Référence : |
Oberlander c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1200, [2009] 3 R.C.F. 358 |
T-1158-07 |
Helmut Oberlander (demandeur)
c.
Le procureur général du Canada (défendeur)
Répertorié : Oberlander c. Canada (Procureur général) (C.F.)
Cour fédérale, juge Phelan—Toronto, 26 mai; Ottawa, 27 octobre 2008.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire du décret adopté par le gouverneur en conseil (le Cabinet) pour révoquer la citoyenneté du demandeur au motif qu’elle a été acquise par dissimulation intentionnelle de faits essentiels, tel que le fait qu’il a été un auxiliaire de l’Einsatzkommando 10A (l’unité EK 10a), un escadron de la mort nazi, au cours de la Seconde Guerre mondiale où il a travaillé comme interprète.
La politique du gouvernement concernant l’annulation de la citoyenneté précise, en ce qui concerne les affaires ayant trait à la Seconde Guerre mondiale, qu’une personne est considérée être complice si, tout en sachant que des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ont été commis, elle a contribué directement ou indirectement à leur perpétration. En outre, le fait d’être membre d’une organisation responsable d’atrocités peut, si l’organisation en question ne vise que la violence, comme un escadron de la mort, suffire pour que l’on considère qu’une personne est complice. Il est indiqué dans la politique que l’on peut présumer que si une personne participe à une organisation elle en connaît la nature brutale, mais cette présomption est réfutable. La politique ne contient aucune mention de présomption réfutable à l’égard de l’« intention commune ».
Dans son rapport au Cabinet dans lequel il recommandait l’annulation de la citoyenneté canadienne du demandeur, le ministre a conclu que le demandeur avait été complice des activités de l’unité EK 10a parce qu’il existait une preuve de son appartenance à l’unité EK 10a, de sa participation dans cette unité et de sa connaissance des fins brutales et des activités meurtrières de l’unité EK 10a.
Les questions à trancher étaient celles de savoir si le Cabinet a commis une erreur en : 1) concluant qu’il détenait des motifs raisonnables de croire que le demandeur s’était rendu complice de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité et qu’il était, en conséquence, assujetti à la politique canadienne d’exclusion des criminels de guerre; 2) ne tenant pas compte d’éléments pertinents dans sa pondération des intérêts personnels du demandeur et de l’intérêt public; et 3) se fondant sur le rapport du ministre recommandant l’annulation de la citoyenneté que le demandeur considérait entaché de lacunes et suscitant, de ce fait, une crainte raisonnable de partialité.
Jugement : la demande doit être rejetée.
1) Le Cabinet avait le droit d’établir, en principe, ce qu’il considérait comme preuve suffisante pour qu’une personne soit soupçonnée d’avoir été complice de crimes de guerre et quelle présomption réfutable il accepterait. En établissant cette politique, le Cabinet pouvait décider d’appliquer tout ou partie des règles de droit en vigueur concernant la complicité ou de ne pas les appliquer.
Le Cabinet n’a pas omis de tenir compte de la preuve réfutant la présomption selon laquelle le demandeur et l’unité EK 10a avaient une intention commune. Le fait que le Cabinet n’a pas renvoyé directement à cette présomption n’était pas fatal à condition qu’il ait traité du fond de la question soulevée par le demandeur. Le ministre a traité de tous les aspects pertinents à l’égard du « soupçon de complicité » et a conclu que le demandeur pouvait être soupçonné d’avoir été complice des activités d’une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité. Le ministre a poursuivi son analyse pour arriver à conclure à la complicité, mais il n’était pas tenu de le faire.
La décision du Cabinet pouvait être considérée raisonnable parce qu’elle était justifiée, le processus décisionnel était transparent, les motifs étaient intelligibles et la décision appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
2) Il ressortait clairement de la partie du rapport qui traitait de la pondération des intérêts que les questions portant sur les conséquences de l’expulsion étaient considérées, à juste titre, non pertinentes à la question de savoir si la citoyenneté devrait être révoquée. Dans l’analyse des intérêts personnels par rapport aux intérêts publics, l’évidente considération d’intérêt public, selon l’appréciation du ministre, portait sur le fait que le Canada doit appliquer sa politique d’exclusion à l’égard de ceux qui ont obtenu par tromperie la citoyenneté canadienne en cachant leur participation à des crimes de guerre. Les motifs présentés par le ministre pour expliquer pourquoi les observations sur les intérêts personnels ont été rejetées pouvaient être qualifiés de raisonnables pour les mêmes raisons que celles qui concernaient la question de la complicité. La décision était justifiée, le processus décisionnel était transparent, les motifs étaient intelligibles et la décision appartenait aux issues possibles et acceptables.
3) Vu la conclusion de la Cour sur le caractère raisonnable de la décision du Cabinet et, par conséquent, du rapport du ministre, le processus n’était pas entaché de partialité ou d’une crainte raisonnable de partialité. La Loi sur la citoyenneté établit la voie bien définie à suivre quant au déroulement des procédures de révocation et, dans la mesure où une personne pourrait craindre qu’un renvoi de l’affaire devant le ministre comporte le risque d’une issue inévitable, il ne faut pas oublier que toute crainte raisonnable de partialité ou toute autre invalidité a été sanctionnée par le cadre législatif.
lois et règlements cités
Décret C.P. 2007-801.
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 7, 10, 18.
Punishment of Persons Guilty of War Crimes, Crimes Against Peace and Against Humanity, Loi no 10 du Conseil de contrôle, 20 décembre 1945, art. II.
jurisprudence citée
décisions appliquées :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190; (2008), 329 R.N.-B. (2e ) 1; 2008 CSC 9; Lake c. Canada (Ministre de la Justice), [2008] 1 R.C.S. 761; 2008 CSC 23.
décisions examinées :
Oberlander c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.F. 3; 2004 CAF 213; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Oberlander, [2000] A.C.F. no 229 (1re inst.) (QL); United States of America vs. Otto Ohlendorf et al. (The Einsatzgruppen Case), Procès des criminels de guerre par les tribunaux militaires de Nuremberg, tenus conformément à la Loi no 10 du Conseil de contrôle, vol. IV, affaire 9 (1948); Mills v. Ontario (Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal) (2008), 237 O.A.C. 71; 2008 ONCA 436.
décisions citées :
Oberlander c. Canada (Procureur général), 2003 CF 944; Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 309; Pharmascience Inc. c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 258; Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.).
doctrine citée
DEMANDE de contrôle judiciaire du décret adopté par le gouverneur en conseil pour révoquer la citoyenneté du demandeur au motif qu’elle a été acquise par dissimulation intentionnelle de faits essentiels, tel que le fait qu’il a été un auxiliaire d’un escadron de la mort nazi au cours de la Seconde Guerre mondiale. Demande rejetée.
ont comparu :
Barbara L. Jackman pour le demandeur.
Donald A. MacIntosh et Catherine C. Vasilaros pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier :
Jackman & Associates, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
Le juge Phelan :
I. INTRODUCTION
[1] Il s’agit d’une nouvelle décision dans le conflit de longue date entre M. Oberlander et le gouvernement du Canada quant à la révocation de sa citoyenneté. L’affaire particulière dont la Cour est saisie porte sur le contrôle judiciaire du décret C.P. 2007-801 adopté par le gouverneur en conseil (le Cabinet) le 17 mai 2007, lequel révoque la citoyenneté du demandeur au motif qu’elle a été acquise par dissimulation intentionnelle de faits essentiels, tel que le fait qu’il a été un auxiliaire de l’Einsatzkommando 10A (l’unité EK 10a), un escadron de la mort nazi, au cours de la Seconde Guerre mondiale où il a travaillé comme interprète.
[2] Il s’agit de la deuxième tentative du gouvernement du Canada de révoquer la citoyenneté de M. Oberlander en raison des fausses déclarations qu’il a faites pour obtenir sa citoyenneté. La première tentative a été, en fin de compte, rejetée par la Cour d’appel fédérale dans Oberlander c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.F. 3 (Oberlander 2004), dont les détails pertinents seront examinés davantage.
[3] Le présent contrôle judiciaire soulève deux questions principales. La première consiste à se demander si le Cabinet a commis une erreur en concluant qu’il détenait des motifs raisonnables de croire que M. Oberlander s’était rendu complice de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité et qu’il était, en conséquence, assujetti à la politique canadienne d’exclusion des criminels de guerre. La deuxième question vise à déterminer si le Cabinet a adéquatement examiné les intérêts personnels de M. Oberlander relativement à la révocation de sa citoyenneté.
II. LES FAITS
[4] La Cour n’a qu’à résumer les circonstances les plus importantes de l’affaire Oberlander puisque l’ensemble des circonstances ont été exposées par le juge MacKay (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Oberlander, [2000] A.C.F. no 229 (1re inst.) (QL)) dans sa décision où il a conclu que M. Oberlander a intentionnellement dissimulé son appartenance passée à un escadron de la mort nazi.
[5] Le 27 janvier 1995, conformément au paragraphe 18(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi), le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) a avisé de son intention de procéder à l’établissement d’un rapport au Cabinet recommandant l’annulation de la citoyenneté de M. Oberlander. Dans l’avis, il était allégué que M. Oberlander avait été admis au Canada à titre de résident permanent et qu’il avait finalement acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels [traduction] « en ce sens qu’il n’avait pas divulgué aux fonctionnaires canadiens de l’Immigration et de la Citoyenneté son appartenance à la Sicherheitspolizei und SD et au Einsatzkommando 10A (l’unité EK 10a) allemands durant la Seconde Guerre mondiale et sa participation aux exécutions de civils durant cette période ». Conformément au paragraphe 18(1) de la Loi, M. Oberlander a demandé au ministre de renvoyer l’affaire devant la Cour.
[6] Le renvoi a été instruit par le juge MacKay qui a rendu sa décision le 28 février 2000. Conformément au paragraphe 18(3) de la Loi et tel que la Cour d’appel fédérale le confirme dans l’affaire Oberlander 2004, les conclusions de fait du juge MacKay sont définitives et non susceptibles d’appel. Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale au paragraphe 40, M. Oberlander, le ministre et le Cabinet doivent reconnaître que M. Oberlander avait incontestablement une expérience de guerre auprès de l’unité EK 10a, qu’il a fait une fausse déclaration quant à ses antécédents ou qu’il a dissimulé intentionnellement des faits essentiels lors de son entrevue avec un agent de sécurité et qu’il a été admis au Canada à titre de résident permanent et qu’il a finalement acquis la citoyenneté par de fausses déclarations.
[7] Les faits pertinents pour la présente demande sont les suivants :
• Le demandeur est né à Halbstadt (aussi connu sous le nom de Molochansk), en Ukraine, en 1924. Sa famille faisait partie des Volksdeutsche (d’origine ethnique allemande) dont les ancêtres s’étaient installés à Halbstadt il y a à peu près 250 ans.
• En 1941, à l’âge de 17 ans, il avait terminé l’école secondaire et il parlait couramment l’allemand et le russe. En septembre, ou au début d’octobre, les troupes allemandes sont arrivées à Halbstadt et l’ont libéré, lui et sa famille, d’un camp d’attente où les Russes les retenaient. Par la suite, on lui a ordonné d’apporter son aide à l’enregistrement des Volksdeutsche de la région ainsi que de participer à la réparation des immeubles et des routes de la ville. À la fin de l’année 1941 ou au début de l’année 1942 les autorités locales lui ont ordonné de se rapporter aux forces allemandes d’occupation en qualité d’interprète. C’est ce qu’il a fait, mais il soutient que ce n’était pas par libre choix, mais bien par peur de représailles s’il refusait.
• Il a été affecté à l’unité EK 10a, connue aussi sous le nom de Sonderkommando 10a, une unité de police allemande faisant partie de la Sicherheitspolizei (Sipo) et de la Sicherheitsdienst (SD). Ces deux organisations jouaient le rôle de police de sécurité pour les Schutzstaffell (SS), qui contrôlaient leurs opérations à partir de Berlin.
• L’unité EK 10a était l’une des équipes de l’Einsatzgruppe D (EG D), qui faisait partie d’un des quatre Einsatzgruppen, désignés comme A, B, C et D. C’étaient des groupes opérationnels spéciaux de police qui opéraient derrière la ligne de front de l’armée allemande dans les territoires occupés de l’Est entre 1941 et 1944 afin d’assurer la réalisation des objectifs de l’Allemagne nazie. Parmi leurs fonctions, ils servaient d’unités mobiles d’exécution et il est estimé que les Einsatzgruppen et la police de sécurité sont responsables de l’exécution de plus de deux millions de personnes, en majorité des civils (des Juifs, des communistes, des Roms, des personnes souffrant d’une incapacité et d’autres personnes soi-disant indésirables).
• Les rapports rédigés par EG D démontrent qu’à la mi-décembre 1941, plus de 55 000 personnes avaient été exécutées et qu’en avril 1942, ce chiffre était passé à plus de 91 000. Dans ses rapports au quartiers généraux de la police en Allemagne, l’unité EK 10a indique avoir pratiqué un grand nombre d’exécutions à Melitopol, à Berdjansk, à Mariupol et à Taganrog, ainsi qu’à Rostov et Krasnodar à l’été et à l’automne 1942, et dans la région de Novorossiysk, parmi d’autres. Au moment où le commandant de l’unité EK 10a a été remplacé en août 1942, il avait été dit que la zone où l’unité opérait, qui allait à l’est jusqu’à Rostov, avait été « épurée de Juifs ». Ce n’est que plus tard que l’unité EK 10a s’est déplacée vers le sud, de Rostov jusqu’à Krasnodar, où les exécutions ont été menées sur une grande échelle, et ensuite jusqu’à Novorossiysk. Une enquête judiciaire entreprise par les Allemands après la guerre a fait état de l’exécution d’à peu près 7 000 civils au moment où l’unité était à Krasnodar.
• Les SS et la SD ont été déclarés être des organisations criminelles en vertu d’une décision du Tribunal militaire international et de l’article II de la Loi n° 10 du Conseil de contrôle [Punishment of Persons Guilty of War Crimes, Crimes Against Peace and Against Humanity, 20 décembre 1945]. Dans des procès subséquents tenus en 1949 devant le Tribunal militaire de Nuremberg, l’ancien commandant de l’EG D a été trouvé coupable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’avoir été membre d’une organisation criminelle, les SS.
• L’unité EK 10a comprenait des membres qui venaient d’autres services de police allemands, ainsi que du personnel auxiliaire, notamment des interprètes, des chauffeurs et des gardiens, qui étaient recrutés parmi les Volksdeutsche ou les prisonniers de guerre russes.
• M. Oberlander n’était pas un membre de la SD ou de la Sipo, même s’il a porté l’uniforme de la SD de l’été 1942 jusqu’à ce que l’unité EK 10a soit absorbée dans des unités de l’armée vers la fin de 1943 ou en 1944. Certains documents de l’époque décrivent M. Oberlander comme un « SS-mann », mais cette description et l’uniforme qu’il portait n’indiquent pas nécessairement qu’il était membre de plein droit de la SD ou des SS. On ne pouvait être membre de la SD ou de la Sipo à moins d’être citoyen allemand et M. Oberlander n’était pas un citoyen allemand à ce moment.
• Toutefois, il était membre de l’unité EK 10a, où il servait à titre d’auxiliaire et comme interprète pour la SD, du moment où on lui a ordonné de se présenter jusqu’au moment où ce qui restait de son unité a été absorbé dans une unité de l’armée régulière vers la fin de l’année 1943 ou en 1944. Il a alors continué son service comme soldat dans l’infanterie.
• Au sein de l’unité EK 10a, M. Oberlander s’est déplacé à travers l’est de l’Ukraine jusqu’à Melitopol, Mariupol et Taganrog, pour ensuite se rendre à Rostov et au sud jusqu’à Krasnodar et Novorossiysk. Oberlander et son unité ont alors participé à des missions contre les partisans, ce qu’ils ont aussi fait plus tard en Crimée, au Bélarus, en Pologne et en Yougoslavie. Il a été ensuite envoyé à Torgau, une ville au sud de Berlin, pour participer à la défense de la capitale allemande. Vers la fin de la guerre, il est allé vers l’ouest avec d’autres personnes pour se rendre aux forces américaines. Il a ensuite continué sa marche vers l’ouest, jusqu’à Hanovre, où il a été interné dans un camp britannique pour prisonniers de guerre de mai à juillet 1945.
• Rien dans la preuve ne démontre que M. Oberlander aurait participé personnellement aux atrocités infligées aux civils par l’unité EK 10a. Toutefois, le juge MacKay a conclu que les allégations de M. Oberlander selon lesquelles il ne connaissait pas le nom de son unité avant 1970 et qu’il avait été mis au courant des actes commis contre les Juifs par l’unité EK 10a seulement lorsqu’il était à Krasnodar et à Novorossiysk à l’automne 1942, ne sont pas crédibles. Le juge MacKay a estimé que le demandeur avait pris conscience de la nature de l’unité EK 10a et de ses activités durant son service.
• Le formulaire d’enregistrement de M. Oberlander, produit en vertu de la Loi du 5 mars 1946 (portant sur la libération du national-socialisme et du militarisme, loi qui avait été adoptée par le Conseil de contrôle interallié pour l’Allemagne) comprend, à la question portant sur le statut de [traduction] « Membre de la Wehrmacht [les forces armées], des services de police et du service de travail du Reich » et sur [traduction] « Le titre exact ou la formation » la mention [traduction] « Régiment d’infanterie 159 » et précise que son rang le plus élevé était celui de « O.Gefr. », que le traducteur indique correspondre au rang de caporal suppléant.
• M. Oberlander a été libéré de ce camp pour travailler comme ouvrier agricole. À sa libération, on lui a remis un certificat de démobilisation de l’armée allemande. Par la suite, il a continué à résider en Allemagne de l’Ouest, d’abord à Hanovre et, plus tard, à Korntal, où il a retrouvé sa famille et où il a rencontré la future Mme Oberlander qu’il a épousée en 1950.
• Le 13 mai 1954, M. Oberlander et son épouse ont immigré au Canada et le 12 avril 1960 ils ont obtenu la citoyenneté canadienne. Ils ont deux filles dont une souffre de maladie mentale et est à la charge de ses parents.
• Depuis son arrivée, il semble que par son travail dans les divers projets commerciaux, résidentiels, et de logements multiples, M. Oberlander aurait fait une contribution importante au développement de la région de Kitchener-Waterloo.
[8] À la suite du renvoi instruit par le juge MacKay, le Cabinet a continué de faire des efforts pour annuler la citoyenneté de M. Oberlander. Le ministre a envoyé au Cabinet un rapport officiel dans lequel il recommandait l’annulation de sa citoyenneté canadienne. Le Cabinet a conclu que la citoyenneté devait être annulée.
[9] Dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, la Cour a confirmé la décision du Cabinet et a rejeté la demande de contrôle judiciaire (Oberlander c. Canada (Procureur général), 2003 CF 944).
[10] Le demandeur a interjeté appel de cette décision à l’égard de la première demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale qui a accueilli l’appel et la demande de contrôle judiciaire. Étant donné que le décret en conseil subséquent constitue en partie une réponse à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, il est important de souligner le fondement de la conclusion de la Cour d’appel fédérale selon laquelle la décision initiale du Cabinet était erronée. La conclusion de la Cour est importante parce qu’elle a établi le contexte du décret en conseil subséquent qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Le jugement de la Cour d’appel fédérale aborde également la question de la nature du processus par lequel le Cabinet a rendu sa deuxième décision et il est pertinent à l’égard des questions de la partialité que le demandeur a soulevées. La conclusion de la Cour est énoncée au paragraphe 61 comme suit :
J’accueillerais l’appel, les dépens étant adjugés dans la présente instance et dans l’instance inférieure, j’annulerais la décision de la Cour fédérale, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision du gouverneur en conseil et je renverrais l’affaire au gouverneur en conseil pour qu’il prenne une nouvelle décision. En pratique, cette ordonnance veut dire que la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, si elle décidait de demander encore une fois l’annulation de la citoyenneté de M. Oberlander, devrait présenter au gouverneur en conseil un nouveau rapport portant sur les questions mentionnées par la Cour dans les présents motifs.
[11] La Cour d’appel fédérale a souligné un certain nombre de questions importantes dans le cadre du présent contrôle judiciaire et ce, comme suit :
• La Cour d’appel fédérale a souligné que le juge MacKay a conclu à la non-crédibilité de M. Oberlander sur certains points (dont bon nombre à l’égard de sa connaissance des activités et de sa participation aux activités de l’unité EK 10a), mais il n’a pas tiré une telle conclusion au sujet de l’allégation selon laquelle il était un conscrit. Le juge MacKay n’a pas conclu que l’unité EK 10a ne visait que la violence. Il s’agit d’une question que le Cabinet devait trancher selon la conclusion finale de la Cour d’appel fédérale.
• La Cour d’appel fédérale a observé qu’il était loisible au Cabinet de ne pas établir de lignes directrices et, peut-être, de ne pas suivre les lignes directrices établies. Toutefois, puisque dans ce cas-ci il a choisi d’adopter les lignes directrices et de les appliquer, le Cabinet était tenu de se demander si la politique d’exclusion des criminels de guerre s’appliquait à M. Oberlander.
• La Cour a également conclu que le rapport du ministre faisait partie des motifs du Cabinet lorsqu’il a décidé d’annuler la citoyenneté de M. Oberlander.
• En effectuant l’analyse de la norme de contrôle judiciaire à l’époque, avant l’arrêt Dunsmuir (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190), la Cour a conclu que l’affaire était compliquée par l’existence de deux normes de contrôle applicables. À l’égard de la décision selon laquelle un individu pourrait bien être [traduction] « un criminel de guerre présumé » au sens de la politique sur les criminels de guerre, la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable simpliciter alors que l’évaluation des intérêts personnels et des intérêts publics effectuée par le Cabinet pouvait bien entraîner l’application de la norme de la décision manifestement déraisonnable.
[12] La Cour d’appel fédérale a énoncé à l’égard du fait que M. Oberlander était soupçonné d’avoir commis des crimes de guerre ce qui suit, au paragraphe 59 :
Le rapport de la ministre fait bien mention de la politique d’« absence de havre » [politique d’exclusion des criminels de guerre], mais sans renfermer d’analyse expliquant pourquoi M. Oberlander est visé par la politique qui ne s’applique qu’aux individus soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre, soit un élément dont il n’est pas fait mention dans le rapport. Étant donné la conclusion expresse tirée par le juge MacKay, à savoir qu’aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet de la participation personnelle de M. Oberlander à des crimes de guerre, on s’attendrait à ce que le gouverneur en conseil explique du moins pourquoi, à son avis, une politique qui, par son libellé même, et la chose est soulignée, s’appliquait uniquement aux individus soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre, s’appliquait à quelqu’un qui avait uniquement agi à titre d’interprète dans l’armée allemande. Je note que ni la ministre dans son rapport ni le juge qui a procédé à la révision ne mentionnent que M. Oberlander a affirmé qu’il n’avait pas joint l’armée allemande volontairement et que le juge MacKay n’a pas tiré de conclusion précise au sujet de la question de savoir si M. Oberlander était un conscrit.
[13] Dans l’examen du caractère raisonnable de l’évaluation des intérêts personnels et des intérêts publics, la Cour d’appel fédérale a conclu, au paragraphe 60 ce qui suit :
Le gouverneur en conseil ne pouvait pas raisonnablement conclure que la politique s’appliquait à M. Oberlander sans d’abord se faire une opinion au sujet de la question de savoir s’il existait une preuve permettant de conclure (conclusion que le juge chargé du renvoi n’a pas tirée) que M. Oberlander pouvait être soupçonné d’avoir été complice des activités d’une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité. Le juge saisi en révision s’est chargé de décider ce que le gouverneur en conseil avait omis d’examiner et de décider, à savoir que l’unité Ek 10a était une organisation dont la raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité et que M. Oberlander avait été complice des activités de l’organisation. La décision du gouverneur en conseil sur ce point ne peut pas être complétée par celle du juge saisi en révision. La décision du gouverneur en conseil n’est pas raisonnable puisqu’elle ne renferme pas les conclusions appropriées et qu’elle n’établit pas de lien entre les conclusions tirées et la personne dont la citoyenneté est en cause.
[14] Étant donné que la Cour d’appel fédérale a précisé clairement les défauts du rapport initial et des conclusions du Cabinet, il est important d’examiner la nature du deuxième rapport qui constitue le fondement de la décision par laquelle le Cabinet a annulé la citoyenneté de M. Oberlander.
A. Le rapport du ministre
[15] Après avoir précisé le cadre législatif établi par la Loi, le rapport du ministre traite directement des conclusions du juge MacKay. Ces conclusions compren-nent une description de l’Einsatzgruppe D (EG D), de son rôle et de ses fonctions. L’unité EK 10a était l’une des équipes de l’Einsatzgruppe D. Le juge MacKay a observé [au paragraphe 193] que « [p]armi leurs fonctions, ils servaient d’unités mobiles d’exécution. On estime que les Einsatzgruppen et la police de sécurité sont responsables de l’exécution de plus de deux millions de personnes, en majorité des civils. Il s’agissait surtout de Juifs et de communistes, mais il y avait aussi des Tsiganes, des personnes souffrant d’une incapacité et d’autres personnes dont l’existence était estimée être contraire aux intérêts de l’Allemagne [nazie]. »
[16] Le juge MacKay a souligné, tout comme le rapport du ministre, que l’unité EK 10a avait infligé un grand nombre d’atrocités à des milliers de civils, y compris des exécutions massives d’enfants, de femmes et d’hommes ainsi que des opérations de gazage. Néanmoins, le juge MacKay a conclu que rien dans la preuve ne démontrait qu’Oberlander avait participé aux atrocités que l’unité EK 10a avait infligées aux civils. Le juge MacKay a conclu cependant qu’en dépit du fait qu’il affirme le contraire, M. Oberlander devait être au courant de ces atrocités.
[17] Le rapport du ministre expose ensuite le résumé des faits réalisé par le juge MacKay. Un résumé pertinent des faits a été fait au paragraphe 7 des présents motifs.
[18] La suite du rapport du ministre porte sur l’analyse de la politique concernant l’annulation de la citoyenneté à l’égard des cas de la Seconde Guerre mondiale. Le rapport souligne particulièrement que la politique visant la complicité de crimes de guerre prévoit ce qui suit :
[traduction] En ce qui concerne les affaires ayant trait à la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement a déclaré publiquement qu’il n’engage des poursuites que dans les cas où il possède une preuve de complicité ou de participation directe à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité. On considère qu’une personne est complice si, tout en sachant que des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ont été commis, elle a contribué directement ou indirectement à leur perpétration. Le fait d’être membre d’une organisation responsable d’atrocités peut, si l’organisation en question ne vise que la violence, comme un escadron de la mort, suffire pour que l’on considère qu’une personne est complice. [Non souligné dans l’original.]
[19] Le ministre fait observer par la suite que la Cour d’appel fédérale avait jugé que le Cabinet ne pouvait raisonnablement conclure que la politique d’annulation de la citoyenneté ayant trait à la Seconde Guerre mondiale s’appliquait à M. Oberlander, sans d’abord se faire une opinion au sujet de la question de savoir s’il existait une preuve permettant de conclure que M. Oberlander pouvait être soupçonné d’avoir été complice des activités d’une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité. Il est peut-être révélateur que la Cour d’appel fédérale et le Cabinet ont employé l’énoncé « pouvait être soupçonné d’avoir été complice » plutôt que d’exiger une conclusion sur la complicité réelle. Je souligne que la Cour d’appel fédérale fait référence à « une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité » alors que le rapport du ministre parle plutôt d’une [traduction] « organisation visant des fins limitées et brutales ». En l’espèce, je ne vois aucune différence importante entre les deux énoncés descriptifs. Tous les deux s’appliquent à un escadron de la mort des SS.
[20] Le rapport continue ensuite par l’examen du chapitre ENF 18 du Guide de l’ exécution de la loi (ENF) de la Citoyenneté et de l’Immigration, « Crimes de guerre et crimes contre l’humanité », en vue d’établir les critères qui pourraient s’appliquer à la question de la complicité. Le rapport du ministre établit par la suite les facteurs qui démontrent que l’unité EK 10a constituait une organisation qui visait des fins limitées et brutales. Ces facteurs sont les suivants :
• L’unité EK 10a opérait comme unité mobile d’exécution des civils.
• On estime que les Einsatzgruppen et la police de sécurité sont responsables de l’exécution de plus de deux millions de personnes, en majorité des civils. Il s’agissait surtout de Juifs et de communistes, mais il y avait aussi des Tsiganes, des personnes souffrant d’une incapacité et d’autres personnes dont l’existence était estimée être contraire aux intérêts de l’Allemagne nazie.
• Les cinq unités Ek qui appartenaient à l’Einsatzgruppen D, dont la EK 10a, ont exécuté 55 000 civils entre juin 1941 et la mi-décembre 1941, encore 46 000 jusqu’en avril 1942 et beaucoup d’autres par la suite.
• Jusqu’en août 1942, EK 10a avait exécuté des milliers de Juifs et la zone où l’unité opérait avait été ainsi déclarée Judenrein (épurée de Juifs).
• Plus tard, l’unité EK 10a s’est déplacée vers le sud de Rostov jusqu’à Krasnodar, où les exécutions ont été menées sur une grande échelle, par exemple 7 000 civils ont été assassinés à Krasnodar.
• Comme il est mentionné précédemment, M. le juge MacKay a renvoyé au jugement rendu par le Tribunal de Nuremberg à l’égard des Einsatzgruppen qui « décrit de façon crue l’énormité des crimes commis par les Einsatzgruppen A, B, C et D ». Le paragraphe introductif de l’avis et jugement du Procès des criminels de guerre par les tribunaux militaires de Nuernberg, tenus conformément à la Loi nº 10 du Conseil de contrôle, vol. IV, octobre 1946-avril 1949 (affaire 9, United States of America vs. Otto Ohlendorf, et al. (The Einsatzgruppen Case)), à la page 414, est formulé comme suit :
[traduction] Lorsque l’armée allemande, sans avoir fait aucune déclaration de guerre, a franchi la frontière de la Pologne et a envahi la Russie, une organisation particulière, connue sous le nom de Einsatzgruppen suivait ses arrières. Il serait difficile de trouver un instrument de terreur dans un musée des horreurs pire que l’Einsatzgruppen pour faire glacer le sang. Aucun auteur de romans policiers, aucun auteur dramatique imprégné du domaine du macabre ne pourrait jamais s’attendre à imaginer une intrigue qui choque la conscience autant que le drame atroce provoqué par ces bandes sinistres.
Dans le même jugement, le Tribunal de Nuremberg a noté également ce qui suit [aux pages 411 et 412] :
[traduction] Il est vrai que la principale accusation portée est le meurtre, et que, malheureusement, l’être humain tue son proche depuis l’aube de l’humanité, mais l’homicide intentionnel reproché en l’espèce atteint des proportions si incroyables et dépasse de si loin les limites de l’entendement qu’on a grand peine à croire qu’il a été commis même après les récits relatés par centaines.
et encore [à la page 412] :
[traduction] Si les prétentions du poursuivant sont vraies [le Tribunal ayant d’ailleurs conclu en ce sens], nous sommes les témoins d’une participation à des crimes d’une brutalité sans précédent et d’une barbarie si inimaginable que la raison refuse de l’accepter, et l’imagination reste sidérée devant un tel portrait de la déchéance humaine si impossible à décrire. L’immolation des femmes et des enfants, devant laquelle même l’ennemi implacable depuis des temps immémoriaux a éprouvé de la sollicitude jusqu’à maintenant, n’a pas été exclue.
B. La complicité
[21] Au regard de la question de la complicité, le ministre a fait référence au Guide de la Citoyenneté et de l’Immigration. Pour ce qui est de l’établissement de la complicité à partir de la participation d’une personne au sein d’une organisation visant des fins brutales et limitées, le ministre a fait valoir qu’il n’est pas nécessaire d’avoir été membre en règle ou membre actif d’une organisation responsable d’atrocités.
Afin d’établir la participation au sein de l’organisation, un ou plusieurs des éléments suivants doivent être présents :
• la personne consacre tout son temps ou presque aux activités de l’organisation;
• la personne est associée à des membres de l’organisation (l’importance de la participation s’accroît en fonction de la période de temps); ou
• la personne adhère volontairement au groupe et y reste dans le but d’ajouter ses efforts personnels à ceux des autres pour la cause du groupe.
Selon la politique susmentionnée, la personne doit être au courant des fins brutales et limitées de l’organisation et cette connaissance peut se déduire du type d’activités auxquelles participe l’organisation. Il est effectivement indiqué dans cette politique que l’on peut présumer que si une personne participe à une organisation elle en connaît la nature brutale, mais qu’il s’agit d’une présomption réfutable. Il n’y a aucune mention de présomption réfutable à l’égard de « l’intention commune ».
[22] Comme il est mentionné au paragraphe 47 et suiv. des présents motifs, cette politique n’est pas tenue de respecter la jurisprudence. Quoi qu’il en soit, la politique et le rapport du ministre sont conformes au principe de droit établi dans la décision Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration), 2003 CFPI 309.
[23] Après avoir énoncé les critères à appliquer, le ministre a conclu, en se fondant sur les conclusions du juge MacKay, que M. Oberlander avait été complice des activités de l’unité EK 10a :
[traduction]
Appartenance
• Monsieur le juge MacKay a conclu de façon définitive que M. Oberlander était membre de l’unité EK 10a (l’appartenance à l’organisation visant des fins brutales et limitées suffit habituellement à établir la complicité.
Participation
• M. Oberlander a affirmé qu’il n’avait pas joint l’unité EK 10a volontairement. Comme la Cour d’appel fédérale l’a mentionné, « le juge MacKay n’a pas tiré de conclusion précise au sujet de la question de savoir si M. Oberlander était un conscrit ».
• Monsieur le juge MacKay a conclu de façon définitive que M. Oberlander a exercé ses fonctions au sein de l’unité EK 10a à temps plein pendant au moins un an et demi.
• Monsieur le juge MacKay a conclu également que lors de cette période, M. Oberlander vivait, mangeait et voyageait avec l’unité et était au service de ses membres et de ses objectifs.
Connaissance
• Monsieur le juge MacKay a conclu de façon définitive que lors de la période où M. Oberlander était membre de l’unité EK10a, il en connaissait bien les fins brutales et les activités meurtrières.
Les conclusions susmentionnées permettraient de conclure que la politique gouvernementale d’annulation de la citoyenneté s’applique à Helmut Oberlander et particulièrement qu’il existe une preuve permettant de conclure que M. Oberlander peut être soupçonné d’avoir été complice des activités d’une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité.
[24] Le rapport du ministre répond aux observations formulées par l’avocate de M. Oberlander selon lesquelles la politique du gouvernement servait uniquement à demander l’annulation de la citoyenneté des personnes qui avaient contribué directement à la perpétration de crimes de guerre et qu’il fallait conclure à l’existence d’une participation directe à la conduite criminelle avant que M. Oberlander soit exposé à la révocation de sa citoyenneté. Le ministre a fait valoir que la politique publique de longue date du gouvernement du Canada visait à demander l’annulation de la citoyen-neté non seulement dans les cas où la preuve établit la participation directe aux crimes de guerre, mais aussi dans les cas où la preuve établit « la complicité dans de tels crimes ».
[25] Il convient de souligner que dans l’analyse de la complicité et des critères à respecter afin de pouvoir soupçonner la complicité, le ministre a renvoyé non seulement au droit canadien et au droit international sur cette question, mais aussi au guide de la politique ministérielle et à la politique du gouvernement relativement aux rapports annuels du Programme canadien sur les crimes de guerre. (Voir les observations formulées aux paragraphes 21 et 47 des présents motifs.)
[26] Dans son raisonnement le menant à sa conclusion concernant la complicité de M. Oberlander, le ministre a souligné les conclusions du juge MacKay, selon lesquelles M. Oberlander était membre de l’unité EK 10a et que ladite unité, dont M. Oberlander connaissait les activités, a pratiqué de manière systémique et répandue des exécutions massives durant la guerre en raison de la race des personnes visées et de leur appartenance politique. Le ministre a souligné également que le juge MacKay a conclu que, conscrit ou non, M. Oberlander a servi au sein de l’unité EK 10a, a vécu et voyagé avec les membres de l’unité et il a servi l’atteinte de ses objectifs. Ces objectifs étaient de com-mettre des crimes de guerre particulièrement odieux.
[27] Le ministre a conclu par la suite que M. Oberlander était au courant des crimes de guerre commis et qu’en servant l’atteinte des objectifs de l’unité EK 10a, il a contribué indirectement à la perpétration de ces crimes. Ces conclusions découlaient directement de la conclusion du juge MacKay; par ailleurs, elles indiquaient clairement que toute mention de l’absence de preuve établissant que M. Oberlander aurait participé à ces atrocités ne vise pas la question de la complicité, mais celle de la participation directe.
[28] Le ministre a conclu ensuite que les conclusions du juge MacKay indiquent clairement que, pendant que M. Oberlander était membre de l’unité EK 10a, celle-ci constituait une organisation visant des fins limitées et brutales, notamment un escadron de la mort.
[29] En ce qui concerne la participation volontaire de M. Oberlander aux activités de l’unité EK 10a, question directement liée à l’intention commune des membres de cette organisation, il est vrai que le juge MacKay n’a pas tiré de conclusion précise au sujet de la question de savoir si M. Oberlander était un conscrit, mais la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’il s’agissait d’un point que seul le ministre devait trancher. Se prononçant sur ce point, le ministre a conclu que la complicité peut être établie si un ou plusieurs des éléments suivants sont présents :
a) la personne consacre tout son temps ou presque aux activités de l’organisation;
b) la personne est associée à des membres de l’organisation (l’importance de la participation s’accroît en fonction de la période de temps); ou
c) la personne adhère volontairement au groupe et y reste dans le but d’ajouter ses efforts personnels à ceux des autres pour la cause du groupe.
[30] Les facteurs a) et b) sont établis clairement et de façon concluante par les conclusions du juge MacKay.
[31] Le ministre a ensuite abordé expressément la question du service obligatoire et a tiré la conclusion suivante :
[traduction] Le service obligatoire ne constitue pas un obstacle à la complicité. Le cas échéant, aucun conscrit ne pourrait jamais être considéré complice des activités de son unité. Cette thèse est indéfendable.
[32] L’estimant peu appropriée, le ministre a rejeté expressément l’analogie formulée par l’avocate de M. Oberlander relativement au travail forcé effectué par des prisonniers dans un camp de concentration. Le rapport du ministre conclut en dernière analyse que les conclusions de fait obligatoires et définitives du juge MacKay constituent une preuve suffisante permettant de satisfaire aux critères établis par la Cour d’appel fédérale, preuve selon laquelle M. Oberlander pouvait être soupçonné d’avoir été complice (ce qu’il était d’ailleurs) des activités d’une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité. Cette conclusion met un terme à la tentative du ministre de répondre à la critique de la Cour d’appel fédérale dans la première affaire de révocation.
[33] Le rapport du ministre traite ensuite des considérations liées aux intérêts personnels, lesquelles requièrent de mettre en balance l’intérêt personnel de M. Oberlander de garder sa citoyenneté et l’intérêt public de la révoquer.
C. Les considérations liées aux intérêts personnels
[34] Après avoir mentionné les observations écrites, le ministre a souligné que le ministère de la Justice et l’avocate de M. Oberlander ont tous deux convenu que l’unique question est de savoir si la citoyenneté devrait être révoquée et que la question de l’expulsion éventuelle n’est pas pertinente. Il a été souligné également que la révocation de la citoyenneté n’entraînait pas nécessairement l’expulsion. La mesure d’expulsion dépend d’une série de décisions prises après la révocation de la citoyenneté, dont certaines sont discrétionnaires, certaines autres judiciaires, et une autre concerne le gouverneur en conseil. Par conséquent, les éléments des observations présentées à l’égard des intérêts personnels portant sur les conséquences de l’expulsion sur M. Oberlander et sa famille ne sont pas pertinents. Je conclus de ce qui précède que les questions comme celle du lien de dépendance existant entre M. Oberlander et un membre de sa famille n’étaient pas pertinentes puisqu’il s’agissait de questions concernant les effets de l’expulsion.
[35] Le ministre a examiné ensuite les considérations liées aux intérêts personnels soulevées au nom de M. Oberlander, dont la période de temps passée au Canada (51 ans à présent) et l’existence irréprochable qu’il a menée. Le ministre a conclu comme suit :
[traduction] Si favorables, même « fortement favorables », que soient ces considérations dans le cas de M. Oberlander, elles ne l’emportent manifestement pas sur le puissant et l’essentiel intérêt public de révoquer la citoyenneté d’une personne qui n’a pas divulgué son appartenance à un escadron de la mort nazi afin d’être admise au Canada.
Ne pas parvenir à révoquer la citoyenneté dans de telles circonstances aurait pour effet de compromettre le précieux privilège que la citoyenneté canadienne constitue et contreviendrait fortement au principe fondamental selon lequel le Canada ne devait pas devenir un refuge sûr pour les personnes qui étaient complices de crimes de guerre et de tout autre acte condamnable en temps de conflit sans égard au moment ou à l’endroit de la perpétration de ces actes.
[. . .]
Je conclus que les considérations liées aux intérêts personnels soulevées par M. Oberlander ne l’emportent certainement pas sur la gravité d’avoir caché son service en temps de guerre, tromperie à l’aide de laquelle il a été admis au Canada et a obtenu la citoyenneté canadienne ainsi que sur l’intérêt public de révoquer la citoyenneté en question.
[36] Compte tenu de tout ce qui précède, la recommandation du ministre visait la révocation de la citoyenneté et le Cabinet a donné suite à cette recommandation.
III. LES QUESTIONS EN LITIGE
[37] Au regard du rapport du ministre et de la décision du Cabinet, le demandeur a soulevé les questions suivantes :
1. Le Cabinet a-t-il commis une erreur dans sa conclusion de complicité?
2. Le Cabinet a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments pertinents dans sa pondération des intérêts personnels du demandeur et de l’intérêt public?
3. Le Cabinet a-t-il commis une erreur en se fondant sur le rapport du ministre qu’il considère entaché de lacunes et, de ce fait, a-t-il suscité une crainte raisonnable de partialité?
IV. L’ANALYSE
A. La norme de contrôle judiciaire
[38] Dans l’affaire Oberlander 2004, la Cour d’appel fédérale a effectué une analyse « pragmatique et fonctionnelle » afin d’établir la norme de contrôle applicable. La Cour a conclu qu’en ce qui concerne la question de savoir si une personne est soupçonnée d’avoir commis des crimes de guerre, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. La pondération des intérêts personnels et des intérêts publics entraîne la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable.
[39] Depuis l’arrêt Dunsmuir, la Cour est tenue d’établir si la norme de contrôle est celle de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable. Comme il a été statué dans Mills v. Ontario (Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal), 2008 ONCA 436, cité et approuvé par la Cour d’appel fédérale dans Pharmascience Inc. c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 258, lors de l’examen du caractère raisonnable, le tribunal est tenu d’établir la norme de contrôle dans le contexte d’un litige particulier [aux paragraphes 21 et 22].
[traduction] La « nouvelle approche » établie dans l’arrêt Dunsmuir vise en partie à rendre la démarche applicable au contrôle judiciaire d’une décision administrative « plus simple et plus facile à appliquer » (par. 45). L’examen de différents degrés de déférence qui s’impose au tribunal à l’égard de la norme de la décision raisonnable, comme le soutient l’appelant, ne se conforme pas à cet objectif.
Ma conclusion ne signifie pas que des éléments tels la nature et la fonction du décideur et la nature de la question à trancher ne doivent pas être pris en considération. L’application de la norme de la décision raisonnable exigera désormais une démarche contextuelle à adopter en matière de déférence qui tiendra compte d’éléments tels le processus décisionnel, la catégorie à laquelle appartient le décideur et son expertise ainsi que la nature et la complexité de la question à trancher. Lorsque le décideur est un ministre, par exemple, et que sa décision vise l’intérêt public, une très grande variété de telles décisions seront visées par la norme de raisonnabilité. Par contre, lorsque les faits ne sont pas vraiment contestés et que le tribunal doit seulement déterminer si un individu a contrevenu à une disposition de sa loi constitutive, la gamme des issues raisonnables devient nécessairement beaucoup plus limitée.
[40] L’arrêt Dunsmuir exige que la jurisprudence actuelle soit examinée pour décider si le « degré de déférence » dont doit faire l’objet une question en particulier a déjà été établi. Dans l’affaire Oberlander 2004, la Cour d’appel fédérale a établi la norme de contrôle judiciaire. Il faut faire preuve d’un degré de déférence plus élevé à l’égard de l’évaluation des intérêts et moins élevé à l’égard de la conclusion sur la complicité.
[41] J’ai également examiné les éléments présentés par la Cour suprême, aux paragraphes 55 et 64 de l’arrêt Dunsmuir. Il est important de souligner que, en l’espèce, il n’existe pas de clause privative et que la nature de la question en litige vise l’application d’une politique établie au plus haut niveau du pouvoir exécutif : le Cabinet et le ministre ont l’expertise et l’obligation en matière de révocation de citoyenneté, la question de la complicité constitue une question mixte de droit, de fait et de politique et la question de la pondération des intérêts est de nature hautement discrétionnaire et repose grandement sur des considérations de politique générale. Compte tenu de tous ces facteurs, la norme de contrôle judiciaire est celle de la décision raisonnable, les décisions raisonnables visant la pondération des intérêts étant plus nombreuses que celles visant la question de la complicité.
[42] Je note, en passant, qu’au paragraphe 64 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême reconnaît que la norme de la décision raisonnable peut s’appliquer à certaines questions de droit lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale dans son domaine spécialisé ou lorsque la question de droit ne revêt pas « une importance capitale pour le système juridique » et n’est pas « étrangère au domaine d’expertise » du décideur administratif.
[43] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Oberlander 2004, le Cabinet n’est pas tenu d’avoir une politique de révocation, cependant, si cette politique existe et que le Cabinet entend la suivre, il doit le faire convenablement. La Cour d’appel fédérale a reconnu que ce qui est principalement en litige en l’espèce est une question concernant une politique et son application. À mon avis, cette conclusion vient consolider la norme de contrôle de la décision raisonnable, tant sur cette question précise qu’à l’égard de la décision dans son ensemble, tout en reconnaissant le rôle du Cabinet dans l’élaboration et l’application des politiques.
B. L’erreur commise dans les conclusions sur la complicité
[44] La principale prétention du demandeur porte sur le fait que le Cabinet a commis une erreur dans les conclusions sur la complicité. Le demandeur soutient que cette erreur découle d’une définition trop large de la notion de complicité prévue dans la politique d’exclusion des criminels de guerre et de l’omission d’examiner la preuve réfutant la présomption de « l’intention commune ».
[45] Le demandeur soutient essentiellement, tant dans son mémoire que dans son plaidoyer, que la question de la complicité visée par la politique d’exclusion des criminels de guerre constitue une question de droit qui doit être tranchée selon la décision correcte.
[46] Malgré tous les égards dus aux arguments solides de l’avocate du demandeur, je ne suis pas de cet avis. Les prétentions du demandeur nous invitent à trancher la question à savoir si M. Oberlander était effectivement complice de crimes de guerre alors que la question dont le Cabinet était saisi visait l’application de sa politique.
[47] Comme la Cour d’appel fédérale l’a souligné dans l’affaire Oberlander 2004, le Cabinet était soucieux d’appliquer sa politique. En établissant cette politique, le Cabinet pouvait décider d’appliquer tout ou partie des règles de droit en vigueur concernant la complicité ou de ne pas les appliquer. Il faut souligner que le Cabinet a précisé comment il définit la complicité.
[traduction] En ce qui concerne les affaires ayant trait à la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement a déclaré publiquement qu’il n’engage des poursuites que dans les cas où il possède une preuve de complicité ou de participation directe à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité. On considère qu’une personne est complice si, tout en sachant que des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ont été commis, elle a contribué directement ou indirectement à leur perpétration. Le fait d’être membre d’une organisation responsable d’atrocités peut, si l’organisation en question ne vise que la violence, comme un escadron de la mort, suffire pour que l’on considère qu’une personne est complice. [Non souligné dans l’original.]
[48] La politique requiert une « preuve de complicité ». La Cour d’appel fédérale présente la politique en cause comme exigeant une conclusion selon aquelle [au paragraphe 60] « M. Oberlander pouvait être soupçonné d’avoir été complice des activités d’une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité » (non souligné dans l’original). C’est à la lumière de ces critères que les activités de M. Oberlander doivent être évaluées. La question de la complicité doit être examinée conformément à la politique, quelles que soient les dispositions de droit interne ou international.
[49] La conclusion selon laquelle l’unité EK 10a constituait une organisation visant des fins brutales et limitées n’est pas contestée — il est difficile d’imaginer un meilleur exemple pour ce triste renom. Il est difficile d’imaginer une conclusion différente à l’égard de l’unité EK 10a, étant donné qu’elle servait uniquement d’unité mobile d’exécution de civils innocents. Personne n’aurait cru que cette conclusion serait contestable. Le défendeur s’appuie sur la décision Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.), pour établir que, si l’organisation vise des fins brutales et limitées, l’appartenance à l’organisation ainsi que la connaissance de ses fins criminelles et de ses modes d’action suffisent à établir la complicité.
[50] Le défendeur admet l’existence de plusieurs présomptions réfutables, mais il met l’accent dans ses arguments sur le fait que la seule présomption dont il est question en l’espèce porte sur la « connaissance » (ou dans le cas de M. Oberlander plutôt sur son ignorance). Toutefois, même si le défendeur avait raison d’affirmer qu’il était loisible au Cabinet d’accepter seulement la « connaissance » en tant que présomption réfutable, il en a été autrement. Compte tenu de ce fait, le facteur relatif à « l’intention commune » doit également être pris en compte.
[51] Le demandeur soutient que le Cabinet a commis une erreur en ne tenant pas compte du droit de réfuter la présomption relative à « l’intention commune » et qu’il n’a pas pris en considération la preuve relative à cette question. À mon avis, le Cabinet avait le droit d’établir, en principe, ce qu’il considère comme preuve suffisante pour qu’une personne soit soupçonnée d’avoir été complice de crimes de guerre et quelle présomption réfutable il accepterait. En outre, le Cabinet n’a pas omis de tenir compte de la preuve réfutant la conclusion selon laquelle M. Oberlander et l’unité EK 10a avaient une intention commune.
[52] Le demandeur semble fonder cette partie de sa thèse sur le motif qu’en droit il existe au moins deux présomptions réfutables découlant de la participation aux activités d’une organisation aux fins brutales et limitées : 1) la personne et l’organisation n’avaient pas une intention commune (par exemple en faisant la preuve que la personne a tenté d’être mutée) ou 2) la personne n’était pas au courant des activités de l’organisation. Le demandeur s’appuie sur le fait que le rapport du ministre renvoie expressément à la « connaissance », mais il ne fait aucune référence à « l’intention commune ».
[53] Malgré l’absence de référence à « l’intention commune », le rapport du ministre examine toutefois les principaux éléments de la présomption soulevée par le demandeur. En outre, la référence constante au jugement rendu par le juge MacKay montre que le ministre et le Cabinet connaissaient bien tous les aspects de la question relative à « l’intention commune ».
[54] Dans la mesure où le Cabinet était tenu d’examiner cette présomption réfutable, le fait qu’il ne renvoie pas directement à cette présomption n’est pas fatal pourvu qu’il traite du fond de la question soulevée par le demandeur. La légalité de la conclusion du Cabinet ne peut pas dépendre d’une évaluation formaliste qui ne reflète pas la question de fond.
[55] Il incombe au demandeur de réfuter une présomption réfutable. Les mesures prises par le ministre étaient de fournir au demandeur une copie du projet de son rapport et de l’inviter à présenter ses observations à l’égard des points contestés. À cet égard, il y a lieu de faire référence aux observations que le demandeur a présentées en ce sens.
[56] Une grande partie de ces observations visaient les conclusions tirées par le juge MacKay et l’erreur que le Cabinet aurait commise en se fondant sur le rapport du ministre qui traitait des conclusions du juge MacKay. Vu que les conclusions en question ne sont pas susceptibles de contrôle, bon nombre de ces observations ne sont guère utiles.
[57] Le demandeur ne désigne pas la présomption réfutable relative à « l’intention commune » par son nom, cependant il fait référence à son fondement. Sur ce point, une lecture objective de ces observations permet de constater que a) M. Oberlander avait été conscrit contre son gré et que b) M. Oberlander n’avait pas personnellement participé aux activités criminelles ou aux crimes de guerre.
[58] En ce qui concerne la question de la conscription, le ministre a abordé expressément les critères permettant d’établir la participation aux activités d’une organisation aux fins brutales et limitées. Comme il est indiqué plus haut, au paragraphe 21, le ministre a fait valoir que l’adhésion volontaire à l’organisation ne constitue qu’un seul élément relativement à la participation et que cette dernière peut être établie si la personne consacre pratiquement tout son temps aux activités de l’organisation et si la personne est associée à des membres de l’organisation (l’importance de la participation s’accroît en fonction de la période de temps).
[59] Le ministre a traité expressément de la contre-preuve au sujet de la conscription. Outre le fait susmentionné selon lequel le juge MacKay n’a tiré aucune conclusion au sujet de la conscription de M. Oberlander, le ministre a relevé ce qui suit :
[traduction] Le service obligatoire ne constitue pas un obstacle à la complicité. Le cas échéant, aucun conscrit ne pourrait jamais être considéré complice des activités de son unité. Cette thèse est indéfendable.
[60] Au sujet de la conscription, le ministre avait conclu que celle-ci ne constituait pas en soi un élément déterminant. Les motifs du ministre traitent en particulier du fait que M. Oberlander n’avait pas été maltraité après être devenu membre de l’unité EK 10a, que rien ne prouve qu’il avait trouvé odieuses les activités de l’unité EK 10a ni même qu’il avait tenté d’être démis de ses fonctions.
[61] Le ministre a admis antérieurement dans son rapport que M. Oberlander n’avait pas personnellement participé aux atrocités perpétrées par l’organisation.
[62] Pour ces motifs, on ne saurait dire à juste titre que le ministre n’a pas tenu compte de la preuve présentée par le demandeur afin de tenter de réfuter la présomption selon laquelle M. Oberlander et l’organisation qu’il servait avaient une intention commune.
[63] Le demandeur n’a pas souligné en particulier d’autres questions susceptibles de pertinence pour réfuter cette présomption, telles sa jeunesse et son faible niveau de scolarité. Le ministre a de toute évidence tenu compte des observations présentées et a répondu à celles que le demandeur a soulignées. Le ministre n’est pas tenu de présenter des motifs pour chaque aspect soulevé par M. Oberlander.
[64] Dans l’arrêt Lake c. Canada (Ministre de la Justice), [2008] 1 R.C.S. 761, une affaire d’extradition, la Cour suprême du Canada a traité de la question de la suffisance des motifs et a énoncé l’obligation élémentaire de motiver toute décision. Le paragraphe 46 de l’arrêt énonce ce qui suit :
Par ailleurs, je conviens que le ministre est tenu de motiver sa décision, mais ses motifs ne doivent pas être exhaustifs pour être suffisants. Deux objectifs sous-tendent son obligation : permettre à l’intéressé de comprendre la décision et à la cour de révision d’apprécier le bien-fondé de celle-ci. Les motifs doivent clairement indiquer que le ministre a pris en considération les arguments défavorables à l’extradition présentés par l’intéressé et permettre de comprendre pourquoi il les a rejetés. En l’espèce, malgré son caractère succinct, l’analyse du ministre fondée sur l’arrêt Cotroni suffisait. Le ministre n’est pas tenu d’analyser chacun des facteurs dans le détail. Une justification axée sur les facteurs jugés plus décisifs permet à la cour de révision de statuer sur la raisonnabilité de la conclusion.
[65] À mon avis, les motifs formulés par le ministre satisfont aux conditions énoncées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Lake même s’ils ne traitent pas expressément de chacune des observations présentées. M. Oberlander peut comprendre les raisons de cette décision et la Cour peut évaluer la validité de celle-ci.
[66] L’analyse du ministre au sujet de la complicité la mené à conclure que M. Oberlander pouvait être soupçonné d’avoir été complice des activités d’une organisation dont la seule raison d’être était de perpétrer des actes de brutalité. Le ministre a poursuivi son analyse pour arriver à conclure à la complicité, mais il n’était pas tenu de le faire. Étant donné que le ministre a traité de tous les aspects pertinents à l’égard de « soupçon de complicité » (une norme moins rigoureuse que celle qui s’applique à la complicité en tant que telle), la question à trancher est de savoir si la conclusion adoptée par le Cabinet est raisonnable.
[67] Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour donne quelques précisions sur la norme de la décision raisonnable et la manière de l’appliquer :
La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[68] Selon cette approche, la décision du Cabinet peut être considérée raisonnable en raison des éléments suivants :
1. la décision était justifiée;
2. le processus décisionnel était transparent;
3. les motifs sont intelligibles;
4. la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
Les conclusions étaient justifiées avec clarté. Comme l’a conclu le juge MacKay, M. Oberlander savait que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité avaient été commis. M. Oberlander a contribué à leur perpétration, ne serait-ce qu’indirectement, en agissant à titre d’interprète. Enfin, il était membre de l’unité EK 10a, comme l’a conclu le juge MacKay, et l’unité EK 10a était une organisation visant des fins brutales et limitées. En effet, son objet était la brutalité elle-même.
[69] J’estime que rien ne permet véritablement de conclure à l’absence de transparence dans les motifs ou dans le processus décisionnel. Le demandeur était informé de l’intention du ministre de présenter un rapport et il a eu la possibilité de présenter des observations avant le dépôt du rapport. Les faits essentiels qui constituent le fondement de ce rapport avaient déjà fait l’objet d’un débat de fond en justice. Le demandeur était également au courant de la politique du gouvernement relative à l’exclusion des criminels de guerre, en vigueur depuis longtemps.
[70] Il est aussi possible, à la lumière de l’intelligibilité de la décision, de comprendre le raisonnement du rapport du ministre qui a mené à la conclusion sur la complicité (et à la pondération des intérêts qui sera examinée plus loin) même si la décision en question n’examinait pas certains aspects avec autant de détails que le demandeur l’aurait voulu.
[71] Comme l’indiquait l’arrêt Lake, précité, malgré la concision des motifs ou l’absence de détails frappants, dans la mesure où ces motifs montrent clairement que les observations présentées par une des parties ont été prises en considération et qu’il y a lieu de comprendre pourquoi elles ont été rejetées, la décision est suffisamment intelligible. Pour les motifs exposés précédemment, il est évident que le ministre a tenu compte des présomptions réfutables, qu’il a examiné les points essentiels soulevés, et qu’il y a lieu de comprendre pourquoi ces observations ont été rejetées.
[72] Ayant conclu que la conscription ne constituait pas un facteur pertinent et en plus des aspects mentionnés au paragraphe 63 des présents motifs, le ministre a insisté sur le fait que M. Oberlander a consacré tout son temps à ses fonctions au sein de l’unité EK 10a et que ces fonctions portaient sur les principales activités de l’unité EK 10a que M. Oberlander connaissait; et sur le fait que celui-ci a nié en avoir eu connaissance sans toutefois être jugé crédible par le juge MacKay à cet égard.
[73] La conclusion est incontournable : malgré les observations présentées par le demandeur, la présomption de complicité n’a pas été réfutée et n’a certes pas été suffisamment réfutée au point de faire disparaître les motifs de soupçonner que M. Oberlander avait été complice de crimes de guerre.
[74] En ce qui concerne la question de savoir si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », les faits établis devant le juge MacKay constituent les motifs les plus impérieux pour justifier l’issue. Le juge MacKay n’était pas tenu de conclure à la complicité (l’eût-il fait, sa conclusion aurait probablement été ultra vires), cependant ses conclusions constituent des preuves tangibles qui permettraient à une personne raisonnable de tirer la même conclusion que le ministre.
[75] Certains trouveront, certes, ces conclusions sévères, vu le rôle joué par M. Oberlander au sein de l’unité EK 10a et l’opinion qu’ils peuvent adopter à l’égard de sa situation personnelle actuellement, mais cela ne diminue aucunement le caractère raisonnable des conclusions tirées par le ministre. Ces conclusions peuvent se justifier au regard des faits, comme l’a établi le juge MacKay, au regard du droit, dans la mesure où ce critère s’applique, et au regard de la politique d’exclusion des criminels de guerre du Programme sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité du Gouvernement du Canada.
C. La pondération des intérêts en jeu
[76] Dans la décision Oberlander 2004, la Cour d’appel fédérale était particulièrement préoccupée par le fait que le Cabinet n’a pas pondéré d’une manière équitable les intérêts en jeu. Le Cabinet était conscient de cet aspect, comme il ressort du rapport lui-même.
[77] Il ressort clairement de la partie du rapport qui traite de la pondération des intérêts que les questions portant sur les conséquences de l’expulsion étaient considérées, à juste titre, non pertinentes. La question de l’expulsion dépend de plusieurs autres éléments dont il a été question plus haut dans les présents motifs, au paragraphe 34.
[78] L’analyse des intérêts personnels par rapport aux intérêts publics est formulée à la page 13 du rapport comme suit :
[traduction] Les considérations liées aux intérêts personnels soulevées au nom de M. Oberlander portent sur la période de temps passée au Canada (51 ans à présent) et son « vécu [. . .] irréprochable au Canada », selon les termes de la Cour d’appel fédérale, durant cette période. Les observations de M. Oberlander et ses lettres d’appui présentent sa générosité envers sa famille et sa collectivité, et à quel point il a travaillé fort et a été productif.
Si favorables, même « fortement favorables », que soient ces considérations dans le cas de M. Oberlander, elles ne l’emportent manifestement pas sur le puissant et l’essentiel intérêt public de révoquer la citoyenneté d’une personne qui n’a pas divulgué son appartenance à un escadron de la mort nazi afin d’être admise au Canada.
Ne pas parvenir à révoquer la citoyenneté [. . .] aurait pour effet de compromettre le précieux privilège que la citoyenneté canadienne constitue et contreviendrait fortement au principe fondamental selon lequel le Canada ne devait pas devenir un refuge sûr pour les personnes qui étaient complices de crimes de guerre [. . .]
[79] Malgré leur brièveté, les motifs présentés par le ministre montrent clairement la raison pour laquelle les observations au sujet des intérêts personnels ont été rejetées. L’évidente considération d’intérêt public, selon l’appréciation du ministre, porte sur le fait que le Canada doit appliquer sa politique d’exclusion à l’égard de ceux qui ont obtenu par tromperie la citoyenneté canadienne en cachant leur participation à des crimes de guerre.
[80] Ces motifs du ministre pourraient être qualifiés de raisonnables pour les mêmes raisons que celles qui concernaient la question de la complicité. La décision est justifiée, le processus décisionnel est transparent, les motifs sont intelligibles et la décision appartient aux issues possibles acceptables.
[81] Le demandeur soutient que l’analyse des intérêts personnels, réalisée uniquement pour la forme, correspond à cinq lignes de la page 13 du rapport qui comprenait 22 pages. Plus particulièrement, il prétend que le ministre n’a pas tenu compte des circonstances liées à la maladie mentale dont la fille de M. Oberlander souffre, à l’âge avancé de ce dernier et de son épouse, aux conséquences de son expulsion sur sa famille et à l’inaction de l’État pendant 25 ans à l’égard de la situation de M. Oberlander.
[82] En toute déférence, l’âge avancé de M. Oberlander et de son épouse est nécessairement lié à la période de 51 ans durant laquelle ils ont vécu d’une façon irréprochable au Canada. L’existence d’une fille qui souffre d’une maladie mentale et les conséquences de l’expulsion sur sa famille constituent des facteurs beaucoup plus pertinents à l’égard de l’expulsion et qui pourraient éventuellement constituer le fondement justifiant un sursis à l’exécution d’une mesure d’expulsion ou une autorisation de séjour permanent au Canada, question non pertinente en l’espèce, comme nous l’avons expliqué au paragraphe 34 des présents motifs.
[83] Pour ce qui est de l’affirmation selon laquelle l’État n’a pris aucune mesure contre M. Oberlander pendant 25 ans, bien qu’il s’agisse d’un fait vraiment troublant, à la fois du point de vue de l’intérêt public et des intérêts personnels de M. Oberlander, il n’y a pas de prescription à l’égard des crimes de guerre ni à l’égard de la révocation de la citoyenneté. Toute défaillance de l’État ne donnerait pas, en soi, le droit à l’intéressé de conserver la citoyenneté qu’il avait obtenue d’ailleurs à tort.
[84] Même si les motifs sont succincts, ils communiquent clairement les raisons pour lesquelles les observations présentées ont été rejetées et, sur le plan de la politique, celles pour lesquelles le Cabinet a pris en compte l’intérêt public fort important dans la mise en application de la politique d’exclusion des criminels de guerre.
[85] Encore une fois, les conséquences peuvent sembler injustes aux yeux de certains — opinion que la Cour ne partage pas forcément — cependant il n’appartient pas à la Cour d’imposer son point de vue quant à l’importance relative de la situation personnelle de M. Oberlander et quant à l’application de la politique d’exclusion des criminels de guerre à des événements qui ont eu lieu il y a plus de 50 ans.
[86] La Cour conclut donc que l’analyse du ministre ou la pondération des intérêts en jeu satisfait à la norme du caractère raisonnable applicable à ces circonstances.
D. La partialité
[87] Le demandeur a soulevé la question de la partialité dans ce contexte, en partie parce que le Cabinet s’est fondé sur le rapport du ministre, en alléguant que le ministre avait manifestement pour but de priver M. Oberlander de la citoyenneté canadienne. Le demandeur soutient que le résultat de ce processus était inévitable. Il soutient également que toute réparation que la Cour pourrait accorder en renvoyant l’affaire pour nouvel examen sera également vouée à la même issue.
[88] Vu la conclusion de la Cour sur le caractère raisonnable de la décision du Cabinet et, par conséquent, du rapport du ministre, il est difficile de voir comment le processus en question a été entaché de partialité ou d’une crainte raisonnable de partialité, et ce, compte tenu des conclusions tirées par la Cour d’appel fédérale qui ont entraîné le processus même examiné en l’espèce.
[89] La Loi établit la voie bien définie à suivre quant au déroulement des procédures de révocation et, dans la mesure où une personne pourrait craindre qu’un renvoi de l’affaire devant le ministre comporte le risque d’une issue inévitable, rappelons-nous que toute crainte raisonnable de partialité ou toute autre invalidité a été sanctionnée par le cadre législatif. La seule possibilité serait de suspendre les procédures engagées contre M. Oberlander, ordonnance que les conclusions de la Cour d’appel fédérale ne sauraient justifier.
[90] Le demandeur soutient que la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire d’accueillir le contrôle judiciaire. Dans la mesure où la Cour a un pouvoir discrétionnaire résiduel d’accueillir la demande de contrôle judiciaire (ce dont je doute, vu mes conclusions selon lesquelles la décision du Cabinet est raisonnable et conforme au droit), je ne serais pas disposé à exercer ce pouvoir discrétionnaire. La question en litige en l’espèce est celle de savoir si une personne qui n’a pas divulgué son appartenance à un escadron de la mort nazi et a obtenu par conséquent les avantages de la citoyenneté canadienne à partir desquels elle a commencé une vie productive, devrait se voir privée de sa citoyenneté mal acquise. Il est vrai que la situation personnelle de M. Oberlander mérite d’être considérée, que le temps qui s’est écoulé et le travail honnête sont des facteurs qui penchent en sa faveur; mais l’importance de protéger l’intégrité de la citoyenneté canadienne contre la fraude et de reconnaître l’obligation de l’État canadien de s’assurer qu’il n’y a aucune possibilité de refuge sûr pour ceux qui ont participé à des événements historiques épouvantables me portent à rejeter tout pouvoir discrétionnaire d’accueillir la demande de contrôle judiciaire en l’espèce.
V. CONCLUSIONS
[91] Pour ces motifs, le présent contrôle judiciaire sera rejeté avec dépens.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.
ANNEXE
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29
7. Le citoyen ne peut perdre sa citoyenneté que dans les cas prévus à la présente partie.
[. . .]
10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu’il est convaincu, sur rapport du ministre, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l’intéressé, à compter de la date qui y est fixée :
a) soit perd sa citoyenneté;
b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.
(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l’a acquise à raison d’une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l’un de ces trois moyens.
[. . .]
18. (1) Le ministre ne peut procéder à l’établissement du rapport mentionné à l’article 10 sans avoir auparavant avisé l’intéressé de son intention en ce sens et sans que l’une ou l’autre des conditions suivantes ne se soit réalisée :
a) l’intéressé n’a pas, dans les trente jours suivant la date d’expédition de l’avis, demandé le renvoi de l’affaire devant la Cour;
b) la Cour, saisie de l’affaire, a décidé qu’il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.
(2) L’avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu’a l’intéressé, dans les trente jours suivant sa date d’expédition, de demander au ministre le renvoi de l’affaire devant la Cour. La communication de l’avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l’intéressé.
(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d’appel.