Référence : |
Rodriguez Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1243, [2009] 3 R.C.F. 395 |
IMM-4652-07 |
Jose Fernando Rodriguez Diaz (demandeur)
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : Rodriguez Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F.)
Cour fédérale, juge O’Keefe—Toronto, 12 mai 2008; Ottawa, 6 novembre 2008.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) portant que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Le demandeur, un citoyen du Mexique, demandait l’asile parce qu’il craignait d’être tué par ses frères et d’être persécuté par la société mexicaine en raison de son orientation sexuelle et du fait qu’il est séropositif.
La Commission a statué que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger parce qu’il disposait d’une protection adéquate de l’État et d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Mexico. La question en litige était celle de savoir si la Commission a commis une erreur dans son analyse d’une PRI viable en ne tenant pas compte de la séropositivité du demandeur.
Jugement : la demande doit être accueillie.
Pour conclure que le demandeur dispose d’une PRI viable et sûre, le critère à deux volets élaboré par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) doit être appliqué : la Commission doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une PRI et la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de s’y réfugier.
En concluant que l’orientation sexuelle du demandeur ne permettait pas d’exclure Mexico comme PRI raisonnable, la Commission a omis d’examiner de manière adéquate la preuve documentaire donnant à penser que des jugements moraux négatifs envers des Mexicains séropositifs ont une incidence sur la fourniture du traitement et des médicaments par le personnel médical au Mexique, exposant ainsi le demandeur à des risques. Bien qu’un demandeur ne puisse pas fonder une demande d’asile sur le simple motif que le traitement médical qu’il reçoit ou qu’il pourrait recevoir dans le pays d’accueil est supérieur à celui qui existe dans le pays d’origine, des groupes sociaux particuliers, comme les personnes séropositives, ont établi un fondement permettant d’obtenir l’asile. En outre, la preuve documentaire donnait à penser que les tests de dépistage du VIH aux fins d’emploi sont pratique courante au Mexique. La Commission n’a pas examiné adéquatement la question de savoir si le demandeur avait prouvé que des barrières systémiques associées au test de dépistage du VIH et à l’emploi équivalaient à de la persécution. Les aspects interdépendants du statut socio-économique du demandeur et de sa séropositivité étaient des facteurs importants dont la Commission a omis de tenir compte. Enfin, comme des barrières systémiques à l’emploi peuvent empêcher l’accès à des soins de santé privés et comme le système de santé public au Mexique peut être inadéquat, les familles de Mexicains séropositifs jouent un rôle important dans les soins apportés à ces derniers. La Commission n’a pas suffisamment examiné les arguments du demandeur selon lesquels il ne disposait d’aucune aide familiale importante et qu’il serait donc persécuté et exposé à des risques en tant que Mexicain séropositif. Pour ces motifs, la décision de la Commission a été annulée.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6.
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72(1), 96, 97.
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190; (2008), 329 R.N.-B. (2e) 1; 2008 CSC 9; Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.).
décisions examinées :
Ortiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1365; Ako c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 647; Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 450; Xie c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 75 F.T.R. 125 (C.F. 1re inst.); Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 3 R.C.F. 169; 2006 CAF 365.
décisions citées :
Tolu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 334 ; Packiam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 649; Armson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F. no 800 (C.A.) (QL); Camacho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 830; Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.); Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 741 (1re inst.); Nwokomah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1535; Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999; Nakhuda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 698; Soosaipillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1040.
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rejetant la demande d’asile du demandeur parce qu’il y avait une possibilité de refuge intérieur à Mexico et que le demandeur disposait d’une protection adéquate de l’État. Demande accueillie.
ONT COMPARU
Robert I. Blanshay pour le demandeur.
Jennifer Dagsvik pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Robert I. Blanshay pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le juge O’Keefe : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) à l’égard d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 9 octobre 2007 dans laquelle celle‑ci a conclu que le demandeur était ni un réfugié au sens de la Convention [Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6] ni une personne à protéger.
[2] Le demandeur a demandé l’annulation de la décision et son renvoi à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.
L’historique
[3] Jose Fernando Rodriguez Diaz (le demandeur) est un citoyen du Mexique. Il demande l’asile parce qu’il craint d’être tué par ses frères et d’être persécuté par la société mexicaine en raison de son orientation sexuelle et en raison du fait qu’il est séropositif.
[4] Le défendeur a prétendu que lorsqu’il était enfant il a été agressé sexuellement par son beau‑père. Il a prétendu que ses frères l’ont agressé lorsqu’ils ont appris que son père biologique était un ancien amant de leur mère. Le demandeur a également décrit des situations où il a été détenu et agressé par la police mexicaine.
[5] À partir de 1985, et pendant environ deux ans, le demandeur se rendait à Miami à tous les six mois afin de renouveler son visa de visiteur puis il retournait au Mexique. En 1991, le demandeur a appris qu’il était séropositif. À cette époque, il vivait au Mexique. Le demandeur a prétendu que son employeur a découvert qu’il était séropositif et lui a offert d’accepter une indemnité de départ sinon il serait congédié. Le demandeur a également prétendu avoir été congédié d’un autre emploi en 1995 parce que son employeur avait appris qu’il était homosexuel et qu’il était séropositif. Le demandeur a lancé sa propre entreprise mais il a dû la fermer.
[6] Lorsque son beau‑père est décédé, le demandeur a reçu une part de sa succession, laquelle comprenait une plantation de canne à sucre, une plantation de café et une maison. Le demandeur a prétendu que, en 1996, l’un de ses frères a menacé de le tuer s’il ne quittait pas le Mexique. C’est ainsi que le demandeur prétend avoir donné à sa sœur une procuration l’autorisant à s’occuper des biens familiaux et il est parti pour les États‑Unis où il est demeuré pendant environ neuf ans avant de retourner au Mexique. Le demandeur est retourné au Mexique en avril 2005. Il y est resté quelques jours, puis il s’est rendu au Canada. Peu de temps après son arrivée au Canada, le demandeur a demandé l’asile. Dans une décision datée du 9 octobre 2007, la Commission a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Le présent contrôle judiciaire vise la décision de la Commission.
La décision de la Commission
[7] La Commission a décidé que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger parce qu’il disposait d’une protection adéquate de l’État et d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Mexico.
[8] La Commission a commencé son analyse en énonçant le critère à deux volets servant à déterminer s’il existait une PRI : 1) selon la prépondérance des probabilités, le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté ou d’être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans la partie du pays où il existe une PRI; 2) la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur, de s’y réfugier. Quant au premier volet, la Commission a d’abord apprécié la crainte du demandeur à l’égard de ses frères. La Commission a reconnu que le demandeur a présenté des éléments de preuve permettant de croire que ses frères l’avaient harcelé et l’avaient agressé, mais elle a souligné qu’aucune preuve documentaire ne confirme qu’il a demandé des soins médicaux. De plus, le demandeur n’a pas demandé l’asile pendant les années où il a vécu aux États‑Unis en raison du harcèlement et des agressions. La Commission a également souligné que lorsqu’on lui a demandé si la cession de sa part des biens familiaux éliminerait les problèmes avec sa famille, le demandeur a répondu par l’affirmative. La Commission a conclu ce qui suit : « Il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur d’asile renonce à sa part de l’héritage si, ce faisant, il pouvait faire cesser les préjudices qu’il subit de la part des présumés agents de persécution ». La Commission a ensuite affirmé qu’elle s’interrogeait de toute façon sur « la probabilité que les frères du demandeur d’asile exécutent la présumée menace de mort à son endroit ». La Commission a mentionné que, même après que le demandeur eut reçu les menaces de mort, il a rencontré ses frères à de nombreuses reprises et ceux‑ci ont par conséquent eu de nombreuses occasions de le tuer. La Commission a conclu que « même si les menaces perturb[aient] assurément le demandeur d’asile », il n’existait pas de possibilité sérieuse qu’il soit persécuté aux mains de ses frères.
[9] La Commission s’est ensuite penchée sur la question de savoir si l’orientation sexuelle du demandeur compromettait l’existence d’une PRI à Mexico. La Commission a examiné la preuve documentaire et a conclu que ce qui était déterminant, « dans l’ensemble des éléments de preuve analysés, c’[était] que les documents les plus récents [la] convainqu[aient] que les lois et les efforts de l’État [avaient] eu des répercussions positives sur les lacunes possibles relevées dans le passé ». La Commission a ensuite affirmé qu’il incombait au demandeur de produire une « preuve claire et convaincante » de l’incapacité de l’État d’assurer sa protection. La Commission a souligné que le dernier incident dans lequel la police a ciblé le demandeur d’asile est survenu en 1989 et que la preuve documentaire indiquait que les choses avaient beaucoup changé à Mexico depuis ce temps.
[10] La Commission a ensuite examiné la question de savoir si la séropositivité du demandeur compromettait l’existence d’une PRI à Mexico. La Commission a déclaré que la preuve documentaire concernant la séropositivité indiquait que, en août 2003, le président Vicente Fox a annoncé que le gouvernement subventionnerait les coûts des médicaments pour tous les citoyens atteints du sida. La Commission a déclaré qu’il s’agissait « d’une importante initiative qui n’existait pas lorsque le demandeur d’asile a reçu son diagnostic de séropositivité en 1991 ».
[11] Quant au deuxième volet du critère relatif à la PRI, la Commission a déclaré ce qui suit : « étant donné que le demandeur d’asile est une personne instruite qui a travaillé pendant qu’il vivait au Mexique, tant dans le secteur privé qu’à titre de propriétaire d’entreprise, et compte tenu de l’existence de lois antidiscriminatoires dans le district fédéral, le tribunal détermine qu’il n’est pas déraisonnable, dans les circonstances, qu’il vive à Mexico ».
[12] La Commission a finalement conclu qu’il existait une PRI à Mexico et qu’une protection de l’État adéquate était à la disposition du demandeur d’asile. La Commission a donc rejeté sa demande d’asile.
Les questions en litige
[13] Le demandeur a soumis à l’examen de la Cour les questions suivantes :
1. La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en appréciant la demande d’asile du demandeur en se fondant uniquement sur son orientation sexuelle et a‑t‑elle omis d’apprécier et de prendre en compte la séropositivité du demandeur pour savoir s’il disposait d’une PRI viable à Mexico?
2. La Commission a‑t‑elle tiré de nombreuses conclusions de fait importantes, notamment les conclusions portant sur la preuve objective concernant la situation qui règne à Mexico, sans preuve claire à l’appui, se livrant ainsi à de la pure spéculation?
3. La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en mentionnant des éléments de preuve essentiels figurant dans la demande du demandeur?
[14] Je reformulerais ainsi les questions en litige :
1. Quelle est la norme de contrôle applicable?
2. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le choc décrit dans le rapport psychologique n’était pas exclusivement lié aux questions mentionnées dans la demande?
3. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la haine des frères avait été engendrée par l’héritage et non pas par l’orientation sexuelle du demandeur? En outre, la Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’il n’était pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur cède sa partie de l’héritage afin de se soustraire à la présumée persécution?
4. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas exposé à une possibilité sérieuse d’être persécuté par ses frères?
5. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en mentionnant des éléments de preuve importants figurant dans la demande du demandeur?
6. La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse d’une PRI viable en ne tenant pas compte de la séropositivité du demandeur?
Les observations écrites du demandeur
[15] Le demandeur a prétendu que la Commission a omis d’examiner sa prétention selon laquelle sa séropositivité mènerait inévitablement à des incidents de stigmatisation, de grave discrimination et à des actes cumulatifs de harcèlement équivalant à de la persécution. Le demandeur a prétendu qu’il a fourni de nombreux éléments de preuve démontrant que, depuis son diagnostic, il a souffert de discrimination et de harcèlement importants équivalant à des actes cumulatifs de harcèlement et de persécution (Tolu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 334; Packiam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 649). Le demandeur a prétendu que, en appliquant le critère à deux volets applicable lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe une PRI, la Commission a omis de prendre en considération le genre de vie que mène le demandeur à titre de personne séropositive vivant à Mexico. Il a prétendu que la Commission a commis une erreur en ne tenant compte que du fait que les personnes séropositives pouvaient se procurer des médicaments. La Commission aurait dû tenir compte de toutes les situations redoutées par les personnes qui se trouvent dans la situation du demandeur comme la violence physique, l’extorsion et l’impossibilité de trouver un emploi, un logement et des services convenables. Le demandeur a également prétendu que, en analysant s’il existe une PRI, la Commission a commis une erreur en se fiant à des éléments de preuve datant de 2003 et en déclarant que « les documents les plus récents [la] convainqu[aient] que les lois et les efforts de l’État [avaient] eu des répercussions positives sur les lacunes possibles relevées dans le passé ». Le demandeur a prétendu que la Commission doit rechercher les documents les plus récents.
[16] Le demandeur a prétendu que certaines des conclusions de la Commission n’étaient pas fondées et ont été tirées sans que celle‑ci ne fournisse de motifs. Il est bien établi en droit que toutes les conclusions importantes tirées par la Commission doivent être étayées par une preuve claire. Le défaut de produire des éléments de preuve clairs et précis est manifestement déraisonnable et rend chacune des conclusions à l’état de pures hypothèses (Armson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F. no 800 (C.A.) (QL)). Le demandeur a prétendu que la Commission a commis une erreur en concluant que le choc psychologique confirmé dans le rapport psychologique n’était pas « exclusivement lié [. . .] aux questions soulevées [dans la demande] ». Le demandeur a prétendu qu’aucun élément de preuve ne permettait de tirer cette conclusion et la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle l’avait tirée. Le demandeur a également prétendu que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’était pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur cède sa part d’héritage afin d’éliminer la possibilité de persécution de la part de ses frères. Le demandeur a prétendu que la Commission n’était saisie d’aucun élément de preuve indiquant que la haine des frères du demandeur envers lui était due au fait qu’il avait reçu sa part des biens de son beau‑père. En outre, la preuve a démontré que les problèmes du demandeur avec ses frères ont commencé avant le décès de son beau‑père. Enfin, le demandeur a prétendu que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il ne risquait pas d’être persécuté par ses frères. Il a prétendu que la Commission a conclu qu’il se pouvait que ses frères l’agressent, mais ils n’iraient pas jusqu’à le tuer. Le demandeur a prétendu qu’il s’agit cependant de persécution.
[17] Enfin, le demandeur a prétendu que la Commission a mal compris le témoignage qu’il a rendu à l’audience. Dans ses motifs, la Commission a déclaré que lorsqu’on lui a demandé si sa cession de sa part de l’héritage mettrait fin à la haine de ses frères envers lui, le demandeur a répondu par l’affirmative. Le demandeur a prétendu que, autant qu’il sache, il avait répondu par la négative et a affirmé de nouveau que rien ne changerait les sentiments et les gestes de ses frères envers lui.
Les observations écrites du défendeur
[18] Le défendeur a prétendu que les erreurs alléguées par le demandeur, à savoir que la Commission ne s’est pas demandée si les actes cumulatifs de harcèlement équivalaient à de la persécution, qu’elle n’a pas accordé assez d’importance au rapport psychologique et qu’elle a mal compris le témoignage du demandeur, ne sont pas importantes compte tenu de la conclusion de la Commission relative à l’existence de la protection de l’État et d’une PRI raisonnable. Le défendeur a prétendu que la demande de contrôle judiciaire du demandeur ne peut être accueillie que s’il convainc la Cour que la Commission a commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État et de la PRI.
[19] En ce qui concerne les conclusions de la Commission quant à la PRI et quant à la protection de l’État, le défendeur a prétendu que celles‑ci sont des conclusions de fait et que la Cour ne devrait pas intervenir tant et aussi longtemps que la Commission a effectué l’analyse adéquate et a tiré une conclusion de fait qu’il lui était loisible de tirer compte tenu de la preuve (Ortiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1365, aux paragraphes 34 et 35). Le défendeur a prétendu que la Commission a correctement formulé le critère à deux volets applicable à la question de l’existence d’une PRI.
[20] En ce qui concerne le volet de la protection de l’État du critère applicable à la PRI, le défendeur a déclaré que le demandeur n’a pas démontré qu’il avait tenté de demander la protection des autorités mexicaines en 2005 et, à ce titre, il incombait au demandeur de prouver de façon claire et convaincante qu’il n’était pas objectivement raisonnable de s’attendre à ce qu’il demande à l’État de le protéger. Le fait de ne pas solliciter la protection de l’État au sein du pays d’origine sera habituellement fatal pour une demande d’asile si, dans l’État en question, le fonctionnement de la démocratie n’est pas remis en question et si cet État est disposé à assurer un certain degré de protection à ses citoyens et possède les ressources nécessaires à cette fin (Camacho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 830, au paragraphe 11). Le défendeur a prétendu que l’argument du demandeur selon lequel la Commission n’a pas évalué la protection dont pouvaient se prévaloir les personnes séropositives (sauf en ce concerne la possibilité de se procurer des médicaments) ne peut pas être accepté parce que les éléments de preuve invoqués par le demandeur ne sont pas assez importants pour contredire la conclusion de la Commission relativement à la protection de l’État. Le défendeur a prétendu que les parties des documents d’information sur le pays invoquées par le demandeur dans le mémoire traite d’une manière générale de la discrimination contre les personnes qui sont séropositives et ne traitent pas de la question de la protection de l’État. Par conséquent, la preuve présentée était loin d’être la preuve « claire et convaincante » exigée pour réfuter la présomption bien établie que la Commission a pris en compte tous les éléments de preuve.
[21] En ce qui concerne le deuxième volet du critère applicable à la PRI, le défendeur a prétendu que le demandeur n’a pas démontré que la discrimination dont les personnes séropositives sont victimes à Mexico équivaut à de la persécution. Le défendeur a prétendu que le demandeur doit prouver de façon « réelle et concrète » que sa vie et sa sécurité seraient compromises s’il se rendait ou s’il allait vivre à Mexico (Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.)). Le défendeur a prétendu que la Commission a manifestement tenu compte de la question de la possibilité pour le demandeur de recevoir un traitement du VIH/sida à Mexico et de la possibilité pour le demandeur de se trouver un emploi.
La réponse écrite du demandeur
[22] Le demandeur a prétendu que l’analyse de la PRI faite par la Commission ne peut pas être acceptée si elle n’est pas solide. Il a prétendu que, en omettant de se demander s’il était raisonnable qu’une personne séropositive comme lui aille vivre à Mexico, l’analyse et les conclusions de la Commission quant à la PRI ne peuvent pas être acceptées. Le demandeur a prétendu que l’analyse de la Commission n’a porté que sur la possibilité de se procurer des médicaments. De plus, la Commission a analysé de manière superficielle les lois en matière de discrimination. Elle n’a pas examiné la question de l’efficacité de ces lois sur le plan opérationnel.
L’analyse et la décision
La question en litige n° 1
Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?
[23] Dans l’arrêt Dunsmuir c. New Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a fusionné la norme de la décision raisonnable simpliciter et la norme de la décision manifestement déraisonnable en une norme plus simple, c’est‑à‑dire la norme de la raisonnabilité. Dans cet arrêt, la Cour suprême a également rationalisé la démarche à suivre pour arrêter la bonne norme de contrôle, ce qu’on qualifiait auparavant d’analyse « pragmatique et fonctionnelle ». La Cour suprême a proposé (au paragraphe 62) un processus se déroulant en deux étapes :
Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.
[24] La norme de contrôle applicable aux conclusions relatives à une PRI viable pour les demandeurs est très importante pour le présent contrôle judiciaire. La décision Ortiz [au paragraphe 34], résume les éléments des conclusions relatives à une PRI en contrôle judiciaire examinés dans la décision Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 741 (1re inst.) [à la page 764] : « [Le juge Richard] a statué au paragraphe 26 qu’il faut faire preuve de retenue à l’égard de ces décisions rendues par la Commission parce que cette question relève directement du champ d’expertise de celle-ci. Ces décisions exigent l’appréciation de la situation des demandeurs, telle qu’ils l’ont expliquée dans leur déposition, et une compréhension experte de la situation existant dans le pays ». Compte tenu de ces questions, la Cour a conclu que la norme de contrôle applicable est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui existait avant l’arrêt Dunsmuir, susmentionné. Voir par exemple : Nwokomah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1535; Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999; Nakhuda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 698. Le juge de Montigny a déclaré ce qui suit dans Ako c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 647, au paragraphe 20 :
Il est bien établi en droit que la norme de contrôle applicable aux questions de fait relevant du champ d’expertise d’un tribunal est généralement celle de la décision manifestement déraisonnable. Plus particulièrement, la Cour a conclu à maintes reprises que c’est la norme qu’il convient d’appliquer relativement à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur viable [. . .]
Par conséquent, la jurisprudence est fixée : la Cour ne doit modifier la conclusion de la Commission concernant la question de la PRI que si cette conclusion est manifestement déraisonnable. Par conséquent, à la suite de l’arrêt Dunsmuir, susmentionné, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité.
[25] Deux autres questions importantes en litige dans le présent contrôle comportaient l’évaluation de la preuve concernant la persécution du demandeur. La juge Tremblay‑Lamer, dans la décision Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 450 [au paragraphe 12], a cité l’opinion défendue depuis longtemps selon laquelle « [I]l est établi depuis longtemps que “la question de l’existence de la persécution dans les cas de discrimination ou de harcèlement n’est pas simplement une question de fait, mais aussi une question mixte de droit et de fait, et que des notions juridiques sont en cause” (Sagharichi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F no 796 [. . .] Il est également établi depuis longtemps que cette question est susceptible de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter (Herczeg c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 2000, [2007] A.C.F. no 1434 [. . .]; Hitti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1256, [2006] A.C.F. no 1580 ». Compte tenu de l’arrêt Dunsmuir, susmentionné, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.
[26] La dernière question en litige comportait une conclusion strictement de fait fondée sur une preuve testimoniale. Un degré élevé de retenue s’applique aux conclusions de fait. Dans de nombreuses décisions qui ont précédé Dunsmuir, la Cour a conclu que la norme de contrôle applicable était celle de la norme de la décision manifestement déraisonnable (Soosaipillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1040), laquelle a été fondue dans la norme de la raisonnabilité.
[27] Dans l’arrêt Dunsmuir, susmentionné, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada a saisi l’occasion pour énoncer les éléments d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, ce qui est pertinent en l’espèce :
La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[28] Je vais d’abord traiter de la question en litige no 6.
La question en litige no 6
La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse d’une PRI viable en ne tenant pas compte de la séropositivité du demandeur?
[29] Le demandeur a prétendu que la Commission a commis une erreur dans son analyse de la PRI en ne tenant pas compte de la question de la séropositivité du demandeur à l’exception de la question de la possibilité pour le demandeur de se procurer des médicaments à Mexico. L’analyse des lois en matière de discrimination a été contestée au motif qu’elle était superficielle.
[30] La Cour d’appel fédérale a traité de la question du refuge intérieur dans l’arrêt Rasaratnam [Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706] et elle a déclaré ce qui suit : « le concept de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est inhérent à la définition de réfugié au sens de la Convention ». Pour que la Commission puisse conclure que le demandeur dispose d’une PRI viable et sûre, le critère à deux volets suivant, qui a été énoncé et appliqué dans l’arrêt Rasaratnam, susmentionné, doit être satisfait :
1) la Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une PRI;
2) la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances y compris de sa situation personnelle, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur, de s’y réfugier.
[31] En l’espèce, la Commission a conclu que l’orientation sexuelle du demandeur ne permettait pas d’exclure Mexico comme PRI raisonnable pour le demandeur. La Commission a souligné l’existence de lois antidiscriminatoires dans le district fédéral de Mexico et d’« une sous-culture homosexuelle [qui] s’exprime de plus en plus et [qui] est de plus en plus visible » pour réfuter la prétention du demandeur selon laquelle il était déraisonnable de s’attendre à ce qu’il s’adresse aux autorités et demande leur protection. De plus, en 2003, Vincente Fox, qui était alors président du Mexique, a annoncé que le gouvernement subventionnerait le coût des médicaments pour ses citoyens séropositifs.
[32] Je conclus qu’on a omis d’examiner de manière adéquate deux questions qui ont trait à une conclusion raisonnable selon laquelle le demandeur dispose d’une PRI viable. Le demandeur fait valoir que des jugements moraux négatifs envers les Mexicains séropositifs ont une incidence sur la fourniture du traitement et des médicaments par le personnel médical au Mexique. Cette preuve documentaire donne à penser que c’est là où les Mexicains séropositifs, comme le demandeur, sont exposés à des risques. La Commission ne s’est pas penchée sur cette question particulière à la situation du demandeur en tant que mexicain séropositif.
[33] De plus, même si le défendeur a raison de souligner que l’absence d’emploi n’est généralement pas une raison suffisante pour déterminer qu’une PRI est déraisonnable, les obstacles à l’emploi frappent particulièrement durement les Mexicains séropositifs. La preuve documentaire soumise par le demandeur donne à penser que les tests de dépistage du VIH aux fins d’emploi sont pratique courante au Mexique, qu’il s’agisse d’emploi de travailleur d’usine ou d’emploi de professionnel. Malgré le fait que le demandeur a réussi à obtenir des emplois dans le passé, la preuve documentaire donne à penser que le demandeur aurait de la difficulté à gagner sa vie en raison de sa séropositivité. Dans la décision Xie c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 75 F.T.R. 125 (C.F. 1re inst.), on a conclu que l’ingérence systématique du gouvernement dans les possibilités d’emploi constituait une atteinte importante à la liberté d’une personne à la recherche d’un emploi. En l’espèce, la Commission n’a pas examiné adéquatement la question de savoir si le demandeur avait prouvé que les barrières systémiques associées au test de dépistage du VIH et à l’emploi équivalaient, selon la prépondérance des probabilités, à de la persécution. Les aspects interdépendants du statut socio-économique du demandeur et de sa séropositivité sont des facteurs importants dont la Commission a omis de tenir compte.
[34] La Cour d’appel fédérale a toutefois établi qu’une demande d’asile fondée sur l’accès à des soins médicaux repose sur un faible fondement. Un demandeur ne peut fonder une demande d’asile sur le simple motif que le traitement médical qu’il reçoit ou qu’il pourrait recevoir dans le pays d’asile est supérieur à celui qui existe dans le pays d’origine (Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 3 R.C.F. 169 (C.A.F.)). C’est sur ce point cependant que, dans le domaine du droit des réfugiés, des groupes sociaux particuliers, comme les personnes séropositives, ont établi un fondement permettant d’obtenir l’asile.
[35] La question de la discrimination est particulière-ment importante en raison de la possibilité que le demandeur soit ostracisé par ses amis et par sa famille s’il retournait au Mexique. Comme je l’ai déjà mentionné, des barrières systémiques à l’emploi peuvent empêcher l’accès à des soins de santé privés. Le demandeur dépendra peut‑être du système de santé public, lequel peut être inadéquat. Des soins de santé inadéquats, en soi, ne peuvent pas servir de fondement à une demande (s’ils sont fournis sans discrimination, comme je l’ai déjà dit). Toutefois, la preuve documentaire donne à penser que, au Mexique, les familles des Mexicains séropositifs jouent un rôle important dans les soins apportés aux personnes qui sont dans la même situation que le demandeur en raison de la discrimination sociale. La preuve documentaire comprend des exemples de personnes séropositives vivant au Mexique qui dépendaient de leur famille pour obtenir une assurance médicale en raison des barrières à l’emploi ou qui dépendaient de leur famille pour acheter des médicaments sur le marché noir.
[36] Le demandeur ne semble pas disposer de ce choix. Le demandeur a affirmé dans son témoignage qu’aucun membre de sa famille ne sait qu’il est séropositif et que, s’ils le savaient, leur réaction, à l’exception de celle de sa sœur, serait très négative. Le demandeur a été menacé et agressé par ses frères en raison de biens immobiliers et en raison de son orientation sexuelle. De plus, la relation qu’il entretient avec eux empêche sa mère et sa sœur d’entrer en communication avec lui parce qu’elles ont peur de représailles. Il existe un rapport de police faisant état d’une agression commise par l’un des frères du demandeur contre sa sœur en raison du conflit entre le demandeur et son frère. De plus, la dernière fois que le demandeur est retourné à Mexico, sa mère n’a pas pu le voir en raison de ses frères. Il entretient une relation étroite avec sa sœur, mais celle‑ci est mère monoparentale de deux enfants, dispose de peu d’argent et ne vit pas à Mexico. La discrimination occasionnée par la séropositivité du demandeur peut entraîner des conséquences beaucoup plus dévastatrices et beaucoup plus importantes. Non seulement la Commission doit apprécier la demande du demandeur d’un point de vue objectif, mais elle doit également l’apprécier d’un point de vue subjectif, eu égard aux faits qui lui sont propres.
[37] Je reconnais que la Commission n’a pas à examiner dans sa décision chacun des éléments de preuve en détail, mais l’arrêt Dunsmuir, susmentionné, donne à penser qu’il y a des qualités qui font qu’une décision est raisonnable. En l’espèce, les arguments du demandeur selon lesquels il serait persécuté et exposé à des risques en tant que Mexicain séropositif ne disposant d’aucune aide familiale importante, il serait possiblement confronté à des barrières systémiques en matière d’emploi et il serait possiblement victime de discrimi-nation en matière de prestation de soins de santé n’ont pas été suffisamment examinés par la Commission.
[38] En raison de ma conclusion sur cette question, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres questions.
[39] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, la décision de la Commission doit être annulée et l’affaire doit être renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.
[40] Aucune des parties n’a soumis à mon attention une question grave de portée générale en vue de sa certification.
JUGEMENT
[41] LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Commission soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.
ANNEXE
Dispositions législatives pertinentes
Les dispositions législatives pertinentes sont énumérées dans la présente section.
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR)
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :
(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.