A-515-04
2005 CAF 215
Ministre de Santé Canada (appelant)
c.
Merck Frosst Canada & Co. (intimée)
Répertorié : Merck Frosst Canada & Co. c. Canada (Ministre de la Santé) (C.A.F.)
Cour d'appel fédérale, juges Desjardins, Noël et Pelletier, J.C.A.--Ottawa, 7 juin 2005.
Accès à l'information -- Appel d'une décision de la Cour fédérale qui a jugé que les documents en cause rencontraient les critères de l'exception prévue à l'art. 20(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information, parce que les renseignements qu'ils reflétaient ne se retrouvaient pas « comme tels » dans le domaine public -- Elle a également jugé que les notes des réviseurs et la correspondance intervenue entre les parties ne devaient pas être communiquées aux termes de l'art. 20(1)b) de la Loi au motif qu'elles furent rédigées en réponse à la demande de l'intimée -- Dès que les renseignements se retrouvent dans le domaine public, ils ne sont plus confidentiels, et ce, même si la forme dans laquelle on les retrouve est différente -- La forme de la présentation des renseignements ne peut en empêcher la divulgation -- Les renseignements contenus aux notes des réviseurs reflétaient certaines informations qui n'émanaient pas de l'intimée -- Le fait que ces notes furent rédigées suite à la demande de l'intimée n'affectait pas cette réalité--Appel accueilli.
lois et règlements cités
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 20(1)b),c).
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 52b)(ii) (mod., idem, art. 50). |
jurisprudence citée
décisions citées :
Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 37 Admin. L.R. 245; 27 C.P.R. (3d) 180; 27 F.T.R. 194 (C.F. 1re inst.); Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale) (1988), 20 C.I.P.R. 302; 30 C.P.R. (3d) 473; 20 F.T.R. 73 (C.F. 1re inst.); Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale), [2000] A.C.F. no 1281 (1re inst.) (QL); Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1988] 1 C.F. 483 (1re inst); conf. par [1989] 1 C.F. 47; (1988), 53 D.L.R. (4th) 246; 32 Admin. L.R. 178; 26 C.P.R. (3d) 407; 87 N.R. 8 (C.A.).
APPEL d'une décision de la Cour fédérale ([2005] 1 R.C.F. 587; (2004), 33 C.P.R. (4th) 211; 256 F.T.R. 255; 2004 CF 959) qui a jugé que les documents en cause rencontraient les critères de l'exception de non-communication prévue à l'alinéa 20(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information, parce que les renseigne-ments qu'ils reflétaient ne se retrouvaient pas « comme tels » dans le domaine public. Appel accueilli.
ont comparu :
Sébastien Gagné pour l'appelant.
Karl Delwaide et Karine Joizil pour l'intimée.
avocats inscrits au dossier :
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.
Fasken Martineau DuMoulin s.e.n.c.r.l., Montréal, pour l'intimée.
Voici les motifs du jugement de la Cour prononcés en français à l'audience par
[1]La juge Desjardins, J.C.A. : Le premier juge a commis une erreur de droit en jugeant que les documents en cause rencontrent les critères de l'exception prévue à l'alinéa 20(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, modifiée (la Loi), parce que les renseignements qu'ils reflètent ne se retrouvent pas « comme [tels] » dans le domaine public (voir le paragraphe 53 de la décision sous appel, répertoriée sous le nom Merck Frosst Canada & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), [2005] 1 R.C.F. 587 (C.F.)).
[2]Selon nous, dès que les renseignements se retrouvent dans le domaine public, ils ne sont plus confidentiels et ce même si la forme dans laquelle on les retrouve est différente.
[3]S'en remettre à la forme sous laquelle sont présen-tés les renseignements pour conclure qu'un document rencontre les critères de l'exception prévue à l'alinéa 20(1)b) de la Loi est nécessairement contraire à l'esprit de la Loi et à la jurisprudence à date sur ce point (Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 37 Admin. L.R. 245 (C.F. 1re inst.), aux pages 254 et 255; Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale) (1988), 20 C.I.P.R. 302 (C.F. 1re inst.), aux pages 306 et 307; Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale), [2000] A.C.F. No. 1281 (1re inst.) (QL), au paragraphe 9). Ce qui importe ce sont les renseignements. La forme de leur présentation ne peut en empêcher la divulgation.
[4]Le premier juge ne pouvait donc conclure que parce que les renseignements reflétés dans les documents ne se retrouvent pas dans le domaine public « comme [tels] », ces pages sont confidentielles.
[5]Il est possible, comme le soulève l'avocat de l'intimée, que le premier juge avait à l'esprit l'alinéa 20(1)c), mais ce n'est pas ce qu'il a dit et ce n'est pas ce que nous comprenons de son jugement. Si c'était ce que le premier juge avait à l'esprit, il a pris un chemin, tel, que son erreur devient inextricable.
[6]Le premier juge ne pouvait non plus conclure que les notes des réviseurs et la correspondance intervenue entre les parties ne devaient pas être communiquées aux termes de l'alinéa 20(1)b) de la Loi au seul motif qu'elles furent rédigées en réponse à la demande de l'intimée. Les renseignements contenus aux notes des réviseurs reflètent certaines informations qui n'émanent pas de l'intimée, et le fait que ces notes furent rédigées suite à la demande de l'intimée n'affecte en rien cette réalité (Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1988] 1 C.F. 483 (1re inst.); conf. par [1989] 1 C.F 47 (C.A.)).
[7]Ces erreurs ayant été identifiées, notre Cour pourrait entreprendre elle-même une revue des milliers de documents en cause pour déterminer, d'une part, si l'alinéa 20(1)c) doit trouver application et, si non, si l'une ou l'autre des autres exceptions est applicable.
[8]Nous ne croyons pas que les intérêts de la justice seraient ainsi bien servis. Dans les circonstances, l'appel sera accueilli avec dépens tant en première instance qu'en appel, la décision du premier juge sera infirmée et l'affaire sera retournée devant la Cour fédérale, aux termes de l'alinéa 52b)(ii) (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 50) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)], pour nouvelle détermination devant un autre juge qui devra tenir compte des présents motifs.