués selon le dénouement des instances.