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IMM‑63‑05

2006 CF 1489

Le Barreau du Haut‑Canada (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et la Société canadienne de consultants en immigration et le Procureur général du Canada (défendeurs)

et

La Fédération des Ordres professionnels de juristes du Canada (intervenante)

Répertorié : Barreau du Haut‑Canada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F.)

Cour fédérale, juge Hughes—Toronto, 4 et 6 décembre; Calgary, 13 décembre 2006.

Droit constitutionnel — Principes fondamentaux — Demande de jugement déclaratoire portant que le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) est ultra vires — 1) Le Règlement ne va pas à l’encontre de la primauté du droit — Les actes du pouvoir législatif sont limités par la primauté du droit seulement dans la mesure où ils doivent respecter des conditions légales de manière et de forme — 2) Le Règlement ne crée pas une délégation qui n’est pas autorisée par la Loi — La validité de la législation par délégation est évaluée en déterminant d’abord si le Règlement est compatible avec les pouvoirs conférés par la Loi et ensuite s’il est conforme à son objet — 3) Le Parlement possède un large pouvoir de déléguer au moyen d’un règlement, sous réserve de la portée et de l’objet de la loi habilitante — La création de la Société canadienne de consultants en immigration n’était pas interdite — Demande rejetée.

Citoyenneté et Immigration — Le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) est intra vires — Aux termes des art. 5(1) et 91 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), le gouverneur en conseil peut prendre des règlements prévoyant qui peut ou ne peut représenter une personne, dans toute affaire devant le ministre, l’agent ou la Commission, ou faire office de conseil — Le Règlement prévoit que, sous réserve de certaines dispositions relatives aux droits acquis, seules certaines personnes (avocats, notaires, stagiaires en droit, membres de la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI)) peuvent exercer les fonctions qui y sont prévues — 1) L’intervention restreinte du gouvernement dans les affaires de la SCCI n’est pas inappropriée, excessive ou injustifiée — Malgré le prêt initial consenti à la SCCI par le gouvernement, l’organisation est quand même indépendante de l’État — 2) Le gouvernement fédéral est autorisé à choisir les personnes qui peuvent représenter d’autres personnes pour l’application de la LIPR — Le fait de ne pas choisir un groupe de personnes, comme les employés des avocats, n’est pas en soi discriminatoire.

Il s’agissait d’une demande de jugement déclaratoire portant que le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) est ultra vires pour plusieurs motifs. Comme le prévoient le paragraphe 5(1) et l’article 91 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), le gouveneur en conseil peut prendre des règlements qui prévoient notamment qui peut ou ne peut représenter une personne, dans toute affaire devant le ministre, l’agent ou la Commission, ou faire office de conseil. Le Règlement en question prévoit que, sous réserve de certaines dispositions relatives aux droits acquis, seules certaines personnes (avocats, notaires, stagiaires en droit, etc.) peuvent exercer les fonctions susmentionnées. Il y avait lieu de déterminer si le Règlement était ultra vires pour l’un ou l’autre des motifs suivants : 1) il va à l’encontre de la primauté du droit; 2) il crée une délégation qui n’est pas autorisée par la Loi; 3) il renferme des dispositions discriminatoires; 4) il excède la portée du pouvoir de réglementation conféré par la Loi au gouverneur en conseil.

Jugement : la demande doit être rejetée.

1) Le Règlement ne va pas à l’encontre de la primauté du droit. Les actes du pouvoir législatif sont limités par la primauté du droit, mais seulement dans la mesure où ils doivent respecter des conditions légales de manière et de forme (c’est‑à‑dire les procédures d’adoption, de modification et d’abrogation des lois). Dans l’arrêt Law Society of British Columbia c. Mangat, la Cour suprême a décidé que le gouvernement fédéral peut prévoir la représentation dans toute affaire concernant la LIPR par des personnes qui ne sont pas des avocats. La participation du gouvernement, lorsqu’il prête de l’argent aux fins de la création de la SCCI, et l’intervention restreinte du gouvernement dans les affaires de cette organisation ne sont pas inappropriées, excessives ou injustifiées, et les membres de la SCCI demeurent indépendants de l’État.

2) Le Règlement ne crée pas une délégation qui n’est pas autorisée par la Loi. S’agissant de la validité du Règlement, l’approche qu’il convient d’adopter consiste à déterminer d’abord si le Règlement est compatible avec les pouvoirs conférés par la Loi et ensuite s’il est conforme à son objet. La lecture de l’article 91 de la LIPR au complet permet de constater que l’objet et l’étendue de la législation par délégation autorisée est d’indiquer qui peut et qui ne peut pas représenter une personne, ou faire office de conseil. Par conséquent, le Règlement est conforme à la Loi, puisqu’il prévoit qui peut représenter une personne dans toute affaire concernant la LIPR et devant la Commission. La désignation d’un groupe de personnes en tant que membres de la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI) n’est pas différente de la désignation d’un autre groupe. Ce n’est pas parce que la SCCI est une organisation qui vient à peine d’être créée et que ses statuts et règles n’avaient pas encore tous été adoptés lorsque le Règlement est entré en vigueur que le Règlement est nul pour autant. Enfin, la Cour suprême a clairement dit dans Mangat que le gouvernement fédéral pouvait désigner des non‑avocats.

3) Le Règlement n’est pas discriminatoire. Il empêche implicitement les employés des avocats, comme les agents parajuridiques, de comparaître devant la Commission et d’agir pour des personnes touchées par la LIPR, même s’ils l’ont toujours fait. Afin d’exercer leurs activités, ces personnes seraient obligées de devenir membres de la SCCI et seraient donc assujetties à la discipline de la SCCI. En leur qualité de membres de la SCCI, les adjoints faisant l’objet de procédures disciplinaires ne pourraient pas se défendre convenablement en fournissant les dossiers de leurs clients à la SCCI étant donné qu’ils seraient assujettis au secret professionnel, auquel seul le client peut renoncer. Le gouvernement fédéral est autorisé à choisir les personnes qui peuvent représenter d’autres personnes pour l’application de la LIPR et, partant, ne pas choisir un groupe de personnes n’est pas en soi discriminatoire. Dans la mesure où le secret professionnel peut poser un problème dans une procédure disciplinaire, la SCCI et les barreaux peuvent prendre les dispositions appropriées, comme le renvoi au barreau concerné des audiences disciplinaires concernant les employés des avocats. Il a été statué que l’organisme non juridique doit s’en remettre à l’organisme juridique (barreaux) ou du moins faire coïncider ses procédures de façon à préserver les droits substantiels.

4) Le Règlement n’excède pas les pouvoirs conférés par la Loi. Celle‑ci dispose que le Règlement peut prévoir qui peut ou ne peut pas représenter une personne dans toute affaire concernant la LIPR, ou faire office de conseil, et le Règlement est conforme à l’objet de la Loi, qui prévoit que les avocats, les notaires, les stagiaires en droit et les membres de la SCCI peuvent agir à titre de représentants et de conseil. Le Parlement possède un large pouvoir de déléguer au moyen d’un règlement, sous réserve de la portée et de l’objet de la loi habilitante. S’agissant de la création de la SCCI, il appartient au Parlement ou aux législatures provinciales de décider de la nécessité d’édicter une loi aux fins de la création d’un organisme autonome. Par conséquent, le Règlement est intra vires.

lois et règlements cités

Act of Settlement (The), 1700 (R.‑U.), 12 & 13 Will. III, ch. 2.

Loi des mesures de guerre, S.R.C. 1927, ch. 206.

Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, ch. C‑32, partie II.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(2)e), 5(1), 91.

Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2004‑59.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, art. 2 « représentant autorisé » (mod. par DORS/2004‑59, art. 1), 13.1 (édicté, idem, art. 3).

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Law Society of British Columbia c. Mangat, [2001] 3 R.C.S. 113; 2001 CSC 67; Jafari c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 2 C.F. 595 (C.A.); Re Peralta et al. and The Queen in right of Ontario et al. (1985), 49 O.R. (2d) 705; 16 D.L.R. (4th) 259; 7 O.A.C. 283 (C.A.); conf. par sub nom. Peralta c. Ontario, [1988] 2 R.C.S. 1045; Nation dénée c. La Reine, [1984] 2 C.F. 942 (1re inst.); Wilder c. Ontario Securities Commission (2001), 53 O.R. (3d) 519; 197 D.L.R. (4th) 193; 142 O.A.C. 300 (C.A.).

décisions examinées :

Procureur général du Canada et autres c. Law Society of British Columbia et autre, [1982] 2 R.C.S. 307; Colombie‑Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 R.C.S. 473; 2005 CSC 49; Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869.

décisions citées :

Reference as to the Validity of the Regulations in relation to Chemicals, [1943] R.C.S. 1; Hodge v. Reg. (1883), 9 App. Cas. 117 (P.C.); Gray (In re) (1918), 57 S.C.R. 150; Attorney‑General of Canada et al. v. Nolan and Hallett & Carey Ltd., [1952] 3 D.L.R. 433; (1952), 6 W.W.R. (N.S.) 23 (J.C.P.C.).

doctrine citée

Côté, Pierre‑André Interprétation des lois, 3e éd. Montréal : Éditions Thémis, 1999.

Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 4th ed. (loose‑leaf). Toronto : Carswell, 1977.

Ontario. Professional Organizations Committee. The Report of the Professional Organizations Committee. Toronto : Ministry of the Attorney General, 1980.

DEMANDE de jugement déclaratoire portant que le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés est ultra vires pour plusieurs motifs, et notamment vu l’exclusion implicite prévue dans la définition du terme « représentant autorisé » à l’article 2 du Règlement. Demande rejetée.

ont comparu :

Bryan Finlay, c.r., Marie‑Andrée Vermette et Caroline Abela pour le demandeur.

Marianne Zoric, Catherine C. Vasilaros et Matina Karvellas pour les défendeurs, le procureur général du Canada et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

John E. Callaghan et Benjamin Na pour la défenderesse, la Société canadienne de consultants en immigration.

Chris G. Paliare et Andrew K. Lokan pour l’intervenante, la Fédération des ordres profession-nels de juristes du Canada.

avocats inscrits au dossier :

WeirFoulds LLP, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs, le procureur général du Canada et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

Gowling Lafleur Henderson s.r.l., Toronto, pour la défenderesse, la Société canadienne de consultants en immigration.

Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP, Toronto, pour l’intervenante, la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]Le juge Hughes : Le demandeur, le Barreau du Haut‑Canada, sollicite un jugement déclaratoire portant que le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigra-tion et la protection des réfugiés, DORS/2004‑59, est ultra vires. Pour les motifs ci‑après énoncés, je conclus que le Règlement est valide et intra vires.

[2]La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), prévoit, à l’alinéa 3(2)e), que la Loi a notamment pour objet de mettre en place une procédure équitable et efficace qui soit respectueuse, d’une part, de l’intégrité du processus canadien d’asile et, d’autre part, des droits et des libertés fondamentales reconnus à tous les êtres humains. La LIPR prévoit que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, notamment, comme le prévoient le paragraphe 5(1) et l’article 91 :

5. (1) Le gouverneur en conseil peut, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, prendre les règlements d’application de la présente loi et toute autre mesure d’ordre réglementaire qu’elle prévoit.

[. . .]

91. Les règlements peuvent prévoir qui peut ou ne peut représenter une personne, dans toute affaire devant le ministre, l’agent ou la Commission, ou faire office de conseil.

[3]Peu de temps après que la LIPR eut été édictée, un comité consultatif externe a été établi par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration en vue d’identifier les questions et de préparer des recommandations au sujet des personnes qui, contre rémunération, pouvaient représenter d’autres personnes dans des affaires concernant la LIPR, et notamment comparaître pour le compte de ces autres personnes devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Après consultation et réception des rapports soumis et leur publication, ce qui n’est pas contesté, le Règlement qui est ici en litige a été pris [Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 2 (mod. par DORS/2004-59, art. 1), 13.1 (édicté, idem, art. 3)]. Il est rédigé comme suit :

Définitions et interprétation

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

[. . .]

« représentant autorisé » Membre en règle du barreau d’une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la Société canadienne de consultants en immigration constituée aux termes de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes le 8 octobre 2003.

[. . .]

représentation contre rémunération

13.1 (1) Sous réserve du paragraphe (2), il est interdit à quiconque n’est pas un représentant autorisé de représenter une personne dans toute affaire devant le ministre, l’agent ou la Commission, ou de faire office de conseil, contre rémunération.

(2) Quiconque n’est pas un représentant autorisé peut, pour la période de quatre ans suivant la date d’entrée en vigueur du présent article, continuer de représenter une personne dans toute affaire devant le ministre, l’agent ou la Commission, ou de faire office de conseil, contre rémunération, si les conditions suivantes sont réunies :

a) il agissait à ce titre à l’égard de cette personne à l’entrée en vigueur du présent article;

b) l’affaire est la même que celle qui était devant le ministre, l’agent ou la Commission à l’entrée en vigueur du présent article.

(3) Pour l’application du paragraphe (1), un stagiaire en droit n’est pas considéré comme représentant une personne ou faisant office de conseil contre rémunération s’il agit sous la supervision d’un membre en règle du barreau d’une province ou de la Chambre des notaires du Québec qui représente cette personne dans toute affaire ou qui fait office de conseil.

[4]En résumé, le Règlement en question prévoit que, sous réserve de certaines dispositions relatives aux droits acquis, seules les personnes suivantes peuvent représenter une personne dans toute affaire concernant la LIPR, devant le ministre, l’agent ou la Commission, ou faire office de conseil, contre rémunération :

· un avocat qui est membre en règle du barreau d’une province;

· un notaire qui est membre de la Chambre des notaires du Québec;

· un stagiaire en droit supervisé par un avocat ou par un notaire;

· un membre en règle de la Société canadienne de consultants en immigration (la SCCI), constituée aux termes de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes [S.R.C. 1970, ch. C-32], le 8 octobre 2003.

[5]Le demandeur, le Barreau, appuyé par l’interve-nante, la Fédération des Barreaux du Canada, soutient que ce règlement est ultra vires, et ce, pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

1) il va à l’encontre de la primauté du droit;

2) il crée une délégation qui n’est pas autorisée par la loi;

3) il renferme des dispositions discriminatoires;

4) il excède la portée du pouvoir de réglementation conféré par la Loi au gouverneur en conseil.

[6]La Fédération intervenante a soulevé une question qui pourrait être considérée comme constituant un sous‑ensemble des questions soulevées par le Barreau, en particulier la troisième question. La Fédération soutient que les adjoints des avocats, comme les agents parajuridiques, ont toujours comparu devant la Commission et qu’ils ont toujours agi pour des personnes touchées par la LIPR. Ces adjoints ne pourront pas continuer à agir ainsi à moins de devenir membres de la SCCI. En leur qualité de membres de la SCCI, les adjoints faisant l’objet de procédures disciplinaires ne pourraient pas, dans le cadre de leur défense, fournir les dossiers de leurs clients à la SCCI étant donné qu’ils seraient assujettis au secret professionnel, auquel seul le client peut renoncer. Ces adjoints ne seraient donc pas en mesure d’élaborer une défense appropriée si le client ne renonçait pas au secret professionnel. Selon la Fédération, cela serait discrimi-natoire.

[7]Les défendeurs, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, le procureur général du Canada et la Société canadienne de consultants en immigration (la SCCI), appuient la validité du Règlement. Ils rappellent à la Cour que le Règlement est présumé valide et qu’il est réputé intra vires et conforme à la loi habilitante (Côté, Pierre-André Interprétation des lois (3e éd.) Montréal : Éditions Thémis, 1999, aux pages 468 à 472). Il incombe au demandeur de démontrer le contraire.

[8]Toutes les parties ici présentes conviennent que les immigrants et réfugiés éventuels qui cherchent à se prévaloir des dispositions de la LIPR ont fait face à des problèmes et qu’ils ont parfois été exploités par d’autres personnes qui ne sont pas des avocats, mais qui se présentent comme étant des consultants en immigration ou qui se donnent un titre similaire. Ces consultants, contre rémunération, ont traité avec les fonctionnaires chargés d’appliquer la LIPR et ont comparu devant la Commission pour le compte d’immigrants et de réfugiés éventuels. La représentation assurée par de tels consultants a été, à plusieurs reprises, contestable à un point tel qu’un grand nombre de personnes, au sein du gouvernement et du secteur privé, estimaient qu’une réforme et une réglementation étaient clairement nécessaires.

[9]Dans l’arrêt Law Society of British Columbia c. Mangat, [2001] 3 R.C.S. 113 (Mangat), la Cour suprême du Canada a examiné la question de savoir si la réglementation de pareilles personnes relevait de la compétence des provinces ou de la compétence du gouvernement fédéral. La Cour a statué que le gouvernement fédéral était autorisé à établir des tribunaux à l’égard des étrangers et de la naturalisation et à régir les personnes qui comparaissaient devant ces tribunaux. Au paragraphe 34 de la décision qu’elle a rendue à l’unanimité, la cour a dit ce qui suit :

De cette compétence relative à la naturalisation et aux aubains découle le pouvoir de constituer un tribunal administratif chargé de statuer sur les droits en matière d’immigration dans chaque cas particulier, dans le cadre de l’administration de ces droits. La capacité de prescrire les pouvoirs d’un tel tribunal et sa procédure, dont la procédure de comparution devant lui, découle également de cette compétence. La compétence législative fédérale dans le domaine de la naturalisation et des aubains comporte le pouvoir d’établir un tribunal comme la CISR, étant donné qu’elle inclut le pouvoir de décider qui est un étranger et qui devrait être naturalisé. Pour que de telles décisions puissent respecter les exigences de la justice naturelle et la Charte canadienne des droits et libertés, le gouvernement fédéral doit pouvoir déterminer la nature et le contenu d’une procédure équitable en la matière et qui peut y participer.

La Cour suprême a également conclu, aux paragraphes 59 à 67, que le gouvernement fédéral pouvait régir la représentation, contre rémunération par des personnes autres que des avocats. Voici ce que la Cour suprême a dit à la fin du paragraphe 58 :

La représentation par des non‑avocats est conforme à l’objet de ces organismes administratifs qui est de les rendre plus accessibles et d’en réduire le formalisme, ainsi que de reconnaître l’expertise d’autres catégories de personnes.

[10]En se fondant sur l’arrêt Mangat, le demandeur et l’intervenante conviennent que le gouvernement fédéral peut mettre sur pied un régime par lequel des personnes autres que des avocats peuvent, contre rémunération, représenter d’autres personnes dans toute affaire concernant la LIPR et peuvent comparaître devant la Commission. La question véritable qu’ils soulèvent est de savoir si cela a été fait correctement, eu égard aux circonstances qui nous occupent.

[11]J’examinerai maintenant les différents motifs liés à la question de la validité invoqués par le demandeur et par l’intervenante.

1.             Le Règlement va‑t‑il à l’encontre de la primauté du droit?

[12]Le demandeur soutient que l’indépendance judiciaire, qui remonte au moins à l’Act of Settlement 1700 [(R.-U.), 12 & 13 Will. III, ch. 2], est une pierre angulaire du processus décisionnel et du pouvoir judiciaire, à laquelle vient s’ajouter le principe fonda-mental de l’indépendance du barreau. Comme la Cour suprême du Canada l’a dit dans l’arrêt Procureur général du Canada et autres c. Law Society of British Columbia et autre, [1982] 2 R.C.S. 307, aux pages 335 et 336 :

L’une des marques d’une société libre est l’indépendance du barreau face à un État de plus en plus envahissant. En conséquence, la réglementation des membres du barreau par l’État doit, dans la mesure où cela est humainement possible, être exempte de toute ingérence politique dans la fourniture de services aux citoyens, surtout dans les domaines du droit public et du droit pénal. Du point de vue de l’intérêt public dans une société libre, il est des plus importants que les membres du barreau soient indépendants, impartiaux et accessibles et que le grand public ait, par leur intermédiaire, accès aux conseils et aux services juridiques en général.

[13]Selon le demandeur, les membres de la SCCI ne sont pas indépendants de l’État. Le demandeur signale que la preuve montre que le gouvernement a consenti un prêt initial à la SCCI, dans le cadre duquel il assure une surveillance étroite des affaires de la SCCI. Le demandeur attire l’attention de la Cour sur la preuve montrant que le gouvernement participe activement aux affaires de la SCCI, par suite des dispositions du contrat de prêt ainsi qu’au niveau du conseil d’administration.

[14]Les défendeurs soutiennent que la primauté du droit, telle qu’elle a été expliquée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Colombie‑Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 R.C.S. 473, aux paragraphes 57 à 68, ne doit pas être interprétée par les défenseurs d’une cause comme étant incorporée à quelque chose simplement parce que cela peut étayer leur point de vue particulier au sujet de ce que devrait être le droit. Comme il a été dit au paragraphe 60 des motifs, les actes du pouvoir législatif sont limités par la primauté du droit, mais seulement dans le sens où ils doivent respecter des conditions légales de manière et de forme, c’est‑à‑dire les procédures d’adoption, de modification et d’abrogation des lois.

[15]La position prise par les défendeurs est exacte. Dans l’arrêt Mangat, la Cour suprême du Canada a déjà décidé que le gouvernement fédéral peut prévoir la représentation dans toute affaire concernant la LIPR par des personnes qui ne sont pas des avocats. Le Conseil du Trésor a mis sur pied une politique au moyen du Cadre de gestion et de responsabilisation axé sur les résultats et du Résumé de l’étude d’impact de la réglementation pour guider les administrateurs et assurer le respect de l’obligation de rendre compte dans le cadre de la réalisation de programmes gouvernementaux et d’initia-tives en matière de financement.

[16]La participation du gouvernement, lorsqu’il prête de l’argent aux fins de la création de la SCCI, et l’intervention restreinte du gouvernement dans les affaires de cette organisation ne sont pas inappropriées et il n’a nullement été démontré qu’elles étaient excessives ou injustifiées. Le rôle du gouvernement dans les affaires de la SCCI consiste à assurer l’essor d’une nouvelle organisation, de façon qu’elle puisse servir les personnes qui ont besoin de ses services, d’une façon acceptable et indépendante.

[17]Eu égard aux circonstances de l’affaire, la primauté du droit ne peut pas être utilisée en vue d’annuler le Règlement.

2.            Le Règlement crée‑t‑il une délégation qui n’est pas autorisée par la loi?

[18]En plus de prévoir que les avocats, les notaires et les stagiaires en droit peuvent agir comme représentants, le Règlement prévoit que les membres de la SCCI, une société constituée aux termes de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes, peuvent également agir comme représentants. Au moment où le Règlement a pris effet, la SCCI était constituée, mais aucun ensemble de règles, de procédures et de statuts n’avaient encore été adoptés.

[19]Le demandeur soutient que la SCCI venait à peine d’entreprendre ses activités lorsque le Règlement a pris effet. Selon lui, le Règlement n’établit aucune structure aux fins de l’administration de la SCCI, du choix de ses membres, de leur formation ou de leur discipline. En fait, la SCCI s’est vu conférer un pouvoir discrétionnaire absolu sur ses membres. Par conséquent, la SCCI s’est vu accorder, d’une façon irrégulière, un pouvoir délégué lorsqu’il s’agit de savoir qui peut représenter une personne dans toute affaire concernant la LIPR et qui peut comparaître devant la Commission.

[20]Le demandeur soutient que l’emploi du mot « prévoir » au paragraphe 91 ne confère pas un large pouvoir au gouverneur en conseil et indique l’intention du législateur, à savoir que le Règlement devrait prescrire des règles ou des normes. Il reconnaît qu’il y a eu des cas dans lesquels le gouvernement a conféré au gouverneur en conseil, au moyen d’une loi, de vastes pouvoirs de réglementation, mais qu’il s’agissait de cas dans lesquels il existait une urgence nationale, par exemple en vertu de la Loi sur les mesures de guerre [S.R.C. 1927, ch. 206], voir par exemple l’arrêt Reference as to the Validity of the Regulations in relation to Chemicals, [1943] R.C.S. 1.

[21]Les défendeurs affirment que l’approche qu’il convient d’adopter à l’égard d’un règlement tel que celui‑ci consiste à déterminer d’abord si le Règlement est compatible avec les pouvoirs conférés par la loi, et à déterminer ensuite si le Règlement est conforme à l’objet de la loi. Ils citent les motifs énoncés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Jafari c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 2 C.F. 595, à la page 602, qui sont selon eux instructifs :

Il va sans dire qu’il n’appartient pas à un tribunal de juger de la sagesse de la législation par délégation ni d’en apprécier la validité en se fondant sur ses préférences en matière de politique. La question essentielle que doit toujours se poser le tribunal est la suivante : le pouvoir conféré par la loi permet‑il cette législation par délégation particulière? On doit rechercher dans la mesure législative attributive du pouvoir en cause tous les indices possibles de l’objet et de l’étendue de la législation par délégation autorisée. Il faut tenir compte de toute limitation, expresse ou implicite, de l’exercice de ce pouvoir. Il faut ensuite examiner le règlement lui‑même pour s’assurer de sa conformité, et s’il est contesté au motif qu’il n’a pas été pris pour des fins autorisées par sa loi habilitante, on doit alors tenter de reconnaître une ou plusieurs des fins pour lesquelles le règlement a été adopté. Il est reconnu qu’un vaste pouvoir discrétionnaire, y compris un pouvoir de réglementation, ne peut être exercé pour poursuivre une fin totalement étrangère, mais il appartient à la partie qui conteste le règlement de démontrer ce que pourrait être cette fin illicite. [Notes omises.]

[22]L’article 91 de la LIPR prévoit que « [l]es règlements peuvent prévoir qui peut ou ne peut représenter une personne, dans toute affaire devant le ministre, l’agent ou la Commission, ou faire office de conseil ». La lecture de l’article 91 au complet permet de constater qu’il vise à indiquer qui peut et qui ne peut pas représenter une personne, ou faire office de conseil. En adoptant cette approche, on peut constater que le Règlement est conforme à la loi, et qu’il prévoit qui peut représenter une personne dans toute affaire concernant la LIPR et devant la Commission. La désignation d’un groupe de personnes en tant que membres de la SCCI n’est pas différente de la désignation d’un autre groupe. On peut facilement comprendre que la SCCI est une organisation qui vient à peine d’être créée, qu’elle n’a pas d’antécédents, alors que les barreaux ont de longs antécédents et sont des institutions fort vénérables. Toutefois, cela ne rend pas pour autant le Règlement invalide.

[23]Le cas qui nous occupe est fort semblable à celui qui était en cause dans l’arrêt Re Peralta and The Queen in right of Ontario et al. (1985), 49 O.R. (2d) 705, une décision de la Cour d’appel de l’Ontario qui a été confirmée par la Cour suprême du Canada, [1988] 2 R.C.S. 1045, dans de brefs motifs portant sur un autre point. À la page 717 des motifs de la Cour d’appel de l’Ontario, lesquels ont été rendus par le juge en chef adjoint MacKinnon, il est dit qu’il n’existe aucune règle ni aucune présomption en faveur ou à l’encontre de la sous‑délégation; que le libellé de la loi doit être interprété à la lumière de l’objet de la loi; que la maxime delegatus non potest delegare n’est pas une règle de droit, mais une règle d’interprétation; et qu’en matière d’interprétation, il faut tenir compte du libellé de l’ensemble du texte législatif ainsi que de son objet.

[24]En outre, comme l’a dit la juge Reed de la présente Cour qui résumait, dans la décision Nation dénée c. La Reine, [1984] 2 C.F. 942 (1re inst.), à la page 948, un certain nombre d’arrêts de la Cour suprême du Canada, un délégataire peut sous‑déléguer un pouvoir administratif à un autre organisme s’il est nécessaire de le faire afin de mettre en œuvre le régime ou les normes qui sont établis.

[25]Dans certains cas, la loi habilitante ou le règlement devra établir des régimes et des normes, mais cela n’est pas nécessaire lorsque, comme c’est ici le cas, la loi exige simplement que l’on désigne qui peut représenter une personne devant la Commission et dans toute affaire concernant la LIPR. Toutes les parties reconnaissent qu’il n’y avait rien d’irrégulier à désigner ainsi les avocats, les notaires et les stagiaires en droit. De même, il ne peut rien y avoir d’irrégulier à désigner les membres d’une organisation telle que la SCCI, qui était en place lorsque le Règlement a été édicté, même si les statuts et règles de la SCCI n’avaient pas encore tous été adoptés. Le fait qu’il s’agissait d’une nouvelle organisation ne veut pas dire qu’il y avait irrégularité. Dans l’arrêt Mangat, précité, la Cour suprême du Canada a clairement dit que le gouvernement fédéral pouvait désigner des non‑avocats. En faisant en sorte que la SCCI soit créée et en manifestant un intérêt continu dans les débuts de l’organisation, le gouverne-ment s’assurait que les désignations seraient effectuées d’une façon régulière en vertu du Règlement.

3.             Le Règlement est‑il discriminatoire?

[26]Le Règlement autorise les avocats, les notaires, les stagiaires en droit et les membres de la SCCI à représenter une personne devant la Commission et dans toute affaire concernant la LIPR. En précisant les personnes qui peuvent agir ainsi, le Règlement prévoit implicitement que toutes les autres personnes ne peuvent pas le faire. Les employés des avocats, comme les agents parajuridiques, qui ne sont pas eux‑mêmes avocats, sont donc exclus. Par le passé, il est arrivé que des agents parajuridiques comparaissent devant la Commission et représentent des personnes dans des affaires concernant la LIPR.

[27]La preuve montre que les barreaux ont insisté, avant que le Règlement soit édicté, pour que les employés des avocats soient autorisés à représenter des personnes devant la Commission dans des affaires concernant la LIPR. Les barreaux ont soutenu que ces employés étaient supervisés par les avocats, qui étaient de leur côté assujettis à la discipline de leurs barreaux respectifs. Ils ont affirmé que l’exclusion de ces employés obligerait ceux‑ci à devenir membres de la SCCI afin d’exercer leurs activités et que ces employés seraient donc assujettis à la discipline de la SCCI. Or, s’il devenait nécessaire, dans une procédure disciplinaire devant la SCCI, de se reporter à des affaires dans lesquelles le secret professionnel est en cause, il faudrait obtenir le consentement du client ou il faudrait des dispositions légales expresses. Or, il n’existe aucune disposition légale de ce genre. L’employé pourrait donc être privé d’un moyen de défense légitime. Selon le demandeur et l’intervenante, cette distinction entre les différentes catégories, à savoir la distinction entre les agents parajuridiques et les personnes désignées en vertu du Règlement, en particulier les stagiaires en droit, est discriminatoire.

[28]À mon avis, le Règlement n’est pas discrimi-natoire. Comme il a été dit dans l’arrêt Mangat, le gouvernement fédéral est autorisé à choisir les personnes qui peuvent représenter d’autres personnes pour l’appli-cation de la LIPR, notamment devant la Commission, et il n’est pas nécessaire que ces personnes soient des avocats. Le fait de ne pas choisir un groupe de personnes, comme les employés des avocats, n’est pas en soi discriminatoire.

[29]Dans la mesure où le secret professionnel peut poser un problème dans une procédure disciplinaire, la SCCI et les barreaux sont libres de prendre des dispositions appropriées, comme le renvoi au barreau concerné des audiences disciplinaires concernant les employés des avocats. Cette situation est semblable à celle que la Cour d’appel de l’Ontario a examinée dans l’affaire Wilder v. Ontario Securities Commission (2001), 53 O.R. (3d) 519, où un grand nombre de questions identiques se posaient dans un cas où la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario devait prendre des mesures disciplinaires à l’encontre d’une personne qui avait le droit d’exercer sa profession devant la Commission, et qui était également un avocat régi par le Barreau. Comme l’a dit le juge Sharpe au nom de la cour, au paragraphe 32 des motifs :

[traduction] Toutefois, je ne retiens pas la prétention des appelants et du Barreau, lorsqu’ils affirment que la nécessité de respecter le secret professionnel exige une préclusion générale, empêchant la CVMO de réprimander les avocats dans tous les cas, à condition toutefois que la CVMO reconnaisse d’une façon adéquate l’importance du secret professionnel.

[30]Au paragraphe 34 de ces motifs, le juge Sharpe a fait remarquer qu’il faut éviter une situation dans laquelle une personne peut faire face à un dilemme, mais que si on ne peut pas l’éviter, l’organisme non juridique doit s’en remettre à l’organisme juridique ou du moins faire coïncider ses procédures de façon à préserver les droits substantiels.

[31]Je conclus donc que le Règlement n’est pas discriminatoire.

4.             Le Règlement excède‑t‑il les pouvoirs conférés par la loi?

[32]La loi dit que le Règlement peut prévoir qui peut ou ne peut pas représenter une personne dans toute affaire concernant la LIPR, ou faire office de conseil. Le Règlement prévoit que les avocats, les notaires, les stagiaires en droit et les membres de la SCCI peuvent agir à titre de représentants et de conseils.

[33]Le demandeur fait valoir que la création d’une profession autonome comporte la création de droits précieux et vise à assurer la protection de droits vulnérables comme l’a dit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869, aux pages 886 et 887 (Pearlman). Il soutient que la création d’un nouvel organisme professionnel exige une autorisation fort claire dans la loi elle‑même. On ne saurait s’en remettre à un règlement qui, de son côté, autorise une société qui vient d’être créée à choisir ses membres pour veiller à la formation de ces membres et à la prise de mesures disciplinaires.

[34]Le demandeur fait remarquer, qu’aux  pages 886 et 887, de l’arrêt Pearlman, la Cour suprême a dit qu’il existait « des motifs d’ordre législatif qui justifient l’autonomie accordée à une profession » et qu’elle a ensuite référé à un document d’étude intitulé : The Report of the Professional Organizations Committee (1980). Selon ce document, lorsque le législateur édicte une loi aux fins de l’autoréglementation, l’intérêt public est en jeu et le législateur doit demeurer responsable en dernier recours.

[35]Le demandeur mentionne l’arrêt Pearlman, page 888, et s’appuie sur l’arrêt Procureur général du Canada et autres c. Law Society of British Columbia et autre, [1982] 2 R.C.S. 307, aux pages 335 et 336, où le juge Estey dit qu’à cause de l’intérêt public, une province peut légiférer dans le domaine de la réglementation des membres du barreau. Le demandeur élargit la portée de la décision du juge Estey et dit qu’une loi crée l’indépendance nécessaire afin d’assurer la prestation de services à la population.

[36]En invoquant l’ouvrage du professeur Peter Hogg, Constitutional Law of Canada, feuilles mobiles (Toronto : Carswell, 1997) aux pages 14‑12, 14‑4, et des arrêts tels que Hodge c. Reg. (1883), 9 App. Cas. 117 (P.C.); In re Gray (1918), 57 R.C.S. 150; et Attorney-General of Canada et al. v. Nolan and Hallett & Carey Ltd., [1952] 3 D.L.R. 433 (C.J.C.P.), les défendeurs disent que le Parlement possède un large pouvoir de déléguer au moyen d’un règlement, sous réserve de la portée de la loi habilitante. Il appartient à la législature, et non aux tribunaux judiciaires, de décider d’une sous‑délégation de ce genre.

[37]La série d’arrêts et d’ouvrages invoqués par les défendeurs est convaincante. Le Parlement peut déléguer, au moyen du pouvoir de réglementation, à condition que la délégation soit conforme à l’objet de la loi. Or, en l’espèce, le Règlement est conforme à cet objet. La jurisprudence n’exige pas qu’une loi soit édictée lorsqu’un organisme autonome est créé. La jurisprudence donne plutôt à entendre qu’il appartient au Parlement ou aux législatures provinciales de décider de la nécessité d’édicter une loi aux fins de la création d’un organisme autonome.

Conclusion

[38] Je conclus donc que le Règlement est valide, qu’il est intra vires et qu’il respecte, d’une façon appropriée, la portée de la loi habilitante.

[39] Les parties m’ont demandé de donner à chacune d’elles la possibilité de soumettre une question ou des questions à certifier et c’est ce que je ferai.

[40] Les parties ont convenu qu’aucuns dépens ne seront adjugés.

JUGEMENT

POUR LES MOTIFS CI‑DESSUS ÉNONCÉS :

1. La demande est rejetée;

2. Le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigra-tion et la protection des réfugiés, DORS/ 2004‑59 est intra vires;

3. Les parties disposeront d’un délai de 30 jours à compter de la date du présent jugement pour soumettre une question ou des questions à certifier;

4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

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