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A‑143‑05

2006 CAF 70

Sa Majesté la Reine (appelante)

c.

Andrea Lillian Reid (intimée)

Répertorié: Reid c. Canada (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, les juges Rothstein, Sharlow et Malone, J.C.A.—Vancouver, 16 janvier; Ottawa, 15 février 2006.

Fonction publique —  «Prestations supplémentaires de décès » —  Appel d’un jugement de la Cour fédérale rejetant la requête en rejet sommaire de l’action —  L’intimée est la veuve d’un employé du gouvernement canadien à la retraite — À sa retraite, son défunt mari a choisi de devenir un « participant volontaire » au régime de prestations supplémentaires de décès conformément à la Loi sur la pension de la fonction publique — Il a obtenu une augmentation rétroactive de traitement en vertu d’une convention collective conclue après sa retraite mais avant son décès — Faut‑il tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement pour déterminer la prestation supplémentaire de décès — Le montant de la prestation supplémentaire de décès payable en application de la partie II de la Loi dépend de la question de savoir si le participant décède pendant son emploi ou après sa retraite — L’art. 47(1)a) s’applique lorsque le décès d’un employé du gouvernement fédéral survient en cours d’emploi — L’art. 47(1)b) s’applique au « participant volontaire » — À la différence de l’art. 47(1)a), l’art. 47(1)b) n’intègre ni l’exception relative au traitement rétroactif ni la définition de « traitement » que l’on trouve à la partie I (qui se rapporte à la « rémunération de base ») — Il n’y a aucune raison de présumer que le législateur entendait assujettir au même traitement les membres des Forces armées canadiennes à la retraite et les employés du gouvernement fédéral à la retraite — La Cour fédérale a commis une erreur dans son interprétation de la définition — L’appel est accueilli.

Il s’agit de l’appel d’un jugement par lequel la Cour fédérale a rejeté la requête présentée par l’appelante en vue d’obtenir le rejet sommaire de l’action intentée par l’intimée contre elle. L’intimée est la veuve d’un employé du gouvernement canadien à la retraite. Quand il était un employé du gouvernement fédéral, son défunt mari était tenu de participer au régime de prestations supplémentaires de décès. À sa retraite, il a choisi de devenir un « participant volontaire » au régime de prestations supplémentaires de décès conformément à la Loi sur la pension de la fonction publique (la Loi) et a continué de verser des contributions mensuelles au régime. Aux termes de l’alinéa 47(1)b) de la Loi, il s’ensuivait que la prestation supplémentaire de décès payable à son décès correspondait à un montant approximativement égal au double de son traitement. La convention collective régissant le défunt mari de l’intimée était échue lorsqu’il a pris sa retraite et une nouvelle convention collective est entrée en vigueur après sa mise à la retraite. Selon la nouvelle convention, il avait droit de recevoir un traitement additionnel à partir de la date d’expiration de l’ancienne convention collective et jusqu’à la date de sa retraite. La pension payable en application de la partie I de la Loi a été ajustée pour tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement. Au décès de son mari, l’intimée a reçu, à titre de bénéficiaire nommément désignée, une prestation supplémentaire de décès établie sans tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement de son mari. La Cour fédérale a rejeté la requête parce qu’elle était en désaccord avec l’interprétation de l’appelante suivant laquelle il ne faut pas tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement. La question en litige était celle est de savoir si, pour calculer la prestation supplémentaire de décès payable au décès d’un employé du gouvernement fédéral à la retraite, en application de la partie II de la Loi, il est nécessaire de tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement accordée à l’employé à la retraite en vertu d’une convention collective conclue après sa retraite mais avant son décès.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Le montant de la prestation supplémentaire de décès payable en application de la partie II de la Loi dépend en partie de la réponse à la question de savoir si le participant décède pendant son emploi ou après sa retraite. Le mot « traitement » est défini au paragraphe 47(1), qui comporte deux renvois. L’alinéa 47(1)a), qui s’applique lorsque le décès d’un employé du gouvernement fédéral survient en cours d’emploi, renvoie d’abord au mot « traitement » pour établir la pension payable à un employé du gouvernement fédéral en application de la partie I de la Loi. Les parties reconnaissaient que, pour établir le droit à pension d’un employé du gouvernement fédéral à la retraite, en application de la partie I de la Loi, l’augmentation rétroactive du traitement fait partie du « traitement », car elle fait automatiquement et rétroactivement partie de la « rémunération de base » d’un employé. Toutefois, la prestation supplémentaire de décès est établie sur une base différente en raison du second renvoi que l’on trouve à l’alinéa 47(1)a), qui renvoie à l’article 23 du Règlement sur les prestations supplémentaires de décès (le règlement PSD). L’article 23 indique, dans certaines situations, la date à laquelle un participant est réputé avoir commencé à recevoir l’augmentation rétroactive du traitement. Ce renvoi à l’article 23 a pour effet que, pour calculer le montant de la prestation supplémentaire payable au décès d’un employé du gouvernement fédéral décédé en cours d’emploi, on ne tient pas compte de l’augmentation rétroactive du traitement à moins que le décès ne survienne après le mois où l’augmentation rétroactive du traitement a été autorisée.

L’exception du traitement rétroactif, qui apparaît à l’alinéa 47(1)a) de la Loi ne figure pas à l’alinéa 47(1)b), qui s’applique au participant volontaire. En outre, l’alinéa 47(1)b) de la Loi n’intègre pas la définition de « traitement » du paragraphe 3(1) de la partie I (qui se rapporte à la « rémunération de base »). L’argument de l’intimée suivant lequel, du fait qu’il n’y a pas d’exception à l’alinéa 47(1)b), on devrait tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement pour calculer le traitement du défunt conjoint au moment où il a cessé d’être un employé du gouvernement fédéral est donc rejeté. L’alinéa 47(1)b) (« traitement dans la fonction publique au moment où il a cessé d’y être employé ») présente le taux de traitement comme un fait historique: il s’agit du taux de traitement que l’employé recevait effectivement à l’époque en cause.

Enfin, l’interprétation de l’intimée suivant laquelle on doit tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement pour calculer la prestation supplémentaire de décès reposait sur une comparaison entre la définition du mot « traitement » au paragraphe 47(1) de la Loi et du mot « traitement » dans la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Dans cette dernière loi, les augmentations rétroactives de traitement seraient incluses. Toutefois, les deux définitions législatives ne peuvent être interprétées de la même manière et ce, malgré la similitude d’objet et l’historique commun. Elles ne font pas partie du même régime législatif et il n’y a aucune raison de présumer que le législateur recherchait un même traitement, compte tenu des différences substantielles dans la formulation utilisée dans les définitions.

lois et règlements cités

Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑36, art. 3(1) « traitement », 47(1) « traitement », 51.

Loi sur la pension de la fonction publique, S.R.C. 1970, ch. P‑36, art. 2(1) « traitement ».

Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C‑17, art. 60(1) « traitement ».

Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, S.C. 1959, ch. 21.

Loi sur la pension du service public, S.C. 1952‑53, ch. 47.

Règlement sur la pension de retraite des Forces canadiennes, C.R.C., ch. 396, art. 48.

Règlement sur les prestations supplémentaires de décès, C.R.C., ch. 1360, art. 23.

jurisprudence citée

décisions différenciées :

Gruber c. La Reine, [1975] C.F. 578 (C.A.); Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. La Reine, [1985] 2 C.F. 84 (C.A.).

APPEL d’un jugement par lequel la Cour fédérale ([2005] 3 R.C.F. 41; 2005 CF 158) a rejeté la requête présentée par l’appelante en vue d’obtenir le rejet sommaire de l’action intentée contre elle au sujet du calcul de la prestation supplémentaire de décès payable à l’intimée au décès de son mari, un employé du gouvernement canadien à la retraite. L’appel est accueilli.

ont comparu :

Dale L. Yurka pour l’appellant.

Robert A. Margolis et John C. Kleefeld pour l’intimée.

avocats inscrits au dossier :

Le sous‑procureur général du Canada pour l’appelant.

Giaschi & Margolis, Vancouver, pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1] La juge Sharlow, J.C.A. : Il s’agit d’un appel interjeté contre un jugement de la Cour fédérale rejetant la requête en rejet sommaire de Sa Majesté dans le cadre d’une action initiée par l’intimée Andrea Lillian Reid à l’encontre de Sa Majesté : Reid c. Canada, [2005] 3 R.C.F. 41.

[2]La question est de savoir si, en calculant la prestation supplémentaire de décès payable au décès d’un employé du gouvernement fédéral à la retraite, en application de la partie II de la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑36, il est nécessaire de tenir compte d’une augmentation rétroactive du traitement payée à l’employé à la retraite dans le cadre d’une convention collective conclue après sa retraite mais avant son décès. Si Sa Majesté a raison, l’augmentation rétroactive du traitement ne doit pas être considérée, et la requête en rejet sommaire de Sa Majesté aurait dû être accueillie.

[3]La juge de la Cour fédérale a rejeté la requête parce qu’elle était en désaccord avec l’interprétation de Sa Majesté. En toute déférence, je ne souscris pas à son opinion. Selon moi, pour les motifs qui suivent, l’interprétation de Sa Majesté est juste.

[4]Mme Reid est la veuve de Douglas W. Reid, lequel a été un employé du gouvernement canadien du 26 août 1974 au 31 mars 1998, moment de sa retraite.

[5]La convention collective applicable au moment de sa retraite était échue depuis 1997. Une nouvelle convention collective est entrée en vigueur le 28 décembre 1998. Selon la nouvelle convention, M. Reid avait droit de recevoir un traitement additionnel— traitement qu’il a reçu—du 20 juin 1997 (date d’expiration de la convention collective) au 31 mars 1998 (date de sa retraite).

[6]La pension payable à M. Reid au moment de sa retraite, en application de la partie I de la Loi sur la pension de la fonction publique, a été ajustée pour tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement.

[7]M. Reid est décédé le 3 décembre 2000. Mme Reid a reçu, à titre de bénéficiaire, une prestation supplémentaire de décès établie selon le traitement de M. Reid chiffré à 53 492 $. Il s’agit là du taux de traitement annuel de M. Reid au moment de sa retraite en 1998. Le montant de la prestation supplémentaire de décès a été établi sans tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement de M. Reid.

[8]Le droit de Mme Reid à une prestation supplémentaire de décès payable au décès de M. Reid est un droit reconnu selon le régime de prestations supplémentaires de décès qu’on retrouve à la partie II de la Loi sur la pension de la fonction publique. Elle était la bénéficiaire sous ce régime.

[9]Quand M. Reid était un employé du gouvernement fédéral, il devait participer au Régime de prestations supplémentaires de décès. À titre de participant, M. Reid devait verser 15¢ par tranche de 1 000 $ de la prestation supplémentaire payable.

[10]Le montant de la prestation supplémentaire de décès payable en application de la partie II de la Loi sur la pension de la fonction publique dépend en partie de la question de savoir si le participant décède pendant son emploi ou après sa retraite. Si M. Reid était décédé alors qu’il était un employé, le montant de la prestation se serait chiffré approximativement au double du « traitement » de M. Reid. Le mot « traitement » est ainsi défini à l’alinéa a) du paragraphe 47(1) de la Loi sur la pension de la fonction publique :

47. (1) [. . .]

« traitement »

a) Dans le cas d’un participant employé dans la fonction publique, le traitement défini pour l’application de la partie I, exprimé sous forme de taux annuel, sauf que lorsqu’une augmentation rétroactive est autorisée sur le traitement d’un tel participant, celui‑ci est réputé avoir commencé à la percevoir le jour fixé par règlement.

[11]L’alinéa a) de cette définition comporte deux renvois. La disposition renvoie d’abord au mot « traitement » pour établir la pension payable à un employé du gouvernement fédéral en application de la partie I de la Loi sur la pension de la fonction publique. Ce terme est défini au paragraphe 3(1) [alinéa a)] de la Loi sur la pension de la fonction publique, dont voici le libellé :

3. (1) [. . .]

« traitement »

a) La rémunération de base versée pour l’accomplissement des fonctions normales d’un poste dans la fonction publique, y compris les allocations, les rémunérations spéciales ou pour temps supplémentaires ou autres indemnités et les gratifications qui sont réputées en faire partie en vertu d’un règlement pris en application de l’alinéa 42(1)e).

(La réglementation prise suivant l’alinéa 42(1)e) n’est pas pertinente en l’espèce.)

[12]Les parties reconnaissent que, pour établir le droit à pension d’un employé du gouvernement fédéral à la retraite, en application de la partie I de la Loi sur la pension de la fonction publique, l’augmentation rétroactive du traitement fait partie du « traitement », car elle fait automatiquement et rétroactivement partie de la « rémunération de base » d’un employé. C’est pourquoi l’augmentation rétroactive du traitement de M. Reid a entraîné une augmentation de sa pension.

[13]Toutefois, la prestation supplémentaire de décès est établie sur une base différente. Cette fois l’alinéa a) de la définition de « traitement » qu’on retrouve au paragraphe 47(1) renvoie à l’article 23 du Règlement sur les prestations supplémentaires de décès, C.R.C., ch. 1360 (le règlement PSD). Cette disposition indique, dans certaines situations, la date à laquelle un participant est censé avoir commencé à recevoir l’augmentation rétroactive du traitement. Elle est ainsi rédigée :

23. Lorsqu’une augmentation rétroactive du traitement d’un participant est autorisée, ce dernier est censé avoir commencé à recevoir cette augmentation le premier jour du mois qui suit le mois au cours duquel

a) le gouverneur en conseil ou le conseil du Trésor, selon le cas, approuve cette augmentation; ou

b) l’approbation écrite de cette augmentation a été dûment délivrée par l’autorité compétente dans tous les cas où l’approbation du gouverneur en conseil ou du conseil du Trésor n’est pas requise.

[14]L’article 23 du règlement PSD, tel qu’il est incorporé à l’alinéa a) de la définition de « traitement » qu’on retrouve au paragraphe 47(1), a pour effet que, en établissant le montant de la prestation supplémentaire payable au décès d’un employé du gouvernement fédéral décédé en cours d’emploi, on ignore une augmentation rétroactive du traitement à moins que le décès ne survienne après le mois où l’augmentation rétroactive du traitement est autorisée.

[15]Par exemple, si M. Reid était décédé en mars 1998, sa prestation de décès aurait été fixée sans tenir compte de l’augmentation rétroactive du traitement autorisée en décembre 1998. En effet, du fait de l’exception prévue à l’alinéa a) de la définition de « traitement » [au paragraphe 47(1)], il aurait été censé, en application de la partie II de la Loi sur la pension de la fonction publique, ne pas avoir reçu son augmentation rétroactive de traitement avant le 1er janvier 1999 (le premier jour du mois qui suit le mois au cours duquel l’augmentation rétroactive du traitement a été autorisée). Il s’ensuit que, pour établir la prestation supplémentaire de décès payable à Mme Reid, on aurait ignoré l’augmentation rétroactive du traitement lorsqu’on aurait établi quel était le traitement de son mari à la date de son décès.

[16]Jusqu’ici, je n’ai traité que de l’alinéa a) de la définition de « traitement » [au paragraphe 47(1)], lequel s’applique lorsque le décès d’un employé du gouvernement fédéral survient en cours d’emploi. Or cette partie de la définition ne s’applique pas en l’espèce parce que M. Reid n’est pas décédé alors qu’il était un employé du gouvernement fédéral.

[17]M. Reid a pris sa retraite en 1998. À ce moment, il a choisi de devenir un « participant volontaire » dans le cadre du Régime de prestations supplémentaires de décès, droit conféré à l’article 51 [mod. par L.C. 1996, ch. 18, art. 36] de la Loi sur la pension de la fonction publique. S’il n’avait pas fait ce choix, il n’aurait pas versé d’autres contributions et, à son décès, sa bénéficiaire aurait eu droit à une somme d’au moins 10 000 $.

[18]À titre de participant volontaire, M. Reid devait continuer à verser des contributions mensuelles au régime de prestations supplémentaires de décès. Tant que M. Reid a continué à verser les contributions exigées, la prestation supplémentaire de décès payable à son décès correspondait à un montant approxima-tivement égal au double de son traitement établi conformément à l’alinéa b) de la définition de « traitement » qu’on retrouve au paragraphe 47(1) de la Loi sur la pension de la fonction publique. Étant donné qu’il est nécessaire de comparer les alinéas a) et b), je les citerai tous les deux :

47. (1) [. . .]

« traitement »

a) Dans le cas d’un participant employé dans la fonction publique, le traitement défini pour l’application de la partie I, exprimé sous forme de taux annuel, sauf que lorsqu’une augmentation rétroactive est autorisée sur le traitement d’un tel participant, celui‑ci est réputé avoir commencé à la percevoir le jour fixé par règlement,

b) dans le cas d’un participant volontaire, son traitement dans la fonction publique au moment où il a cessé d’y être employé, exprimé sous forme de taux annuel.

[19]L’exception du traitement rétroactif, qui apparaît à l’alinéa a) de la définition de « traitement », n’apparaît pas à l’alinéa b). On fait valoir au nom de Mme Reid que, du fait qu’il n’y a pas d’exception à l’alinéa b), on devrait considérer, dans le cas de Mme Reid, l’augmentation rétroactive du traitement en établissant le traitement de M. Reid au moment où il a cessé d’être un employé du gouvernement fédéral. Essentiellement, l’argument veut que les mots de l’alinéa a), qui précèdent l’exception du traitement rétroactif, aient le même sens que ceux de l’alinéa b).

[20]La problème avec cet argument c’est que les mots utilisés aux alinéas a) et b) sont très différents. Première différence : l’absence à l’alinéa b) de l’exception du traitement rétroactif qui apparaît à l’alinéa a). Deuxième différence : l’alinéa b), contraire-ment à l’alinéa a), n’intègre pas la définition de « traitement » de la partie I [au paragraphe 3(1)] (qui, rappelons‑le, se rapporte à la « rémunération de base », terme qui inclut, convient‑on, les augmentations rétroac-tives du traitement).

[21]Il me semble que le sens ordinaire des mots clés de l’alinéa b) (« traitement dans la fonction publique au moment où il a cessé d’y être employé ») donne à penser que le taux de traitement est un fait historique—le taux de traitement qu’un employé recevait dans les faits au moment pertinent. Si, à l’alinéa b), le législateur avait eu l’intention de se reporter au traitement incluant les augmentations rétroactives du traitement, il aurait pu employer les mêmes mots qu’à l’alinéa a) (c’est‑à‑dire incorporer au texte la définition de la partie I), ou il aurait pu se reporter, selon la version anglaise, au taux annuel de traitement « as of a particular time », ou « effective at a particular time », plutôt qu’au taux « at a particular time ».

[22] On fait valoir au nom de Mme Reid que la jurisprudence et certains aspects de l’historique législatif étayent la conclusion selon laquelle le sens ordinaire des mots de l’alinéa b) ne devrait pas prévaloir. À cet égard, son avocat cite deux décisions de notre Cour : Gruber c. La Reine, [1975_] C.F. 578 (C.A.), et Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. La Reine, [1985] 2 C.F. 84 (C.A.). Cette jurisprudence ne m’est pas d’un grand secours.

[23] La question en litige dans l’affaire Gruber était de savoir si certains versements devaient être inclus dans le « traitement » d’un employé du gouvernement fédéral en vue d’établir le montant de la pension payable à l’appelant en application de la partie I de la Loi sur la pension de la fonction publique, S.R.C. 1970, ch. P‑36. Au moment pertinent, la définition de « traitement » [au paragraphe 2(1)] (en application de la partie I) était ainsi rédigée :

2. (1) [. . .]

« traitement » [. . .] désigne la rémunération reçue par la personne que vise l’expression pour l’exercice des fonctions régulières d’un poste ou d’une charge [. . .]

[24]L’employé a pris sa retraite en 1972. Il avait droit à une pension calculée sur le traitement annuel moyen des six années de service de son choix. Il a choisi la période 1966 à 1972. En 1970, dans le cadre d’une convention collective conclue en novembre 1969, il avait reçu des versements totalisant environ 3 600 $. La convention établissait des taux de traitement en date du 1er juillet 1969, et elle prévoyait une « indemnité de règlement » égale à 7 % de la rémunération régulière entre le 1er juillet 1967 et le 30 juin 1968, une « indemnité de règlement » égale à 14,49 % de la rémunération régulière entre le 1er juillet 1968 et le 30 juin 1969 et une « somme forfaitaire » égale à 2,75 % du taux de traitement en date du 1er juillet 1969.

[25]La question en litige était de savoir si les indemnités de règlement et la somme forfaitaire faisaient partie du « traitement », selon la définition précitée. S’exprimant au nom de notre Cour, le juge en chef Jackett a conclu qu’elles en faisaient partie parce qu’elles constituaient un traitement pour services rendus. À mon avis, l’arrêt Gruber n’est pas utile pour résoudre la question en l’espèce parce que, dans cette affaire, la Cour n’avait pas à fixer le taux annuel de traitement à un moment précis ou à attribuer les versements de 3 600 $ selon le traitement de 1970 ou selon celui de l’une des trois années antérieures.

[26]La question en litige dans l’affaire Association canadienne du contrôle du trafic aérien touche une convention collective conclue le 28 mai 1982 entre le Conseil du trésor et l’Association canadienne du contrôle du trafic aérien. La convention antérieure était échue depuis le 31 décembre 1980. La convention de 1982 prévoyait une augmentation du taux de traitement devant prendre effet le 5 janvier 1981. Il n’a pas été contesté que les agents négociateurs, qui étaient employés en date du 28 mai 1982, avaient droit à une augmentation rétroactive du traitement. Toutefois, le Conseil du trésor était d’avis que 11 agents négociateurs, qui avaient cessé d’être des employés après 1980 et avant le 28 mai 1982, n’avaient pas droit à une augmentation rétroactive du traitement. L’Association a porté, sans succès, un grief devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique, et elle a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission devant notre Cour.

[27]La Cour a conclu que les 11 personnes avaient droit à une augmentation rétroactive du traitement. Le juge Heald (avec l’appui du juge Ryan) a conclu que la nouvelle convention collective était entrée en vigueur à l’égard de tous les employés qui étaient des agents négociateurs quand la négociation a commencé, soit avant même l’expiration de l’ancienne convention. Il s’ensuivait, à son avis, que les 11 agents avaient le droit de bénéficier de toutes les clauses de la nouvelle convention, y compris celle qui établissait au 5 janvier 1981 la date d’entrée en vigueur de l’augmentation du taux de traitement. Le juge Marceau est arrivé à la même conclusion pour un motif différent. Selon son analyse, il ne pouvait dans le cadre du régime applicable aux employés de la fonction publique, y avoir qu’un seul taux de traitement peu importe le poste et ce, en tout temps. En fixant un nouveau taux de traitement en vigueur le 5 janvier 1981, la nouvelle convention collective fixait automatiquement le taux de traitement de tous les agents négociateurs qui étaient employés à cette date. L’arrêt Association canadienne du contrôle du trafic aérien ne traite pas du problème particulier d’interprétation législative qui se pose en l’espèce.

[28]L’interprétation proposée au nom de Mme Reid repose aussi sur l’historique législatif des dispositions pertinentes et, en particulier, sur la comparaison entre la définition de « traitement » au paragraphe 47(1) de la Loi sur la pension de la fonction publique et la définition de « traitement » dans une loi semblable visant les membres des Forces armées canadiennes, soit la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C‑17.

[29]La version originale de la Loi sur la pension de la fonction publique [Loi sur la pension du service public, S.C. 1952-53, ch. 47] s’appliquait aux employés du gouvernement fédéral et aux membres des Forces armées canadiennes. Les dispositions touchant les membres des Forces armées canadiennes ont été incorporées en 1959 dans la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (S.C. 1959, ch. 21). Pour établir la prestation supplémentaire de décès payable à un membre ou un ancien membre des Forces armées canadiennes, il faut se reporter au mot « traitement » tel qu’il est défini au paragraphe 60(1) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (non souligné dans l’original) :

60. (1) [. . .]

« traitement »

a) Dans le cas d’un participant qui est un membre de la force régulière [. . .] le plus élevé des montants suivants_ :

(i) la solde de ce participant, exprimée sous forme de taux annuel,

[. . .]

b) dans le cas d’un participant par choix, le plus grand des deux montants suivants_ :

(i) la solde du participant à la date où il a cessé d’être membre de la force régulière, exprimée sous forme de taux annuel,

[. . .]

sauf que, lorsqu’une augmentation rétroactive de la solde de ce participant est autorisée, cette augmentation est réputée avoir commencé à lui être versée le jour prescrit par les règlements.

(La disposition réglementaire à laquelle on se reporte dans l’exception énoncée à la fin de la définition est l’article 48 du Règlement sur la pension de retraite des Forces canadiennes, C.R.C., ch. 396, art. 48. La date prescrite est le premier jour du mois au cours duquel l’augmentation rétroactive est autorisée. La date prescrite selon le règlement PSD est le premier jour du mois qui suit l’autorisation.)

[30]Le sens de la définition de [« traitement »] au paragraphe 60(1) du Règlement sur la pension de retraite des Forces canadiennes n’est pas contesté. Il est admis que les mots soulignés dans la définition comprennent toute augmentation rétroactive du traitement parce que le « traitement » d’un membre des Forces armées canadiennes est compris comme incluant les augmentations rétroactives. L’exception énoncée à la fin de la définition a la même fonction limitative que l’exception à l’alinéa a) de la définition au paragraphe 47(1) de la Loi sur la pension de la fonction publique sauf que, dans le cas des membres des Forces armées canadiennes, tant les membres actifs que les membres à la retraite sont touchés par l’exception.

[31]On soutient au nom de Mme Reid qu’il n’y a pas d’explication justifiant une différence de traitement entre les membres des Forces armées canadiennes à la retraite, qui sont des participants volontaires dans le cadre de leur Régime de prestations supplémentaires de décès, et les employés du gouvernement fédéral à la retraite qui sont placés dans une situation semblable. Il est vrai que, selon l’interprétation de Sa Majesté, la différence de traitement entre les participants volontaires sous le régime de la Loi sur la pension de la fonction publique et les participants volontaires sous le régime de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes semble arbitraire. Assurément, le dossier ne contient pas d’explication justifiant la différence de traitement.

[32]En même temps, toutefois, les deux définitions législatives ne font pas partie du même régime législatif et ce, malgré la similitude d’objet et l’historique commun. Aussi n’y‑a‑t‑il aucune raison de présumer que le législateur recherchait un même traitement. Au contraire, compte tenu des différences substantielles dans la formulation utilisée, la présomption doit être à l’opposé.

[33]J’ajouterais que l’interprétation proposée au nom de Mme Reid emporte un résultat tout aussi arbitraire. En effet, il en résulterait que, pour établir la prestation supplémentaire de décès payable en application de la partie II de la Loi sur la pension de la fonction publique, il faudrait tenir compte d’une augmentation rétroactive du traitement lorsqu’un employé à la retraite choisit de demeurer participant, mais non lorsqu’un employé décède alors qu’il est employé, mais avant que l’augmentation rétroactive du traitement ne soit autorisée.

[34]J’accueillerais le présent appel, je ferais droit à la requête de Sa Majesté demandant le rejet sommaire, et je rejetterais la demande de Mme Reid. Puisque Sa Majesté n’a pas demandé les dépens, je ne les adjugerai pas.

Le juge Rothstein, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

Le juge Malone, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

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