[1993] 2 C.F. 641
A-1362-92
Canadien Pacifique Limitée et Unitel Communications Inc. (appelantes) (requérantes)
c.
La bande indienne de Matsqui et le conseil de la bande indienne de Matsqui (intimés) (intimés)
Répertorié : Canadien Pacifique Ltée. c. Bande indienne de Matsqui (C.A.)
Cour d’appel, juges Pratte, Décary et Robertson, J.C.A.—Vancouver, 25 mars; Ottawa, 16 avril 1993.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première instance — Un règlement d’évaluation en matière de taxation, pris sous le régime de l’art. 83 de la Loi sur les Indiens, prévoit un appel à la Cour fédérale — La compétence de la Cour fédérale est établie par des lois — Le conseil de la bande tire uniquement de l’art. 83 son pouvoir de prévoir un appel contre les cotisations — Cet article ne confère pas aux conseils de bande le pouvoir d’étendre la compétence de la Cour fédérale en établissant un droit d’appel devant ce tribunal — Le règlement créant un droit d’appel à la Cour fédérale est ultra vires — Le contrôle judiciaire des avis de cotisation envoyés en vertu de ce règlement n’est pas exclu par l’art. 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale (qui interdit le contrôle judiciaire lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel à la Cour).
Contrôle judiciaire — Appel contre une ordonnance annulant la demande de contrôle judiciaire des avis de cotisation envoyés par le conseil de bande en vertu d’un règlement pris conformément à l’art. 83 de la Loi sur les Indiens à l’égard d’une bande de terrain parcourant la réserve — CP conteste le pouvoir d’imposition prévu à l’art. 83 en prétendant que, puisqu’elle est propriétaire du terrain, celui-ci n’est pas situé « dans la réserve » — Il ne relève pas de la compétence des tribunaux créés par règlement de résoudre des questions préliminaires fondamentales comme celle de savoir si le terrain est situé « dans la réserve », et celles portant sur la validité et la nature du titre de CP — Les procédures d’appel prévues par le règlement ne constituent pas un autre recours efficace.
Peuples autochtones — Taxation — Le conseil de bande a envoyé des avis de cotisation en vertu du règlement d’évaluation en matière de taxation pris conformément à l’art. 83 de la Loi sur les Indiens — CP soutient que, puisqu’elle est propriétaire du terrain, celui-ci n’est pas situé « dans la réserve » et il n’est pas imposable — Le règlement visant à établir un droit d’appel à la Cour fédérale est ultra vires — L’art. 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale n’exclut pas le contrôle judiciaire — Les tribunaux créés par règlement n’ont pas la compétence pour résoudre des questions préliminaires fondamentales comme celle de savoir si le terrain est situé dans la réserve, et celles portant sur la validité et la nature du titre de CP — Les autres procédures d’appel prévues par le règlement ne constituent pas un autre recours efficace.
Il s’agit d’un appel d’une ordonnance annulant une demande de contrôle judiciaire. Conformément à l’article 83 de la Loi sur les Indiens (qui autorise le conseil de bande à prendre des règlements administratifs en matière d’imposition de taxes à des fins locales, sur les immeubles situés dans la réserve), le conseil de la bande de Matsqui a pris des règlements administratifs de taxation et d’évaluation. En vertu du paragraphe 83(3), ces règlements « doivent prévoir la procédure de contestation de l’évaluation en matière de taxation ». Les règlements prévoyaient la cotisation de tous les biens immeubles situés dans la réserve, l’établissement de tribunaux de révision, qui entendent les appels formés contre les cotisations, la constitution d’un comité de révision des cotisations, qui entend les appels formés contre les décisions des tribunaux de révision, et l’appel à la Cour fédérale des décisions de ce comité, sur des questions de droit. Des avis de cotisation ont été envoyés aux appelantes à l’égard d’une certaine bande de terrain parcourant la réserve, sur laquelle, d’une part, CP avait jeté des voies ferrées et, d’autre part, Unitel avait posé des câbles de fibres optiques pour les fins de son entreprise de communication. Les appelantes ont introduit une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler les cotisations pour le motif que la bande n’a pas le pouvoir d’imposer les immeubles qui ne sont pas situés dans la réserve. En outre, puisque CP est propriétaire de la bande de terrain, celle-ci n’est pas située dans la réserve, qui est définie comme une « parcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire ». Le juge de première instance a annulé la demande de contrôle judiciaire puisque le règlement d’évaluation prévoyait un autre recours efficace. Il ne s’est pas prononcé sur la prétention selon laquelle, en vertu de l’article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, qui écarte le contrôle judiciaire lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel devant la Cour, la décision ne peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.
Arrêt : l’appel doit être accueilli.
Le règlement, qui crée un droit d’appel à la Cour fédérale, est ultra vires, et il ne peut être invoqué pour interdire le contrôle judiciaire d’une cotisation en vertu de l’article 18.1. La Loi sur la Cour fédérale, entre autres lois, établit la compétence de la Cour fédérale. Un règlement administratif pris conformément à la Loi sur les Indiens ne peut étendre la compétence de la Cour au-delà des limites fixées par le législateur que si une disposition législative autorise un tel règlement. Les intimés tirent uniquement de l’article 83 leur pouvoir de prévoir un appel contre les cotisations. Cet article ne confère pas aux conseils de bande le pouvoir d’étendre la compétence de la Cour fédérale en créant un droit d’appel devant ce tribunal.
Il ne relève pas de la compétence des tribunaux créés par règlement de résoudre des questions préliminaires fondamentales comme celle de savoir si le terrain des appelantes est situé « dans la réserve » et si le titre de CP est valable, et celle portant sur la nature du droit acquis en vertu du titre. En prévoyant que les règlements de taxation pris conformément au paragraphe 83(3) « doivent prévoir la procédure de contestation de l’évaluation en matière de taxation », le législateur ne souhaitait pas investir d’une telle compétence les tribunaux d’appel créés en vertu des règlements administratifs. En ce qui concerne la résolution des questions énoncées précédemment, ces tribunaux sont logés à la même enseigne que les tribunaux d’instance inférieure, auxquels le législateur n’a pas conféré le pouvoir de déterminer leur propre compétence, mais qui, néanmoins, doivent quelquefois prendre position sur le sujet. Leurs décisions sur de telles questions ne sont ni obligatoires ni déterminantes. Un recours à de tels tribunaux n’est pas satisfaisant pour la résolution de ces questions.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1 (édicté, idem, art. 5), 18.4 (édicté, idem), 18.5 (édicté, idem).
Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 2 (mod. par L.R.C. (1985), ch. 17, art. 1), 83 (mod., idem, art. 10).
JURISPRUDENCE
Abel Skiver Farm Corporation c. Ville de Sainte-Foy et autres, [1983] 1 R.C.S. 403.
APPEL contre une ordonnance annulant une demande de contrôle judiciaire ([1993] 1 C.F. 74 (1re inst.)). Appel accueilli.
AVOCATS :
Norman D. Mullins, c.r. et Bernard W. Hoeschen pour les appelantes (requérantes).
John L. Finlay et Susan Stonier pour les intimés (intimés).
PROCUREURS :
Service du contentieux de Canadien Pacifique, Vancouver, pour les appelantes (requérantes).
Cooper & Associates, Vancouver, pour les intimés (intimés).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Pratte, J.C.A. : Les appelantes interjettent appel d’une ordonnance par laquelle la Section de première instance [[1993] 1 C.F. 74] a annulé avec dépens la demande de contrôle judiciaire des appelantes qui contestaient, en vertu de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4)], la validité de certains avis de cotisation établis conformément au Matsqui Indian Band Property Assessment By-law, Amendment 1-1992 (le « règlement d’évaluation »).
Sous le régime de l’article 83 de la Loi sur les Indiens[1], le conseil d’une bande peut, avec l’approbation du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, prendre des règlements administratifs en matière d’imposition de taxes à des fins locales, sur les immeubles situés dans la réserve[2], ainsi que sur les droits sur ceux-ci, et notamment sur les droits d’occupation, de possession et d’usage. Ces règlements doivent prévoir la procédure de contestation « de l’évaluation en matière de taxation ». En 1992, le conseil de la bande indienne de Matsqui a mis cette disposition à profit en prenant des règlements administratifs de taxation et d’évaluation, que le ministre a approuvés. Le règlement d’évaluation alors pris prévoyait la cotisation de tous les biens immeubles situés dans la réserve, la préparation d’un rôle de cotisation, la remise d’avis de cotisation à toutes les parties concernées, l’établissement de tribunaux de révision, qui entendent les appels formés contre les cotisations[3], la constitution d’un comité de révision des cotisations[4], qui entend les appels formés contre les décisions des tribunaux de révision et, enfin, l’appel à la Cour fédérale des décisions de ce comité, sur des questions de droit.
Conformément au règlement d’évaluation, trois avis de cotisation ont été envoyés aux appelantes en février 1992 à l’égard de certaines bandes de terrain parcourant la réserve de Matsqui, sur lesquelles, d’une part, Canadien Pacifique Limitée (« CP ») avait jeté ses voies ferrées et, d’autre part, Unitel Communications Inc. (« Unitel ») avait posé des câbles de fibres optiques pour les fins de son entreprise de communication[5].
À la réception des avis, les appelantes ont introduit une demande de contrôle judiciaire devant la Section de première instance visant à les faire annuler pour le motif que, conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur les Indiens, une bande indienne n’a pas le pouvoir d’imposer les immeubles qui ne sont pas dans la réserve. Cette demande était appuyée d’une preuve par affidavit établissant que la bande de terrain en cause était, en réalité, la propriété de CP, qui l’avait acquise de la Couronne du chef du Canada par lettres patentes délivrées le 25 août 1891 et enregistrées au bureau d’enregistrement des droits immobiliers de New Westminster le 27 août 1891. Selon les appelantes, comme le terrain dont CP est propriétaire n’est pas situé dans la réserve de Matsqui, la Loi sur les Indiens définissant « réserve » comme une « [p]arcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire », les intimés ne peuvent imposer une taxe sur ce terrain.
Les intimés ont alors présenté une requête en annulation de la demande de contrôle judiciaire des appelantes, invoquant les deux moyens suivants :
a) la demande vise une décision qui, conformément à l’article 18.5 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale[6], ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire puisque le règlement d’évaluation prévoit expressément un droit d’appel devant la Cour fédérale;
b) la Cour devrait refuser d’accorder les recours discrétionnaires demandés puisque le règlement d’évaluation prévoit un autre recours efficace, soit le droit d’appel à un tribunal de révision, au comité de révision des cotisations et, enfin, à la Cour fédérale.
Le juge de première instance a accueilli la demande et il a annulé la demande de contrôle judiciaire des appelantes puisque, a-t-il conclu, le règlement d’évaluation prévoit un autre recours efficace.
Le juge ne s’est pas prononcé sur la prétention des intimés, selon lesquelles la demande de contrôle judiciaire des appelantes était exclue par l’effet des dispositions de l’article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale. Toutefois, puisque les intimés ont repris leur prétention devant cette Cour, je dois, avant d’analyser les motifs du juge de première instance, signaler que je n’y vois aucun bien-fondé.
La Cour fédérale tire son origine de la Loi sur la Cour fédérale qui, entre autres lois, établit sa compétence. Un règlement administratif pris conformément à la Loi sur les Indiens ne peut étendre la compétence de la Cour au-delà des limites fixées par le législateur que si une disposition législative autorise un tel règlement. Il est admis que les intimés tirent uniquement de l’article 83 de la Loi sur les Indiens leur pouvoir de prendre le règlement d’évaluation et de prévoir un appel contre les cotisations. Aux termes de cet article, un règlement d’évaluation doit prévoir « la procédure de contestation de l’évaluation ». Par contre, l’article 83 ne confère ni expressément ni implicitement aux conseils de bande le pouvoir d’étendre la compétence de la Cour fédérale ou d’autres tribunaux créés par la loi en établissant un droit d’appel devant ces tribunaux. Il est effectivement possible de prévoir une « procédure de contestation de l’évaluation » sans accorder un droit d’appel devant de tels tribunaux. On ne saurait par conséquent prétendre que, comme le requiert l’article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, « une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel … devant la Cour fédérale ». Il s’ensuit que la partie du Matsqui Indian Band Assessment By-law, Amendment 1-1992 qui crée un droit d’appel à la Cour fédérale est ultra vires et, pour ce motif, ne peut être invoquée pour interdire le contrôle judiciaire d’une cotisation en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.
Le juge de première instance a reconnu qu’il était compétent pour connaître de la demande de contrôle judiciaire des appelantes. Il a rappelé que le contrôle judiciaire est un recours discrétionnaire exceptionnel généralement refusé si la loi prévoit un autre recours aussi efficace; il a souligné que, dans le cas qui nous occupe, le règlement d’évaluation prévoit clairement un droit d’appel devant un tribunal de révision du fait que « des terres ou améliorations ont été irrégulièrement portées sur le rôle de taxation ». Se fondant sur ces considérations, il a exercé son pouvoir discrétionnaire et choisi d’annuler la demande des appelantes pour le motif que ces dernières pouvaient obtenir satisfaction en exerçant leur droit d’appel en vertu du règlement.
À mon avis, le juge a alors commis une erreur à divers égards essentiels.
D’une part, il a négligé le fait que la première question soulevée par les appelantes, à savoir que leur terrain et leurs droits avaient été irrégulièrement portés sur le rôle de taxation, ne pouvait être tranchée sans que certaines questions plus fondamentales, qui, à mon avis, ne relèvent pas de la compétence des tribunaux créés par le règlement, soient résolues. Ces questions plus fondamentales sont les suivantes : (1) Le terrain et les droits des appelantes sont-ils situés « dans la réserve » au sens du paragraphe 83(1) de la Loi sur les Indiens de sorte que les intimés peuvent prendre des règlements d’imposition les visant? (2) Le titre opposé par CP est-il valable? (3) Quelle est la nature du droit acquis par CP en vertu de son titre ou, en d’autres mots, CP a-t-elle acquis le terrain en question en fief simple ou y a-t-elle acquis un simple droit de passage? Il s’agit là de questions que les tribunaux créés par le règlement ne sont pas compétents à résoudre. Par ailleurs, en prévoyant que les règlements de taxation pris conformément au paragraphe 83(3) « doivent prévoir la procédure de contestation de l’évaluation en matière de taxation », le législateur ne souhaitait pas investir d’une telle compétence les tribunaux créés en vertu des règlements administratifs[7]. En ce qui concerne les questions énoncées précédemment, ces tribunaux sont logés à la même enseigne que les tribunaux d’instance inférieure, auxquels le législateur n’a pas conféré le pouvoir de déterminer leur propre compétence, mais qui, néanmoins, doivent prendre quelquefois position sur le sujet. Tout est bien aussi longtemps que leur position est correcte. Leurs décisions sur de telles questions ne sont ni obligatoires ni déterminantes et, pour cette raison, un recours à de tels tribunaux ne peut être considéré comme satisfaisant pour la résolution de ces questions.
D’autre part, après avoir exprimé l’opinion que la prise de règlements de taxation par les bandes indiennes établies en Colombie-Britannique avait, selon toute probabilité, été précédée de longues négociations entre les bandes, le ministre des Affaires indiennes et les autorités provinciales de façon à faire en sorte que ces autorités renoncent au pouvoir d’imposition que les bandes étaient sur le point d’acquérir, le juge a conclu ceci [à la page 92] :
Je conclus qu’en fait, les autorités provinciales ont, sur le plan de la politique générale, renoncé à leur pouvoir d’imposition traditionnel sur les terres de réserve et, avec la collaboration des autorités fédérales dans l’application des règlements administratifs pris sous le régime de l’article 83 de la Loi sur les Indiens, ont légitimé le pouvoir des conseils respectifs des bandes indiennes concernées d’administrer leur propre système de taxation. J’en conclus que pour résoudre ce litige, il ne serait pas conforme à l’intérêt public ni n’y contribuerait en cet état de la cause, de passer outre aux dispositions relatives aux contestations des règlements administratifs en cause.
À mon avis, les considérations d’ordre public invoquées par le juge ne sont pas pertinentes quant à la résolution des questions juridiques soulevées par la demande des appelantes.
Par ailleurs, s’il a réalisé qu’il serait nécessaire, afin de répondre aux questions soulevées par les appelantes, de présenter des éléments de preuve sur des questions factuelles complexes, le juge a affirmé [à la page 93] que, puisque « les requêtes fondées sur l’article 18 sont soumises à une procédure sommaire », les tribunaux créés sous le régime du règlement d’évaluation sont « une juridiction plus indiquée pour recevoir et examiner tous les témoignages et preuves se rapportant au litige. » En s’exprimant ainsi, il ne tient pas compte du fait qu’il est peu probable que ceux qui sont nommés aux tribunaux créés par le règlement d’évaluation aient une quelconque expérience dans la tâche difficile qui consiste à présider à un procès, et qu’ils ne sont pas régis par des règles de procédure leur permettant de s’acquitter de leur fonction. Le juge de première instance néglige également le fait qu’en vertu du paragraphe 18.4(2) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance peut, si une demande de contrôle judiciaire soulève des questions factuelles complexes, ordonner que la demande soit instruite comme s’il s’agissait d’une action.
Enfin, le juge a considéré le fait que, si elles exerçaient leur droit d’appel prévu par le règlement d’évaluation, les appelantes auraient finalement un droit d’appel à la Cour fédérale, laquelle serait alors plus à même de trancher le litige entre les parties. Ce n’est pas le cas puisque, je le répète, la partie du règlement d’évaluation qui crée un droit d’appel à la Cour fédérale est ultra vires.
Je suis d’avis d’accueillir l’appel, d’annuler la décision de la Section de première instance et de rejeter la requête en annulation des intimés. Je suis également d’avis d’accorder aux appelantes leurs dépens de l’appel.
Le juge Décary, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.
Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.
[1] L.R.C. (1985), ch. I-5 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 17, art. 10) :
83. (1) Sans préjudice des pouvoirs que confère l’article 81, le conseil de la bande peut, sous réserve de l’approbation du ministre, prendre des règlements administratifs dans les domaines suivants :
a) sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’imposition de taxes à des fins locales, sur les immeubles situés dans la réserve, ainsi que sur les droits sur ceux-ci, et notamment sur les droits d’occupation, de possession et d’usage;
…
(3) Les règlements administratifs pris en application de l’alinéa (1)a) doivent prévoir la procédure de contestation de l’évaluation en matière de taxation.
[2] Aux termes du paragraphe 2(1) [mod., idem, art. 1], une « réserve » est une « [p]arcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire et qu’elle a mise de côté à l’usage et au profit d’une bande ».
[3] L’article 27 du règlement d’évaluation prévoit qu’annuellement, le chef et le conseil doivent établir des tribunaux de révision qui entendent les appels visant l’évaluation des immeubles et des améliorations; il ne précise pas les qualités que doivent posséder les personnes nommées à ces tribunaux.
[4] Le paragraphe 35(A) du règlement d’évaluation est ainsi libellé :
35. constitution d’un comité de dévision des cotisations
A) Par résolution du conseil de la bande, le chef et le conseil constituent chaque année un comité de révision des cotisations composé des membres suivants :
(1) une personne dûment qualifiée, ou qui l’a été, pour pratiquer le droit en Colombie-Britannique, ou un juge, ou un ancien juge de la Cour provinciale ou de la Cour suprême de la Colombie-Britannique;
(2) une personne ayant siégé à un comité d’appel révisant les cotisations en Colombie-Britannique pour le compte de la province;
(3) un membre de la bande indienne de Matsqui, ou un mandataire de la bande, n’ayant aucun conflit d’intérêt dans une cotisation immobilière faisant l’objet d’un appel, tel que prévu à l’article 41;
(4) nonobstant le présent article, l’une des trois personnes nommées conformément aux paragraphes qui précèdent doit être un estimateur accrédité exerçant ou à la retraite.
(B) Le chef et le conseil établissent les modalités de nomination, les fonctions et la rémunération des membres.
(C) Les membres du comité sont indemnisés des frais de déplacement et des frais divers raisonnables qu’ils engagent pour être présents à l’audition d’appels ou à toute réunion du comité.
[5] CP a reçu deux avis, dont l’un portait sur le terrain et l’autre sur les voies; Unitel a reçu un avis visant ses câbles en fibres optiques.
[6] Cet article porte que :
18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l’impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d’une décision ou d’une ordonnance d’un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel, faire l’objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d’évocation, d’annulation ni d’aucune intervention, sauf en conformité avec cette loi.
[7] Voir Abel Skiver Farm Corporation c. Ville de Sainte-Foy et autres, [1983] 1 R.C.S. 403.