T-569-05
2005 CF 842
Savanna Energy Services Corp. (demanderesse)
c.
Technicoil Corporation, Nabors Canada LP, Nabors Drilling Limited, H&R Drillings ULC, Nabors Canada ULC, Ryan Energy Technologies, Nabors Canada et Nabors Industries Limited (défenderesses)
Répertorié : Savanna Energy Services Corp. c. Technicoil Corp. (C.F.)
Cour fédérale, juge Harrington--Calgary, 9 et 14 juin 2005.
Pratique -- Parties -- Jonction -- Appel d'une ordonnance d'une protonotaire accordant l'autorisation d'ajouter six défenderesses à la déclaration et de réclamer des dommages-intérêts -- Déclaration alléguant la violation d'un brevet -- Avant qu'une défense n'ait été produite, une déclaration modifiée nommant de nouvelles défenderesses accompagnée d'une autorisation a été déposée -- Il était allégué que la défenderesse, Nabors Canada LP, avait agi de concert avec les nouvelles défenderesses -- Aucun affidavit relatant les faits qui auraient permis à la Cour de décider si la présence des nouvelles défenderesses était nécessaire n'accompagnait la déclaration modifiée -- En vertu de la règle 104(1)b) des Règles des Cours fédérales, la Cour a le pouvoir d'ordonner la jonction de parties -- La règle 75 permet à la Cour d'autoriser, à tout moment, la modification d'un document -- Examen de la jurisprudence sur la jonction, la modification et la norme de contrôle applicable aux appels interjetés à l'encontre des ordonnances discrétionnaires des protonotaires -- La question de la jonction n'était pas d'une importance vitale pour l'issue de l'affaire -- La Cour a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début -- Malgré la règle 363 concernant le mode de présentation de la preuve dans le cadre des requêtes, une requête en vue de modifier des actes de procédure ne devrait pas être accompagnée d'un affidavit -- Ce principe devrait également s'appliquer à une requête en jonction, à moins que l'affaire soit déjà bien avancée et que la jonction proposée présente un changement radical par rapport à la position antérieure -- Aucune défense n'ayant encore été produite, la défenderesse initiale se trouvait dans la même position que si les nouvelles défenderesses avaient été nommées dès le départ.
lois et règlements cités
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1716.
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 3, 55 (mod., idem, art. 11), 75, 104, 105, 221, 363 (mod. par DORS/2002-417, art. 21(F)). |
jurisprudence citée
décision appliquée :
Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459; (2003), 30 C.P.R. (4th) 40; 315 N.R. 175; 2003 CAF 488; inf. (2003), 24 C.P.R. (4th) 240; 2003 CFPI 159; conf. (2002), 19 C.P.R. (4th) 354; 2002 CFPI 509; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (quant à la question de la norme de contrôle applicable aux appels interjetés à l'encontre des ordonnances discrétionnaires des protonotaires).
décision différenciée :
Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459; (2003), 30 C.P.R. (4th) 40; 315 N.R. 175; 2003 CAF 488; inf. (2003), 24 C.P.R. (4th) 240; 2003 CFPI 159; conf. (2002), 19 C.P.R. (4th) 354; 2002 CFPI 509; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (quant aux faits).
décisions examinées :
Visx Inc. c. Nidek Co. (1996), 72 C.P.R. (3d) 19; 209 N.R. 342 (C.A.F.); Noss Aktiebolag et al. c. Aktiebolaget Celleco et al. (1982), 65 C.P.R. (2d) 105 (C.F. 1re inst.); Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3; [1993] 2 C.T.C. 213; (1993), 93 DTC 5357; 157 N.R. 380 (C.A.); Steward c. North Metropolitan Tramways Company (1886), 16 Q.B.D. 556 (C.A.); Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1993] 1 C.T.C. 2306; (1993), 93 DTC 298 (C.C.I.).
décisions citées :
Anchor Brewing Co. c. Sleeman Brewing & Malting Co. (2001), 15 C.P.R. (4th) 63; 2001 CFPI 1066; Partenaires pharmaceutiques du Canada Inc. c. Faulding (Canada) Inc. (2002), 21 C.P.R. (4th) 166; 2002 CFPI 1010; General Electric Co. c. Wind Power Inc. (2003), 25 C.P.R. (4th) 490; 2003 CFPI 537.
APPEL d'une ordonnance d'une protonotaire accordant à la demanderesse l'autorisation de signifier et de déposer une déclaration modifiée ajoutant six nouvelles défenderesses et une réclamation en dommages-intérêts. Appel rejeté.
ont comparu :
David M. Reive pour la demanderesse.
Tamela J. Coates pour la défenderesse Technicoil.
avocats inscrits au dossier :
Dimock Stratton LLP, Toronto, pour la demanderesse.
Fraser Milner Casgrain LLP, Calgary, pour la défenderesse Technicoil.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
[1]Le juge Harrington : Le présent appel d'une ordonnance de la protonotaire Milczynski soulève une question de procédure intéressante dans le contexte des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)]. Une demande visant à obtenir l'ajout d'autres défendeurs doit-elle être étayée par un affidavit relatant les faits sur lesquels la demande est fondée?
[2]Les faits sont simples. Savanna a produit une déclaration contre les deux premières défenderesses nommées--Technicoil Corporation et Nabors Canada LP--alléguant la violation d'un brevet relatif à des installations de forage. La déclaration a été déposée le 24 mars 2005. Le 3 mai 2005, avant que l'une ou l'autre des défenderesses n'ait produit une défense, Savanna a demandé une ordonnance l'autorisant à déposer et à signifier une déclaration modifiée dont une copie a été jointe à la requête. Une ordonnance datée du 16 mai 2005 a fait droit à la requête malgré les objections de Technicoil. Nabors Canada LP n'a pas comparu à l'audition de la requête. L'ordonnance, qui n'était pas accompagnée de motifs, indique ce qui suit :
[traduction] ET APRÈS avoir pris connaissance des dossiers de requête et avoir entendu les observations des avocats;
[3]Bref, il est allégué dans la déclaration modifiée que la défenderesse, Nabors Canada LP, est ou était une société en nom collectif. Deux des six nouvelles défenderesses en seraient les associées. Les quatre autres nouvelles défenderesses seraient une société en nom collectif, les associées de cette dernière, de même que la société mère de trois des nouvelles défenderesses. Il est allégué que Nabors Canada LP et les nouvelles défenderesses ont agi de concert et dans un but commun pour faire, construire et utiliser des installations de forage en violation du brevet de la demanderesse.
[4]La déclaration a également été modifiée pour réclamer des dommages-intérêts.
[5]Le texte de l'aliéna 104(1)b) des Règles est le suivant :
104. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner :
[. . .]
b) que soit constituée comme partie à l'instance toute personne qui aurait dû l'être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l'instance; toutefois, nul ne peut être constitué codemandeur sans son consentement, lequel est notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour ordonne.
[6]Technicoil fait remarquer que la règle 363 [mod. par DORS/2002-417, art. 21(F)] exige qu'une partie à une requête présente sa preuve par affidavit, relatant tous les faits sur lesquels elle fonde sa requête qui ne figurent pas au dossier de la Cour. Aucun affidavit n'a été présenté à l'appui de la requête, et encore moins un affidavit relatant les faits qui expliquent le statut juridique des nouvelles défenderesses, leurs liens de même que leur pertinence pour l'action, c'est-à-dire des faits qui, d'après Technicoil, permettraient à la Cour de décider si la présence des défenderesses est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige. On a indiqué à l'avocate de Technicoil--et concédé--qu'il y avait risque d'une victoire à la Pyrrhus en ce sens que, à l'exception d'un léger gaspillage de frais et d'une prescription advenant qu'il s'agisse là d'un problème, rien n'empêche Savanna de se désister de l'action et d'en déposer une nouvelle nommant les huit défenderesses. Subsidiairement, une action distincte aurait pu être engagée contre les six nouvelles défenderesses du groupe « Nabor », suivie d'une requête en vue d'obtenir la réunion des instances en vertu de la règle 105.
[7]En revanche, Savanna est d'avis qu'il convient de traiter une requête visant à obtenir l'ajout de défenderesses de la même manière qu'une simple requête de modification présentée en vertu de la règle 75 qui, sous réserve des conditions qui ne s'appliquent pas en l'espèce, prévoit que « la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties ». La Cour d'appel fédérale a clairement indiqué que, si la nature de la modification est claire, il n'est nul besoin de produire une preuve au sujet des faits allégués. Au contraire, dans l'arrêt Visx Inc. c. Nidek Co. (1996), 72 C.P.R. (3d) 19 (C.A.F.), la Cour a statué qu'elle ne devrait pas accepter une preuve au soutien d'une demande d'autorisation de modifier un acte de procédure. En effet, elle doit présumer la véracité des faits allégués dans les modifications proposées pour ce qui est de déterminer s'il convient d'accorder l'autorisation de modifier.
[8]Hormis le fait que le texte des règles 75 et 104 est différent, il convient aussi de noter qu'il est possible de modifier sans autorisation une déclaration si le défendeur n'a pas déposé de défense ou s'il y consent.
[9]Il est admis en l'espèce que la déclaration modifiée révèle bel et bien une cause d'action, en ce sens que Technicoil ne pourrait pas demander à ce stade-ci, en vertu de la règle 221, de la faire radier pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action.
[10]Plusieurs décisions portent sur cette question. Il s'agit, en ordre chronologique, des suivantes : Noss Aktiebolag et al. c. Aktiebolaget Celleco et al. (1982), 65 C.P.R. (2d) 105 (C.F. 1re inst.), le juge Marceau; Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (C.A.); Visx et Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459 (C.A.F.).
[11]Dans Noss, la décision a été rendue en vertu de la Règle 1716 des anciennes règles [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] qui concernait la jonction de parties. Le juge Marceau a rejeté la demande [traduction] « car il n'y a aucune allégation (la déclaration modifiée n'en contient aucune et aucun affidavit n'a été déposé à l'appui de la requête) sur la foi de laquelle l'ordonnance demandée pourrait être accordée ». Il ne s'agit pas d'une décision finale puisqu'il y est question d'allégations à titre subsidiaire dans l'acte de procédure modifié et les affidavits, ce qui a permis aux deux parties de faire valoir que cette décision, interprétée correctement, étaye leur point de vue respectif.
[12]L'arrêt Canderel concernait une requête en vue de faire des modifications, où il n'était pas question d'ajouter de nouveaux défendeurs. À propos des modifications, le juge Décary, J.C.A., s'exprimant au nom de la Cour, a dit à la page 10 :
[. . .] même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.
[13]Il a également repris la question initialement posée par lord Esher M.R., dans Steward c. North Metropolitan Tramways Company (1886), 16 Q.B.D. 556 (C.A.), à la page 558 : [traduction] « dans l'éventualité où la modification serait accueillie présentement, le demandeur serait[-il] dans la même position que celle dans laquelle il aurait été si les défendeurs avaient correctement plaidé dès le début? »
[14]Dans l'arrêt Visx, qui a été aussi tranché en vertu des anciennes règles, il s'agissait d'une autre requête visant à faire des modifications, mais non à ajouter un défendeur. Le juge en chef Isaac a dit [[1996] A.C.F. no 1721, aux paragraphes 15 et 16] :
Dans la plupart des causes, comme en l'espèce, il est inutile de déposer un affidavit [. . .]
Les Règles établissent clairement qu'un acte de procédure doit contenir uniquement les faits essentiels sur lesquels les parties se fondent. Si la nature des modifications est claire, il n'y a pas lieu d'invoquer la preuve devant servir à prouver ces faits. Voir de Korompay c. Ontario Hydro (1990), 34 C.P.R. (3d) 168 (C.F. 1re inst.). Pour déterminer s'il convient d'autoriser la modification d'une défense, il est souvent utile que la Cour se demande si la modification, si elle faisait déjà partie de l'acte de procédure proposé, serait un moyen susceptible d'être radié en vertu de la règle 419. Dans l'affirmative, la modification ne devrait pas être autorisée. Voir, par exemple, Chrysler Canada Ltée c. La Reine, [1978] 1 C.F. 137 (1re inst.). Sur le plan de la procédure, la Cour ne recevra aucune preuve lorsque le motif invoqué pour radier des paragraphes dans une défense est que ces paragraphes ne révèlent aucune cause raisonnable de défense (règle 419(1)a)). La règle 419(2) interdit expressément l'utilisation d'éléments de preuve dans le cadre d'une requête fondée sur la règle 419(1)a). De la même façon, la Cour ne devrait pas accepter une preuve au soutien d'une demande d'autorisation de modifier un acte de procédure en vertu de la règle 420, à moins que cette preuve ne soit nécessaire pour clarifier la nature des modifications proposées. La Cour doit plutôt présumer la véracité des faits allégués dans les modifications pour ce qui est de déterminer s'il convient d'accorder l'autorisation de modifier.
[15]L'arrêt Merck est une décision de la Cour d'appel fédérale--autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême rejetée--concernant une décision par laquelle la Section de première instance [(2003), 24 C.P.R. (4th) 240] a rejeté une demande faisant suite à une ordonnance d'un protonotaire [(2002), 19 C.P.R. (4th) 354] accordant à la défenderesse l'autorisation de produire une défense et une demande reconventionnelle modifiées.
[16]Le juge Décary, J.C.A., s'exprimant au nom de la majorité, a souscrit à la thèse exposée dans Canderel et Visx, à savoir que les actes de procédure modifiés doivent démontrer qu'il existe une question pouvant être instruite. Cependant, il ne s'ensuit pas qu'il faudrait automatiquement accueillir une modification proposée qui montre bel et bien l'existence d'une question pouvant être instruite. Dans Merck, les modifications proposées représentaient un changement radical par rapport à la position défendue par la partie pendant une décennie de procédures et elles désavouaient des aveux faits dans les actes de procédure ainsi qu'au cours de l'interrogatoire préalable. Le juge a conclu que les intérêts de la justice étaient mieux servis par le rejet, dans les circonstances, d'une rétractation d'aveux et de la présentation d'un moyen de défense entièrement nouveau. Il s'est fondé dans une large mesure sur la décision du juge Bowman de la Cour de l'impôt (tel était alors son titre) dans l'affaire Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1993] 1 C.T.C. 2306 (C.C.I.), où il a dit, à la page 2310 [[1993] A.C.I. no 18 (QL) à la page 19] :
On doit accorder à [chacune des modifications] le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite.
[17]L'arrêt Merck est aussi des plus importants parce qu'on y a reformulé la norme de contrôle qui s'applique aux appels formés contre les ordonnances discrétionnaires des protonotaires, au paragraphe 19 :
[. . .] « Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétion-naire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants : a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits. »
[18]Même si le fait d'écarter un défendeur pourrait fort bien être une question primordiale, une ordonnance permettant l'ajout de nouveaux défendeurs n'est pas d'une importance vitale pour l'issue de l'affaire. S'il s'avère en l'espèce que la présence des défenderesses est inutile et que Technicoil est obligée d'engager des dépenses additionnelles, il se pourrait fort bien qu'elle ait droit à ses dépens, quelle que soit l'issue de la cause.
[19]Ayant conclu que la jonction de parties n'est pas une question primordiale pour l'issue de la cause, convient-il que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début parce que la protonotaire n'a pas motivé sa décision? À mon avis, la référence qui est faite aux « dossiers de requête des parties » et au fait d'avoir « entendu les observations des avocats » est suffisante pour m'empêcher de le faire. (Anchor Brewing Co. c. Sleeman Brewing & Malting Co. (2001), 15 C.P.R. (4th) 63 (C.F. 1re inst.); Partenaires pharmaceutiques du Canada Inc. c. Faulding (Canada) Inc. (2002), 21 C.P.R. (4th) 166 (C.F. 1re inst.) (au paragraphe 9); General Electric Co. c. Wind Power Inc. (2003), 25 C.P.R. (4th) 490 (C.F. 1re inst.).) Les protonotaires doivent se prononcer sur un nombre extraordinaire de questions de nature procédu-rale. S'il fallait que chaque ordonnance discrétionnaire soit assortie d'une série complète de motifs en vue de dissuader la partie déboutée d'interjeter appel et d'inviter la Cour à exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire, la situation serait intolérable et, de ce fait, la justice suivrait péniblement son cours. Quoi qu'il en soit, j'aurais exercé mon pouvoir discrétionnaire comme l'a fait la protonotaire.
[20]Cependant, la seconde question qu'a soulevée Technicoil est une question de droit. Si la loi exige qu'une requête visant à joindre des parties soit accompagnée d'un affidavit portant sur des faits nouveaux, l'appel doit être accueilli. L'ordonnance ne dit pas que la protonotaire a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui accorde la règle 55 [mod. par DORS/2004-283, art. 11] pour passer outre à une irrégularité quelconque.
[21]Je conviens avec la protonotaire Milczynski qu'il n'était pas nécessaire que la requête visant à obtenir l'ajout de nouvelles défenderesses soit accompagnée d'un affidavit. Bien que l'analogie entre les règles 75 et 104 soit imparfaite et qu'il soit donc possible de faire une distinction à l'égard des causes citées par Savanna, je ne tiens pas à le faire car, selon moi, les principes qui les sous-tendent s'appliquent tout autant à une requête visée par la règle 104.
[22]Malgré la règle 363, il est bien établi qu'une requête en vue de modifier des actes de procédure ne devrait pas être accompagnée d'un affidavit portant sur les faits nouveaux qui sont relatés dans la modification proposée. Je ne vois pas pourquoi cela ne devrait pas être la même chose pour une demande de modification en vue d'ajouter une nouvelle partie. Il serait inopportun que ces faits, habituellement considérés comme véridiques, fassent l'objet d'un contre-interrogatoire avant le dépôt d'une défense, avant un échange de documents et avant la tenue d'interrogatoires préalables. Je dis cela en ayant à l'esprit la règle 3 :
3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.
[23]Cela ne signifie pas qu'il n'y a aucun cas où une requête visant à joindre une tierce partie ne devrait pas être accompagnée d'un affidavit. Je pense aux cas où l'affaire est déjà bien avancée et où la jonction proposée représente un changement radical par rapport à la position antérieure de la partie, comme dans Merck. Toutefois, en l'espèce, Technicoil n'a pas encore produit de défense. Une action parallèle contre les six nouvelles défenderesses du groupe « Nabor »--avec le risque d'arriver à un jugement différent--pourrait être embarrassante pour la Cour. En l'es pèce, Technicoil se trouve dans la même situation que si les six nouvelles défenderesses du groupe « Nabor » avaient été nommées dès le départ.
[24]Pour ces motifs, l'appel est rejeté, avec dépens.