[2009] 2 R.C.F. nagalingam c. canada 52
A-170-07
2008 CAF 153
Panchalingam Nagalingam (appelant)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimé)
Répertorié Nagalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.F.)
Cour d’appel fédérale, juges Décary, Nadon et Trudel, J.C.A.—Toronto, 24 janvier; Ottawa, 24 avril 2008.
Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Examen de l’exception au principe de non-refoulement prévue à l’art. 115(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Appel de la décision par laquelle la Cour fédérale a confirmé l’avis donné en application de l’art. 115(2)b) de la Loi selon lequel l’appelant devrait être renvoyé du Canada compte tenu de la nature et de la gravité des actes commis — L’appelant, un réfugié au sens de la Convention, est devenu un résident permanent du Canada — L’interdiction de territoire a été prononcée principalement parce que l’appelant faisait partie d’un gang tamoul appelé A.K. Kannan — Une mesure d’expulsion a été prise — 1) La Cour fédérale a commis une erreur en statuant qu’il n’était pas nécessaire de procéder, en vertu de l’art. 115(2), à une analyse de la nature et de la gravité des actes commis par l’appelant, étant donné que l’appelant ne serait exposé à aucun risque s’il était renvoyé du Canada — Le cadre d’analyse énoncé à l’art. 115(2) ne devrait pas être effectué dans l’ordre inverse — La personne protégée et le réfugié au sens de la Convention bénéficient du principe de non- refoulement jusqu’à ce que les exceptions prévues à l’art. 115(2) s’appliquent — 2) À l’art. 115(2), les mots « actes commis » s’entendent des actes commis par l’appelant lui-même — On peut se fonder sur les actes commis par l’organisation criminelle dès lors qu’il est démontré que l’appelant s’est rendu complice de la perpétration de ces actes — Compte tenu de la définition de l’expression « criminalité organisée » énoncée à l’art. 37(1) de la Loi, il faut se référer au droit canadien et non au droit international pour déterminer si une personne a participé à un acte compris dans la criminalité organisée — Il faut remplir des conditions minimales très exigeantes avant que les exceptions au principe du non-refoulement jouent — L’intimé dispose du pouvoir discrétionnaire en vertu de l’art. 115(2)b) d’apprécier la nature et la gravité des actes commis avant de décider si l’intéressé devrait être refoulé — Il ne faut pas tirer de conclusion expresse que l’intéressé avait été complice d’actes criminels graves commis par le gang, mais il faut néanmoins conclure, pour des motifs raisonnables, que l’intéressé s’était rendu complice des actes de criminalité organisée commis par l’organisation dont la nature et la gravité justifiaient son renvoi — Appel accueilli.
Il s’agissait d’un appel de la décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée en vue de faire annuler l’avis donné par l’intimé en application de l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés selon lequel l’appelant ne devrait pas être autorisé à rester au Canada compte tenu de la nature et de la gravité des actes commis. L’appelant, un Tamoul du Sri Lanka, s’est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, puis est devenu résident permanent. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a ensuite statué que l’appelant était interdit de territoire au Canada pour criminalité organisée en application de l’alinéa 37(1)a) de la Loi, principalement parce qu’il faisait partie d’un gang tamoul appelé A.K. Kannan, et a ordonné son expulsion. Le délégué du ministre a ensuite émis l’avis contesté. Lorsqu’elle a confirmé cette décision, la Cour fédérale a précisé que comme le délégué avait raisonnablement conclu que l’appelant ne risquait pas de subir un préjudice s’il était renvoyé, les dispositions relatives au non-refoulement prévues au paragraphe 115(1) de la Loi ne s’appliquaient pas et il n’était donc pas nécessaire de pondérer les intérêts opposés conformément au paragraphe 115(2). La Cour fédérale a expliqué qu’il n’était plus nécessaire d’examiner la question de la complicité et de se demander s’il fallait tenir compte « de la nature et de la gravité des actes commis » par l’organisation criminelle plutôt que par l’appelant personnellement.
Le principe du non-refoulement est incorporé en droit canadien par le paragraphe 115(1) de la Loi et interdit de renvoyer dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou le réfugié au sens de la Convention. Cependant, le paragraphe 115(2) permet expressément de déroger à ce principe dans le cas a) de l’interdit de territoire pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada; ou b) de l’interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.
La Cour fédérale a certifié deux questions, notamment celles de savoir 1) si le ministre, lorsqu’il rédige l’avis visé à l’alinéa 115(2)b) de la Loi, est dispensé de prendre en considération la nature et la gravité des actes passés d’un réfugié s’il conclut que le réfugié qui est interdit de territoire pour criminalité organisée ne risque pas la persécution, la torture ou des peines ou traitements cruels et inusités à son retour dans son pays d’origine; 2) si l’alinéa 115(2)b) s’applique « en raison de la nature et de la gravité » des actes commis par l’organisation criminelle à laquelle appartient la personne devant être renvoyée ou des actes commis par cette personne (y compris les actes commis par l’organisation criminelle desquels elle a été complice) si le fait que le demandeur ne court aucun de ces risques n’est pas déterminant.
Arrêt l’appel doit être accueilli.
1) La Cour fédérale a commis une erreur en statuant qu’il n’était pas nécessaire de procéder, en vertu du paragraphe 115(2) de la Loi, à une analyse de la nature et de la gravité des actes commis par l’appelant, étant donné que l’appelant n’était exposé à aucun risque s’il était renvoyé du Canada. Dans l’arrêt Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), la Cour d’appel fédérale a proposé un cadre d’analyse logique en ce qui concerne l’examen des éléments constitutifs de l’« avis de danger » prévu au paragraphe 115(2). Une fois que la personne protégée a été interdite de territoire pour grande criminalité, il faut vérifier si cette personne constitue un danger pour le public. La Cour fédérale s’est méprise lorsqu’elle a déclaré que l’arrêt Ragupathy permettait au délégué d’effectuer cette analyse dans l’ordre inverse. Elle méconnaîssait l’économie de l’article 115, ainsi que les obligations générales que la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés impose au Canada lorsqu’elle a conclu que le fait que l’appelant ne serait exposé à aucun risque s’il retournait au Sri Lanka était déterminant quant à son droit de ne pas être refoulé. La portée de l’article 115 fait en sorte que le principe du non-refoulement s’applique sans discontinuité à la personne protégée et au réfugié au sens de la Convention tant que l’une ou l’autre des deux exceptions qui y sont prévues ne s’applique pas. Lorsque l’intéressé est interdit de territoire pour raison de sécurité (article 34), pour atteinte aux droits humains ou internationaux (article 35) ou pour criminalité organisée (article 37), le délégué doit décider si l’intéressé ne devrait pas être autorisé à demeurer au Canada à cause de la nature et de la gravité des actes commis ou du danger qu’il constitue pour la sécurité au Canada. Ensuite, le délégué doit procéder à une analyse fondée sur l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés pour vérifier si, selon la prépondérance des probabilités, l’intéressé sera exposé à une menace à sa vie ou à un risque à sa sécurité ou à sa liberté s’il est renvoyé dans son pays d’origine. Enfin, le délégué doit mettre en balance la nature et la gravité des actes commis ou le danger pour la sécurité du Canada et le degré de risque, en tenant également compte de tout autre facteur d’ordre humanitaire applicable. Par conséquent, il fallait répondre par la négative à la première question certifiée.
2) La norme de preuve à laquelle il faut satisfaire pour que l’appelant tombe sous le coup de l’exception prévue au paragraphe 115(2) est celle des motifs raisonnables. Les « actes commis » dont il y a lieu de tenir compte pour l’application de l’alinéa 115(2)b) sont ceux qui ont été commis par l’appelant lui-même. Cependant, on peut aussi se fonder sur les actes commis collectivement par l’organisation criminelle, dès lors qu’il est démontré que l’appelant s’est rendu complice de la perpétration de ces actes. La Cour fédérale a invoqué à tort l’arrêt Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) pour définir la complicité dans le contexte de la criminalité organisée. La définition adoptée, qui est habituellement désignée par l’expression « complicité par association », a été reconnue comme un mode de perpétration relativement à certains crimes internationaux visés à l’article 1Fa) de la Convention et dans le cas d’agissements contraires aux buts et principes internationaux visés à l’article 1Fc) de la Convention. Bien que cette méthode puisse s’appliquer à la décision visée à l’alinéa 115(2)b) de la Loi par laquelle l’intéressé a été interdit de territoire en vertu de l’article 35 (atteinte aux droits humains ou internationaux), on ne peut pas en dire autant de la personne interdite de territoire en vertu de l’article 37 (criminalité organisée). Le législateur a choisi de définir la « criminalité organisée » à l’article 37 en parlant d’« activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale ». Donc, dans le contexte de l’alinéa 115(2)b) de la Loi, lorsqu’une personne a été déclarée interdite de territoire pour criminalité organisée, il faut se référer au droit canadien et non au droit international pour déterminer si cette personne a participé à un acte dont la nature ou la gravité justifient son renvoi.
L’idée de conditions minimales à remplir très exigeantes avant que les exceptions prévues aux alinéas 115(2)a) et b) ne jouent est confirmée par le libellé de la Loi et par les choix faits par le législateur. Pour ce qui est de l’alinéa 115(2)b), le législateur fédéral a conféré au ministre le pouvoir discrétionnaire d’apprécier la nature et la gravité des actes commis avant de décider si l’intéressé devrait être refoulé, ce qui permet de penser que l’alinéa 115(2)b) ne s’applique que lorsque les actes commis sont très graves. Une personne ne devrait pas être refoulée sauf si les actes dans lesquels elle a été impliquée justifient son renvoi (l’appelant en l’espèce). La Cour fédérale a conclu que le délégué n’avait pas conclu expressément que le demandeur avait été complice des actes criminels graves commis par le gang. Cependant, le délégué n’était pas tenu de tirer une conclusion expresse. Le délégué a conclu que l’A.K. Kannan était une organisation criminelle qui se livrait, de façon générale, à des activités criminelles graves et que l’appelant était un membre actif de ce groupe. Cela ne répondait pas aux exigences de l’enquête personnalisée axée sur les faits qu’impose l’alinéa 115(2)b). Le délégué était tenu de conclure, pour des motifs raisonnables, que l’appelant s’était rendu complice des actes de criminalité organisée dont la nature et la gravité justifiaient son renvoi, mais il ne l’a pas fait.
lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 4(4), 21, 23 (mod. par L.C. 2000, ch. 12, art. 92), 146, 240, 463 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 59; L.C. 1998, ch. 35, art. 120), 465 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 61; L.C. 1998, ch. 35, art. 121), 467.1(1) « organisation criminelle » (édicté par L.C. 2001, ch. 32, art. 27).
Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, art. 1F, 33.
Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 34(2).
Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24, art. 4, 5, 6, 7.
Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) « réfugié au sens de la Convention » (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1).
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34, 35, 36, 37, 72 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194), 73, 74, 75 (mod., idem), 98, 108(2), 115.
jurisprudence citée
décisions appliquées
Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190; (2008), 329 R.N.-B. (2e) 1; 2008 CSC 9; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3; 2002 CSC 1; Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 1 R.C.F. 490; 2006 CAF 151.
décision différenciée
Ramirez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.).
décisions examinées
Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.); Dunlop et Sylvester c. La Reine, [1979] 2 R.S.C. 881.
décisions citées
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Nagalingam, 2004 CF 1757; Nagalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1397; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; motifs modifiés, [1998] 1 R.C.S. 1222; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235; 2002 CSC 33; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; 2003 CSC 19; Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 3 C.F. 761; 2003 CAF 178; Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.); Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 303; Lennikov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 43; R. c. Greyeyes, [1997] 2 R.C.S. 825; R. v. Smith (2007), 251 N.S.R. (2d) 255; 216 C.C.C. (3d) 490; 2007 NSCA 19; R. c. Simpson, [1988] 1 R.C.S. 3; R. v. Terezakis (2007), 245 B.C.A.C. 74; 223 C.C.C. (3d) 344; 51 C.R. (6th) 165; 2007 BCCA 384; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2007] C.S.C.R. no 487; Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 687.
Lauterpacht, Sir E. et Daniel Bethlehem. « The scope and content of the principle of non-refoulement Opinion » dans Feller, E., V. Türk et F. Nicholson, dir., Refugee Protection in International Law: UNHCR’s Global Consultations on International Protection. New York Cambridge Univ. Press, 2003.
APPEL de la décision ([2008] 1 R.C.F. 87; 2007 CF 229) par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée en vue de faire annuler l’avis donné par l’intimé en application de l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés selon lequel l’appelant ne devrait pas être autorisé à demeurer au Canada compte tenu de la nature et de la gravité des actes commis. Appel accueilli.
ont comparu
Barbara L. Jackman et Andrew Brouwer pour l’appelant.
Bridget A. O’Leary et Amy Lambiris pour l’intimé.
avocats inscrits au dossier
Jackman & Associates, Toronto, pour l’appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1] La juge Trudel, j.c.a. La Cour statue sur l’appel d’une décision par laquelle le juge Kelen ([2008] 1 R.C.F. 87 (C.F.)), qui était saisi d’une demande de contrôle judiciaire, a rejeté la demande présentée par Panchalingam Nagalingam (l’appelant) en vue de faire annuler l’avis donné par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le Ministre) en application de l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).
[2] Pour rendre sa décision, le juge Kelen a conclu, avec l’assentiment des deux parties, que la demande dont il était saisi soulevait « des questions graves de portée générale concernant le refoulement ou le renvoi du Canada de réfugiés qui sont interdits de territoire pour criminalité organisée » (au paragraphe 2 des motifs du jugement). Il a par conséquent certifié les deux questions suivantes :
1. Si, lorsqu’il rédige l’avis visé à l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le ministre constate que le réfugié qui est interdit de territoire pour criminalité organisée ne risque pas la persécution, la torture ou des peines ou traitements cruels et inusités à son retour dans son pays d’origine, est-il pour autant dispensé de prendre en considération la nature et la gravité de ses actes passés, conformément à l’alinéa 115(2)b)?
2. Si le fait que le demandeur ne court aucun des risques mentionnés dans la question no 1 n’est pas déterminant, l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés s’applique-t-il « en raison de la nature et de la gravité » des actes commis par l’organisation criminelle à laquelle appartient la personne devant être renvoyée ou des actes commis par cette personne (y compris les actes commis par l’organisation criminelle desquels elle a été complice)?
Question préliminaire
[3] Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est incorrectement désigné comme intimé dans l’intitulé de la cause. Avec le consentement des parties, j’ordonne par la présente que l’intitulé soit modifié pour remplacer le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme partie intimée.
Contexte
[4] L’appelant est un Tamoul du Sri Lanka qui est arrivé au Canada en 1994. Il s’est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention [Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6] en 1995 et il est devenu résident permanent en 1997.
[5] Le 24 août 2001, l’appelant a fait l’objet d’un rapport du ministre en application de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (l’ancienne Loi), selon lequel il était interdit de territoire au Canada pour criminalité organisée. Un des principaux facteurs qui a motivé le ministre à établir ce rapport était le fait que l’appelant faisait partie d’un gang tamoul appelé A.K. Kannan.
[6] En octobre 2001, l’appelant a été arrêté et placé en détention par les autorités de l’immigration à cause du danger qu’il représentait pour le public et du fait qu’il se soustrairait vraisemblablement à son enquête ou à une autre procédure en matière d’immigration. La Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a par la suite ordonné que l’appelant soit mis en liberté à certaines conditions. Cette décision a toutefois été annulée par le juge John O’Keefe le 17 décembre 2004 ([Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Nagalingam] 2004 CF 1757).
[7] Le 28 mai 2003, la Commission a statué que l’appelant était interdit de territoire au Canada pour criminalité organisée en application de l’alinéa 37(1)a) de la Loi et a ordonné son expulsion. Le 12 octobre 2004, la juge Heneghan a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant relativement à cette décision (2004 CF 1397).
[8] Le 5 juillet 2003, l’appelant a été avisé qu’une décision serait rendue sur sa présence au Canada en vertu de l’alinéa 115(2)b) de la Loi, « compte tenu de la nature et de la gravité des actes commis ». L’appelant a présenté des observations et des éléments de preuve avec des lettres d’accompagnement datées du 8 août 2003 et du 11 novembre 2003.
[9] Le 20 juillet 2004, l’intimé a fait parvenir à l’appelant un document intitulé « Demande d’avis du ministre » daté du 13 juillet 2004. L’appelant a présenté d’autres observations au sujet des renseignements divulgués.
[10] Le 4 octobre 2005, le ministre a donné l’avis visé à l’alinéa 115(2)b). La Cour fédérale a par la suite confirmé cet avis le 28 février 2007, d’où le présent appel.
Dispositions législatives applicables
[11] Voici les dispositions législatives applicables
37. (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants
a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan;
[…]
98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.
[…]
115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire:
a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;
b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.
(3) Une personne ne peut, après prononcé d’irrecevabilité au titre de l’alinéa 101(1)e), être renvoyée que vers le pays d’où elle est arrivée au Canada sauf si le pays vers lequel elle sera renvoyée a été désigné au titre du paragraphe 102(1) ou que sa demande d’asile a été rejetée dans le pays d’où elle est arrivée au Canada.
[12] Voici les dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention)
Article premier
Définition du Terme « Réfugié »
[…]
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser
a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;
c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
[…]
Article 33
Défense d’Expulsion et de Refoulement
1. Aucun des États Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté seraient menacées en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.
2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.
Avis du délégué du ministre
[13] Le 4 octobre 2005, le délégué du ministre, G. G. Alldridge (le délégué), s’est dit d’avis, en vertu de l’alinéa 115(2)b) de la Loi, que l’appelant ne devait pas être présent au Canada en raison de la nature et de la gravité des actes qu’il avait commis (dossier d’appel 1, onglet 3, page 001) (l’avis).
[14] Pour décider si le paragraphe 115(2) s’appliquait à l’appelant, le délégué a analysé ce qui suit
a. la nature et la gravité des actes commis;
b. la menace à sa vie et le risque de traitements ou peines cruels ou inusités auxquels l’appelant serait exposé s’il était renvoyé dans son pays;
c. la question de savoir s’il existait des raisons d’ordre humanitaire suffisantes pour justifier la prise d’une mesure spéciale.
a. Nature et gravité des actes commis
[15] Pour aborder le premier volet de l’analyse, le délégué a particulièrement insisté sur les éléments de preuve tendant à démontrer que l’appelant était membre de l’A.K. Kannan et qu’il avait participé aux activités criminelles de ce groupe. Se fondant sur un rapport établi par le Toronto Police Street Violence Task Force, le délégué a fait remarquer que ce gang était impliqué dans divers actes criminels, dont [traduction] « des meurtres, des tentatives de meurtre, des voies de fait graves, des extorsions, des enlèvements, des fraudes, ainsi que des infractions relatives aux drogues et aux armes » (au paragraphe 19 de l’avis). Le délégué a également conclu que deux incidents au cours desquels des coups de feu avaient été tirés en direction de l’appelant et de sa famille n’étaient pas des actes de violence aléatoires, mais bien des mesures de représailles prises en raison du rôle d’homme de main joué par l’appelant au sein de l’A.K. Kannan (au paragraphe 28 de l’avis).
[16] Le délégué a également abordé plus précisément la question des activités criminelles de l’appelant. À cet égard, le délégué a fait observer que l’appelant avait écopé de relativement peu de condamnations au criminel et que deux de ces condamnations s’étaient traduites par de courtes périodes d’incarcération entre le 25 septembre 2000 et le 25 janvier 2001 (au paragraphe 27 de l’avis). Il a également fait observer qu’entre 1997 et 2000, l’appelant avait été accusé au criminel de possession et de dissimulation d’une arme (un couperet à viande), de menace de lésions corporelles, d’intimidation, de fraude, d’agression armée et de manquement aux conditions de son ordonnance de probation.
[17] Le délégué (au paragraphe 29 de l’avis) a par conséquent conclu ce qui suit :
[traduction] Il ressort de la preuve décrite ci-dessus, notamment […] [du] rôle [de M. Nagalingam] au sein [du gang A.K. Kannan], que, à mon avis, les actes commis par le gang A.K. Kannan sont graves. Par conséquent, M. Nagalingam ne devrait pas être présent au Canada. [Non souligné dans l’original.]
b. Menace à la vie de l’appelant et risque de traitements ou peines cruels ou inusités
[18] L’appelant soutient que, s’il est renvoyé au Sri Lanka, il sera exposé à une menace à sa vie et à un risque élevé de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités. Le délégué a repoussé cette prétention.
[19] Tout en prenant acte du fait que le statut de réfugié avait été reconnu à l’appelant, le délégué a également fait observer qu’[traduction] « un changement significatif » s’était produit dans la situation au Sri Lanka. Le délégué a par conséquent conclu qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour pouvoir conclure qu’il était plus probable que le contraire que l’appelant serait exposé à une menace à sa vie ou un risque élevé de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait au Sri Lanka.
c. Considérations d’ordre humanitaire
[20] Malgré la présence au Canada de la conjointe de fait de l’appelant, de leur enfant né au Canada et d’autres membres de la famille, le délégué a conclu qu’il n’existait pas, dans le cas de l’appelant, de raisons d’ordre humanitaire justifiant la prise d’une mesure spéciale. Il écrit ce qui suit [aux paragraphes 51 et 53 de l’avis] :
[traduction] Il n’y a rien dans les éléments qui ont été portés à ma connaissance qui permette de penser que l’enfant a souffert de la séparation d’avec son père au cours des quatre dernières années qu’il a passées en prison et en détention — et cette remarque vaut aussi pour les autres membres de la famille de M. Nagalingam, y compris sa conjointe de fait […]
[…]
Il n’y a rien dans les éléments qui ont été portés à ma connaissance qui permette de penser qu’il est interdit aux membres de la famille de M. Nagalingam de vivre avec lui ou de lui rendre visite au Sri Lanka. Bien que je sois conscient du fait que M. Nagalingam a, au Canada, une conjointe et un enfant qui souffriraient de la séparation qu’entraînerait son renvoi du Canada, et compte tenu de l’adaptation à laquelle M. Nagalingam devrait faire face s’il devait repartir à neuf dans un pays étranger qu’il a quitté lorsqu’il avait 21 ans, l’implication de M. Nagalingam dans le milieu du crime organisé m’amène à conclure qu’il n’existe pas en l’espèce de raisons d’ordre humanitaire qui justifieraient la prise d’une mesure spéciale.
[21] Le délégué s’est pour cette raison dit d’avis qu’il n’était [traduction] « pas nécessaire de soupeser le risque auquel M. Nagalingam serait exposé avec la nature et la gravité des actes qu’il a commis et les facteurs d’ordre humanitaire, conformément aux principes de droit énoncés par la Cour suprême du Canada, car il n’y a tout simplement pas lieu de procéder à une telle pondération en l’espèce » (au paragraphe 55 de l’avis). Le délégué a par conséquent conclu que l’appelant ne devait pas être présent au Canada.
Décision de la Cour fédérale
[22] L’appelant a demandé le contrôle judiciaire de la décision prise par le délégué le 25 octobre 2005. Pour ce faire, l’appelant a saisi respectivement le 16 novembre 2005 et le 4 décembre 2005 la Cour fédérale et la Cour supérieure de l’Ontario de requêtes en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui. Comme ces requêtes ont toutes les deux été rejetées en temps utile, l’appelant a été renvoyé du Canada en décembre 2005.
[23] Pour rejeter la demande à l’origine de l’appel dont notre Cour est saisie, le juge Kelen a abordé quatre questions, à commencer par celle de savoir si le délégué avait commis une erreur en concluant que l’appelant ne serait pas exposé à une menace à sa vie ou au risque de peines ou traitements cruels s’il était renvoyé au Sri Lanka. Sur ce point, le juge Kelen a écarté l’idée que le délégué n’avait tenu compte ni du statut de réfugié de l’appelant ni de tout autre élément de preuve pertinent pour conclure qu’il devait être renvoyé du Canada. Le juge Kelen a approuvé la décision du délégué sur cette question (au paragraphe 39 des motifs du jugement).
[24] La seconde question exigeait que l’on réponde à la question suivante :
Ayant décidé que l’appelant, qui est interdit de territoire pour criminalité organisée, n’est pas exposé à un risque, le délégué devait-il analyser « la nature et la gravité des actes commis » conformément à l’alinéa 115(2)b) de la Loi?
Suivant le juge Kelen, comme le délégué avait raisonnablement conclu que l’appelant ne risquait pas de subir un préjudice, les dispositions relatives au non-refoulement prévues au paragraphe 115(1) [de la Loi] ne s’appliquaient pas et il n’était donc pas nécessaire de « pondérer » les intérêts opposés conformément au paragraphe 115(2). Le juge Kelen a expliqué que ce n’était que si la conclusion du délégué selon laquelle l’appelant ne risquait pas de subir un préjudice était jugée manifestement déraisonnable que la Cour devait examiner l’analyse que le délégué avait faite de la nature et de la gravité des actes commis ou la mise en équilibre de cette analyse et du risque de préjudice consécutif au renvoi (au paragraphe 47).
[25] Vu cette conclusion, le juge Kelen a expliqué qu’il n’était plus nécessaire d’examiner la question de la complicité et de se demander s’il fallait tenir compte de « la nature et de la gravité des actes commis » par l’organisation criminelle plutôt que par l’appelant personnellement. Il n’était par ailleurs pas nécessaire de se demander si le délégué avait commis une erreur en ne tenant pas compte du risque de persécution de l’appelant et, de façon générale, de la constitutionnalité de la disposition contestée. Reconnaissant toutefois qu’il pouvait avoir tort, le juge Kelen a poursuivi son analyse sur ces trois points (au paragraphe 52).
[26] Sur la question de la complicité et du rapport entre celle-ci et l’application de l’alinéa 115(2)b), le juge Kelen a conclu que le délégué devait fonder son évaluation sur la nature et la gravité des actes commis par l’appelant lui-même plutôt que sur les actes commis par le groupe auquel il était associé. À son avis, il n’y aurait lieu de tenir compte des actes commis par le groupe que s’il était démontré que l’appelant y avait participé personnellement et sciemment à titre de complice (au paragraphe 65). Dans le cas qui nous occupe, le juge Kelen a estimé que le délégué avait commis une erreur en fondant son avis sur les actes criminels commis par l’A.K. Kannan sans jamais conclure expressément que l’appelant avait effectivement été « complice » des actes en question (au paragraphe 68). Il a poursuivi en disant que, n’eût été son accord avec la conclusion déterminante du délégué sur la question du risque de préjudice, il n’aurait eu d’autre choix que de renvoyer l’affaire à un autre délégué pour qu’il détermine si l’appelant avait été complice des actes criminels graves commis par le gang aux fins de l’alinéa 115(2)b) de la Loi (au paragraphe 68).
[27] Enfin, le juge Kelen a rejeté l’argument que le délégué avait négligé d’examiner le risque de persécution auquel serait exposé l’appelant ainsi que la constitutionalité de l’alinéa 115(2)b). Plus précisément, le juge Kelen a estimé que le délégué avait bien analysé la question du risque de persécution dans toute sa décision et que, comme l’appelant n’était pas exposé à un tel risque, les droits garantis à l’appelant par l’article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] ne s’appliquaient pas (au paragraphe 74).
[28] En conséquence, le juge Kelen a rejeté la demande de contrôle judicaire et a certifié les questions qui sont énoncées, au paragraphe 2 et sur lesquelles repose notre analyse, dont voici le plan schématique
PLAN SCHÉMATIQUE
Analyse
A. Norme de contrôle paragraphes 29-35
B. Question certifiée n° 1 paragraphes 36-45
C. Question certifiée n° 2 paragraphes 46-76
1) Norme de preuve paragraphes 47-50
2) Actes commis paragraphes 51-68
3) Nature et gravité des actes paragraphes 69-76
D. Application aux conclusions
du délégué paragraphes 77-80
E. Réparations réclamées paragraphes 81-82
Conclusions paragraphes 83-84
Analyse
A. Norme de contrôle
[29] Aux termes de l’alinéa 74d) de la Loi, le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci. Sans la certification d’une « question grave de portée générale », l’appel ne peut être justifié. Toutefois, l’objet de l’appel est bien le jugement lui-même, et non simplement la question certifiée (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 25). Je me propose donc d’aborder toutes les questions soulevées par le présent appel (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 12 (Baker)).
[30] Comme il s’agit d’une décision consécutive à un contrôle judiciaire, les principes posés dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, s’appliquent le choix de la norme de contrôle appropriée constitue une question de droit à laquelle s’applique la norme de contrôle de la décision correcte (Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43 (Dr Q)). Enfin, si elle constate qu’il y a eu une erreur à cette étape de l’analyse, la Cour devra « corriger cette erreur, appliquer la norme de contrôle appropriée, et évaluer la décision [du délégué] ou renvoyer l’affaire à la lumière de cette correction » (Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, au paragraphe 19; voir aussi l’arrêt Dr Q, au paragraphe 43).
[31] Le 7 mars 2008, la Cour suprême du Canada a rendu une décision attendue depuis longtemps dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, dans laquelle elle a réexaminé la démarche à suivre en ce qui concerne le contrôle judiciaire des décisions des tribunaux administratifs. Parmi les éléments les plus frappants de l’arrêt de la Cour suprême, il y a lieu de mentionner sa décision de ramener de trois à deux les normes de contrôle applicables et de « fondre en une seule les deux normes de raisonnabilité » (au paragraphe 45). Pour déterminer laquelle de ces deux normes il convient d’appliquer dans un cas donné, la Cour suprême a proposé une démarche en deux étapes (au paragraphe 62) :
Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.
[32] Dans le cas qui nous occupe, s’inspirant de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 41 (Suresh), le juge Kelen a estimé que les conclusions de fait tirées par le délégué commandaient l’application de la norme de la décision manifestement déraisonnable (au paragraphe 18 des motifs du jugement). Compte tenu de l’arrêt Suresh, et de l’arrêt Dunsmuir, qui est plus récent, je suis d’accord avec le juge Kelen pour dire qu’il y a lieu de faire preuve d’un degré élevé de retenue à l’égard des conclusions de fait du délégué, de sorte que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable.
[33] Pour ce qui est des questions de droit, le juge Kelen a appliqué la norme de la décision correcte (au paragraphe 19 des motifs du jugement). Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême explique que les questions de droit peuvent parfois donner lieu à l’application de l’une ou l’autre norme de contrôle. Voici, à ce propos, ce que le juge Bastarache et le juge Lebel (au paragraphe 55) écrivent au nom de la majorité :
Les éléments suivants permettent de conclure qu’il y a lieu de déférer à la décision et d’appliquer la norme de la raisonnabilité
• Une clause privative elle traduit la volonté du législateur que la décision fasse l’objet de déférence.
• Un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale (p. ex., les relations de travail).
• La nature de la question de droit. Celle qui revêt « une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise » du décideur administratif appelle toujours la norme de la décision correcte (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 62). Par contre, la question de droit qui n’a pas cette importance peut justifier l’application de la norme de la raisonnabilité lorsque sont réunis les deux éléments précédents.
[34] Dans le cas qui nous occupe, je constate que la Loi ne prévoit pas de clause privative, mais plutôt que le droit de saisir la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire est expressément prévu à condition d’obtenir une autorisation préalable (articles 72 à 75 [art. 72 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194), 75 (mod., idem)]). Par ailleurs, les questions de droit qui sont posées dans le présent appel commandent l’interprétation et l’application de principes généraux de common law et de droit international au sujet desquels le délégué ne possède pas une expertise plus grande que la Cour. Je conclus donc que le juge Kelen a appliqué la norme de contrôle appropriée aux questions de droit soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire, en l’occurrence celle de la décision correcte.
[35] En conséquence, comme le juge Kelen n’a commis aucune erreur lorsqu’il a déterminé la norme de contrôle applicable, je passe maintenant à l’examen de la première question certifiée.
B. Question certifiée n° 1
[36] Pour trancher les deux questions certifiées, il est nécessaire de bien comprendre le principe de droit international du non-refoulement, que l’on trouve au paragraphe 1 de l’article 33 de la Convention et qui a été incorporé en droit canadien par le paragraphe 115(1) de la Loi. Le paragraphe 115(1) interdit en effet de renvoyer dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou le réfugié au sens de la Convention.
[37] Bien que l’on reconnaisse que ce principe constitue la pierre angulaire du droit d’asile en droit international des réfugiés, la protection qu’il confère n’est pas absolue. D’ailleurs, le paragraphe 115(2), qui incorpore quant à lui le paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention en droit canadien, permet expressément de déroger à ce principe dans le cas a) de l’interdit de territoire qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada pour grande criminalité; ou b) de l’interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée qui, selon le ministre, ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.
[38] Appliquant ce principe à la première question en litige, je suis d’accord avec les parties pour dire que le juge Kelen a commis une erreur en statuant qu’il n’était pas nécessaire de procéder, en vertu du paragraphe 115(2) de la Loi, à une analyse de la nature et de la gravité des actes commis par l’appelant, étant donné que l’appelant n’était exposé à aucun risque s’il était renvoyé du Canada (au paragraphe 40 des motifs du jugement).
[39] Dans l’affaire Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 1 R.C.F. 490 (C.A.F.) (Ragupathy), notre Cour propose un cadre d’analyse logique en ce qui concerne l’examen des éléments constitutifs de l’« avis de danger » prévu à l’alinéa 115(2)a). Plus précisément, notre Cour a expliqué qu’une fois que la personne protégée a été interdite de territoire pour grande criminalité, l’étape logique suivante consiste à vérifier si cette personne constitue un danger pour le public (au paragraphe 17). La Cour poursuit en expliquant ce qui suit (au paragraphe 18) :
Si le délégué estime que la présence au Canada de la personne protégée ne constitue pas un danger pour le public, cela met fin à l’analyse qu’exige le paragraphe 115(2). La personne en question n’est pas visée par l’exception à l’interdiction du refoulement des personnes protégées, prévue au paragraphe 115(1), et elle ne peut donc pas être expulsée. Par contre, si le délégué estime que la personne constitue un danger pour le public, il doit alors évaluer si, et dans quelle mesure, la personne risquerait d’être persécutée, torturée ou de subir d’autres peines ou traitements inhumains si elle était renvoyée. À cette étape-ci, le délégué doit se prononcer sur la gravité du danger qu’entraîne la présence de la personne en question, dans le but de mettre en balance le risque et, apparemment, les autres circonstances d’ordre humanitaire, avec la gravité du danger que cette personne constituerait pour le public dans le cas où celle-ci demeurerait au Canada.
[40] Bien que le juge Kelen signale à juste titre que le délégué s’est d’abord prononcé sur la nature et la gravité des actes commis pour ensuite conclure qu’il n’existait aucun risque que l’appelant subisse un préjudice s’il était renvoyé, il s’est mépris lorsqu’il a déclaré que l’arrêt Ragupathy permettait au délégué d’effectuer cette analyse dans l’ordre inverse (au paragraphe 46 des motifs du jugement). Suivant le juge Kelen, il était sans intérêt d’examiner la nature et la gravité des actes commis puisque le principal intéressé n’était exposé à aucun risque de préjudice en cas de retour dans son pays. Le juge Kelen a estimé que, dans ces conditions, le principe du non-refoulement consacré au paragraphe 115(1) de la Loi ne s’appliquait pas en l’espèce (au paragraphe 43 des motifs du jugement).
[41] À mon humble avis, le juge Kelen méconnaît l’économie de l’article 115, ainsi que les obligations générales que la Convention impose au Canada lorsqu’il conclut que le fait que l’appelant ne serait exposé à aucun risque s’il retournait au Sri Lanka est déterminant quant à son droit de ne pas être refoulé.
[42] La portée de l’article 115 fait en sorte que le principe du non-refoulement s’applique sans discontinuité à la personne protégée et au réfugié au sens de la Convention tant que l’une ou l’autre des deux exceptions qui y sont prévues ne s’applique pas. Ainsi, déterminer que le principe du non-refoulement ne s’applique plus du simple fait que la situation dans le pays d’origine de la personne protégée ou du réfugié au sens de la Convention s’est améliorée revient à court-circuiter le processus.
[43] Le raisonnement suivi par le juge Kelen force essentiellement le délégué à déborder le cadre de ses attributions et à se prononcer sur le statut de réfugié de l’appelant au lieu de se contenter de répondre à la question de savoir si la nature et la gravité des actes que l’appelant a commis le privent des avantages que lui confère ce statut (en l’occurrence le droit de ne pas être refoulé). À cet égard, j’abonde dans le sens de l’intimé lorsqu’il affirme que la méthode proposée dans l’arrêt Ragupathy assure que le délégué ne déborde pas le cadre de ses attributions, car il ne lui appartient pas d’enlever à l’intéressé son statut de réfugié ou de modifier ce statut (mémoire de l’intimé, au paragraphe 71). En procédant de cette manière, on s’assure que le délégué n’usurpe pas le pouvoir conféré à la Section de la protection des réfugiés par le paragraphe 108(2) de la Loi en matière de perte du droit d’asile.
[44] En résumé donc, voici les principes applicables à la décision prise par le délégué en vertu de l’alinéa 115(2)b) de la Loi et les étapes à suivre pour arriver à cette décision :
1) La personne protégée et le réfugié au sens de la Convention bénéficient du principe du non-refoulement reconnu par le paragraphe 115(1) de la Loi, sauf si l’exception prévue à l’alinéa 115(2)b) s’applique;
2) Pour que l’alinéa 115(2)b) s’applique, il faut que l’intéressé soit interdit de territoire pour raison de sécurité (article 34 de la Loi), pour atteinte aux droits humains ou internationaux (article 35 de la Loi) ou pour criminalité organisée (article 37 de la Loi);
3) Si l’intéressé est interdit de territoire pour l’une ou l’autre de ces raisons, le délégué doit décider si l’intéressé ne devrait pas être autorisé à demeurer au Canada à cause de la nature et de la gravité des actes commis ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;
4) Une fois cette décision prise, le délégué doit procéder à une analyse fondée sur l’article 7 de la Charte. À cette fin, le délégué doit vérifier si, selon la prépondérance des probabilités, l’intéressé sera exposé à une menace à sa vie ou à un risque à sa sécurité ou à sa liberté s’il est renvoyé dans son pays d’origine. Cette analyse se fait simultanément et le réfugié au sens de la Convention ou la personne protégée ne peut s’autoriser de son statut pour réclamer l’application de l’article 7 de la Charte (Suresh, au paragraphe 127).
5) Poursuivant son analyse, le délégué doit mettre en balance la nature et la gravité des actes commis ou le danger pour la sécurité du Canada et le degré de risque, en tenant également compte de tout autre facteur d’ordre humanitaire applicable (Suresh, aux paragraphes 76 à 79; Ragupathy, au paragraphe 19).
[45] Ceci étant dit, je me propose de répondre par la négative à la première question certifiée, étant donné que le délégué n’a pas suivi les étapes qui viennent d’être suggérées pour former son avis.
C. Question certifiée n° 2
[46] Pour répondre à la seconde question certifiée, je me propose d’analyser les éléments suivants :
1) La norme de preuve à laquelle il faut satisfaire pour que l’appelant tombe sous le coup de l’exception prévue à l’alinéa 115(2)b); 2) La question de savoir si les actes dont il est question à l’alinéa 115(2)b) sont ceux qui sont commis par l’organisation criminelle dont l’intéressé est membre ou ceux qui ont été commis dans le contexte de la criminalité organisée par l’intéressé, soit directement, soit comme complice; 3) Les exigences minimales appropriées auxquelles il faut satisfaire avant qu’on puisse considérer que la nature et la gravité de l’acte commis sont telles que l’auteur de cet acte ne devrait plus être autorisé à demeurer au Canada.
1) Norme de preuve prévue à l’alinéa 115(2)b) de la Loi motifs raisonnables
[47] Il est important de déterminer la norme de preuve à laquelle il faut satisfaire pour que l’appelant tombe sous le coup de l’exception prévue à l’alinéa 115(2)b), car une erreur à ce chapitre aura indéniablement des incidences sur l’interprétation des règles de droit et sur l’examen de la preuve.
[48] Ainsi que nous l’avons déjà signalé, les paragraphes 115(1) et (2) de la Loi incorporent le principe du non-refoulement et ses exceptions en droit canadien.
[49] Bien que le paragraphe 115(2) ne réaffirme pas explicitement la norme minimale de preuve des « raisons sérieuses » énoncée au paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention, il confère effectivement au ministre le pouvoir discrétionnaire de décider « si, selon le ministre, [l’intéressé] ne devrait pas être présent au Canada ». Àmon avis, compte tenu de l’économie de l’article 115 de la Loi, ce pouvoir discrétionnaire s’accorde avec la norme des raisons sérieuses (ou norme des motifs raisonnables). En règle générale, les décisions discrétionnaires commandent un degré élevé de retenue judiciaire. Je m’empresse cependant d’ajouter que « il faut que le pouvoir discrétionnaire soit exercé conformément aux limites imposées dans la loi, aux principes de la primauté du droit, aux principes du droit administratif, aux valeurs fondamentales de la société canadienne, et aux principes de la Charte » (Baker, au paragraphe 56).
[50] Je conclus donc que la norme appropriée lorsqu’il s’agit de trancher une question en vertu du paragraphe 115(2) de la Loi est celle des motifs raisonnables. Ce faisant, je constate que cette norme a déjà été définie [dans Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.), au paragraphe 60] comme
[…] une norme de preuve qui, sans être une prépondérance des probabilités, suggère néanmoins « la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi ». (Voir Le procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.).
2) Actes commis par l’appelant dans le contexte de la criminalité organisée complicité
[51] Je suis d’accord avec le juge Kelen pour dire que les « actes commis » dont il y a lieu de tenir compte pour l’application de l’alinéa 115(2)b) sont ceux qui ont été commis par l’appelant lui-même. Une simple lecture de la version française de cette disposition confirme cette interprétation. On y parle en effet de « ses actes passés ». Ainsi que le juge Kelen l’a fait remarquer, la version française est claire et non ambiguë et c’est elle qui reflète le mieux l’intention du législateur, qui voulait que les actes dont il y a lieu de tenir compte soient ceux qui ont été commis par l’appelant lui-même (aux paragraphes 59 et 60 des motifs du jugement). Ceci étant dit, je suis également d’accord pour dire que cette conclusion n’exclut pas la possibilité de se fonder sur les actes commis collectivement par l’organisation criminelle, dès lors qu’il est démontré que l’appelant s’est rendu complice de la perpétration de ces actes.
[52] Je ne suis toutefois pas d’accord avec le juge Kelen lorsqu’il invoque l’arrêt Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.) (Ramirez), pour définir la complicité dans le contexte de la criminalité organisée. La définition qu’il adopte, et qui est habituellement désignée par l’expression « complicité par association », a été reconnue comme un mode de perpétration relativement à certains crimes internationaux visés à la section Fa) de l’article premier de la Convention (crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité) et, par analogie, dans le cas d’agissements contraires aux buts et principes internationaux visés à la section Fc) de l’article premier de la Convention (Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 3 C.F. 761 (C.A.), au paragraphe 137, le juge Décary (motifs concourants)).
[53] Le juge Kelen déclare, dans ses motifs (au paragraphe 64) :
Ce critère de complicité qui s’applique sous le régime de la Loi a été établi par la Cour dans des affaires concernant des crimes contre l’humanité. Ces crimes sont également visés à l’alinéa 115(2)b), et cette norme est raisonnable pour établir la complicité aux fins de cette disposition. Voir la décision que j’ai rendue dans Catal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1517, aux paragraphes 8 et 9.
[54] L’expression « complicité par association » a été appliquée en droit canadien de l’immigration dans le contexte de l’article 98 (paragraphe 2(1) [la définition du terme « réfugié au sens de la Convention » (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1)] de l’ancienne Loi sur l’immigration) ainsi que de l’article 35 de la Loi (Ramirez; Sivakumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.); Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 303; Lennikov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 43).
[55] Dans l’affaire Ramirez, la question de droit la plus controversée portait sur la mesure dans laquelle les complices de même que les acteurs principaux dans les crimes internationaux ne pouvaient pas bénéficier de la protection fournie par la Convention. Le juge MacGuigan écrit (à la page 315) :
La Convention [la section Fa) de l’article premier] fait mention des « instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ». L’Accord de Londres/Tribunal militaire international est l’un de ces instruments. L’article 6 de ce document prévoit, entre autres, ce qui suit [reproduit par Grahl-Madsen, à la page 274]
Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l’élaboration ou à l’exécution d’un plan concerté ou d’un complot pour commettre l’un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes personnes en exécution de ce plan.
Je crois que cet élément indique de façon concluante que les complices sont visés au même titre que les auteurs principaux. Mais il reste à déterminer le degré de participation requis pour être un complice.
Les deux parties ont convenu, pendant leur argumentation, que la Cour ne peut analyser la responsabilité des complices aux termes de la Convention en ne tenant compte que du seul article 21 du Code criminel [L.R.C. (1985), chap. C-46] canadien, traitant des parties à une infraction. En effet, cet article est issu des règles traditionnelles de la common law en matière d’aide et d’encouragement. Or, une convention internationale ne saurait s’interpréter à la lumière d’un seul des systèmes juridiques du monde. [Note de bas de page omise.]
[56] La section Fa) de l’article premier de la Convention mentionne les instruments internationaux et l’article 98 de la Loi incorpore la section F de l’article premier en droit canadien. C’est dans ce contexte que l’approche traditionnelle de la common law en matière de complicité a été exclue.
[57] Bien que j’admette que la méthode suivie par le juge Kelen s’appliquerait à la décision visée à l’alinéa 115(2)b) par laquelle l’intéressé a été interdit de territoire en vertu de l’article 35 (atteinte aux droits humains ou internationaux), je ne crois pas qu’on puisse en dire autant de la personne interdite de territoire en vertu de l’article 37 (criminalité organisée). Pour ce qui est de cette dernière disposition, le législateur a choisi de définir la « criminalité organisée » en parlant d’« activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale » (non souligné dans l’original).
[58] Je suis d’avis que ce libellé constitue une invitation non équivoque à appliquer nos lois internes pour déterminer si une personne s’est rendue complice de certains actes au sein du crime organisé. Contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire Ramirez, je ne trouve aucune raison de conclure autrement dans le cas de la criminalité organisée.
[59] L’article 21 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 (le Code criminel ou le C.cr.), précise la responsabilité de l’auteur principal d’une infraction et des personnes qui y participent. Il s’applique le plus souvent dans les cas de complicité. En voici le libellé :
21. (1) Participent à une infraction
a) quiconque la commet réellement;
b) quiconque accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à la commettre;
c) quiconque encourage quelqu’un à la commettre.
(2) Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin illégale et de s’y entraider et que l’une d’entre elles commet une infraction en réalisant cette fin commune, chacune d’elles qui savait ou devait savoir que la réalisation de l’intention commune aurait pour conséquence probable la perpétration de l’infraction, participe à cette infraction.
[60] L’alinéa 21(1)a) déclare responsable en tant qu’auteur principal celui qui commet l’infraction en cause.
[61] L’alinéa 21(1)b) déclare responsable en tant que participant celui qui accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à commettre une infraction, tandis que l’alinéa 21(1)c) le déclare responsable au même titre s’il a encouragé l’auteur principal à commettre l’infraction en cause.
[62] Bien que les termes aider et encourager soient couramment associés, ces deux concepts ne sont pas identiques. « Aider », au sens de l’alinéa 21(1)b), signifie assister l’auteur principal ou lui prêter main-forte, tandis que « encourager », au sens de l’alinéa 21(1)c), signifie notamment inciter et instiguer à commettre un crime, ou en favoriser ou provoquer la perpétration (R. c. Greyeyes, [1997] 2 R.C.S. 825, au paragraphe 26; également cité dans les arrêts R. v. Smith (2007), 251 N.S.R. (2d) 255 (C.A.), au paragraphe 148; Zrig, au paragraphe 166, le juge Décary (motifs concourants).
[63] Pour élucider le sens de l’expression « aider et encourager », le juge Dickson explique ce qui suit dans l’arrêt Dunlop et Sylvester c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 881, aux pages 891 et 896 :
La simple présence sur les lieux d’un crime n’est pas suffisante pour conclure à la culpabilité. Il faut faire quelque chose de plus encourager l’auteur initial; faciliter la perpétration de l’infraction, comme monter la garde ou attirer la victime, ou accomplir un acte qui tend à faire disparaître les obstacles à la perpétration de l’acte criminel, par exemple empêcher la victime de s’échapper ou encore se tenir prêt à aider l’auteur principal […]
[…]
[toutefois] La présence au moment de la perpétration d’une infraction peut constituer une preuve d’aide et d’encouragement si elle est accompagnée d’autres facteurs, comme la connaissance préalable de l’intention de l’auteur de perpétrer l’infraction ou si elle a pour but l’incitation.
[64] En droit canadien, la complicité ne se limite pas à cette notion d’aide et d’encouragement. Par exemple, le paragraphe 21(2) du C.cr. étend la responsabilité de l’auteur principal et des personnes ayant participé à la commission de l’infraction au-delà de l’acte fautif initialement prévu. Il est donc possible qu’une personne soit partie non seulement à l’infraction qu’elle a aidé ou encouragé à commettre, mais aussi à l’infraction qu’elle n’a ni aidé ni encouragé à commettre, mais dont elle savait ou aurait dû savoir qu’elle aurait pour conséquence probable la poursuite d’une fin illégale (R. c. Simpson, [1988] 1 R.C.S. 3, à la page 15).
[65] Notre Code criminel renferme aussi des dispositions se rapportant a) à d’autres formes de responsabilité, telles que celles qui sont prévues aux articles 23 [mod. par L.C. 2000, ch. 12, art. 92] et 463 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 59; L.C. 1998, ch. 35, art. 120] (complicité après le fait); à l’article 465 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 61; L.C. 1998, ch. 35, art. 121] (complot); et b) à la responsabilité d’un acteur secondaire telle que l’article 146 (faciliter une évasion) et l’article 240 (complicité de meurtre après le fait), pour ne nommer que quelquesunes qui semblent plus pertinentes dans le contexte de la criminalité organisée.
[66] Il n’est toutefois ni nécessaire ni approprié d’examiner dans le cadre du présent appel toutes les dispositions qui pourraient s’appliquer dans un cas déterminé. Qu’il suffise de dire que, dans le contexte de l’alinéa 115(2)b) de la Loi, lorsqu’une personne a été déclarée interdite de territoire pour criminalité organisée, il faut se référer au droit canadien et non au droit international pour déterminer si cette personne a participé à un acte dont la nature ou la gravité justifient son renvoi. Il faut également souligner que l’article 37 de la Loi prévoit sa propre définition de la criminalité organisée et que cette définition est différente de celle que l’on trouve au paragraphe 467.1(1) [« organisation criminelle » (édicté par L.C. 2001, ch. 32, art. 27)] du Code criminel (sur le paragraphe 467.1(1) du C.cr., voir R. v. Terezakis (2007), 245 B.C.A.C. 74 (C.A.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2007] C.S.C.R. n° 487).
[67] Avant de conclure sur cette question, je tiens à formuler deux autres observations. Premièrement, bien qu’on comprenne que les dispositions du Code criminel jouent un rôle important pour déterminer s’il y a complicité dans le contexte précité (surtout lorsqu’on tient compte du paragraphe 34(2) de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21), il n’est pas exclu que d’autres lois fédérales puissent s’appliquer à une situation particulière lorsqu’on conclut à la complicité (paragraphe 4(4) du C.cr.). En second lieu, ce n’est qu’avec circonspection et avec les adaptations de circonstance que l’on recourt au droit criminel dans le contexte des affaires en matière d’immigration, d’autant plus que la norme de preuve applicable dans le cas du paragraphe 115(2) de la Loi est celle des motifs raisonnables et non celle de la preuve hors de tout doute raisonnable.
[68] Ceci étant dit, j’arrive à la conclusion que, lorsqu’on applique l’alinéa 115(2)b) à un individu qui a été déclaré interdit de territoire pour criminalité organisée (article 37 de la Loi), il faut qu’il existe des motifs raisonnables de penser que cet individu a, personnellement ou en tant que complice, tel que cette notion est définie dans notre système de droit criminel, commis des actes de criminalité organisée.
3) Nature et gravité des actes une norme minimale exigeante
[69] En ce qui concerne le dernier volet de mon analyse de la seconde question certifiée, j’accepte l’argument de l’appelant suivant lequel [traduction] « vu la nature fondamentale de l’interdiction de refoulement et, de façon plus générale, le caractère humanitaire de la Convention, il faut considérer que les conditions minimales à remplir avant que les exceptions ne jouent sont très exigeantes » (Lauterpacht, Sir E. et D. Bethlehem, « The scope and content of the principle of non-refoulement Opinion » dans Refugee Protection in International Law: UNHCR’s Global Consultations on International Protection (New York Cambridge Univ. Press E. Feller, V. Türk et F. Nicholson (dir.), 2003), au paragraphe 169).
[70] Cette idée de « conditions minimales à remplir très exigeantes avant que les exceptions ne jouent » est confirmée par le libellé de la Loi elle-même et par les choix faits par le législateur. Plus précisément, je constate que l’alinéa 115(2)a) s’applique lorsque l’intéressé est interdit de territoire pour grande criminalité, au sens du paragraphe 36(1) de la Loi, c’est-à-dire lorsqu’il est déclaré coupable « d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé ». En revanche, l’interdiction de territoire pour criminalité au sens du paragraphe 36(2) ne tombe pas sous le coup des exceptions énumérées aux alinéas 115(2)a) ou b), ce qui laisse entrevoir que le législateur ne considérait pas que les infractions mineures satisfaisaient à ces conditions minimales précises. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on considère que, pour que l’alinéa 115(2)a) s’applique, il faut que le ministre estime que l’individu en question « constitue un danger pour le public au Canada ».
[71] D’ailleurs, comme Lauterpacht et Bethlehem le font observer (au paragraphe 186) :
[traduction] Il ressort à l’évidence du libellé du paragraphe 33(2) que seules les déclarations de culpabilité pour les crimes particulièrement graves entrent dans le champ d’application de l’exception. Ce double qualificatif – particulièrement et graves – s’accorde avec la portée restreinte de l’exception et indique que le refoulement ne peut être envisagé en vertu de cette disposition que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Suivant certains auteurs, parmi le type de crimes qui tombent sous le coup de l’exception, il y a lieu de mentionner le meurtre, le viol, le vol à main armée, l’incendie criminel, etc. [Renvois omis.]
[72] Le même raisonnement restrictif vaut en ce qui concerne l’alinéa 115(2)b). Je constate qu’aux termes de cet alinéa, l’interdiction de territoire pour criminalité organisée est placée sur le même pied que l’interdiction de territoire pour raison de sécurité (article 34) et que l’interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux (article 35). Aux termes de ces deux articles, emportent interdiction de territoire notamment les faits suivants :
• être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada (alinéa 34(1)a));
• se livrer au terrorisme (alinéa 34(1)c));
• commettre, hors du Canada, une des infractions visées aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre [L.C. 2000, ch. 24] (alinéa 35(1)a)).
[73] En dépit de la gravité de ces actes, le législateur fédéral a néanmoins conféré au ministre le pouvoir discrétionnaire d’apprécier la nature et la gravité des actes commis avant de décider si l’intéressé devrait être refoulé en vertu de l’alinéa 115(2)b), ce qui, à mon sens, permet de penser que l’alinéa 115(2)b) ne s’applique que lorsque les actes commis sont très graves.
[74] En conséquence, je fais miens les propos du juge Kelen suivant lesquels « La raison logique d’examiner la nature et la gravité des actes commis par le réfugié est que ce dernier ne devrait pas être refoulé seulement parce qu’il est membre d’une organisation criminelle, sauf si les actes dans lesquels il a été impliqué justifient son renvoi » (non souligné dans l’original) (au paragraphe 61 des motifs du jugement). Cette condition préalable exigeante s’explique par la nature et la gravité des actes commis.
[75] Je me propose donc de répondre comme suit à la seconde question certifiée :
L’exception prévue à l’alinéa 115(2)b) en ce qui concerne la criminalité organisée s’applique au réfugié au sens de la Convention ou à la personne protégée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité (dans le contexte de la criminalité organisée) des actes qu’il a commis personnellement ou en tant que complice, au sens de nos lois internes, en appliquant la norme des motifs raisonnables.
[76] Le délégué devait donc établir un lien raisonnable entre l’appelant et les actes de l’organisation dont il était membre en tenant compte, au besoin, du rôle et des attributions qui lui étaient confiés au sein de l’organisation criminelle. Pour ce faire, le délégué devait se rappeler que ce n’est que dans des cas exceptionnels que le réfugié au sens de la Convention ou la personne protégée perd le bénéfice du paragraphe 115(1). Ainsi, seuls les actes très graves satisfont à cette norme minimale élevée.
D. Application aux conclusions du délégué
[77] Le juge Kelen a estimé que le délégué n’avait pas « conclu expressément que le demandeur avait été complice des actes criminels graves commis par le gang » (au paragraphe 68 des motifs du jugement). Je suis d’accord en partie avec cette assertion. Le délégué n’a pas procédé à une analyse suffisante pour pouvoir conclure à la complicité. Il n’était cependant pas tenu de tirer une conclusion expresse (Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 687, au paragraphe 43).
[78] Dans le cas qui nous occupe, le délégué a conclu que l’A.K. Kannan était une organisation criminelle qui se livrait, de façon générale, à des activités criminelles graves et que l’appelant était un membre actif de ce groupe. Ces conclusions ne suffisaient pas pour satisfaire au critère préliminaire de l’alinéa 115(2)b) de la Loi. Sur ce point, je relève qu’on ne sait pas avec certitude quel rang précis l’appelant occupait au sein de l’organisation criminelle A.K. Kannan. Dans la « Demande d’avis du ministre » l’appelant est qualifié de [traduction] « tête dirigeante » par une source [traduction] « dont la fiabilité a été confirmée » (au paragraphe 24), alors que, dans son avis, le délégué le qualifie de [traduction] « homme de main » sur la foi de la déclaration d’un témoin qui a par la suite rétracté ses affirmations antérieures en ce sens.
[79] Bien que le raisonnement général suivi par le délégué lui permette de tirer une conclusion fondée sur l’alinéa 37(1)a) de la Loi, il ne répond pas aux exigences de l’enquête personnalisée axée sur les faits qu’impose l’alinéa 115(2)b) de la même Loi. En fin de compte, ce n’est pas parce qu’il n’était pas obligé de conclure expressément à la complicité que le délégué n’était pas tenu de conclure, pour des motifs raisonnables, que la preuve permettait de penser que l’appelant s’était rendu complice des actes de criminalité organisée commis par l’organisation dont il était membre et que la nature et la gravité de ces actes justifiaient son renvoi. Or, le délégué ne l’a pas fait.
[80] Pour cette raison, je propose de renvoyer l’affaire au ministre pour qu’il la réexamine en conformité avec la loi. Vu cette conclusion, il ne convient donc pas d’aborder la question de l’évaluation des risques.
E. Réparations sollicitées
[81] L’appelant réclame notamment comme réparation que notre Cour enjoigne à l’intimé de l’aider à rentrer au Canada de toute urgence et à demeurer au Canada pendant le réexamen de son cas (mémoire de l’appelant, au paragraphe 76).
[82] Le dossier ne renferme aucune circonstance spéciale qui justifierait notre Cour de forcer le ministre à agir d’une manière déterminée. Malgré les erreurs de droit que le délégué a commises au cours de son examen du dossier de l’appelant, le droit de ce dernier à une procédure équitable n’a jamais été violé. D’ailleurs, cette question n’a jamais été soulevée au cours des débats. Qui plus est, le ministre est parfaitement au courant des obligations que la Loi met à sa charge et notre Cour n’a aucune raison d’intervenir ou de présumer qu’il ne remplira pas ces obligations.
Conclusion
[83] Vu ce qui précède, j’accueillerais l’appel, le tout sans frais, j’annulerais la décision de la Cour fédérale, je ferais droit à la demande de contrôle judiciaire et je renverrais l’affaire au délégué pour qu’il la réexamine conformément aux présents motifs.
[84] Je propose également de répondre comme suit aux questions certifiées
Question n° 1
Si, lorsqu’il rédige l’avis visé à l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le ministre conclut que le réfugié qui est interdit de territoire pour criminalité organisée ne risque pas la persécution, la torture ou des peines ou traitements cruels et inusités à son retour dans son pays d’origine, est-il pour autant dispensé de prendre en considération la nature et la gravité de ses actes passés, conformément à l’alinéa 115(2)b)?
Réponse Non.
Question n° 2
Si le fait que le demandeur ne court aucun des risques mentionnés dans la question no 1 n’est pas déterminant, l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés s’applique-t-il « en raison soit de la nature et de la gravité » des actes commis par l’organisation criminelle à laquelle appartient la personne devant être renvoyée ou des actes commis par cette personne (y compris les actes commis par l’organisation criminelle desquels elle a été complice)?
Réponse L’exception prévue à l’alinéa 115(2)b) en ce qui concerne la criminalité organisée s’applique au réfugié au sens de la Convention ou à la personne protégée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité (dans le contexte de la criminalité organisée) des actes qu’il a commis personnellement ou en tant que complice, au sens de nos lois internes, en appliquant la norme des motifs raisonnables.
Le juge Décary, J.C.A. Je souscris à ces motifs.
Le juge Nadon, J.C.A. Je souscris à ces motifs.