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[1993] 2 C.F. 351

T-2417-91

AFFAIRE INTÉRESSANT les parties VI et VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée;

ET une plainte, datée du 8 août 1990, déposée par John Ross Colvin auprès de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, concernant la conduite alléguée de Norman Inkster, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada;

ET une plainte, datée du 13 août 1990, déposée par John Ross Colvin auprès de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, concernant la conduite alléguée de Henry Jensen, ex-sous-commissaire de la Gendarmerie royale du Canada;

ET une demande par voie de mémoire spécial visant à obtenir l’opinion de la Section de première instance de la Cour fédérale, en application de l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.

Répertorié : Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada) (Re) (1re  inst.)

Section de première instance, juge MacKay—Ottawa, 13 avril 1992 et 23 février 1993.

GRC — La Commission des plaintes du public contre la GRC est compétente pour connaître de la plainte concernant la conduite du commissaire de la GRC — Ne pas exclure la conduite du commissaire est conforme à la jurisprudence sur l’évolution, fondée sur la primauté du droit, des principes en matière de responsabilité — La Commission n’est pas compétente pour connaître de la plainte concernant la conduite du sous-commissaire qui a pris sa retraite avant le dépôt de la plainte — La Commission est compétente pour connaître de la plainte concernant la conduite de toute personne qui a pris sa retraite ou qui a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, après le dépôt de la plainte mais avant son règlement.

En août 1990, un membre du public a déposé des plaintes auprès de la Commission des plaintes du public contre la GRC en application de la partie VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, concernant la conduite alléguée de Norman Inkster, commissaire de la GRC et de Henry Jensen, ex-sous-commissaire de la GRC (qui avait démissionné en décembre 1989), au sujet de l’enquête menée et des accusations portées relativement à la divulgation prématurée des points principaux du budget fédéral en avril 1989. Selon les allégations, le commissaire et le sous-commissaire auraient autorisé des agents subordonnés de la Gendarmerie à inculper Douglas Small et deux autres hommes bien qu’ils aient su (ou auraient dû savoir) que les accusations étaient sans fondement. Or, le juge du procès a suspendu les accusations, parce que la poursuite du procès aurait constitué un abus de procédure. D’après le plaignant, les trois hommes ont été inutilement, sans motif raisonnable et probable, mis dans l’embarras, dérangés et obligés de faire beaucoup de frais.

Le commissaire a soutenu que la partie VII de la Loi n’attribuait pas à la Commission la compétence pour statuer sur les plaintes concernant sa conduite. L’ex-sous-commissaire Jensen a soutenu que la partie VII n’attribuait pas à la Commission la compétence pour statuer sur la plainte le concernant car, au moment du dépôt de la plainte, il avait cessé d’être « membre » de la GRC.

La Section de première instance de la Cour fédérale était appelée à émettre son opinion sur des questions exposées dans un mémoire, en application de l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale. La Cour devait décider (1) si la Commission était compétente, relativement aux parties VI et VII de la Loi sur la GRC, pour connaître de la plainte concernant Inkster, eu égard au fait qu’il était commissaire de la GRC; (2) si la Commission était compétente, relativement aux parties VI et VII de la Loi et eu égard à la plainte concernant Jensen, pour connaître des plaintes touchant la conduite alléguée d’un membre de la GRC ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi qui (i) avait pris sa retraite ou avait cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, avant le dépôt de la plainte, ou qui (ii) avait pris sa retraite ou avait cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, après le dépôt de la plainte mais avant son règlement.

Jugement : il y a lieu de répondre aux questions (1) et (2)(ii) par l’affirmative, et à la question (2)(i) par la négative.

La Cour a répondu par la négative à la question préliminaire, savoir s’il convenait de donner un avis aux procureurs généraux des provinces en conformité avec l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale. On a demandé à la Cour d’interpréter la Loi sur la GRC d’une manière compatible avec la Charte; on ne lui a pas demandé directement de statuer sur la validité, l’applicabilité ou le caractère opérant de la Loi, du point de vue constitutionnel.

La plainte concernant Inkster

Il s’agissait de décider si le commissaire était visé par les mots « un membre ou … toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi », employés au paragraphe 45.43(1), étant donné le rôle spécial du commissaire relativement à la procédure de règlement des plaintes (son rôle relativement à toute plainte déposée, à l’enquête sur celle-ci et à son règlement définitif) et relativement aux autres fonctions particulières que la Loi lui attribue (gestion, discipline, renvoi et rétrogradation). Une plainte concernant un membre inclut une plainte concernant le commissaire à titre de « membre », sauf si le contexte et la Loi dans son ensemble exigent clairement un sens différent. Le contexte et la Loi ne l’exigent pas. Les autres fonctions particulières que la Loi lui attribue et son rôle au regard de la procédure de règlement des plaintes du public n’exigent pas que le commissaire soit exclu du champ d’application des mots « un membre » employés relativement aux plaintes du public, ni ne permettent d’inférer que le législateur avait l’intention de l’en exclure.

Le commissaire a les mêmes obligations que « chaque membre » pour ce qui est de respecter les normes établies à l’article 37 de la Loi à l’égard de sa conduite, dont celle « de respecter les droits de toutes personnes … de maintenir l’intégrité du droit et de son application ainsi que de l’administration de la justice … de veiller à ce que l’inconduite des membres ne soit pas cachée ou ne se répète pas … d’être incorruptible, de ne pas rechercher ni accepter des avantages particuliers dans l’exercice de ses fonctions ». Puisque le but pour lequel la Commission a été créée est d’examiner les plaintes du public contre la conduite des membres de la Gendarmerie qui n’auraient pas respecté ces normes, c’est au législateur qu’il appartient de soustraire, expressément ou d’une manière qui ne laisse planer aucun doute, la conduite du commissaire ou de tout autre membre de la Gendarmerie au pouvoir de la Commission d’enquêter sur une plainte. Exclure la conduite du commissaire minerait sérieusement la confiance du public dans la procédure suivie par la Commission et dans la GRC elle-même. Interpréter le pouvoir d’enquêter de la Commission comme s’étendant à la conduite du commissaire est conforme à l’évolution, fondée sur la primauté du droit, des principes en matière de responsabilité, telle qu’elle se dégage de la jurisprudence récente, en particulier des arrêts de la Cour suprême du Canada.

La plainte concernant Jensen

La plainte contre Jensen soulevait deux questions de compétence : au regard des personnes qui prennent leur retraite avant le dépôt de la plainte et au regard de celles qui prennent leur retraite après le dépôt de la plainte mais avant son règlement. L’ex-sous-commissaire Jensen avait pris sa retraite de la GRC avant le dépôt de la plainte.

Les questions posées en l’espèce obligeaient la Cour à décider à quel moment le statut de membre de la Gendarmerie ou d’employé de la GRC sous le régime de la Loi est essentiel au regard des objectifs de la procédure de règlement des plaintes du public.

Dans l’arrêt Maurice c. Priel, la Cour suprême du Canada a établi le principe que la compétence d’attribution d’un tribunal spécialisé, en matière disciplinaire, en ce qui a trait à l’inconduite alléguée d’un membre d’un groupe relevant de la compétence du tribunal, exige que cette personne soit un membre non seulement au moment où l’inconduite alléguée se serait produite, mais encore au moment où la plainte a été déposée.

La partie VII exige que la conduite se rattache à l’exercice de fonctions prévues à la Loi, ce qui exige implicitement que la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte ait agi en vertu de la Loi et qu’au moment où la plainte est déposée, la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte soit un membre ou une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi. En conséquence, une plainte concernant la conduite d’une personne qui a pris sa retraite ou qui a cessé d’être membre de la GRC avant le dépôt de la plainte est soustraite au pouvoir d’enquêter de la Commission et à la procédure de règlement des plaintes du public dans l’ensemble.

En dernier lieu, la retraite ou la cessation d’emploi de la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte ne met pas fin à la compétence de la Commission pour connaître de la plainte. Cette conclusion est compatible avec le résultat de l’affaire Samuels v. Council of College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan (1966), 57 W.W.R. 385 (B.R. Sask.), dans laquelle la Cour a décidé que le College of Physicians and Surgeons de la province était compétent pour entendre des allégations de faute professionnelle contre un médecin qui, après les enquêtes préliminaires et les audiences initiales, n’avait pas versé sa cotisation annuelle et aurait donc dû en vertu de la Loi, être radié du tableau de l’ordre.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 11f), 15.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 17(3)b), 57 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 19).

Loi sur la défense nationale, S.R.C. 1970, ch. N-4, art. 55(1),(2).

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, parties VI, VII (édictée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16), art. 2 (mod., idem, art. 1), 5 (mod., idem, art. 2), 12.1 (édicté, idem, art. 7), 21 (mod., idem, art. 12), 24.1 (édicté, idem, art. 15), 37 (mod., idem), 42(6) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 66), 45.14 à 45.46 (édictés par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16), 45.16, 45.24, 45.26, 45.28, 45.35, 45.36, 45.37, 45.38, 45.39, 45.40, 45.41, 45.43, 45.45, 45.46.

Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11.

Loi sur les juges, S.R.C. 1970, ch. J-1.

Ordres permanents du Commissaire (plaintes du public), DORS/88-522.

Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-36, art. 19.

Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/83-74, Règle 32 (mod. par DORS/91-347, art. 17).

The Legal Profession Act, R.S.S. 1978, ch. L-10.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re), [1991] 1 C.F. 529; (1990), 34 F.T.R. 1; 123 N.R. 120 (C.A.); Maurice c. Priel, [1989] 1 R.C.S. 1023; (1989), 58 D.L.R. (4th) 736; [1989] 3 W.W.R. 673; 77 Sask. R. 22; 36 Admin. L.R. 169; 96 N.R. 178; conf. (1987), 46 D.L.R. (4th) 416; [1988] 1 W.W.R. 491; 60 Sask. R. 241 (C.A.); Samuels v. Council of College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan (1966), 57 W.W.R. 385 (B.R. Sask.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Roncarelli v. Duplessis, [1959] R.C.S. 121; (1959), 16 D.L.R. (2d) 689; Smallwood c. Sparling, [1982] 2 R.C.S. 686; (1982), 141 D.L.R. (3d) 395; 68 C.P.R. (2d) 145; 44 N.R. 571; Operation Dismantle et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; (1985), 18 D.L.R. (4th) 481; 12 Admin. L.R. 16; 13 C.R.R. 287; 59 N.R. 1; Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637; (1986), 58 O.R. (2d) 352; 35 D.L.R. (4th) 161; 22 Admin. L.R. 236; 30 C.C.C. (3d) 498; 14 C.T.C. (2d) 10; 72 N.R. 81; 20 O.A.C. 81; Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170; (1989), 60 D.L.R. (4th) 609; 41 Admin. L.R. 1; 37 C.P.C. (2d) 1; 71 C.R. (3d) 358; 42 C.R.R. 1; 98 N.R. 321; 35 O.A.C. 161; Rutherford c. La Reine (1983), 4 C.M.A.R. 262; 26 C.R.R. 255 (T.A.C.M.).

DÉCISIONS CITÉES :

Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1989] 2 R.C.S. 1110; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; (1989), 56 D.L.R. (4th) 1; [1989] 2 W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 36 C.R.R. 193; 91 N.R. 255.

MÉMOIRE SPÉCIAL visant à déterminer si, premièrement, la Commission des plaintes du public contre la GRC était compétente pour connaître de la plainte concernant le commissaire de la GRC; deuxièmement, si la Commission était compétente pour connaître de la plainte concernant la conduite de toute personne qui (i) avait pris sa retraite ou avait cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC, avant le dépôt de la plainte, ou qui (ii) avait pris sa retraite ou avait cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC, après le dépôt de la plainte mais avant son règlement. Il y a lieu de répondre aux questions (1) et (2)(ii) par l’affirmative, et à la question 2(i) par la négative.

AVOCATS :

E. A. Cronk et James C. Macpherson pour la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada.

Brian A. Crane pour le procureur général du Canada.

Leslie A. Vandor pour Henry Jensen.

PROCUREURS :

Fasken, Campbell, Godfrey, Toronto et Osgoode Hall Law School, North York (Ontario), pour la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada.

Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.

McMaster Meighen, Ottawa, pour Henry Jensen.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge MacKay :

Introduction

La Section de première instance de la Cour fédérale est appelée à émettre son opinion sur des questions exposées dans un mémoire, en application de l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée. Les questions à trancher ont fait l’objet d’une convention entre la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (la « Commission ») et le procureur général du Canada. Ces questions, qui sont exposées plus bas, portent sur la compétence de la Commission pour connaître des plaintes concernant la conduite alléguée du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») et la conduite alléguée d’un membre de la GRC ou d’une autre personne nommée sous le régime de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée[1]*, qui a cessé d’être membre de la Gendarmerie ou d’être employée sous le régime de la Loi.

Exposé conjoint des faits

Voici l’exposé conjoint des faits soumis à la Cour :

[traduction] ATTENDU que des questions ont été soulevées au sujet de la compétence de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (la « Commission »), constituée conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée par L.C. 1986, ch. 11 (la « Loi »), pour connaître de certaines plaintes qu’elle a reçues;

ET ATTENDU que la Commission et le procureur général du Canada sont convenus, en conformité avec l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, (la « Loi sur la Cour fédérale »), de formuler les questions relatives à la compétence de la Commission sur lesquelles l’opinion de la Section de première instance de la Cour fédérale est sollicitée;

A.   CONTEXTE DES PLAINTES

1. La Commission est constituée par la Partie VI de la Loi. La Partie VI a été proclamée en vigueur le 18 décembre 1986.

2. La Partie VII de la Loi, proclamée en vigueur le 30 septembre 1988, autorise la Commission à connaître des plaintes déposées par des membres du public concernant la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la Loi, d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi .

3. La Commission peut être saisie de telles plaintes en vertu de la Partie VII de la Loi entre autres quand un membre du public dépose une plainte directement auprès de la Commission, en conformité avec le paragraphe 45.35(1) de la Loi.

4. Le 8 août 1990, John Ross Colvin d’Ottawa, membre du public, a déposé une plainte auprès de la Commission en application du paragraphe 45.35(1) de la Partie VII de la Loi, concernant la conduite alléguée de Norman Inkster, commissaire de la GRC. Le texte de cette plainte forme l’annexe « A » des présentes (la « plainte concernant Inkster »).

5. Le 13 août 1990, M. Colvin a déposé une seconde plainte auprès de la Commission, en application du paragraphe 45.35(1) de la Partie VII de la Loi, concernant la conduite alléguée de Henry Jensen, ex-sous-commissaire de la GRC. Le texte de cette plainte forme l’annexe « B » des présentes (la « plainte concernant Jensen »).

6. Les plaintes concernant Inkster et Jensen découlent de l’enquête menée et des accusations portées relativement à la divulgation prématurée des points principaux du budget d’avril 1989.

7. Après que les points principaux du budget eurent été divulgués, la GRC a commencé une enquête intensive. Des accusations ont été portées par le procureur général de l’Ontario le 29 mai 1989 contre Douglas Small, John Appleby et Normand Belisle. D’autres l’ont également été contre Brian McCuaig et Johan Mares, le 29 mai 1989.

8. Le 16 juillet 1990, dans l’affaire R. v. Appleby, Belisle and Small (1990), 78 C.R. (3d) 282 (C.P. Ont.), le juge Fontana de la Cour provinciale de l’Ontario a fait droit à une requête de la défense, suspendant toutes les accusations contre les accusés parce que la poursuite du procès constituerait un abus de procédure.

9. Le 18 octobre 1989, dans l’affaire R. v. McCuaig, le juge Nadelle a déclaré Brian McCuaig coupable d’avoir eu en sa possession un bien d’une valeur inférieure à 1 000 $ qui avait été obtenu par la perpétration d’un acte criminel. Le juge Nadelle lui a imposé une amende de 500 $. Les accusations contre Johan Mares ont été retirées.

10. Dans la plainte concernant Inkster, M. Colvin a allégué ce qui suit :

En mai 1989, M. Inkster a autorisé des agents subordonnés de la Gendarmerie à inculper Small bien qu’il ait su (ou aurait dû savoir) qu’aucun crime n’avait été commis. Il le savait parce que le sergent d’état-major Richard Jordan et, plus tard, l’inspecteur Jean-Pierre Witty, deux gendarmes, lui avaient dit qu’il n’y avait pas lieu de porter d’accusation. Dans sa décision rendue en juillet 1990, le juge Fontana leur a donné raison et a estimé que leur inculpation était vexatoire et constituait un abus de procédure.

Par suite de ces accusations, les trois hommes ont été inutilement, sans motif raisonnable et probable, mis dans l’embarras, dérangés et obligés de faire beaucoup de frais. À cause de l’inconduite de M. Inkster, les Canadiens prudents peuvent (et vont) se dire : « Je ne m’y hasarderai sous aucun prétexte. » Aucun citoyen canadien respectueux des lois ne doit être soumis à cette forme de harcèlement.

11. Dans la plainte concernant Jensen, M. Colvin a allégué ce qui suit :

En mai 1989, Henry Jensen, ex-sous-commissaire aux opérations, GRC, Ottawa, a autorisé des agents subordonnés de la Gendarmerie à inculper M. Douglas Small et deux autres hommes d’une infraction criminelle, bien qu’il ait su (ou aurait dû savoir) qu’aucun crime n’avait été commis.

M. Jensen savait ou aurait dû savoir qu’aucun crime n’avait été commis parce que le sergent d’état-major Rick Jordan et, plus tard, l’inspecteur Jean-Pierre Witty, deux gendarmes, lui avaient dit qu’il n’y avait pas lieu de porter d’accusation. Par la suite, le juge Fontana a estimé que leur inculpation était vexatoire et constituait un abus de procédure.

Étant donné ces circonstances, le sous-commissaire Henry Jensen pouvait se voir reprocher son inconduite.

12. La partie VII de la Loi porte que la GRC enquête sur les plaintes déposées auprès de la Commission par tout membre du public, concernant la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la Loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi. Toutefois, le paragraphe 45.43(1) de la Loi habilite le président de la Commission à tenir une enquête sur une plainte, s’il estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte.

13. Le président de la Commission a émis l’avis que le public pourrait juger qu’une enquête interne menée par la GRC sur la conduite de ses deux principaux dirigeants ne serait pas impartiale, vu la nature des plaintes et le caractère hautement public des faits sur lesquels les plaintes étaient fondées. Par conséquent, le président de la Commission a informé le commissaire de la GRC, en conformité avec le paragraphe 45.43(1) de la Loi, qu’il enquêterait sur les plaintes concernant Inkster et Jensen.

14. Le 25 mars 1991, le président de la Commission a publié un rapport sur l’état de l’enquête sur les plaintes concernant Inkster et Jensen. On trouvera à l’annexe « C » des présentes une copie de ce rapport (« rapport du président sur l’état de l’enquête »).

B.   PLAINTE CONCERNANT INKSTER

15. Par lettre datée du 19 octobre 1990, le président de la Commission a demandé à M. Inkster, commissaire de la GRC, de lui fournir des renseignements au sujet de sa participation à l’enquête sur la divulgation du budget et aux inculpations.

16. Par lettre datée du 10 décembre 1990, le commissaire de la GRC a répondu au président de la Commission. Il a indiqué qu’il avait consulté les services juridiques du ministère de la Justice au sujet de l’application de la Partie VII de la Loi aux plaintes relatives à sa conduite en qualité de commissaire. D’après cette lettre, le sous-ministre de la Justice était d’avis que la Partie VII n’attribuait pas à la Commission la compétence pour statuer sur les plaintes concernant la conduite du commissaire.

C.   PLAINTE CONCERNANT JENSEN

17. Comme on l’a dit, la plainte concernant Jensen a été déposée auprès de la Commission par M. Colvin le 13 août 1990. Elle porte sur la conduite de M. Jensen en qualité de sous-commissaire de la GRC, laquelle aurait eu lieu peu après la divulgation du budget en avril 1989. En décembre 1989, quelque huit mois avant le dépôt de la plainte concernant Jensen par M. Colvin, M. Jensen a pris sa retraite tant à titre de membre que de sous-commissaire de la GRC.

18. Par lettre datée du 10 février 1991, R.G. Moffatt, sous-commissaire de la GRC, a informé le président de la Commission que le ministère de la Justice avait été consulté au sujet de l’application de la Partie VII de la Loi à la conduite de l’ex-sous-commissaire Jensen. M. Moffatt a dit que, de l’avis du ministère de la Justice, la Partie VII n’attribuait pas à la Commission la compétence pour statuer sur la plainte concernant Jensen car, au moment du dépôt de la plainte, le sous-commissaire avait cessé d’être « membre » de la GRC.

D.   FAITS GÉNÉRAUX

19. Il ressort donc de la correspondance entre le commissaire Inkster et le président de la Commission, et entre le sous-commissaire Moffatt et ce dernier, que la GRC soutient que la Commission n’est pas compétente, en vertu de la Partie VII de la Loi, pour connaître des plaintes concernant Inkster et Jensen. C’est ce qui a empêché le président de la Commission d’obtenir de la GRC d’autres renseignements pertinents par rapport à ces plaintes.

20. Dans son rapport sur l’état de l’enquête en date du 25 mars 1991, le président de la Commission a dit (à la page 8) : «  … je ne suis pas en mesure de faire des constatations et des recommandations à partir de l’information dont je dispose. »

21. Les importantes questions de droit soulevées dans la présente espèce, relativement à la compétence de la Commission, sont pertinentes par rapport à d’autres plaintes que celles déposées par M. Colvin. En particulier, nombre de plaintes ont été déposées en application de la Partie VII de la Loi concernant des membres de la GRC qui ont pris leur retraite, ou qui ont cessé d’être membres de la Gendarmerie, après la date des faits générateurs des plaintes concernant leur conduite.

E.   AUTRES MOTIFS

22. ET ATTENDU que le président de la Commission est d’avis que celle-ci ne sera pas en mesure de terminer son enquête sur les plaintes concernant Inkster et Jensen tant que n’aura pas été tranchée la question touchant la compétence de la Commission pour connaître de ces plaintes;

23. ET ATTENDU qu’il semble à la Commission et au procureur général du Canada que la question de la compétence de la Commission pour connaître des plaintes concernant Inkster et Jensen présente de l’importance et qu’il y va de l’intérêt public que soient tranchés les moyens déclinatoires tels qu’exposés dans le mémoire spécial, relativement aux plaintes;

24. ET ATTENDU que les questions exposées dans le mémoire spécial sont complexes et soulèvent des questions de droit de fond;

25. ET ATTENDU que, étant donné la position prise par la GRC, énoncée aux paragraphes 15 et 17 des présentes [il faut présumer qu’on entendait faire référence ici aux paragraphes 16 et 18], toute décision de la Commission sur les questions exposées dans le mémoire spécial serait vraisemblablement contestée;

26. LA COMMISSION ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA sont convenus par les présentes de solliciter l’opinion de la Section de première instance de la Cour fédérale sur les questions exposées dans le mémoire spécial, en conformité avec l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale.

Mémoire spécial

L’opinion de la présente Cour est sollicitée sur les questions suivantes :

1. La Commission est-elle compétente, relativement aux Parties VI et VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée par L.C. 1986, ch. 11 (la « Loi »), pour connaître de la plainte concernant Inkster, énoncée dans l’exposé conjoint des faits, eu égard au fait que cette plainte porte sur la conduite alléguée du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC »)?

2. La Commission est-elle compétente, relativement aux Parties VI et VII de la Loi et eu égard à la plainte concernant Jensen, énoncée dans l’exposé conjoint des faits, pour connaître des plaintes touchant la conduite alléguée d’un membre de la GRC ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi qui :

(i) a pris sa retraite ou a cessé d’être membre de la GRC, ou a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, avant le dépôt de la plainte;

(ii) a pris sa retraite ou a cessé d’être membre de la GRC, ou a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, après le dépôt de la plainte mais avant son règlement?

Intervention de M. Jensen : questions constitutionnelles et article 57 de la Loi sur la Cour fédérale

M. Henry Jensen a pris part, par l’entremise de son avocat, au débat sur le présent exposé des faits, conformément aux mesures indiquées dans l’ordonnance rendue par mon collègue le juge Cullen concernant l’audition du mémoire spécial. M. Jensen était sous-commissaire au moment des faits générateurs des plaintes qui font l’objet du mémoire spécial. Comme il appert du paragraphe 17 de l’exposé conjoint des faits, il avait pris sa retraite à ce titre et à titre de membre de la GRC, en temps normal, avant le dépôt de la plainte concernant sa participation aux faits en cause. La situation décrite dans la question 2(i) du mémoire spécial est analogue à celle de M. Jensen. Son avocat a fait valoir, à l’instar du procureur général, qu’il y a lieu de répondre à la question 2(i) par la négative.

Quant à l’intervention de M. Jensen, l’avocat a soulevé une question préliminaire au sujet de l’application de l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, édicté par L.C. 1990, ch. 8, article 19 (en vigueur le 1er février 1992 (TR/92-6)). Il s’est demandé si, dans un cas comme celui-ci, il convenait de donner un avis aux procureurs généraux des provinces en conformité avec cet article, dont voici un extrait :

57. (1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d’application, dont la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office fédéral, sauf s’il s’agit d’un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n’aient été avisés conformément au paragraphe (2).

(2) L’avis est, sauf ordonnance contraire de la Cour ou de l’office fédéral en cause, signifié au moins dix jours avant la date à laquelle la question constitutionnelle qui en fait l’objet doit être débattue.

(3) Les avis d’appel et de demande de contrôle judiciaire portant sur une question constitutionnelle sont à signifier au procureur général du Canada et à ceux des provinces.

Cette question se pose parce qu’on a fait valoir, au nom de M. Jensen, que l’interprétation de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada doit être compatible avec la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] et qu’une interprétation qui entraînerait une réponse affirmative à la question 2(i) serait discriminatoire et contraire à l’article 15 de la Charte. En l’espèce, l’avis relatif à une question constitutionnelle dont la Cour a été saisie n’a pas été signifié aux procureurs généraux des provinces.

L’aide des avocats de chacune des parties a été utile pour régler cette question, comme pour trancher les points exposés dans le mémoire spécial. L’avocat du procureur général du Canada m’a prié de me reporter à la pratique devant la Cour suprême du Canada suivant la Règle 32 [Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/83-74 (mod. par DORS/91-347, art. 17)] de la plus haute cour, qui prévoit la signification d’un avis d’une question constitutionnelle et qui est ainsi conçue :

32. (1) Une question constitutionnelle peut être formulée par le juge en chef ou par un juge sur requête présentée par l’une ou l’autre des parties dans les 60 jours après le dépôt de l’avis d’appel lorsque :

a) la validité ou l’applicabilité constitutionnelle d’une loi fédérale ou d’une loi provinciale ou de l’un de leurs règlements d’application est contestée;

b) le caractère inopérant d’une loi fédérale ou d’une loi provinciale ou de l’un de leurs règlements d’application est plaidé.

(2) Les parties à un renvoi aux termes de l’article 53 de la Loi doivent suivre la procédure visée au paragraphe (1).

(4) Sur requête, le juge en chef ou un juge peut formuler la question et en ordonner la signification, dans le délai qu’il fixe, au procureur général du Canada et aux procureurs généraux de toutes les provinces, avec avis que ceux qui veulent intervenir … doivent déposer … un avis d’intervention …

Si je ne m’abuse, la pratique de la Cour suprême veut qu’une question constitutionnelle sous le régime de la Charte soit assimilée à toute autre question constitutionnelle et qu’une question constitutionnelle ne soit formulée, en application de la Règle 32, que si la validité ou l’applicabilité constitutionnelle d’une loi ou de l’un de ses règlements d’application est contestée ou si le caractère inopérant d’une loi ou de l’un de ses règlements d’application est plaidé. Il ne convient pas de formuler une question en application de la Règle si la validité, l’applicabilité ou le caractère opérant d’un texte de loi n’est pas attaqué et si tout ce que la Cour est appelée à décider, c’est l’interprétation d’une loi au regard d’une disposition de la Charte (arrêt Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1989] 2 R.C.S. 1110).

Les avocats de la Commission et du procureur général du Canada ont soutenu conjointement en l’espèce, après avoir entendu les arguments de M. Jensen, que la présente Cour était exhortée, d’après eux, dans le cas présent à interpréter la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada d’une manière compatible avec la Charte et non à statuer sur la validité, l’applicabilité ou le caractère opérant d’une loi ou d’un règlement au sens où ces termes sont employés à l’article 57.

À la fin de l’audition, j’ai réservé ma décision relativement à la question soulevée afin d’étudier le point brièvement, en informant les avocats que le greffe les aviserait si, à mon avis, je jugeais l’article 57 applicable en l’espèce; dans l’affirmative, M. Jensen signifierait un avis aux procureurs généraux des provinces (et des territoires) et ceux qui seraient intéressés à intervenir auraient la possibilité d’obtenir le dossier et la transcription des débats en l’espèce et de plaider avant que la Cour n’ait rendu jugement sur le mémoire spécial. Après un bref examen, j’ai donné au greffe l’ordre d’informer les avocats que j’avais conclu que l’article 57 n’était pas applicable en l’espèce.

Cette conclusion repose sur les motifs qui sous-tendent l’argument présenté conjointement au nom des parties initiales à la présente espèce. On demande à la Cour d’interpréter la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada d’une manière compatible avec la Charte—argument fondé sur la Charte qui n’a pas reçu l’appui de tous les avocats; on ne lui a pas demandé directement de statuer sur la validité, l’applicabilité ou le caractère opérant de la Loi, du point de vue constitutionnel. Vu ces circonstances, à mon avis, l’article 57 ne s’applique pas et il n’est pas obligatoire de donner l’avis à tous les procureurs généraux. Je tiens à faire remarquer que ce jugement ne comporte aucune conclusion du genre prévu à l’article 57 relativement à la loi en cause, soit la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Le régime législatif et les objectifs de la partie VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Au cours des plaidoiries, les avocats se sont référés à plusieurs dispositions de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, dont en particulier la partie VII de la Loi qui établit la procédure relative aux plaintes du public.

À mon avis, l’interprétation d’une disposition, soit l’article 45.43[2]* de la partie VII, est la clef de voûte des questions posées dans le mémoire spécial. Conformément à cette disposition, le président de la Commission a procédé à l’examen des deux plaintes concernant la conduite du commissaire et de l’ex-sous-commissaire Jensen. Cet article est ainsi conçu :

45.43 (1) Le président de la Commission peut, s’il estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte, tenir une enquête ou convoquer une audience pour enquêter sur une plainte portant sur la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci, que la Gendarmerie ait ou non enquêté ou produit un rapport sur la plainte, ou pris quelque autre mesure à cet égard en vertu de la présente partie.

(2) Par dérogation aux autres dispositions de la présente partie, en cas d’enquête ou de convocation d’une audience conformément au paragraphe (1), la Gendarmerie n’est pas tenue d’enquêter ou de produire un rapport sur la plainte, ou de prendre quelque autre mesure à cet égard avant que le commissaire n’ait reçu le rapport visé au paragraphe (3) ou le rapport provisoire visé au paragraphe 45.45(14).

(3) Au terme de l’enquête prévue à l’alinéa 45.42(3)c) ou au paragraphe (1), le président de la Commission établit et transmet au ministre et au commissaire un rapport écrit énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées, à moins qu’il n’ait déjà convoqué une audience, ou se propose de le faire, pour faire enquête en vertu de cet alinéa ou paragraphe.

Cet article n’est pas la seule disposition touchant le règlement des plaintes du public. En effet, il n’établit pas la procédure la plus courante de règlement des plaintes déposées par le public ou en son nom. La procédure plus habituelle consiste, pour tout membre du public, à déposer une plainte auprès de la Commission, de la GRC elle-même ou des autorités provinciales, en application du paragraphe 45.35(1). Les deux plaintes à l’origine du présent mémoire spécial ont été déposées en vertu de ce paragraphe. Il est également possible qu’une plainte soit portée par le président de la Commission des plaintes du public, en conformité avec le paragraphe 45.37(1). Dans les deux cas, si le président n’a pas donné suite à la plainte conformément à l’article 45.43, l’affaire est d’abord examinée par la GRC elle-même suivant la procédure établie dans la partie VII de la Loi. Les deux dispositions relatives au dépôt des plaintes (c’est-à-dire les paragraphes 45.35(1) et 45.37(1)) contiennent les mêmes mots que l’article 45.43, « une plainte portant sur la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci ».

Dans l’affaire Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re), [1991] 1 C.F. 529 (C.A.), aux pages 556 à 558, le juge MacGuigan, J.C.A., donne un aperçu des mesures prévues à la partie VII de la Loi en ce qui a trait aux plaintes du public :

Comme je l’ai précisé au départ, la Commission est constituée aux termes de la partie VI de la Loi. La partie VII commence ensuite (paragraphe 45.35(1)) avec le droit de tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues par la Loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, de déposer une plainte auprès de la Commission, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, ou de l’autorité provinciale compétente pour recevoir des plaintes et faire enquête. Le président de la Commission peut également porter plainte.

La Commission doit aviser le commissaire du dépôt de chaque plainte, et le commissaire doit instruire chaque plainte, en la réglant à l’amiable (de consentement), en procédant à une enquête, ou en refusant de procéder à une enquête s’il est d’avis qu’une telle mesure n’est pas justifiée ou qu’elle n’est pas raisonnablement praticable. Le commissaire est tenu d’enquêter sur les plaintes portées par le président de la Commission.

Dès qu’il est avisé d’une plainte, le commissaire doit aviser la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte pour autant qu’il soit d’avis qu’une telle mesure ne risque pas de nuire à la conduite d’une enquête.

Le plaignant qui n’est pas satisfait du règlement de sa plainte par la GRC peut, en vertu de l’article 45.41, renvoyer sa plainte devant la Commission. La Commission est tenue d’examiner la plainte qui lui est renvoyée, à moins qu’elle n’ait déjà fait enquête ou convoqué une audience pour faire enquête sur la question.

Outre cette obligation d’examiner les plaintes qui font l’objet d’un renvoi, le président a également le pouvoir, en vertu de l’article 45.43, de tenir une enquête ou de convoquer une audience pour enquêter sur une plainte, que le commissaire ait ou non enquêté ou produit un rapport sur la plainte, ou pris quelque autre mesure à cet égard, s’il « estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte ».

Le président de la Commission, s’il décide de convoquer une audience, désigne le ou les membres de la Commission qui tiendront l’audience. À l’audience, le ou les membres qui tiennent l’audience sont réputés être la Commission. Des formalités de préavis sont prévues, et la Commission a les pouvoirs qui sont conférés à une commission d’enquête, y compris le pouvoir d’assigner des témoins. Le plaignant, la GRC et la personne qui fait l’objet de la plainte ont tous le droit de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger des témoins, de faire des observations et d’être représentés par un avocat.

La Commission n’a pas le pouvoir de rendre des décisions obligatoires, mais elle doit, au terme de l’audience, établir et transmettre au commissaire et au solliciteur général un rapport écrit « énonçant les conclusions et les recommandations qu’elle estime indiquées ».

Le commissaire est tenu de réviser la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations énoncées au rapport et d’aviser le solliciteur général et le président des mesures qu’il prendra ou de leur exposer les raisons pour lesquelles il ne prendra pas de mesure, si telle est sa décision.

Le dernier mot revient au président, qui doit établir et transmettre aux parties, au solliciteur général, et au commissaire, un rapport écrit final.

Avant l’entrée en vigueur de la Loi modificative, il n’existait pas de mécanisme législatif d’enquête au sujet des plaintes portées par de simples citoyens. Il existait seulement une procédure interne d’examen, qui avait été établie en vertu d’un texte administratif du commissaire ….

Les plaintes à l’origine du présent mémoire spécial ont été adressées à la Commission. Son président a conclu, pour les motifs énoncés au paragraphe 13 de l’exposé conjoint des faits, qu’il enquêterait sur les deux plaintes, en conformité avec l’article 45.43 de la Loi, et il en a informé le commissaire de la GRC. Quand une mesure est prise en vertu de cet article, dans l’intérêt public selon ce que juge le président, la GRC n’est pas tenue d’enquêter ou de produire un rapport sur la plainte, ou de prendre quelque mesure à cet égard avant que le président n’ait terminé son enquête ou que l’audience n’ait eu lieu. L’enquête que mène le président ou l’audience tenue pour enquêter sur la plainte sont indépendantes de tout examen que la GRC elle-même fait de l’affaire.

Dans l’affaire Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re), précitée, aux pages 555 et 556, les objectifs de la partie VII de la Loi sont exposés par le juge MacGuigan, J.C.A., dans le passage qui suit, relatif à la loi modificative qui a établi la procédure de règlement des plaintes du public :

Il est constant que la genèse de la Loi modificative se trouve dans le Rapport de la Commission d’enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada, Information Canada, Ottawa, 1976 (le rapport de la Commission Marin). Les auteurs de ce rapport recommandaient la création d’un système de traitement des plaintes du public qui soit distinct, tant sur le plan opérationnel que sur le plan fonctionnel, du système disciplinaire.

La situation que la Loi modificative visait à réformer est indubitablement exprimée avec exactitude dans la déclaration suivante de la Commission Marin (à la page 107) :

La nécessité qu’il y ait un organisme indépendant afin de réviser les mesures prises par la Gendarmerie dans le traitement des plaintes du public n’est pas fondée sur quelque histoire d’abus ou de négligence. Au contraire, nous n’avons pas trouvé beaucoup d’affaires dans lesquelles la Gendarmerie n’a pas mené une enquête approfondie ou réglé une plainte d’une façon injuste. Mais il demeure néanmoins que de nombreuses personnes peuvent difficilement comprendre comment la Gendarmerie peut à la fois agir à titre de surveillant et d’arbitre en dernier ressort en ce qui a trait aux plaintes du public. Les plaignants, les membres impliqués dans les plaintes et les Canadiens en général sont en droit d’aspirer à une confiance sans réserve à l’égard de la Gendarmerie royale du Canada. À notre avis, l’implantation d’un organisme indépendant de révision permettrait de satisfaire à de telles aspirations.

Comme l’intimée nous l’a fait remarquer, le solliciteur général de l’époque a fait écho à cette manière de voir en proposant la deuxième lecture de la Loi modificative (Débats de la Chambre des communes, 11 septembre 1985, à la page 6518) :

Je vois l’établissement de la Commission des plaintes du public comme une modification de première importance. C’est une solution contemporaine à la nécessité de traiter de façon objective, ouverte et juste les plaintes formulées contre des agents de la GRC, solution qui méritera la confiance de la population.

Ainsi donc, un objet de la loi qu’on peut dégager de la situation qu’elle visait à réformer est de protéger le public contre la tenue d’enquêtes secrètes sur ses plaintes. Mais il ressort à l’évidence d’autres éclaircissements fournis par le solliciteur général que l’on voulait aussi se protéger contre un autre abus, à savoir la mise au pilori des membres de la Gendarmerie (Débats, 11 septembre 1985, à la page 6519) :

Ce projet de loi donne suite à la plupart des recommandations de la commission Marin et l’on a passé beaucoup de temps à préparer des révisions qui aideront la GRC dans son travail tout en préservant le délicat équilibre entre la protection des droits du public et celle des membres de la GRC.

Cette observation indique que l’on se prémunit également contre les deux abus.

Compétence de la Commission à l’égard d’une plainte concernant la conduite du commissaire de la GRC : première question, la plainte concernant Inkster

La Commission soutient que l’article 45.43 attribue expressément à son président et à elle-même la compétence pour tenir une enquête ou une audience à l’égard d’une plainte concernant la conduite du commissaire, à titre de membre de la GRC, dans l’exercice de ses fonctions prévues à la Loi. On dit que cette interprétation est corroborée par les objectifs généraux de la partie VII, par le contexte général de la Loi en ce qui concerne le commissaire et la Commission, et par l’essentiel de la jurisprudence récente de la Cour suprême qui traduit, au dire des avocats, une évolution des principes en matière de responsabilité des titulaires de charges publiques, savoir la limitation des immunités au regard de l’application du principe.

Le procureur général du Canada, en revanche, soutient que le législateur n’a pas pu vouloir que le commissaire soit visé par les mots « un membre ou […] toute autre personne nommée ou employée sous le régime de [la Loi] », employés au paragraphe 45.43(1). Cette conclusion, dit-il, repose sur le rôle exceptionnel du commissaire relativement aux plaintes du public, rôle que lui seul peut jouer, et sur son rôle spécial au sein de la GRC, organisme paramilitaire.

On reconnaît que le commissaire doit rendre des comptes, mais non par rapport à toute plainte déposée auprès de la Commission. Son obligation de rendre compte est sanctionnée par d’autres mécanismes, par exemple, la nomination du commissaire à titre amovible par le gouverneur en conseil, en vertu de l’article 5 [mod., idem, art. 2]; de plus, le commissaire doit rendre des comptes au Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes ou dans le cadre de la présentation du Budget des dépenses du solliciteur général. En vertu de l’article 24.1 [édicté, idem, art. 15] de la Loi, le ministre peut désigner une commission chargée d’enquêter et de faire rapport sur toute question liée à l’organisation, la formation, la conduite, l’exercice des fonctions, la discipline et la bonne administration de la Gendarmerie. Au surplus, la Loi sur les enquêtes [L.R.C. (1985), ch. I-11] prévoit un moyen pour le gouverneur en conseil de faire procéder à une enquête, si cela lui semble nécessaire.

Ces divers moyens par lesquels le commissaire est tenu de rendre compte de l’exécution de ses fonctions ne sont pas sans importance, mais ils visent aussi nombre de hauts fonctionnaires, et ils ne sont d’aucun secours pour répondre à la question posée dans le mémoire spécial, savoir si une plainte du public contre le commissaire ressortit à la compétence de la Commission sous le régime de la partie VII de la Loi. Et n’est d’aucun secours le fait que ses fonctions sont semblables à celles des sous-ministres ou du chef d’état-major de la Défense, qui n’ont peut-être pas à rendre compte d’une prétendue faute commise dans l’exercice de leurs fonctions dans le cadre d’une procédure comme celle établie à l’égard des plaintes du public dans la partie VII de la Loi.

Je le répète, toutes les dispositions de la partie VII qui se rapportent au dépôt de plaintes du public sont couchées dans les mêmes termes. Dans chaque cas, une plainte doit avoir été déposée, elle doit concerner la conduite d’une personne dans l’exercice de ses fonctions prévues à la Loi et cette personne doit être un membre ou une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi.

Les parties s’entendent pour dire que les plaintes en l’espèce concernent la conduite du commissaire dans l’exercice de ses fonctions et qu’il est un membre de la GRC. Leurs points de vue divergent seulement sur la question de savoir s’il est un « membre » de la Gendarmerie, au sens de ce terme dans la partie VII où il est question de dépôt de plaintes, en particulier au paragraphe 45.43(1), en application duquel le président a décidé d’agir.

L’article 2 [mod., idem, art. 1] de la Loi définit ainsi le mot « membre »:

2.

« membre »

a) Personne nommée en qualité d’officier ou à tout autre titre en vertu de l’article 5 ou des alinéas 6(3)a) ou 7(1)a);

b) personne non congédiée ni renvoyée de la Gendarmerie dans les conditions prévues à la présente loi, à ses règlements ou aux consignes du commissaire.

De la même façon, l’« officier » est défini comme un membre nommé conformément à l’article 5. Aux termes du paragraphe 5(1), le gouverneur en conseil nomme un officier commissaire de la GRC, investi de la pleine autorité sur la Gendarmerie. Par conséquent, le mot « membre » employé dans les dispositions de la partie VII relatives au dépôt de plaintes, dont le paragraphe 45.43(1), vise le commissaire, sauf si un sens différent doit être inféré du contexte de la Loi et de ses objectifs.

L’avocat du procureur général du Canada concède que le commissaire est un membre de la Gendarmerie, mais prétend que le législateur n’a pas pu vouloir qu’il soit inclus, compris dans le mot « membre » utilisé dans ces articles touchant le dépôt de plaintes en conformité avec la partie VII et que les plaintes concernant la conduite du commissaire échappent à la compétence de la Commission sur les plaintes du public.

On dit que l’argument du procureur général repose sur le rôle spécial du commissaire tant au regard de la procédure de règlement des plaintes qu’au regard de ses autres fonctions spéciales prévues à la Loi. Il n’y a pas de doute que le commissaire joue un rôle important dans la procédure de règlement des plaintes du public. Au sein de la Gendarmerie, il est responsable de l’administration et de la gestion de ce processus et, sous l’autorité du ministre, du règlement de ces plaintes, y compris la décision de donner suite ou non aux recommandations faites par la Commission des plaintes du public.

Les fonctions du commissaire, relativement au processus, sont nombreuses. Toutes les plaintes du public sont portées à son attention (paragraphes 45.35(3), 45.37(2), alinéa 45.41(2)a)) et il avise par écrit le membre ou l’autre personne, dont la conduite fait l’objet de la plainte, pour autant qu’il soit d’avis qu’une telle mesure ne risque de nuire à la conduite d’une enquête (paragraphes 45.35(4), 45.37(3)). Il considère si la plainte peut être réglée à l’amiable, moyennant le consentement du plaignant et de la personne visée par la plainte (paragraphe 45.36(1)). À défaut de règlement amiable, la plainte fait l’objet d’une enquête par la GRC selon les règles établies par le commissaire (paragraphe 45.36(4), article 45.38), mais il peut refuser qu’une plainte fasse l’objet d’une enquête ou mettre fin à une enquête s’il estime que certains motifs définis le justifient, et transmet un avis au plaignant et à la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte (paragraphes 45.36(5) et (6)). Il a l’obligation de faire rapport périodiquement aux parties sur l’état de l’enquête (article 45.39) et au terme de l’enquête menée au sein de la Gendarmerie (article 45.4). Finalement, le commissaire joue un rôle exceptionnel même par rapport aux plaintes sur lesquelles la Commission des plaintes du public ou son président font enquête ou rapport. Ainsi, il fournit des renseignements sur toute enquête ou rapport antérieur, relatif à la plainte, sous la responsabilité de la Gendarmerie (alinéa 45.41(2)b)); il révise et examine le rapport et les recommandations du président ou de la Commission, et avise le président et le ministre des mesures prises ou devant l’être et, s’il ne prend pas de mesure, il motive sa décision (article 45.46).

Cette dernière fonction, réviser les rapports et recommandations de la Commission ou du président, et aviser les personnes compétentes de sa décision, ainsi que le pouvoir d’établir des règles, en application de la Loi, relativement à la procédure de règlement des plaintes du public au sein de la GRC, sont expressément exclus du pouvoir général du commissaire de déléguer ses pouvoirs ou fonctions, que lui attribue le paragraphe 5(2). En conséquence, l’avocat du procureur général fait valoir que le commissaire doit s’acquitter personnellement de son rôle, lorsqu’il s’agit de réviser les rapports du président et d’aviser les personnes compétentes.

Vu cette fonction particulière du commissaire, à qui il appartient de mettre le point final aux enquêtes sur les plaintes du public, on fait valoir que le législateur n’avait pas l’intention de viser le commissaire en employant, dans les articles touchant le dépôt de plaintes par le public, les mots « un membre ou […] toute autre personne nommée ou employée sous le régime de [la Loi] », que ce soit relativement à une plainte d’un membre du public (paragraphe 45.35(1)), à une plainte portée par le président de la Commission (paragraphe 45.37(1)) ou à une plainte sur laquelle le président enquête ou à l’égard de laquelle il convoque une audience parce qu’il estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte (paragraphe 45.43(1)).

Pour résumer son argument que le commissaire échappe à toutes enquêtes sur des plaintes concernant l’exercice de ses fonctions prévues à la Loi, le procureur général soutient ce qui suit, dans son mémoire :

[traduction] … la Loi attribue au commissaire un rôle relativement à toute plainte déposée, à l’enquête sur celle-ci et à son règlement définitif, qu’elle ait ou non fait l’objet d’une enquête par la Commission des plaintes du public. La Loi ne dit pas que le titulaire de la charge de commissaire peut être l’objet d’une enquête suivant la procédure applicable aux plaintes du public. Elle ne dit pas non plus que le président et les autres membres de la Commission des plaintes du public peuvent être visés par une enquête, en dépit du fait que le président et les autres membres de la Commission sont, si l’on interprète strictement l’art. 45.35, compris dans l’expression « toute autre personne nommée ou employée sous le régime de [la Loi] ».

Quant à ce dernier aspect, savoir la situation comparable du président et des membres de la Commission par rapport à toute plainte concernant leur conduite, la Commission elle-même, dans son rapport pour 1989-1990, signale qu’il s’agit d’une anomalie et que le meilleur moyen de la corriger serait une modification de la Loi tendant à les soustraire à la procédure de règlement des plaintes du public. À mon avis, arguer de l’analogie de la situation du président et des membres de la Commission n’est d’aucun secours pour trancher la question relative à l’application de la procédure aux plaintes d’un membre du public concernant la conduite du commissaire.

Par surcroît, le procureur général soutient qu’outre la partie VII, la Loi dans son ensemble nous autorise à conclure que la conduite alléguée du commissaire ne saurait faire l’objet d’une enquête suivant la procédure de règlement des plaintes du public. En matière de discipline, le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure d’appel relativement aux appels interjetés contre certaines mesures disciplinaires simples et relativement aux décisions du comité d’arbitrage sur un cas de mesures disciplinaires graves (paragraphes 42(6) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 66], 45.14(1) et 45.16(1) à (7)). Il a le pouvoir de suspendre tout membre qui a contrevenu ou qui est soupçonné de contrevenir au code de déontologie ou à une loi fédérale ou provinciale (article 12.1) [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 7]. Il constitue le dernier niveau de la procédure d’appel relativement à la recommandation de renvoi ou de rétrogradation formulée par la commission de licenciement et de rétrogradation de la Gendarmerie (paragraphes 45.24(1), 45.26(1) à (7)). Enfin, le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure applicable aux griefs. Dans toutes ces procédures, ses décisions ne sont pas susceptibles d’appel sauf par voie de demande de révision judiciaire.

Étant donné ses fonctions particulières, on affirme qu’à titre de commandant en chef et de directeur de la Gendarmerie, compte tenu de la structure paramilitaire exceptionnelle de la Gendarmerie, le commissaire est lui-même soustrait aux processus internes touchant les mesures disciplinaires simples et les mesures graves, ou le renvoi ou le licenciement, et pour la même raison, ne saurait faire l’objet des procédures prévues à la partie VII de la Loi relativement aux plaintes du public.

Je ne suis pas persuadé que la situation du commissaire par rapport aux processus internes de la GRC apporte une réponse facile à la question posée au sujet de la compétence de la Commission des plaintes du public pour connaître d’une plainte concernant sa conduite. Il est vrai que le législateur a créé la Commission par cette Loi, mais il l’a habilitée à agir librement, sans droit de regard de la Gendarmerie, lorsqu’elle entend des plaintes déposées par des membres du public ou portées par le président. C’est un organisme autonome, qui échappe à la régie interne de la GRC. Tout comme la situation juridique du commissaire par rapport à d’autres organismes extérieurs ne dépend pas de sa situation au sein de la Gendarmerie, sa situation juridique par rapport à la Commission des plaintes du public, à mon sens, ne doit pas non plus en dépendre.

Les deux arguments avancés par le procureur général ne sont pas convaincants, à mon avis, quant à l’intention du législateur de soustraire à la compétence de la Commission ou de son président une plainte concernant la conduite du commissaire dans l’exercice de ses fonctions attribuées par la Loi. Tous sont d’accord pour dire qu’il est un membre de la Gendarmerie. Une plainte touchant sa conduite alléguée, qu’elle ait été déposée par un membre du public en conformité avec l’article 45.35 ou portée par le président en vertu de l’article 45.37, ou qu’il s’agisse d’une plainte sur laquelle le président enquête ou à l’égard de laquelle il convoque une audience parce qu’il estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte (article 45.43), inclut une plainte concernant le commissaire à titre de « membre », sauf si le contexte et la Loi dans son ensemble exigent clairement que soit donné au mot « membre » un sens qui exclut la possibilité qu’une plainte concernant sa conduite puisse être l’objet d’une enquête. À mon avis, le contexte et la Loi n’exigent pas cela. Ses rôles importants par rapport à divers processus prévus par la Loi, en matière de gestion, de mesures disciplinaires, de renvoi et de rétrogradation, et même son rôle important au niveau de la gestion du processus interne de règlement des plaintes du public, n’exigent pas qu’il soit exclu du champ d’application des mots « un membre » employés relativement aux plaintes du public, ni ne permettent d’inférer que le législateur avait l’intention de l’en exclure.

Le rôle du commissaire dans la gestion, au sein de la Gendarmerie, du processus de règlement des plaintes du public, si important soit-il, ne nous autorise pas à conclure que le législateur voulait que les plaintes concernant sa conduite soient soustraites au pouvoir d’enquêter de la Commission. Pour la plupart, ses fonctions relativement au processus peuvent être, et sont sans aucun doute, déléguées à d’autres membres. Si une plainte concernant sa conduite est soumise à la Gendarmerie sans que l’article 45.43 ait été invoqué, et qu’il soit le moindrement avéré que la plainte n’est pas frivole, il se peut qu’elle doive être renvoyée à la Commission afin que le président détermine s’il est dans l’intérêt public qu’il enquête sur celle-ci ou que la Commission tienne une audience pour enquêter sur celle-ci.

Si le président décide qu’il y a lieu, dans l’intérêt public, qu’il tienne une enquête ou qu’une audience par la Commission soit convoquée, il ressort clairement du paragraphe 45.43(2) que tout examen de la plainte par la Gendarmerie est sans importance. Quand le président agit de la sorte, le seul rôle que la Loi attribue au commissaire, en plus de recevoir la plainte et de fournir des renseignements, c’est l’obligation de répondre au rapport que le président ou la Commission lui transmet ou transmet au ministre au terme de l’enquête ou de l’audience (paragraphes 45.45(14), 45.46(1) et (2)).

La participation du commissaire, en bout de ligne, lorsqu’il révise un rapport de la Commission ou de son président, lorsqu’il décide des mesures à prendre, s’il en est, et qu’il en avise la Commission et le ministre, ne signifie pas en soi qu’on entendait que sa conduite ne puisse être l’objet d’une enquête de la Commission à la suite de plaintes du public. En fin de compte, il lui incombe de diriger la Gendarmerie, même sous cet aspect, sous la direction du ministre. Le président et la Commission jouent le rôle d’ombudsman et sont, fondamentalement, investis du pouvoir de présenter un rapport d’activité public relativement aux plaintes. Le président et la Commission transmettent un rapport au commissaire et au ministre au sujet des plaintes déposées et présente un rapport public au sujet de leur travail en général. La Commission n’a aucun pouvoir d’exécution sauf quant aux enquêtes et aux rapports sur les plaintes du public.

Le commissaire a les mêmes obligations que « chaque membre » pour ce qui est de respecter les normes établies à l’article 37 de la Loi à l’égard de sa conduite, dont celle « de respecter les droits de toutes personnes; […] de maintenir l’intégrité du droit et de son application ainsi que de l’administration de la justice; […] de veiller à ce que l’inconduite des membres ne soit pas cachée ou ne se répète pas; […] d’être incorruptible, de ne pas rechercher ni accepter des avantages particuliers dans l’exercice de ses fonctions » (alinéas 37a), b), e) et f)). Puisque c’est le législateur qui a créé une Commission des plaintes du public, chargée d’examiner les plaintes du public contre la conduite des membres de la Gendarmerie, lesquelles, si elles sont fondées, peuvent en fin de compte refléter l’incapacité de respecter les normes établies dans la Loi et le règlement, c’est au législateur qu’il appartient de soustraire, expressément ou d’une manière qui ne laisse planer aucun doute, la conduite du commissaire ou de tout autre membre de la Gendarmerie au pouvoir de cette Commission. Inférer que la conduite du commissaire est exclue, alors que le texte de la Loi ne le dit pas et que le contexte, à mon avis, ne l’exige pas, aboutit au résultat anormal que seul le chef de la Gendarmerie, le commissaire, parmi tous les membres de la GRC en activité de service, serait soustrait au pouvoir de la Commission d’enquêter sur une plainte déposée par un membre du public concernant sa conduite dans l’exercice de ses fonctions. Certes, il doit rendre compte de sa conduite à d’autres autorités, mais il me semble qu’en le faisant ainsi échapper à l’enquête menée par la Commission, on diminue la valeur du rôle de la Commission des plaintes du public en ce qui a trait à l’objectif principal que visait sa création.

Cet objectif, comme l’a décrit le juge MacGuigan, J.C.A., dans le passage précité, était de traiter de façon objective, ouverte et juste les plaintes formulées contre des agents de la GRC, et mériter ainsi la confiance de la population, et d’aider la GRC dans son travail tout en préservant le délicat équilibre entre la protection du public contre la tenue d’enquêtes secrètes sur ses plaintes et la protection des membres de la GRC.

Il me semble que, pour ce qui est de cet objectif, l’article 45.43 joue un rôle critique, car l’activité de la Commission et de son président fait l’objet de rapports publics et les audiences tenues sous son égide sont publiques, par contraste avec les processus internes de la Gendarmerie relatifs à la discipline et au règlement des griefs ou des plaintes du public, qui ne sont pas publics. Sous le régime de la Loi, il revient au président de décider si, dans l’intérêt public, il doit enquêter sur une plainte ou convoquer une audience de la Commission. Si ce pouvoir ne s’étendait pas aux plaintes concernant la conduite du commissaire, comme le soutient le procureur général, cela minerait sérieusement la confiance du public dans la procédure suivie par la Commission, voire dans la GRC elle-même. Je ne souscris pas à l’argument du procureur général selon lequel, en soustrayant le commissaire à la procédure de règlement des plaintes du public, on ne porte pas atteinte à cette procédure. Au surplus, quand les dirigeants ne sont pas soumis au même mécanisme public de règlement des plaintes concernant leur conduite que ceux qu’ils dirigent, non seulement cela mine la confiance du public, mais encore cela bat en brèche la confiance qu’ont, dans leur leadership, ceux qu’ils dirigent.

Je conclus que le mot « membre », utilisé à la partie VII de la Loi, s’entend du commissaire; cette conclusion repose sur les objectifs des parties VI et VII de la Loi. Les plaintes concernant sa conduite alléguée, déposées par un membre du public ou portées par le président, relèvent de la compétence de la Commission.

Au nom de la Commission, on a affirmé qu’interpréter le pouvoir d’enquêter de la Commission comme s’étendant à la conduite du commissaire est conforme à ce qu’on a appelé l’évolution, fondée sur la primauté du droit, des principes en matière de responsabilité, telle qu’elle se dégage de la jurisprudence, en particulier des arrêts de la Cour suprême depuis quelques années. La responsabilité publique, soutient-on, contribue à faire en sorte que les titulaires de charges publiques exercent les pouvoirs importants dont ils sont investis d’une manière qui soit conforme à la primauté du droit et qui permette de gagner la confiance du public dans l’intégrité de notre système judiciaire. Dans cet esprit, on dit que la Cour suprême a refusé, dans certains arrêts, de faire droit à la revendication de l’immunité par des titulaires de charges ou de pouvoirs spéciaux. Les arrêts cités portaient sur diverses questions : arrêt Roncarelli v. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, traitant du pouvoir discrétionnaire, illimité, que revendiquait le premier ministre et procureur général pour l’application d’une loi provinciale; arrêt Smallwood c. Sparling, [1982] 2 R.C.S. 686, qui a décidé que le premier ministre d’une province pouvait être contraint à témoigner et à produire des documents dans une instance devant un tribunal fédéral des pratiques restrictives du commerce; arrêt Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441, dans lequel la Cour a refusé d’accepter que toutes les décisions du Cabinet échappaient au pouvoir de contrôle judiciaire; arrêt Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637, selon lequel un privilège de la Couronne invoqué ne protège pas tous les documents du Cabinet contre la production dans une action au civil; arrêt Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170, selon lequel un procureur général provincial et les procureurs de la Couronne ne jouissent pas de l’immunité absolue contre les actions au civil pour poursuites abusives.

Les arrêts cités n’apportent, bien sûr, pas de solution à la question à trancher en l’espèce, quoique ma réponse à la première question du mémoire spécial soit compatible avec l’application du principe général qui sous-tendrait ces arrêts. Certes, l’argument que les plaintes concernant la conduite du commissaire ne relèvent pas de la compétence de la Commission n’est pas fondé sur la notion d’immunité à l’égard de l’application de la loi, mais l’interprétation préconisée par le procureur général aurait le même effet. Or, un tel résultat n’est pas justifié sauf s’il est clair que le législateur avait l’intention de soustraire la conduite du commissaire au pouvoir d’enquêter de la Commission ou de son président. Il n’a pas exprimé cette intention dans le cas présent et je conclus que celle-ci n’est pas clairement implicite dans la partie VII de la Loi, dans les mots employés, dans le contexte de la partie VII, dans la Loi dans son ensemble, ni dans les objectifs des parties VI et VII.

À mon avis, il faut répondre par l’affirmative à la première question du mémoire spécial. La Commission est compétente pour connaître de la plainte concernant Inkster.

Compétence de la Commission à l’égard d’une plainte concernant la conduite d’une personne qui prend sa retraite ou cesse d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi avant le dépôt de la plainte, ou après le dépôt de celle-ci mais avant son règlement : question 2(i), la plainte concernant Jensen, et question 2(ii)

J’étudie les questions 2(i) et 2(ii) du mémoire spécial ensemble. Bien qu’elles portent sur des situations différentes, on soutient au nom du procureur général qu’il convient de répondre à toutes deux par la négative et, au nom de la Commission, qu’il faut répondre à toutes deux par l’affirmative. L’avocat de M. Jensen, dont l’intervention avait pour objet la question de la compétence de la Commission pour entendre les plaintes concernant la conduite d’un membre qui a pris sa retraite ou qui n’est plus une personne nommée sous le régime de la Loi avant le dépôt de la plainte, a appuyé la thèse du procureur général selon laquelle il y a lieu de répondre à la question 2(i) par la négative, mais pour des motifs un peu différents.

À propos de ces deux questions, les positions prises par la Commission et par le procureur général sont l’inverse de celles qu’ils ont défendues dans le cas de la première question, du moins en ce qui concerne le sens qu’ils donnent aux mots utilisés aux articles 45.35, 45.37 et 45.43 de la Loi relativement à une plainte. Le procureur général s’appuie dans ce cas-ci sur la définition donnée au mot « membre » dans la Loi, tandis que la Commission fait valoir que cette définition ne s’applique qu’au regard du moment précis où s’est produit le fait générateur de la plainte. Les mots employés dans ces articles sont les suivants : « concernant la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci ».

On soutient au nom du procureur général qu’à l’égard des deux situations visées aux questions 2(i) et 2(ii), la définition du mot « membre » donnée dans la Loi signifie clairement que la procédure de règlement des plaintes du public ne s’applique qu’aux plaintes concernant les membres de la Gendarmerie en activité de service et ne s’applique pas aux plaintes concernant les personnes qui ont pris leur retraite et ne sont plus membres de la GRC. Le texte de la Loi sur lequel on se fonde comprend la définition complète du mot « membre » au paragraphe 2(1), en particulier l’alinéa b) de la définition. Je répète qu’un membre s’entend d’une personne

2.

a) … nommée en qualité d’officier ou à tout autre titre […]

b) … non congédiée ni renvoyée de la Gendarmerie dans les conditions prévues à la présente loi, à ses règlements ou aux consignes du commissaire.

Aux termes de l’article 21 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 12] de la Loi, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant le renvoi, par mesure administrative, des membres (alinéa 21(1)a)) et, sous réserve des autres dispositions de la Loi et de ses règlements, le commissaire peut établir des règles concernant le renvoi, par mesure administrative, des membres (alinéa 21(2)a)). L’article 19 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) [DORS/88-36] traite du renvoi par mesure administrative :

19. Le membre autre qu’un officier peut être renvoyé de la Gendarmerie, et l’officier peut faire l’objet d’une recommandation de renvoi de la Gendarmerie, pour l’un des motifs suivants :

a) incapacité physique ou mentale;

b) incarcération par suite d’une sentence imposée par un tribunal canadien ou étranger;

c) mesure d’économie ou d’efficacité de la Gendarmerie;

d) retraite volontaire;

e) démission;

f) abandon de poste;

g) atteinte de l’âge de la retraite;

h) décès;

i) nomination irrégulière.

Relativement à certains de ces motifs, d’autres dispositions du Règlement portent sur les mécanismes régissant la retraite volontaire du membre qui a droit à une pension de retraite, la démission du membre, sur avis accepté par le commissaire, et le renvoi en cas de décès. L’article 45.28 de la Loi dispose, au sujet des mesures disciplinaires graves, que la commission de licenciement et de rétrogradation peut offrir au membre contre qui un motif d’inaptitude a été établi la possibilité de démissionner de la Gendarmerie. La démission, dans ce cas comme dans les autres, devrait être acceptée par le commissaire conformément au Règlement.

Ces dispositions de la Loi et du Règlement, ainsi que l’arrêt de la Cour suprême du Canada Maurice c. Priel, [1989] 1 R.C.S. 1023, soutient-on, indiquent clairement que la Commission des plaintes du public n’est pas compétente pour entendre une plainte concernant la conduite d’un membre qui a pris sa retraite et qui n’est pas un membre de la Gendarmerie dans l’un et l’autre des cas prévus dans les questions 2(i) et (ii).

On fait valoir au nom de la Commission que, dans les deux cas, il convient de confirmer la compétence de la Commission pour connaître d’une plainte, essentiellement parce qu’étant donné les objectifs des parties VI et VII de la Loi, il est légitime d’interpréter les mots employés dans la Loi comme signifiant que le moment où se sont produits les faits générateurs de la plainte, le seul qui présente de l’importance pour le plaignant, est le seul moment où le statut de membre de la Gendarmerie est pertinent. Si un membre prend sa retraite ou cesse d’être membre de la Gendarmerie, même avant le dépôt de la plainte découlant de ces faits, la Commission doit rester compétente pour connaître de l’affaire si l’on veut atteindre les objectifs pour lesquels elle a été créée, c’est-à-dire un examen impartial, ouvert, des plaintes du public. Au surplus, on fait valoir que, dans le cadre des enquêtes sur les plaintes, les intérêts de la Gendarmerie peuvent être importants, même encore plus que ceux des parties en cause, chaque fois que des processus administratifs ou autres de la Gendarmerie sont pris en considération au regard d’une plainte.

À mon avis, le dernier argument, qui met en lumière la possibilité que la Gendarmerie puisse retirer des avantages d’une enquête qui supposera inévitablement la prise en compte de processus administratifs ou autres, se rattache aux objectifs de la procédure de règlement des plaintes du public. Celle-ci comporte une enquête et des rapports sur les plaintes concernant la conduite de membres ou d’autres personnes employées sous le régime de la Loi. Par surcroît, toute plainte, même si elle n’est pas tenue pour une plainte officielle du public clairement visée à la partie VII, peut conduire à des enquêtes administratives au sein de la GRC. Cela ressortit à la responsabilité de la Gendarmerie au chapitre des politiques administratives et des pratiques générales.

L’avocat de M. Jensen a invoqué en partie le même argument que le procureur général au sujet de la signification du texte de la Loi en l’occurrence, en particulier la définition du mot « membre », qui exclurait ceux qui ont été renvoyés de la Gendarmerie, comme l’a été M. Jensen, au moment où il a pris sa retraite suivant le processus normal. En l’espèce, il n’est pas question que sa cessation d’emploi à la GRC ait eu pour but d’éviter une enquête menée par la Commission. Il ne s’agit pas d’un cas de départ volontaire après le début d’une enquête.

L’avocat de M. Jensen a aussi fait valoir qu’interpréter la Loi d’une façon qui rende la Commission compétente pour connaître de la plainte concernant Jensen, qui a été déposée après qu’il eut normalement pris sa retraite, entraînerait une discrimination interdite par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit l’égalité devant la loi. D’après lui, si les plaintes concernant la conduite d’un membre pouvaient être examinées même quand il a pris sa retraite avant le dépôt des plaintes, cela créerait des inégalités entre des catégories de membres retraités. Ceux qui ont pris leur retraite avant l’entrée en vigueur de la partie VII, en 1988, ne pourraient faire l’objet d’une enquête portant sur leur conduite alléguée durant leur service à la GRC (arrêt Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re), précité), tandis que ceux qui ont pris leur retraite plus tard, le pourraient. Même si tel était le cas, je ne suis pas persuadé que cela constituerait une discrimination interdite par l’article 15 de la Charte selon le critère énoncé par le juge McIntyre dans l’arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, critère qui est devenu la norme applicable aux cas de violation alléguée de l’article 15. Cet article n’est d’aucun secours pour répondre aux questions posées en l’espèce.

Une autre question soulevée par l’avocat de M. Jensen concerne ce qu’il a appelé les facteurs d’équité de l’affaire; il a fait valoir que les objectifs de la procédure de règlement des plaintes du public avaient déjà été atteints grâce à l’audience tenue devant le juge Fontana dans le cadre des poursuites pénales engagées contre M. Small et d’autres. En dernier lieu, il a fait valoir que la conduite alléguée ne portait atteinte à aucun intérêt personnel de M. Colford, plaignant en l’espèce; il ne pouvait demander aucune réparation au civil et ne devait pas être autorisé à soulever au moyen de la procédure de règlement des plaintes du public des questions qu’une action au civil ne lui permettrait pas de soulever. Le dernier argument est sans importance, étant donné le texte explicite du paragraphe 45.35(1) qui dit : « [T]out membre du public qui a un sujet de plainte … peut, qu’il en ait ou non subi un préjudice, déposer une plainte ». Vu ma conclusion, il n’est pas nécessaire de s’arrêter davantage à ces questions.

Ni les arguments du procureur général, ni ceux de la Commission, ne nous conduisent directement aux réponses aux questions posées, et ils ne permettent pas nécessairement d’apporter la même solution aux deux questions, malgré ce qu’ont soutenu les avocats. Les réponses aux questions ne dépendent pas seulement de la définition du mot « membre », laquelle ne saurait vraiment être débattue, dans le cas de M. Jensen. Selon cette définition, il a continué d’être membre de la Gendarmerie jusqu’à la date de sa retraite en décembre 1989, mais il n’était plus membre par la suite. Les questions posées en l’espèce nous obligent à décider à quel moment le statut de membre de la Gendarmerie ou d’employé de la GRC sous le régime de la Loi est essentiel au regard des objectifs de la procédure de règlement des plaintes du public.

En vertu du pouvoir que lui attribue l’article 45.38 de la Loi, le commissaire a établi des règles relatives aux plaintes du public sous forme d’ordres permanents (DORS/88-522) [Ordres permanents du Commissaire (plaintes du public)], qui renferment la disposition suivante :

10. Toute enquête sur une plainte doit être menée à terme, même si le membre ou l’autre personne dont la conduite fait l’objet de la plainte quitte la Gendarmerie.

La Commission soutient que cela indique que le commissaire lui-même a adopté le point de vue selon lequel le fait que la personne visée a cessé d’être membre ou d’être employée par la GRC ne doit pas empêcher que l’enquête soit menée à bonne fin, si elle était un membre ou un employé au moment où se sont produits les faits générateurs de la plainte. L’avocat de M. Jensen, en revanche, fait valoir que cette Règle implique nettement qu’elle s’applique seulement en cas de dépôt et d’examen d’une plainte avant que la personne visée ait cessé d’être membre.

Trois précédents cités par les avocats lors des plaidoiries nous apportent un peu d’aide. Ce sont : l’arrêt Maurice c. Priel, précité, l’affaire Rutherford c. La Reine (1983), 4 C.M.A.R. 262 (T.A.C.M.) et l’affaire Samuels v. Council of College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan (1966), 57 W.W.R. 385 (B.R. Sask.).

Dans l’arrêt Maurice c. Priel, la Cour suprême a rejeté le pourvoi contre le jugement de la Cour d’appel de la Saskatchewan [(1987) 46 D.L.R. (4th) 416] qui avait rendu une ordonnance interdisant à un comité du barreau de la province d’entendre, dans une procédure en matière disciplinaire, des plaintes concernant la conduite d’une personne qui était un avocat en exercice au moment où se sont produits les faits allégués mais qui était devenue juge quelques années avant le dépôt de la plainte. The Legal Profession Act de la Saskatchewan [R.S.S. 1978, ch. L-10] contenait des dispositions relatives à l’examen et à l’audition possible de [traduction] « toute plainte ou allégation … qui reproche à un membre du barreau une conduite indigne d’un avocat ». Au nom de la majorité des juges de la Cour d’appel de la Saskatchewan, le juge en chef Bayda a conclu que la Law Society n’avait pas compétence pour tenir une audition puisque la personne en cause n’était pas membre de ladite Society. Dissident sur ce point, le juge Tallis, J.C.A. a décidé que la Society avait compétence parce que la Loi exigeait seulement que la personne contre qui la plainte est portée soit un membre de la Law Society à l’époque de l’inconduite alléguée. Interprétant The Legal Profession Act et la Loi sur les juges [S.R.C. 1970, ch. J-1], le juge Cory de la Cour suprême du Canada a conclu que la personne cessait d’être membre de la Law Society lors de sa nomination à la magistrature et que, selon son interprétation de The Legal Profession Act, la Society n’était pas compétente pour entendre l’affaire. Implicitement, le fait d’avoir fait partie de la Society au moment où la plainte a été déposée était essentiel pour conférer à la Society compétence à l’égard de l’inconduite dont la personne qui fait l’objet de la plainte aurait fait preuve pendant qu’elle était membre de la Society. Au sujet de l’argument fondé sur les conséquences de la conclusion du juge Tallis, J.C.A., dissident, le juge Cory a dit ce qui suit (à la page 1032) :

Cet argument ne saurait être accepté. S’il en était ainsi, il s’ensuivrait qu’il serait possible d’engager des procédures disciplinaires contre des membres décédés ou qui sont à la retraite depuis plusieurs années. On a soutenu que si la Cour devait rejeter l’argument « membre un jour, membre toujours », cela pourrait mener à des abus puisque quelqu’un pourrait démissionner comme membre de la Law Society juste avant une audition en matière de discipline. Vu la conclusion qu’un juge n’est pas membre de la Law Society of Saskatchewan, il n’est pas nécessaire de traiter cet argument quelque peu fondé sur la crainte. De toute façon, il convient de souligner que la Loi a été modifiée de manière à ce qu’une personne ne puisse démissionner comme membre de la Law Society sans l’autorisation de son conseil.

Au nom de la Commission, on fait valoir qu’il convient d’établir une distinction d’avec l’arrêt Maurice c. Priel puisque cette affaire-là portait sur une loi dont l’objet était l’imposition de sanctions disciplinaires à des membres déclarés coupables d’inconduite, que la Loi concernait la conduite future que les sanctions visaient à limiter et qu’elle concernait d’abord les personnes et non l’inconduite. On affirme qu’en l’espèce, la législation n’attribue à la Commission aucun pouvoir d’imposer des sanctions, celle-ci étant un organisme consultatif, chargé d’enquêter et de faire rapport, et dont les attributions n’intéressent que les allégations touchant la conduite passée et non la réparation, les sanctions, les personnes ou la conduite future. À mon avis, cette distinction est trop subtile. Il est vrai que les fonctions de la Commission consistent à transmettre un rapport énonçant les recommandations qu’elle estime indiquées, et non pas à imposer des sanctions. Pourtant, l’objet de la Commission des plaintes du public est d’examiner et de régler les plaintes du public concernant la conduite de certaines personnes. Inévitablement, le règlement dans bien des cas où la plainte est fondée peut aboutir à des excuses qui font tort à certains membres de la Gendarmerie ou donner lieu à des procédures disciplinaires régies par les mécanismes internes de la GRC, voire à des poursuites au pénal ou au civil. Le fait que le résultat en bout de ligne n’est pas décidé par la Commission ne signifie pas que ses enquêtes et ses rapports ne représentent pas un élément important du processus de règlement des plaintes fondées. Le législateur n’a certainement pas voulu que les mécanismes complexes de règlement des plaintes du public n’aient pour aboutissement qu’un rapport public. La valeur de ce rapport et de la Commission réside dans la capacité inhérente de ce qui y est dit en vue de persuader les titulaires de fonctions administratives d’agir pour donner suite aux plaintes fondées.

Par rapport à son argument fondé sur la Charte, l’avocat de M. Jensen s’est référé à l’affaire Rutherford c. La Reine, précitée; il s’agit d’une décision de la Cour d’appel des cours martiales dans laquelle le président Mahoney, au nom de la majorité, a fait droit à un appel contre une déclaration de culpabilité prononcée par une cour martiale disciplinaire à l’égard de plusieurs chefs portés en conformité avec la Loi sur la défense nationale [S.R.C. 1970, ch. N-4], plusieurs mois après que l’accusé eut été libéré des forces armées. Toutes les accusations se rapportaient à sa conduite alléguée au moment où il était en activité de service. Au moment où il aurait perpétré les infractions, il était justiciable du Code de discipline militaire en vertu du paragraphe 55(1) de la Loi sur la défense nationale, mais il ne l’aurait pas été au moment où il a été accusé et jugé, n’eût été le paragraphe 55(2) de cette Loi. Aux termes de ce paragraphe, quiconque était justiciable du Code de discipline militaire au moment où il aurait commis une infraction d’ordre militaire peut être accusé, poursuivi et jugé pour cette infraction sous le régime de ce Code, même s’il a cessé, depuis que l’infraction a été commise, d’en être justiciable. Des questions constitutionnelles ont été soulevées dans cette affaire au regard de l’article 15 et de l’alinéa 11f) de la Charte, laquelle venait d’entrer en vigueur, un an seulement avant que la décision soit rendue. Dans cette affaire, trois des accusations se rapportaient à des infractions au code de discipline militaire qui n’étaient pas de la compétence d’un tribunal civil. Les deux autres concernaient des infractions qui sont justiciables des tribunaux criminels si elles sont perpétrées par quiconque n’appartient pas au service; elles étaient donc visées par l’alinéa 11f) de la Charte, qui garantit le droit de bénéficier d’un procès avec jury. Le président Mahoney a interprété le paragraphe 55(2) comme exigeant la preuve que l’application du droit militaire à un civil est nécessaire pour éviter une atteinte à la norme générale de discipline et à l’efficacité du service; or, cela n’a pas été prouvé dans cette affaire. Bien sûr, cette affaire n’est pas directement pertinente, mais elle illustre le principe appliqué dans l’arrêt Maurice, que la compétence d’attribution d’un tribunal spécialisé, en matière disciplinaire, en ce qui a trait à l’inconduite alléguée d’un membre d’un groupe relevant de la compétence du tribunal, exige que cette personne soit un membre non seulement au moment où l’inconduite alléguée se serait produite, mais encore au moment où la plainte a été déposée.

Dans la troisième affaire citée par les avocats, soit l’affaire Samuels, précitée, le juge Disbery a conclu que le College of Physicians and Surgeons de la province était compétent pour entendre et juger des allégations de faute professionnelle contre un médecin qui avait participé avec un avocat aux enquêtes préliminaires et aux audiences initiales du comité de discipline de l’association et qui, après avoir demandé et obtenu l’ajournement de l’audience afin de se préparer à répondre aux plaintes, n’avait pas versé sa cotisation annuelle et avait donc dû être radié du tableau de l’ordre. Il s’agit là d’une situation analogue à celle visée à la question 2(ii), encore qu’il faille reconnaître que, dans l’affaire Samuels, la personne dont la conduite faisait déjà l’objet d’une enquête avait cessé d’être membre de son plein gré dans des circonstances qui donnaient à penser qu’elle cherchait à éviter que les procédures disciplinaires ne fussent menées à terme.

Il reste un facteur auquel je ferai allusion. Je le tire des motifs du juge MacGuigan, J.C.A., dans l’affaire Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re), précitée. Pour conclure que la partie VI de la Loi n’avait pas d’effet rétrospectif et ne s’appliquait pas aux plaintes découlant de faits qui s’étaient produits avant l’entrée en vigueur de cette partie, en 1988, il a tenu compte d’un facteur qui interdisait de conclure que l’intention implicite du législateur était d’adopter une loi rétroactive : le fait que cette loi « impose des incapacités et des obligations à un nouveau groupe dont la conduite n’a jamais été scrutée, à savoir des personnes étrangères à la GRC » (à la page 563). Ce groupe est formé des personnes nommées ou employées sous le régime de la Loi, outre les membres de la Gendarmerie, dont l’une ou l’autre peut se voir reprocher une conduite donnant lieu à une plainte d’un membre du public. Conclure qu’il suffit, pour que la plainte soit visée par la procédure de la partie VII, que la personne qui en fait l’objet ait été membre de la GRC, ou ait été nommée ou employée sous le régime de la Loi, au moment où se sont produits les faits générateurs de la plainte, signifierait que les « incapacités et [l]es obligations » mentionnées par le juge MacGuigan, J.C.A., continuent par la suite indéfiniment, même si aucune plainte n’est déposée avant que la personne n’ait cessé d’être membre ou d’être employée sous le régime de la Loi. Les membres et les autres personnes employées par la GRC devraient, après leur départ, s’acquitter d’obligations qui n’ont pas d’équivalent manifeste pour ceux qui ont quitté d’autres postes de la fonction publique. Si telle était l’intention du législateur, il s’agit, selon moi, d’un objectif tout à fait inhabituel qu’il aurait dû exprimer clairement. J’estime que le législateur n’a pas voulu un tel résultat en édictant la partie VII de la Loi. À mon avis, le principe qui sous-tend l’arrêt Maurice c. Priel, précité, s’applique. Il est essentiel que la personne qui fait l’objet de la plainte appartienne au groupe soumis à la surveillance au moment où l’organisme qui exerce la surveillance a des raisons de mener une enquête sur sa conduite, c’est-à-dire au moment où la plainte est déposée, sauf si l’on donne une interprétation contraire à la loi qui établit le régime de surveillance.

À mon avis, les mots employés dans la partie VII de la Loi relativement aux plaintes doivent être interprétés d’une manière compatible avec ce que j’estime être l’intention du législateur, c’est-à-dire que, premièrement, la conduite se rattache à l’exercice de fonctions prévues à la Loi, ce qui exige implicitement que la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte ait agi en vertu de la Loi; deuxièmement, qu’au moment où la plainte est déposée, la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte soit un membre ou une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi.

En conséquence, à mon avis, les mots en question doivent être interprétés comme soustrayant au pouvoir d’enquêter de la Commission et à la procédure de règlement des plaintes du public dans l’ensemble, une plainte concernant la conduite d’une personne qui a pris sa retraite ou qui a cessé d’être membre de la GRC avant le dépôt de la plainte. Comme M. Jensen n’était pas un membre ni, par ailleurs, nommé sous le régime de la Loi en août 1990, au moment où la plainte concernant sa conduite alléguée a été déposée, il ne s’agit pas d’une plainte relevant de la compétence de la Commission.

Cela ne signifie pas qu’une plainte concernant la conduite d’un ex-membre ou ex-employé n’aurait aucun intérêt pour la GRC elle-même, même si la partie VII n’exige pas qu’elle soit traitée comme une plainte du public. Une telle plainte peut tout de même soulever des questions de grande importance qui intéressent la Gendarmerie et le commissaire; si elle est fondée, elle peut entraîner des changements internes, ou si elle est grave, des poursuites au pénal ou, pourvu qu’elle ne soit pas prescrite, une action en justice.

J’arrive à la dernière question, savoir la compétence de la Commission à l’égard d’une plainte concernant la conduite d’un membre ou d’une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi qui prend sa retraite ou cesse d’être un membre ou d’être nommée ou employée après le dépôt de la plainte mais avant son règlement.

La question qui se pose en pareil cas peut être formulée autrement. La retraite ou la cessation d’emploi de la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte met-elle fin à la compétence de la Commission pour connaître de la plainte?

Je réponds non, quand bien même la personne dont la conduite est en cause échappe, après sa retraite ou la cessation de son emploi, aux mécanismes internes de la Gendarmerie. Ni le départ volontaire, ni le départ involontaire de la Gendarmerie ne mettent fin à la compétence de la Commission, sauf peut-être en cas de décès de la personne dont la conduite est en cause, situation au sujet de laquelle je ne ferai aucune observation.

Cette conclusion est compatible avec le résultat de l’affaire Samuels, quoique les circonstances aient été différentes dans cette affaire-là, puisqu’il s’agissait d’une personne dont on a jugé qu’elle avait choisi de cesser d’être membre pour éviter des mesures disciplinaires. À mon sens, elle est compatible avec l’intention du législateur, quand il a adopté les parties VI et VII de la Loi, c’est-à-dire établir une procédure de règlement des plaintes du public qui englobe un examen externe possible par une commission indépendante. Quand la plainte est de sa compétence, la Commission doit mener son enquête à bonne fin et présenter un rapport. Le changement de statut de la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte ne doit pas mettre fin à ce rôle. Les enquêtes et les audiences prennent du temps, certaines plaintes peuvent être tellement graves que ceux dont la conduite est en cause peuvent avoir à répondre à des accusations ou à des poursuites qui compliqueraient et retarderaient l’enquête ou l’audience de la Commission. Des faits, sans rapport avec la plainte, qui d’ordinaire provoqueraient un changement de statut et la rupture des liens avec la Gendarmerie ou la cessation de l’emploi sous le régime de la Loi, ne doivent pas priver la Commission de la compétence pour connaître d’une plainte déposée avant que ces faits ne se soient produits.

Quant aux questions 2(i) et (ii), je conclus que, dans un cas comme celui de M. Jensen, lorsque la plainte concerne la conduite d’un membre ou d’une personne employée ou nommée sous le régime de la Loi qui prend sa retraite ou cesse d’être employée avant qu’une plainte n’ait été déposée, la Commission n’est pas habilitée à entendre la plainte; la partie VII de la Loi ne s’y applique pas. Toutefois, une fois qu’une plainte a été déposée à l’égard de la conduite d’une personne qui était un membre ou une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi au moment du dépôt de la plainte, ainsi qu’au moment où les faits générateurs de la plainte se sont produits, la compétence de la Commission ne prend pas fin et la partie VII continue de s’appliquer, même si par la suite le membre ou l’autre personne quitte la GRC avant le règlement de la plainte.

Conclusion

Pour les motifs énoncés aux présentes, jugement sera rendu reproduisant les questions posées dans le mémoire spécial et les réponses suivantes :

Première question—la réponse est oui.

Question 2(i)—la réponse est non.

Question 2(ii)—la réponse est oui.

Il n’y a pas d’adjudication de dépens.



[1]* Parties VI et VII, édictées par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16.

[2]* Les articles 45.1 à 45.47 ont été édictés par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16.

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