[2009] 2 R.C.F. canada (comm. à l’info.) c. mdn 86
T-210-05
2008 CF 766
Le commissaire à l’information du Canada (demandeur)
c.
Le ministre de la Défense nationale (défendeur)
T-1209-05
Le commissaire à l’information du Canada (demandeur)
c.
Le premier ministre du Canada (défendeur)
T-1210-05
Le commissaire à l’information du Canada (demandeur)
c.
Le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (défendeur)
T-1211-05
Le commissaire à l’information du Canada (demandeur)
c.
Le ministre des Transports (défendeur)
Répertorié : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (C.F.)
Cour fédérale, juge Kelen—Ottawa, 12, 13, 14, 15 et 16 mai et 19 juin 2008.
Accès à l’information — Contrôle judiciaire du refus de communiquer des documents se trouvant au Cabinet du Premier ministre (le CPM), au cabinet du ministre de la Défense nationale, au cabinet du ministre des Transports ou à la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) — Il s’agissait de savoir s’il était question de documents « relevant d’une institution fédérale » au sens de l’art. 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information (la Loi sur l’accès) et si ces documents étaient visés par des exceptions et exclusions — Les institutions fédérales au sens de la Loi sur l’accès sont énumérées à l’annexe I de cette loi — Le CPM et les cabinets des ministres concernés ne figurent pas à la liste — Le législateur ne voulait pas qu’ils soient implicitement considérés comme partie intégrante des institutions fédérales (c.-à-d. le Bureau du Conseil privé (le BCP), le ministère de la Défense nationale (le MDN), le ministère des Transports (le MDT)) — Un document relève d’une institution fédérale si un haut fonctionnaire exerce un certain pouvoir de direction ou une autorité à l’égard d’un document, même si ce n’est qu’un pouvoir partiel, temporaire ou de facto — Il faut prendre en considération le contenu des documents et les circonstances dans lesquelles ils ont été établis pour prendre cette décision — Les notes du personnel exonéré concernant les réunions informelles auxquelles participait le ministre de la Défense nationale ne relevaient pas du MDN, mais les ordres du jour énumérant les points devant être abordés à ces réunions relevaient du MDN parce qu’il s’agissait de documents qui avaient été au départ communiqués au sous-ministre ou au chef d’état-major de la Défense — Les pages de l’agenda du premier ministre (PM) se trouvant au BCP et relevant de celui-ci devaient être communiquées, sous réserve de l’exception prévue à l’art. 19 de la Loi sur l’accès interdisant la communication de renseignements personnels (p. ex. les rendez-vous privés non rattachés au poste) — Pour ce qui est des pages des agendas du PM et du ministre des Transports se trouvant dans leur cabinet respectif, le fait que les agendas archivés s’y trouvaient ne les empêchait pas automatiquement de relever du BCP ou du MDT, mais la preuve démontrait clairement que les pages ne relevaient pas d’eux — Les agendas du PM se trouvant à la GRC relevaient de cette dernière et devaient être communiqués sous réserve de l’art. 19 de la Loi sur l’accès — Demandes accueillies en partie.
Interprétation des lois — L’art. 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information (la Loi sur l’accès) prévoit un droit à l’accès « aux documents relevant d’une institution fédérale » — L’art. 3 de la Loi sur l’accès définit l’expression « institution fédérale » en partie comme étant « tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada ou tout organisme, figurant à l’annexe I » — Examen et application des principes d’interprétation des lois — Le législateur ne voulait pas que le cabinet des défendeurs soit implicitement considéré comme partie intégrante des institutions fédérales qui sont énumérées à l’annexe I.
Preuve — Le greffier du Conseil privé a délivré une attestation en vertu de l’art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada pour s’opposer à la communication des renseignements demandés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information au motif que les renseignements dévoilaient des renseignements confidentiels du Cabinet — Comme cette attestation avait été délivrée à l’égard d’instances antérieures de la Cour, une nouvelle attestation aurait dû être déposée en l’espèce — En outre, l’attestation devait être examinée conformément à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Babcock c. Canada (Procureur général), qui renferme de nouvelles directives très importantes sur le processus d’attestation.
Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire de décisions prises par le Bureau du Conseil privé (le BCP), le ministère de la Défense nationale (le MDN), le ministère des Transports (le MDT) et le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada de ne pas communiquer des documents se trouvant au Cabinet du Premier ministre (le CPM), au cabinet du ministre de la Défense nationale, au cabinet du ministre des Transports ou à la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Les documents en cause comprenaient les agendas quotidiens de l’ancien premier ministre, des ordres du jour et des documents se rapportant à des réunions (les réunions M5) auxquelles avait assisté l’ancien ministre de la Défense nationale et les itinéraires et calendriers de réunions de l’ancien ministre des Transports. Les questions litigieuses étaient celles de savoir s’il s’agissait de documents « relevant d’une institution fédérale » comme l’exige le paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information (la Loi sur l’accès), qui prévoit un droit d’accès à ces documents, et si ces documents étaient visés par des exceptions et exclusions prévues dans la Loi sur l’accès.
Jugement : les demandes doivent être accueillies en partie.
L’article 3 de la Loi sur l’accès définit l’expression « institution fédérale » (en partie) comme étant « tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada ou tout organisme, figurant à l’annexe I ». Le CPM, le cabinet du ministre de la Défense nationale et le cabinet du ministre des Transports ne figurent pas explicitement à la liste de l’annexe I. Il ressort du contexte de la Loi sur l’accès, de l’interprétation de ses termes d’une façon qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi et avec l’intention du législateur et de l’application des principes d’interprétation des lois que le législateur ne voulait pas que le CPM ou le cabinet d’un ministre soit implicitement considéré comme partie intégrante des institutions fédérales concernées, notamment le BCP, le MDN et le MDT. Il s’agit de cabinets distincts pourvus d’un personnel non rattaché au ministère et exerçant plusieurs fonctions non liées au ministère.
Plusieurs principes directeurs sont ressortis de l’examen de la jurisprudence sur le sens à attribuer à l’expression « relevant de » aux fins de la Loi sur l’accès pour examiner le contenu des documents et les circonstances dans lesquelles ils ont été établis pour savoir si l’institution fédérale pourrait, sur demande, en obtenir une copie. L’expression « relevant de » doit être interprétée d’une manière large et libérale pour assurer un droit d’accès efficace à l’information gouvernementale. Cependant, cette interprétation ne saurait être étendue plus que de raison. En l’espèce, cette expression signifie qu’un haut fonctionnaire de l’institution fédérale (autre que le ministre) exerce un certain pouvoir de direction ou une autorité à l’égard d’un document, même si ce n’est qu’un pouvoir partiel, temporaire ou de facto. Ainsi, si le contenu d’un document en la possession du CPM ou du cabinet des ministres concernés se rapporte à une affaire ministérielle, et si les circonstances dans lesquelles le document a été créé démontrent que le sous-ministre ou les autres hauts fonctionnaires du ministère pourraient demander et obtenir une copie de ce document pour traiter l’affaire, ce document relèverait de l’institution fédérale.
Les notes du personnel exonéré du cabinet du ministre de la Défense nationale concernant les réunions M5 (réunions informelles auxquelles participaient l’ancien ministre de la Défense nationale, le sous-ministre de la Défense, le chef d’état-major de la Défense et les fonctionnaires supérieurs du personnel exonéré du ministre) ne relevaient pas du MDN. Il en était de même des courriels échangés au sein du cabinet du ministre. Cependant, les ordres du jour énumérant les points devant être abordés à ces réunions relevaient du MDN. Des documents divers (dont des notes de service et des notes d’information à l’intention du ministre et des autres participants) ont été renvoyés au défendeur pour qu’il précise lesquels avaient été au départ communiqués au sous-ministre ou au chef d’état-major de la Défense parce que ces documents relevaient du MDN.
Pour ce qui est des agendas quotidiens du premier ministre, les quatre pages sur papier se trouvant au BCP relevaient de celui-ci. Ces pages ne bénéficiaient pas totalement d’une exception en tant que renseignements personnels en vertu de l’article 19 de la Loi sur l’accès. L’article 19 interdit au responsable d’une institution fédérale de communiquer des documents contenant des « renseignements personnels » au sens de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cependant, ces renseignements peuvent être communiqués à propos d’une personne qui est un cadre ou un employé d’une institution fédérale si les renseignements concernent son poste ou ses fonctions. Le premier ministre et les ministres sont des cadres d’une institution fédérale. À ce titre, seuls les rendez-vous privés non rattachés au poste bénéficiaient d’une exception et devaient être soustraits à la divulgation. De même, les noms de particuliers qui n’étaient pas des employés de l’administration fédérale étaient des renseignements personnels bénéficiant d’une exception et devaient être soustraits à la divulgation.
L’article 69 de la Loi sur l’accès et l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada (la LPC) soustraient à la communication les renseignements confidentiels du Cabinet. Les pages de l’agenda du PM se trouvant au BCP ne dévoilaient pas de renseignements confidentiels du Cabinet au sens de l’article 69 de la Loi. L’attestation délivrée par le greffier du Conseil privé en vertu de l’article 39 de la LPC, attestant que les renseignements dévoilaient des renseignements confidentiels du Cabinet, n’était pas valide pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elle avait été délivrée à l’égard d’instances antérieures de la Cour, et une nouvelle attestation aurait dû être déposée à l’égard de la demande en l’espèce. En outre, l’attestation devait être examinée conformément à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Babcock c. Canada (Procureur général), qui renferme de nouvelles directives très importantes sur le processus d’attestation.
Enfin, les pages de l’agenda ne contenaient ni d’« avis ou recommandations » élaborés pour le premier ministre ni de « comptes rendus de consultations ou délibérations » faisant intervenir le premier ministre, et elles ne faisaient donc pas l’objet d’une exception au titre de l’article 21 de la Loi sur l’accès. Un avis de réunion ne dévoile pas les avis ou les délibérations à la réunion.
Pour ce qui est des pages des agendas du PM archivées sous forme électronique au CPM, le fait qu’elles étaient archivées au CPM ne les empêchaient pas de relever du BCP aux fins de l’article 4 de la Loi sur l’accès. Cependant, comme il est indiqué ci-dessus, le contenu des documents et les circonstances dans lesquelles ils ont été établis permettaient de dire s’ils relevaient d’une institution fédérale aux fins d’une divulgation selon la Loi. La preuve établissait clairement que les pages des agendas du PM ne relevaient pas du BCP.
Les agendas de l’ancien premier ministre se trouvant à la GRC étaient des copies révisées des agendas originaux en la possession de l’adjoint exécutif du PM. Ils ne mentionnaient en général que les endroits où allait se rendre le PM et étaient envoyés à la GRC pour qu’elle assure la protection du PM 24 heures sur 24. Ils relevaient d’une institution fédérale et devaient être communiqués, sous réserve de l’article 19 de la Loi sur l’accès.
Les agendas de l’ancien ministre des Transports étaient ses agendas originaux faisant état d’événements qui ont eu lieu pendant la journée et le soir et se rapportant à l’éventail complet des activités du ministre ainsi que des copies abrégées de ces agendas envoyés régulièrement au sous-ministre des Transports pour l’usage du ministère. Le sous-ministre des Transports ne pouvait pas demander ni obtenir une ancienne copie de l’agenda, abrégé ou non. La copie envoyée au sous-ministre des Transports l’était pour une période restreinte, et à la condition qu’elle soit détruite une fois sa date passée. Une fois de plus, le fait que les agendas archivés se trouvaient dans le cabinet du ministre n’empêchait pas automatiquement ces agendas de relever du MDT. Il fallait aller au-delà de la possession matérielle du contenu des documents et au-delà des circonstances dans lesquelles ils avaient été préparés. La preuve démontrait que ces agendas ne relevaient pas du MDN.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 2 « fonctionnaire public » (mod. par L.C. 2003, ch. 22, art. 224z.43)(A)).
Loi fédérale sur la responsabilité, L.C. 2006, ch. 9.
Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, art. 2 « document ministériel », « document fédéral », 7.
Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 2(1), 3 « institution fédérale » (mod. par L.C. 2006, ch. 9, art. 141), « responsable d’institution fédérale » (mod., idem), 4 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 1(F); 2001, ch. 27, art. 202; 2006, ch. 9, art. 143), 10, 17, 19, 21 (mod. par L.C. 2006, ch. 9, art. 149), 25, 26, 30 (mod. par L.C. 1992, ch. 21, art. 4), 38, 42, 48, 53, 69 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 3(F)).
Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, art. 3, 4 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 6, art. 10).
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 2 « fonctionnaire public » (mod. par L.C. 2003, ch. 22, art. 224z.37)(A)).
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 39 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 5(F)).
Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 3 « renseignements personnels » (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 47(F)), 12(1)b) (mod. par L.C. 2001, ch. 27, art. 269).
Loi sur le ministère des Transports, L.R.C. (1985), ch. T-18, art. 3.
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190; (2008), 329 R.N.-B (2e) 1; 2008 CSC 9; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66; 2003 CSC 8; Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403; Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), [2004] 4 R.C.F. 181 (abrégée); 2004 CF 431; Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25; Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 3; 2002 CSC 57.
décisions examinées :
Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601; 2005 DTC 5547; 2005 CSC 54; Société Télé-Mobile c. Ontario, [2008] 1 R.C.S. 305; 2008 CSC 12; Medical Centre Apartments Ltd. and City of Winnipeg (Re) (1969), 3 D.L.R. (3d) 525 (C.A. Man.); Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320 (1re inst.); conf. par [1995] 2 C.F. 110 (C.A.F.); Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada) c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), [2000] A.C.F. no 617 (C.A.F.) (QL); Rubin c. Canada (Ministre des Affaires étrangères et du Commerce international), 2001 CFPI 440; Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CAF 286; Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 4 C.F. 245 (1re inst.).
décisions citées :
Schreiber c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 269; 2002 CSC 62; R. c. Clay, [2003] 3 R.C.S. 735; 2003 CSC 75; R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378; Peach Hill Management Ltd c. Canada (sub nom. Jabel Image Concepts Inc. c. Canada), [2000] A.C.F. no 894 (C.A.F.) (QL); Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94; 2003 CSC 9; Pfizer Co. Ltd. c. Sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), [1973] C.F. 3 (C.A.); infirmée pour d’autres motifs [1977] 1 R.C.S. 456.
DOCTRINE CITÉE
Canada. Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires. Rétablir l’imputabilité : Recommandations. Ottawa : Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, 2006, à la page 183.
Canada. Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires. Qui est responsable? : Rapport factuel. Ottawa : Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2005, à la page 35.
Canadian Oxford Dictionary, Toronto : Oxford University Press, 2001, « control ».
Débats de la Chambre des communes, vol. VI, 1re sess, 32e lég. (29 janvier 1981), à la p. 6690 (Francis Fox).
Sullivan, Ruth. Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. Toronto : Butterworths, 2002.
DEMANDES de contrôle judiciaire du refus de communiquer des documents se trouvant au Cabinet du Premier ministre, au cabinet du ministre de la Défense nationale, au cabinet du ministre des Transports ou à la Gendarmerie royale du Canada. Demandes accueillies en partie.
ONT COMPARU
Raynold Langlois, c.r., Chantal Chatelain, Daniel Brunet et Patricia Boyd pour le demandeur.
Christopher M. Rupar et Mandy Moore pour les défendeurs.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Langlois Kronström Desjardins, Montréal, et Commissariat à l’information, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada et Borden Ladner Gervais, s.r.l., s.e.n.c.r.l., pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1] Le Juge Kelen : Le public a-t-il le droit d’examiner le cahier de rendez-vous du premier ministre? Le public a-t-il le droit d’examiner les notes manuscrites de l’adjoint exécutif d’un ministre portant sur une affaire ministérielle?
[2] La présente affaire concerne quatre demandes de contrôle judiciaire déposées par le commissaire à l’information du Canada (le commissaire) conformément à l’article 42 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi sur l’accès ou la Loi). Les demandes soulèvent le point de savoir si les documents se trouvant au Cabinet du premier ministre, au cabinet du ministre de la Défense nationale, au cabinet du ministre des Transports ou à la Gendarmerie royale du Canada sont susceptibles de divulgation selon la Loi. Les documents en cause comprennent les agendas quotidiens de l’ancien premier ministre, des ordres du jour et documents se rapportant à des réunions auxquelles avait assisté l’ancien ministre de la Défense nationale et les itinéraires et calendriers de réunions de l’ancien ministre des Transports.
[3] La question à laquelle la Cour doit répondre n’est pas de savoir si les documents devraient être accessibles au public au titre du droit canadien de la « liberté d’accès à l’information », mais de savoir si les documents sont actuellement accessibles au public en vertu du droit canadien existant. La Cour ne légifère pas ni ne modifie le droit; elle interprète le droit existant.
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphe
I. Les faits.................................................................. 4
II. Les points en litige..................................................... 32
III. Les lois pertinentes.................................................... 33
IV. La norme de contrôle............................................... 34
V. La charge de la preuve............................................. 39
VI. Analyse....................................................................... 41
Point n° 1 : Le Cabinet du premier ministre, le cabinet du ministre des Transports et le cabinet du ministre de la Défense nationale sont-ils des « institutions fédérales » au sens du paragraphe 4(1) et de l’annexe I de la Loi sur l’accès? 41
Point n° 2 : Qu’est-ce qu’un document « relevant d’une institution fédérale » selon l’expression employée au paragraphe 4(1) de la Loi?............................................................................................................. 78
Point n° 3 : Quelles sont la signification et la portée des exceptions suivantes prévues dans la Loi? 101
VII. Application du droit au contexte de
chacune des demandes........................... 127
1) .... Ministre de la Défense nationale (dossier T-210-05)........................... 127
2) .... Premier ministre (dossier T-1209-05)...................................................... 149
3) .... Commissaire de la GRC (dossier T-1210-05)....................................... 179
4) .... Ministre des Transports (dossier T-1211-05)......................................... 188
VIII. Conclusions générales de la Cour......... 211
IX. Dépens . .................................................... 212
Jugement....................................................................................................................... Page 173
I. LES FAITS
[4] Les faits se rapportant à chacune des demandes sont exposés ci-après. Les documents en cause ont été soulignés pour plus de commodité.
1. Ministre de la Défense nationale (dossier T-210-05)
[5] Le 29 octobre 1999, le ministère de la Défense nationale (le MDN) a reçu une demande d’accès à l’information portant sur [traduction] « les procèsverbaux ou documents issus des réunions de gestion M5 pour 1999 ». Le terme M5 servait à décrire les réunions informelles entre le ministre de la Défense nationale, Art Eggleton (le ministre), le personnel exonéré de niveau supérieur du cabinet du ministre, le sous-ministre de la Défense nationale et le chef d’état-major de la Défense.
[6] La réponse initiale du MDN a été qu’ils avaient effectué une recherche, mais que celle-ci n’avait pas permis de trouver de documents se rapportant à la demande d’accès. Le 26 février 2000, l’auteur de la demande s’est plaint auprès du commissaire, affirmant notamment que [traduction] « personnellement, je trouve très difficile de croire qu’aucun document ne résulte de ces réunions de gestion ». Par la suite, le commissaire a entrepris une enquête comme l’y obligeait l’article 30 [mod. par L.C. 1992, ch. 21, art. 4] de la Loi.
[7] En conséquence de l’enquête du commissaire, 1 413 pages de documents ont été identifiées comme étant pertinentes pour la demande initiale. Sur ces 1 413 pages, 765 se trouvaient à l’intérieur du MDN même, et à l’extérieur du cabinet du ministre. Ces documents ont donc été traités et divulgués sous réserve des exceptions et exclusions applicables indiquées dans la Loi.
[8] Les 648 pages restantes de documents, qui sont devenues l’objet de la présente demande, se rapportent aux réunions M5 et se trouvaient à l’intérieur du périmètre du cabinet du ministre. Il s’agit des documents suivants :
1. 185 pages de notes se rapportant aux réunions M5, extraites des blocs-notes de membres du personnel exonéré du ministre;
2. 342 pages de correspondance électronique contenant environ 539 courriels. Sur ce nombre, environ 101 courriels ont été échangés exclusivement entre des membres du personnel exonéré du ministre, tandis qu’environ 438 l’ont été entre le personnel exonéré et le personnel non exonéré du cabinet du ministre, ou ont été transmis, ou envoyés comme copies, au personnel non exonéré;
3. 82 pages d’ordres du jour de réunions énumérant les points devant être abordés aux réunions M5;
4. 39 pages de documents divers, notamment des notes de service et des notes d’information destinées au ministre et aux autres participants des réunions M5.
[9] Après avoir formellement invité le ministre à s’exprimer sur les raisons pour lesquelles certaines portions des documents ne devraient pas être communiquées, le commissaire a jugé la plainte fondée, c’est-à-dire que selon lui les documents en cause « relevaient d’une institution fédérale » selon ce que prévoit l’article 4 [mod. par L.C. 1992, ch.1, art. 144, ann. VII, n° 1(F); 2001, ch. 27, art. 202; 2006, ch. 9, art. 143] de la Loi, et il a recommandé que les documents soient communiqués à l’auteur de la demande d’accès, à l’exception des portions visées par une exception prévue dans la Loi ou autrement exclues en tant que documents confidentiels du Cabinet.
[10] Par lettre datée du 15 novembre 2000, le MDN a fait savoir qu’il ne se plierait pas à la recommandation du commissaire parce que selon lui, en droit, les documents en cause ne relevaient pas d’une institution fédérale et échappaient donc à l’application de la Loi. En réponse, et avec le consentement de l’auteur de la demande d’accès, le commissaire a déposé la présente demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 42 de la Loi.
2. Premier ministre (dossier T-1209-05)
[11] Le 28 juin 1999, le Bureau du Conseil privé (le BCP) a reçu six demandes d’accès portant sur les agendas quotidiens de l’ancien premier ministre, le très honorable Jean Chrétien (le PM). L’ensemble des demandes d’accès porte sur la période allant de janvier 1994 au 25 juin 1999.
[12] Le 13 juillet 1999, le BCP a informé l’auteur des demandes d’accès que, s’agissant de cinq des demandes, il n’y avait aucun document relevant du BCP. En ce qui concerne la sixième demande, l’auteur de la demande a été informé le 11 août 1999 que, compte tenu du paragraphe 10(2) de la Loi, le BCP ne confirmait pas ni ne niait l’existence de documents se rapportant à l’objet de la demande et que, si de tels documents existaient, alors ils bénéficieraient d’une exception en tant que renseignements personnels visés par l’article 19 de la Loi.
[13] Le 24 août 1999, l’auteur des demandes d’accès a déposé une plainte auprès du commissaire, suite à laquelle une enquête a été entreprise comme le requiert l’article 30 de la Loi.
[14] Au cours de l’enquête du commissaire, on a constaté que 2 006 pages des agendas quotidiens du PM se rapportaient aux demandes. Sur ce nombre, 2 002 pages se trouvaient dans le périmètre du Cabinet du premier ministre (le CPM). Les quatre autres pages, qui se rapportaient à l’une des demandes, se trouvaient dans le bureau de l’adjoint exécutif du greffier du BCP. Ces documents comprenaient l’agenda du PM pour le 23 juillet 1999 ainsi que des copies hebdomadaires des agendas pour la période allant du 23 mai au 12 juin 1999.
[15] Des versions papier des agendas étaient envoyées aux hauts fonctionnaires travaillant au CPM. Jusque vers l’automne de 1999, le CPM avait pour habitude d’envoyer par télécopieur une copie de l’agenda du lendemain au greffier du BCP. Il était entendu que cette copie visait uniquement à informer le greffier et son adjoint exécutif. En outre, une copie de l’agenda indiquant uniquement les endroits que visiterait le PM était remise à la Gendarmerie royale du Canada (la GRC).
[16] La pratique consistant à remettre à la GRC des copies de l’agenda du PM a été abandonnée en décembre 2001. Par la suite, le CPM a continué de lui envoyer par télécopieur un calendrier indiquant les heures de départ et les destinations se rapportant aux déplacements prévus du PM à Ottawa, mais il y insérait la consigne suivante : « prière de détruire après lecture ».
[17] Le défendeur reconnaît que certaines portions ou pages des documents en cause ont été trouvées dans des institutions fédérales, plus précisément au BCP et à la GRC. Cependant, il est d’avis que, dans la mesure où ces copies « relèvent » d’une institution fédérale, elles bénéficient des exceptions et exclusions prévues dans la Loi et ne doivent pas être communiquées à l’auteur de la demande d’accès.
[18] Après avoir terminé son enquête, le commissaire a jugé que la plainte était fondée et a recommandé que les documents en cause soient communiqués, à l’exception des portions validement soustraites à la communication en vertu des exceptions et exclusions prévues par la Loi. Le BCP a répondu qu’il n’adopterait pas les recommandations du commissaire et a maintenu que les documents justifiaient dans leur intégralité l’application de l’exception prévue à l’article 17, qui concerne la sécurité des individus; que les documents contenaient des renseignements personnels selon le paragraphe 19(1); que les documents étaient exclus en tant que documents confidentiels du Cabinet selon l’article 69 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, n° 3(F)]; et qu’il n’était pas possible de procéder aux prélèvements dont fait état l’article 25. En réponse, et avec le consentement de l’auteur de la demande d’accès, le commissaire a déposé la présente demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 42 de la Loi.
3. Commissaire de la GRC (dossier T-1210-05)
[19] Le 14 novembre 2000, la GRC a reçu une demande d’accès portant sur [traduction] « toutes les copies des agendas quotidiens du premier ministre remis à la Gendarmerie royale du Canada par le Cabinet du Premier ministre, du 1er janvier 1997 à aujourd’hui ». Par lettre datée du 7 décembre 2000, la GRC a répondu qu’elle avait fait une recherche dans ses documents, qu’elle ne recevait pas copie des agendas quotidiens du PM et que c’était le CPM qui détenait de tels renseignements.
[20] Le 19 décembre 2000, l’auteur de la demande d’accès s’est plaint au commissaire, lui disant que les renseignements communiqués dans des procédures connexes introduites devant la Cour confirmaient que la GRC recevait toujours des copies de l’agenda quotidien du PM. Au cours de l’enquête subséquente du commissaire, 386 pages d’un document intitulé [traduction] « Agenda du Premier Ministre » ont été trouvées à la sous-direction de la GRC connue sous le nom de « Peloton de protection du PM ».
[21] Dans une lettre datée du 4 avril 2002, la GRC a revu la réponse qu’elle avait donnée à l’auteur de la demande d’accès. Elle reconnaissait avoir trouvé les documents, mais elle écrivait qu’elle refusait de les communiquer en raison des exceptions prévues aux articles 17 et 19 de la Loi, qui portent respectivement sur la sécurité des individus et sur les renseignements personnels. La GRC écrivait aussi que plusieurs portions des documents étaient exclus en application du paragraphe 69(1) de la Loi, car il s’agissait de documents confidentiels du Cabinet. Par lettre datée du 12 avril 2002, l’auteur de la demande d’accès a déposé une autre plainte auprès du commissaire au motif qu’il était improbable selon lui que l’intégralité des renseignements contenus dans les documents en la possession du Peloton de protection du PM tombe sous le coup de l’article 17 et des paragraphes 19(1) et 69(1) de la Loi.
[22] Un deuxième [traduction] « résumé de la plainte » a été remis à la GRC le 31 mai 2002. Le commissaire de la GRC y a répondu par lettre en date du 8 juillet 2002, affirmant que le refus de communiquer les agendas s’expliquait par des impératifs de sécurité concernant le PM et ses gardes du corps. Les agendas renferment les plans clairs et précis des départs quotidiens du PM de sa résidence, de ses arrivées à la colline du Parlement et de ses autres habitudes personnelles, de sorte que les renseignements, s’ils étaient divulgués, seraient précieux pour toute personne qui voudrait s’en prendre au PM. Le 26 juillet 2002, le commissaire a répondu que les observations faites au nom de la GRC ne permettaient pas à la GRC d’affirmer que la communication des documents selon la Loi pouvait être refusée, et le commissaire ajoutait donc que son enquête se poursuivrait.
[23] Le 3 mai 2005, le commissaire a conclu que la plainte de l’auteur de la demande d’accès était fondée et a recommandé que certaines portions des documents demandés soient divulguées. Le commissaire de la GRC lui a répondu le 28 mai 2005 que la GRC maintenait sa position et qu’elle ne se conformerait donc pas aux recommandations du commissaire. En conséquence, et avec le consentement de l’auteur de la demande d’accès, le commissaire a déposé la présente demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 42 de la Loi.
4. Ministre des Transports (dossier T-1211-05)
[24] Le 3 novembre 1999, le ministère des Transports (le MDT) a reçu une demande d’accès à l’information portant sur l’ensemble des itinéraires et des calendriers de réunions du ministre des Transports (le ministre) pour la période allant du 1er juin au 5 novembre 1999. Après examen, le MDT a envoyé, le 22 décembre 1999, à l’auteur de la demande une réponse initiale indiquant : [traduction] « Les dossiers de Transports Canada ne renferment aucun document qui réponde à votre demande. Il convient de noter cependant que les itinéraires et les calendriers de réunions du ministre sont préparés et gérés par son personnel politique et ne sont pas considérés comme des documents ministériels. »
[25] Le 1er février 2000, l’auteur de la demande d’accès a déposé une plainte auprès du commissaire, affirmant notamment que les calendriers préparés pour le ministre « concernant le ministère sont des documents du ministère » et que le refus de les communiquer constitue une « entorse » à la Loi. Le commissaire a par la suite entrepris une enquête comme le requiert l’article 30 de la Loi.
[26] À la suite de l’enquête du commissaire, 46 pages de documents ont été identifiées comme étant pertinentes pour la demande initiale d’accès. Chaque page contenait l’agenda du ministre pour une semaine donnée, durant la période considérée. Sur ces 46 pages, 23 étaient archivées sous forme électronique dans le cabinet du ministre.
[27] Les autres 23 pages, se trouvant dans un document intitulé [traduction] « Agenda envoyé au sous-ministre pour la période allant du 30 mai 1999 au 6 novembre 1999 », consistaient en des versions abrégées des pages susmentionnées et étaient archivées sous forme électronique dans le cabinet du ministre, après avoir préalablement été communiquées au cabinet du sous-ministre pour l’administration du MDT.
[28] Durant l’enquête, le commissaire a soigneusement examiné le contenu des documents en cause. Il a ensuite conclu que les agendas se rapportaient à des questions relevant des responsabilités du ministre à l’égard du MDT et qu’ils relevaient donc d’une « institution fédérale » au sens de la Loi.
[29] Après avoir invité formellement le ministre à donner les raisons pour lesquelles les documents ne devraient pas être communiqués, le commissaire a jugé que la plainte de l’auteur de la demande d’accès était fondée et a recommandé que les documents soient communiqués à l’auteur de la demande. Le commissaire a aussi examiné les exceptions alléguées par le MDT en vertu de la Loi, mais a finalement refusé d’appliquer plusieurs d’entre elles.
[30] Dans une lettre datée du 12 mars 2005, le MDT a informé le commissaire qu’il ne se conformerait pas à sa demande, invoquant la même position juridique que celle qu’avait adoptée le MDN, c’est-à-dire que les documents en cause ne relevaient pas du MDT et qu’ils n’étaient donc pas assujettis aux dispositions de la Loi.
[31] Après avoir reçu la lettre du MDT, le commissaire, avec le consentement de l’auteur de la demande d’accès, a déposé la présente demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 42 de la Loi.
II. LES POINTS EN LITIGE
[32] Pour savoir si les documents en cause sont susceptibles de divulgation selon la Loi sur l’accès, la Cour doit répondre à trois questions :
1. Le Cabinet du premier ministre, le cabinet du ministre des Transports et le cabinet du ministre de la Défense nationale sont-ils des « institutions fédérales » au sens du paragraphe 4(1) et de l’annexe I de la Loi sur l’accès?
2. Qu’est-ce qu’un document « relevant d’une institution fédérale », selon l’expression employée au paragraphe 4(1) de la Loi?
3. Quelles sont la signification et la portée des exceptions suivantes prévues dans la Loi :
i. l’exception relative aux « renseignements personnels », à l’article 19;
ii. les exceptions relatives aux « avis ou recommandations » et aux « comptes rendus de consultations ou délibérations », aux alinéas 21(1)a) et b) [mod. par L.C. 2006, ch. 9, art. 149];
iii. les exclusions prévues à l’article 69 de la Loi et à l’article 39 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, n° 5(F)] de la Loi sur la preuve au Canada [L.R.C. (1985), ch. C-5], qui se rapportent aux renseignements ou documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada.
La Cour appliquera ensuite ses conclusions sur ces questions à la preuve produite dans chacune des demandes pour décider si les documents en cause sont susceptibles de divulgation selon la Loi sur l’accès.
III. LES LOIS PERTINENTES
[33] Les textes intéressant les présentes demandes sont les suivants :
1. Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi sur l’accès, ou la Loi);
2. Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5;
3. Loi sur le ministère des Transports, L.R.C. (1985), ch. T-18;
4. Loi fédérale sur la responsabilité, L.C. 2006, ch. 9;
5. Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11;
6. Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21;
7. Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11;
8. Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21; et
9. Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5.
Les dispositions pertinentes sont reproduites à l’appendice A des présents motifs. Cependant, quelquesunes d’entre elles ont également été intégrées dans le texte des présents motifs, pour plus de commodité.
IV. LA NORME DE CONTRÔLE
[34] Pour savoir quelle norme doit être appliquée au refus des défendeurs de suivre les recommandations du commissaire, je me rapporte à l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190. Dans cette affaire, la Cour suprême a réexaminé le nombre de normes de contrôle et leurs définitions ainsi que le processus analytique devant être employé pour savoir quelle norme doit être appliquée dans un cas donné. Depuis l’arrêt de la Cour, il est clair que la norme de la décision manifestement déraisonnable n’existe plus et que les cours de révision doivent se concentrer sur deux normes seulement : celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte.
[35] Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a jugé que la procédure de contrôle judiciaire comporte deux étapes. Les juges Bastarache et Lebel ont écrit ce qui suit, au paragraphe 62 :
Bref, le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux étapes. Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.
[36] En l’espèce, les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle devant s’appliquer au refus des défendeurs de communiquer les documents pertinents est celle de la décision correcte. Les parties citent à l’appui un arrêt de la Cour suprême du Canada, Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66 (l’arrêt GRC). Dans cette affaire, la Cour suprême se demandait quelle norme de contrôle devait s’appliquer à la décision du commissaire de la GRC de ne pas communiquer les renseignements se rapportant à quatre agents au motif qu’il s’agissait de renseignements personnels, et donc de renseignements soustraits à la divulgation conformément au paragraphe 19(1) de la Loi. Dans cette affaire, après une analyse relative à la norme de contrôle (auparavant appelée analyse pragmatique et fonctionnelle), la Cour suprême a jugé que le contrôle de la décision du commissaire de la GRC devait être effectué selon la norme de la décision correcte. Cet arrêt établit d’une manière satisfaisante que la Cour doit examiner les questions soulevées dans les quatre présentes demandes en appliquant la norme de la décision correcte.
[37] Par conséquent, me fondant sur l’analyse relative à la norme de contrôle énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, précité, ainsi que sur la jurisprudence applicable, j’arrive aux conclusions suivantes :
1. la question de savoir si le Cabinet du premier ministre et les autres cabinets de ministres sont des « institutions fédérales » sera examinée selon la norme de la décision correcte;
2. la signification des mots « relevant d’une institution fédérale » sera examinée selon la norme de la décision correcte;
3. le point de savoir si un document est visé par l’une des exceptions et exclusions prévues par la Loi sera examiné selon la norme de la décision correcte; et
4. le point de savoir si les documents en cause sont susceptibles de divulgation selon la Loi sur l’accès sera examiné selon la norme de la décision correcte.
[38] Lorsqu’elle examinera, selon la norme de la décision correcte, les refus des défendeurs de divulguer les documents, la Cour devra décider, après avoir fait sa propre analyse, si de tels refus étaient justifiés ou si les documents demandés auraient dû être divulgués conformément aux recommandations du commissaire. Ainsi que l’écrivait la Cour suprême, au paragraphe 50 de l’arrêt Dunsmuir :
La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.
V. LA CHARGE DE LA PREUVE
[39] L’article 48 de la Loi prévoit que, dans une demande de contrôle judiciaire, le responsable d’une institution fédérale a la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication d’un document :
48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document incombe à l’institution fédérale concernée.
[40] Le fardeau établi par cette disposition a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, où le juge La Forest a écrit ce qui suit, au paragraphe 90 :
Cependant, l’art. 48 de la Loi sur l’accès à l’information impose à l’administration fédérale l’obligation d’établir le bien-fondé de son refus de communiquer un dossier. […]
Par conséquent, en l’espèce, les défendeurs doivent convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que leur décision de refuser la communication des documents était correcte.
VI. ANALYSE
Point n° 1 : Le Cabinet du premier ministre, le cabinet du ministre des Transports et le cabinet du ministre de la Défense nationale sont-ils des « institutions fédérales » au sens du paragraphe 4(1) et de l’annexe I de la Loi sur l’accès?
[41] Le paragraphe 4(1) de la Loi prévoit un droit d’accès « aux documents relevant d’une institution fédérale ». L’expression « institution fédérale » est définie à l’article 3 [mod. par L.C. 2006, ch. 9, art. 141] de la Loi :
1. tout ministère figurant à l’annexe I;
2. tout département d’État relevant du gouvernement du Canada figurant à l’annexe I; ou
3. tout organisme figurant à l’annexe I.
Le paragraphe 4(1) est ainsi formulé :
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :
a) les citoyens canadiens;
b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
L’annexe I donne une liste exhaustive des entités qui doivent être considérées comme des « institutions fédérales » aux fins de la Loi. S’agissant de la présente affaire, ces entités comprennent le BCP, le MDN, le MDT et la GRC.
[42] Il apparaît d’emblée, à la lecture de l’annexe I, que le CPM, le cabinet du ministre de la Défense nationale et le cabinet du ministre des Transports ne figurent pas explicitement dans la liste. Il faut alors se demander si le législateur souhaitait implicitement que ces cabinets soient considérés comme des « parties » des institutions fédérales énumérées, à savoir :
1. le CPM doit-il être considéré comme une partie du BCP?
2. le cabinet du ministre de la Défense nationale doit-il être considéré comme une partie du MDN? et
3. le cabinet du ministre des Transports doit-il être considéré comme une partie du MDT?
Pour répondre à ces questions, la Cour doit s’en remettre aux principes d’interprétation des lois.
Principes d’interprétation des lois
[43] Dans la décision Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), [2004] 4 R.C.F. 181 (C.F.) [(version abrégée); 2004 CF 431] (la décision Procureur général), la juge Eleanor Dawson a statué sur 25 demandes de contrôle judiciaire se rapportant à la conduite des enquêtes du commissaire relatives aux demandes adressées au BCP pour qu’il communique les agendas quotidiens du PM, à la demande adressée au MDN pour qu’il communique tous les documents des réunions M5 faisant intervenir le ministre de la Défense nationale et à la demande adressée au MDT pour qu’il communique les itinéraires et calendriers de réunions du ministre des Transports. Pour trancher ces demandes, la juge Dawson a exposé le contexte de la Loi et les principes applicables d’interprétation des lois.
[44] La juge Dawson a affirmé que, selon l’approche à adopter, la Cour doit attribuer à la Loi le sens « qui correspond le mieux tant au texte de la disposition qu’à son contexte ». Elle a écrit ce qui suit, au paragraphe 18 [R.C.F.] :
[…] plus le sens ordinaire de la disposition est clair, plus les considérations d’ordre contextuel doivent être convaincantes pour justifier une interprétation différente.
[45] Il faut interpréter la Loi d’une façon téléologique et libérale. La juge Dawson a écrit, au paragraphe 20, que la Loi conférait un « droit quasi constitutionnel à la communication », facteur dont il faut tenir compte pour l’interprétation de la Loi parce qu’il reconnaît l’« objet spécial » de la législation. Je souscris à cette analyse.
[46] Plus récemment, la Cour suprême du Canada a donné d’autres précisions sur l’interprétation des lois dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601. S’exprimant pour la Cour suprême, la juge en chef McLachlin et le juge Major ont affirmé, au paragraphe 10 :
Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. [Non souligné dans l’original.]
[47] Outre les indications générales données par la Cour suprême en matière d’interprétation des lois, la Cour s’inspire des règles suivantes d’interprétation des lois :
1. la présomption d’absence de tautologie signifie que le législateur évite les mots superflus ou dépourvus de sens : Schreiber c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 269, au paragraphe 73;
2. les cours de justice doivent éviter de modifier les mots choisis par le législateur pour rédiger les lois, en particulier lorsque la validité constitutionnelle d’une loi n’est pas en cause, comme c’est le cas en l’espèce : R. c. Clay, [2003] 3 R.C.S. 735, au paragraphe 55;
3. il existe une présomption d’uniformité des expressions. Plus précisément, à l’intérieur d’une loi, les mêmes mots ont la même signification et les mots différents ont des significations différentes : R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378, à la page 1387. Ce qu’il faut déduire de cette affirmation, c’est que, lorsqu’une expression différente est employée, un sens différent est voulu : Peach Hill Management Ltd. c. Canada (sub nom. Jabel Image Concepts Inc. c. Canada), [2000] A.C.F. n° 894 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 12. En outre, comme l’écrivait le professeur Ruth Sullivan dans Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e édition (Toronto : Butterworths Canada Ltd., 2002), à la page 165 : [traduction] « La présomption d’uniformité des expressions s’applique non seulement à l’intérieur des lois, mais également d’une loi à une autre, surtout s’il s’agit de lois ou de dispositions traitant du même sujet »;
4. la Cour suprême a écrit qu’il existe un principe fondamental d’interprétation des lois selon lequel « un tribunal ne devrait pas accepter une interprétation qui nécessite l’ajout de mots, lorsqu’il existe une autre interprétation acceptable qui ne requiert aucun ajout de cette nature ». Le silence du législateur dans une loi à propos d’un sujet donné suppose que le législateur n’entendait pas légiférer sur le sujet : Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94, au paragraphe 15; et
5. la maxime latine d’interprétation des lois expressio unius est exclusio alterius : la mention de l’un implique l’exclusion de l’autre. Cette règle très répandue et importante d’interprétation est également appelée « règle de l’exclusion implicite ».
[48] La Loi sur l’accès a pour objet de conférer au public le droit d’accès aux renseignements se trouvant dans les documents « relevant d’une institution fédérale », et ces renseignements gouvernementaux doivent être mis à la disposition du public sous réserve seulement des exceptions nécessaires.
[49] Dans l’arrêt Dagg, précité, le juge La Forest, s’exprimant pour la Cour suprême, a écrit ce qui suit, aux paragraphes 61 et 63 :
La loi en matière d’accès à l’information a donc pour objet général de favoriser la démocratie, ce qu’elle fait de deux manières connexes. Elle aide à garantir, en premier lieu, que les citoyens possèdent l’information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique, et, en second lieu, que les politiciens et bureaucrates demeurent comptables envers l’ensemble de la population. Comme l’explique le professeur Donald C. Rowat dans son article classique, intitulé « How Much Administrative Secrecy? » (1965), 31 Can. J. of Econ. and Pol. Sci. 479, à la page 480 :
[traduction] Ni le Parlement ni le public ne sauraient espérer demander au gouvernement de rendre compte s’ils n’ont pas une connaissance suffisante de ce qui se passe; ils ne peuvent pas non plus espérer prendre part au processus décisionnel ni contribuer à l’établissement des politiques générales et des lois si ce processus est tenu secret.
Voir aussi Association du Barreau canadien, La liberté d’information au Canada: un projet de loi type (1979), à la p. 6.
[…]
Les droits aux renseignements détenus par l’État visent à améliorer les rouages du gouvernement, de manière à le rendre plus efficace, plus réceptif et plus responsable. En conséquence, bien que la Loi sur l’accès à l’information reconnaisse un droit d’accès général aux « documents des institutions fédérales » (par. 4(1)), il importe de tenir compte de l’objectif général de cette loi pour déterminer s’il y a lieu de reconnaître une exception à ce droit général.
a) Le sens ordinaire selon les experts
[50] Les témoignages émanant d’experts de l’appareil gouvernemental, dont celui de M. Nicholas d’Ombrain, consultant spécialisé dans les rouages de l’appareil gouvernemental et l’administration du secteur public ayant plus de 30 ans d’expérience comme conseiller pour divers gouvernements, les conclusions du juge John Gomery, commissaire de la Commission d’enquête Gomery sur le programme de commandites et les activités publicitaires, et une affirmation sur laquelle s’est appuyé M. d’Ombrain, provenant de M. Robert Gordon Robertson, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet de 1963 à 1975, indiquent que le CPM est un organe séparé et distinct du BCP. Les deux entités travaillent en étroite collaboration dans certains dossiers, mais le CPM est chargé de nombreuses affaires qui ne concernent pas le BCP. Il en va de même de la relation entre le cabinet d’un ministre et le ministère que dirige ce même ministre.
[51] Par conséquent, la preuve démontre que, selon le sens ordinaire des mots employés au paragraphe 4(1) de la Loi, le CPM et les cabinets des ministres ne font pas partie de l’« institution fédérale » dont ils sont responsables. M. Robertson s’exprimait ainsi (affidavit de Nicholas d’Ombrain, souscrit le 29 septembre 2000, dossier de demande, dossier T-210-05, vol. 3, à la page 1043, paragraphe 57) :
[traduction] Le Cabinet du Premier ministre est partisan, axé sur la politique, et cependant attentif à la réalité administrative. Le Bureau du Conseil privé est non partisan, axé sur l’administration, et cependant attentif à la réalité politique. Il a été établi entre le secrétaire principal du premier ministre et son personnel supérieur d’une part, et le greffier du Conseil privé et son personnel supérieur de l’autre, qu’ils partagent la même base factuelle, chacun s’abstenant toutefois d’intervenir dans les affaires de l’autre. Nous nous renseignons librement et ouvertement les uns les autres si cela se révèle pertinent ou nécessaire pour le travail, mais chacun agit dans une perspective qui lui est propre.
[52] Par ailleurs, le juge Gomery a écrit à la page 35 de son rapport factuel intitulé Qui est responsable? Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires. Qui est responsable? : Rapport factuel. Ottawa : Travaux publics et gouvernementaux Canada, 2005, à la page 35 :
Le Premier ministre bénéficie de l’appui du CPM sur le plan politique et du Bureau du Conseil privé (BCP) sur le plan administratif. Bien que ces deux organismes soient distincts, on s’attend à ce qu’ils collaborent étroitement pour veiller à ce que le Premier ministre obtienne des avis cohérents et opportuns sur les questions qui revêtent la plus grande importance à ses yeux.
b) Le ministre et le Premier ministre sont les responsables de leurs ministères respectifs. Font-ils pour autant partie des institutions fédérales concernées?
[53] Le commissaire prétend qu’un ministre fait partie de son ministère parce qu’il est défini dans la Loi sur l’accès comme étant le « responsable » de l’institution fédérale aux fins de la Loi sur l’accès :
3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi
« responsable d’institution fédérale »
a) Le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada sous l’autorité duquel est placé un ministère ou un département d’État;
[54] Les lois qui établissent le MDN et le MDT prévoient aussi toutes deux que leurs ministres respectifs sont responsables de la gestion de ces ministères. La Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, indique ainsi, aux articles 3 et 4 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 6, art. 10] :
3. Est constitué le ministère de la Défense nationale, placé sous l’autorité du ministre de la Défense nationale. Celui-ci est nommé par commission sous le grand sceau.
4. Le ministre occupe sa charge à titre amovible et est responsable des Forces canadiennes; il est compétent pour toutes les questions de défense nationale, ainsi que pour :
a) la construction et l’entretien des établissements et ouvrages de défense nationale;
b) la recherche liée à la défense nationale et à la mise au point et au perfectionnement des matériels.
Pareillement, l’article 3 de la Loi sur le ministère des Transports, L.R.C. (1985), ch. T-18, indique :
3. (1) Est constitué le ministère des Transports, placé sous l’autorité du ministre des Transports. Celui-ci est nommé par commission sous le grand sceau.
(2) Le ministre occupe sa charge à titre amovible; il assure la direction et la gestion du ministère.
[55] Par ailleurs, le commissaire dit que les budgets des cabinets ministériels et du CPM sont inclus dans les budgets de leurs ministères respectifs. La Cour reconnaît que ces faits appuient l’interprétation selon laquelle les cabinets des ministres et le CPM font partie de leurs ministères respectifs et sont par conséquent inclus dans l’institution fédérale correspondante figurant à l’annexe I de la Loi sur l’accès.
[56] Cependant, la Cour croit que le PM, le ministre de la Défense nationale et le ministre des Transports exercent maintes autres fonctions qui sont sans rapport avec les ministères dont ils sont responsables. Par conséquent, bien que le ministre ait la charge de son ministère et qu’il soit le responsable de ce ministère, ni lui ni son cabinet ne font pour cette seule raison partie intégrante du ministère. Le budget du cabinet d’un ministre et le budget du CPM figurent dans leurs budgets ministériels respectifs en tant que poste distinct, mais leur cabinet ne devient pas pour autant partie du ministère concerné. Pareillement, le Conseil du Trésor a une responsabilité budgétaire à l’égard du Commissariat à l’information, mais celui-ci ne fait pas partie du Conseil du Trésor.
c) L’intention du législateur
[57] L’historique de la Loi a été produit en preuve devant la Cour, de même que la manière dont le commissaire interprète aujourd’hui l’intention du législateur.
[58] En 1981, donc avant l’entrée en vigueur de la Loi en 1982, M. Francis Fox, secrétaire d’État et ministre des Communications, qui était le ministre responsable de ce projet de loi, a déclaré ce qui suit devant la Chambre des communes, le 29 janvier 1981 (Débats de la Chambre des communes, vol. VI, 1re sess., 32e lég. (29 janvier 1981), à la page 6690) :
Le but de la loi sur l’accès à l’information est énoncé à l’article 2 de l’annexe I : établir, sous réserve d’exceptions précises et limitées, un droit d’accès dont le plein respect est soumis au contrôle d’instances de révision indépendantes.
En fait, cette loi modifiera radicalement la situation actuelle. Aujourd’hui, c’est le gouvernement qui peut, à sa discrétion, communiquer ou refuser les renseignements demandés. À l’avenir, l’accès à l’information sera un droit, c’est le gouvernement qui aura la charge de démontrer qu’il est justifié de refuser un document.
Ce droit d’accès [conféré par la loi sur l’accès à l’information] aura une portée très large. En effet, il s’applique à l’information, sous toutes ses formes, qui se trouve dans les dossiers de plus de 130 institutions gouvernementales. Les formalités d’accès seront simples. Pour exercer le droit, il s’agira seulement de faire parvenir une demande à l’institution fédérale concernée. [Non souligné dans l’original.]
[59] L’intention du législateur est claire : d’abord, les exceptions et exclusions prévues dans la Loi sont « précises et limitées »; ensuite, la charge de la preuve, comme il est indiqué plus haut, repose sur le gouvernement, qui doit établir que les renseignements demandés n’ont pas à être divulgués; enfin, le législateur voulait que la loi s’applique à l’information, sous toutes ses formes, détenue par les institutions fédérales énumérées. Cela pose la question de savoir si le législateur entendait assujettir à la Loi le CPM, le cabinet du ministre de la Défense nationale et le cabinet du ministre des Transports.
[60] Interpréter l’expression « institution fédérale » de manière à y inclure le CPM et les cabinets des ministres concernés élargirait considérablement le droit d’accès, de telle sorte que ce droit s’appliquerait non seulement aux documents détenus par les institutions fédérales, mais également aux documents qui sont détenus dans les cabinets et qui sont totalement sans rapport avec le ministère concerné, y compris les documents de nature politique intéressant les circonscriptions, les activités de financement, les affaires du Cabinet et les affaires de la Chambre des communes. À mon avis, si le législateur avait voulu qu’il en soit ainsi, il aurait employé des mots explicites en ce sens. Le commissaire reconnaît que le législateur ne voulait pas que la Loi sur l’accès s’applique aux documents politiques. Pour les motifs exposés ci-après, la Cour ne voit aucune exception ou exclusion pour ces documents politiques. Elle conclut donc que le législateur ne voulait pas que le CPM ou le cabinet d’un ministre soit implicitement considéré comme partie intégrante des institutions fédérales énumérées à l’annexe I. Si le législateur avait voulu qu’il en soit ainsi, il l’aurait dit explicitement.
d) Les interprétations initiales du commissaire concernant l’intention du législateur
[61] Les interprétations initiales du commissaire à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’accès attestent de la manière dont le commissaire interprétait l’intention du législateur à l’époque de l’entrée en vigueur de la Loi. Selon l’article 38 de la Loi, le commissaire doit présenter un rapport annuel au Parlement. Dans son rapport au Parlement pour l’exercice 1988-1989, le commissaire a écrit que les cabinets des ministres échappaient à l’application de la Loi sur l’accès :
Les relevés détaillés remis à la plaignante, y compris pour des dépenses que la Ministre avait payées personnellement, avaient été fournis volontairement par la Ministre (la Chambre des communes et les cabinets des ministres ne sont pas assujettis à la Loi sur l’accès à l’information.) [Non souligné dans l’original.]
[62] Dans une lettre de 1991 adressée à l’auteur d’une demande d’accès, le commissaire adjoint a écrit ce qui suit (lettre de J. Alan Leadbeater, commissaire adjoint, 20 novembre 1991, dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 5, à la page 1070) :
[traduction] Nos enquêtes confirment que l’information que vous recherchez ne relève pas du BCP; elle est détenue par le Cabinet du Premier ministre (CPM). Comme ce cabinet n’est pas visé par les dispositions de la Loi sur l’accès à l’information, le CPM n’est pas tenu en droit de vous communiquer cette information. Par conséquent, je conclus que votre plainte n’est pas fondée et j’en ai informé le BCP. [Non souligné dans l’original.]
[63] Finalement, dans une lettre datée du 8 septembre 1997, le commissaire à l’information de l’époque, M. John W. Grace, a écrit ce qui suit à un plaignant qui avait demandé au BCP de lui communiquer les emplois du temps journaliers ou les listes de rendez-vous et d’engagements du premier ministre (lettre de John W. Grace, commissaire, le 8 septembre 1997, dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 5, à la page 1071) :
[traduction] Je vous écris pour rendre compte des résultats de notre enquête concernant votre plainte à l’encontre du Bureau du Conseil privé (BCP). Vous avez demandé, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, les emplois du temps journaliers ou les listes de rendez-vous et d’engagements du premier ministre pour le mois de novembre 1996. Lorsque le BCP vous a répondu qu’il n’avait pas de dossiers se rapportant à votre demande, vous avez déposé une plainte auprès de mon organisme.
[…]
D’autres discussions avec le bureau du greffier du Conseil du privé et secrétaire du Cabinet m’ont convaincu que l’information que vous recherchez ne relève pas du BCP. Vous saurez évidemment que le CPM n’est pas soumis à la Loi sur l’accès à l’information. Il m’est donc impossible de donner suite à votre plainte, laquelle sera classée comme plainte non étayée. [Non souligné dans l’original.]
[64] Ces citations du commissaire, en particulier son rapport officiel présenté au Parlement quelques années après l’entrée en vigueur de la Loi sur l’accès, confirment que, selon le commissaire, le législateur n’entendait pas inclure le CPM ou les cabinets des ministres dans les institutions fédérales énumérées à l’annexe I de la Loi.
[65] Le commissaire a changé de cap et modifié cette position au fil du temps. Plus récemment, sa position était que les cabinets des ministres sont soumis à la Loi sur l’accès. En fait, le commissaire a reconnu qu’il s’agissait d’une question sur laquelle planait un certain doute et, dans l’un de ses récents rapports officiels, il a exhorté le Parlement à modifier la Loi pour clarifier cette question.
e) Le silence du législateur peut être révélateur de son intention
[66] Depuis que le commissaire a invité publiquement le législateur à modifier la Loi pour préciser que le CPM et les cabinets des ministres sont soumis à la Loi sur l’accès, le législateur a modifié la Loi plusieurs fois, sans procéder à cette modification. Tout récemment, en 2006, le Parlement a adopté la Loi fédérale sur la responsabilité, L.C. 2006, ch. 9. Cette année-là, 34 modifications ont été apportées à la Loi sur l’accès. Avant les modifications, en octobre 2005, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique avait entendu le commissaire à propos des modifications projetées de la Loi. Le commissaire avait préconisé, parmi ces modifications proposées, la clarification de la définition d’« institution fédérale » de manière à y inclure le CPM et les cabinets des ministres. Les recommandations du commissaire furent alors appuyées par le commissaire Gomery dans son rapport intitulé Rétablir l’imputabilité : Recommandations (voir Commission d’enquête Gomery sur le programme de commandites et les activités publicitaires, rapport de la phase II, à la page 183).
[67] Si le législateur avait voulu que le cabinet d’un ministre soit considéré comme faisant partie de l’institution fédérale correspondante, il aurait apporté les modifications requises en 2006. Il n’est sans doute pas toujours sage de déduire l’intention du législateur du silence de la loi, mais ici le silence du législateur est une preuve claire et pertinente de son intention. Le cabinet d’un ministre n’est pas censé faire partie d’une institution fédérale énumérée à l’annexe. Ce raisonnement a été récemment appliqué par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Société Télé-Mobile c. Ontario, [2008] 1 R.C.S. 305, au paragraphe 42 :
Le silence du législateur n’est pas nécessairement déterminant quant à son intention, mais en l’espèce, il répond à la demande pressante de Telus et des autres entreprises et organisations intéressées que la loi prévoie expressément la possibilité d’un remboursement des frais raisonnables engagés pour communiquer des éléments de preuve conformément à une ordonnance. L’historique législatif confirme selon moi que le législateur n’a pas voulu qu’une indemnité soit versée pour l’obtempération à une ordonnance de communication.
f) La maxime latine d’interprétation des lois : expressio unius est exclusio alterius
[68] La maxime latine d’interprétation des lois expressio unius est exclusio alterius signifie « la mention de l’un implique l’exclusion de l’autre ». Cette règle importante et très courante d’interprétation des lois est également appelée « règle de l’exclusion implicite ». Dans son texte, le professeur Sullivan écrit ce qui suit, aux pages 186 et 187 :
[traduction] […] [S]i le législateur avait voulu inclure une chose particulière dans le cadre de sa mesure législative, il aurait mentionné cette chose expressément. En raison de cette attente, le fait que le législateur n’ait pas mentionné la chose permet de déduire qu’elle a été délibérément exclue. Bien que non expresse, l’exclusion est implicite.
L’application évidente de cette règle d’interprétation des lois est que, si le législateur avait voulu inclure le CPM et les cabinets des ministres dans l’annexe I, il les aurait mentionné explicitement. Cela prouve qu’il voulait exclure le CPM et les cabinets des ministres de la liste des institutions fédérales soumises à la Loi sur l’accès.
g) Ministres sans portefeuille
[69] La preuve a démontré qu’il y a eu depuis la Confédération de nombreux ministres sans portefeuille. Si la Loi sur l’accès était censée s’appliquer aux cabinets des ministres, elle ne s’appliquerait pas à un ministre sans portefeuille parce qu’un tel ministre ne dispose pas d’une « institution fédérale » correspondante énumérée à l’annexe I. Un tel résultat serait absurde.
h) Structure interne de la Loi
[70] La structure interne de la Loi donne également une idée de l’intention du législateur en ce qui concerne la relation entre le cabinet d’un ministre — y compris le CPM — et une institution fédérale. Les alinéas 21(1)a),b), 21(2)b) [mod. par L.C. 2006, ch. 9, art. 149] et l’article 26 de la Loi font référence à la fois à « une institution fédérale » et à « un ministre », ce qui comprend le PM en sa qualité de ministre du BCP :
21. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant :
a) des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;
b) des comptes rendus de consultations ou délibérations auxquelles ont participé des administrateurs, dirigeants ou employés d’une institution fédérale, un ministre ou son personnel;
[…]
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux documents contenant :
[…]
b) le rapport établi par un consultant ou un conseiller qui, à l’époque où le rapport a été établi, n’était pas un administrateur, un dirigeant ou un employé d’une institution fédérale ou n’appartenait pas au personnel d’un ministre, selon le cas;
[…]
26. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication totale ou partielle d’un document s’il a des motifs raisonnables de croire que le contenu du document sera publié en tout ou en partie par une institution fédérale, un mandataire du gouvernement du Canada ou un ministre dans les quatre-vingt-dix jours suivant la demande ou dans tel délai supérieur entraîné par les contraintes de l’impression ou de la traduction en vue de l’impression. [Non souligné dans l’original.]
[71] Ces dispositions montrent que le législateur a fait une distinction entre une « institution fédérale » et un « ministre » dans la Loi sur l’accès. Il ne voulait pas qu’une « institution fédérale » comprenne un ministre. Adopter un point de vue contraire irait à l’encontre de la présomption selon laquelle le législateur évite les mots superflus : voir l’arrêt Schreiber, précité. Pour reprendre les mots du professeur Sullivan, le législateur est un [traduction] « locuteur idéalisé ». Il dit ce qu’il veut dire et il veut dire ce qu’il dit : voir Sullivan, précité, à la page 155. Dans Medical Centre Apartments Ltd. and City of Winnipeg (Re) (1969), 3 D.L.R. (3d) 525 (C.A. Man.), à la page 542, le juge Monnin, s’exprimant au nom de la Cour d’appel du Manitoba, a écrit : [traduction] « [l]e législateur provincial est présumé avoir employé le moyen le plus clair pour exprimer ses intentions ». Il faut présumer que, lorsqu’il rédige les lois, le législateur fédéral emploie les mots avec précision et avec soin.
[72] Le commissaire soutient que les alinéas 21(1)a),b) et 21(2)b) appuient la position selon laquelle les cabinets des ministres, y compris le CPM, sont soumis à la Loi. Selon lui, l’article 21 confère au responsable d’une institution fédérale le pouvoir discrétionnaire de refuser la communication de documents mentionnés à l’article 21 ayant un lien avec « un ministre ou son personnel ». Il s’ensuit que de tels documents sont d’emblée visés par la Loi s’ils ne font pas l’objet d’une exception ou d’une exclusion. La Cour ne partage pas cet avis parce qu’un document semblable élaboré pour le ministre pourrait se trouver dans les bureaux du ministère, et c’est là une raison de l’assujettir à une exception visée à l’article 21.
[73] L’emploi distinctif dans la Loi des mots « institution fédérale » et « ministre » montre à mon avis que le législateur entendait attribuer à ces termes deux sens différents. Autrement, il serait redondant à l’alinéa 21(1)a) d’ajouter, directement après « une institution fédérale », les mots « ou un ministre ».
i) Présomption d’uniformité des expressions dans
les lois fédérales
[74] Dans d’autres lois, le législateur fédéral a fait une distinction entre un « document ministériel » et un « document fédéral ». Dans la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, art. 2, une « institution fédérale » est définie comme une institution énumérée à l’annexe I de la Loi sur l’accès, et un « document ministériel » est défini ainsi :
2. […]
« document ministériel » Document, afférent à sa qualité de ministre, d’un membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada, à l’exclusion des documents personnels ou politiques et des documents fédéraux.
et un « document fédéral » est défini comme étant un document « qui relève d’une institution fédérale. »
[75] Si le législateur avait voulu que le cabinet d’un ministre fasse partie intégrante de l’institution fédérale, il ne serait pas nécessaire de faire une distinction entre un « document fédéral » et un « document ministériel ». Par définition, il s’agirait des mêmes documents. L’alinéa 7c) de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, sous la rubrique « Mission et Attributions », prévoit ce qui suit :
7. Bibliothèque et Archives du Canada a pour mission :
[…]
c) d’être le dépositaire permanent des publications des institutions fédérales, ainsi que des documents fédéraux et ministériels qui ont un intérêt historique ou archivistique; [Non souligné dans l’original.]
Là encore, le texte de loi fait une distinction entre documents fédéraux et documents ministériels.
[76] La constance du législateur à faire une distinction entre documents fédéraux et documents ministériels consacre la présomption d’uniformité des expressions. Le professeur Sullivan explique ce principe dans les termes suivants, à la page 163 de son ouvrage : [traduction] « Après qu’a été adopté un mode particulier d’expression pour dire une chose, ce mode d’expression est employé toutes les fois que l’on veut dire cette chose ». Par ailleurs, puisque le législateur emploie les mots avec soin et constance, le professeur Sullivan écrit que la présomption d’uniformité des expressions s’applique non seulement à l’intérieur des lois, mais également d’une loi à une autre, surtout s’il s’agit de lois ou de dispositions qui traitent du même sujet : voir Sullivan, précité, aux pages 163 et 165. À mon avis, la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada et la Loi sur l’accès ont des objets différents, mais cela ne fait pas obstacle à l’uniformité des expressions employées par le législateur.
j) Conclusion
[77] Si je tiens compte du contexte de la Loi, j’interprète les termes en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi et avec l’intention du législateur et j’applique les principes d’interprétation des lois, j’arrive à la conclusion que le CPM ne saurait être considéré comme une partie intégrante du BCP. Le CPM est plutôt un cabinet distinct, pourvu d’un personnel non rattaché au BCP et exerçant plusieurs fonctions non liées au BCP. Je suis d’avis que le sens ordinaire du BCP est clair et qu’aucune considération contextuelle n’autorise la Cour à dire que le législateur voulait que le CPM soit considéré comme une partie intégrante du BCP aux fins de la Loi. Il en va de même pour les cabinets des ministres, qui ne font pas une partie des institutions fédérales concernées.
Point n° 2 : Qu’est-ce qu’un document « relevant d’une institution fédérale » selon l’expression employée au paragraphe 4(1) de la Loi?
[78] La Loi sur l’accès a entre autres pour objet [paragraphe 2(1)] « d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication » [soulignement ajouté]. Pour savoir si les documents en cause sont susceptibles de communication en vertu de la Loi, la Cour doit interpréter le sens des mots « documents relevant d’une institution fédérale », au paragraphe 4(1).
[79] Le sens de cette expression a été examiné par la Cour et par la Cour d’appel fédérale. Je fais état de cette jurisprudence ci-après, en respectant l’ordre chronologique.
La jurisprudence portant sur le sens de l’expression « documents relevant d’une institution fédérale »
1re décision
[80] Dans la décision Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320 (1re inst.), le juge Rothstein, alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale, s’est demandé si les documents en la possession de Travaux publics Canada conformément à une entente de mandat conclue avec la Société canadienne des postes étaient des documents « relevant d’une institution fédérale », les rendant ainsi susceptibles de communication en application des dispositions de la Loi. La Société canadienne des postes, qui, en tant que société d’État, n’est pas soumise à la Loi, a fait valoir que de tels documents relevaient à juste titre d’elle-même et qu’ils n’étaient donc pas susceptibles de communication. Pour arriver à la conclusion que les documents concernés relevaient de Travaux publics Canada et qu’ils étaient susceptibles de communication, le juge Rothstein a examiné la question sous l’angle de la possession. Il a écrit ce qui suit, aux pages 346 et 347 :
[…] J’estime que le fait qu’une institution fédérale ait en sa possession des documents, dans le sens légal ou matériel du terme, suffit pour que ces documents soient visés par la Loi sur l’accès à l’information.
Cet obiter dictum est pertinent pour les copies des agendas du PM se trouvant en la possession du BCP et de la GRC.
2e décision
[81] Cette décision a été confirmée en appel dans l’arrêt Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 C.F. 110 (C.A.). La décision majoritaire, rendue par le juge Létourneau, a expliqué la manière dont l’expression « relevant de » devrait être interprétée aux fins du paragraphe 4(1) de la Loi, puisque le législateur n’avait pas jugé utile de la définir et de la délimiter. Le juge Létourneau a écrit ce qui suit, aux pages 127 et 128 :
L’expression « relevant de » (« control ») que l’on trouve au paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information (la Loi) constitue une notion qui n’est pas définie et qui n’est assujettie à aucune limite. Le législateur fédéral n’a pas jugé bon d’établir une distinction entre les documents « relevant d’une institution fédérale (« under the control of ») de façon ultime ou immédiate, complète ou partielle, temporaire ou permanente ou « de jure » ou « de facto ». Si, comme l’affirme l’appelante, le législateur fédéral avait voulu nuancer la notion véhiculée par l’expression « relevant de » ou la restreindre au pouvoir de disposer des documents, il aurait certainement pu le faire en limitant le droit d’accès des citoyens aux seuls documents dont l’administration fédérale peut disposer ou qui relèvent ultimement ou de façon durable d’elle. [Note de bas de page omise.]
[82] Le juge Létourneau a affirmé aussi que le fait que le législateur avait jugé à propos de ne pas définir l’expression tendait à indiquer que son intention au moment d’adopter la Loi était de conférer aux administrés « un droit d’accès efficace », lequel aura les meilleures chances d’être exercé si l’expression « relevant de » (control) est interprétée d’une manière généreuse et libérale. Il a écrit ce qui suit, à la page 128 :
À mon avis, il incombe tout autant aux cours de justice de donner au paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information une interprétation libérale et fondée sur l’objet visé, sans ajouter des termes restrictifs qui ne se trouvent pas dans la Loi ou autrement contourner la volonté du législateur, qu’« il incombe aux commissions et aux cours de justice », ainsi que le juge en chef Lamer de la Cour suprême du Canada nous l’a rappelé au sujet de la Loi canadienne sur les droits de la personne, « de donner à l’art. 3 une interprétation libérale et fondée sur l’objet visé, sans faire abstraction des termes restrictifs de la Loi ni autrement contourner la volonté de la législature ». […] La Cour n’a pas le pouvoir de limiter le sens large de l’expression « relevant de » (« control »), étant donné qu’il n’y a rien dans la Loi qui indique qu’on ne devrait pas donner son sens large à cette expression. Au contraire, le législateur fédéral voulait conférer par la loi aux citoyens un droit d’accès efficace aux documents de l’administration fédérale. […] [Note de bas de page omise.]
3e décision
[83] Dans l’arrêt Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), [2000] A.C.F. n° 617 (QL), la Cour d’appel fédérale a examiné une disposition semblable de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, et devait dire si les notes personnelles consignées par les membres du Conseil canadien des relations du travail (le CCRT) durant ses audiences étaient susceptibles de divulgation en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels [alinéa 12(1)b) (mod. par L.C. 2004, ch. 27, art. 269)] en tant qu’« autres renseignements personnels le concernant [c’est-à-dire concernant le citoyen canadien ou le résident permanent] et relevant d’une institution fédérale ». La Cour fédérale a examiné de nombreuses questions, y compris celle de l’indépendance de la justice, mais elle s’est prononcée sur l’affaire en se demandant au préalable si les notes personnelles relevaient d’une institution fédérale. Citant les propos du juge Marc Noël (alors juge de la Cour fédérale), la Cour d’appel a affirmé, au paragraphe 6, que les notes personnelles consignées ne faisaient pas partie des dossiers officiels du CCRT et ne pouvaient pas être considérées comme relevant du CCRT :
Le juge de première instance a formulé les remarques suivantes auxquelles nous souscrivons :
[…] Il est évident que ni le Code canadien du travail, ni la politique et les procédures du CCRT, ne renferment de règle relative à ces notes. Les notes sont considérées par leurs auteurs comme quelque chose leur appartenant. Les membres du CCRT sont entièrement libres de prendre des notes, là où ils estiment que c’est indiqué, et ils peuvent aussi bien choisir de ne pas en prendre. Les notes sont destinées à n’être lues que par leur auteur. Nulle autre personne n’est autorisée à voir, à lire ou à utiliser ces notes, et leur auteur s’attend manifestement à ce que personne d’autre ne les voie. Les membres restent responsables de la conservation et de la sauvegarde de leurs notes et peuvent à tout moment les détruire. Les notes, enfin, ne font pas partie des archives officielles du CCRT, et ne sont versées dans aucun fichier sur lequel le CCRT exercerait un contrôle administratif.
Il en ressort d’après moi que, même en interprétant de manière libérale le mot « relevant », on ne peut pas dire que les notes en question « relèvent » du CCRT. Non seulement ces notes sont-elles hors du contrôle ou de la garde du CCRT, mais le CCRT lui-même considère que ces notes se situent en dehors de ses fonctions officielles. [Note de bas de page omise.]
Cet obiter dictum est pertinent pour les notes manuscrites du personnel exonéré dont il est question dans le dossier relatif au ministre de la Défense nationale.
4e décision
[84] Dans la décision Rubin c. Canada (Ministre des Affaires étrangères et du Commerce international), 2001 CFPI 440, le juge Blanchard a examiné une demande d’accès portant sur tous les documents de l’examen environnemental qui concernaient la vente de réacteurs Candu à la Chine et qui relevaient du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Au paragraphe 18 de sa décision, le juge Blanchard a écrit que, pour savoir si des documents relevaient d’une institution fédérale, il ne suffisait pas de se demander de quelle manière et dans quelles circonstances les renseignements se trouvaient en la possession de l’institution fédérale :
Le sens ordinaire des paragraphes 4(1) et 2(1) de la Loi sur l’accès à l’information est que la loi donne accès, sous réserve de certaines exceptions, à tout document ou à toute information contenue dans un document dont le gouvernement a la garde, sans égard à la façon dont il en a obtenu la garde.
[85] Ayant jugé que, pour savoir si un document relève d’une institution fédérale, il faut se rapporter aux circonstances de chaque cas, le juge Blanchard a conclu qu’il n’était pas établi que les documents concernés relevaient du ministère à l’époque de la demande. Il a affirmé, aux paragraphes 20 et 21 :
Une preuve non contredite a été présentée à la Cour […] selon laquelle le « Rapport de Shanghai » a été fourni aux Affaires étrangères à des conditions strictes, pour une période limitée et à la condition qu’il soit rendu rapidement à ÉACL. […]
La preuve présentée à la Cour révèle que les fonctionnaires des Affaires étrangères n’ont utilisé le « Rapport de Shanghai » que quelques jours, en donnant à ÉACL l’assurance que toutes les copies du rapport lui seraient rendues. […] Aucune preuve n’établit en l’espèce que les Affaires étrangères ont rendu le « Rapport de Shanghai » à ÉACL pour un motif irrégulier, ni que les Affaires étrangères se sont soustraites à l’application de la Loi sur l’accès à l’information. Compte tenu de cette preuve, je suis convaincu que le « Rapport de Shanghai » ne relevait pas des Affaires étrangères au moment où la demande de communication du demandeur a été déposée à la fin du mois d’avril 1997.
Cet obiter dictum est pertinent pour les copies des agendas du PM, qui étaient envoyées au greffier du Conseil privé, mais ensuite détruites.
5e décision
[86] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25 (l’arrêt Hartley), la Cour d’appel fédérale devait statuer sur l’une des mêmes questions dont la Cour est actuellement saisie, à savoir si les agendas quotidiens du premier ministre sont des documents relevant du BCP et sont donc susceptibles de divulgation en vertu de la Loi sur l’accès. Le point que devait décider la Cour d’appel à l’époque était de savoir si un subpœna duces tecum délivré par le Commissariat à l’information pour forcer la production des agendas devait être radié. Dans son arrêt, qui a été rendu collectivement par une formation constituée du juge en chef Richard et des juges Evans et Noël, la Cour d’appel a confirmé la validité du subpœna délivré par le commissaire et a conclu que les agendas devaient être communiqués au commissaire, à titre confidentiel, aux fins de son enquête. À la suite de l’arrêt, les agendas ont été communiqués au commissaire, le commissaire a rendu un rapport et fait des recommandations sur la question de savoir si les agendas relevaient du BCP, le CPM a choisi de ne pas donner suite à ce rapport et le commissaire a introduit la présente demande de contrôle judiciaire pour que la Cour fédérale décide si les agendas devraient être produits en réponse à la demande d’accès.
[87] L’arrêt Hartley ne s’appliquait qu’au contexte de l’enquête du commissaire et non à la question de savoir si les documents devaient finalement être communiqués à l’auteur de la demande d’accès, mais la Cour d’appel s’est exprimée sur le sens de l’expression « relevant de ». Après avoir cité et approuvé les propos tenus par le juge Létourneau, de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Société canadienne des postes, précité — à savoir que l’expression « relevant de » constitue une notion qui n’est pas définie et qui n’est assujettie à aucune limite, et que le législateur n’a pas jugé à propos de nuancer ou de restreindre cette notion — la Cour d’appel a statué que le contenu des documents en cause et les circonstances entourant leur existence pouvaient permettre de dire s’ils relevaient d’une institution fédérale [au paragraphe 29] :
En outre, contrairement à l’opinion que semblait avoir le juge des requêtes, le contenu des documents demandés par le Commissaire et les circonstances entourant leur création peuvent servir à déterminer s’ils relèvent du Bureau du Conseil privé qui, comme on l’a dit, est une institution fédérale aux fins de la Loi.
Malgré cette conclusion, la Cour d’appel ne s’est nullement exprimée sur la question de savoir si le CPM est une partie intégrante du BCP, lequel est énuméré comme une institution fédérale à l’annexe I de la Loi. Je ne puis que présumer que, si la Cour d’appel croyait que tel était le cas, elle l’aurait dit explicitement dans ses motifs. Néanmoins, cela ne règle pas la question de savoir si, aux fins de la divulgation de documents en vertu de la Loi, les documents en cause relevaient de l’institution fédérale concernée.
6e décision
[88] Dans une affaire connexe portée devant la Cour, Procureur général, précitée, la juge Dawson, faisant siens les propos tenus par le juge Létourneau de la Cour d’appel dans l’arrêt Société canadienne des postes, précité, a statué, au paragraphe 104 [de 2004 CF 431], qu’il fallait interpréter d’une manière libérale l’expression « relevant de » si l’on voulait conférer au public un droit d’accès efficace :
Par conséquent, il ne faut pas attribuer au contrôle un sens restreint, mais plutôt un sens large de façon à assurer un droit d’accès réel. Des choses telles que le contenu d’un document peuvent jeter la lumière sur le contrôle, comme le pourrait également un droit d’accès partiel, temporaire ou de jure. [Non souligné dans l’original.]
Finalement, la juge Dawson a conclu que la question de savoir si les documents relevaient d’une institution fédérale était « prématurée » et n’était donc « pas prête à être présentée » à la Cour, en grande partie parce que l’enquête du commissaire n’était pas encore achevée et que nombre des documents en litige n’avaient pas été déposés en preuve devant la Cour.
[89] Cependant, malgré ces facteurs, la juge Dawson a fait des observations incidentes sur la bonne manière d’interpréter l’expression « relevant de » aux fins de la Loi sur l’accès. Comme je l’ai dit plus haut, la juge Dawson a souligné que « le contenu d’un document pouvait clarifier » le point de savoir si un document relevait de l’institution fédérale concernée, rendant ainsi le document susceptible de divulgation en vertu de la Loi.
7e décision
[90] Enfin, dans une autre affaire concernant Postes Canada — voir Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CAF 286 (l’arrêt Société canadienne des postes n° 2) — le juge Décary de la Cour d’appel fédérale a fait, au paragraphe 3, les observations incidentes suivantes à propos de l’expression « relevant de » :
La relation entre le GMIM et le ministre responsable de la Société canadienne des postes, qui, à l’époque pertinente, était le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, n’est pas pertinente pour trancher la question de savoir si les documents relevaient d’une institution fédérale et étaient donc assujettis à la Loi. Le fait que les documents aient été communiqués au GMIM pour lui permettre de s’acquitter de sa fonction qui consiste à aider le ministre dans l’administration de la société d’État ne change rien au fait que le GMIM fait partie du ministère. Il ne s’agit pas en l’espèce de documents relevant du ministre lui-même ou de son personnel exonéré, lesquels documents, concède l’avocat de l’intimé, ne relèvent pas d’une institution fédérale au sens de la Loi. [Non souligné dans l’original.]
Cet obiter dictum est pertinent pour les documents en la possession exclusive du CPM et des cabinets des ministres.
Conclusion de la Cour quant au sens de l’expression « relevant de »
[91] J’ai trouvé cette jurisprudence éclairante quant au sens à donner à l’expression « relevant de » aux fins de la Loi sur l’accès. L’arrêt Hartley, précité, de la Cour d’appel, et la décision Procureur général, précitée, rendue par la juge Dawson, ont été d’une aide précieuse en raison de leur lien étroit avec les affaires dont la Cour est actuellement saisie. Me fondant sur cette jurisprudence, j’ai extrait les principes suivants, qui guideront l’analyse de la Cour dans la présente affaire :
1. l’expression « relevant de » n’est pas définie;
2. pour savoir si les documents en cause « relèvent d’une institution fédérale », la Cour peut se demander si les documents « relèvent d’une institution fédérale de façon ultime ou immédiate, complète ou partielle, temporaire ou permanente » ou « de jure » ou « de facto »;
3. le législateur n’a pas limité cette notion au pouvoir de « disposer » des documents en question, c’est-à-dire au pouvoir de s’en débarrasser;
4. le contenu des documents et les circonstances dans lesquelles ils ont été établis permettront de dire s’ils relèvent d’une institution fédérale aux fins d’une divulgation selon la Loi.
[92] Se fondant sur ces principes, la Cour examinera le contenu des documents et les circonstances dans lesquelles ils ont été créés pour savoir si l’institution fédérale pourrait, sur demande, en obtenir une copie du CPM, du cabinet du ministre de la Défense nationale ou du cabinet du ministre des Transports.
Application de la signification donnée
[93] Les parties reconnaissent que le CPM et les cabinets des ministres concernés s’occupent d’affaires ministérielles—c’est-à-dire d’affaires se rapportant à l’institution fédérale—ainsi que d’affaires politiques, d’affaires intéressant les circonscriptions, d’affaires parlementaires et d’affaires intéressant le Cabinet. Après examen, si le contenu d’un document en la possession du CPM, du cabinet du ministre de la Défense nationale ou du cabinet du ministre des Transports se rapporte à une affaire ministérielle, et si les circonstances dans lesquelles le document a été créé montrent que le sous-ministre ou les autres hauts fonctionnaires du ministère pourraient demander et obtenir une copie de ce document pour traiter l’affaire, la Cour est d’avis que ce document relève de l’institution fédérale. L’expression « relevant de » doit être interprétée d’une manière large et libérale pour assurer un droit d’accès efficace à l’information gouvernementale.
Sens ordinaire
[94] Le sens d’une expression telle que « relevant de » (« control » en anglais) dans une loi est une question de droit et il convient de donner à l’expression son sens ordinaire ou le plus répandu. La Cour peut déterminer ce sens avec l’aide de dictionnaires : voir l’arrêt Pfizer Co. Ltd. c. Sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), [1973] C.F. 3 (C.A.), juge en chef Jackett, à la page 7; arrêt infirmé pour d’autres motifs [1977] 1 R.C.S. 456.
[95] The Canadian Oxford Dictionary (Toronto : Oxford University Press, 2001) définit comme suit « control » :
[traduction] […] 1 pouvoir de diriger, autorité (relevant de) (1. the power of directing, command (under the control of)).
L’expression doit être interprétée de la manière la plus large possible, mais elle ne saurait être étendue plus que de raison. Dans la présente affaire, elle signifie, selon la Cour, qu’un haut fonctionnaire de l’institution fédérale (autre que le ministre) exerce un certain pouvoir de direction ou une autorité à l’égard d’un document, même si ce n’est qu’un pouvoir « partiel », « temporaire » ou « de facto ».
Exemples de documents relevant ou ne relevant pas d’institutions fédérales
[96] Ce n’est pas parce qu’un document se trouve dans le cabinet d’un ministre et concerne une affaire ministérielle qu’il relève nécessairement de l’institution fédérale. S’il a été préparé par un fonctionnaire du ministère et envoyé au cabinet du ministre, ce fonctionnaire serait normalement en droit de s’attendre à pouvoir en obtenir un autre exemplaire sur demande. Si tel est le cas, alors le document relève de l’institution fédérale.
[97] Pareillement, si le document a été préparé dans le cabinet du ministre, en concertation avec un fonctionnaire du gouvernement ou du ministère, ce fonctionnaire est encore une fois en droit de s’attendre à pouvoir en obtenir une copie sur demande, et le document peut être considéré comme étant un document relevant de l’institution fédérale.
[98] Si, par contre, le document a été préparé par une personne du cabinet du ministre, qu’il devait être utilisé aux seules fins du cabinet du ministre et qu’aucun fonctionnaire du gouvernement ou du ministère ne peut raisonnablement espérer en obtenir un exemplaire, ce document ne relève pas de l’institution fédérale aux fins de la Loi sur l’accès.
[99] Le commissaire soutient, et la Cour en convient, que les documents de nature politique ne sont pas susceptibles d’accès selon la Loi. Cependant, il n’y a dans la Loi aucune exception ou exclusion claire pour les documents de nature politique.
[100] Avant d’appliquer la signification de l’expression « relevant de » aux documents en cause, la Cour examinera les exceptions et exclusions en cause dans les présentes demandes.
Point n° 3 : Quelles sont la signification et la portée des exceptions suivantes prévues dans la Loi?
[101] L’examen des exceptions prévues par la Loi sur l’accès n’est nécessaire que si la Cour arrive à la conclusion que les documents en cause relevaient des institutions fédérales concernées lorsque les demandes d’accès ont été présentées.
i. Exception n° 1 : « renseignements personnels » prévus à l’article 19
[102] L’article 19 de la Loi interdit au responsable d’une institution fédérale de communiquer des documents contenant les « renseignements personnels » visés à l’article 3 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, n° 47(F)] de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[103] Le point de départ d’une analyse de la relation entre la définition de « renseignements personnels », à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et l’article 19 de la Loi sur l’accès est l’examen que fait le juge La Forest, au paragraphe 68 de l’arrêt Dagg, précité. Le juge La Forest a rédigé des motifs dissidents, mais les juges majoritaires ont convenu avec lui que l’expression « renseignements personnels » devait être interprétée d’une manière large.
[104] Le juge La Forest a aussi affirmé, et les juges majoritaires en ont convenu, que, dans l’interprétation de la Loi sur l’accès et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il convenait de garder à l’esprit que le législateur avait fondé en un code homogène les deux textes de loi : voir l’arrêt Dagg, au paragraphe 45. L’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels énonce ce qui constitue des « renseignements personnels », et l’article 19 de la Loi sur l’accès dispose que le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cependant, l’alinéa j) de la définition de « renseignements personnels », à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (ci-après l’alinéa 3j)), prévoit une exception importante. Des renseignements personnels peuvent être communiqués à propos d’une personne qui est un cadre ou employé d’une institution fédérale si les renseignements concernent son poste ou ses fonctions. Cela correspond à l’objet de l’alinéa 3j), qui est de faire en sorte que l’État et ses représentants répondront de leurs actes devant l’ensemble de la population :
Loi sur l’accès
19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[…]
Loi sur la protection des renseignements personnels
3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« renseignements personnels » Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment :
[…]
toutefois, il demeure entendu que, pour l’application des articles 7, 8 et 26, et de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information, les renseignements personnels ne comprennent pas les renseignements concernant :
j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment :
[105] Dans l’arrêt GRC, précité, le juge Gonthier a écrit, au paragraphe 34, que le législateur entendait ne pas protéger autant la vie privée des fonctionnaires de l’administration fédérale lorsque les renseignements demandés concernaient leur poste ou leurs fonctions. Le commissaire affirme donc que les renseignements figurant dans les agendas concernent pour la plupart les fonctions et activités officielles du PM et du ministre des Transports, de telle sorte que ces renseignements ne sont pas soustraits à la divulgation en tant que renseignements personnels.
[106] Les défendeurs font cependant valoir que le PM et le ministre des Transports ne sont pas des « cadres » ou « employés » d’une institution fédérale selon le sens de ces mots dans l’alinéa 3j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et que, par conséquent, les renseignements qui les concernent ne sont pas visés par l’exception de l’alinéa 3j) et sont soustraits à la divulgation. Les défendeurs disent que le PM et le ministre des Transports ne sont pas des cadres au sens de l’alinéa 3j), mais la Cour ne partage pas leur avis.
[107] La Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 [art. 2 (mod. par L.C. 2003, ch. 22, art. 224z.37)(A))], définit ainsi l’expression « fonctionnaire public » : « Ministre ou toute autre personne employée dans l’administration publique fédérale ». La Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21 [art. 2 (mod., idem, art. 224z.43)(A))], donne la définition suivante : « Agent de l’administration publique fédérale dont les pouvoirs ou obligations sont prévus par un texte ». Selon la Cour, cette dernière définition est assez large pour englober le PM et un ministre.
[108] Je ne vois aucune différence entre le mot « cadre », à l’alinéa 3j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et le terme « fonctionnaire public », défini dans la Loi d’interprétation, d’autant plus que la Loi sur l’accès impose des obligations aux ministres en tant que responsables d’institutions fédérales.
[109] Les défendeurs disent que les renseignements en cause se trouvent dans les agendas personnels du PM et du ministre des Transports, qui relatent l’emploi du temps de l’intéressé pour tel jour, telle semaine, tel mois ou telle année. Il s’agit de documents personnels. Les agendas énumèrent ce que la personne a fait ou fera de son temps au cours d’une période donnée. La Cour ne voit pas les choses de cette manière. Si les agendas sont susceptibles de communication en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi, ils ne bénéficient pas totalement d’une exception en tant que renseignements personnels. Ils énumèrent les réunions et rendez-vous du PM et du ministre des Transports, ce qui englobe des renseignements se rapportant à leurs obligations et fonctions en tant que ministre responsable d’une « institution fédérale ». Cependant, les rendez-vous privés non rattachés au poste bénéficient d’une exception en tant que « renseignements personnels ».
[110] Les noms de particuliers (qui ne sont pas des employés de l’administration fédérale) apparaissant dans les agendas sont des renseignements personnels, qui doivent être masqués. Si le PM rencontre une personnalité politique, un homme d’affaires, un lobbyiste ou même l’administrateur général d’une société d’État, le nom de cette personne est un renseignement privé et personnel qui doit être soustrait à la divulgation. Cette exception risque de contrarier la curiosité de tout demandeur d’accès en quête de renseignements sur les personnes que le PM a pu rencontrer à diverses dates concernant diverses questions.
ii Exception n° 2 : « avis ou recommandations » et « comptes rendus de consultations ou délibérations » prévus aux alinéas 21(1)a) et b)
[111] Le paragraphe 21(1) de la Loi soustrait à la divulgation, entre autres, les avis ou recommandations élaborés par ou pour un ministre et les comptes rendus de consultations ou délibérations auxquelles ont participé un ministre. Si les documents sont susceptibles de communication, les défendeurs ont revendiqué des exceptions au titre de l’article 21 pour certaines portions des agendas du PM et du ministre des Transports. Les défendeurs ont aussi revendiqué une exception au titre de l’article 21 pour certaines portions des blocs-notes du personnel exempté du ministre de la Défense nationale à l’égard des réunions M5. Ces exceptions revendiquées ont été acceptées par le commissaire et ne sont pas en cause devant la Cour. Le paragraphe 21(1) prévoit notamment ce qui suit :
21. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant :
a) des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;
b) des comptes rendus de consultations ou délibérations auxquelles ont participé des administrateurs, dirigeants ou employés d’une institution fédérale, un ministre ou son personnel;
[112] Dans la décision Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 4 C.F. 245 (1re inst.), le juge Evans, alors membre de la Section de première instance de la Cour fédérale, a écrit aux paragraphes 31 et 32 que l’exception de l’article 21 établit un équilibre entre le droit du public d’obtenir communication de documents fédéraux et l’absolue nécessité pour les ministres et leurs conseillers de pouvoir élaborer une politique en toute tranquillité, sans que le public soit autorisé à scruter l’évolution interne des politiques finalement adoptées :
Cela constituerait un fardeau intolérable que de forcer les ministres et leurs conseillers à soumettre à l’examen du public l’évolution interne des politiques qui sont finalement adoptées. La communication de ces renseignements révélerait souvent que le processus d’élaboration des politiques s’accompagne de faux départs, d’impasses, de mauvais virages, de changements d’orientation, de demandes d’avis ultérieurement rejetés, de réévaluations des priorités et de repondération de l’importance relative des facteurs pertinents au fur et à mesure de l’analyse du problème. Si ce matériau hautement inflammable tombait entre les mains de journalistes ou d’opposants politiques, il pourrait facilement alimenter un brasier capable de détruire rapidement la crédibilité et l’efficacité du gouvernement.
Par ailleurs, bien entendu, les principes démocratiques exigent que le public, et cela signifie souvent les représentants de différents groupes d’intérêts, soit en mesure de participer aussi pleinement que possible à l’élaboration des politiques en exerçant une certaine influence. Sans un certain degré d’ouverture de la part du gouvernement au sujet de sa réflexion sur les questions d’intérêt public, et sans accès aux renseignements pertinents qui sont en possession du gouvernement, l’efficacité de la participation du public sera inévitablement réduite.
[113] Le juge Evans a écrit que le paragraphe 21(1) soustrait à la divulgation un très grand nombre de documents issus des processus internes d’élaboration des politiques d’une institution fédérale. Il s’est exprimé ainsi, au paragraphe 39 :
Il est difficile de ne pas en venir à la conclusion que l’effet combiné des alinéas 21(1)a) et b) est d’exclure de la communication prévue par la Loi un très grand nombre de documents établis dans les processus internes d’élaboration des politiques d’une institution fédérale. Les documents renfermant des renseignements de nature factuelle ou statistique ou offrant une explication du contexte d’une politique ou d’une disposition législative en vigueur ne sont peut-être pas visés par ces conditions générales. Cependant, la plupart des documents internes qui analysent un problème, en commençant par identifier celui-ci, et qui proposent ensuite un certain nombre de solutions avant de terminer sur des recommandations précises au niveau des changements sont susceptibles de tomber sous le coup des alinéas 21(1)a) ou b).
[114] Le commissaire soutient que les éléments contenus dans l’agenda ne constituent pas des avis, des recommandations ou des comptes rendus de consultations ou délibérations. La Cour partage ce point de vue. Aucun objet de réunion ne figure dans l’agenda, uniquement le moment des réunions. L’avis d’une réunion n’a pas pour effet de dévoiler les avis ou délibérations échangés au cours de la réunion. Par conséquent, les exceptions prévues au paragraphe 21(1) invoquées par les défendeurs ne s’appliqueraient pas.
iii. Exception n° 3 : exclusions prévues à l’article 69 de la Loi et à l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, qui concernent les documents et renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine
[115] L’application de l’article 69 de la Loi sur l’accès et de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5 (la LPC), qui soustraient à la communication les documents et renseignements confidentiels du Cabinet, a initialement été soulevée dans les instances intéressant le PM et le ministre des Transports qui sont actuellement devant la Cour.
[116] En plus d’avoir invoqué, le 19 mars 2001, l’article 69 de la Loi à l’égard des agendas quotidiens du PM, le greffier du Conseil privé a délivré une attestation conformément à l’article 39 de la LPC. Cette attestation excluait certaines portions des agendas du PM demandés par le commissaire au motif qu’elles contenaient des renseignements confidentiels du Cabinet au sens de la LPC.
[117] Le 4 mai 2001, le greffier du Conseil privé a aussi délivré une attestation fondée sur l’article 39 de la LPC pour s’opposer à la communication de certaines portions des agendas hebdomadaires du ministre des Transports au motif qu’elles contenaient des renseignements confidentiels du Cabinet. Cependant, le 6 janvier 2004, l’avocat du ministre des Transports a informé le commissaire adjoint qu’en raison de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 3, le greffier avait décidé de ne pas délivrer une autre attestation selon l’article 39 et ne demandait plus une exclusion pour cause de renseignements confidentiels du Cabinet. Voici un extrait de sa lettre (lettre de Peter K. Doody à J. Alan Leadbeater, commissaire adjoint, 6 janvier 2004, dossier de demande, dossier T-1211-05, vol. 2, à la page 104) :
[traduction] En raison de l’arrêt Babcock de la Cour suprême du Canada, le greffier du Conseil privé ne signera pas pour ce document une attestation fondée sur l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. En conséquence, l’agenda ci-joint contient des renseignements additionnels qui avaient été retranchés de la version que vous avez reçue le 18 août 2000.
[118] Le défendeur [dans T-1211-05] invoque donc l’exclusion pour renseignements confidentiels du Cabinet uniquement en ce qui concerne l’instance relative au PM et non celle relative au ministre des Transports.
Dispositions applicables
[119] Le paragraphe 69(1) de la Loi sur l’accès dispose que les « documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada » ne sont pas visés par la Loi sur l’accès et ne sont donc pas susceptibles de communication. La disposition donne aussi une liste non exhaustive de ce qui constitue un document confidentiel du Cabinet aux fins de la Loi :
69. (1) La présente loi ne s’applique pas aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, notamment aux :
a) notes destinées à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;
b) documents de travail destinés à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l’examen du Conseil;
c) ordres du jour du Conseil ou procès-verbaux de ses délibérations ou décisions;
d) documents employés en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;
e) documents d’information à l’usage des ministres sur des questions portées ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l’objet des communications ou discussions visées à l’alinéa d);
f) avant-projets de loi ou projets de règlement;
g) documents contenant des renseignements relatifs à la teneur des documents visés aux alinéas a) à f).
[120] Selon l’article 69, la Cour peut passer en revue les documents en cause pour savoir s’ils sont des documents confidentiels du Cabinet et s’ils sont donc exclus de la portée de la Loi.
[121] Le paragraphe 39(1) de la LPC énonce une autre procédure que peut suivre le greffier du Conseil privé et qui consiste à attester que des renseignements sont des renseignements confidentiels du Cabinet. L’effet de cette procédure est que les renseignements en cause ne peuvent être ni divulgués ni examinés par une cour de révision :
39. (1) Le tribunal, l’organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s’opposent à la divulgation d’un renseignement, tenus d’en refuser la divulgation, sans l’examiner ni tenir d’audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.
[122] Tout comme le paragraphe 69(1) de la Loi sur l’accès, le paragraphe 39(2) de la LPC énonce, en des termes généraux, ce qui constitue un renseignement confidentiel du Cabinet. Dans les affaires actuellement soumises à la Cour, le greffier a observé les exigences formelles du paragraphe 39(1) de la LPC et déclaré que diverses portions des agendas du PM étaient exclues de la divulgation conformément aux alinéas 39(2)c) à f) :
39.
[…]
(2) Pour l’application du paragraphe (1), un « renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada » s’entend notamment d’un renseignement contenu dans :
[…]
c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses délibérations ou décisions;
d) un document employé en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;
e) un document d’information à l’usage des ministres sur des questions portées ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l’objet des communications ou discussions visées à l’alinéa d);
f) un avant-projet de loi ou projet de règlement.
L’objet de l’exclusion des documents ou renseignements confidentiels du Cabinet
[123] L’objet d’une attestation délivrée en vertu de l’article 39 de la LPC a été examiné par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Babcock, précité. Selon moi, cet arrêt s’applique également aux documents confidentiels du Cabinet au sens de l’article 69 de la Loi sur l’accès. Dans l’arrêt Babcock, la juge en chef McLachlin a écrit, au paragraphe 18, que l’existence du privilège du Cabinet a pour objet de faire en sorte que
[…] [l]es personnes auxquelles incombe la lourde responsabilité de prendre des décisions gouvernementales [se sentent] libres de discuter de tous les aspects des problèmes dont elles sont saisies et d’exprimer toutes les opinions possibles, sans crainte de voir les documents qu’elles ont lus, les propos qu’elles ont tenus et les éléments sur lesquels elles ont fondé leurs décisions faire ultérieurement l’objet d’un examen public […]
et, au paragraphe 21, elle a ajouté que le Canada avait édicté l’article 39 « pour répondre au besoin d’établir un mécanisme assurant l’exercice responsable du pouvoir d’invoquer la confidentialité des délibérations du Cabinet dans le contexte d’une instance judiciaire ou quasi judiciaire ».
Les documents confidentiels du Cabinet visés au paragraphe 69(1) de la Loi sur l’accès
[124] Contrairement à la LPC, la Loi sur l’accès ne prévoit pas une procédure à observer pour l’obtention d’une protection fondée sur le paragraphe 69(1). S’agissant de l’article 69, la Cour passe en revue les documents. La protection sera conférée aux documents s’ils correspondent aux descriptions apparaissant aux alinéas 69(1)a) à g). En outre, cette liste n’est pas exhaustive puisque le législateur a employé le mot « notamment ».
[125] Il y a chevauchement entre l’article 69 et l’attestation dont fait état l’article 39 de la LPC. Plus précisément, les éléments qui constituent un renseignement ou document confidentiel du Cabinet sont identiques dans les deux dispositions — les alinéas 39(1)a) à f) de la LPC sont identiques aux alinéas 69(1)a) à f) de la Loi sur l’accès. Malgré ces similitudes, la Loi sur l’accès est plus large dans ce qu’elle protège en raison du caractère non exhaustif de l’article 69 et de l’inclusion de l’alinéa 69(1)g), qui soustrait à la portée de la Loi les « documents contenant des renseignements relatifs à la teneur des documents visés aux alinéas a) à f) ».
[126] C’est dans ce contexte que j’examinerai plus loin l’application de l’article 69 de la Loi sur l’accès et de l’article 39 de la LPC dans la mesure où ils concernent la divulgation des agendas du PM dans le dossier T-1209-05.
VII. APPLICATION DU DROIT AU CONTEXTE DE CHACUNE DES DEMANDES
1. Ministre de la Défense nationale (dossier T-210-05)
Les documents en cause
[127] À la suite de l’enquête du commissaire, 1 413 pages de documents ont été recensées comme intéressant la demande d’accès. Sur ce nombre, 765 pages ont été trouvées au MDN et communiquées à l’auteur de la demande, sous réserve de l’application des exceptions prévues par la Loi. Ces documents ne sont pas en cause dans la présente instance.
[128] Les 648 pages restantes ont été trouvées dans le cabinet du ministre et entrent dans quatre catégories :
1. 185 pages de notes concernant les réunions M5, extraites des blocs-notes de membres du personnel exonéré du ministre;
2. 342 pages de correspondance électronique contenant environ 539 courriels. Sur ce nombre, environ 101 courriels ont été échangés exclusivement entre les membres du personnel exonéré du ministre, tandis qu’environ 438 sont des courriels échangés entre le personnel exonéré et le personnel non exonéré travaillant au cabinet du ministre, ou des courriels transmis ou envoyés en copies conformes au personnel non exonéré;
3. 82 pages d’ordres du jour de réunions M5;
4. 39 pages de documents divers, dont des notes de service et des notes d’information à l’intention du ministre et des autres participants aux réunions M5.
[129] Malgré la position du défendeur selon laquelle les documents ne relèvent pas du MDN aux fins de la Loi sur l’accès, le défendeur a appliqué les exceptions et exclusions prévues par la Loi et a communiqué les documents, sous toutes réserves, au commissaire durant son enquête. Après examen, le commissaire a conclu que toutes les exceptions revendiquées étaient justifiées selon la Loi. Le seul point à décider est donc celui de savoir si les documents relevaient du MDN.
Objet des réunions M5
[130] L’expression « M5 » servait à décrire les réunions informelles auxquelles participaient l’ancien ministre de la Défense nationale, Art Eggleton, le sous-ministre de la Défense, le chef d’état-major de la Défense et les fonctionnaires supérieurs du personnel exonéré du ministre.
[131] Au cours de son enquête, le commissaire a entendu les témoignages des personnes suivantes, qui participaient toutes aux réunions M5 :
1. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale);
2. Jim Judd (sous-ministre);
3. le général Maurice Baril (chef d’état-major de la Défense);
4. Emechete Onuoha (adjoint exécutif du ministre);
5. Meribeth Morris (directrice des Opérations pour le ministre);
6. Randy Mylyk (directeur des Communications pour le ministre).
[132] Le commissaire écrit dans son rapport que l’objet des réunions M5 était de constituer une tribune permettant au ministre d’obtenir des renseignements et éclaircissements sur divers sujets intéressant le MDN. Les réunions devaient porter sur les domaines d’intérêt opérationnel et administratif courants et faciliter le flux de l’information entre le ministre, le sous-ministre et le chef d’état-major de la Défense. Durant son témoignage devant le commissaire adjoint, le ministre a dit que les réunions M5 étaient en général informelles (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-2, à la page 268) :
[traduction]
M. Eggleton : […] Il n’y a aucun formalisme dans les réunions M5, et elles ne sont pas suivies de procès-verbaux.
[133] Le ministre a décrit les réunions comme une occasion pour lui d’obtenir des éclaircissements sur tel ou tel sujet ou de se faire une meilleure idée de la manière dont le ministère fonctionnait (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-2, à la page 270) :
[traduction]
M. Eggleton : Ce sont des réunions d’information. Elles me permettent de me renseigner davantage, de mieux comprendre comment les choses fonctionnent ou la raison pour laquelle la presse a traité tel ou tel événement d’une certaine manière. […]
La seule chose qui distingue les affaires traitées dans les réunions M5, c’est que, si ce n’est pas une affaire importante, ce n’est pas quelque chose qui va prendre beaucoup de temps mais qui nécessitera simplement quelques éclaircissements.[…]
[134] Le ministre a souligné aussi le caractère informel des réunions M5 en disant que, lorsque les points traités étaient plus importants, une réunion plus formelle avait lieu (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-2, à la page 270) :
[traduction]
M. Eggleton : Cela dit, je reçois beaucoup d’autres rapports qui sont de nature plus importante et qui requièrent un examen plus détaillé. Dans un tel cas, nous organisons une réunion distincte. Je pourrais avoir une réunion d’information en bonne et due forme avec toutes sortes de gens dans la pièce, qui me parleront d’une certaine politique qui est proposée, ou d’un certain achat qui est proposé, ou autre chose. […]
[135] Cependant, malgré le caractère informel et informatif des réunions, le chef d’état-major de la Défense a souligné que [traduction] « certaines décisions assez difficiles auront leur origine ou seront abandonnées » dans le contexte des réunions M5 (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-1, à la page 201).
[136] Il n’est pas contesté non plus que l’objet des réunions M5 était directement rattaché et limité aux affaires ministérielles. Durant l’enquête du commissaire, cela fut confirmé par le ministre, le sous-ministre et le chef d’état-major de la Défense, qui avait déclaré ce qui suit devant le commissaire adjoint (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-1, aux pages 188 et 189) :
[traduction]
M. Leadbeater : Peut-on dire que les discussions menées durant les réunions M-5 concernent des aspects qui entrent dans les responsabilités du ministre en tant que ministre de la Défense?
Le général Baril : Évidemment.
M. Leadbeater : Y a-t-il des affaires qui sont débattues et qui ne sont pas des affaires intéressant le ministère?
Le général Baril : Il peut arriver que nous plaisantions, mais, en dehors de cela […] L’emploi du temps du ministre, le mien et celui du [sous-ministre] sont serrés durant la journée. Et, en dehors des politesses préliminaires qui — non, jusqu’à ce qu’on arrive à un résultat, c’est du travail constant.
Notes du personnel exonéré aux réunions M5
[137] Les 185 pages de notes concernant les réunions M5 viennent des blocs-notes de l’adjoint exécutif du ministre (M. Onuoha), de la directrice des Opérations (Mme Morris) et du directeur des Communications (M. Mylyk).
[138] D’après la preuve, ces personnes jouaient un rôle important dans la facilitation des réunions M5, comme l’a reconnu le commissaire à la page 10 de son rapport (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. 5, à la page 1472) :
[traduction] La preuve confirme qu’en général, les ordres du jour étaient décidés à l’avance par l’adjoint exécutif du ministre, après consultation du ministre. De temps à autre, l’adjoint exécutif du ministre sollicitait aussi l’avis du CEMD et du SM concernant les points de l’ordre du jour. Les ordres du jour étaient préparés par l’adjoint exécutif, et leur contenu était communiqué aux membres à l’avance […] ou ils étaient distribués à la réunion. […]
[139] D’après la preuve, le ministre, le sous-ministre et le chef d’état-major de la Défense ne prenaient pas de notes durant ces réunions. Les réunions n’étaient pas non plus suivies de « procès-verbaux », uniquement de notes consignées par le personnel exonéré du ministre. Le commissaire a ajouté, à la page 10 :
[traduction] […] La preuve confirme aussi que des notes étaient généralement prises par l’adjoint exécutif du ministre durant les réunions M5. Il arrivait aussi que les autres membres du personnel exonéré prennent des notes, moins détaillées.
[140] Selon le ministre, les notes visaient à s’assurer que tel ou tel point discuté durant la réunion ferait l’objet d’un suivi (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-2, à la page 291) :
[traduction]
M. Eggleton : […] La plupart du temps, je m’en remets aux notes que mon personnel conserve, pour assurer le suivi requis.
Comme le ministre l’a expliqué davantage durant son témoignage, les membres du personnel exonéré devaient assurer le suivi des questions soulevées au cours des réunions M5 (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-2, aux pages 291 et 292) :
[traduction]
M. Leadbeater : Cela allait être ma question suivante. Comment le suivi est-il géré, et vous fondez-vous sur les notes de votre personnel pour vous assurer du suivi?
M. Eggleton : Oui. Mon personnel a cette responsabilité; l’adjoint exécutif et les autres attachés, selon le cas, sont chargés d’assurer le suivi.
Je pourrais dire par exemple : « Bon, cela est très intéressant. Je voudrais s’il vous plaît recevoir un rapport sur cette question. Et comme c’est une question urgente, je voudrais le rapport dans deux semaines ». Mon personnel écrit alors : « il voudrait le rapport dans deux semaines ». Deux semaines plus tard, si le rapport n’est pas là, il se pourrait que je n’y pense plus étant donné que je traite une centaine d’affaires par jour, et c’est mon personnel qui assure alors le suivi et qui veille à ce que j’obtienne le rapport dans le délai de deux semaines.
[141] Le ministre se fondait sur les notes qu’avait consignées son personnel exonéré durant les réunions M5, mais il n’avait jamais personnellement vu les blocs-notes, et il n’avait pas connaissance non plus du niveau de détail des notes (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. C-2, à la page 304) :
[traduction]
M. Eggleton : Oui, mais je n’ai jamais vu les notes que conserve mon personnel, et je ne sais donc pas s’il s’agit de notes détaillées. […] Mon personnel prend des notes sur tel aspect, mais il ne prendra pas des notes sur absolument tout lorsqu’il n’y a pas de suivi à assurer, et je ne m’attends pas à ce qu’il le fasse. Mais je n’en sais trop rien, parce que je n’ai jamais demandé à voir ces notes.
Cela fut confirmé par le directeur des Communications du ministre, M. Mylyk, qui a écrit dans son affidavit, souscrit le 25 octobre 2006, que le contenu des notes était considéré comme personnel et n’était communiqué à personne, que ce soit au cabinet du ministre ou au MDN (dossier de demande, dossier T-210-05, vol. 5, à la page 1759) :
[traduction] J’ai toujours considéré ces blocs-notes comme quelque chose qui m’est personnel. Ils ne sont communiqués à personne au cabinet du ministre.
Aucun fonctionnaire du ministère de la Défense nationale n’a jamais demandé à voir mes blocs-notes. Aucun d’eux, ni même le sous-ministre ou le chef d’état-major de la Défense, n’avait le pouvoir de me contraindre à les produire.
Les autres membres du personnel exonéré ont témoigné dans le même sens.
Les documents des réunions M5 relèvent-ils du MDN?
[142] Pour savoir si les documents se rapportant aux réunions M5 « relevaient » du MDN, même si en dernier ressort ils relevaient du ministre et de son personnel exonéré et étaient en la possession du cabinet du ministre, la Cour examinera le contenu des documents et les circonstances dans lesquelles ils ont été créés.
[143] Les réunions M5 étaient un instrument destiné à faciliter le flux de l’information entre le ministre, le sous-ministre et le chef d’état-major de la Défense. Selon le ministre, c’étaient des réunions de caractère informel, qui n’étaient pas censées porter sur des affaires importantes liées à la politique et à l’orientation du MDN. Lorsqu’on examine l’objet des réunions M5, il est clair qu’elles se rapportaient aux affaires du MDN. Les circonstances dans lesquelles les documents ont été créés seront maintenant examinées pour chaque catégorie de documents.
Les notes
[144] Les notes étaient les notes personnelles du personnel exonéré. Personne, au MDN ou au cabinet du ministre, n’a jamais demandé à voir les notes ou à en obtenir une copie. Selon la preuve, les notes n’auraient pas été communiquées aux fonctionnaires du ministère. Si certains renseignements contenus dans les notes avaient été demandés, ce qui n’était pas le cas, le personnel exonéré qui avait pris les notes aurait probablement, selon la Cour, rédigé un compte rendu dactylographié du débat.
[145] Il est clair que l’institution fédérale n’avait pas un accès de facto, temporaire ou partiel aux notes des réunions. Lorsque la Cour a examiné les notes, il lui est apparu évident qu’elles n’étaient pas destinées à des tiers. L’écriture est à peine lisible, et la substance est inaccessible à quiconque autre que l’auteur. Par conséquent, les notes dans leur forme originale ne seraient pas remises sur demande à un haut fonctionnaire du MDN, et elles ne relèvent pas du MDN.
Les courriels échangés au sein du cabinet du ministre
[146] Les courriels échangés traitaient de l’emploi du temps du ministre. Ils ne contiennent pas de renseignements de fond sur les affaires ministérielles et ils ne relèvent pas de l’institution fédérale, selon le critère susmentionné.
Les ordres du jour
[147] Les ordres du jour énumérant les points devant être abordés aux réunions M5 étaient distribués aux participants, dont le sous-ministre et le chef d’état-major de la Défense. Dans ces cas, le fonctionnaire du ministère obtenait fort probablement du cabinet du ministre un autre exemplaire de l’ordre du jour s’il n’avait pas le sien. Par conséquent, ces ordres du jour relèvent du MDN et sont susceptibles de communication.
Les documents divers
[148] Les 39 pages de documents divers sont des notes de service et notes d’information à l’intention du ministre et des autres participants aux réunions M5. Si tel est le cas, alors ces documents seraient communiqués sur demande à un haut fonctionnaire du ministère. On présume que le cabinet du ministre aurait accédé à une demande de copie d’un document si ce document avait déjà été remis au sous-ministre ou au chef d’état-major de la Défense. La Cour renverra ces documents au défendeur pour qu’il précise lesquels ont été au départ communiqués au sous-ministre ou au chef d’état-major de la Défense. Les documents relèvent du MDN.
2. Premier ministre (dossier T-1209-05)
Les documents en cause
[149] Les documents relatifs à cette demande de contrôle judiciaire sont les agendas quotidiens de l’ancien premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien (le PM), pour la période allant de janvier 1994 au 25 juin 1999. L’ensemble des documents totalise 2 006 pages, dont 2 002 ont été archivées sous forme électronique au CPM, sur un ordinateur attribué à Bruce Hartley, adjoint exécutif du PM et membre de son personnel exonéré. Les quatre autres pages sont des versions papier des documents susmentionnés et se trouvaient au BCP.
[150] Comme le commissaire l’a écrit dans son rapport, les agendas sont des listes, établies quotidiennement, des rendez-vous du PM pour tel ou tel jour. Le commissaire a décrit la variété des diverses indications apparaissant dans les agendas, à la page 5 de son rapport (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 4, à la page 683) :
[traduction] Certaines indications concernent la vie privée de l’ancien premier ministre, par exemple des anniversaires de membres de sa famille, rendez-vous chez le médecin et engagements sociaux. D’autres se rapportent aux fonctions officielles de l’ancien premier ministre (comme des réunions pour discuter des affaires de l’État, des réunions préparatoires de la période des questions, des réunions du Cabinet et des déplacements officiels). D’autres se rapportent aux activités de l’ancien premier ministre qui étaient de caractère public (par exemple sa présence au Monument aux morts le jour du Souvenir, au Parlement pour la période des questions et aux réunions hebdomadaires du caucus). D’autres encore se rapportent à des réunions ou fonctions qui se déroulaient dans le bureau du premier ministre à l’édifice du Centre, ou au 24, promenade Sussex, ou à d’autres endroits privés. Pour certains jours, aucune indication n’apparaît dans les agendas.
Le commissaire a aussi indiqué que les agendas ne mentionnent pas l’objet des réunions ou fonctions qui y sont inscrites.
Création des documents
[151] Tous les documents en cause ont été créés sur un ordinateur unique situé dans le bureau de M. Hartley, l’adjoint exécutif du PM. M. Hartley déclare, au paragraphe 8 de son affidavit, souscrit le 25 octobre 2006, que les agendas étaient le moyen par lequel lui-même et le PM « communiquaient » pour organiser l’emploi du temps du PM. En fait, chaque agenda était un « plan de la manière dont la journée pourrait se dérouler » (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 5, à la page 824). Les modifications apportées à l’agenda étaient notées par M. Hartley sur une feuille tout au long de la journée. Ces modifications n’étaient pas nécessairement consignées par l’assistante de M. Hartley dans la version électronique de l’agenda.
[152] L’accès à l’ordinateur sur lequel les agendas se trouvaient était limité au seul usage de M. Hartley et de ses assistants. Un nombre restreint de personnes au CPM pouvait consulter les agendas, en lecture seulement; cependant, personne à l’extérieur du CPM ne pouvait consulter les agendas.
Utilisation des documents
[153] Comme le commissaire l’a signalé à l’issue de son enquête, des copies papier des agendas étaient « distribuées » au sein du CPM pour faciliter la gestion des activités quotidiennes du PM. Des copies étaient donc remises au directeur de Cabinet du PM, à son conseiller principal en matière de politiques, à son directeur des Communications, à sa directrice des Opérations et à son attaché de presse.
[154] Un exemplaire révisé de l’agenda indiquant uniquement les endroits que visiterait le PM était communiqué aussi à la GRC et au bureau de la sécurité de la Chambre des communes pour les aider dans leur tâche de protection du PM. M. Hartley déclare ce qui suit, au paragraphe 10 de son affidavit (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 5, à la page 825) :
[traduction] Également, comme j’en ai donné la consigne, un exemplaire de l’agenda indiquant uniquement les endroits que visiterait le premier ministre était régulièrement envoyé à la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) et au personnel de la sécurité de la Chambre des communes (également appelé Sécurité de la colline du Parlement). Cependant, je crois savoir qu’à l’occasion, la GRC recevait par erreur un exemplaire de l’agenda qui comprenait des renseignements additionnels allant au-delà des endroits auxquels se rendrait le premier ministre.
[155] Jusqu’en septembre 1999, il était également d’usage d’envoyer par télécopieur une copie révisée de l’agenda du lendemain au greffier du Conseil privé (le greffier) pour la seule information du greffier et de son adjoint exécutif. Selon le témoignage de M. Hartley devant le commissaire adjoint, ces copies étaient envoyées par télécopieur à titre de « courtoisie », pour que le greffier sache où se trouverait le PM le lendemain (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. C-1, à la page 185) :
[traduction]
M. Leadbeater : […] Savez-vous pourquoi ces copies étaient envoyées au greffier du Conseil privé?
M. Hartley : Oui, uniquement par courtoisie. Le greffier saurait alors où se rendre le lendemain.
Prié de dire si la remise d’une copie de l’agenda au greffier était davantage qu’une manifestation de courtoisie—plus précisément si le greffier devait, de par ses fonctions, connaître l’agenda du PM—M. Hartley a témoigné que la remise d’une copie de l’agenda au greffier visait surtout à faciliter les réunions quotidiennes entre le greffier et le PM (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. C-1, à la page 186) :
[traduction]
M. Leadbeater : Il est donc possible que le greffier doive, de par ses fonctions, connaître l’agenda du premier ministre?
M. Hartley : En toute franchise, c’était pour nous assurer que nous savions que nous avions nos réunions chaque jour.
[156] Les documents remis au greffier étaient « modestement expurgés ou révisés » par rapport aux originaux de M. Hartley, comme on peut le voir dans l’échange suivant entre l’ancien greffier, Mel Cappe, et le commissaire adjoint (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. C-2, à la page 660) :
[traduction]
M. Leadbeater : […] Avez-vous jamais vu une autre version de l’agenda du premier ministre autre que celles que vous avez examinées pour savoir s’il s’agissait de documents confidentiels du Cabinet?
M. Cappe : Eh bien, comme je l’ai dit plus tôt, je les vois de temps à autre au coin de son bureau. C’est là qu’il pose son agenda quotidien. J’ai cru entendre M. Koops dire que la version que nous avions, et dont vous avez quatre pages ici, était modestement expurgée, ou révisée. Je n’en sais rien, mais, selon mon souvenir, la version que nous avions n’était pas l’unique version qui existait […]
Durant son témoignage devant le commissaire adjoint, M. Hartley a confirmé que, même si les agendas étaient sans doute révisés par suppression des renseignements « très personnels », souvent les différences entre l’original et la copie envoyée au greffier rendaient compte de changements apportés au programme du PM pour la journée (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. C-1, à la page 207) :
[traduction]
M. Leadbeater : Donniez-vous des directives sur les coupures à faire dans les agendas qui devaient être remis au greffier du Conseil privé?
M. Hartley : Comme je l’ai dit auparavant, il pouvait arriver que j’aie connaissance d’éléments de nature très personnelle, je ne…
[…]
M. Leadbeater : On pourrait donc dire qu’en général, la version de l’agenda qui était envoyée au greffier du Conseil privé était l’agenda que tout le monde au Cabinet du Premier ministre pouvait obtenir, sauf qu’il pouvait parfois être quelque peu périmé parce que des choses surviennent et que vous aviez pu mettre à jour votre agenda et non celui envoyé au greffier? Est-ce bien cela?
M. Hartley : Je crois que c’est possible, oui.
[157] S’agissant de la suppression des exemplaires envoyés au greffier, M. Hartley croyait comprendre que ces exemplaires étaient détruits une fois leur date passée. Comme l’écrit le commissaire dans son rapport, il était d’usage au bureau du greffier de détruire les copies périmées. Cependant, malgré cet usage, à la date des demandes d’accès, c’est-à-dire le 25 juin 1999, quatre pages d’agendas se trouvaient au BCP, et comprenaient les agendas du PM pour le 23 juillet 1999 et pour les semaines allant du 23 mai au 12 juin 1999. Comme l’écrit le commissaire, ces documents n’ont pas été détruits en raison d’un oubli du BCP.
[158] Le commissaire a également ajouté, à la page 6 de son rapport, que la non-destruction de ces documents était devenue un sujet de controverse entre le CPM et le BCP et avait conduit à la cessation de la pratique consistant à remettre au greffier un exemplaire de l’agenda du lendemain (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 4, à la page 688) :
[traduction] Le fait que ces quelques documents se trouvaient dans le cabinet du greffier à l’époque des demandes d’accès (et donc étaient incontestablement susceptibles de communication) préoccupait le CPM. Une fois informé de ces circonstances (à la fin de l’été ou au début de l’automne de 1999), l’ancien directeur du Cabinet du Premier ministre a ordonné que l’on cesse de remettre au greffier du Conseil privé des copies de l’agenda de l’ancien premier ministre. Par la suite, le greffier du Conseil privé devait recevoir uniquement une notification orale du programme du premier ministre […]
Cette nouvelle pratique s’est poursuivie jusqu’à ce que le PM quitte ses fonctions en 2003.
Les agendas du premier ministre relèvent-ils du BCP?
[159] S’agissant des quatre pages des agendas du PM qui se trouvaient au BCP, il n’est pas contesté que ces documents relevaient du BCP et étaient susceptibles de communication en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi. Cependant, le défendeur soutient que ces documents sont soustraits à la communication à titre de « renseignements personnels » visés à l’article 19.
[160] S’agissant des copies électroniques originales des agendas non expurgés du PM se trouvant dans l’ordinateur de M. Hartley, ces documents sont en la possession de M. Hartley et relèvent ultimement de son supérieur, l’ancien premier ministre du Canada. Cependant, la question est de savoir si ces documents relèvent également du BCP aux fins de la Loi sur l’accès. Sur ce point, il importe d’examiner la conclusion suivante du commissaire, à la page 61 de son rapport (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 4, à la page 743) :
[traduction] 1. Au moment de la date de la demande d’accès, il était d’usage au CPM d’envoyer des copies papier des agendas du PM au bureau du greffier du Conseil privé. Selon les dispositions de l’époque, il n’était pas nécessaire pour le bureau du greffier de conserver les copies parce que les agendas étaient archivés au CPM.
Je suis d’avis que la décision d’archiver les agendas uniquement au CPM n’empêche pas ces documents de continuer de relever du BCP aux fins de l’article 4 de la Loi. Ces copies étaient créées pour l’usage du greffier du Conseil privé et de ses fonctionnaires. Il n’est pas contesté que le greffier n’aurait jamais pu extraire des copies antérieures à partir de la version archivée du premier ministre. Le paragraphe 4(3) de la Loi prévoit d’ailleurs l’extraction ou la reconstitution des documents conservés dans les bases de données.
Autrement dit, même d’après la théorie préconisée par le BCP pour savoir si un document relève d’une institution fédérale, je suis d’avis que les agendas du premier ministre relevaient du BCP au moment de la demande d’accès.
[161] Je conviens avec le commissaire que le fait que les documents étaient archivés au CPM n’empêche pas les documents de relever du BCP aux fins de l’article 4 de la Loi sur l’accès. Les agendas du PM étaient préparés pour le CPM afin de faciliter son travail de soutien aux activités du PM. Le greffier en recevait une copie pour faciliter sa tâche dans ses réunions avec le PM et dans l’aide qu’il apportait au PM.
[162] Cependant, je ne partage pas la conclusion du commissaire selon laquelle « il n’est pas contesté que le greffier n’aurait jamais pu extraire des copies antérieures à partir de la version archivée du premier ministre ». Le témoignage de M. Hartley est qu’il aurait refusé toute demande portant sur un exemplaire d’agendas antérieurs, sauf directive contraire de l’un de ses supérieurs, à savoir le PM ou le directeur du Cabinet du PM. M. Hartley a ainsi écrit, au paragraphe 14 de son affidavit (dossier de demande, dossier T-1209-05, vol. 5, à la page 825) :
[traduction] Les agendas appartiennent au premier ministre. Si on les avait demandés, j’aurais refusé de les remettre au greffier du Conseil privé et à ses fonctionnaires, sauf directive contraire du premier ministre ou de son directeur de Cabinet.
[163] Le CPM préparait une version révisée des agendas, laquelle était envoyée quotidiennement au greffier du Conseil privé pour un temps limité, à la condition que ces versions révisées soient détruites à la fin de chaque journée. Le greffier n’a jamais exigé ni demandé que le CPM lui remette la version révisée d’un agenda antérieur après que la date de l’agenda était passée. Contrairement aux agendas du ministre des Transports, aucune version archivée de la copie révisée n’était remise au greffier.
[164] Le témoignage non équivoque de l’adjoint exécutif du PM est que celui-ci aurait refusé de remettre au greffier les agendas s’il les lui avait demandés, sauf directive contraire du PM.
[165] La Cour s’abstiendra de conjecturer sur la question de savoir si, dans le cas où le greffier aurait eu besoin d’une copie antérieure des agendas révisés, pour une affaire se rapportant aux activités du BCP, le PM aurait demandé à son adjoint exécutif de remettre au greffier la version révisée d’un agenda antérieur. Un tel cas ne s’est jamais produit. Cependant, l’adjoint exécutif aurait pu simplement envoyer au greffier une note de service renfermant l’information requise à propos d’une réunion passée, au lieu de lui envoyer l’ancien agenda.
a) Contenu
[166] Selon la preuve soumise à la Cour, le contenu des versions abrégées ou non abrégées des agendas se rapportait principalement aux activités du PM et du CPM. Cependant, une partie de l’agenda se rapportait effectivement à des activités du BCP, par exemple la réunion du PM avec le greffier, les fonctions du Cabinet et l’administration publique générale.
b) Circonstances
[167] Selon la preuve soumise à la Cour, les agendas révisés étaient remis au greffier selon des conditions rigoureuses, pour un délai limité, et à la condition que les agendas soient détruits une fois leur date passée. La preuve montrait aussi qu’à défaut de se conformer à ces conditions, le greffier n’aurait jamais reçu copie des agendas. En fait, après qu’il fut découvert que le greffier n’avait pas détruit quatre pages des agendas, le CPM a cessé d’envoyer au greffier des copies des agendas.
[168] La preuve a aussi établi que le greffier n’aurait pas reçu des versions antérieures des agendas s’il en avait fait la demande.
Les quatre pages d’agendas révisés se trouvant au BCP et les exceptions invoquées
[169] Les parties reconnaissent que ces quatre pages d’agendas révisés relèvent du BCP. La question à laquelle la Cour doit répondre est la suivante : « Les quatre pages des agendas révisés se trouvant au BCP sont-elles soustraites à la communication en tant que “renseignements personnels” visés à l’article 19? » Premièrement, les articles des agendas se rapportant aux obligations et fonctions du PM en tant que fonctionnaire de l’État ne sont pas des renseignements personnels. Deuxièmement, les noms des personnes qui ne sont pas des employés ou des cadres d’une institution fédérale énumérée sont des renseignements personnels soustraits à la communication. Il s’agirait notamment des personnes qui ont rencontré le PM, par exemple l’administrateur général d’Air Canada, l’agent de financement d’un parti politique, un lobbyiste ou un homme d’affaires. Troisièmement, les éléments des agendas se rapportant à la vie personnelle du PM sont soustraits à la communication en tant que renseignements personnels.
[170] En ce qui concerne l’application de l’article 69 de la Loi sur l’accès et de l’article 39 de la LPC, qui concernent les renseignements et documents confidentiels du Cabinet, cette question ne se pose que pour les agendas se trouvant au BCP. Puisque les agendas n’indiquent pas l’objet des réunions, ils ne dévoilent pas de renseignements confidentiels du Conseil privé au sens de l’article 69.
[171] L’article 69 a une portée plus large que l’article 39 de la LPC. La Cour se demande comment les mêmes documents en cause peuvent être des renseignements confidentiels du Cabinet selon l’article 39. Les propos tenus par la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Babcock, précité, au paragraphe 25, ne sauraient être plus pertinents :
Une troisième condition procède du principe général applicable à tous les actes du gouvernement, selon lequel le pouvoir en cause doit découler de la loi et son exercice doit avoir pour objet véritable de protéger les renseignements confidentiels du Cabinet dans le plus grand intérêt du public. Le rôle que la Loi attribue au greffier consiste exclusivement à protéger les renseignements confidentiels du Cabinet. Elle ne lui permet pas d’entraver les enquêtes publiques ni d’obtenir des avantages tactiques dans un litige. Si la preuve ou les circonstances révèlent que le pouvoir de délivrer l’attestation a été exercé à des fins autres que celles mentionnées à l’art. 39, l’attestation peut être annulée pour cause d’exercice non autorisé du pouvoir exécutif […]
[172] L’attestation délivrée par le greffier le 19 mars 2001 à l’égard de certaines portions des agendas du PM est antérieure à l’arrêt Babcock de la Cour suprême du Canada, qui contient de très importantes nouvelles directives sur le processus d’attestation. Le commissaire fait valoir que l’attestation n’est pas conforme à l’arrêt Babcock.
[173] L’attestation se rapportant aux agendas du PM a été délivrée à l’égard d’une instance antérieure devant la Cour.
[174] L’attestation se rapportant aux extraits des agendas du ministre des Transports a été signée le 4 mai 2001. Le 6 janvier 2004, l’avocat des défendeurs a fait savoir que le greffier ne signerait pas une nouvelle attestation fondée sur l’article 39 de la LPC pour les extraits des agendas du ministre des Transports dans la procédure actuelle devant la Cour en raison de l’arrêt Babcock de la Cour suprême du Canada. L’avocat des défendeurs n’a rien indiqué de tel pour les agendas du PM. La Cour lui a demandé pourquoi. L’avocat n’a pas été en mesure de répondre. Il a dit qu’il n’avait reçu aucune directive portant sur l’incompatibilité.
[175] Selon l’arrêt Babcock, le greffier doit répondre à deux questions avant d’attester que des renseignements sont confidentiels : 1) les renseignements visés par l’attestation sont-ils des renseignements confidentiels du Cabinet au sens des paragraphes 39(1) et (2)? 2) s’agit-il de renseignements que le gouvernement doit protéger compte tenu des intérêts opposés voulant, d’une part, qu’ils soient divulgués et, d’autre part, que la confidentialité soit préservée? Voir l’arrêt Babcock, au paragraphe 22. La protection prévue par le paragraphe 39(1) ne vaut que lorsque le greffier répond affirmativement à ces deux questions.
[176] La Cour conclut que l’attestation datée du 19 mars 2001 et relativement à certaines portions des agendas du PM n’est pas valide en l’espèce. Premièrement, l’attestation a été déposée à l’égard d’instances antérieures de la Cour, et une nouvelle attestation aurait dû être déposée pour la présente demande. Deuxièmement, l’attestation devrait être examinée conformément à l’arrêt Babcock, qui renferme de très importantes nouvelles directives sur le processus d’attestation. Troisièmement, les défendeurs devraient pouvoir expliquer pourquoi l’attestation concernant les agendas du ministre des Transports n’est pas valable en raison de l’arrêt Babcock, alors qu’ils s’appuient toujours sur l’attestation relative aux agendas du PM. Durant l’audience devant la Cour, aucune explication logique n’a été donnée à l’appui de cette juxtaposition et de cette contradiction. La Cour n’est pas disposée à s’en remettre aveuglément à une attestation qui a été délivrée avant l’arrêt Babcock, à l’égard d’une instance antérieure de la Cour, et qui est incompatible avec la position des défendeurs relativement à une attestation semblable déposée à propos des agendas du ministre des Transports.
[177] Enfin, les agendas ne contiennent ni d’« avis ou recommandations » élaborés pour le premier ministre ni de « comptes rendus de consultations ou délibérations » faisant intervenir le premier ministre, et ils ne feraient pas l’objet d’une exception au titre de l’article 21. Le fait qu’une réunion a eu lieu ne dévoile pas l’objet de la réunion.
Conclusion
[178] Les 2 002 pages des agendas du PM archivés sous forme électronique au CPM ne relèvent pas du BCP. Les quatre pages des agendas se trouvant au BCP relèvent du BCP et sont susceptibles de communication en vertu de la Loi sur l’accès, après qu’en auront été soustraits les renseignements personnels susmentionnés. Aucune autre exception ou exclusion n’est applicable.
3. Commissaire de la GRC (dossier T-1210-05)
Les documents en cause
[179] Les documents visés par cette demande sont les agendas de l’ancien premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien. La demande vise 386 pages des agendas du PM qui se trouvaient dans les locaux de la GRC, à la sous-direction connue sous le nom de « Peloton de protection du PM ».
[180] Les documents envoyés à la GRC étaient des copies révisées des agendas originaux en la possession de l’adjoint exécutif du PM, M. Hartley. Ils ne mentionnaient en général que les endroits où allait se rendre le PM et ne contenaient aucune indication sur l’objet des réunions. Cependant, M. Hartley déclare dans son affidavit, souscrit le 25 octobre 2006, que la GRC recevait parfois une copie de l’agenda qui contenait des renseignements additionnels allant au-delà des endroits qui seraient visités.
[181] Selon les conclusions du commissaire, les documents se trouvant à la GRC peuvent être répartis en sept catégories :
1. les pages d’agendas qui ne contiennent pas de renseignements. Plus exactement, ils ne font pas état d’événements prévus ou ils consistent en pages vierges, sauf pour le titre et les heures;
2. les pages d’agendas qui contiennent des éléments de caractère public et/ou des éléments qui font référence à des événements auxquels a assisté le PM et dont était informé le public;
3. les pages d’agendas contenant certains éléments qui sont purement publics et d’autres qui ne sont pas publics. Il s’agit notamment des réunions tenues avec le directeur du Cabinet du PM et/ou avec le greffier du Conseil privé;
4. les pages d’agendas contenant des éléments qui sont de nature personnelle;
5. les pages d’agendas contenant des éléments se rapportant aux fonctions officielles du PM;
6. les pages d’agendas contenant des éléments tantôt de nature officielle, tantôt de nature personnelle; et
7. les pages d’agendas pour lesquels il est difficile de dire si les indications qui s’y trouvent portent sur des activités personnelles ou des activités officielles.
Objet des documents
[182] Les documents étaient envoyés à la GRC pour qu’elle assure la protection du PM 24 heures sur 24. L’ancien commissaire de la GRC, Giuliano Zaccardelli, a déclaré ce qui suit lors de son témoignage devant le commissaire adjoint (dossier de demande, dossier T-1210-05, vol. C-1, à la page 399) :
[traduction]
M. Zaccardelli : Il s’agit essentiellement de la sous-direction du Peloton de protection du premier ministre. Ce sont les gens qui s’occupent des déplacements du premier ministre et qui lui assurent une protection permanente, où qu’il se trouve au Canada, notamment à Ottawa, et partout dans le monde.
[183] Selon la preuve soumise au commissaire et à la Cour, la GRC n’a pas établi de politiques, de consignes de poste, d’instructions ou autres directives régissant le traitement, la réception, l’utilisation ou la destruction des agendas reçus du CPM. Tout agenda qui entrait en possession de la GRC était placé dans un fichier de grande capacité après utilisation. Ces fichiers étaient ensuite éliminés à l’expiration d’une période fixée de rétention (voir lettre de l’avocat du commissaire Zaccardelli datée du 13 février 2003, dossier de demande, dossier T-1210-05, vol. 3, à la page 598).
[184] En 2001, le CPM a mis fin à la pratique consistant à transmettre des copies des agendas du PM à la GRC. Par la suite, le CPM envoyait par télécopieur un « calendrier » du programme du PM indiquant les heures de départ et les destinations des déplacements prévus du PM, avec la consigne suivante : « prière de détruire après lecture ».
Traitement de la demande d’accès
[185] Après que les documents furent trouvés, la GRC a dit que les agendas bénéficieraient d’une exception en vertu des articles 17 et 19 de la Loi et qu’ils ne seraient donc pas communiqués. En outre, la GRC a dit que certaines portions des documents étaient également exclues en vertu du paragraphe 69(1) de la Loi parce qu’il s’agissait de documents confidentiels du Cabinet.
[186] La GRC a cessé de prétendre que l’article 17 de la Loi était applicable, en raison du passage du temps. Le défendeur soutient que les documents sont soustraits à la communication en vertu de l’article 19 de la Loi et que des portions de ces documents devraient également être exclues du champ d’application de la Loi à titre de documents confidentiels du Cabinet visés par le paragraphe 69(1).
Conclusion de la Cour
[187] La Cour conclut :
a) les agendas en la possession de la GRC sont des documents relevant d’une « institution fédérale » selon le paragraphe 4(1) et l’annexe I de la Loi sur l’accès;
b) l’exception de l’article 17, applicable aux « renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la sécurité » du premier ministre, a été abandonnée puisque le passage du temps fait que les habitudes de déplacement de l’ancien premier ministre ne sont plus pertinentes aujourd’hui;
c) l’exception de l’article 19, qui concerne les renseignements personnels, est applicable aux mêmes portions des agendas du PM que celles qui sont mentionnées au paragraphe 169 ci-dessus à l’égard des agendas du PM;
d) l’exclusion prévue par l’article 69, pour les documents confidentiels du Cabinet, n’est pas applicable parce que les agendas ne dévoilent pas l’objet des réunions ni aucun fait essentiel susceptible de constituer un renseignement confidentiel du Conseil privé.
Les documents sont donc susceptibles de divulgation après que le défendeur en aura soustrait les renseignements personnels susmentionnés.
4. Ministre des Transports (dossier T-1211-05)
Les documents en cause
[188] Les documents intéressant cette demande sont les agendas hebdomadaires de l’ancien ministre des Transports, David Collenette, pour la période allant du 30 mai au 6 novembre 1999.
[189] Sur les 46 pages de documents en cause, 23 sont les agendas originaux de l’ancien ministre, chacun correspondant à une semaine durant la période considérée. Comme l’a constaté le commissaire dans son enquête, les agendas font état d’événements qui ont eu lieu pendant la journée et le soir et se rapportent à l’éventail complet des activités du ministre. Il s’agit notamment des obligations du ministre en tant que responsable du MDT, de ses activités politiques et des activités liées à sa circonscription, de ses responsabilités au sein du Cabinet et au sein du caucus et de rendez-vous et engagements personnels. Selon le commissaire, le contenu des agendas du ministre peut être réparti en quatre grandes catégories :
1. le ministre en tant que membre du Cabinet;
2. le ministre en tant que responsable du ministère des Transports;
3. le ministre en tant que particulier; cependant, ces activités peuvent concerner expressément :
i. son parti politique;
ii. sa circonscription ou son rôle en tant que député;
iii. les renseignements personnels d’autres individus;
iv. des dispositions de voyage;
4. les activités publiques du ministre.
Le sujet qui sera débattu aux réunions ou événements énumérés ne sont pas indiqués, alors que certains renseignements logistiques tels que numéros de vol, numéros de téléphone, adresses d’hôtel et tarifs de location de voitures le sont.
[190] Les 23 autres pages sont des copies abrégées des agendas susmentionnés et sont regroupées sous le titre [traduction] « Agenda envoyé au sous-ministre pour la période allant du 30 mai 1999 au 6 novembre 1999 ». Les versions abrégées étaient envoyées régulièrement au sous-ministre des Transports pour l’usage du ministère.
Création et utilisation des documents
[191] Les agendas étaient établis par la secrétaire particulière du ministre avec Sue Ronald, l’attachée de direction du ministre. Mme Ronald et la secrétaire particulière du ministre étaient membres du personnel exonéré. Les documents étaient archivés électroniquement sur un ordinateur situé dans le cabinet du ministre. Aucune copie électronique de l’agenda intégral ou d’une version abrégée n’était archivée ailleurs.
[192] L’accès aux agendas était limité à quatre personnes : le ministre, la secrétaire particulière du ministre, l’attachée de direction du ministre et l’assistante de l’attachée de direction.
[193] Les versions abrégées des agendas étaient préparées pour le cabinet du sous-ministre et remises à celui-ci, pour l’aider dans l’administration du MDT. Le commissaire a ainsi écrit, à la page 5 de son rapport (dossier de demande, dossier T-1211-05, vol. 3, à la page 656) :
[traduction] L’enquête a permis de déterminer que la pratique consistant à remettre une version expurgée de l’agenda du ministre au sous-ministre visait à faciliter la conduite des affaires du ministère. Par exemple, l’agenda aidait le coordonnateur des affaires ministérielles (fonctionnaire du ministère) à s’assurer que les fonctionnaires concernés assistaient aux réunions avec le ministre et que des notes d’information et notes d’allocution portant sur les affaires du ministère étaient préparées pour le ministre.
[194] Ce fait a été confirmé par l’ancienne sous-ministre des Transports, Margaret Bloodworth, dans l’échange suivant avec le commissaire adjoint (dossier de demande, dossier T-1211-05, vol. C-1, aux pages 75 et 76) :
[traduction]
M. Leadbeater : Pourriez-vous me dire pourquoi on vous remet une copie de cet agenda?
Mme Bloodworth : Oui. La coordinatrice des affaires ministérielles, et on peut le voir par les notes manuscrites apparaissant sur cette copie, s’en servirait comme moyen de décider quelles notes d’information sont nécessaires. […] On demandera à un fonctionnaire ministériel de s’en occuper. C’est l’une des choses qu’elle déterminera et dont elle s’assurera, et elle veillera aussi à ce qu’une note d’information soit préparée par le ministère puisqu’il s’agit manifestement d’une réunion intéressant les Transports.
[195] L’attachée de direction, Mme Ronald, a déclaré, dans l’échange suivant avec le commissaire adjoint, qu’il n’existait pas une manière formelle de procéder aux révisions (dossier de demande, dossier T-1211-05, vol. C-1, aux pages 150 et 151) :
[traduction]
M. Leadbeater : […] Ou comment décide-t-on des détails qui figureront dans la version de l’agenda et qui n’apparaissent pas immédiatement à première vue?
[…]
Mme Ronald : Il n’y a pas de méthode. Il n’y a aucune règle absolue. C’est subjectif. La décision pourrait être prise par moi-même. Elle pourrait être prise par le secrétaire particulier du ministre. Elle pourrait aussi être prise par le ministre lui-même. Lorsqu’il demande à sa secrétaire particulière d’organiser quelque chose, il pourrait lui dire qu’il souhaiterait que ce soit inscrit en tant qu’élément privé sur son agenda.
Dans son rapport, le commissaire a écrit que [traduction] « les détails enlevés des agendas […] concernaient des affaires privées ou politiques habituellement sans rapport avec les affaires du ministère ».
[196] Après la révision, des copies papier des agendas abrégés étaient remises au cabinet du sous-ministre pour chaque période suivante de quatre semaines, des versions mises à jour étant envoyées deux ou trois fois par semaine pour rendre compte des changements apportés au programme du ministre.
[197] Le commissaire a constaté que, une fois les copies papier envoyées au sous-ministre, [traduction] « il n’était pas d’usage au cabinet du sous-ministre de conserver ou d’archiver des copies de la version de l’agenda du ministre reçue du cabinet du ministre ». Lorsque les agendas devenaient périmés—c’est-à-dire lorsque les délais auxquels ils s’appliquaient étaient écoulés ou qu’une nouvelle version pour la période suivante avait été remise par le personnel du ministre —les copies périmées étaient détruites par les fonctionnaires du MDT. La sous-ministre a déclaré ce qui suit (dossier de demande, dossier T-1211-05, vol. C-1, à la page 79) :
[traduction]
Mme Bloodworth : […] Nous les considérons comme des dossiers temporaires qui nous permettent de dire ce que nous devons faire, puis nous préparons ce qui doit être préparé pour le ministre, et nous nous en débarrassons.
L’attachée de direction du ministre a aussi témoigné que le personnel du ministre détruisait les copies périmées des agendas.
Les agendas hebdomadaires du ministre relèvent-ils du ministère des Transports?
[198] Sur le fondement de la preuve dont il était saisi, le commissaire a conclu que les documents en cause relevaient du MDT aux fins de la Loi, puisque leur contenu se rapportait au « portefeuille » du ministre en tant que responsable du MDT. À cet égard, le commissaire a tiré les conclusions suivantes, aux pages 36 et 37 de son rapport (dossier de demande, dossier T-1211-05, vol. 3, aux pages 685 et 686) :
[traduction]
1. À la date de la demande d’accès, la version expurgée, en copie papier, de l’agenda de l’ancien ministre, qui avait été envoyée au sous-ministre, n’existait plus dans les dossiers du cabinet du sous-ministre.
Je suis d’avis que la décision d’archiver cette version dans le cabinet du ministre n’empêche pas ces documents de relever du MDT aux fins de l’article 4 de la Loi. Ces versions ont été établies à l’intention de la sous-ministre et ses fonctionnaires. Il n’est pas contesté que la sous-ministre n’aurait jamais pu extraire des copies antérieures à partir de la version annexée du ministre. Le paragraphe 4(3) de la Loi imposait d’ailleurs l’extraction ou la reconstitution des documents conservés dans les bases de données. Autrement dit, même d’après le principe préconisé par le MDT pour dire si un document relève ou non d’une institution fédérale, je suis d’avis que cette version de l’agenda du ministre relevait du ministère des Transports à l’époque de la demande d’accès.
2. Je suis d’avis que, prenant en compte les facteurs exposés précédemment, y compris le contenu, les objets et les utilisations de l’agenda du ministre, ainsi que le rôle et le statut du ministre et des personnes à l’origine des documents, la copie non expurgée des documents relevait du MDT à l’époque de la demande d’accès.
[199] Je conviens avec le commissaire que le fait que les agendas archivés se trouvaient dans le cabinet du ministre n’empêche pas automatiquement ces agendas de relever du MDT. Pour bien interpréter le sens de l’expression « relevant de », la Cour doit aller au-delà de la possession matérielle du contenu des documents et au-delà des circonstances dans lesquelles ils ont été préparés.
a) Contenu
[200] En ce qui concerne les copies abrégées des agendas hebdomadaires du ministre, il ressort clairement de la preuve que ces documents étaient remis à la sous-ministre pour faciliter l’administration du MDT. En outre, même si l’attachée de direction du ministre a témoigné que la sous-ministre pouvait exercer ses fonctions sans recevoir une copie de l’agenda abrégé, elle a néanmoins admis que l’attachée de direction aurait davantage de travail à faire pour bien coordonner les réunions du ministère. Les copies abrégées de l’agenda étaient préparées à l’intention du ministère et servaient à faciliter les affaires ministérielles.
b) Circonstances
[201] Selon la preuve soumise à la Cour, des copies des agendas abrégés étaient remises à la sous-ministre pour un temps limité, et à la condition qu’elles soient détruites une fois passée la date de l’agenda. La sous-ministre a confirmé cela dans son témoignage, ajoutant qu’elle ne croyait pas raisonnablement être en mesure d’obtenir une autre copie de l’agenda après que sa date était passée, parce que ces agendas étaient limités au cabinet du ministre. Les agendas étaient gardés de façon strictement confidentielle par le cabinet du ministre. Ce point ressort de l’échange suivant entre la sous-ministre et le commissaire adjoint (dossier de demande, dossier T-1211-05, vol. C-1, à la page 87) :
[traduction]
M. Leadbeater : Alors, si ces versions sont les mêmes versions que celles du cabinet du ministre, c’est quelque chose que nous ne savons pas à ce stade et, si elles avaient déjà été détruites par votre personnel, ne serait-il pas raisonnable d’obtenir du cabinet du ministre les versions qui avaient déjà été remises à votre bureau?
Mme Bloodworth : Non.
M. Leadbeater: Et expliquez-moi pourquoi vous pensez qu’il n’en serait pas ainsi, à supposer qu’il s’agisse des mêmes versions?
Mme Bloodworth : À mon avis, et je crois que cet avis correspond à l’opinion qui a cours, du moins du côté du gouvernement, les documents qui se trouvent dans le cabinet d’un ministre ne sont pas visés par les demandes d’accès à l’information. Je ne voudrais pas m’engager dans un débat juridique sur la question. J’expose simplement mon point de vue à cet égard.
[202] Étant donné ce témoignage, je suis d’avis que les agendas abrégés périmés ne relevaient pas du MDT au moment où la demande d’accès a été déposée. La présente affaire s’apparente à celle de Rubin, précitée, où le juge Blanchard est arrivé à la même conclusion. Les agendas relèvent exclusivement (et sont sous la garde exclusive) du cabinet du ministre, et la Cour d’appel fédérale a dit en 2004, dans un obiter dictum, qu’il s’agit de documents ne relevant pas d’une institution fédérale : voir l’arrêt Société canadienne des postes n° 2, précité, au paragraphe 3, juge Décary.
[203] En ce qui a trait aux agendas non abrégés, il ressort de la preuve qu’ils n’étaient pas remis au sous-ministre ni à quiconque au MDT. Le contenu restant des agendas non abrégés, contrairement à celui des agendas abrégés, traitait de vastes catégories circonscrites par le commissaire au cours de l’audience, des catégories qui ne concernaient pas les attributions du ministre en tant que responsable du MDT. Pour cette raison, la Cour arrive à la conclusion que ces agendas non abrégés ne constituent pas des documents qui relèvent d’une institution fédérale et dont le public a le droit d’obtenir communication en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès.
[204] Subsidiairement, la Cour examinera les exclusions et exceptions invoquées à l’égard des agendas dans la présente demande.
Application de l’article 19 — l’exception relative aux renseignements personnels
[205] S’agissant de l’application de l’article 19 de la Loi, l’argument du défendeur reflète celui qu’il avançait dans le dossier relatif au PM, à savoir que les renseignements figurant dans les agendas « sont inextricablement liés » au ministre en tant que particulier et que, pour cette raison, les agendas devraient être intégralement soustraits à toute divulgation.
[206] Le commissaire estime toutefois que, même si certains renseignements figurant dans les agendas sont des « renseignements personnels » au sens de l’article 19, les autres renseignements pourraient être raisonnablement prélevés puis communiqués conformément à la Loi.
[207] Comme la Cour a conclu que les agendas non abrégés ne constituent pas des documents relevant d’une institution fédérale, la question de l’application de l’article 19 ne se pose pas. Si elle se posait, la Cour appliquerait ainsi l’article 19 :
1. les renseignements se rapportant à la position, aux fonctions ou aux responsabilités du ministre en tant que cadre de l’administration ne font pas l’objet d’une exception en tant que renseignements personnels;
2. les agendas non abrégés doivent être remis au défendeur pour que les éléments de l’agenda qui se rapportent à ses rendez-vous en tant que ministre soient séparés de ceux qui se rapportent à ses rendez-vous en tant que particulier;
3. les renseignements personnels, par exemple les noms des personnes figurant dans les agendas qui ne sont pas des cadres ou employés de l’administration, doivent être enlevés parce qu’ils constituent des « renseignements personnels ».
Application du paragraphe 21(1) — l’exception relative aux avis et recommandations
[208] L’alinéa 21(1)a) de la Loi soustrait à la divulgation les renseignements contenant « des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre ». Le commissaire fait valoir que les exceptions invoquées par le défendeur ne sont pas justifiées parce que les documents étaient réduits à l’essentiel et ne renfermaient rien qui puisse être considéré comme des « avis ou recommandations » ou comme des « comptes rendus de consultations ou délibérations » au sens du paragraphe 21(1).
[209] Je conviens avec le commissaire que la liste de rendez-vous ne révèle aucun élément qui serait soustrait à la divulgation en vertu de l’article 21. Une liste de réunions ne dévoile pas des « avis ou recommandations » ni des « comptes rendus de consultations ou délibérations ».
Conclusion sur le dossier relatif au ministre des Transports
[210] Après examen, la Cour estime que, même si le contenu des agendas abrégés se rapporte à des affaires ministérielles, les circonstances dans lesquelles les agendas abrégés ont été préparés montrent que le sous-ministre ne pouvait pas demander ni obtenir une ancienne copie de l’agenda, abrégé ou non. Les anciennes copies étaient limitées au cabinet du ministre. La copie qui avait été envoyée au sous-ministre l’avait été pour une période restreinte, et à la condition bien comprise qu’elle soit détruite une fois sa date passée. Par conséquent, la Cour doit conclure que, à la date où la demande d’accès a été déposée, les anciens agendas ne relevaient en aucune façon de l’institution fédérale.
VIII. CONCLUSIONS GÉNÉRALES DE LA COUR
[211] Les conclusions de la Cour sont les suivantes :
Les trois questions générales
1. le CPM, le cabinet du ministre des Transports et le cabinet du ministre de la Défense nationale ne sont pas des « institutions fédérales » et ne font pas partie d’« institutions fédérales » visées par le paragraphe 4(1) et l’annexe I de la Loi sur l’accès;
2. un document « qui relève d’une institution fédérale » visé par le paragraphe 4(1) de la Loi comprend les documents se trouvant dans le CPM ou dans d’autres cabinets ministériels qui :
i. se rapportent à une affaire ministérielle;
ii. ont été créés dans des circonstances telles que le sous-ministre ou un autre haut fonctionnaire de l’institution fédérale pourrait demander et raisonnablement obtenir une copie de ce document pour donner suite à la question dont il traite;
3. selon la signification et la portée des exceptions suivantes prévues dans la Loi sur l’accès,
i. l’exception de l’article 19 qui concerne les « renseignements personnels » ne soustrait pas à la divulgation les agendas d’un ministre, y compris ceux du premier ministre, pour ce qui a trait aux rendez-vous se rapportant à ses obligations et fonctions en tant que ministre;
ii. cependant, les rendez-vous de nature privée, non rattachés aux fonctions, sont soustraits à la divulgation en tant que « renseignements personnels ». Également, les noms de particuliers apparaissant dans les agendas, et s’il ne s’agit pas de cadres ou d’employés de l’administration fédérale, sont des « renseignements personnels » soustraits à la divulgation en vertu de la Loi sur l’accès. Par conséquent, si le PM rencontre une personnalité politique, un homme d’affaires, un lobbyiste ou même l’administrateur général d’une société d’État, le nom de cette personne est un renseignement personnel et il est soustrait à la divulgation;
iii. les agendas du PM et du ministre des Transports ne renferment pas de détails sur l’objet des réunions; ils se limitent à indiquer les dates des réunions. L’avis d’une réunion ne dévoile pas des avis ou recommandations se rapportant à cette réunion. Par conséquent, l’exception du paragraphe 21(1) ne s’applique pas;
iv. l’exclusion des renseignements et documents confidentiels du Cabinet fondée sur l’article 69 de la Loi sur l’accès et l’article 39 de la LPC ne s’applique pas aux agendas parce que ceux-ci n’indiquent pas l’objet des réunions et ne révèlent donc pas de renseignements confidentiels du Conseil privé. Le fait qu’une réunion a eu lieu n’a pas pour effet de révéler un renseignement confidentiel du Cabinet;
Les documents du ministre de la Défense nationale
4. les 648 pages de documents qui se trouvaient dans le cabinet du ministre de la Défense nationale et qui concernaient les réunions M5 sont en partie susceptibles de divulgation en vertu de la Loi :
i. les notes personnelles du personnel exonéré du ministre n’auraient pas été communiquées aux fonctionnaires du MDN s’ils en avaient fait la demande. La Cour a des raisons de penser que toute demande de communication de renseignements figurant dans les notes serait traitée par le personnel exonéré dans un procès-verbal dactylographié de la réunion. Par conséquent, les notes personnelles consignées durant les réunions par le personnel exonéré ne relevaient aucunement du MDN;
ii. les courriels échangés au sein du cabinet du ministre ne relèvent pas du MDN;
iii. les ordres du jour des réunions M5, qui étaient à l’origine remis au sous-ministre et au chef d’état-major de la Défense, seraient raisonnablement communiqués sur demande, de telle sorte qu’ils relèvent du MDN; et
iv. les 39 pages de documents divers, lesquels comprennent des notes de service et des notes d’information à l’intention du ministre et étaient à l’origine remis au sous-ministre et/ou au chef d’état-major de la Défense, seraient raisonnablement communiquées encore au sous-ministre et/ou au chef d’état-major de la Défense et, par conséquent, elles relèvent du MDN;
Les agendas du PM
5. sur les 2 006 pages de documents découvertes durant l’enquête du commissaire, seules les quatre pages se trouvant au BCP sont susceptibles de communication en vertu de la Loi :
i. les 2 002 pages des agendas du PM archivés au CPM n’auraient pas pu être obtenues par le greffier du Conseil privé sur demande après la date qu’ils portaient. Le CPM préparait une version révisée des agendas, laquelle était envoyée quotidiennement au greffier pour une période restreinte, à la condition que ces versions révisées soient détruites chaque jour. Selon le témoignage non équivoque de l’adjoint exécutif du PM, il aurait refusé de remettre après coup les agendas au greffier, sauf directive contraire du PM ou du directeur du cabinet du PM. La Cour a des raisons de penser que l’adjoint exécutif aurait envoyé au greffier une note de service, accompagnée de tout renseignement demandé portant sur une réunion passée, au lieu de lui envoyer une copie de l’ancien agenda. Par conséquent, ces agendas ne relevaient pas du BCP;
ii. les quatre pages des agendas révisés qui se trouvaient dans les locaux du BCP relèvent du BCP et doivent être divulguées en vertu de la Loi sur l’accès, sauf les rendez-vous du PM qui concernent sa vie personnelle et non ses fonctions ou obligations en tant que premier ministre, et sauf les noms des personnes qui ne sont pas des employés ou des cadres de l’administration fédérale (y compris de personnes telles que l’administrateur général d’une société d’État, l’agent de financement d’un parti politique, un lobbyiste ou un homme d’affaires). Ces renseignements sont des renseignements personnels de l’intéressé et sont soustraits à la divulgation en tant que « renseignements personnels » selon l’article 19 de la Loi sur l’accès;
iii. puisque les agendas ne font pas état de l’objet des réunions, ils ne dévoilent pas de renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine tombant sous le coup de l’exclusion prévue à l’article 69 de la Loi sur l’accès ou l’article 39 de la LPC. Pareillement, les agendas ne contiennent pas d’avis ou de recommandations à l’intention du premier ministre, ni de comptes rendus de consultations ou de délibérations avec le premier ministre, et ils ne sont donc pas soustraits à la divulgation en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi sur l’accès;
Les documents de la GRC
6. les 386 pages des agendas du PM se trouvant dans les locaux de la GRC relèvent de la GRC et sont susceptibles de divulgation en vertu de la Loi sur l’accès, sauf les « renseignements personnels », soustraits à la divulgation en vertu l’article 19, qui sont mentionnés plus haut;
Les documents du ministre des Transports
7. les 46 pages d’agendas hebdomadaires de l’ancien ministre des Transports ne sont pas susceptibles de communication en vertu de la Loi :
i. une copie abrégée de ces agendas, qui représentent 23 pages des documents, était archivée dans le cabinet du ministre, et elle était préparée et remise au sous-ministre pour faciliter l’administration du MDT. Cependant, ces agendas abrégés lui étaient remis pour une période limitée, et à la condition qu’ils soient détruits une fois qu’était passée la date qu’ils portaient. La sous-ministre a témoigné qu’elle ne croyait pas raisonnablement être en mesure d’obtenir une autre copie des agendas après qu’était passée la date qu’ils portaient, parce que les agendas étaient limités au cabinet du ministre. Compte tenu de ce témoignage, les agendas abrégés passés ne relevaient pas du MDT à la date où la demande d’accès a été déposée;
ii. s’agissant des agendas non abrégés du ministre des Transports, qui représentaient les 23 autres pages, il ressort de la preuve qu’ils n’étaient pas remis au sous-ministre ni à quiconque au sein du ministère des Transports. Pour cette raison, ces agendas non abrégés ne sont pas des documents relevant d’une institution fédérale;
Observations générales
8. les agendas du PM ne sont pas susceptibles de divulgation en vertu de la Loi actuelle sur l’accès, mais la Cour fait remarquer que, même si les agendas du PM étaient accessibles, les noms des personnes qui ne sont pas des employés de l’administration fédérale en seraient supprimés, puisqu’il s’agit de « renseignements personnels » visés par l’article 19 de la Loi. Cela contrarierait les desseins de l’auteur d’une demande d’accès qui voudrait savoir si le PM a rencontré telle ou telle personne; et
9. la Cour ne décide pas si des documents tels que les agendas du PM devraient être accessibles au public. Il n’appartient pas à la Cour de légiférer ou de changer la loi. Si le législateur souhaite que les agendas du PM soient accessibles au public, il doit modifier la Loi sur l’accès en ce sens.
IX. DÉPENS
[212] Les quatre demandes sont rejetées en ce qui concerne la majorité des documents sollicités. Cependant, les demandes sont accueillies pour une petite portion du dossier relatif au ministre de la Défense nationale (dossier T-210-05), une petite portion du dossier relatif au PM (dossier T-1209-05) et une portion importante du dossier relatif à la GRC (dossier T-1210-05). La demande portant sur le dossier relatif au ministre des Transports (dossier T-1211-05) a été rejetée dans son intégralité. Puisque le résultat est partagé, la Cour n’adjugera pas de dépens.
[213] Le commissaire a demandé à la Cour d’exercer le pouvoir que lui confère le paragraphe 53(2) de la Loi, c’est-à-dire de lui accorder les frais et dépens, même s’il a finalement été débouté. En effet, selon le commissaire, les demandes dont il s’agit ici soulevaient d’importants nouveaux principes qui intéressent l’application de la Loi. La Cour ne partage pas cet avis. Elle a appliqué la jurisprudence existante aux documents existants en cause, afin d’évaluer leur contenu et la preuve intéressant les circonstances dans lesquelles les documents ont été préparés. Le commissaire a invité la Cour à interpréter l’expression « relevant de » comme une expression englobant tout document qui se trouve dans le cabinet d’un ministre et qui se rapporte à une affaire ministérielle, mais cette interprétation n’est pas autorisée par la jurisprudence et, de l’avis de la Cour, elle étendrait indûment le sens de l’expression. Si cette interprétation devait être retenue, tout document se trouvant dans le cabinet d’un ministre et se rapportant au ministère relèverait de l’institution fédérale. Institution fédérale serait alors synonyme de cabinet du ministre aux fins de la Loi actuelle sur l’accès. Si le législateur souhaite que tels documents soient accessibles au public, il lui appartient de modifier la Loi sur l’accès.
JUGEMENT
LA COUR STATUE QUE :
1. La demande de contrôle judiciaire se rapportant aux documents du cabinet du ministre de la Défense nationale dans le dossier T-210-05 est accueillie d’une manière restreinte :
a) les notes personnelles du personnel exonéré du ministre et les courriels échangés au sein du cabinet du ministre ne sont pas susceptibles d’accès en vertu de la Loi;
b) les agendas et les documents divers relatifs aux réunions M5 et initialement remis au sous-ministre et/ou au chef d’état-major de la Défense sont susceptibles de divulgation, tandis que le reste des agendas et des documents divers ne l’est pas;
2. La demande de contrôle judiciaire se rapportant aux documents du Cabinet du Premier ministre dans le dossier T-1209-05 est accueillie d’une manière restreinte :
a) les 2 002 pages des agendas de l’ancien PM qui sont archivés au CPM ne sont pas susceptibles de divulgation en vertu de la Loi;
b) les quatre pages des agendas révisés se trouvant au BCP sont susceptibles de divulgation, sauf les portions des agendas qui concernent la vie personnelle du PM et les noms des particuliers qui ne sont pas des employés ou des cadres de l’administration fédérale;
3. La demande de contrôle judiciaire se rapportant aux agendas de l’ancien PM et se trouvant dans les locaux de la GRC dans le dossier T-1210-05 est pour l’essentiel accueillie :
a) les 386 pages des agendas du PM sont susceptibles de divulgation en vertu de la Loi, sauf les portions se rapportant à la vie personnelle du PM et les noms des particuliers qui ne sont pas des employés ou cadres de l’administration fédérale;
4. La demande de contrôle judiciaire se rapportant aux documents du cabinet de l’ancien ministre des Transports dans le dossier T-1211-05 est rejetée :
a) les agendas abrégés et non abrégés de l’ancien ministre des Transports ne sont pas susceptibles de divulgation en vertu de la Loi;
5. Dans un délai de 60 jours après la date du présent jugement, les défendeurs communiqueront aux auteurs des demandes d’accès les portions des documents susceptibles de divulgation en vertu de la Loi, après en avoir prélevé les portions indiquées ci-dessus. S’il y a désaccord sur une divulgation ou un prélèvement, le commissaire pourra renvoyer l’affaire à la Cour dans un délai de 30 jours après que les défendeurs auront achevé le travail de prélèvement et de divulgation;
6. Aucuns dépens ne sont adjugés.
APPENDICE A
1. Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1
3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi
« institution fédérale »
a) Tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l’annexe I;
b) toute société d’État mère ou filiale à cent pour cent d’une telle société, au sens de l’article 83 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
[…]
« responsable d’institution fédérale »
a) Le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada sous l’autorité duquel est placé un ministère ou un département d’État;
b) la personne désignée en vertu du paragraphe 3.2(2) à titre de responsable, pour l’application de la présente loi, d’une institution fédérale autre que celles visées à l’alinéa a) ou, en l’absence d’une telle désignation, le premier dirigeant de l’institution, quel que soit son titre.
[…]
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :
a) les citoyens canadiens;
b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
[…]
10. (1) En cas de refus de communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi, l’avis prévu à l’alinéa 7a) doit mentionner, d’une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à l’information et, d’autre part :
a) soit le fait que le document n’existe pas;
b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou, s’il n’est pas fait état de l’existence du document, la disposition sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si le document existait.
(2) Le paragraphe (1) n’oblige pas le responsable de l’institution fédérale à faire état de l’existence du document demandé.
[…]
17. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la sécurité des individus.
[…]
19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :
a) l’individu qu’ils concernent y consent;
b) le public y a accès;
c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[…]
21. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant :
a) des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;
b) des comptes rendus de consultations ou délibérations auxquelles ont participé des administrateurs, dirigeants ou employés d’une institution fédérale, un ministre ou son personnel;
c) des projets préparés ou des renseignements portant sur des positions envisagées dans le cadre de négociations menées ou à mener par le gouvernement du Canada ou en son nom, ainsi que des renseignements portant sur les considérations qui y sont liées;
d) des projets relatifs à la gestion du personnel ou à l’administration d’une institution fédérale et qui n’ont pas encore été mis en œuvre.
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux documents contenant :
a) le compte rendu ou l’exposé des motifs d’une décision qui est prise dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou rendue dans l’exercice d’une fonction judiciaire ou quasi-judiciaire et qui touche les droits d’une personne;
b) le rapport établi par un consultant ou un conseiller qui, à l’époque où le rapport a été établi, n’était pas un administrateur, un dirigeant ou un employé d’une institution fédérale ou n’appartenait pas au personnel d’un ministre, selon le cas.
[…]
25. Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s’autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.
26. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication totale ou partielle d’un document s’il a des motifs raisonnables de croire que le contenu du document sera publié en tout ou en partie par une institution fédérale, un mandataire du gouvernement du Canada ou un ministre dans les quatre-vingt-dix jours suivant la demande ou dans tel délai supérieur entraîné par les contraintes de l’impression ou de la traduction en vue de l’impression.
[…]
30. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à l’information reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes :
a) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la communication totale ou partielle d’un document qu’elles ont demandé en vertu de la présente loi;
b) déposées par des personnes qui considèrent comme excessif le montant réclamé en vertu de l’article 11;
c) déposées par des personnes qui ont demandé des documents dont les délais de communication ont été prorogés en vertu de l’article 9 et qui considèrent la prorogation comme abusive;
d) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la traduction visée au paragraphe 12(2) ou qui considèrent comme contre-indiqué le délai de communication relatif à la traduction;
d.1) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la communication des documents ou des parties en cause sur un support de substitution au titre du paragraphe 12(3) ou qui considèrent comme contre-indiqué le délai de communication relatif au transfert;
e) portant sur le répertoire ou le bulletin visés à l’article 5;
f) portant sur toute autre question relative à la demande ou à l’obtention de documents en vertu de la présente loi.
(2) Le Commissaire à l’information peut recevoir les plaintes visées au paragraphe (1) par l’intermédiaire d’un représentant du plaignant. Dans les autres articles de la présente loi, les dispositions qui concernent le plaignant concernent également son représentant.
(3) Le Commissaire à l’information peut lui-même prendre l’initiative d’une plainte s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une enquête devrait être menée sur une question relative à la demande ou à l’obtention de documents en vertu de la présente loi.
[…]
38. Dans les trois mois suivant la fin de chaque exercice, le Commissaire à l’information présente au Parlement le rapport des activités du commissariat au cours de l’exercice.
[…]
42. (1) Le Commissaire à l’information a qualité pour :
a) exercer lui-même, à l’issue de son enquête et dans les délais prévus à l’article 41, le recours en révision pour refus de communication totale ou partielle d’un document, avec le consentement de la personne qui avait demandé le document;
b) comparaître devant la Cour au nom de la personne qui a exercé un recours devant la Cour en vertu de l’article 41;
c) comparaître, avec l’autorisation de la Cour, comme partie à une instance engagée en vertu des articles 41 ou 44.
(2) Dans le cas prévu à l’alinéa (1)a), la personne qui a demandé communication du document en cause peut comparaître comme partie à l’instance.
[…]
48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document incombe à l’institution fédérale concernée.
[…]
53. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.
(2) Dans les cas où elle estime que l’objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.
[…]
69. (1) La présente loi ne s’applique pas aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, notamment aux :
a) notes destinées à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;
b) documents de travail destinés à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l’examen du Conseil;
c) ordres du jour du Conseil ou procès-verbaux de ses délibérations ou décisions;
d) documents employés en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;
e) documents d’information à l’usage des ministres sur des questions portées ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l’objet des communications ou discussions visées à l’alinéa d);
f) avant-projets de loi ou projets de règlement;
g) documents contenant des renseignements relatifs à la teneur des documents visés aux alinéas a) à f).
(2) Pour l’application du paragraphe (1), « Conseil » s’entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas:
a) aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l’existence remonte à plus de vingt ans;
b) aux documents de travail visés à l’alinéa (1)b), dans les cas où les décisions auxquelles ils se rapportent ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.
2. Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5
3. Est constitué le ministère de la Défense nationale, placé sous l’autorité du ministre de la Défense nationale. Celui-ci est nommé par commission sous le grand sceau.
4. Le ministre occupe sa charge à titre amovible et est responsable des Forces canadiennes; il est compétent pour toutes les questions de défense nationale, ainsi que pour :
a) la construction et l’entretien des établissements et ouvrages de défense nationale;
b) la recherche liée à la défense nationale et à la mise au point et au perfectionnement des matériels.
3. Loi sur le ministère des Transports, L.R.C. (1985), ch. T-18
3. (1) Est constitué le ministère des Transports, placé sous l’autorité du ministre des Transports. Celui-ci est nommé par commission sous le grand sceau.
(2) Le ministre occupe sa charge à titre amovible; il assure la direction et la gestion du ministère.
4. Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11
7. Bibliothèque et Archives du Canada a pour mission:
a) de constituer et de préserver le patrimoine documentaire;
b) de faire connaître ce patrimoine aux Canadiens et à quiconque s’intéresse au Canada, et de le rendre accessible;
c) d’être le dépositaire permanent des publications des institutions fédérales, ainsi que des documents fédéraux et ministériels qui ont un intérêt historique ou archivistique;
d) de faciliter la gestion de l’information par les institutions fédérales;
e) d’assurer la coordination des services de bibliothèque des institutions fédérales;
f) d’appuyer les milieux des archives et des bibliothèques.
5. Loi sur la protection des renseignements pesonnels, L.R.C. (1985), ch. P-21
3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« renseignements personnels » Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment :
a) les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille;
b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé;
c) tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre;
d) son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe sanguin;
e) ses opinions ou ses idées personnelles, à l’exclusion de celles qui portent sur un autre individu ou sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à octroyer à un autre individu par une institution fédérale, ou subdivision de celle-ci visée par règlement;
f) toute correspondance de nature, implicitement ou explicitement, privée ou confidentielle envoyée par lui à une institution fédérale, ainsi que les réponses de l’institution dans la mesure où elles révèlent le contenu de la correspondance de l’expéditeur;
g) les idées ou opinions d’autrui sur lui;
h) les idées ou opinions d’un autre individu qui portent sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à lui octroyer par une institution, ou subdivision de celle-ci, visée à l’alinéa e), à l’exclusion du nom de cet autre individu si ce nom est mentionné avec les idées ou opinions;
i) son nom lorsque celui-ci est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet;
toutefois, il demeure entendu que, pour l’application des articles 7, 8 et 26, et de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information, les renseignements personnels ne comprennent pas les renseignements concernant :
j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment:
(i) le fait même qu’il est ou a été employé par l’institution,
(ii) son titre et les adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail,
(iii) la classification, l’éventail des salaires et les attributions de son poste,
(iv) son nom lorsque celui-ci figure sur un document qu’il a établi au cours de son emploi,
(v) les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de son emploi;
k) un individu qui, au titre d’un contrat, assure ou a assuré la prestation de services à une institution fédérale et portant sur la nature de la prestation, notamment les conditions du contrat, le nom de l’individu ainsi que les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de la prestation;
l) des avantages financiers facultatifs, notamment la délivrance d’un permis ou d’une licence accordés à un individu, y compris le nom de celui-ci et la nature précise de ces avantages;
m) un individu décédé depuis plus de vingt ans.
6. Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11
2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« fonctionnaire public » Ministre ou toute autre personne employée dans l’administration publique fédérale.
7. Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21
2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« fonctionnaire public » Agent de l’administration publique fédérale dont les pouvoirs ou obligations sont prévus par un texte.
8. Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5
39. (1) Le tribunal, l’organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s’opposent à la divulgation d’un renseignement, tenus d’en refuser la divulgation, sans l’examiner ni tenir d’audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.
(2) Pour l’application du paragraphe (1), un « renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada » s’entend notamment d’un renseignement contenu dans :
a) une note destinée à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;
b) un document de travail destiné à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l’examen du Conseil;
c) un ordre du jour du Conseil ou un procès-verbal de ses délibérations ou décisions;
d) un document employé en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;
e) un document d’information à l’usage des ministres sur des questions portées ou qu’il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l’objet des communications ou discussions visées à l’alinéa d);
f) un avant-projet de loi ou projet de règlement.
(3) Pour l’application du paragraphe (2), « Conseil » s’entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.
(4) Le paragraphe (1) ne s’applique pas :
a) à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l’existence remonte à plus de vingt ans;
b) à un document de travail visé à l’alinéa (2)b), dans les cas où les décisions auxquelles il se rapporte ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.