T‑1382‑04
2006 CF 976
The Procter & Gamble Company et La Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc. (demanderesses)
c.
Le commissaire aux brevets (défendeur)
Répertorié : Procter & Gamble Co. c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.F.)
Cour fédérale, juge Barnes—Toronto, 12 juin; Ottawa, 15 août 2006.
Brevets — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le commissaire aux brevets a refusé de changer la date de redélivrance du brevet des demanderesses dans les archives du Bureau des brevets — La date de délivrance prévue du brevet était le 11 juin 1996 — Cette date figure sur le certificat de brevet, mais le brevet a, en fait, seulement été délivré le 18 juin 1996 — Le commissaire a conclu à tort que la délivrance légale du brevet n’était pas subordonnée à la communication au breveté ou au public d’un certificat de brevet — Les conditions énoncées à l’art. 43 de la Loi sur les brevets auxquelles est subordonnée la délivrance n’ont pas été remplies en l’espèce — Le commissaire a reçu l’ordre de changer la date de redélivrance du brevet des demanderesses au 18 juin 1996 — Examen du pouvoir discrétionnaire conféré par l’art. 8 pour corriger des erreurs d’écriture — Demande accueillie.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le commissaire aux brevets a refusé de prendre la mesure que sollicitaient les demanderesses en vertu de l’article 8 de la Loi sur les brevets (correction d’erreurs d’écriture). Les demanderesses demandaient au commissaire de corriger les archives du Bureau des brevets en changeant la date de redélivrance de leur brevet (Didrocal) du 11 juin 1996 au 18 juin 1996.
Le Bureau des brevets remet toujours les certificats de brevet le mardi. Les certificats de brevet sont établis à l’avance et datés par la date où l’on prévoit de les remettre aux brevetés. En l’espèce, la pratique habituelle n’a pas été suivie. On avait l’intention de délivrer le brevet Didrocal le 11 juin 1996. Comme un nouveau commissaire venait d’entrer en fonction et qu’on ne disposait pas pour cette date de formules de certificat portant sa signature, le brevet a seulement été délivré le mardi suivant, soit le 18 juin 1996.
Genpharm Inc., qui voulait faire déclarer invalide le brevet des demanderesses, a invoqué le 11 juin comme la date de redélivrance pour soutenir que la procédure de prohibition intentée par les demanderesses devait être rejetée parce que le brevet n’avait pas été présenté au ministre de la Santé pour inscription au registre dans les 30 jours suivant sa redélivrance. La requête de Genpharm a été rejetée et ce rejet a été confirmé en appel. Se fondant sur l’observation du juge Rothstein, J.C.A., selon laquelle la date paraissant sur le brevet était erronée si le brevet avait été délivré à une date autre que le 11 juin 1996, les demanderesses ont demandé au commissaire de corriger la date de délivrance inscrite sur le brevet.
Dans sa décision, le commissaire a statué que l’exercice du pouvoir discrétionnaire lui étant conféré par l’article 8 ne se justifiait pas parce qu’il n’y avait pas eu d’erreur « dans le processus mécanique de rédaction ou de transcription » pour ce qui concerne la date figurant sur le certificat de brevet. Il a aussi conclu qu’il ne pouvait y avoir d’erreur d’écriture puisque le certificat de brevet portait la date de délivrance prévue, qui concordait avec celle enregistrée dans les archives du Bureau des brevets. Le commissaire a conclu que la loi n’exigeait pas que le brevet Didrocal eût été remis ou envoyé par la poste aux demanderesses ou mis à la disposition du public. Le commissaire semblait dans sa décision adopter par défaut le 11 juin 1996 comme date de délivrance du brevet.
Jugement : la demande doit être accueillie.
Les obligations du commissaire énoncées au paragraphe 4(2) de la Loi sur les brevets exigent implicitement que les dossiers du Bureau des brevets soient tenus avec exactitude, notamment que les dates de délivrance des brevets soient correctement inscrites et enregistrées. Bien que le 11 juin fût la date prévue pour la délivrance du brevet des demanderesses, on ne disposait pas à cette date de la formule de certificat nécessaire dûment signée. Les conditions auxquelles l’article 43 de la Loi sur les brevets, tel qu’il était alors libellé, subordonnait la délivrance n’étaient donc pas remplies. Le commissaire a commis une erreur de droit lorsqu’il a statué que la délivrance légale du brevet n’était pas subordonnée à la communication au breveté ou au public d’un certificat de brevet. La délivrance d’un document exige qu’il soit communiqué, rendu accessible ou publié. Le Bureau des brevets reconnaît ce fait implicitement en datant les certificats de brevet par la date où ils seront communiqués ou publiés. Le brevet Didrocal a été publié ou délivré le 18 juin 1996 puisque toutes les formalités ont été accomplies à cette date et il pouvait alors être délivré. Comme le commissaire était tenu en vertu de l’article 43 de la Loi sur les brevets de corriger la date de redélivrance du brevet Didrocal en la remplaçant par le 18 juin 1996, il n’était pas nécessaire qu’il examine cette affaire dans le cadre du pouvoir que lui confère l’article 8.
lois et règlements cités
Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4, art. 4(2), 8 (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 27), 25, 43 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 16).
Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, ch. P-4, art. 8.
Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133.
jurisprudence citée
décisions examinées :
Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada, Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2001 CFPI 1151; conf. par [2003] 1 C.F. 402; 2002 CAF 290; Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada, Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 4 C.F. 445; 2003 CFPI 583; conf. par [2004] 2 R.C.F. 85; 2003 CAF 467; Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), [2002] 1 C.F. 325; 2001 CFPI 879; conf. en partie par [2003] 4 C.F. 67; 2003 CAF 121; Bayer Aktiengesellschaft c. Commissaire aux brevets, [1981] 1 C.F. 656 (1re inst.).
décisions citées :
Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84; 2002 CSC 3; Monsanto Inc. c. Commissaire des brevets, [1976] 2 C.F. 476 (C.A.).
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le commissaire aux brevets a rejeté la demande des demanderesses en vue de faire corriger la date de délivrance de leur brevet. Demande accueillie.
ont comparu :
Sheila R. Block et Angela M. Furlanetto pour les demanderesses.
Ian R. Dick pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier :
Torys LLP, Toronto, pour les demanderesses et Dimock Stratton LLP, Toronto, conseil des demanderesses.
Le sous‑procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par
[1]Le juge Barnes : The Procter & Gamble Company et la Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc. (ci‑après désignées collectivement P & G) sont les propriétaires du brevet d’un produit médicinal vendu sous les noms commerciaux de « Didrocal » et « Didronel » (le Didrocal).
[2]Le Didrocal, prescrit dans le traitement de l’ostéoporose, a pour effet de réduire la résorption osseuse naturelle. Le brevet Didrocal comporte un protocole thérapeutique qui augmente l’efficacité de ce médicament.
[3]Le Didrocal est un produit important pour les activités canadiennes de P & G. Sa formulation est la seule de sa catégorie dont l’utilisation dans le traitement de l’ostéoporose soit approuvée au Canada, où ce produit rapporte annuellement à la compagnie quelque 37 millions de dollars.
[4]La présente demande de contrôle judiciaire s’inscrit dans le cadre d’un contentieux remontant à 1999, qui consiste en grande partie dans les efforts déployés par un fabricant de génériques pharmaceu-tiques concurrent de P & G, Genpharm Inc. (Genpharm), pour entrer sur le marché avec un produit médicinal semblable au Didrocal, mais censément destiné au traitement d’autres maladies que l’ostéopo-rose. Cette contestation a révélé un problème potentiel concernant la date à laquelle le commissaire aux brevets (le commissaire) a redélivré le brevet Didrocal à P & G. Cette dernière soutient que son brevet lui a été légalement redélivré le 18 juin 1996, tandis que le commissaire affirme que la date de délivrance est le 11 juin 1996. P & G a formé la présente demande afin d’obliger le commissaire à changer du 11 au 18 juin 1996 la date officielle de délivrance du brevet Didrocal dans les archives du Bureau des brevets.
Histoire du différend
[5]Par une décision en date du 23 octobre 2001, le juge William McKeown a rendu une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Genpharm un avis de conformité (AC) qui lui aurait permis de commercialiser son médicament concurrent : voir Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2001 CFPI 1151. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision par un arrêt en date du 8 juillet 2002, où le juge Marshall Rothstein a conclu que la preuve établissait « de façon écrasante » que le produit proposé par Genpharm serait utilisé de manière à contrefaire le brevet de P & G sur le Didrocal; voir Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 1 C.F. 402 (C.A.), au paragraphe 50.
[6]Genpharm a alors introduit devant notre Cour une nouvelle instance en vue de faire déclarer invalide le brevet de P & G sur le Didrocal. P & G a contesté cette procédure et a formé une demande tendant encore une fois à obtenir une ordonnance qui interdirait au ministre de la Santé de délivrer à Genpharm un AC pour son produit concurrent. Genpharm a riposté en présentant une requête préliminaire en rejet de la demande de P & G, faisant valoir que le brevet de celle‑ci n’avait pas été présenté au ministre de la Santé pour inscription au registre dans les 30 jours suivant sa redélivrance par le commissaire, comme le prescrit le Règlement AC [Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133]. Genpharm fondait ce moyen sur la date de délivrance du brevet Didrocal consignée aux archives, soit le 11 juin 1996. P & G soutenait quant à elle avoir présenté son brevet pour inscription au registre dans le délai prescrit, la date effective de sa délivrance étant le 18 juin 1996.
[7]La requête en rejet de Genpharm a été entendue par la juge Johanne Gauthier, qui a conclu que, vu la preuve dont elle disposait, il n’apparaissait pas « de manière claire et manifeste » que le brevet de P & G n’eût pas été inscrit auprès du ministre de la Santé dans le délai prescrit : voir Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada, Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 4 C.F. 445 (1re inst.), au paragraphe 51. La juge Gauthier poursuivait en faisant observer qu’il était clair que le commissaire aux brevets n’avait pas délivré le brevet de P & G à la date figurant sur le certificat de brevet (soit le 11 juin 1996). Cette date, constate‑t‑elle au paragraphe 48, a été inscrite par suite d’une erreur d’écriture que le Bureau des brevets admettait avoir commise. En conséquence, elle a rejeté la requête de Genpharm en rejet de la demande en interdiction de délivrer un AC présentée par P & G.
[8]Genpharm a appelé de la décision de la juge Gauthier. La majorité de la Cour d’appel fédérale (le juge John Evans étant dissident) a confirmé le rejet de la requête de Genpharm, mais en se fondant sur un motif différent de celui de la juge Gauthier. Le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la majorité, a constaté que Genpharm se trouvait empêchée d’invoquer ce moyen en vertu de la règle de la préclusion pour même question en litige. Il a conclu que Genpharm aurait dû invoquer l’irrégularité supposée de la présentation pour inscription au registre sous le régime du Règlement AC dans l’instance précédente qui l’avait opposée à P & G, et que, ne l’ayant pas fait, elle se trouvait précluse de remettre cette question en litige dans une instance ultérieure. Malgré cette conclusion, le juge Rothstein a néanmoins examiné la question de savoir quand le commissaire aux brevets avait délivré le brevet de P & G. Il a formulé à ce sujet les conclusions suivantes aux paragraphes 11 à 15 de Compagnie Pharmaceutique Procter & Gamble Canada, Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2004] 2 R.C.F. 85 (C.A.F.) :
La juge des requêtes s’inquiétait du fait qu’on ne savait pas trop à quel moment avaient été délivrés au Bureau des brevets les certificats portant le nom du nouveau commissaire aux brevets, et à quelle date remontaient en [sic] la signature du commissaire de même que le sceau du Bureau des brevets apposés tous deux sur le brevet ′376. Son inquiétude a été suscitée par une lettre écrite par le Bureau des brevets le 27 juin 1996, laquelle est rédigée comme suit :
[traduction] Objet : La question du brevet portant la date du 11 juin 1996
M. Anthony McDonough a récemment été désigné commissaire aux brevets. En conséquence, de nouveaux certificats de délivrance ont dû être imprimés. En raison des délais d’impression, les brevets portant la date du 11 juin 1996 ont été postés le 18 juin 1996. Nous regrettons tout inconvénient entraîné par ce retard.
À cause des délais d’impression, il semble que la juge des requêtes était d’opinion que la signature du commissaire aux brevets ainsi que le sceau du Bureau des brevets n’avaient peut‑être pas été apposés sur le brevet ′376 avant le 18 juin 1996. Pour cette raison, Genpharm n’a pas réussi à la convaincre que le brevet ′376 n’a pas été présenté au ministre pour inscription au registre des brevets dans les 30 jours de sa délivrance.
En droit, comme je l’ai énoncé précédemment, la date à laquelle le brevet ′376 a été délivré est la date mentionnée au brevet. Il n’appartenait pas à la juge des requêtes d’aller au‑delà de ce qui était mentionné sur le brevet.
Si, en fait, le brevet a été délivré à une autre date que le 11 juin 1996, alors la date mentionnée sur le brevet était une erreur. Toutefois, si tel était le cas, la réparation appropriée pour P & G aurait été de demander au Bureau des brevets de corriger l’erreur.
Toute autre interprétation créerait de l’incertitude en ce qui a trait à la date de délivrance, alors que l’article 43 était justement destiné à éviter cet état de choses. Sous le régime applicable aux brevets présentés avant le 1er octobre 1989, la date de délivrance est lourde de conséquences puisque la durée de tels brevets est de 17 ans à partir de cette date. Ce n’est plus le cas pour les brevets présentés le ou après le 1er octobre 1989; en effet, pour ces brevets, la durée est de 20 ans à partir de [la] date de présentation de la demande. Toutefois, il existe encore des brevets qui ont été présentés avant le 1er octobre 1989 et donc la date de délivrance demeure importante pour ceux‑ci. De la même façon, il y a sans doute d’autres raisons pour lesquelles la date de délivrance demeure importante, notamment les dispositions du paragraphe 4(5) (maintenant 4(4)) du Règlement.
En fait, avec l’article 43, le législateur entendait fixer avec certitude la date de délivrance en prévoyant que, en droit, la date de délivrance est la date mentionnée sur le brevet. En l’espèce, la date était le 11 juin 1996. [Non souligné dans l’original.]
[9]Se fondant sur l’observation du juge Rothstein, P & G a demandé au commissaire de corriger la date de délivrance inscrite sur le brevet Didrocal, soit le 11 juin 1996, en la remplaçant par le 18 juin 1996. Elle a exercé ce recours sous le régime de l’article 8 [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 27] de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4, modifiée, qui est libellé comme suit :
8. Un document en dépôt au Bureau des brevets n’est pas invalide en raison d’erreurs d’écriture; elles peuvent être corrigées sous l’autorité du commissaire.
Par lettre en date du 23 juin 2004, le commissaire a avisé P & G du rejet de sa demande de correction de la date de délivrance du brevet Didrocal. Comme la décision que porte cette lettre est l’objet même de la présente demande de contrôle judiciaire, j’en reproduis ci‑dessous le texte intégral :
[traduction]
Le 23 juin 2004
Madame Kimberley Lachaine
Kirby Eades Gale Baker
C.P. 3432, succ. D
Ottawa (Ontario) K1P 6N9
Madame,
J’ai bien reçu votre lettre du 13 février 2004 concernant le brevet canadien no 1338376 (ci‑après désigné « brevet ′376 »). Vous y demandiez que la date de redélivrance figurant sur le certificat de redélivrance et sur la page couverture de ce brevet, soit le 11 juin 1996, soit remplacée par le 18 juin 1996, sous le régime de l’article 8 de la Loi sur les brevets (ci‑après désignée « la Loi »).
L’article 8 de la Loi dispose que des « erreurs d’écriture » entachant « [u]n document en dépôt au Bureau des brevets […] peuvent être corrigées sous l’autorité du commissaire ». L’erreur d’écriture a été définie par le juge Mahoney dans Bayer Aktiengesellschaft c. Commissaire des brevets [(1980), 53 C.P.R. (2d) 70] comme une erreur commise « dans le processus mécanique de rédaction ou de transcription ».
Vous déclarez dans votre lettre que le certificat de redélivrance du brevet ′376 devrait être daté du 18 juin 1996 au lieu du 11 juin 1996. Pour que l’inscription de la date du 11 juin constitue une erreur d’écriture au sens de l’article 8, cette erreur doit avoir été commise « dans le processus mécanique de rédaction ou de transcription ». Or rien ne donne à penser que tel ait été le cas. Les faits indiquent plutôt que la date du 11 juin 1996 était bel et bien la date qu’on avait l’intention d’inscrire sur le certificat de redélivrance susdit. C’est ainsi que le numéro du 11 juin 1996 de la Gazette du Bureau des brevets porte bien que le brevet 376 a été délivré à cette date.
Vous écrivez dans votre lettre, à propos de la décision Bayer, que « l’importance de l’erreur du point de vue des conséquences de sa correction (ou de sa non‑correction) n’était pas un facteur pertinent ». S’il est vrai que les conséquences de la correction ou de la non‑correction ne sont pas pertinentes s’agissant d’établir si l’erreur est une erreur d’écriture au sens de l’article 8, ces conséquences sont néanmoins à prendre en considération dans le contexte du pouvoir discrétionnaire du commissaire (qui est « libre » de la corriger ou non). Pour reprendre les termes du juge Mahoney dans Bayer :
L’article 8 prévoit que « les erreurs d’écriture . . . peuvent être corrigées au moyen d’un certificat sous l’autorité du commissaire ». Le terme « peuvent » signifie que cela est facultatif, et non pas impératif ou obligatoire. Rien dans l’article 8 ne me permet de conclure que l’intimé est tenu de délivrer un certificat de correction lorsqu’il constate que la correction demandée concerne une erreur d’écriture. Il est libre de le faire ou de ne pas le faire. [Soulignement dans l’original.]
Dans Bristol‑Myers Squibb Co. c. Commissaire aux brevets [(1997) 77 C.P.R. (3d) 300], le juge Pinard a confirmé le pouvoir discrétionnaire que possède le commissaire d’effectuer ou non une correction sous le régime de l’article 8. Dans cette affaire, le commissaire avait décidé de ne pas apporter de correction sous ce régime même s’il reconnaissait l’existence d’une erreur d’écriture dans un document en dépôt au Bureau des brevets, parce qu’il pensait que la correction de cette erreur pourrait porter préjudice à des tiers.
Vous écrivez que « la correction » de la date de redélivrance du brevet ′376 « n’aura pas d’effet sur la durée du brevet » et « ne prolongera pas les droits de brevet ». Il reste cependant que le changement de la date de redélivrance pourrait porter préjudice à des tiers, par exemple du fait que commencerait à courir à une autre date le délai prévu au paragraphe 4(4) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Si vous m’aviez convaincu que votre demande avait pour objet une correction relevant de l’article 8, il m’aurait néanmoins fallu examiner le point de savoir s’il convenait que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de correction sous le régime de l’article 8, compte tenu de la possibilité de préjudice à des tiers.
Vous citez une lettre du Bureau des brevets en date du 27 juin 1996 portant que « [e]n raison de retards dus à l’impression, les brevets du 11 juin 1996 ont été postés le 18 juin 1996 ». Cette lettre ne dit pas quand les certificats de délivrance ont été signés et scellés, mais seulement quand ils ont été mis à la poste. Vous citez également une décision du commissaire en date du 14 octobre 1996 où sont énumérées un certain nombre de mesures que le commissaire prend relativement à la délivrance d’un brevet, dont sa signature, l’apposition du sceau et sa remise au breveté. L’article 43 de la Loi sur les brevets, dans la version qui était en vigueur au 11 juin 1996, disposait que « le brevet accordé sous le régime de la présente loi est délivré sous la signature du commissaire et le sceau du Bureau des brevets ». La Loi ne porte pas que le brevet n’est pas délivré tant qu’il n’a pas été remis au breveté ou ne lui a pas été expédié par la poste. S’il est vrai que le fait de mettre le brevet à la disposition du breveté est une mesure administrative que prend le commissaire, la délivrance proprement dite du brevet ne dépend pas de cette mesure.
Si le certificat de redélivrance du brevet ′376 n’a pas été signé et scellé le 11 juin 1996, il est impossible de savoir aujourd’hui, huit ans après le fait, à quelle date il l’a été entre les 12 et 18 juin 1996. Cependant, cette question est à mon sens dénuée d’objet, puisque j’ai décidé que le changement que vous avez demandé ne peut être fait sous le régime de l’article 8 et qu’aucune autre disposition de la Loi ne m’habilite à le faire
Par conséquent, je ne puis accueillir votre demande de changement de la date figurant sur le certificat de redélivrance et la page couverture du brevet ′376.
Veuillez agréer, Madame, mes sincères salutations.
David Tobin
Commissaire aux brevets, Registraire des marques de commerce et président de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada
C’est à l’égard de la décision formulée dans cette lettre que P & G demande une réparation judiciaire sous forme d’une ordonnance l’annulant et enjoignant au commissaire de remplacer le 11 juin 1996 par le 18 juin 1996 comme date de délivrance du brevet Didrocal. Subsidiairement, P & G demande que l’affaire soit renvoyée au commissaire pour un nouvel examen conforme à l’article 8 de la Loi sur les brevets.
Le contexte factuel
[10]Les faits substantiels relatifs à la question de savoir quand le brevet Didrocal a été délivré ne sont pas contestés, encore que certains détails sans conséquence ne puissent être établis à cause du temps écoulé.
[11]Le dossier montre que le Bureau des brevets a administré la demande de redélivrance du brevet Didrocal conformément à ses pratiques habituelles jusqu’au moment où devait être établi le certificat de brevet. À quelques très rares exceptions près (Noël par exemple), les brevets sont toujours remis à leurs titulaires le mardi. Même si le brevet est prêt avant pour la délivrance ou la redélivrance (au sens où toutes les formalités nécessaires ont été remplies), le Bureau des brevets considère comme la date de délivrance celle du mardi où il est mis à la disposition de son titulaire et du public. Donc, normalement, les certificats de brevet sont établis à l’avance et datés par la date où l’on prévoit de les remettre aux brevetés.
[12]La procédure de délivrance des brevets que suit le Bureau des brevets est en général très efficace et très régulière. En 1996, l’article 43 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 16] de la Loi sur les brevets exigeait, entre autres formalités, que le certificat de brevet soit établi et signé par le commissaire et porte le sceau du Bureau des brevets. Dans le cas du brevet Didrocal, cependant, on n’a pas suivi la pratique habituelle. Il n’est pas contesté qu’on avait l’intention de délivrer ce brevet le 11 juin 1996, mais comme un nouveau commissaire venait d’entrer en fonction, on ne disposait pas pour cette date de formules de certificat portant sa signature. En fin de compte, on a pu se procurer de nouvelles formules de certificat, qui ont été signées et scellées le ou vers le lundi 17 juin 1996. Le certificat du brevet Didrocal était un de ces documents. Tous les certificats de brevet qu’on avait prévu de délivrer le mardi 11 juin 1996 ont ainsi en fait été mis à la disposition des brevetés ou leur ont été expédiés par la poste le mardi 18 juin 1996. Or ces certificats portaient la date où l’on avait prévu de les délivrer, soit le 11 juin 1996, et non celle de leur remise ou de leur envoi effectifs aux brevetés, dont P & G.
La question en litige
[13]La question dont je suis saisi est celle de savoir si le commissaire a commis une erreur en refusant d’inscrire le 18 juin 1996, en remplacement du 11 juin 1996, comme date de délivrance du brevet Didrocal. Pour trancher cette question, il faut d’abord comprendre les motifs de la décision du commissaire, puis appliquer le critère fonctionnel et pragmatique afin d’établir la norme de contrôle applicable.
Analyse
[14]Bien que sa lettre du 27 juin 2004 expose de manière passablement détaillée les principes juridiques qu’il estimait applicables à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de corriger les erreurs d’écriture sous le régime de l’article 8 de la Loi sur les brevets, il est évident que le commissaire n’a pas essayé d’exercer ce pouvoir. Il a plutôt décidé que ne se justifiait pas l’exercice du pouvoir lui étant conféré par l’article 8, au motif qu’il n’y avait pas eu d’erreur « dans le processus mécanique de rédaction ou de transcription » pour ce qui concerne la date figurant sur le certificat de brevet. Il ajoutait dans sa lettre qu’il ne pouvait y avoir eu erreur d’écriture puisque le certificat de brevet portait la date de délivrance prévue, qui concordait par ailleurs avec celle enregistrée dans les archives du Bureau des brevets. Tout en reconnaissant dans sa lettre que le brevet Didrocal n’avait pas été mis à la disposition du breveté le 11 juin 1996, le commissaire concluait que la loi n’exigeait pas, pour qu’il fût considéré comme délivré, qu’il eût été remis ou envoyé par la poste à P & G ou mis à la disposition du public.
[15]Le commissaire semble dans sa décision adopter par défaut le 11 juin 1996 comme date de délivrance du brevet Didrocal, du fait qu’il ne peut établir avec certitude quand le certificat a été effectivement signé et scellé. Il ressort cependant à l’évidence du dossier qu’il savait que les conditions administratives de l’établissement du certificat de brevet n’étaient pas réunies le 11 juin 1996. En fin de compte, il a tout simplement refusé d’appliquer l’article 8 et a conclu que la Loi sur les brevets ne lui conférait pas d’autre pouvoir en vertu duquel il aurait pu apporter des corrections de cette nature.
[16]La décision du commissaire repose sur un point d’interprétation du droit qui influe fondamentalement sur la définition du pouvoir que lui confère la Loi sur les brevets. Il n’a pas exercé la faculté que lui donne cette dernière ni n’en a appliqué les dispositions aux faits, mais il a plutôt conclu qu’il n’était pas revêtu du pouvoir de prendre la mesure qu’on lui demandait.
[17]L’approche pragmatique et fonctionnelle exige que je prenne en considération quatre facteurs contextuels :
1. les objets du régime législatif et de la disposition considérés;
2. l’expertise de l’instance administrative par rapport à celle de la Cour touchant la question de la délivrance;
3. la présence ou l’absence d’une clause privative ou d’un droit d’appel d’origine législative;
4. la nature de la question (de droit, de fait ou mixte).
[18]La décision du commissaire de refuser de changer la date de délivrance du brevet Didrocal relève d’une fonction administrative de la nature de celle examinée dans Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), [2002] 1 C.F. 325 (1re inst.). Dans cette affaire, la juge Eleanor Dawson a effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle d’une décision rendue par le commissaire et a conclu que la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte. Cet aspect de sa décision a été confirmé en appel; voir Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), [2003] 4 C.F. 67 (C.A.).
[19]J’ajouterai que, dans la présente espèce, la question décidée par le commissaire mettait en jeu une interprétation du droit à effet déterminant sur la définition du pouvoir que lui confère l’article 8 de la Loi. En outre, cette question n’exigeait pas la mise en œuvre d’une expertise spéciale, pas plus qu’elle ne commandait la prise en considération d’une multiplicité de facteurs concurrents du point de vue de l’action publique. Dans de telles affaires, la norme de la décision correcte est nécessairement la norme de contrôle applicable : voir Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, au paragraphe 24.
[20]Il est en outre à noter que les deux parties conviennent que la norme de la décision correcte est la norme de contrôle applicable aux questions que soulève la présente demande.
[21]Conformément à la jurisprudence citée ci‑dessus, j’appliquerai à la présente espèce la norme de la décision correcte.
[22]En 1996, la loi applicable à l’administration du brevet Didrocal était la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4. L’article 43 de cette Loi ne spécifiait pas le moment de la délivrance légale du brevet, mais il précisait néanmoins les formalités de la procédure de délivrance. Cet article était libellé comme suit :
43. Sous réserve de l’article 46, le brevet accordé sous le régime de la présente loi est délivré sous la signature du commissaire et le sceau du Bureau des brevets. Il mentionne la date de la demande, celle à laquelle elle est devenue accessible sous le régime de l’article 10, ainsi que celle à laquelle il a été accordé et délivré. Il est par la suite, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté ou à ses représentants légaux pour la période mentionée aux articles 44 ou 45.
[23]Lorsque P & G a demandé au commissaire de corriger la date de délivrance du brevet Didrocal, elle l’a fait en invoquant le pouvoir de correction que lui confère l’article 8 de la Loi. Bien que P & G invoque encore cette disposition à l’appui de la réparation demandée, le moyen principal qu’elle a fait valoir devant moi reposait sur l’obligation générale du commissaire de diriger l’activité du Bureau des brevets en conformité avec la Loi sur les brevets. Cette obligation d’ensemble est établie par le paragraphe 4(2), ainsi libellé :
4. [. . .]
(2) Le commissaire reçoit les demandes, taxes, pièces écrites, documents et modèles pour brevets, fait et exécute tous les actes et choses nécessaires pour la concession et la délivrance des brevets; il assure la direction et la garde des livres, archives, pièces écrites, modèles, machines et autres choses appartenant au Bureau des brevets, et, pour l’application de la présente loi, est revêtu de tous les pouvoirs conférés ou qui peuvent être conférés par la Loi sur les enquêtes à un commissaire nommé en vertu de la partie II de cette loi.
[24]P & G soutient que si la date de délivrance inscrite du brevet Didrocal est manifestement erronée, le commissaire est tenu par la loi de corriger cette erreur et que, en cas de refus, il peut faire l’objet d’un mandamus. Cet argument rend inutile le recours à l’article 8 de la Loi sur les brevets.
[25]Sur ce point, P & G a raison. Le commissaire est soumis aux obligations que prévoit le paragraphe 4(2) de la Loi sur les brevets, y compris celle de faire et d’exécuter « tous les actes et choses nécessaires pour la concession et la délivrance de brevets ». Ce paragraphe confie aussi au commissaire la « direction » des livres et archives du Bureau des brevets. Ces deux responsa-bilités exigent, au moins implicitement, que les dossiers du Bureau des brevets soient tenus avec exactitude, et par voie de conséquence, que les dates de délivrance des brevets soient correctement inscrites et enregistrées. Je souscris aussi à la thèse que tout manquement du commissaire à ces obligations justifie qu’il fasse l’objet d’un mandamus : voir Monsanto Inc. c. Commissaire des brevets, [1976] 2 C.F. 476 (C.A.), à la page 477.
[26]La preuve établit à l’évidence que le brevet Didrocal n’a pas été délivré le 11 juin 1996, et l’avocat du défendeur l’a admis devant moi dans sa plaidoirie. Bien que le 11 juin fût la date prévue pour la délivrance de ce brevet, on ne disposait pas à cette date de la formule de certificat nécessaire dûment signée, de sorte que n’étaient pas remplies les conditions auxquelles l’article 43 subordonne la délivrance.
[27]La décision du commissaire n’est pas entièrement claire sur ce point. Sa lettre semble poser que l’intention de délivrer le brevet Didrocal le 11 juin était un facteur pertinent, alors qu’il reconnaît implicitement plus loin que la signature et l’apparition du sceau (mais non la remise) du certificat de ce brevet constituaient des conditions préalables à sa délivrance.
[28]La décision du commissaire dit cependant sans ambiguïté que, à son avis, la délivrance légale du brevet n’était pas subordonnée à la communication au breveté ou au public d’un certificat de brevet. En cela, le commissaire a commis une erreur de droit. La délivrance d’un document ou d’un acte exige qu’il soit communiqué, rendu accessible ou publié. C’est là le sens communément admis du terme « délivrance », et une mesure essentielle à prendre pour aviser de l’octroi du brevet le titulaire et les autres intéressés. Le Bureau des brevets reconnaît ce fait au moins implicitement en datant les certificats de brevet par la date où ils seront communiqués ou publiés, soit celle du mardi suivant. Il est évident qu’un brevet n’est pas « délivré » seulement parce qu’un certificat a été établi, signé et postdaté. En outre, il n’est pas délivré un jour donné simplement parce qu’un membre du Bureau des brevets a introduit une date de délivrance prévue dans un ordinateur. L’étape finale—et une étape nécessaire—de la délivran-ce d’un brevet est sa publication ou sa communication au public.
[29]Le cas qui nous occupe est une anomalie éviden-te puisque, d’ordinaire, la date prévue pour la délivrance du brevet et la date de sa communication coïncident, de sorte qu’il ne se pose pas de problème. Mais l’existence d’une pratique ancienne et systématique consistant à dater les certificats de brevet de chaque mardi et à les communiquer ce même jour étaye aussi la thèse de P & G selon laquelle la communication est une condition essentielle de la délivrance d’un brevet. Si l’on avait voulu qu’il en fût autrement, on daterait simplement les certificats de brevet du jour où ils sont établis et signés. En inscrivant comme date de délivrance du brevet celle du mardi où il prévoit de le communiquer au public, le Bureau des brevets reconnaît implicitement l’importance de la communication en tant qu’élément essentiel de la délivrance.
[30]Dans la présente espèce, il est indiscutable que le certificat du brevet Didrocal a été publié ou commu-niqué le mardi 18 juin 1996. Il apparaît clairement aussi que l’ensemble des formalités auxquelles l’article 43 subordonne la délivrance du brevet Didrocal n’a pas été rempli avant le 18 juin 1996. Le commissaire reconnaît ce dernier point dans les conclusions écrites qu’il a présentées à la Cour, où l’on peut lire que [traduction] « [c]e n’est que dans la matinée du 18 juin 1996 qu’on a fini d’inscrire les numéros de brevet et les dates de délivrance ou de redélivrance sur ces certificats, de les sceller et de les joindre aux brevets délivrés ». Par conséquent, l’incapacité du commissaire à établir avec précision la date de la signature du certificat du brevet Didrocal n’entre pas en ligne de compte. Le certificat du brevet Didrocal aurait dû porter comme date de délivrance le 18 juin 1996, soit la date où on a achevé de l’établir et où on l’a communiqué. Le refus du commissaire de corriger cette inscription dans les archives du Bureau des brevets constitue une erreur de droit. En conséquence, je suis d’avis d’ordonner au commissaire de modifier les dossiers du Bureau des brevets touchant le brevet Didrocal en y inscrivant comme date de délivrance de celui‑ci le 18 juin 1996.
[31]Étant donné ma conclusion que le brevet Didrocal a été délivré le 18 juin 1996, il ne serait pas très logique que l’article 8 de la Loi ne confère pas au commissaire le pouvoir discrétionnaire de modifier en conséquence les archives du Bureau des brevets.
[32]À l’ère informatique, la proposition selon laquelle l’inscription de renseignements erronés n’est pas une « erreur d’écriture » parce qu’elle ne s’est pas produite « dans le processus mécanique de rédaction ou de transcription » se révèle anachronique et insuffisante. Ce qui s’est produit ici n’était pas moins une erreur d’écriture que ne l’est un lapsus calami ou une faute de frappe. En l’occurrence, l’impression du certificat du brevet Didrocal avec une date de délivrance erronée était manifestement une erreur d’écriture.
[33]Le commissaire doit se montrer particulièrement prudent dans l’examen des demandes de correction de documents que lui présentent les brevetés ou des tiers sous le régime de l’article 8. C’est un cas de cette nature qu’a examiné notre Cour dans Bayer Aktiengesellschaft c. Commissaire des brevets, [1981] 1 C.F. 656, où le breveté avait commis dans sa demande de brevet canadien une erreur importante qui a été déclarée ne pas constituer une erreur d’écriture susceptible de redressement sous le régime de l’article 8 de la Loi sur les brevets [S.R.C. 1970, ch. P-4]. Bien que dans cette décision le juge Patrick Mahoney ait défini ce type d’erreur d’écriture comme une erreur de rédaction, de transcription ou de copie faite par un commis ou un dactylographe, il n’y a aucune raison de penser que l’article 8 ne devrait pas être interprété en fonction des réalités commerciales et technologiques contemporaines.
[34]La correction d’erreurs d’enregistrement évidentes commises au Bureau des brevets ne devrait pas normalement susciter le genre de préoccupations dont témoigne la décision Bayer, précitée, et, dans de tels cas, le redressement prévu à l’article 8 devrait être d’ordinaire permis au commissaire. Ce redressement est cependant facultatif, et le commissaire ne peut être tenu de faire plus que d’appliquer le pouvoir que lui confère l’article 8 aux faits qui lui sont présentés.
[35]Étant donné ma décision selon laquelle le commissaire est tenu en vertu de l’article 43 de la Loi sur les brevets de corriger la date de redélivrance du brevet Didrocal en la remplaçant par le 18 juin 1996, il n’est évidemment pas nécessaire qu’il examine cette affaire dans le cadre du pouvoir que lui confère l’article 8.
[36]Compte tenu de l’article 25 de la Loi sur les brevets, il ne sera pas adjugé de dépens.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que le défendeur corrigera les dossiers du Bureau des brevets relatifs au brevet Didrocal en y inscrivant le 18 juin 1996 comme date de redélivrance.