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A-595-04

2005 CAF 140

Hoffmann-La Roche Limited (appelante)

c.

Le ministre de la Santé et le procureur général du Canada (intimés)

Répertorié : Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Rothstein, Sharlow et Malone, J.C.A.--Toronto, 2 mars; Ottawa, 12 mai 2005.

Brevets -- Pratique -- Appel d'une décision de la C.F. rejetant la demande en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de la Santé d'ajouter deux brevets au registre des brevets -- L'art. 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) exige que la liste de brevets soit soumise au moment du dépôt de l'avis de conformité (donc en même temps que la présentation de drogue nouvelle) -- L'appelante a soumis sa liste de brevets lorsqu'elle a déposé un supplément à la présentation de drogue nouvelle afin d'indiquer de nouvelles installations de fabrication -- Le ministre a refusé d'inscrire les brevets au registre -- S'appuyant sur Apotex c. Canada (Ministre de la Santé), l'appelante a fait valoir que le terme « demande » à l'art. 4 du Règlement sur les médicaments brevetés peut désigner soit une présentation de drogue nouvelle, soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle -- Depuis Apotex, les suppléments à la présentation de drogue nouvelle échappent à l'application de l'art. 4 du Règlement sur les médicaments brevetés lorsqu'ils sont déposés uniquement à cause d'un changement de la marque nominative -- La même exclusion s'applique au changement des installations de fabrication -- Le principe sur lequel est fondé l'exclusion doit être lié à l'objet du Règlement sur les médicaments brevetés, soit empêcher la contrefaçon de brevets -- Le changement de la marque nominative ou des installations de fabrication ne peut avoir d'influence sur une action potentielle en contrefaçon de brevet, et ne tombe donc pas sous le coup de l'application de l'art. 4 du Règlement sur les médicaments brevetés -- Appel rejeté.

Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Cour fédérale rejetant la demande de l'appelante qui cherchait à obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de la Santé d'ajouter deux brevets au registre des brevets à l'égard d'un médicament vendu au Canada sous le nom commercial « Herceptin ».

Aucune drogue ne peut être commercialisée au Canada à moins de faire l'objet d'un « avis de conformité » délivré par le ministre conformément au Règlement sur les aliments et drogues. Pour obtenir cet avis, le fabricant (l'appelante en l'espèce) doit fournir au ministre une « présentation de drogue nouvelle » qui démontre l'innocuité et l'efficacité de la drogue. Si le fabricant tient également à soumettre une liste de brevets, l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) exige que cela soit fait au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

En l'espèce, l'appelante n'a pas soumis ses listes de brevets au moment du dépôt des présentations de drogue nouvelle pour l'« Herceptin ». Elle a plutôt soumis ces listes lorsqu'elle a déposé u n supplément à la présentation de drogue nouvelle pour l'« Herceptin » afin d'indiquer de nouvelles installations pour la fabrication de la drogue.

Le ministre a refusé d'inscrire les brevets de l'appelante au registre des brevets parce que la demande d'i nscription n'a pas été soumise dans les délais indiqués à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

L'argument de l'appelante avait pour fondement que le terme « demande » à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) peut désigner soit une présentation de drogue nouvelle, soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle. L'appelante s'est appuyée sur Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), décision dans laquelle il a été jugé que le fabricant avait le droit de faire inscrire au registre le brevet concernant les drogues à l'égard desquelles les suppléments à la présentation de drogue nouvelle avaient été déposés.

Arrêt : l'appel doit être rejeté.

Depuis Apotex, les suppléments à la présentation de drogue nouvelle échappent à l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) lorsqu'ils sont déposés uniquement à cause d'un changement de la marque nominative du médicament ou du nom du fabricant. La même exclusion s'applique à un supplément à la présentation de drogue nouvelle déposé uniquement à cause du changement des installations de fabrication. Toutefois, contrairement au commentaire du juge de la Cour fédérale, selon l equel un supplément à la présentation de drogue nouvelle échappe à l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) sauf s'il est lié d'une façon ou d'une autre à l'innocuité ou à l'efficacité de la drogue, le Règ lement n'a aucune incidence sur l'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité. Le principe sur lequel est fondée l'exclusion doit être lié à l'objet du Règlement, soit empêcher la contrefaçon de brevets en procurant à certains fabricants de médicament que lques avantages (comme le droit d'être informé de toute tentative d'un autre fabricant de drogues d'obtenir un avis de conformité et le droit de présenter une demande en vertu de l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité au fabricant du produit générique). Le changement de la marque nominative d'une drogue, du nom du fabricant d'une drogue ou des installations de fabrication ne peut avoir d'influence sur une action potentielle en contrefaçon de brevet concernant un médicament contenu dans la drogue, et ne tombe donc pas sous le coup de l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Il ne devrait pas être permis aux titulaires de brevets d'utiliser une telle modification pour soumettre des listes de brevets qui n'avaient pas déjà été soumises dans les délais et ainsi renforcer les avantages qu'ils obtiennent en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

lois et règlements cités

Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, art. C.08.003 (mod. par DORS/95-411, art. 6).

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 4 (mod. par DORS/98-166, art. 3), 6 (mod., idem, art. 5, 9; 99-379, art. 3).

jurisprudence citée

décisions examinées :

Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (1999), 87 C.P.R. (3d) 371; 165 F.T.R. 42 (C.F. 1re inst.); conf. par (2001), 11 C.P.R. (4th) 538 (C.A.F.); Ferring Inc. c. Canada (Procureur général) (2003), 26 C.P.R. (4th) 155; 310 N.R. 186; 2003 CAF 274; Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 10 C.P.R. (4th) 318; 199 F.T.R. 142 (C.F. 1re inst.); conf. par (2002), 16 C.P.R. (4th) 425; 288 N.R. 24; 2002 CAF 32; Toba Pharma Inc. c. Canada (Procureur général) (2002), 21 C.P.R. (4th) 232; 227 F.T.R. 261; 2002 CFPI 927; AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2004), 36 C.P.R. (4th) 58; 253 F.T.R. 195; 2004 CF 736; Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé) (2004), 239 D.L.R. (4th) 627; 31 C.P.R. (4th) 321; 320 N.R. 37; 2004 CAF 154.

APPEL d'une décision de la Cour fédérale ((2004), 38 C.P.R. (4th) 47; 2004 CF 1547) rejetant l a demande de l'appelante qui cherchait à obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de la Santé d'ajouter deux brevets au registre des brevets à l'égard d'un médicament vendu au Canada sous le nom commercial « Herceptin ». Appel rejeté.

ont comparu :

Gunars A. Gaikis et Nancy P. Pei pour l'appelante.

F.B. Woyiwada pour les intimés.

avocats inscrits au dossier :

Smart & Biggar, Toronto, pour l'appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]La juge Sharlow, J.C.A. : Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Cour fédérale (Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé) (2004), 38 C.P.R. (4th) 47) rejetant la demande d'Hoffmann-La Roche Limited qui cherchait à obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de la Santé d'ajouter le brevet canadien no 1218613 (le brevet 613) et le brevet canadien no 1341082 (le brevet 082) au registre des brevets à l'égard de la poudre lyophilisée de 21 mg/ml de trastuzumab, un médicament utilisé dans le traitement des patientes souffrant de cancer du sein et vendu au Canada sous le nom commercial « Herceptin ». Le mini stre a refusé d'inscrire les deux brevets sur la liste parce que la demande d'inscription avait été soumise trop tard.

[2]Le ministre tient un registre des brevets en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133. Aux fins du présent appel, il faut comprendre certains éléments du régime établi par ledit règlement et par le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870.

[3]Aucune drogue ne peut être commercialisée au Canada à moins de faire l'objet d'un « avis de conformité » délivré par le ministre conformément au Règlement sur les aliments et drogues. Pour obtenir un avis de conformité, le fabricant doit fournir au ministre des renseignements précis dans une « présentation de drogue nouvelle ». Si le ministre est convaincu de l'innocuité et de l'efficacité de la drogue, il délivre un avis de conformité. L'innocuité et l'efficacité d'une drogue nouvelle projetée peuvent être démontrées à l'aide d'études cliniques détaillées ou en établ issant que la drogue nouvelle projetée est l'équivalent d'une autre drogue (produit de référence canadien) dont on a déjà établi qu'elle est sûre et efficace.

[4]En général, le fabricant de drogues qui, à titre de propriétaire ou de titulair e de licence, peut utiliser un brevet relatif à un médicament qui se trouve dans une drogue déposera une « présentation de drogue nouvelle » contenant les résultats d'études cliniques détaillées alors que le fabricant de drogues génériques soumettra une « présentation abrégée de drogue nouvelle » établissant une comparaison avec un produit de référence canadien. Cette comparaison crée le lien entre le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) si, mais seulement si, le fabricant du produit de référence canadien a soumis une liste de brevets à inclure au registre des brevets à l'égard de ce produit. Les brevets inscrits au registre sont ceux dont le fabricant est propriétaire ou à l'égard desquels i l détient une licence et qui contiennent une revendication pour le médicament ou pour l'utilisation du médicament contenu dans la drogue.

[5]Lorsqu'il existe une liste de brevets à l'égard d'un produit de référence canadien, le ministre n'es t pas autorisé à délivrer un avis de conformité pour la version générique à moins qu'un avis formel soit d'abord donné au fabricant du produit de référence canadien. Cet avis peut amener le fabricant à déposer une demande en vertu de l'article 6 [mod. par DORS/98-166, art. 5, 9; 99-379, art. 3] du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité pour le produit générique.

[6]Si une demande est présentée en vertu de l'article 6, le ministre ne peut délivrer un avis de conformité au fabricant de drogues génériques pendant un certain délai. Le délai prévu est de 24 mois, sauf s'il est interrompu plus tôt par suite de l'expiration du brevet, d'un jug ement déclaratoire portant que le brevet n'est pas valide ou qu'une allégation de non-contrefaçon est justifiée, ou du retrait, du désistement ou du rejet de la demande présentée en vertu de l'article 6. Le tribunal peut abréger ou proroger ce délai dans c ertaines circonstances.

[7]Il est clair que le fabricant d'une drogue contenant un médicament visé par un brevet obtient des avantages importants en inscrivant le brevet au registre des brevets tenu en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). L'un de ces avantages est le droit d'être informé de toute tentative d'un autre fabricant de drogues d'obtenir un avis de conformité pour une forme générique de la drogue. Un autre avantage est la possibilité d e se prévaloir du délai prévu par le Règlement. L'inscription d'un brevet au registre constitue le moyen d'avoir accès à ces avantages.

[8]Les fabricants de drogues sont soumis à des délais plutôt stricts en ce qui concerne le dépôt d'une de mande d'inscription d'un brevet au registre en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Ces délais sont indiqués à l'article 4 [mod. par DORS/98-166, art. 3], dont voici les passages pertinents :

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;

d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demand e d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).

[9]Je vais maintenant examiner les faits de la présente affaire. Le 1er octobre 1998 ou aux environs de cette date, Hoffmann-La Roche a déposé une présentation de drogue nouvelle pour l'« Herceptin ». Aucune liste de brevets n'a été soumise à l'égard de cette présentation de drogue nouvelle. Un avis de conformité a été délivré pour l'« Herceptin » le 13 août 1999.

[10]Le brevet 613, intitulé « Préparations d'immunoglobine recombinante », a été déposé au Canada le 9 avril 1984 et a été délivré le 3 mars 1987. Comme je l'ai indiqué ci-dessu s, lorsqu'elle a déposé sa présentation de drogue nouvelle pour l'« Herceptin » en octobre 1998, Hoffmann-La Roche n'a pas demandé en vertu du paragraphe 4(3) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) à faire inscrire le brevet 613 au registre. Aucun élément au dossier n'explique cette omission. Les parties s'entendent pour reconnaître que le brevet 613 aurait été admissible à l'inscription au registre s'il avait été soumis dans les délais.

[11]Le brevet 082, intitulé « Procédé de traitement de tumeurs par inhibition fonctionnelle du récepteur du facteur de croissance cellulaire », a été déposé au Canada le 12 janvier 1989 et a été délivré le 8 août 2000. Dans les 30 jours de la délivrance du brevet 082, Hoffmann-La Roche aurait pu faire une demande en vertu du paragraphe 4(4) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pour faire inclure le brevet 082 dans la liste de brevets pour l'« Herceptin ». Encore une fois, aucun élément au dossier n'explique cette omission. Les parties s'entendent pour reconnaître que le brevet 082 aurait été inclus dans la liste de brevets pour l'« Herceptin » si Hoffmann-La Roche avait présenté la demande à temps.

[12]Le 10 mai 2002, Hoffmann-La Roche a déposé un supplément à la présentation de drogue nouvelle pour l'« Herceptin » afin d'in diquer de nouvelles installations pour la fabrication de la drogue. Ce supplément à la présentation de drogue nouvelle devait être déposé par suite de l'effet combiné du paragraphe C.08.003(1) et de l'alinéa C.08.003(2)d ) du Règlement sur les aliments et drogues, dont voici le texte [l'article C.08.003 (mod. par DORS/95-411, art. 6)] :

C.08.003. (1) Malgré l'article C.08.002, il est interdit de vendre une drogue nouvelle à l'égard de laquelle un avis de conformité a été délivré à son fabricant et n'a pas été suspendu aux termes de l'article C.08.006, lorsqu'un des éléments visés au paragraphe (2) diffère sensiblement des renseignements ou du matériel contenus dans la présentation de drogue nouvelle ou la présentation abrégée de drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

a) le fabricant de la drogue nouvelle a déposé auprès du ministre :

(i) soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle,

(ii) soit un supplément à la présentation abrégée de drogue nouvelle;

b) le ministre a délivré au fabricant un avis de conformité relativement au supplément;

c) l'avis de conformité relatif au supplément n'a pas été suspendu aux termes de l'article C.08.006;

d) le fabricant de la drogue nouvelle a présenté au ministre, sous leur forme définitive, des échantillons de toute étiquette--y compris une notice jointe à l'emballage, un dépliant et une fiche sur le produit--destinée à être utilisée pour la drogue nouvelle, dans le cas où la modification d'un des éléments visés au paragraphe (2) nécessite un changement dans l'étiquette.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), les éléments ayant trait à la drogue nouvelle sont les suivants :

a) sa description;

b) sa marque nominative ou le nom ou code sous lequel il est proposé de l'identifier;

c) les spécifications de ses ingrédients;

d) les installations et l'équipement à utiliser pour sa fabrication, sa préparation et son emballage;

e) la méthode de fabrication et les mécanismes de contrôle à appliquer pour sa fabrication, sa préparation et son emballage;

f) les analyses effectuées pour contrôler son activité, sa pureté, sa stabilité et son innocuité;

g) les étiquettes à utiliser pour la drogue nouvelle;

h) les observations faites relativement :

(i) à la voie d'administration recommandée pour la drogue nouvelle,

(ii) à sa posologie,

(iii) aux propriétés qui lui sont attribuées,

(iv) à ses contre-indications et à ses effets secondaires,

(v) au délai d'attente applicable à celle-ci;

i) sa forme posologique proposée pour la vente.

(3) Le supplément à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle doit contenir, à l'égard des éléments qui diffèrent sensiblement de ce qui figure dans la présentation, l es renseignements et le matériel nécessaires pour permettre au ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle relativement à ces éléments.

[13]Hoffmann-La Roche a inclus dans son supplé-ment à la présentation de drogue nouvelle une demande d'inscription des brevets 613 et 082 au registre de brevets. Ce faisant, elle s'appuyait sur la jurisprudence de la Cour selon laquelle le terme « demande » à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) peut désigner soit une présentation de drogue nouvelle, soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (1999), 87 C.P.R. (3d) 371 (C.F. 1re inst., la juge McGillis); confirmée par (2001), 11 C.P.R. (4th) 538 (C.A.F.).

[14]Il est important de comprendre le contexte factuel de la décision Apotex . Il s'agissait dans cette affaire du « Paxil » qui est fabriqué par SmithKline Beecham Pharma I nc. Le « Paxil » contient comme ingrédient médicamenteux de la paroxétine. En 1993, SmithKline avait obtenu un avis de conformité approuvant la vente du « Paxil » au Canada pour le traitement de la dépression. En 1994, une demande de brevet a été déposée a u Canada relativement aux comprimés de paroxétine et à un procédé permettant leur fabrication. En 1995, SmithKline a déposé deux suppléments à sa présentation de drogue nouvelle afin d'obtenir l'autorisation de vendre le « Paxil » pour le traitement du tro uble obsessionnel compulsif et du trouble panique. Les avis de conformité concernant les nouvelles indications ont été délivrés en 1995. Le brevet demandé en 1994 a été délivré en 1997. Il a été jugé que SmithKline avait le droit de faire inscrire au regis tre le brevet relatif aux comprimés de paroxétine en ce qui concerne les drogues à l'égard desquelles les suppléments à la présentation de drogue nouvelle avaient été déposés en 1995.

[15]Depuis 1999, les fabricants de médicaments testent les limites de la décision Apotex . De façon générale, les titulaires de brevets semblent chercher à établir que si l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique à un supplément à la présentation de drogue nouvelle, le dépôt d'un tel supplément constitue pour le titulaire d'un brevet l'occasion de demander l'inscription au registre d'un brevet à l'égard duquel un délai antérieur n'a pas été respecté. La tentative a échoué lorsque le supplément à la présentation de drogue nouvelle était simplement requis à cause du changement de la marque nominative du médicament, du nom du fabricant ou des deux à la fois : Ferring Inc. c. Canada (Procureur général) (2003), 26 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.); Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 10 C.P.R. (4th) 318 (C.F. 1re inst.); confirmée par (2002), 16 C.P.R. (4th) 425 (C.A.F.); Toba Pharma Inc. c. Canada (Procureur général) (2002), 21 C.P.R. (4th) 232 (C.F. 1re inst.); AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2004), 36 C.P.R. (4th) 58 (C.F.) (appel en instance).

[16]Dans Ferring, Bristol-Myers et Toba, on a soit conclu soit laissé entendre que le changement de nom était une stratégie pour échapper aux délai s de dépôt des demandes prévus par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Ce type de stratégie n'a pas été constaté ou évoqué dans AstraZeneca .

[17]Dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé) (2004), 31 C.P.R. (4th) 321 (C.A.F.), il a été établi que l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'appliquait à un supplément à la présentation de drogue nouvelle qui ne s'inscrivait pas dans une stratégie ayant pour but de contou rner les délais de dépôt des demandes. Cependant, il a aussi été établi dans cette affaire que le supplément à la présentation de drogue nouvelle visait une nouvelle indication pour le médicament.

[18]En l'espèce, il est admis que le changement du lieu de fabrication et le dépôt d'un supplément à la présentation de drogue nouvelle ont été faits de bonne foi, en ce sens que Hoffmann-La Roche n'a pas changé ses installations de fabrication dans le but de contourner les délais pre scrits. Hoffmann-La Roche soutient que les faits de la présente espèce ne sont pas différents des faits dans Abbott et que le ministre devrait être obligé d'inscrire au registre les brevets 613 et 082.

[19]Le ministre soutient toutefois que les décisions applicables sont Ferring , Bristol-Myers Squibb et Toba. Il affirme que, même s'il a été établi dans chacune de ces décisions que le fabricant de la drogue appliquait une stratégie visant à p roroger les délais de dépôt des demandes, dans chaque cas, la décision reposait sur la nécessité d'éviter une prorogation des délais de dépôt des demandes qui ne serait pas compatible avec le régime réglementaire. En suivant le même raisonnement, le minist re soutient que Hoffmann-La Roche ne devrait pas être autorisée à utiliser un supplément à la présentation de drogue nouvelle déposé relativement au changement des installations de fabrication comme moyen d'avoir accès aux avantages du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

[20]La logique de la position du ministre est convaincante. Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique de concert avec le Règlement sur les aliments et drogues. Les deux règlements utilisent une terminologie identique. C'est en examinant ensemble ces deux régimes réglementaires que la juge McGillis a pu conclure dans Apotex que le terme « demande » à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pouvait désigner soit une présentation de drogue nouvelle, soit un supplément à la présentation de drogue nouvelle. Cependant, elle a tiré cette conclusion dans un contexte factuel particulier où une interprétation relativement large de l'arti cle 4 était conforme au régime réglementaire. Elle n'a pas statué que l'article 4 s'appliquerait nécessairement à tout supplément à une présentation de drogue nouvelle, sans aucune restriction.

[21]Depuis Apotex, il est devenu évident que, à moins qu'un supplément à la présentation de drogue nouvelle soit considéré comme échappant à l'application de l'article 4, le délai fixé dans cette disposition peut être rendu inutile. Progressivement, on a reconnu des exclusions pour des suppléments à la présentation de drogue nouvelle déposés uniquement à cause d'un changement de la marque nominative du médicament ou du nom du fabricant. À mon avis, le ministre a eu raison en l'espèce d'appliquer la même exclusion à un supplément à la présentation de dro gue nouvelle déposé uniquement à cause du changement des installations de fabrication.

[22]Il est allégué pour Hoffmann-La Roche qu'il n'existe aucun critère fondé sur des principes permettant d'établir une distinction entre les suppléments à la présentation de drogue nouvelle qui sont visés par l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et ceux qui ne le sont pas.

[23]Suivant le paragraphe 24 des motifs du jugement visés par le présent appel, un supplément à la présentation de drogue nouvelle échappe à l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), sauf s'il est lié d'une façon ou d'une autre à l'innocuité ou à l'efficacité de la drogue. C'est ce qui ressort du commentaire suivant que l'on trouve au paragraphe 37 de la décision AstraZeneca :

Il existe un lien entre l'application du [Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)] et l'appréciation de l'innocuité et de l'efficacité des produits pharmaceutiques qui doit être faite conformément au Règlement sur les aliments et drogues. Il est raisonnable de conclure que la demande sous-jacente d'inscription d'une liste de brevets au registre doit être compatible avec les objectifs visés par ce régime réglementaire. Or, dans le cas qui nous occupe, ce lien n'est pas évident : la demande sous-jacente vise seulement à apporter un changement administratif au dossier par la modification du nom du fabricant.

[24]La question de l'innocuité et de l'efficacité des drogues est abordée dans le Règlement sur les aliments et drogues. Contrairement à l'énoncé cité ci-dessus, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) n'a aucune incidence sur l'évaluat ion de l'innocuité et de l'efficacité. Même si ce dernier règlement est lié au Règlement sur les aliments et drogues, son objet est d'empêcher la contrefaçon de brevets en offrant à certains fabricants de drogues les avantages décrits plus haut. Je ne suis donc pas convaincue qu'il existe un motif rationnel de limiter l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) aux seuls suppléments à la présentation de drogue nouvelle qui ont une certaine importance en ce qui a trait à l'innocuité ou l'efficacité de la drogue.

[25]Il ne s'ensuit pas qu'il n'existe aucun critère fondé sur des principes permettant d'exclure certains suppléments à la présentation de drogue nouvelle de l'application de l'article 4 d u Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Cependant, le principe sur lequel est fondée l'exclusion doit être lié à l'objet du Règlement, soit empêcher la contrefaçon de brevets. Le changement de la marque nominative d'une drogue, du no m du fabricant d'une drogue ou des installations de fabrication ne peut avoir d'influence sur une action potentielle en contrefaçon de brevet concernant un médicament contenu dans la drogue. Rien ne justifie que l'on permette aux titulaires de brevet d'uti liser une telle modification pour renforcer les avantages qu'ils obtiennent en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Donc, un supplément à la présentation de drogue nouvelle ne tombe pas sous le coup de l'application de l'ar ticle 4 s'il est déposé afin d'indiquer le changement de la marque nominative d'une drogue, le changement du nom du fabricant ou le changement des installations de fabrication.

[26]Je rejetterais le présent appel avec dépens.

Le juge Rothstein, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

Le juge Malone, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

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