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A‑302‑05

2006 CAF 194

Glen Currie, Douglas Fillmore, Andrew Mcauley et Vincent O’Neill (appelants)

c.

Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, représentée par l’Agence des douanes et du Revenu du Canada (intimée)

Répertorié : Currie c. Canada (Agence des douanes et du revenu) (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, juges Décary, Létourneau et Pelletier, J.C.A.—Ottawa, 26 avril et 24 mai 2006.

Fonction publique —  Relations du travail — Appel formé contre le rejet par la Cour fédérale de la demande de contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre rejetant les griefs des appelants au sujet de leur description de travail —  Les appelants occupaient des postes d’enquêteur‑vérificateur au sein de la Fonction publique — Ces postes étaient classés PM‑03, mais les appelants travaillaient de façon régulière à des dossiers dont la complexité était classée au niveau PM‑04 —  Se prévalant du paragraphe 56.01 de la convention collective, les appelants ont demandé à leur employeur un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités à titre d’une démarche visant la reclassification de leur poste PM‑03 en poste PM‑04 — L’arbitre a rejeté les griefs parce qu’il estimait que la description de travail de l’employeur était assez large pour englober les tâches effectivement confiées aux appelants et que des descriptions de travail se rapportant à des postes particuliers n’étaient pas nécessaires —  L’arbitre a indiqué que le seul recours d’employés mécontents était la demande de reclassification — L’employé ne peut demander la reclassification que si la description de travail décrit fidèlement ses fonctions et responsabilités —  En conséquence, le processus de reclassification n’est ouvert que si l’employé qui n’est pas d’accord avec la description de travail obtient une description de travail révisée —  Le paragraphe 56.01 de la convention collective des appelants établit la procédure applicable à l’obtention d’une telle description de travail —  La conception de la description de travail de l’arbitre était trop rigide —  Le paragraphe 56.01 ne doit pas être interprété d’une façon qui empêcherait le recours à cette disposition dans les circonstances mêmes pour lesquelles elle a été prévue —  La décision de l’arbitre était à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne pouvait justifier de la maintenir — Appel accueilli (le juge Létourneau, J.C.A., dissident).

Il s’agissait d’un appel formé contre le rejet par la Cour fédérale de la demande de contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre rejetant les griefs des appelants au sujet de leur description de travail. Les appelants occupaient des postes d’enquêteur‑vérificateur, classés PM‑03 au sein de la Fonction publique. Se prévalant du paragraphe 56.01 de la convention collective, les appelants ont demandé à leur employeur un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités à titre de première étape d’une démarche visant la reclassification de leur poste PM‑03 en poste PM‑04. L’employeur leur a remis un exemplaire de la description de travail PM‑0286, qui s’applique aux postes de niveau PM‑03. Cependant, les appelants ont soutenu que ce document ne constituait pas un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités de leur poste parce qu’on leur confiait régulièrement des tâches débordant du cadre de cette description de travail.

Le différend provenait de la répartition des fonctions d’enquêteur‑vérificateur en des postes de deux échelons différents, PM‑03 et PM‑04. Les responsabilités attachées à chaque échelon sont respectivement exposées dans les descriptions de travail PM‑0286 et PM‑0677, lesquelles sont à peu près semblables, sauf en ce qui concerne la complexité des dossiers à traiter. Le système d’évaluation de la complexité comporte une grille objective attribuant une valeur numérique à divers facteurs. Les descriptions de travail PM‑0286 et PM‑0677 diffèrent principalement en ce que la première prévoit que les employés classés à l’échelon PM‑03 auront à traiter des dossiers de complexité 10 (simples/courants) tandis que la seconde énonce que les employés classés à l’échelon PM‑04 auront à traiter des dossiers de complexité 20 (difficiles). La mesure exacte dans laquelle les appelants ont traité des dossiers d’un degré de complexité de 20 ou plus était donc un élément primordial de leur description de travail puisque c’est la complexité des dossiers qui distingue les postes PM‑03 et PM‑04. L’arbitre a rejeté les griefs des appelants parce qu’il estimait que la description de travail PM‑0286 était assez large pour englober les tâches effectivement confiées aux appelants bien qu’ils puissent avoir droit à une rémunération additionnelle s’ils devaient accomplir, de façon continue et permanente, des tâches qui ne figuraient pas dans leur description de travail. Il fallait déterminer si la conclusion de l’arbitre résistait à un examen fondé sur la norme de contrôle commandant le degré le plus élevé de déférence.

Arrêt (le juge Létourneau, J.C.A., dissident) : l’appel est accueilli.

Le juge Pelletier, J.C.A. (le juge Décary, J.C.A., souscrivant à son avis) : La décision de l’arbitre était à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne pouvait justifier de la maintenir. Il ressortait clairement de la décision de l’arbitre que celui‑ci pensait qu’il ne pouvait pas ou ne devait pas exiger de l’employeur qu’il fournisse des descriptions de travail se rapportant à des postes particuliers. Il estimait que cela mènerait à la balkanisation des descriptions de travail génériques de l’employeur. Cette conception l’a amené à indiquer que le recours d’un employé qui doit effectuer de façon continue et permanente un travail substantiellement distinct de la description applicable à son poste est la demande de reclassification. Bien que cela dénote une conception assez rigide de la finalité de la description de travail, d’autres arbitres estiment que la description de travail doit refléter la réalité de la situation d’emploi en raison des nombreux aspects des droits et obligations liés à la description de travail. Un grief de reclassification ne sera examiné que si l’employé convient de l’exactitude de sa description de travail. Par conséquent, un fonctionnaire occupant un poste PM‑03 qui travaille de façon régulière à des dossiers de complexité 20 ou plus ne peut demander de reclassification que s’il reconnaît que la description de travail PM‑0286 décrit fidèlement ses fonctions et responsabilités. La caractéristique distinctive de cette description réside dans le fait que le titulaire du poste est affecté à des dossiers de complexité 10. Ainsi, celui qui demande qu’un poste PM‑03 soit reclassé PM‑04 doit reconnaître que son travail consiste à traiter des dossiers de complexité 10, ce qui a pour effet de détruire le fondement de sa demande. Le processus de reclassification n’est ouvert que si la description de travail est révisée de façon à décrire fidèlement les fonctions et responsabilités du poste occupé. C’est le paragraphe 56.01 de la convention collective qui établit la procédure applicable à l’obtention d’une telle description de travail. Une interprétation de le paragraphe 56.01 qui empêcherait le recours à cette disposition dans les circonstances mêmes pour lesquelles elle a été prévue ne pourrait résister à un examen, même le plus empreint de déférence.

Le juge Létourneau, J.C.A. (dissident) : La prétention des appelants voulant que l’arbitre ait tenu compte d’un facteur sans pertinence, à savoir les incidences que les griefs auraient sur le système de classification de l’employeur s’ils étaient accueillis, n’était pas fondée. Premièrement, l’arbitre a correctement rappelé aux parties que le paragraphe 56.01 concernait les griefs relatifs à la description de travail et non les griefs relatifs à la classification de poste, sur lesquels la Commission serait sans compétence compte tenu des dispositions d’exclusion prévues à l’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Il était nécessaire d’apporter cette précision parce que les appelants cherchaient à obtenir que leur description actuelle de tâches soit reformulée de façon à inclure les fonctions additionnelles mentionnées et qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle cotation numérique et d’une reclassification. L’examen par l’arbitre de l’objet que poursuivaient les appelants en invoquant le paragraphe 56.01 et de l’effet que leur revendication aurait sur le système de classification était sans pertinence pour l’établissement de la portée de cet article ou la détermination de la mesure correctrice à accorder aux appelants en vertu de cette disposition.

L’essentiel de la décision de l’arbitre concernait « l’interprétation de l’article 56.01 de la convention collective appliquée aux faits des griefs en cause ». Même si cette décision faisait état de considérations qui introduisaient de l’ambiguïté, prise dans son ensemble, elle tranchait les questions qui avaient été soumises à l’arbitre sous le régime du paragraphe 56.01. Sa décision n’était ni déraisonnable ni manifestement déraisonnable.

lois et règlements cités

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35, art. 7.

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609; 2004 CSC 23; Flin Flon School Division No. 46 v. Flin Flon Teachers’ Assn. of the Manitoba Teachers’ Society (2006), 40 Admin. L.R. (4th) 109; 200 Man. R. (2d) 102; 2006 MBQB 49.

décisions examinées :

Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247; 2003 CSC 20; Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; 2003 CSC 19; Breckenridge et la Bibliothèque du Parlement, [1996] C.R.T.F.P.C. no 69 (QL).

doctrine citée

Mullan, David J. « Recent Developments in Standard of Review », in Taking the Tribunal to Court : A Practical Guide for Administrative Law Practitioners. Toronto : Association du Barreau canadien (Ontario), 2000.

APPEL formé contre le rejet par la Cour fédérale (2005 CF 733) de la demande de contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre rejetant les griefs des appelants au sujet de leur description de travail (2004 CRTFP 75). Appel accueilli.

ont comparu :

Andrew J. Raven pour les appelants.

Neil McGraw pour l’intimée.

avocats inscrits au dossier :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck s.r.l., Ottawa, pour les appelants.

Le sous‑procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Pelletier, J.C.A. :

INTRODUCTION

[1]Il n’est pas rare que les fonctions et responsabilités d’employés ayant la même description de travail soient différentes. Dans la mesure où elles concordent avec la formulation générale de la description de travail, il n’y a pas de problème, mais lorsque certaines d’entre elles débordent de cette description, le paragraphe 56.01 de la convention collective permet-il à l’arbitre d’ordonner à l’employeur de fournir une description de travail personnalisée à l’employé en cause? En l’espèce, l’arbitre a estimé qu’il ne pouvait intervenir qu’à l’égard des changements d’affectations qui touchaient toutes les personnes visées par la description de travail commune, de sorte que les modifications à apporter le soient à cette description commune. Il faut déterminer en l’espèce si cette conclusion résiste à un examen fondé sur la norme de contrôle commandant le degré de déférence le plus élevé.

[2]Il s’agit d’un appel d’une décision de la Cour fédérale (référence 2005 CF 733) rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par les appelants à l’égard de la décision d’un membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, siégeant en arbitrage, de rejeter leur grief relatif à la description de travail [2004 CRTFP 75].

[3]Les appelants occupent des postes d’enquêteur‑ vérificateur, classés PM‑03. Se prévalant du droit prévu au paragraphe 56.01 de la Convention collective, ils ont demandé à leur employeur un « exposé complet et courant de [leurs] fonctions et responsabilités ». L’employeur leur a remis un exemplaire de la description de travail PM‑0286, laquelle s’applique aux postes de niveau PM‑03. Les appelants soutiennent que ce document ne constitue pas un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités de leur poste, parce qu’on leur confie régulièrement des tâches qui n’y sont pas prévues. L’arbitre a rejeté les griefs, estimant que cette description avait la « capacité requise » pour englober les fonctions en cause.

[4]Les appelants ont demandé le contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre. Après une brève récapitulation des faits, le juge saisi de la demande a examiné avec soin la question de la norme de contrôle, et il a conclu qu’il ne pouvait intervenir que s’il s’agissait d’une décision manifestement déraisonnable. Il a ensuite rejeté la demande, estimant que « dans les paragraphes de la décision qui, selon moi, sont pertinents, l’arbitre analyse correctement la preuve et énonce le fondement rationnel de la décision » (voir le paragraphe 15 de ses motifs). Pour les raisons exposées ci‑après, je ne puis souscrire à cette conclusion.

LES FAITS ET L’HISTORIQUE PROCÉDURAL

[5]Le différend provient de la répartition des fonctions d’enquêteur‑vérificateur en des postes de deux niveaux différents, PM‑03 et PM‑04. Les responsabi-lités attachées à chaque niveau sont exposées dans les descriptions de travail PM‑0286 et PM‑0677 respectivement, lesquelles sont à peu près semblables, sauf en ce qui concerne la complexité des dossiers à traiter. Les autres différences découlent simplement de cette différence dans la complexité des dossiers.

[6]L’employeur explique son système d’évaluation de la complexité dans l’introduction des descriptions de travail PM‑0286 et PM‑0677. Il s’agit d’une grille objective attribuant une valeur numérique à divers facteurs. L’évaluation du degré de complexité d’un dossier s’établit en fonction du nombre total de points attribués au dossier. Ainsi, lorsque la somme des points est inférieure à 30, le degré de complexité du dossier s’établit à 10/11, ce qui signifie un dossier « simple/ courant », tandis que le degré de complexité des dossiers ayant obtenu entre 30 et 43 points est 20/22, c’est‑à‑dire « difficile ».

[7]Les descriptions de travail PM‑0286 et PM‑0677 diffèrent principalement en ce que la première prévoit que les employés classés à l’échelon PM‑03 auront à traiter des dossiers de complexité 10 (simples/courants) tandis que la seconde énonce que les employés classés au niveau PM‑04 auront à traiter des dossiers de complexité 20 (difficiles). Les autres différences entre les descriptions de travail sont des différences corrélatives reflétant l’écart dans la complexité des dossiers. Au paragraphe 23 de sa décision, l’arbitre a pris acte du lien entre l’évaluation de la complexité et les changements qui en découlaient dans les descriptions de travail.

[8]La  présentation  suivante [. . .]  d’extraits  des descriptions de travail en illustre la structure :

Description de travail PM‑0286 (applicable aux postes PM‑03) :

ACTIVITÉS PRINCIPALES

Mener des enquêtes courantes à l’égard de stratagèmes frauduleux canadiens et internationaux, ayant une cote de complexité de 10, et exigeant des connaissances minimales ou moyennes de la comptabilité, c’est‑à‑dire analyser et évaluer les renseignements et les allégations provenant de nombreuses sources afin de vérifier si les faits disponibles révèlent qu’il y a fraude, afin de veiller à ce que les lois dont l’Agence assure l’application soient observées.

Planifier et mener des enquêtes courantes, y compris des perquisitions et des saisies, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi sur l’accise ou du Code criminel.

INTERACTION

Mener des entrevues avec des contribuables et des tiers, évaluer des témoins, notamment des témoins récalcitrants et hostiles, et interroger des suspects, afin de déterminer l’étendue de leurs connaissances et d’évaluer leur crédibilité tout en respectant les droits des contribuables en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Il faut faire preuve de discrétion et de sensibilité et user de persuasion quand il s’agit de traiter avec des tiers qui se montrent réticents.

Traiter avec des tiers, y compris des banques à charte, des sociétés de fiducie, des caisses de crédit, des cabinets d’experts‑comptables, des bureaux d’avocats, et les clients ou les fournisseurs du contribuable lorsqu’il s’agit de signifier des demandes péremptoires concernant la communication de renseignements et la production de documents.

INCIDENCE

La réalisation d’enquêtes et les résultats de poursuites au criminel en des affaires courantes ont des répercussions nationales en matière de jurisprudence. Certains cas peuvent receler des facteurs de complexité pouvant amener un enquêteur à prendre des décisions qui pourraient induire des décisions de la cour, créant des précédents qui à leur tour auraient une incidence sur les activités menées dans le cadre des programmes nationaux d’Enquête et sur les futures poursuites pénales hors de l’Agence.

CONNAISSANCES ET HABILETÉS

Tous les cas d’enquête recèlent dans une certaine mesure les éléments de compétence et de connaissance énoncés ci‑dessous. Les cas affectés d’un code de complexité de 10 exigent moins de compétences et de connaissances que les cas affectés du code de complexité de 20. Lorsqu’il y a moins de facteurs de compétence et de connaissance, la situation est moins complexe. Dans l’ensemble, le contexte fait appel à des situations courantes.

Description de travail PM-0677 (applicable aux postes PM-04):

ACTIVITÉS PRINCIPALES

Mener des enquêtes difficiles à l’égard de stratagèmes frauduleux canadiens et internationaux, ayant un code de complexité de 20, et exigeant des connaissances minimales ou moyennes de la comptabilité, c’est-à-dire analyser et évaluer les renseignements et les allégations provenant de nombreuses sources afin de vérifier si les faits disponibles révèlent qu’il y a fraude, afin de veiller à ce que les lois dont l’Agence assure l’application soient observées.

Planifier et mener des enquêtes difficiles, y compris des perquisitions et des saisies, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi sur l’accise ou du Code criminel.

INTERACTION

Tous les cas d’enquête recèlent des difficultés d’interaction à un certain degré, tel qu’énoncé ci‑dessous. Les cas affectés du code de complexité 20 recèleront probablement plus d’éléments que les cas affectés du code de complexité 10, et ces éléments présenteront un degré de difficulté plus élevé.

Mener des entrevues avec des contribuables et des tiers, évaluer des témoins, notamment des témoins récalcitrants et hostiles, et interroger des suspects, afin de déterminer l’étendue de leurs connaissances et d’évaluer leur crédibilité tout en respectant les droits des contribuables en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Il faut faire preuve de discrétion et de sensibilité et user de persuasion quand il s’agit de traiter avec des tiers qui se montrent réticents.

Communiquer avec des tierces parties, notamment des banques à charte, des sociétés de fiducie, des caisses de crédit, des cabinets d’experts-comptables, des études d’avocats et les clients des contribuables ou les fournisseurs au moment de recueillir des éléments de preuve. Dans les cas affectés d’un code de complexité plus élevé, il y a plus de tierces parties, éventuellement plus de témoins étrangers de sorte que les rencontres sont plus difficiles.

INCIDENCE

La réalisation d’enquêtes et les résultats de poursuites au criminel en des affaires courantes ont des répercussions nationales en matière de jurisprudence. Certains cas peuvent receler des facteurs de complexité pouvant amener un enquêteur à prendre des décisions qui pourraient induire des décisions de la cour, créant des précédents qui à leur tour auraient une incidence sur les activités menées dans le cadre des programmes nationaux d’Enquête et sur les futures poursuites pénales hors de l’Agence.

CONNAISSANCES ET HABILETÉS

Tous les cas d’enquête recèlent dans une certaine mesure les éléments de compétence et de connaissance énoncés  ci-dessous. Les cas affectés d’un code de complexité de 20 exigent plus de compétences et de connaissances que les cas affectés du code de complexité de 10. Lorsqu’il y a plus de facteurs de compétence et de connaissance, la situation est plus complexe. Dans l’ensemble, le contexte fait appel à des situations difficiles.

[9]Bien qu’il ne s’agisse là que de passages des deux descriptions de travail, ils n’en illustrent pas moins le fait que la description des tâches et des exigences des postes se fait simplement d’après la complexité des dossiers traités.

[10]Les appelants ont exigé qu’on leur fournisse l’exposé de leurs fonctions et responsabilités prévu au paragraphe 56.01 de la convention collective :

56.01 Sur demande écrite, l’employé‑e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

[11]Ils n’ont pas cherché à dissimuler le fait que cette demande constituait la première étape d’une démarche visant la reclassification de leur poste PM‑03 en poste PM‑04. Leur avocat a indiqué à la Cour, lors de l’audience, que les demandes de reclassification ne sont traitées que si les employés reconnaissent l’exactitude de leur description de travail. Une description exacte de la mesure dans laquelle les appelants ont traité des dossiers d’un degré de complexité de 20 ou plus est donc un élément primordial de leur description de travail puisque, comme on l’a vu, c’est la complexité des dossiers qui distingue les postes PM‑03 des postes PM‑04.

[12]Il ressort clairement des motifs de l’arbitre (au paragraphe 8) qu’il existait des éléments de preuve établissant que des dossiers de complexité 20 étaient assignés aux appelants, dont les postes étaient classés au niveau PM‑03 :

Par exemple, le fonctionnaire s’estimant lésé Currie a, depuis septembre 2003 jusqu’à la date de l’audience, traité un dossier évalué à un niveau de code de complexité de 20+, à un descripteur « difficile », et, à ce titre, est rémunéré au taux de rémunération de l’enquêteur‑vérificateur PM‑04. Il est plus inhabituel qu’un dossier classé initialement dans le groupe PM et ultérieurement reclassé à la hausse dans le groupe AU (qui requiert davantage de compétences en comptabilité) demeure attribué à un enquêteur du groupe PM qui ne possède pas ces compétences formelles. Cependant, cela s’est déjà produit. Ainsi, en 1996, le fonctionnaire s’estimant lésé Currie s’est fait attribuer un dossier d’une complexité initiale de niveau PM‑03 qui, deux ans plus tard, après de nombreuses demandes de sa part, a été reclassé dans le groupe et niveau AU‑02. Dans ce dossier, l’employeur a accepté de verser 2,5 années de salaire en arrérages au taux de rémunération AU‑02 et de continuer à rémunérer M. Currie sur cette base pour les heures que ce dernier continuera de consacrer au dossier, jusqu’à la conclusion de l’instance judiciaire qui en a découlé en 1998‑1999.

[13]Il appert des motifs de l’arbitre exposés sous la rubrique « Représentations des parties » (au paragraphe 14) que les appelants ont soutenu avoir été appelés à travailler à des dossiers d’un degré de complexité supérieur à 10 :

L’employeur a choisi de ne produire aucune preuve pour contrer les preuves présentées par les fonctionnaires s’estimant lésés O’Neill et Currie quant aux fonctions et aux responsabilités exécutées par chacun d’eux. Il arrive fréquemment que l’employeur leur demande de s’occuper de dossiers dont la complexité est classée au niveau PM‑04, voire plus élevée [. . .] Cependant, dans le cas qui nous occupe, l’employeur demande de façon continue que des employés de niveau PM‑03 exécutent le même travail que des employés de niveau PM‑04.

[14]Malheureusement, les motifs de l’arbitre ne permettent pas de déterminer si ce dernier a accepté l’argument selon lequel les appelants travaillaient à des dossiers de complexité 20 et, le cas échéant, s’il estimait que cela arrivait « fréquemment ».

[15]Au paragraphe 20 de ses motifs, l’arbitre a fait état du défi horizontal et vertical posé aux appelants. Après un bref exposé de la différence entre un grief portant sur la classification et un grief portant sur la description de travail, il a fait porter son analyse sur les conséquences d’une description de travail de portée nationale visant de multiples postes. Relativement au défi horizontal, il a signalé, au paragraphe 21 :  

[. . .] les éléments de preuve qui m’ont été soumis se rappor-tent uniquement aux postes particuliers occupés par les fonctionnaires s’estimant lésés, ces derniers ne peuvent que parler des fonctions qu’ils exécutent et des responsabilités dont ils s’acquittent. Sans l’accord de la part de l’employeur que leur témoignage doit être considéré comme représentant chaque poste d’enquêteur‑vérificateur PM‑03 dans l’ensemble de l’entreprise, l’effet de tout redressement accordé ne pourrait être que l’élaboration d’une description de travail propre à un poste qui comprend « un énoncé complet et courant des fonctions et des responsabilités » de chaque poste de fonctionnaire s’estimant lésé [. . .]

[16]L’arbitre a poursuivi en qualifiant les conséquen-ces auxquelles aboutit la position des appelants de « balkanisation des descriptions de travail génériques de l’employeur », ce qui l’a amené à formuler le commen-taire suivant :

[. . .] Il n’est donc pas étonnant que la jurisprudence de la Commission établisse une norme de preuve élevée si, comme en l’espèce, les fonctionnaires s’estimant lésés font valoir que les descriptions de travail génériques de l’employeur n’englobent pas l’« énoncé complet et courant des fonctions et responsabilités [du] poste » qui doit être présenté sur demande écrite à tout employé comme le prévoit l’article 56 de la convention collective. Cette norme n’a pas été respectée en l’espèce, les fonctionnaires s’estimant lésés ayant fait défaut de surmonter cet obstacle « horizontal » à leurs griefs.

[17]Ce commentaire me fait conclure que l’arbitre n’a pas examiné la question de savoir dans quelle mesure les appelants ont traité des dossiers de complexité 20 ou plus, parce que l’employeur ne reconnaissait pas que le témoignage des appelants était applicable à la situation des autres enquêteurs‑ vérificateurs classés au niveau PM‑03.

[18]L’arbitre (aux paragraphes 22 et 23) a examiné ensuite le défi vertical posé aux appelants, celui du chevauchement des descriptions de travail, et il a conclu que les appelants n’ont pas tenu compte du facteur de la complexité dans les modifications qu’ils ont proposé d’apporter aux descriptions de travail :

À cette fin, il est tout simplement inapproprié d’extraire les fonctions et responsabilités particulières de la description de travail à cotation plus élevée [PM‑04], qui se range dans la description de travail de la classification à cotation moins élevée, lorsque cette dernière est suffisamment vaste pour englober ces fonctions et responsabilités. C’est exactement ce qui s’est produit en l’espèce.

Je tiens de tels propos parce qu’en mettant l’accent sur l’usage terminologique particulier constaté dans la description de travail PM‑0677 pour la classification à cotation plus élevée PM‑04, les fonctionnaires s’estimant lésés ne reconnaissent pas que cet usage repose sur la caractéristique principale qui distingue les deux descriptions de travail et leurs classifications de poste corrélatives : le niveau de complexité des dossiers attribués aux employés recrutés comme enquêteur‑vérificateur.

[19]L’arbitre a fini par rejeter les griefs parce qu’il estimait que la description de travail PM‑0286 était assez large pour englober les tâches effectivement confiées aux appelants. Il était ainsi disposé à accepter que l’accomplissement, même de façon continue et permanente, de tâches qui ne figuraient pas dans la description de travail des appelants n’avait pas d’incidence sur cette description, bien que les appelants puissent avoir droit à une rémunération additionnelle. Ce point de vue ressort clairement des motifs prononcés oralement par l’arbitre à la clôture de l’audience [au paragraphe 2] :

Pour  des  motifs plus complets à fournir, je suis convaincu  [. . .] que le poste PM‑0286 ayant pris effet le 18 mai 2000 (pièce 3B) comprend un énoncé complet et courant des fonctions et des responsabilités de leurs postes à titre d’enquêteur‑vérificateur au niveau PM‑03. Ceci dit, les fonctionnaires s’estimant lésés ont droit au taux de rémunération convenu dans le cadre du processus de négociation collective pour le travail qu’ils effectuent. Si, pour l’essentiel, ce travail comprend les fonctions et les responsabilités visées par la classification PM‑04 plus élevée qui est explicitée dans la description de travail PM‑0677, les fonctionnaires s’estimant lésés peuvent demander réparation soit en déposant un grief de rémunération d’intérim en vertu de la clause 64.07 de la convention collective si le travail est temporaire soit, s’il s’agit d’un travail continu et permanent, par l’entremise du mécanisme de griefs portant sur la classification de l’ADRC. [Non souligné dans l’original.]

LA NORME DE CONTRÔLE

[20]Je suis disposé à accepter, dans le cadre du présent appel, que la norme de contrôle appropriée est bien celle qu’a appliquée le juge saisi de la demande, à savoir la norme de la décision manifestement déraisonnable. S’appuyant sur l’arrêt Voice Construc-tion Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92,  [2004] 1 R.C.S. 609, le juge a décrit une décision manifestement déraisonnable comme étant une décision frôlant l’absurde. Je préfère pour ma part la définir comme une décision « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir » (Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52), parce que les questions soulevées dans des demandes de contrôle judiciaire sont généralement des questions au sujet desquelles des personnes raisonnables peuvent différer d’avis. Voir, par exemple, l’affaire Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations de travail), [1996] 1 R.C.S. 369, où quatre membres de la formation de sept juges ont conclu que la décision en cause n’était pas manifestement déraisonnable alors que les trois autres (les juges Sopinka, McLachlin et Major) ont conclu le contraire. Que l’on conclue ou non qu’il y a lieu d’intervenir, dans des affaires auxquelles la norme commandant le plus de déférence s’applique, la décision ne doit pas être formulée en des termes portant atteinte à la légitimité de ceux qui ne sont pas du même avis.

[21]Plus fondamentalement, je souscris à l’opinion du professeur David Mullan lorsqu’il dit [à la page 25] :

[traduction] Quoi qu’il en soit, il y a lieu de s’inquiéter d’un régime de contrôle judiciaire qui permet le maintien d’une décision irrationnelle, même lorsque s’applique la norme commandant le degré le plus élevé de déférence.

(Mullan, David J. « Recent Developments in Standard of Review », in Taking the Tribunal to Court : A Practical Guide for Administrative Law Practitioners. Association du Barreau canadien (Ontario), 20 octobre 2000.)

[22]S’il doit y avoir trois normes de contrôle, j’estime qu’on adhère davantage aux principes d’un système de droit rationnel en décrivant la norme commandant le plus de déférence d’une façon qui permette la déférence sur un fondement autre qu’un degré acceptable d’irrationalité ou une proximité tolérable de l’absurdité.

[23]Dans l’arrêt Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, la Cour suprême a statué que le rôle d’un tribunal instruisant un appel d’une décision d’un juge de révision consiste à déterminer si le juge de révision a choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée (voir les paragraphes 43 et 44). Lorsqu’il n’a pas choisi la norme de contrôle appropriée, la Cour d’appel doit alors procéder au choix et à l’application de cette norme. Il peut arriver que le juge de révision retienne la norme de contrôle appropriée mais qu’il l’applique mal. En l’espèce, malheureusement, le juge ne nous a pas indiqué quel raisonnement il avait tenu, et il est donc impossible d’examiner la décision de l’arbitre à la lumière de ce raisonnement. Ma propre analyse de la décision de l’arbitre me fait tirer une conclusion différente, à savoir que cette décision est à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir.

ANALYSE

[24]Il ressort clairement de la décision de l’arbitre que celui‑ci pensait qu’il ne pouvait pas ou ne devait pas exiger de l’employeur qu’il fournisse des descriptions de travail se rapportant à des postes particuliers. Comme il en a été fait mention, il estimait que cela mènerait à la balkanisation des descriptions de travail génériques de l’employeur. Cette conception l’a amené à indiquer, dans les motifs qu’il a prononcés oralement à la clôture de l’audience et qu’il a ensuite consignés par écrit, que le recours d’un employé qui doit effectuer de façon continue et permanente un travail qui n’est pas compris dans la description applicable à son poste est la demande de reclassification.

[25]Cela dénote une conception assez rigide du rôle de la description de travail, qui n’est pas partagée par tous les arbitres. Ainsi, l’arbitre Galipeau a indiqué dans Breckenridge et la Bibliothèque du Parlement, [1996] C.R.T.F.P.C. no 69 (QL), au paragraphe 70, que :

La description de tâches ou, pour employer l’expression consacrée par la convention collective, « l’exposé des fonctions et responsabilités », constitue la pierre angulaire de la relation d’emploi entre ces employés et la Bibliothèque du Parlement. Il s’agit d’un document fondamental et polyvalent auquel on a recours en matière de classification, de dotation, de rémunération, de discipline, d’évaluation de rendement, d’identification des exigences linguistiques et de planification de carrière. C’est une erreur de réduire sa portée à son seul usage en matière de classification. Il doit être suffisamment complet pour se prêter aux nombreux autres usages que je viens d’énumérer.

[26]Cette conception de la fonction de la description de travail donne à penser qu’il s’agit d’un document qui doit refléter la réalité de la situation d’emploi en raison des nombreux aspects des droits et obligations de l’employé qui sont liés à sa description de travail.

[27]L’affirmation de l’arbitre selon laquelle le recours de l’employé qui effectue régulièrement des tâches débordant de sa description de travail est la demande de reclassification est un exemple particulièrement pertinent de ce point. L’avocat des appelants, dans l’argumentation non contredite qu’il nous a soumise, indique qu’un grief de reclassification ne sera examiné que si l’employé convient de l’exactitude de sa description de travail. Par conséquent, un fonctionnaire occupant un poste PM‑03 qui travaille de façon régulière à des dossiers de complexité 20 ou plus ne peut demander de reclassification que s’il reconnaît que la description de travail PM‑0286 décrit fidèlement ses fonctions et responsabilités. Comme nous l’avons vu, la caractéristique distinctive de cette description réside dans le fait que le titulaire du poste est affecté à des dossiers de complexité 10. Ainsi, celui qui demande qu’un poste PM‑03 soit reclassé PM‑04 doit reconnaître que son travail consiste à traiter des dossiers de complexité 10, ce qui a pour effet de détruire le fondement de sa demande.

[28]Il s’ensuit qu’un employé ne peut avoir accès au processus de reclassification que si la description de travail est révisée de façon à décrire fidèlement les fonctions et responsabilités du poste occupé. C’est le paragraphe 56.01 de la convention collective qui établit la procédure par laquelle l’employé peut obtenir une telle description de travail. Une interprétation du paragraphe 56.01 qui empêcherait le recours à cette disposition dans les circonstances mêmes qui la rendent utile ne pourrait résister à un examen par notre Cour, même le plus empreint de déférence.

[29]J’accueillerais donc l’appel avec dépens, j’annulerais l’ordonnance du juge saisi de la demande ainsi que la décision de l’arbitre et je renverrais l’affaire à un arbitre différent pour examen conformément aux présents motifs. Il importe de signaler que rien dans les présents motifs n’a valeur de conclusion de fait sur la question de savoir si les appelants traitent des dossiers de complexité 20 ou plus et dans quelle mesure. Il s’agit là d’une question qu’il appartient à l’arbitre de trancher compte tenu de la preuve dont il dispose.

Le juge Décary, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[30]Le juge Létourneau, J.C.A. (dissident) : Il s’agit d’un appel formé contre le rejet par le juge Strayer de la demande de contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre nommé, sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35 (LRTFP), pour entendre les griefs des appelants au sujet de leur description de travail.

[31]Les appelants contestent la norme de la décision manifestement déraisonnable appliquée par le juge pour réviser la décision de l’arbitre. Ils font valoir qu’il aurait dû avoir recours à la norme de la décision correcte ou, subsidiairement, à celle de la décision raisonnable. Les intimées soutiennent que la norme de la décision manifestement déraisonnable est la norme applicable.

[32]Les appelants prétendent en outre que l’arbitre a commis des erreurs de droit et de compétence susceptibles de révision en rejetant leurs griefs et que, par conséquent, le juge lui‑même a commis une erreur de droit en ne corrigeant pas ces erreurs, d’autant plus qu’il avait reconnu que l’arbitre avait pris en considération un facteur non pertinent, à savoir les incidences que les griefs auraient sur le système de classification de l’employeur s’ils étaient accueillis.

[33]Comme il en a été fait mention, ces griefs portaient sur la description de travail des appelants, lesquels soutiennent que l’employeur ne leur a pas fourni, sur demande, un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités de leur poste d’enquêteur‑ vérificateur, contrairement à ce que stipule l’article 56 de la convention collective applicable. La disposition pertinente est le paragraphe 56.01, et il est ainsi rédigé :

Exposé des fonctions

56.01 Sur demande écrite, l’employé‑e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation. [Non souligné dans l’original.]

[34]À mon avis, la prétention des appelants voulant que l’arbitre ait tenu compte d’un facteur sans pertinence n’est pas fondée.

[35]Premièrement, l’arbitre a correctement rappelé aux parties que le paragraphe 56.01 concernait les griefs relatifs à la description de travail et non les griefs relatifs à la classification de poste, sur lesquels la Commission serait sans compétence compte tenu des dispositions d’exclusion prévues à l’article 7 de la LRTFP.

[36]Il était nécessaire que l’arbitre apporte cette précision parce que les appelants indiquaient dans l’exposé de leur grief qu’ils cherchaient à obtenir que [traduction] « leur description de travail actuelle soit reformulée de façon à inclure les fonctions addition-nelles mentionnées et qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle cotation numérique et d’une reclassification » (non souligné dans l’original) (voir les exposés des griefs dans le dossier d’appel, aux pages 271 à 282).

[37]L’arbitre a ensuite souligné l’interrelation entre les descriptions de travail et la classification des emplois ainsi que les similitudes et les différences entre les griefs sur les descriptions de travail et les griefs sur la classification d’emploi. Il a également examiné et comparé la mesure corrective appropriée dans un grief pour classification d’emploi et celle qui peut être obtenue par un grief relatif à une description de travail fondé sur le paragraphe 56.01. C’est dans ce contexte qu’il a souligné que la réparation demandée par les appelants se rapportait à leur situation particulière et non aux fonctions et responsabilités du groupe formé par tous les enquêteurs‑vérificateurs PM‑03 de l’employeur.

[38]Je ne puis dire que l’examen par l’arbitre de l’objet que poursuivaient les appelants en invoquant le paragraphe 56.01 et de l’effet que leur revendication aurait sur le système de classification est sans pertinence pour l’établissement de la portée de cet article ou la détermination de la mesure correctrice à accorder aux appelants en vertu de cette disposition. Quoi qu’il en soit, le juge n’a pas considéré comme déterminante cette partie de la décision de l’arbitre (voir le paragraphe 15 de la décision du juge).

[39]J’estime, comme le juge de première instance, que « l’essentiel de [l]a décision [de l’arbitre] concernait l’interprétation de l’article 56.01 de la convention collective appliquée aux faits des griefs en cause » (voir le paragraphe 12 de la décision du juge). Cela dit, je suis disposé à reconnaître, à l’instar du juge de première instance, que la décision de l’arbitre fait état de considé-rations qui introduisent de l’ambiguïté. Toutefois, je suis d’avis que, prise dans son ensemble, elle tranche les questions qui avaient été soumises à l’arbitre sous le régime du paragraphe 56.01. Je ne puis conclure qu’elle est déraisonnable ou manifestement déraisonnable.

[40]Vu cette conclusion, il n’est donc pas nécessaire de déterminer si le critère applicable en l’espèce est celui du caractère déraisonnable simpliciter ou du caractère manifestement déraisonnable. Cependant, je ferais remarquer qu’une fois de plus notre Cour, le juge de première instance, dans sa décision, et les parties, dans leur argumentation orale et écrite, ont passé plus de temps à tenter d’établir la norme de contrôle applicable qu’à examiner le fonds de l’affaire et, en définitive, le débat a porté sur l’applicabilité de la norme de la décision raisonnable simpliciter par rapport à celle de la décision manifestement déraisonnable, un exercice métaphysique comparable à la détermination du sexe des anges. Je partage l’opinion exposée par le juge Scurfield dans Flin Flon School Division No. 46 v. Flin Flon Teachers’ Assn. of the Manitoba Teachers’ Society (2006), 40 Admin. L.R. (4th) 109 (B.R. Man.), au paragraphe 30, selon laquelle [traduction] « en prati-que, la compression des deux normes commandant le plus de déférence influera peu souvent, voire jamais, sur le résultat ». L’avantage indiscutable de cette com-pression serait une considérable économie pour les deux parties et un gain de temps substantiel pour la Cour.

[41]De plus, la norme de la décision manifestement déraisonnable, lorsqu’elle est applicable, signifie que la Cour doit déférer à la décision d’un tribunal spécialisé même si elle est déraisonnable. La compression éviterait un tel résultat qui heurte le sens de la justice des parties.

[42]Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

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