2005 CAF 220
A-243-04
Produits forestiers du Canada Ltée, Slocan Forest Products Ltd. et Evans Forest Products Limited (appelantes) (mises en cause)
c.
Le procureur général du Canada (intimé) (défendeur)
A-244-04
Norman Baptiste et autres (appelants/mis en cause)
c.
L'ex-chef Harvey Baptiste et autres (intimés/ demandeurs)
et
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre de l'Environnement (intimée/ défenderesse)
et
Leslie E. Bannert et autres (intimés/mis en cause)
A-248-04
Tolko Industries Ltd. (appelante/mise en cause)
c.
Le procureur général du Canada (intimé/défendeur)
A-250-04
International Forest Products Limited (appelante/ mise en cause)
c.
Le chef Harvey Baptiste et autres (intimés/ demandeurs)
et
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre de l'Environnement (intimée/ défenderesse)
et
Leslie Bannert et autres (intimés/mis en cause)
A-251-04
Downie Street Sawmills Ltd. et Gorman Bros. Lumber Ltd. (appelantes/mises en cause)
c.
Le procureur général du Canada (intimé/défendeur)
A-253-04
Pope & Talbot Ltd. (appelante/mise en cause)
c.
Le chef Harvey Baptiste et autres (intimés/ demandeurs)
et
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre de l'Environnement (intimée/ défenderesse)
et
Leslie Bannert et autres (intimés/mis en cause)
A-256-04
Emporium Investments Ltd. (appelante/mise en cause)
c.
L'ex-chef Harvey Baptiste et autres (intimés/ demandeurs)
et
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, notamment le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et autres (intimée/défenderesse)
et
Leslie Bannert et autres (intimés/mis en cause)
A-265-04
Westwood Fibre Ltd. (appelante/mise en cause)
c.
Le procureur général du Canada (intimé/défendeur)
Répertorié : Bande de Stoney c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (C.A.F.)
Cour d'appel fédérale, juge en chef Richard, juges Noël et Nadon, J.C.A.--Vancouver, 9 mai; Ottawa, 29 juin 2005.
Compétence de la Cour fédérale -- Appel d'une décision par laquelle la Cour fédérale s'était déclarée compétente sur les mises en cause engagées par le Canada dans le cadre d'une action intentée par la bande de Stoney, qui alléguait des manquements à diverses obligations fiduciaires relativement à la récolte du bois dans sa réserve -- Le protonotaire a rejeté la requête formée par le Canada en suspension de cette action au motif qu'il avait l'intention de déposer des avis de mise en cause contre des personnes ne relevant pas de la compétence de la Cour fédérale, et a statué que la C.F. avait compétence -- Le Canada a déposé les avis de mise en cause, et les mis en cause ont contesté la compétence de la C.F. -- Le juge des requêtes a rejeté cette contestation, au motif que la décision du protonotaire faisait intervenir le principe de la chose jugée -- Le principe de la chose jugée n'était pas applicable, puisque les mis en cause n'avaient pas reçu avis de la requête -- Les parties ont demandé à la Cour de trancher la question de la compétence -- La Cour a appliqué le critère en trois étapes de l'arrêt ITO --International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics concernant la compétence de la C.F. -- Première condition remplie : l'attribution légale de compétence est établie à l'art. 17(5)a) de la Loi sur les Cours fédérales -- Les deuxième et troisième conditions n'étaient pas remplies (le juge Nadon, J.C.A., dissident) -- La Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens ne forment pas un ensemble de règles de droit fédérales dont découleraient les droits et obligations des parties -- L'existence d'un cadre législatif détaillé de droit fédéral dans lequel se seraient inscrites les mises en cause n'a pas été établie -- Les mises en cause étaient en fait fondées sur la common law provinciale -- Comme les dispositions invoquées de la Loi et du Règlement ne prévoient pas d'obligation ou de responsabilité directes, le Canada devait invoquer la législation et la common law provinciales pour faire valoir ses droits à dommages-intérêts -- Les réclamations contre les mis en cause n'étaient donc pas suffisamment étayées par une législation fédérale -- Comme l'action principale et la procédure de mise en cause sont des instances distinctes, le fait que l'action principale relève de la compétence de la C.F. n'est pas pertinent -- Appel accueilli.
Pratique -- Res judicata -- Le protonotaire avait rejeté la requête en suspension de l'action, statuant que la Cour fédérale avait compétence sur les mises en cause projetées -- Le juge des requêtes avait rejeté la contestation de la compétence de la C.F. par les mis en cause, au motif que le protonotaire avait déjà tranché la question -- Les appelants/mis en cause n'étaient pas parties à la requête entendue par le protonotaire et n'en avaient pas reçu avis -- Le juge des requêtes a donc commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire : le principe de la chose jugée n'était pas applicable.
Pratique -- Actes de procédure -- Requête en radiation -- Les appelants/mis en cause demandaient, excipant de l'incompétence de la Cour fédérale, la radiation des mises en cause par lesquelles le Canada leur réclamait des indemnités et contributions dans le cadre de leur action pour manquement de la Couronne à ses obligations fiduciaires relatives à la récolte de bois dans la réserve -- Les mises en cause étaient fondées sur la common law provinciale -- La C.F. n'avait pas compétence sur les mises en cause (le juge Nadon, J.C.A., dissident) -- Avis de mise en cause radié.
Peuples autochtones -- Terres -- Les demandeurs (la bande de Stoney) ont intenté contre le Canada une action où ils alléguaient divers manquements aux obligations fiduciaires relatives à la récolte de bois dans leur réserve -- Le Canada a engagé des mises en cause contre un certain nombre de parties -- Ces parties ont contesté avec succès la compétence de la C.F. sur ces mises en cause -- La Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens étaient accessoires aux mises en cause -- Le juge Nadon, J.C.A., dissident : Les mises en cause reposaient pour l'essentiel sur la législation et la common law fédérales -- Les dispositions de la Loi sur les Indiens constituent des éléments importants du régime fédéral d'ensemble qui fonde les obligations et les droits afférents au bois des terres de réserve -- Le Règlement sur le bois des Indiens constitue un ensemble détaillé d'obligations prescrites aux membres et aux non-membres de bande -- La common law fédérale du titre aborigène était pertinente, étant donné que les réclamations du Canada contre les mis en cause soulevaient des questions relatives à la charge grevant le titre de la Couronne et au rôle de celle-ci dans la gestion des ressources naturelles des réserves.
Il s'agissait d'un appel d'une décision par laquelle la Cour fédérale s'était déclarée compétente sur les mises en cause engagées par le Canada contre plusieurs parties. Dans l'action principale, les demandeurs (la bande de Stoney) alléguaient des manquements à diverses obligations fiduciaires du Canada envers la bande de Stoney relativement à la récolte de bois dans leur réserve. Le Canada a saisi la Cour fédérale d'une requête en suspension de cette action au motif qu'il avait l'intention de déposer des avis de mise en cause contre des personnes qui ne relevaient pas de la compétence de ladite Cour. Le protonotaire a statué que les mises en cause projetées relevaient de la compétence de la Cour fédérale, et le Canada n'a pas interjeté appel de cette décision. Le Canada sollicitait une indemnité ou une contribution et les dépens contre les mis en cause. Ceux-ci (les appelants/mis en cause) ont contesté la compétence de la Cour fédérale. Le juge des requêtes a rejeté leur contestation, au motif que la décision du protonotaire interdisait l'octroi de la réparation demandée en vertu du principe de la chose jugée. C'est cette décision qui faisait l'objet de l'appel.
Arrêt (le juge Nadon, J.C.A., dissident) : l'appel doit être accueilli.
Le juge en chef Richard (le juge Noël, J.C.A., souscrivant à ses motifs) : Les appelants/mis en cause n'étaient pas parties à la requête entendue par le protonotaire et n'en ont pas reçu avis. Le juge des requêtes a par conséquent commis une erreur en rejetant la requête des mis en cause sur le fondement de la chose jugée. L'appel pouvait être accueilli pour cette seule raison. Cependant, à la demande unanime des parties, la Cour a examiné la question de la compétence et rendu sur cette question la décision que le juge des requêtes aurait dû rendre.
Le critère en trois étapes applicable à la compétence de la Cour fédérale a été formulé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt ITO--International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics et autre. Le premier volet de ce critère (selon lequel il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral) n'était pas en question. L'attribution légale de compétence était établie à l'alinéa 17(5)a) de la Loi sur les Cours fédérales, qui dispose que la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, « dans les actions en réparation intentées [. . .] au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada ». Cependant, il n'était pas satisfait aux deuxième volet du critère (selon lequel il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence) ni au troisième (qui porte que la loi invoquée dans l'affaire doit être une « loi du Canada »).
Le Canada a fait valoir qu'il existait un ensemble de règles de droit fédérales applicables à l'affaire, à savoir l'ensemble formé par la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens, et que les droits et obligations des parties avaient leur source dans cette législation. Il a invoqué à ce sujet les arrêts Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine (C.S.C.) et Oag c. Canada (C.A.F.). Or, ces affaires, où le droit fédéral s'appliquait directement à tous les aspects des relations entre les parties, étaient à distinguer de la présente espèce, où le droit fédéral était accessoire aux réclamations du Canada contre les mis en cause.
Le Canada n'a pas établi l'existence d'« un cadre législatif détaillé » de droit fédéral dans lequel se seraient inscrites ses mises en cause. Il a fondé ses réclamations sur diverses dispositions de la Loi sur les Indiens et du Règlement sur le bois des Indiens, qui ne prévoient pas de recours au civil. Il a également invoqué le principe selon lequel, lorsqu'une affaire relève, de par son caractère véritable, de sa compétence légale, la Cour fédérale peut appliquer accessoirement le droit provincial nécessaire à la solution des points litigieux. Le droit sur lequel le Canada fondait ses mises en cause était en fait la common law provinciale (violation du droit de propriété, appropriation, complot et négligence). Pour que ses mises en cause fussent accueillies, le Canada devait donc prouver les éléments de ces délits civils en common law. Comme les dispositions invoquées par le Canada ne prévoient pas d'obligation ou de responsabilité directes, il devait, pour faire valoir ses droits à des dommages-intérêts contre les mis en cause, aller au-delà de la Loi sur les Indiens et du Règlement sur le bois des Indiens, et invoquer la législation et la common law provinciales.
Pour ces motifs, les réclamations du Canada contre les mis en cause n'étaient pas suffisamment étayées par une législation fédérale, comme les réclamations de cette nature doivent l'être selon l'arrêt Stephens c. R. (C.A.F). Et même si la Cour fédérale était à juste titre saisie de l'action opposant la bande de Stoney au Canada, il n'existait pas de lien suffisant entre la procédure de mise en cause et le droit fédéral applicable pour lui conférer compétence. La Cour suprême du Canada a conclu dans l'arrêt Canada c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd. et autre que l'action principale et la mise en cause constituent des instances distinctes. L'analyse des revendications formulées par le demandeur contre le défendeur dans l'action principale ne permettra donc pas de déterminer la nature de la réclamation contre les mis en cause. Malgré le caractère très convaincant des motifs dissidents exposés dans Fuller (selon lesquels on ne peut faire abstraction des liens entre l'action principale et la procédure de mise en cause), les mises en cause engagées par le Canada, d'après l'état actuel du droit, devaient être examinées indépendamment de l'action principale et, ainsi considérées, étaient à l'évidence fondées presque entièrement sur le droit provincial.
Le cadre législatif fédéral que constitue l'ensemble formé par la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens n'avait donc pas une portée assez large pour fonder les mises en cause engagées par le Canada en l'espèce. La Cour fédérale n'avait pas compétence sur ces mises en cause.
Le juge Nadon, J.C.A. (dissident) : Il existe un cadre législatif détaillé de droit fédéral, constitué par la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens, qui fonde les droits et obligations des parties. Ce cadre législatif détaillé, sur lequel le Canada fondait ses réclamations contre les mis en cause, si on y ajoutait la common law fédérale du titre aborigène, remplissait les deuxième et troisième conditions du critère ITO.
Les mises en cause reposaient pour l'essentiel sur la législation et la common law fédérales. Elles étaient fondées sur le régime détaillé découlant de la Loi sur les Indiens aussi bien que du Règlement sur le bois des Indiens, qui régit la coupe et l'enlèvement du bois des réserves indiennes. S'il est vrai que les dispositions de la Loi sur les Indiens ne créent pas de cause d'action légale, elles n'en constituent pas moins des éléments importants du régime fédéral d'ensemble qui fonde les obligations et les droits afférents au bois des terres de réserve. De plus, le Règlement sur le bois des Indiens constitue un ensemble détaillé d'obligations prescrites aux membres et aux non-membres de bande.
La common law fédérale du titre aborigène est également pertinente pour l'analyse dans le cadre des deuxième et troisième volets du critère ITO. Les réclamations du Canada contre les mis en cause soulèveraient des questions relatives à la charge grevant le titre de la Couronne et au rôle de celle-ci dans la gestion des ressources naturelles des réserves. Le fait qu'une demande revête la forme d'une action en responsabilité délictuelle ou d'un recours de nature contractuelle n'exclut pas nécessairement la compétence de la Cour fédérale. Comme dans l'affaire Oag, l'existence des revendications formulées dans la présente espèce dépendait du droit fédéral. Qu'on y alléguât, entre autres, la violation du droit de propriété et l'appropriation ne changeait rien à ce fait.
Enfin, les observations formulées par la C.S.C. dans l'arrêt McNamara Construction (Western) Ltd. et autre c. La Reine paraissaient indiquer que la Cour fédérale avait compétence sur les mises en cause visant les membres de la bande qui étaient demandeurs à l'action principale, étant donné que le droit fédéral fondant l'action principale s'appliquait aussi aux questions découlant des mises en cause.
lois et règlements cités
Contributory Negligence Act, R.S.A. 2000, c. C-27.
Loi canadienne sur les prêts aux étudiants, S.R.C. 1970, ch. S-17. |
Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 101. |
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 50.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 16). |
Loi sur la libération conditionnelle, S.R.C. 1970, ch. P-2. |
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 17(1) (mod., idem, art. 25), (5) (mod., idem). |
Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 18, 28, 30, 31 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 182), 32, 93. |
Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies, S.R.C. 1970, ch. P-18. |
Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, ch. P-6. |
Règlement sur le bois des Indiens, C.R.C., ch. 961, art. 1 (mod. par SOR/94-690, art. 3(F)), 3.1 (édicté par DORS/95-531, ann. I, art. 2), 5 (mod. par DORS/93-244, ann. I, art. 4, 14; 94-690, art. 1, 3(F); 95-531, ann. I, art. 6(F)), 9 (mod. par DORS/93-244, ann. I, art. 5; 95-531, ann. I, art. 5(F)). |
Tort-feasors Act, R.S.A. 2000, ch. T-5. |
jurisprudence citée
décisions appliquées :
ITO--International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. 1; [1982] CTC 138; 82 DTC 6132; 40 N.R. 620 (C.A.F.); Canada c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd. et autre, [1980] 1 R.C.S. 695; (1979), 106 D.L.R. (3d) 193; 12 C.P.C. 248; 30 N.R. 249.
décisions différenciées :
Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 442; (1980), 116 D.L.R. (3d) 385; 34 N.R. 290; Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511; (1987), 33 C.C.C. (3d) 430; 73 N.R. 149 (C.A.); inf. [1986] 1 C.F. 472; (1985), 23 C.C.C. (3d) 20; 22 C.R.R. 171 (1re inst.).
décisions examinées :
Bande de Stoney c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (1997), 131 F.T.R. 58; [1997] A.C.F. no 645 (C.F. 1re inst.) (QL); Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322; (1989), 57 D.L.R. (4th) 197; [1989] 3 W.W.R. 117; 35 B.C.L.R. (2d) 1; [1989] 2 C.N.L.R. 146; 25 F.T.R. 161; 92 N.R. 241; 3 R.P.R. (2d) 1; Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511; (1987), 33 C.C.C. (3d) 430; 73 N.R. 149 (C.A.); inf. [1986] 1 C.F. 472; (1985), 23 C.C.C. (3d) 20; 22 C.R.R. 171 (1re inst.); McNamara Construction (Western) Ltd. et autre c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654; (1977), 75 D.L.R. (3d) 273; 13 N.R. 181; Quebec North Shore Paper Co. et al. c. Canadien Pacifique Ltée et al., [1977] 2 R.C.S. 1054; (1976), 9 N.R. 471; Bande de Montana c. Canada, [1991] 2 C.F. 273; [1993] 2 C.N.L.R. 123; (1991), 44 F.T.R. 183 (1re inst.); conf. par [1993] 2 C.N.L.R. 134 (C.A.F.); Karl Mueller Construction Ltd. c. Canada (1993), 59 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.).
APPEL d'une décision du juge des requêtes (2004 CF 653) rejetant la contestation par les mis en cause de la compétence de la Cour fédérale sur les mises en cause engagées contre eux par le Canada dans le contexte d'une action intentée contre ce dernier par les demandeurs (la bande de Stoney). Appel accueilli; juge Nadon, J.C.A., dissident.
ont comparu :
S. Bradley Armstrong, c.r. et D. Michael Bain pour Produits forestiers du Canada Ltée, Slocan Forest Products Ltd. et Evans Forest Products Ltd., appelantes/mises en cause dans le dossier A-243-04.
Olivier Fuldauer pour Norman Baptiste et autres, appelants/mis en cause dans le dossier A-244-04.
G. Ross Switzer pour International Forest Products Limited, appelante/mise en cause dans le dossier A-250-04.
Todd R. Davies pour Downie Street Sawmills Ltd. et Gorman Bros. Lumber Ltd., appelantes/mises en cause dans le dossier A-251-04.
Charles F. Willms et Andrew I. Nathanson pour Pope & Talbot Ltd., appelante/mise en cause dans le dossier A-253-04.
Aucune comparution pour Tolko Industries Ltd., appellante/mise en cause dans le dossier A-248-04.
Aucune comparution pour Emporium Investments Ltd., appelante/mise en cause dans le dossier A-256-04.
Aucune comparution pour Westwood Fibre Ltd., appellante/mise en cause dans le dossier A-265-04.
Aucune comparution pour Leslie E. Bannert et autres, intimés/mis en cause dans les dossiers A-244-04, A-250-04, A-253-04 et A-256-04.
James A. O'Reilly, Nathan Richards et Stuart C. B. Gilby pour l'ex-chef Harvey Baptiste et autres, intimés/demandeurs dans les dossiers A-244-04, A-250-04, A-253-04 et A-256-04.
Constance E. O'Laughlin et David E. R. Venour pour le procureur général du Canada, intimé/défendeur.
avocats inscrits au dossier :
Lawson Lundell LLP, Vancouver, pour Produits forestiers du Canada Ltée, Slocan Forest Products Ltd. et Evans Forest Products Ltd., appelantes/ mises en cause dans le dossier A-243-04.
Chamberlain Hutchison, Edmonton, pour Norman Baptiste et autres, appelants/mis en cause dans le dossier A-244-04.
Borden Ladner Gervais LLP, Vancouver, pour International Forest Products Limited, appelante/mise en cause dans le dossier A-250-04.
Alexander Holburn Beaudin & Lang LLP, Vancouver, pour Downie Street Sawmills Ltd. et Gorman Bros. Lumber Ltd., appelantes/mises en cause dans le dossier A-251-04.
Fasken Martineau DuMoulin LLP, Vancouver, pour Pope & Talbot Ltd., appelante/mise en cause dans le dossier A-253-04.
O'Reilly & Associés, Montréal, pour l'ex-chef Harvey Baptiste et autres, intimés/demandeurs dans les dossiers A-244-04, A-250-04, A-253-04 et A-256-04.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada, intimé/défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1]Le juge en chef Richard : Le présent appel concerne la compétence d'attribution de la Cou r fédérale relativement aux mises en cause.
[2]Pour éclairer les motifs de notre décision, nous présenterons d'abord brièvement le contexte des événements qui ont donné lieu au présent appel.
[3]Le 7 février 1996, les demandeu rs (la bande de Stoney) ont intenté une action contre le défendeur (le Canada).
[4]Dans leur déclaration, les demandeurs alléguaient, entre autres, des manquements à diverses obligations de fiduciaire du Canada envers la bande de Stoney rela tivement à la récolte de bois dans la réserve de Stoney (sise en Alberta) en 1994 et 1995.
[5]Il n'est pas contesté que cette action relève de la compétence de la Cour fédérale en vertu du paragraphe 17(1) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 25 ] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)], qui dispose que cette Cour a compétence concurrente, en première instance, avec les cours supérieures « dans les cas de demande de réparation contre la Couronne ».
[6]Le 22 janvier 1997, le Canada a saisi la Cour fédérale d'une requête en suspension de l'action susdite sous le régime de l'article 50.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 16] de la Loi sur la Cour fédérale, au motif qu'il a vait l'intention de déposer des avis de mise en cause contre des personnes qui ne relevaient pas de la compétence de la Cour fédérale.
[7]Le Canada a déposé plusieurs avis de mise en cause le 4 avril 1997, avant l'audition de sa requête par le protonotaire Hargrave, le 23 du même mois. Les mis en cause n'ont pas reçu avis de la requête du Canada ni n'ont participé à l'audience tenue devant le protonotaire.
[8]Par ordonnance rendue le 16 mai 1997 [Bande de Stoney c. Canada (Ministre des affaires indiennes et du Nord canadien) (1997), 131 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.)], le protonotaire a statué que les mises en cause projetées relevaient de la compétence de la Cour fédérale. Le Canada n'a pas interjeté appel de cette décision du protonotaire.
[9]Une déclaration modifiée, une défense modifiée et des avis modifiés de mise en cause ont été déposés et signifiés d'octobre 2002 à mars 2003.
[10]Les prétentions étaie nt essentiellement identiques d'une mise en cause à l'autre et ne différaient que par des aspects mineurs. La réparation demandée par le Canada était cependant la même dans tous les cas.
[11]Les parties ainsi mises en cause par le Canada se répartissent en trois catégories : certains membres de la bande de Stoney en qualité de particuliers, des entrepreneurs forestiers et des exploitants de scierie.
[12]Le Canada sollicitait les mesures de réparation suivantes contre les mis en cause :
(a) une indemnité ou une contribution relativement à tout jugement qui pourrait être obtenu par les demandeurs contre le défendeur, y compris quant aux dépens;
(b) une indemnité ou une contribution relativement aux frais et dépens supportés par le défendeur dans l'action intentée par les demandeurs;
(c) des dommages-intérêts majorés, punitifs et exemplaires;
(d) les frais et dépens des procédures de mise en cause.
[13]Le Canada a aussi invoqué les dispositions de la Contributory Negligence Act , R.S.A. 2000, ch. C-27, de la Tort-feasors Act, R.S.A. 2000, ch. T-5, de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, et du Règlement sur le bois des Indiens, C.R.C., ch. 961, art. 1 (mod. par DORS/94-690, art. 3(F)).
[14]Les appelants/mis en cause ont contesté la compétence de la Cour fédérale le 30 avril 2003, et leurs requêtes ont été entendues ensemble par un juge de cette même Cour le 21 octobre 2003.
[15]La requête entendue par le juge de la Cour fédérale n'était pas étayée d'affidavits et a été instruite sur la base des actes de procédure et des avis de mise en cause tels qu'ils avaient été formulés par le Canada.
[16]Le Canada n'a pas contesté la requête des mis en cause, mais a plu tôt adopté la position que, ayant décidé de ne pas interjeter appel, il était lié par la décision du protonotaire.
[17]Le 3 mai 2004, le juge des requêtes a rejeté l'exception de défaut de compétence alléguée par les mis en cause, au motif q ue la décision du protonotaire interdisait l'octroi de la réparation demandée en vertu du principe de la chose jugée [Bande de Stoney c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (2004), 252 F.T.R. 58 (C.F.)].
[18]Les appels dont nous sommes saisis ont été réunis et entendus ensemble. Aucune des parties ne souscrivait à la conclusion du juge des requêtes selon laquelle l'affaire relevait du principe de la chose jugée. Il nous apparaît évident que le juge des requête s a commis une erreur de droit en appliquant le principe de la chose jugée à l'affaire qui nous occupe. Les mis en cause n'étaient pas parties à la requête entendue par le protonotaire en avril 1997 et n'en ont pas reçu avis.
[19]Nous sommes tous d'avis que le juge des requêtes s'est trompé en rejetant la requête des mis en cause sur le fondement de la chose jugée, et l'appel pourrait être accueilli pour cette seule raison.
[20]Cependant, les parties ont unanimement demandé que la Cour rende sur la question de compétence la décision que le juge des requêtes aurait dû rendre. En conséquence, j'examinerai maintenant la question de compétence soulevée par les parties.
[21]La seule question en litige dans le présent appel est la compétence de la Cour fédérale pour statuer sur les mises en cause telles qu'elles ont été formulées par le Canada. Il s'agit là d'une question de droit. Bien que le protonotaire ait donné un exposé très rigoureux des motifs sur lesquels il fonde sa conclusion que la Cour fédérale jouit effectivement d'une compétence matérielle, nous ne sommes pas liés par sa décision ni par ses motifs.
[22]Le critère classique en trois étapes applicable à la compétence de la Cour fédérale a été formulé par le juge McIntyre de la Cour suprême du Canada à la page 766 de l'arrêt ITO--International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752 :
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi d u Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 .
[23]Le premier volet du critère ITO ne pose pas problème dans la présente espèce : toutes les parties sont en effet d'accord pour dire que l'attribut ion légale de compétence à la Cour fédérale sur la présente espèce se trouve à l'alinéa 17(5)a ) de la Loi sur les Cours fédérales [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 25], qui dispose que notre Cour a compétence concurrente, en première instance, « dans les ac tions en réparation intentées [. . .] au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada ».
[24]Dans l'arrêt Roberts c. Canada , [1989] 1 R.C.S. 322 [aux pages 330 et 331], la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il y avait chevauchement entre les deuxième et troisième volets du critère ITO :
[. . .] le deuxième [. . .] exige qu'il existe un ensemble de règles de droit fédérales applicables à l'objet de la contestation [. . .] le troisième, que la loi spécifique q ui servira à trancher le litige soit une « loi du Canada » au sens de l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 .
[25]Le Canada a fait valoir devant notre Cour qu'il existe un ensemble de règles de droit fédérales applicables à l'objet d e la présente contestation, à savoir l'ensemble formé par la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens, que les droits et obligations des parties tirent leur source dans cette législation et que celle-ci peut servir à trancher le litige. Il s'ensuit, selon le Canada, que la Cour fédérale peut se déclarer compétente.
[26]Le Canada fonde ses réclamations contre les mis en cause sur le paragraphe 18(1) et les articles 28, 30, 32 et 93 de la Loi sur les Indiens , ainsi que sur les articles 3.1 [édicté par DORS/95-531, ann. I, art. 2], 5 [mod. par DORS/93-244, ann. I, art. 4, 14; 94-690, art. 1, 3(F); 95-531, ann. I, art. 6(F)] et 9 [mod. par DORS/93-244, ann. I, art. 5; 95-531, ann. I, art. 5(F)] du Règlement sur le bois des Indiens. Nous examinerons maintenant les plus pertinentes de ces dispositions.
[27]Le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Indiens grève d'une charge le titre de la Couronne et crée pour cette dernière une obligation de fiduciaire envers les autoch tones touchant les terres de réserve.
18. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté; sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des stipulations de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si tout objet, pour lequel des terres dans une réserve sont ou doivent être utilisées, se trouve à l'usage et au profit de la bande.
[28]Les articles 30 et 31 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 182] de la Loi sur les Indiens constituent en infraction le fait de pénétrer sans droit ni autorisation dans une réserve et autorisent le procureur général du Canada à est er devant la Cour fédérale :
30. Quiconque pénètre, sans droit ni autorisation, dans une réserve commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de cinquante dollars et un emprisonnement maximal d'un mois, ou l'une de ces peines.
31. (1) Sans préjudice de l'article 30, lorsqu'un Indien ou une bande prétend que des personnes autres que des Indiens, selon le cas :
a) occupent ou possèdent illégalement, ou ont occupé ou possédé illégalement, une réserve ou une partie de réserve;
b) réclament ou ont réclamé sous forme d'opposition le droit d'occuper ou de posséder une réserve ou une partie de réserve;
c) pénètrent ou ont pénétré, sans droit ni autorisation, dans une réserve ou une partie de réserve,
le procureur général du Canada peut produire à la Cour fédérale une dénonciation réclamant, au nom de l'Indien ou de la bande, les mesures de redressement désirées.
(2) Une dénonciation produite sous le régime du paragraphe (1) est répu tée, pour l'application de la Loi sur les Cours fédérales, une procédure engagée par la Couronne, au sens de cette loi.
[29]Le Canada donne pour autre fondement à ses mises en cause le Règlement sur le bois des Indiens, qui régit la récolte du bois dans les réserves et établit à cet égard un régime de permis et de licences.
[30]Le Canada a invoqué à ce sujet les arrêts suivants : Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine , [1980] 2 R.C.S. 442; et Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.). Or, ces affaires, où le droit fédéral s'appliquait directement à tous les aspects des relations entre les parties, doivent être distinguées de la présente espèce, où le droit fédéral est accessoire aux réclamations du Canada contre les mis en c ause.
[31]Dans l'affaire Rhine , la Couronne demandait le recouvrement de la somme de 417 $, qu'elle soutenait avoir avancée à Rhine sous le régime de la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies [S.R.C. 1970, ch. P-18] et qu'il n'avait pas remboursée. Dans l'affaire Prytula , la Couronne demandait le recouvrement de la somme de 540 $, majorée d'intérêts, qu'elle soutenait lui être due en vertu d'un prêt consenti à Prytula sous le régime de la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants [S.R.C. 1970, ch. S-17], prêt garanti par le ministre des Finances et que la Couronne avait remboursé par suite du défaut de paiement de l'emprunteuse. La Couronne réclamait cette somme par subrogation. Chacune des lois en question prévoyait le prêt de fonds fédéraux ou de fonds garantis par l'État fédéral aux personnes remplissant les conditions requises, le remboursement de ces sommes et les moyens d'exécution forcée du remboursement. Dans chacune de ces affaires, un cadre légal établissait les r apports entre la Couronne et les défendeurs et définissait leurs obligations mutuelles, ainsi que les mesures de réparation possibles. Ces affaires portaient sur des opérations entre la Couronne et les défendeurs qui étaient régies par des lois fédérales.
[32]Dans l'arrêt Rhine , la Cour suprême du Canada, après avoir examiné le cadre légal constitué par la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies formulait les observations suivantes [à la page 447] :
La Loi a constamment des répercussions sur l'engagement, de sorte que l'on peut dire à bon droit qu'il existe une législation fédérale valide qui régit l'opération, objet du litige devant la Cour fédérale. Est-il nécessaire d'ajouter qu'on ne peut invariablement attribuer les « contrats » ou les autres créations juridiques, comme les délits et quasi-délits, au contrôle législatif provincial exclusif, ni les considérer, de même que la common law , comme des matières ressortissant exclusivement au droit provincial.
[33]Dans Prytula, la Cour suprême a conclu [à la page 449] que la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants et son règlement d'application :
[. . .] régissent tous les aspects de la relation entre l'étudiant emprunteur, l'institution prêteus e et le gouvernement garant. Pour fonder une réclamation, qu'il s'agisse de celle de la banque ou du gouvernement, ou pour déterminer la responsabilité de l'étudiant emprunteur, il faut nécessairement recourir à la Loi et au règlement. En outre, la subroga tion de Sa Majesté dans la réclamation de la banque est expressément prévue. La forme prescrite de l'accord entre l'étudiant et la banque souligne cette situation en faisant signer la déclaration par l'étudiant « je comprends mes obligations en vertu de la loi susdite et des règlements et . . . je rembourserai ma dette en totalité en conformité des prescriptions de la loi et des règlements ». Une fois admis, comme c'est le cas ici, que la Loi et le règlement son valides, je ne peux voir comment on peut mett re en doute qu'il existe en l'espèce une loi fédérale applicable qui appuie la compétence de la Cour fédérale.
[34]L'affaire Oag doit aussi être distinguée de la présente espèce et des mises en cause intentées par le Canada. Dans Oag , le demandeur avait poursuivi des membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour arrestation illégale et emprisonnement arbitraire, par suite de la suspension, à deux reprises, de sa mise en liberté surveillée.
[35]Après av oir examiné le cadre législatif, la Cour a formulé les conclusions suivantes [aux pages 520 et 521] :
Il en résulte donc, pour utiliser l'expression du juge en chef Laskin dans l'affaire Rhine et Prytula , « un cadre législatif détaillé » de droit fédéral en vertu duquel l'appelant a acquis non seulement le droit d'être libre mais également celui de le rester. Il faut souligner que, comme il restait sous l'effet d'une condamnation, la liberté dont il jouissait n'était pas la même que celle que possède une p ersonne qui ne fait pas l'objet d'une condamnation. Ses limites étaient fixées par des lois fédérales. S'il y a eu arrestation illégale et emprisonnement arbitraire comme il a été allégué, ces délits ont été commis parce qu'on a porté atteinte au droit de l'appelant, ainsi délimité, de rester libre. Je ne crois pas que la loi ait à prévoir expressément un recours à l'égard d'une telle atteinte pour que les demandes soient régies par elle. L'existence de ces délits, à mon avis, repose sur le droit fédéral; l es dommages-intérêts qui résultent de la perpétration de ces délits prouvables peuvent être recouvrés en Division de première instance. J'en suis arrivé à la conclusion que les demandes sont prévues dans les « lois du Canada » ou le « droit fédéral ».
[36]Le Canada n'a pas établi l'existence d'« un cadre législatif détaillé » de droit fédéral dans lequel s'inscriraient ses mises en cause. Le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Indiens n'a pour effet que d'établir la qualité du Canada pour inte nter celles-ci.
[37]Contrairement au régime fédéral qui fondait les causes d'action dans Rhine et Prytula, les dispositions de la loi et du règlement fédéraux applicables à la présente espèce ne prévoient pas de recours au civil. Ainsi, l'ar ticle 30 de la Loi sur les Indiens constitue en infraction par voie de procédure sommaire le fait de pénétrer dans une réserve sans droit ni autorisation, tandis que son article 93 constitue en infraction de même nature le fait d'enlever ou de permettre à quelqu'un d'enlever d'une réserve, entre autres choses, des arbres ou du bois de service. Ni l'un ni l'autre de ces articles ne crée une cause d'action légale en dommages-intérêts. Il est bien établi qu'une disposition qui crée une infraction ne crée pas p our autant un droit d'action. Qui plus est, en droit canadien, il ne découle pas automatiquement d'une infraction à une loi un délit civil.
[38]Pour ce qui concerne les autres dispositions législatives et réglementaires invoquées par le Cana da, celui-ci a décidé, pour des raisons qui nous sont inconnues, de ne pas recourir aux mécanismes légaux d'exécution contre les mis en cause.
[39]Le Canada n'a pas démontré que l'ensemble formé par la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens constitue un cadre législatif fédéral suffisant pour fonder la compétence de la Cour fédérale. Sans le régime fédéral d'application générale qui est considéré nécessaire dans les arrêts Rhine; Prytula et Oag, il ne peut être satisfait aux deuxième et troisième conditions du critère ITO .
[40]Le Canada a également invoqué le principe formulé par le juge McIntyre [à la page 781] dans l'arrêt ITO , selon lequel, « [l]orsqu'une affaire relève, de par son "caractèr e véritable", de sa compétence légale, la Cour fédérale peut appliquer accessoirement le droit provincial nécessaire à la solution des points litigieux soumis par les parties ».
[41]Dans la présente espèce et dans les réclamations formulées par le Canada, la common law provinciale de l'appropriation, du complot et de la négligence ne peut être définie comme « accessoirement [. . .] nécessaire à la solution des points litigieux soumis par les parties ». Il s'agit là en fait du cadre même en ve rtu duquel le Canada réclame des indemnités, des contributions et des dommages-intérêts. Les réclamations du Canada sont, de par leur « caractère véritable », fondées sur la common law provinciale. Ce serait plutôt le droit fédéral qui est ici accessoire a ux réclamations du Canada contre les mis en cause.
[42]Le droit sur lequel le Canada fonde ses mises en cause est la common law de la violation du droit de propriété, de l'appropriation, du complot et de la négligence.
[43]Cela ressort à l'évidence de l'analyse des prétentions sous-tendant les mises en cause, où le Canada invoque :
1. la violation du droit de propriété sur le bois et les terres,
2. un complot en vue d'activités enfreignant la législation fédérale,
3. l'appropriation de bois appartenant à la Couronne,
4. la négligence contributive,
5. l'atteinte par négligence à l'exécution de l'obligation de fiduciaire de la Couronne envers la bande de Stoney.
[44]Les droits ancestraux ou issus de traités ne sont pas en cause entre le Canada et les mis en cause dans la présente instance.
[45]Pour que soient accueillies ses mises en cause, le Canada doit prouver les éléments des délits civils en common law. C'est la preuve des éléments de ces délits civils en common law qui décidera du sort de ses mises en cause.
[46]Comme aucune disposition législative ne prévoit une obligation ou une responsabilité directes, le Canada, pour faire valoir ses droits à dommages-intérêts contre les mis en cause, doit nécessairement aller au-delà de la Loi sur les Indiens et du Règlement sur le bois de construction des Indiens et invoquer la législation et la common law provinciales.
[47]Le juge Le Dain faisait observer aux pages 7 et 8 de l'arrêt Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. 1 (C.A.F.) [[1982] A.C.F. no 114 (QL)] :
En ce qui concerne la question de compétence, il faut se demander si les demandes contre les défendeurs autres que la Couronne sont suffisamment appuyées par une législation fédérale pour satisfaire aux critères de compétence de la présente cour, définis et appliqués par la Cour suprême du Canada [. . .]
[48]Et il poursuivait son raisonnement en ces termes :
Le point à déterminer est le rapp ort qui doit exister entre la cause d'action et la législation fédérale applicable en vue de conférer compétence à la Cour.
[49]Dans la présente espèce, les réclamations du Canada contre les mis en cause ne sont pas suffisamment appuyées par une législation fédérale. Au contraire, elles s'enracinent profondément dans la common law provinciale.
[50]Même si la Cour fédérale est à juste titre saisie de l'action opposant la bande de Stoney au Canada, il n'existe pas ici un lien suf fisant entre la cause d'action de la procédure de mise en cause et le droit fédéral applicable pour lui conférer compétence.
[51]La Cour suprême du Canada a conclu dans l'arrêt R. c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd. et autre , [1980] 1 R.C.S. 695, que l'action principale et la mise en cause constituent des instances distinctes. L'analyse des revendications formulées par le demandeur contre le défendeur dans l'action principale ne permettra donc pas de déterminer la nature de la récla mation contre les mis en cause.
[52]Par conséquent, le fait que la Cour fédérale a compétence pour statuer sur l'action principale opposant la bande de Stoney au Canada ne peut être pris en considération lorsqu'il s'agit d'établir si la Cour a compétence sur les mises en cause. Cette conclusion est fondée sur l'état actuel de la jurisprudence relative à cette question.
[53]Je dois cependant dire que les motifs dissidents du juge Martland dans l'arrêt Fuller me paraissent très convaincants. Il y reconnaît que la mise en cause constitue une instance distincte, mais il ne partage pas le point de vue de la majorité selon lequel « l'on peut faire abstraction des liens entre ces procédures, lorsque l'o n considère la compétence de la Cour fédérale en vertu de l'art. 101 » [à la page 705].
[54]Selon lui, l'existence d'un jugement rendu par la Cour fédérale contre la Couronne dans l'action principale suffisait à fonder la compétence de cette Cour relativement à une mise en cause, étant donné que ce jugement constituait le fondement même de la procédure de mise en cause engagée par la Couronne. Un tel jugement serait également une expression du « droit fédéral ».
[55]Une autre question se pose dans ce contexte, qui n'était pas aussi pressante lorsque l'arrêt Fuller a été rendu il y a 25 ans, à savoir celle de l'économie des ressources judiciaires. Dans le cas où le demandeur invoque la compétence en première instance de la Cour fédérale dans une action contre la Couronne, le principe de l'économie des ressources judiciaires semblerait commander que les mises en cause intentées par la Couronne défenderesse soient examinées de façon incidente à l'action principale.
[56]Néanmoins, d'après l'état actuel du droit, même si la Cour fédérale a compétence sur l'action principale en l'espèce, les mises en cause engagées par le Canada doivent être examinées indépendamment de l'action principale et, ainsi considérées, sont clair ement fondées presque entièrement sur le droit provincial.
[57]Je conclus donc que le cadre législatif fédéral que constitue l'ensemble formé par la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens n'a pas une portée assez large p our fonder les mises en cause engagées par le Canada en l'espèce. La Loi et le Règlement invoqués par le Canada ne sont pas la source ou le fondement de ses mises en cause. Celles-ci sont, de par leur « caractère véritable », fondées sur la common law prov inciale. Force m'est par conséquent de conclure que la Cour fédérale n'a pas compétence pour statuer sur ces mises en cause.
[58]L'appel sera accueilli, l'avis de mise en cause sera radié, et chacune des parties supportera ses propres dépens .
Le juge Noël, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[59]Le juge Nadon, J.C.A. (dissident) : J'ai eu l'occasion de lire le projet de l'exposé des motifs qui ont amené le juge en chef à conclure que la Cour fédérale n'est pas compétente pour statuer sur les mises en cause de l'intimé [le Canada]. Pour les motifs qui suivent, je ne puis souscrire à la façon dont il propose de trancher le présent appel.
[60]À mon avis, sont ici remplies les conditions auxquelles la Cour suprême du Canada subordonne la compétence de la Cour fédérale dans l'arrêt ITO--International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752, de sorte que les mises en cause ressortissent à la Cour fédérale.
[61]Dans leur action contre l'intimé, les demandeurs allèguent, entre autres, des manquements aux obligations découlant du traité qui les lie à la Couronne, ainsi que des manquement s aux obligations de fiduciaire qui incombent à cette dernière, notamment la mauvaise administration des régions boisées et la mauvaise gestion de fonds appartenant aux bandes de Stoney, de Bearspaw, de Chiniki et de Wesley (collectivement désignées la ban de de Stoney), relativement à la récolte de bois effectuée en 1993 et 1994 dans la réserve de Stoney, sise en Alberta.
[62]Par suite de cette action, l'intimé a engagé des procédures de mise en cause contre un certain nombre de personnes, y compris des courtiers en bois, des exploitants de scierie et des particuliers membres de la bande de Stoney. Il est à noter que, puisque l'action principale a été intentée au nom de l'ensemble des membres de la bande de Stoney, les défendeurs à la mise en cause qui sont membres de cette bande sont aussi demandeurs à l'action principale.
[63]Comme le juge en chef le rappelle dans ses motifs, l'intimé, avant d'engager ses procédures de mise en cause, a saisi la Cour fédérale d'une requête en suspension de l'action des demandeurs au motif qu'il avait l'intention d'engager des procédures de mise en cause contre des personnes ne relevant pas de la compétence de la Cour fédérale.
[64]Le 16 mai 1997, dans Bande de Stoney c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (1997), 131 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.), le protonotaire John Hargrave a refusé la suspension demandée, ayant conclu que les mises en cause envisagées par la défenderesse ressortissaient à l a Cour fédérale. Le protonotaire résume ainsi les mises en cause au paragraphe 15 de ses motifs [[1997] A.C.F. no 645 (QL)] :
Dans sa documentation, la défenderesse a fourni une copie de trois avis de mise en cause génériques, similaires à ceux qui ont été déposés. Bien qu'ils s'adressent à trois types différents de mis en cause--des membres de la Bande indienne de Stoney, des courtiers en bois et des exploitants de scierie--les avis sont tous parallèles et contiennent essentiellement les mêmes dispositions, qui peuvent être résumées comme suit :
[traduction]
1. la coupe, la récolte, la vente et l'enlèvement illicites de bois provenant de la réserve de Stoney, sans permis ministériel, contrairement au sous-alinéa 93a )(ii) de la Loi sur les Indiens et aux articles 5 et 30 du Règlement sur le bois de construction des Indiens, et l'exécution de ces activités sans l'autorisation du ministre comme l'exigent l'article 93 de la Loi sur les Indiens et, vraisemblablement, les articles 5 et 9 du Règlement sur le bois de construction des Indiens; |
2. la violation du droit de propriété sur le bois et de la réserve de Stoney en vertu des articles 20, 30 et 93 de la Loi sur les Indiens et le fait de faire ainsi obstacle aux obligations de la Couronne envers la bande indienne de Stoney et au titre de propriété de la Couronne sur le bois; |
3. l'incapacité des membres de la bande de transférer le titre de propriété sur le bois, et celle des courtiers en bois et des exploitants de scierie d'acquérir ce titre, en vertu du par agraphe 28(1) et de l'article 32 de la Loi sur les Indiens ; |
4. les dommages à l'environnement causés par des infractions à la Loi sur les Indiens , c'est-à -dire en coupant et en enlevant du bois; |
5. l'appropriation de bois de la réserve de Stoney, sur l equel la Couronne détient le titre de propriété légal; |
6. le fait de conspirer en vue de s'adonner aux activités susmentionnées sans avoir obtenu un permis du ministre, et de léser ainsi la Couronne; |
7. le fait de couper, de récolter, de vendre et d'en lever du bois sans permis, et de manquer ainsi à un devoir de diligence envers la Couronne; |
8. le fait de faire obstacle de manière négligente à l'obligation de la Couronne de tenir du bois à l'usage et au profit de la bande indienne de Stoney; |
9. une négligence contributive mettant en cause la législation provinciale, la Loi sur les Indiens et les règlements connexes. |
[65]Comme le juge en chef le précise dans ses motifs, les parties s'entendent pour reconnaître à la Cour fédérale une compétence à l'égard de l'action intentée par les demandeurs. Cependant, il estime que les mises en cause engagées par l'intimé ne remplissent pas les deuxième et troisième conditions du critère formulé dans l'arrêt ITO . Après avoir examiné les di spositions applicables de la Loi sur les Indiens (la Loi) et du Règlement sur le bois des Indiens (le Règlement), ainsi que les arrêts invoqués par l'intimé, soit Rhine c. La Reine ; Prytula c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 442; et Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.), il conclut que l'intimé n'a pas établi l'existence d'un cadre législatif détaillé de droit fédéral qui fonderait ses mises en cause.
[66]De plus, le juge en chef rejette la thèse de l'intimé selon laquelle ses récla mations contre les mis en cause étant, de par leur « caractère véritable », du ressort de la Cour fédérale, il serait loisible à cette dernière d'appliquer le droit provincial accessoirement, dans la mesure nécessaire pour trancher les questions en litige.
[67]En outre, se fondant sur l'arrêt R. c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd. et autre , [1980] 1 R.C.S. 695, rendu par la Cour suprême du Canada, le juge en chef fait observer que l'action principale et les mises en cause constituent des instances distinctes et que, par conséquent, la compétence sur l'action principale n'est pas un facteur pertinent pour décider la question de la compétence relativement aux mises en cause.
[68]Enfin, le juge en chef déclare que même s'il estime très convaincante l'opinion dissidente exposée par le juge Martland dans l'arrêt Fuller , et que le principe de l'économie des ressources judiciaires devrait mener à une conclusion différente, l'ét at actuel du droit ne lui laisse d'autre possibilité que d'examiner les mises en cause indépendamment de l'action principale. Il conclut ensuite au paragraphe 57 :
Je conclus donc que le cadre législatif fédéral que constitue l'ensemble formé par la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois des Indiens n'a pas une portée assez large pour fonder les mises en cause engagées par le Canada en l'espèce. La Loi et le Règlement invoqués par le Canada ne sont pas la source ou le fondement de ses mises en cau se. Celles-ci sont, de par leur « caractère véritable », fondées sur la common law provinciale. Force m'est par conséquent de conclure que la Cour fédérale n'a pas compétence pour statuer sur ces mises en cause.
[69]Soit dit en toute déféren ce, j'estime tout à fait convaincant le raisonnement du protonotaire Hargrave concluant à la compétence de la Cour fédérale sur les mises en cause. Comme lui, je suis persuadé qu'il existe un cadre législatif détaillé de droit fédéral, constitué par la Loi et le Règlement, qui fonde les droits et obligations des parties et, par conséquent, confirme la compétence de la Cour fédérale. Ce cadre législatif détaillé, si on y ajoute la common law fédérale du titre aborigène, remplit les deuxième et troisième cond itions du critère formulé dans l'arrêt ITO , auxquelles la Cour suprême subordonne la compétence de la Cour fédérale.
[70]Je fais essentiellement mienne l'analyse de la question faite par le protonotaire. Le raisonnement qui l'a mené à sa con clusion est le suivant. Après avoir passé en revue le contexte de l'affaire, il commence son analyse en rappelant l'arrêt McNamara Construction (Western) Ltée c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654, où le juge en chef Laskin a réaffirmé la décision rendue par la Cour suprême dans l'arrêt Quebec North Shore Paper Co. et autre c. Canadien Pacifique Ltée et autre, [1977] 2 R.C.S. 1054, selon laquelle, en vertu de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]], la compétence de la Cour fédérale est subordonnée à l'existence et à l'applicabilité de dispositions fédérales qui puissent être invoquées à l'appui de la procédure en question.
[71]Le protonotaire [au paragraphe 8] passe ensuite à l'examen de la version plus élaborée du critère de la compétence de la Cour fédérale, telle qu'elle est formulée par la Cour suprême dans l'arrêt ITO , où cette dernière énumère dans les termes suivants, à la page 766, les conditions esse ntielles de cette compétence :
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attributio n légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 .
[72]Le protonotaire fait observer que la condition de l'att ribution légale de compétence est remplie en l'espèce du fait de l'alinéa 17(5)a ) de la Loi sur les Cours fédérales, ainsi libellé :
17. [. . .]
(5) Elle [la Cour fédérale] a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation in tentées :
a) au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada;
[73]Le protonotaire conclut ensuite que sont remplies les deuxième et troisième conditions du critère ITO , invoquant Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322, et Bande Montana c. Canada, [1991] 2 C.F. 273 (1re inst.), conf. par [1993] 2 C.N.L.R. 134 (C.A.F.). Puis, se fondant sur Karl Mueller Construction Ltd. c. Canada (1993), 59 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.), à la page 165 , et sur l'arrêt ITO , à la page 781, il émet l'avis que les demandes portées devant la Cour fédérale relèvent de la compétence de celle-ci pour autant que, de par leur caractère véritable, elles sont validement fondées sur le droit fédéral. Le protonotaire explique son point de vue dans les termes suivants au paragraphe 13 de ses motifs :
La chose importante qu'il faut reconnaître au sujet des décisions Roberts et Bande de Montana est que toutes deux concernaient l'usage et l'occupation d'une réserve ainsi qu'une présumée violation du droit de propriété de la part d'une ou plusieurs autres bandes indiennes, une situation qui tombait nettement sous le coup de la Loi sur les Indiens ainsi que du droit relatif au titre aborigène. Toutefois, comme l'a fait rema rquer le juge Strayer dans Bande de Montana, s'il surgissait des questions de propriété et de droits civils, il suffisait que la compétence de la Cour fédérale découle essentiellement d'une revendication créée par la législation fédérale (page 284). Nous a vons affaire, en l'espèce, à plus qu'une simple violation du droit de propriété dans une réserve. Les causes d'action comprennent l'appropriation, la conspiration et la négligence. Si l'on se fonde sur la Loi sur les Indiens , ainsi que sur le Règlement sur le bois de construction des Indiens, on s'appuie aussi sur la législation provinciale. Le fait que les mises en cause prennent appui en partie sur le droit provincial et sur la législation provinciale ne constitue pas nécessairement un obstacle à la compétence, mais, pour qu'il en soit autrement, la revendication doit véritablement relever de la compétence de la Cour et reposer valablement sur la législation fédérale : voir, par exemple, Karl Mueller Construction Limited c. Canada (1993), 59 F.T.R. 161, à la page 165, ainsi que Miida Electronics (arrêt précité), à la page 781.
[74]Bien qu'il se posât des questions concernant trois aspects des mises en cause engagées par l'intimé, soit l'appropriation de bois de la Couronne, le manquement à l'obligation de diligence envers le ministre et l'atteinte parallèle à l'exercice par la Couronne de son obligation de détenir le bois à l'usage et au profit de la bande, ainsi que le recours à la législation provinciale relative à la négligence contributive , le protonotaire a constaté, en partie sur la base de l'arrêt Oag , de notre Cour, que les conditions du critère ITO se trouvaient remplies puisque les mises en cause étaient fondées en grande partie sur la législation, la réglementation et la common law fédérales. Il a donc conclu dans les termes suivants [aux paragraphes 23 et 24] :
Les mises en cause, soumises en vertu de la règle 17(5)a ), sont bien fondées dans la législation fédérale, étant essentiellement des actions reposant sur la Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois de construction des Indiens. Les actions s'appuient dans une grande mesure sur la common law fédérale qui s'applique aux Autochtones. Dans ce contexte, les présentes actions satisfont aux exigences énoncées dans l'arrêt Miida Electronics , des exigences qui peuvent se combiner, à savoir qu'il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel au règlement de l'affaire, et que la loi sur laquelle repose cette dernière doit être une loi du Canada.
Il est juste de dire qu'il peut être nécessaire de s'appuyer sur une loi provinciale pour aider à déterminer le cadre législatif et légal passablement détaillé que procurent la Loi sur les Indiens , le Règlement sur le bois de construction des Indiens, et la common law fédérale qui s'applique aux Autochtones, car, ainsi que je l'ai indiqué, il existe dans la loi canadienne fédérale un fondement valable pour les réclamations qui relèvent véritablement de la compétence de la Cour.
[75]Le protonotaire est arrivé à cette conclusion au terme d'un exposé de motifs que je ne puis qualifier que de clair et d'extrêmement convaincant. Comme je ne pense pas pouvoir améliorer cet exposé, j'en reprends le contenu à mon compte.
[76]Je me permettrai cependant de formuler quelques observations complémentaires.
[77]Je préciserai d'abord qu'à mon sens, les articles 18, 28, 30, 31, 32 et 93 de la Loi et les articles 3.1, 5 et 9 du Règlement constituent un cadre législatif détail lé de l'administration des ressources en bois des réserves indiennes. Ces articles sont ainsi libellés :
LA LOI :
18. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des ba ndes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté; sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des stipulations de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si tout objet, pour lequel des terres dans une réserve sont ou doivent être utilisées, se trouve à l'usage et au profit de la bande.
(2) Le ministre peut autoriser l'utilisation de terres dans une réserve aux fins des écoles indiennes, de l'administration d'affaires indiennes, de cimetières indiens, de proje ts relatifs à la santé des Indiens, ou, avec le consentement du conseil de la bande, pour tout autre objet concernant le bien-être général de la bande, et il peut prendre toutes terres dans une réserve, nécessaires à ces fins, mais lorsque, immédiatement a vant cette prise, un Indien particulier avait droit à la possession de ces terres, il doit être versé à cet Indien, pour un semblable usage, une indemnité d'un montant dont peuvent convenir l'Indien et le ministre, ou, à défaut d'accord, qui peut être fixé de la manière que détermine ce dernier.
[. . .]
28. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est nul un acte, bail, contrat, instrument, document ou accord de toute nature, écrit ou oral, par lequel une bande ou un membre d'une bande est censé permettre à un e personne, autre qu'un membre de cette bande, d'occuper ou utiliser une réserve ou de résider ou autrement exercer des droits sur une réserve.
(2) Le ministre peut, au moyen d'un permis par écrit, autoriser toute personne, pour une période maximale d'un an, ou, avec le consentement du conseil de la bande, pour toute période plus longue, à occuper ou utiliser une réserve, ou à résider ou autrement exercer des droits sur une réserve.
[. . .]
30. Quiconque pénètre, sans droit ni autorisation, dans une réserve commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de cinquante dollars et un emprisonnement maximal d'un mois, ou l'une de ces peines.
31. (1) Sans préjudice de l'article 30, lorsqu'un Indie n ou une bande prétend que des personnes autres que des Indiens, selon le cas :
a) occupent ou possèdent illégalement, ou ont occupé ou possédé illégalement, une réserve ou une partie de réserve;
b) réclament ou ont réclamé sous forme d'opposition le droit d'occuper ou de posséder une réserve ou une partie de réserve;
c) pénètrent ou ont pénétré, sans droit ni autorisation, dans une réserve ou une partie de réserve,
le procureur général du Canada peut produire à la Cour fédérale une dénonciation réclamant, au nom de l'Indien ou de la bande, les mesures de redressement désirées.
(2) Une dénonciation produite sous le régime du paragraphe (1) est réputée, pour l'application de la Loi sur les Cours fédérales, une procédure engagée par la Couronne, au sens de cette loi.
(3) Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou recours que, en son absence, Sa Majesté, un Indien ou une bande pourrait exercer.
32. (1) Est nulle, à moins que le surint endant ne l'approuve par écrit, toute opération par laquelle une bande ou un de ses membres est censé vendre, troquer, échanger, donner ou autrement aliéner du bétail ou d'autres animaux, du grain ou du foin, sauvage ou cultivé, ou des récoltes-racines ou des légumes-racines, ou de leurs produits, provenant d'une réserve dans le Manitoba, la Saskatchewan ou l'Alberta, à une personne ou avec une personne, selon le cas, autre qu'un membre de cette bande.
(2) Le ministre peut, par arrêté, soustraire une bande et ses membres, ou un d'entre eux, à l'application du présent article.
[. . .]
93. Une personne qui, sans la permission écrite du ministre ou de son représentant dûment autorisé :
a) soit enlève ou permet à quelqu'un d'enlever d'une réserve :
(i) des minéraux, des pierres, du sable, du gravier, de la glaise, ou de la terre,
(ii) des arbres, de jeunes arbres, des arbrisseaux, des broussailles, du bois de service, du bois de corde ou du foin;
b) soit a en sa possession une chose enlevée d'une réserve contrairement au présent article,
commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de cinq cents dollars et un emprisonnement maximal de trois mois, ou l'une de ces peines.
LE RÈGLEMENT :
3.1 Il est interdit de couper du bois sur des terres de réserve ou des terres cédées sans un permis.
[. . .]
5. (1) Moyennant le consentement du conseil de la bande, des licences de coupe de bois pour la vente peuvent être délivrées par le ministre à une bande ou à un membre ou groupe de membres d'une bande.
(2) Des droits fixés au tarif courant seront imposés pour le bois coupé sur les terres de la bande. Le tarif des droits imposables pour le bois coupé dans les concessions ou emplacements particuliers des Indiens peut être réduit de la moitié de ces tarifs courants. Le tarif à exiger doit être inscrit sur la licence.
[. . .]
9. Sous réserve de l'article 10, le ministre peut accorder des permis p our la coupe du bois :
a) soit sur des terres cédées;
b) soit, avec le consentement du conseil d'une bande, sur des terres de réserve.
[78]À mon avis, les mises en cause de l'intimé sont fondées sur le régime détaillé que contiennent la Lo i aussi bien que le Règlement. Plus particulièrement, elles découlent du Règlement, qui régit la coupe et l'enlèvement du bois des réserves indiennes.
[79]Le paragraphe 18(1) de la Loi grève d'une charge le titre de propriété de la Couronne et crée pour cette dernière une obligation de fiduciaire envers les autochtones relativement aux terres de réserve.
[80]L'article 28 de la Loi dispose que tout accord permettant à des non-membres d'une bande d'occuper ou d'ut iliser une réserve est nul, sauf délivrance d'un permis à cet effet par le ministre. Par conséquent, il est illégal pour tout non-membre d'une bande donnée de couper du bois dans la réserve de cette bande sans permis.
[81]L'ar ticle 30 de la Loi constitue en infraction le fait de pénétrer dans une réserve sans droit ni autorisation, tandis que son article 93 constitue de même en infraction le fait d'enlever ou de permettre à quelqu'un d'enlever des arbres ou du bois de service d'une réserve. S'il est vrai, comme le fait remarquer le juge en chef au paragraphe 37 de ses motifs, que ces dispositions ne créent pas de cause d'action légale en dommages-intérêts, elles n'en constituent pas moins des éléments importants du régime fédéra l d'ensemble qui fonde les obligations et les droits afférents au bois des terres de réserve.
[82]Pour ce qui concerne le Règlement, il régit la récolte du bois dans les réserves au moyen d'un système de licences et de permis. Son article 5, par exemple, subordonne à la délivrance d'une licence la coupe de bois par des membres d'une bande dans une réserve. Quant à son article 9, il subordonne à la délivrance d'un permis la coupe et l'enlèvement de bois par les non-membres de bande. Enfin, l'a rticle 3.1 du Règlement interdit de couper du bois sur des terres de réserve ou des terres cédées sans un permis.
[83]Le reste du Règlement porte sur des matières diverses telles que les droits de licence, le loyer de terrain, les dépôts de garantie, les obligations de mesurage, les registres, la conservation, la protection contre les incendies, ainsi que la saisie du bois coupé sans licence ou permis.
[84]Par conséquent, le Règlement constitue à mon sens un ensemble déta illé d'obligations prescrites aux membres et aux non-membres de bande. Toute infraction au régime de licences et permis constituera un comportement fautif portant atteinte aux droits conférés à la Couronne par l'article 18 de la Loi.
[85]Comme l'a établi la juge Wilson dans l'arrêt Roberts , l'expression « une loi du Canada » employée dans la formulation du troisième volet du critère ITO s'applique aussi à la common law fédérale et plus particulièrement à la common law fédérale du titre aborigène. Comme les mises en cause de la Couronne en l'espèce soulèveront des questions relatives à la charge grevant le titre de la Couronne et au rôle de celle-ci dans la gestion des ressources naturelles des réserves, la common law fédérale du titre aborigèn e est pertinente pour l'analyse dans le cadre des deuxième et troisième volets du critère formulé dans l'arrêt ITO .
[86]Ma conclusion repose sur la thèse que la Loi, le Règlement et la common law fédérale du titre aborigène fondent les droit s et obligations que soulèvent les mises en cause, c'est-à -dire que celles-ci découlent du rapport particulier entre la Couronne et les terres qu'elle détient à l'usage et au profit des autochtones.
[87]Comme le faisait remarquer le juge Strayer (tel était alors son titre) dans la décision Bande Montana , le fait qu'une demande revête la forme d'une action en responsabilité délictuelle ou d'un recours de nature contractuelle n'exclut pas nécessairement la compétence de la Cour fédérale. Il écr ivait à ce propos à la page 284 de cette décision :
Bien qu'il ait été soutenu par les tierces parties que toute demande que la Couronne puisse avoir à leur encontre est essentiellement une affaire de propriété et de droits civils qui fait intervenir des questions d'equity ou de délits, je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un point de vue déterminant. Comme l'a déclaré le juge en chef Laskin dans l'affaire Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine ([1980] 2 R.C.S. 442, à la p. 447) :
Est-il nécessaire d'ajout er qu'on ne peut invariablement attribuer les « contrats » ou les autres créations juridiques, comme les délits et quasi-délits, au contrôle législatif provincial exclusif, ni les considérer, de même que la common law , comme des matières ressortissant excl usivement au droit provincial. |
[88]Contrairement au juge en chef, je pense que l'opinion exprimée par notre Cour dans l'arrêt Oag , est tout à fait pertinente. Dans cette affaire, le juge Stone, J.C.A. était saisi de l'action d'un demandeur à qui une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles avait donné droit à la mise en liberté surveillée. Or, la Commission avait suspendu sa liberté surveillée à deux reprises. Les deux fois, le demandeur avait été arrêté, détenu, pu is relâché. Il a en conséquence intenté une action devant la Section de première instance pour arrestation illégale et emprisonnement arbitraire. Le juge de première instance a radié sa déclaration au motif que l'action n'était pas fondée sur le « droit fédéral » [[1986, 1 C.F. 472]. La question à trancher en appel était celle de savoir si la Section de première instance avait compétence pour statuer sur les réclamations du demandeur contre les membres de la Commission pris individuellement. Le juge Stone a conclu que la Loi sur les pénitenciers [S.R.C. 1970, ch. P-6] et la Loi sur la libération conditionnelle de détenus [S.R.C. 1970, ch. P-2] constituaient un « cadre législatif détaillé » qui délimitait et définissait le droit du demandeur à la liberté et f ondait son action pour emprisonnement arbitraire. Il s'exprimait dans les termes suivants au nom de la Cour [aux pages 520 et 521] :
Il en résulte donc, pour utiliser l'expression du juge en chef Laskin dans l'affaire Rhine et Prytula, « un cadre législatif détaillé » de droit fédéral en vertu duquel l'appelant a acquis non seulement le droit d'être libre mais également celui de le rester. Il faut souligner que, comme il restait sous l'effet d'une condamnation, la liberté dont il jouissait n' était pas la même que celle que possède une personne qui ne fait pas l'objet d'une condamnation. Ses limites étaient fixées par des lois fédérales. S'il y a eu arrestation illégale et emprisonnement arbitraire comme il a été allégué, ces délits ont été commis parce qu'on a porté atteinte au droit de l'appelant, ainsi délimité, de rester libre. Je ne crois pas que la loi ait à prévoir expressément un recours à l'égard d'une telle atteinte pour que les demandes soient régies par elle. L'existence de ces délits, à mon avis, repose sur le droit fédéral; les dommages-intérêts qui résultent de la perpétration de ces délits prouvables peuvent être recouvrés en Division de première instance. J'en suis arrivé à la conclusion que les demandes sont prévues dans les « l ois du Canada » ou le « droit fédéral ». [Non souligné dans l'original.]
[89]À mon avis, les faits de l'affaire Oag indiquent la marche à suivre dans la présente espèce, étant donné que les revendications de l'intimé contre les mis en cause sont régies essentiellement par le cadre législatif détaillé que définissent la Loi et le Règlement. Le fait que ces mises en cause allèguent, entre autres, la violation du droit de propriété et l'appropriation ne les empêche pas d'être ainsi fondées sur l e droit fédéral.
[90]Enfin, comme je le faisais observer plus haut, il faut tenir compte du fait qu'un certain nombre des mis en cause sont aussi demandeurs à l'action principale. J'ai du mal à concevoir que l'intimé doive saisir un autre tribunal que la Cour fédérale de ses réclamations contre ces mis en cause. Dans l'arrêt McNamara Construction , la Cour suprême a conclu que la Cour fédérale n'était pas compétente pour statuer sur une action en rupture d'un contrat d e construction intentée par la Couronne, au motif que cette action n'était pas fondée sur le droit fédéral. Cependant, le juge en chef Laskin a formulé les observations suivantes à la fin des motifs auxquels la Cour a souscrit à l'unanimité [aux pages 663 et 664] :
J'en conclus donc que la contestation de la compétence de la Cour fédérale par les appelants est fondée et, en conséquence, je suis d'avis d'accueillir leurs pourvois avec dépens dans toutes les cours. Les jugements des tribunaux d'instance inférieure doivent être infirmés et les déclarations signifiées aux appelants radiées. Compte tenu de cette conclusion, les procédures résultantes entre co-défendeurs et les procédures de mise en cause doivent être tenues pour invalides et il n'est pas nécessa ire de traiter de leur validité ou de leur opportunité. Je tiens toutefois à souligner que si la Cour fédérale avait eu compétence, il est assez vraisemblable que les demandes de contributions ou d'indemnités aurait été recevables, du moins entre les parties, dans la mesure où la législation fédérale pertinente s'appliquait aux questions soulevées en l'espèce. [Non souligné dans l'original.]
[91]Ces remarques paraissent indiquer que la Cour fédérale a compétence sur les mises en cause visant les membres de la bande qui sont demandeurs à l'action principale. Les parties à l'action principale et aux mises en cause sont les mêmes et, comme nous l'avons vu plus haut, le droit fédéral fondant l'action principale s'applique aussi aux questions qui découlent des mises en cause. Cette situation est très proche de celles qui ont fait l'objet de l'arrêt Roberts et de la décision Montana .
[92]Pour conclure, nous dirons donc que la Loi et le Règlement for ment un cadre législatif détaillé qui, avec la common law fédérale du titre aborigène, est essentiel au règlement du litige entre l'intimé et les mis en cause. Compte tenu du rapport particulier de la Couronne avec les terres et les ressources qu'elle déti ent à l'usage et au profit des autochtones, j'estime que le critère de compétence de la Cour fédérale formulé dans l'arrêt ITO , est rempli en l'espèce.
[93]Par conséquent, je rejetterais l'appel, mais, vu les circonstances, je ne rendrais pas d'ordonnance quant aux dépens.